Language of document : ECLI:EU:F:2012:65

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

16 mai 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Demande d’assistance – Harcèlement moral et traitement discriminatoire – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire F‑61/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

AF, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me F. Frabetti, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Martin et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. K. Bradley, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er février 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 24 juillet 2010, AF a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision par laquelle la Commission européenne a rejeté sa demande d’assistance pour harcèlement moral et sa demande indemnitaire, ainsi qu’à la condamnation de la Commission au versement de dommages-intérêts.

 Cadre juridique

2        L’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), énonce :

« Dans l’application du présent statut est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

[…] »

3        L’article 12 du statut prévoit :

« Le fonctionnaire s’abstient de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction. »

4        L’article 12 bis du statut est rédigé comme suit :

« 1. Tout fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel.

[…]

3. Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

[…] »

5        Aux termes de l’article 24, premier alinéa, du statut :

« Les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions. »

 Faits à l’origine du litige

6        La partie requérante est fonctionnaire de la Commission depuis le 1er janvier 1981, promue en dernier lieu au grade AST 9 le 1er mars 2008. Depuis 1983, elle occupe le poste d’assistante de gestion de programmes – « back office manager », dont les tâches principales comprennent des activités de back-office pour la gestion des emprunts et prêts CE/EURATOM et CECA consentis par la Commission, la gestion budgétaire de contrats externes et la préparation de rapports et de statistiques. Du 1er mai 2002 au 31 juillet 2008, elle a été affectée à l’unité L.5 « Trésorerie, emprunts et fonds de garantie » (ci-après l’« unité L.5 ») de la direction L « Opérations financières, gestion de programmes et liaison avec le groupe BEI » (ci-après la « direction L ») de la direction générale (DG) « Affaires économiques et financières », unité placée sous les ordres, à partir d’avril 2004, de M. X (ci-après le « chef de l’unité L.5 »).

7        En 2006, un incident a opposé la partie requérante au chef de l’unité L.5 concernant une absence de la requérante. Ainsi, le 28 août 2006, le chef de l’unité L.5 a envoyé un courriel à plusieurs membres de l’unité R.1 « Ressources humaines et administration » (ci-après l’« unité ‘Ressources humaines’ ») de la direction R « Ressources » de la DG « Affaires économiques et financières » pour les informer de ce que la partie requérante était absente depuis une semaine, ce qui causait des problèmes pour l’organisation du travail dans l’unité L.5. Le lendemain, le chef de l’unité L.5 a complété son courriel en annonçant à ses correspondants que la partie requérante avait téléphoné pour lui faire part de ce qu’elle était absente pour des raisons personnelles justifiées. À son retour le 4 septembre 2006, la partie requérante a envoyé un courriel au chef de l’unité L.5 ainsi qu’aux destinataires des courriels susmentionnés dans lequel elle expliquait qu’elle avait dû s’absenter urgemment le 20 août 2006 parce que sa mère était tombée gravement malade et indiquait que son mari avait donné les raisons de son absence le 21 août 2006 à l’unité « Ressources humaines ». Dans un courriel du 20 septembre 2006 au directeur de la direction L, la partie requérante a contesté que son absence ait affecté l’exécution de ses tâches.

8        En 2007, plusieurs incidents ont opposé la partie requérante et sa hiérarchie. Entre le 2 et le 16 avril 2007, la partie requérante a échangé des courriels avec le chef de l’unité L.5, relatifs à un courriel qu’elle avait envoyé, le 23 mars précédent, au chef de l’unité L.4 « Comptabilité et gestion du risque » (ci-après le « chef de l’unité L.4 ») et en copie, entre autres personnes, au chef de l’unité L.5 et au chef de l’unité L.3 « Emprunts, prêts et gestion des programmes » (ci-après le « chef de l’unité L.3), courriel dans lequel elle avait qualifié une démarche entreprise par le chef de l’unité L.3 et par le chef de l’unité L.4 comme contraire aux règles de bonne pratique.

