Language of document : ECLI:EU:F:2011:87

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

20 juin 2011 (*)

«Fonction publique – Fonctionnaires – Recours indemnitaire ayant pour objet la taxation des dépens – Irrecevabilité»

Dans l’affaire F‑67/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Luigi Marcuccio, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de M. H. Tagaras (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. S. Van Raepenbusch, juges,

greffier: Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 18 août 2010 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 23 août suivant), M. Marcuccio demande, notamment, la condamnation de la Commission européenne à réparer le préjudice qu’il aurait subi du fait du refus de celle-ci de lui rembourser les dépens récupérables prétendument exposés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 4 novembre 2008 (Marcuccio/Commission, F‑41/06, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑20/09 P).

 Faits à l’origine du litige

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2006 et enregistrée sous la référence F‑41/06, le requérant, alors fonctionnaire à la direction générale (DG) «Développement» de la Commission, demandait, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission l’ayant mis à la retraite pour cause d’invalidité ainsi que d’une série d’actes connexes à ladite décision et, d’autre part, la condamnation de la Commission à lui payer des dommages-intérêts.

3        Par l’arrêt Marcuccio/Commission, précité, le Tribunal a annulé la décision de la Commission de mettre le requérant à la retraite pour cause d’invalidité, a condamné la Commission à lui verser la somme de 3 000 euros et a laissé à la charge de celle-ci ses propres dépens ainsi que les deux tiers de ceux exposés par le requérant, ce dernier devant seulement supporter un tiers de ses propres dépens. Le recours a été rejeté pour le surplus.

4        Par note datée du 22 septembre 2009, le requérant a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») d’une demande, au titre de l’article 90 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut»), tendant à ce que la Commission lui rembourse les dépens qu’il avait supportés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Marcuccio/Commission, précité, ce qui correspondait, selon cette note, à un montant de 32 413,13 euros.

5        S’étant rendu compte qu’il avait commis une erreur quant au montant indiqué dans la note du 22 septembre 2009 – ce montant correspondant en effet à la totalité des frais qu’il estimait avoir supportés dans l’affaire en question et non pas aux deux tiers de ceux-ci selon la répartition décidée par le Tribunal – le requérant a modifié sa demande, par note du 8 octobre 2009, en réduisant d’un tiers le montant des dépens réclamés et en demandant cette fois la somme de 21 608,75 euros à la Commission.

6        Estimant que le silence gardé par l’AIPN sur cette demande avait donné naissance à une décision implicite de rejet (ci-après la «décision litigieuse»), le requérant a sollicité, par une nouvelle note du 5 avril 2010 adressée à l’AIPN, l’annulation de la décision litigieuse et le versement immédiat de la somme de 21 608,75 euros, assortie des intérêts de retard à partir de la date à laquelle la Commission avait reçu la note du 22 septembre 2009.

7        Par note du 27 avril 2010, le chef adjoint de l’unité «Recours» de la DG «Ressources humaines et sécurité» a informé le requérant, avec copie au service juridique de la Commission, que toute demande de paiement des dépens était à envoyer aux agents du contentieux, à leur adresse au service juridique de la Commission. Le requérant n’a pas contacté ce service.

8        En cours d’instance, par lettre datée du 2 septembre 2010, le service juridique de la Commission a fait part au requérant de sa position suivant laquelle le montant réclamé, soit 21 608,75 euros, était excessif. Par la même lettre il lui a fait une offre motivée de 14 000 euros.

9        Cette lettre, dont le requérant prétend avoir pris connaissance le 13 octobre 2010, est restée sans réponse.

 Conclusions des parties et procédure

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision litigieuse (ci-après le «premier chef de conclusions»);

–        annuler, pour autant que de besoin, la «décision portant rejet de la réclamation du 5 avril 2010» introduite à l’encontre de la décision litigieuse (ci-après le «deuxième chef de conclusions»);

–        annuler, pour autant que de besoin, la note de la Commission du 27 avril 2010 (ci-après le «troisième chef de conclusions»);

–        condamner la Commission à lui verser la somme de 21 608,75 euros, majorée des intérêts calculés au taux de 10 % par an avec capitalisation annuelle, à compter de la date de la note du 22 septembre 2009 et jusqu’au paiement effectif de la somme qui vient d’être mentionnée (ci-après le «quatrième chef de conclusions»);

–        condamner la Commission aux dépens.

11      Par acte séparé introduit le 8 octobre 2010, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure, en soutenant que le recours était manifestement irrecevable; subsidiairement, elle a, par le même acte, introduit une demande tendant à ce que le Tribunal constate, sur le fondement de l’article 75 du règlement de procédure, qu’il n’y a plus lieu de statuer. En tout cas, elle concluait à ce qu’il plaise au Tribunal condamner le requérant aux dépens dans l’affaire faisant l’objet de la présente ordonnance. Le 8 novembre 2010, le requérant a présenté ses observations écrites sur cette demande, en soulignant que son recours ne tendait pas à la taxation, en vertu de l’article 92 du règlement de procédure, des dépens dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Marcuccio/Commission, précité, mais à l’annulation de la décision litigieuse ainsi qu’à la réparation du dommage découlant de ladite décision.