9        Les 13 et 14 septembre 2007, un échange de courriels a eu lieu entre la partie requérante et le chef de l’unité L.5 portant sur deux demandes de ce dernier visant, l’une, à ce que la partie requérante prépare un compte rendu de la vidéoconférence tenue, le 12 septembre 2007, par M. Almunia, membre de la Commission chargé des affaires économiques et financières, et à laquelle tout le personnel de la DG « Affaires économiques et financières » était invité, et l’autre, à ce qu’elle justifie ou corrige l’enregistrement de l’heure de son départ du travail ce même 12 septembre 2007.

10      Suite au départ, le 1er février 2008, d’un fonctionnaire de l’unité L.5, Mme Y, la partie requérante a accepté d’assumer, à titre provisoire, jusqu’au recrutement d’un successeur et en plus de ses propres tâches, une partie des tâches de Mme Y, à savoir les couvertures budgétaires, le reversement au budget et les rapports périodiques à la direction D « Affaires économiques et financières internationales » de la DG « Affaires économiques et financières » et à la DG « Budget » (ci-après les « tâches supplémentaires »).

11      Le 29 février 2008, la partie requérante a eu un entretien avec le chef de l’unité L.5 sur l’établissement de son rapport d’évolution de carrière portant sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007 (ci-après le « REC 2007 »). Ce même jour, la partie requérante a envoyé un courriel au directeur de la direction L pour l’informer de ce que, pendant cet entretien, le chef de l’unité L.5 lui aurait indiqué qu’elle allait être définitivement chargée, en plus de son travail habituel, des tâches supplémentaires.

12      Le 17 mars 2008, la partie requérante a reçu un courriel du chef de l’unité L.5 par lequel elle était invitée, notamment, à introduire ses objectifs pour 2008 dans le système informatique de gestion du personnel (ci-après « SysPer »). Le même jour, la partie requérante a répondu au chef de l’unité L.5 qu’elle ne pourrait pas assumer de façon permanente les tâches supplémentaires, lesquelles, à son avis, constituaient l’essentiel des tâches correspondant au poste de Mme Y, car ces nouvelles tâches lui causeraient une surcharge de travail et du stress. La partie requérante a toutefois réitéré son accord pour les assumer provisoirement et a annoncé son intention de rédiger ses objectifs pour 2008 dans ce sens.

13      Le 18 mars 2008, le chef de l’unité L.5 a envoyé un courriel à la partie requérante dans lequel il contestait l’affirmation selon laquelle les tâches supplémentaires représenteraient la majeure partie des tâches de Mme Y. Le chef de l’unité L.5 expliquait ensuite que l’attribution des tâches supplémentaires à la partie requérante lui paraissait appropriée dans la mesure où ces tâches exigeaient, en moyenne, sept jours de travail par mois et où le volume des tâches principales de la partie requérante, à savoir les activités de back-office pour la gestion des emprunts et des prêts, avait diminué. Le chef de l’unité L.5 promettait enfin à la partie requérante de tenir compte de son stress lorsque des décisions à propos de l’organisation de l’unité devraient être prises.

14      Le 27 mars 2008, la partie requérante a adressé au chef de l’unité L.5 un courriel en réponse dans lequel elle exposait plusieurs raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas accepter que les tâches supplémentaires soient ajoutées définitivement à ses fonctions.

15      Par courriel de ce même 27 mars 2008, le chef de l’unité L.5 a demandé à la partie requérante de préparer des tableaux de l’évolution des prêts et des emprunts depuis la fin de l’année 2000, afin de vérifier si le volume de ses tâches habituelles avait effectivement diminué. Cette demande a donné lieu à un échange de courriels entre la partie requérante et le chef de l’unité L.5 qui s’est poursuivi jusqu’au 14 avril 2008.

16      Par un autre courriel de ce même 27 mars 2008, adressé en copie, entre autres personnes, au chef de l’unité L.5, la partie requérante a signalé que les activités du back-office en matière d’emprunts et de prêts et de gestion des contrats externes, dont elle était responsable, n’avaient pas été incluses dans le plan des activités principales de l’unité L.5.

17      Le 28 mars 2008, le chef de l’unité L.5, en validant les objectifs de la requérante pour 2008, a modifié ceux liés aux tâches supplémentaires. Les objectifs pour 2008 de la partie requérante tels que modifiés par le chef de l’unité L.5 se lisaient, en ce qui concerne les tâches supplémentaires concernées par la présente affaire, comme suit :

« Assurer à la place d’un fonctionnaire partant à partir du [1er février 2008] les [c]ouvertures budgétaires, le [r]eversement au [b]udget, les rapports périodiques à [la direction ‘Affaires économiques et financières internationales’ de la DG ‘Affaires économiques et financières’] et à la DG [‘Budget’]. Assurer le transfer[t] à [une collègue] des connaissances relatives à ces tâches. Une reprise de ces fonctions par un nouveau fonctionnaire à recruter sera discutée suite au recrutement. »

18      Le même 28 mars 2008, la partie requérante, par courriel adressé notamment au chef de l’unité L.5 et au directeur de la direction L, a manifesté son désaccord avec la modification de ses objectifs pour 2008, telle que décrite au point précédent. Ce même jour, le chef de l’unité L.5 a envoyé un courriel au directeur de la direction L pour lui expliquer que la modification des objectifs pour 2008 de la partie requérante était justifiée par la réduction du nombre et du volume des opérations concernant le service de la dette, opérations dont s’occupait la partie requérante.

19      Par courriel du 31 mars 2008, la partie requérante a informé le chef de l’unité L.5 qu’elle avait décidé de saisir le directeur de la direction L, ainsi que le directeur de la direction « Ressources humaines » de la DG « Affaires économiques et financières » (ci-après le « directeur des ressources humaines ») de l’attribution des tâches supplémentaires. Le même jour, elle a envoyé une note au directeur de la direction L et au directeur des ressources humaines dans laquelle elle accusait le chef de l’unité L.5 de la harceler moralement depuis sa nomination comme chef de l’unité L.5 en 2004.

20      Le 2 avril 2008, la partie requérante a envoyé au chef de l’unité L.5, avec copie au directeur de la direction L et au directeur des ressources humaines, un courriel dans lequel elle dénonçait la violation, au sein de l’unité L.5, des règles en matière de sécurité et de protection des données.

21      Le 3 avril 2008, la partie requérante a adressé une note au directeur de la direction L et au directeur des ressources humaines dans laquelle elle affirmait que des irrégularités de procédure avaient été commises lors de l’établissement du REC 2007.

22      Le 21 avril 2008, la partie requérante a eu un entretien avec le directeur des ressources humaines au sujet du harcèlement qu’elle avait prétendument subi de la part du chef de l’unité L.5. Lors de cet entretien, elle a demandé « soit son éloignement avec son poste et ses fonctions [de] responsable du back-office pour les emprunts [et] prêts […] CE/EURATOM/[balance des paiements], soit avoir un autre poste au sein d’une autre unité de la [direction L] ».