 Sur l’exception d’irrecevabilité

12      Conformément aux dispositions de l’article 78 du règlement de procédure, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité, sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur la demande est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Par ailleurs, le Tribunal statue sur la demande par voie d’ordonnance motivée.

13      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer par voie d’ordonnance motivée sans engager le débat au fond.

 Sur le troisième chef de conclusions 

14      Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut est une condition indispensable de la recevabilité de tout recours formé par les fonctionnaires contre l’institution dont ils relèvent. Seules constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci.

15      En l’espèce, force est de constater que la note du 27 avril 2010 émanant du chef adjoint de l’unité «Recours» de la DG «Ressources humaines et sécurité» ne répond manifestement pas à ces exigences, dans la mesure où elle se borne à informer le requérant que pour la taxation des dépens il convient de s’adresser au service juridique de la Commission. En ce sens, la note en question, qui constitue une lettre purement informative, n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

16      Il s’ensuit que le troisième chef de conclusions doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les premier et deuxième chefs de conclusions

17      Le requérant fait valoir que la note du 22 septembre 2009, telle que modifiée le 8 octobre 2009, et celle du 5 avril 2010 constitueraient respectivement une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut et une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et que le silence gardé pendant quatre mois par l’administration sur ces notes aurait, en application des dispositions susmentionnées, donné naissance à deux décisions de rejet, une première décision rejetant la demande contenue dans la note du 22 septembre 2009, note modifiée le 8 octobre 2009, et une seconde décision rejetant la réclamation contenue dans la note du 5 avril 2010.

18      Toutefois, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante (arrêts du Tribunal de première instance du 18 décembre 1997, Gill/Commission, T‑90/95, point 45; du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, point 68, et du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑209/99, point 32), la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, les conclusions en annulation ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité. En effet, selon cette même jurisprudence, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité.

19      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les premier et deuxième chefs de conclusions, le présent recours n’ayant pas d’autre objet que celui d’obtenir réparation des préjudices que le requérant estime avoir subis en raison des agissements de la Commission.

 Sur le quatrième chef de conclusions

20      Il importe de rappeler à titre liminaire que le droit de la fonction publique de l’Union européenne prévoit une procédure spécifique de taxation des dépens lorsque les parties s’opposent sur le montant et la nature des dépens récupérables suite à une décision par laquelle le Tribunal a mis fin à un litige et a statué sur la charge des dépens. Ainsi, aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, «[s]’il y a contestation sur le montant et la nature des dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance motivée à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations».

21      Par ailleurs, selon la jurisprudence, la procédure spécifique, prévue à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, tendant à la taxation des dépens, est exclusive d’une revendication des mêmes sommes, ou de sommes exposées aux mêmes fins, dans le cadre d’une action mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, point 297, partiellement annulé sur pourvoi par l’arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P). Ainsi, un requérant ne saurait être recevable à former, sur le fondement de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, une requête ayant, en réalité, le même objet qu’une demande de taxation des dépens (voir ordonnance du Tribunal du 10 novembre 2009, Marcuccio/Commission, F‑70/07, point 17).

22      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le requérant sollicite, dans son quatrième chef de conclusions, la condamnation de la Commission à lui payer, avec intérêts moratoires et capitalisation desdits intérêts, la somme de 21 608,75 euros à titre de dommages-intérêts. Il explique en effet qu’il aurait subi un préjudice résultant du refus – opposé par l’administration à la note du 22 septembre 2009, telle que modifiée le 8 octobre 2009, et à celle du 5 avril 2010 – de lui rembourser les dépens qu’il aurait exposés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Marcuccio/Commission, précité, pour un montant de 21 608,75 euros. Or, ainsi qu’il résulte notamment de la lettre du 2 septembre 2010 (voir point 8 de la présente ordonnance), la Commission ne refuse pas de payer au requérant la fraction des dépens mise à sa charge par l’arrêt Marcuccio/Commission, précité, mais conteste le montant revendiqué par le requérant à ce titre.

23      Il s’ensuit que le quatrième chef de conclusions doit également être rejeté comme manifestement irrecevable. En effet, l’existence de la procédure spécifique prévue à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure s’oppose, sous peine d’irrecevabilité, à ce que le requérant forme, sur le fondement de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, un recours indemnitaire ayant, en réalité, le même objet qu’une demande de taxation des dépens.

24      Il résulte de ce qui précède que l’exception d’irrecevabilité introduite au titre de l’article 78 du règlement de procédure doit être accueillie. Le recours doit, dès lors, être rejeté dans son ensemble comme irrecevable.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

26      Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

ordonne:

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Marcuccio est condamné à l’ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 20 juin 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Tagaras

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu et font, en principe, l’objet d’une publication, par ordre chronologique, au Recueil de la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal ou au Recueil de jurisprudence – Fonction publique, selon le cas.


* Langue de procédure: l’italien.