23      Ce même 21 avril 2008, après son entretien avec lui, la partie requérante a envoyé cinq notes au directeur des ressources humaines. Dans la première note, elle exprimait son désaccord avec la décision du chef de l’unité L.5 de nommer une personne assurant des tâches de secrétaire pour assumer en son absence les fonctions d’agent initiateur opérationnel (ci-après « AIO ») qui lui étaient attribuées. Dans la deuxième note, la partie requérante informait le directeur des ressources humaines de ce que, en 2006, elle s’était aperçue qu’un tableau récapitulant les points de mérite attribués aux fonctionnaires de l’unité L.5 au titre des exercices d’évaluation 2002 à 2005 avait été mal archivé dans le système de classement de l’unité L.5, de sorte que ce tableau était accessible à tout le personnel, en violation des règles relatives à la protection des données. Dans la troisième note, la partie requérante dénonçait les pratiques en matière d’enregistrement du temps de travail, dans le cadre des horaires flexibles, en vigueur dans l’unité L.5, pratiques qu’elle considérait comme contraires aux lignes directrices de la direction « Ressources » et sur lesquelles, en septembre 2007, elle avait attiré l’attention de sa hiérarchie. Dans la quatrième note, la partie requérante faisait part d’une crise nerveuse dont elle avait été victime le 28 mars 2008 à cause de difficultés professionnelles et de la nécessité pour elle, pour des raisons médicales, de s’éloigner de son environnement de travail pour une durée non spécifiée. La cinquième note, dans laquelle la partie requérante résumait la liste des documents fournis au directeur des ressources humaines pendant l’entretien du 21 avril 2008, contenait une copie des courriels, notes et autres documents mentionnés aux points 7, 8, 9, 15, 16 et 20 du présent arrêt, un courriel d’avril 2006 et des notes de mars, d’avril et de juin 2006 concernant l’existence d’une erreur dans un système informatique, un échange de courriels du mois d’août 2005 entre, notamment, la partie requérante et le chef de l’unité L.5 et une note d’août 2005 sur la centralisation des bases de données au sein de la direction A « Études et recherches économiques » de la DG « Affaires économiques et financières », ainsi qu’une copie du compte rendu de la réunion des directeurs de cette même direction générale du 6 septembre 2006.

24      À compter du 23 avril 2008, la partie requérante a bénéficié d’un congé de maladie, congé qui prendra fin le 3 mai 2009 (voir point 46 du présent arrêt).

25      Par note du 14 mai 2008, envoyée en copie à plusieurs personnes et que la partie requérante déclare avoir reçue le 8 juillet suivant, le chef de l’unité L.5 a informé cette dernière du fait que, pendant son absence, l’accès à des dossiers essentiels n’était pas possible étant donné que tous les dossiers gardés dans son bureau se trouvaient sous clé et que certaines informations sur son travail en cours n’étaient pas disponibles. Dès lors, le chef de l’unité L.5 lui demandait de lui fournir, dans le délai de trois jours ouvrables après son retour au travail, la liste des tâches en cours et récurrentes, avec le nom de la personne formée pour les exécuter pendant son absence, ainsi que la liste des dossiers gardés dans ses armoires.

26      Par courriel du 26 mai 2008, la partie requérante a demandé au directeur des ressources humaines de suspendre la procédure de notation la concernant au titre de l’exercice de notation 2007 jusqu’à la reprise de ses fonctions.

27      Ce même 26 mai 2008, le chef de l’unité « Ressources humaines » a envoyé une lettre au domicile de la partie requérante, à laquelle était joint un exemplaire du REC 2007. Par cette lettre, la partie requérante était invitée à finaliser le REC 2007, soit en se connectant de son domicile à SysPer, soit en renvoyant l’exemplaire joint, dûment complété et signé.

28      Le 9 juillet 2008, la partie requérante a adressé un courriel au chef de l’unité L.5, en réponse à sa note du 14 mai 2008 relative au suivi de ses dossiers en cas d’absence, dans lequel, notamment, elle contestait l’affirmation selon laquelle elle garderait des dossiers sous clé dans son bureau et lui indiquait qu’elle considérait qu’il avait essayé de la discréditer en adressant copie de ladite note à plusieurs personnes.

29      Le 18 juillet 2008, la partie requérante a envoyé un courriel au directeur des ressources humaines pour l’informer de la note du 14 mai 2008 du chef de l’unité L.5, ainsi que de la réponse qu’elle lui avait faite.

30      Le 31 juillet 2008, la partie requérante a reçu un courriel du chef de l’unité L.4 par lequel elle était informée de la réorganisation, à compter du 1er août 2008, de la DG « Affaires économiques et financières », aux termes de laquelle, à partir de cette date, son poste et ses fonctions seraient transférés, y compris les tâches supplémentaires, à l’unité L.4.

31      Le 4 août 2008, la partie requérante a adressé un courrier au chef de l’unité « Structure des carrières, évaluation et promotion » de la direction « Personnel et carrière » de la DG « Personnel et administration » dans lequel elle dénonçait des irrégularités administratives commises à son égard et lui demandait de suivre son dossier. Cette demande est restée sans suite.

32      Le 29 août 2008, la partie requérante a reçu un courriel du directeur des ressources humaines, en réponse à son courriel du 18 juillet 2008, dans lequel ce dernier lui communiquait que, suite à leur entretien du 21 avril 2008, il avait proposé son transfert vers une autre unité, car il ne voyait pas d’amélioration possible de sa relation avec le chef de l’unité L.5.

33      Le 16 septembre 2008, le directeur général de la DG « Affaires économiques et financières » a adressé à tout le personnel de la direction générale une note au sujet de la réorganisation de la direction générale. Dans cette note, le directeur général annonçait notamment le transfert des activités de back-office de l’unité L.5 à l’unité L.4 et des activités de gestion des emprunts de l’unité L.3 à l’unité L.5.

34      Le 29 septembre 2008, la partie requérante a rencontré le directeur des ressources humaines, le chef de l’unité L.6 « Actions de capital-risque et financement des [petites et moyennes entreprises] » (ci-après le « chef de l’unité L.6 ») et le président de la section locale de Luxembourg (Luxembourg) du comité du personnel afin de discuter des conséquences de la réorganisation de l’unité L.5 sur sa reprise de fonctions et sa réintégration.

35      Le 1er octobre 2008, la partie requérante a reçu un courriel du chef de l’unité L.5, envoyé à tout le personnel de l’unité, concernant la conduite à suivre pour l’enregistrement du temps de travail dans le cadre des horaires flexibles.

36      Le 13 octobre 2008, la partie requérante a transmis au directeur des ressources humaines le courriel susmentionné du 1er octobre 2008. Ce même jour, elle lui a également envoyé une note dans laquelle elle exprimait son intention de postuler à un emploi qui était vacant à l’unité « Gestion et contrôle financier » de la direction « Ressources humaines », ainsi que ses soucis concernant la réorganisation de la DG « Affaires économiques et financières ». Elle lui faisait part de ce que l’activité de gestion des emprunts ayant été transférée de l’unité L.3 à l’unité L.5 et les activités de back-office, qu’elle assumait, ayant été transférées à l’unité L.4, elle continuerait à avoir des contacts professionnels avec l’unité L.5.

37      Le 14 octobre 2008, la partie requérante a postulé à l’emploi vacant à l’unité « Gestion et contrôle financier » de la direction « Ressources ». Sa candidature n’a pas été retenue.

38      Le 20 octobre 2008, la partie requérante a envoyé un courriel au chef de l’unité L.4 dans lequel elle soulignait que les tâches supplémentaires, qu’elle avait assumées de façon provisoire, ne correspondaient pas à son poste de travail mais à un autre poste et ne lui avaient pas été assignées officiellement.

39      Le 13 janvier 2009, une réunion s’est tenue entre la partie requérante, le directeur des ressources humaines, le chef de l’unité L.4, le chef de l’unité L.6 et le président de la section locale de Luxembourg du comité du personnel concernant le retour au travail de la partie requérante.

40      Le 14 janvier 2009, la partie requérante a reçu un courriel du chef de l’unité L.4, dans lequel ce dernier lui proposait de modifier ses tâches au sein de l’unité L.4 afin d’éviter tout contact direct, sur une base régulière, avec les unités L.3 et L.5. Ainsi, les tâches qu’elle avait exercées quand elle était en poste à l’unité L.5, jusqu’en avril 2008, seraient transférées à un nouveau collègue de l’unité L.4, que la partie requérante devrait former. Dans un premier temps, elle s’occuperait du back-office pour les emprunts CECA et, plus tard, des tâches additionnelles lui seraient assignées.

41      Le 20 janvier 2009, la partie requérante a adressé un courriel au chef de l’unité L.4 indiquant les motifs pour lesquels elle ne pouvait pas accepter sa proposition, du 14 janvier 2009, de modification de ses tâches.

42      Le 22 janvier 2009, la partie requérante a envoyé un courriel à la DG « Personnel et administration » dans lequel elle faisait part des notes, restées sans suite, qu’elle avait envoyées au directeur des ressources humaines, au directeur de la direction L et au chef de l’unité « Structure des carrières, évaluation et promotion » de la direction « Personnel et carrière » de la DG « Personnel et administration » pour les informer de certaines irrégularités commises dans l’établissement du REC 2007 et dans la fixation de ses objectifs pour 2008.

43      Le 11 février 2009, la partie requérante a reçu, par courriel, une note du chef de l’unité L.4, datée du même jour, dans laquelle elle était invitée à reprendre, au sein de l’unité L.4 et dans les meilleurs délais, les fonctions qu’elles avaient exercées jusqu’en avril 2008 à l’unité L.5.

44      Par courriel du 18 février 2009, la partie requérante a formellement demandé l’intervention du médiateur de la Commission. Après un rappel le 23 février suivant, cette demande est restée sans suite.

45      Le 23 février 2009, la partie requérante a adressé un courriel au chef de l’unité L.4 dans lequel elle faisait part, notamment, de sa décision de mettre en œuvre les « procédures prévues » par le statut. Elle lui indiquait également qu’il n’avait pas donné à sa note du 11 février 2009 concernant la reprise de ses fonctions le caractère de document confidentiel, ce qui était contraire aux règles de protection des données personnelles.

46      Le 4 mai 2009, le congé de maladie de la partie requérante ayant pris fin, celle-ci a repris, dans l’unité L.4, les fonctions qu’elles exerçaient auparavant dans l’unité L.5, y compris les tâches supplémentaires.

47      Par note du 1er juillet 2009, enregistrée par la Commission le lendemain, la partie requérante a introduit une demande d’assistance, au titre de l’article 24 du statut, pour le harcèlement moral et le traitement discriminatoire dont elle estimait avoir été victime pendant la période allant de l’année 2004 jusqu’au 1er juillet 2009 (ci-après la « demande d’assistance »). Dans cette note, la partie requérante présentait également une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tendant au versement par la Commission de la somme de 600 000 euros en réparation du préjudice moral subi (ci-après la « demande indemnitaire »).

48      Par décision du 28 septembre 2009, la Commission a rejeté la demande d’assistance et la demande indemnitaire. Dans cette décision, il est précisé que « [l]es services responsables, notamment [l’unité ‘Recours’ de la direction ‘Statut : politique, gestion et conseil’ de la DG ‘Personnel et administration’] et [l’Office d’investigation et de discipline (IDOC)], ont soigneusement examiné [la demande d’assistance] et sont arrivés à la conclusion que le comportement de la part [du chef de l’unité L.5] dont [la partie requérante se plaint], ne correspond pas à la définition d[u] harcèlement telle qu’établie à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut ».

49      Par note du 28 décembre 2009, reçue par la Commission ce même jour, la partie requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut par laquelle elle demandait l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance et de la demande indemnitaire, du 28 septembre 2009.

50      Par décision du 23 avril 2010, l’autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté la réclamation de la partie requérante.

 Procédure et conclusions des parties

51      Par lettre du 24 juillet 2010, date d’introduction de la requête, la partie requérante a présenté, sur le fondement de l’article 44, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, une demande d’anonymat pour les actes de procédure et les publications relatives à la présente affaire. Par décision du 15 septembre 2010, le Tribunal a fait droit à cette demande.

52      Dans la lettre du 24 juillet 2010 mentionnée au point précédent, la partie requérante a également formulé, conformément aux mêmes dispositions, une demande de traitement confidentiel de deux annexes jointes à la requête. Le Tribunal ne s’est pas prononcé sur cette demande et a informé les parties, lors de l’audience, qu’il le ferait dans la décision mettant fin à l’instance.

53      Après avoir examiné les deux annexes en cause, le Tribunal décide de faire droit à la demande de traitement confidentiel, sans qu’il y ait lieu toutefois de demander à la partie requérante de produire une version non confidentielle des deux documents concernés étant donné que la partie défenderesse disposait déjà d’une copie intégrale de ces deux documents avant l’introduction de la requête.

54      Suite au dépôt du mémoire en défense, un deuxième échange de mémoires a eu lieu.

55      Par lettres du greffe du 5 mai 2011, les parties ont été invitées à répondre à plusieurs mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal. La partie requérante et la Commission ont présenté leurs réponses dans des mémoires du 19 et du 27 mai 2011, respectivement.

56      Au vu des réponses fournies, les parties ont été invitées, par lettres du greffe du 8 juin 2011, à faire parvenir au Tribunal leurs observations écrites sur ces réponses respectives. La partie requérante et la Commission ont déféré à cette invitation par mémoires du 20 et du 21 juin 2011, respectivement.

57      Après avoir analysé ces mémoires d’observations, le Tribunal a décidé d’adopter de nouvelles mesures d’organisation de la procédure. Chaque partie a ainsi été invitée, par lettre du greffe du 6 juillet 2011, à produire certains documents, à répondre à plusieurs questions et à formuler, le cas échéant, des remarques sur le mémoire d’observations déposé par la partie adverse. Tant la partie requérante que la partie défenderesse ont dûment déféré à cette invitation par mémoire, chacun, du 28 juillet 2011.

58      Au vu de ces mémoires respectifs, les parties ont été invitées à nouveau, par lettres du greffe du 27 septembre 2011, à répondre à de nouvelles mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal. Les parties ont dûment déféré à cette invitation par mémoire, chacun, du 18 octobre 2011.

59      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal, aux fins qu’elle précise la période de temps concernée par ses conclusions, la partie requérante a indiqué que la période pendant laquelle elle estimait avoir été victime du harcèlement moral faisant l’objet de la présente affaire aurait duré jusqu’au 1er juillet 2009. La Commission n’a pas contesté cette précision.

60      La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 28 septembre 2009, par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté la demande d’assistance concernant le harcèlement moral et le traitement discriminatoire subis pendant la période allant d’avril 2004 au 1er juillet 2009, ainsi que la demande indemnitaire (ci-après la « décision attaquée ») ;

–        lui allouer la somme de 600 000 euros en réparation des préjudices subis causés par le harcèlement moral litigieux ;

–        condamner la Commission aux dépens.

61      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et en tout état de cause comme non fondé ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité du recours dans son ensemble

1.     Arguments des parties

62      Dans son mémoire en défense, la Commission soulève deux fins de non-recevoir.

63      En premier lieu, la Commission fait valoir que, contrairement à ce qu’impose l’article 35, paragraphe 5, du règlement de procédure, la requête n’est pas accompagnée d’un document certifiant que l’avocat de la partie requérante est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. La Commission ajoute que, selon l’article 36 du règlement de procédure, ce défaut devrait être régularisé dans un délai raisonnable, sans quoi la requête serait irrecevable.

64      En second lieu, la Commission allègue une violation de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure en ce que la requête manquerait de cohérence et de compréhensibilité. Elle conclut que, dans ces conditions, le recours doit être rejeté dans sa totalité comme irrecevable.

65      La partie requérante conteste les fins de non-recevoir soulevées par la Commission.

2.     Appréciation du Tribunal

66      En ce qui concerne la première fin de non-recevoir soulevée par la Commission, il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 30 juillet 2010, l’avocat de la partie requérante a dûment déposé auprès du greffe le document de légitimation prévu à l’article 35, paragraphe 5, du règlement de procédure. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la première fin de non-recevoir soulevée.

67      Pour ce qui est de la seconde fin de non-recevoir soulevée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond des conclusions sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 avril 2008, Bordini/Commission, F‑134/06, point 56, et du 28 octobre 2010, Kay/Commission, F‑113/05, point 31, et la jurisprudence citée).

68      Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée les moyens de fond invoqués par la partie requérante, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, le recours étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.

 Sur le fond

1.     Sur les conclusions en annulation

69      La partie requérante demande l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle rejette la demande d’assistance.

70      Il est de jurisprudence constante que l’article 24 du statut a été conçu en vue de protéger les fonctionnaires de l’Union contre le harcèlement ou contre un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant non seulement des tiers, mais également de leurs supérieurs hiérarchiques ou de leurs collègues (voir arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, point 135, et la jurisprudence citée).

71      En vertu de l’obligation d’assistance, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (voir arrêt Lo Giudice/Commission, précité, point 136, et la jurisprudence citée).

72      Il est également de jurisprudence constante que le contrôle du juge de l’Union sur les mesures prises par l’administration se limite à la question de savoir si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêt Lo Giudice/Commission, précité, point 137, et la jurisprudence citée).

73      Ce rappel de l’état du droit étant fait, le Tribunal, même s’il constate que, dans ses écrits, la partie requérante soulève, formellement, un moyen unique à l’appui de ses conclusions en annulation, considère toutefois que deux moyens d’annulation peuvent être identifiés.

74      Le premier moyen est pris de la violation de l’article 12 et de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, ainsi que de la décision C(2006) 1624/3 de la Commission, du 26 avril 2006, relative à la politique en matière de protection de la dignité de la personne et de lutte contre le harcèlement moral et le harcèlement sexuel à la Commission européenne, en ce que la Commission aurait erronément considéré que la partie requérante n’avait pas été victime de harcèlement moral. Le second moyen est tiré de la violation de l’article 1er quinquies du statut, en ce que la Commission aurait à tort, estimé que la partie requérante n’avait pas subi un traitement discriminatoire.

75      Le Tribunal relève toutefois que, dans ses écrits, la partie requérante ne développe aucune argumentation à l’appui du grief soulevé dans le cadre du premier moyen et tiré de la violation de la décision C(2006) 1624/3 de la Commission, du 26 avril 2006, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure. Il y a donc lieu de déclarer ce grief irrecevable.

76      Le Tribunal observe également que, dans la requête, la partie requérante semble considérer, comme dans la demande d’assistance, que le traitement discriminatoire dont elle estime avoir été victime constitue une manifestation du harcèlement moral prétendument subi. Cependant, dans la mesure où elle invoque, distinctement, le moyen tiré de la violation de l’article 1er quinquies du statut, qui consacre l’interdiction de toute discrimination, ce moyen sera examiné séparément de celui tiré de la violation de l’article 12 et de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

77      À la lumière des considérations qui précèdent, il incombe donc au Tribunal d’examiner si la Commission a violé l’article 1er quinquies, l’article 12 et l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut lorsqu’elle a conclu, dans la décision attaquée, au rejet de la demande d’assistance au motif que les comportements reprochés par la partie requérante au chef de l’unité L.5 n’étaient pas constitutifs de harcèlement moral.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 12 et de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut

 Arguments des parties

78      Selon la partie requérante, dans son arrêt du 9 décembre 2008, Q/Commission (F‑52/05, ci-après l’« arrêt Q/Commission », points 134 et suivants, non annulé sur ces points par l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P), le Tribunal aurait interprété l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut en ce sens qu’il peut y avoir harcèlement moral sans intention malveillante de la part du harceleur présumé. La partie requérante estime que les faits exposés dans la demande d’assistance démontrent l’existence d’un harcèlement moral, entendu, conformément à l’interprétation donnée par le Tribunal dans l’arrêt Q/Commission, comme le produit d’une série de comportements intentionnels du harceleur présumé, sans qu’il ne soit nécessaire que ce dernier ait agi avec une intention malveillante. En considérant que les faits exposés dans la demande d’assistance n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral, la Commission aurait commis une erreur d’appréciation et aurait, dès lors, violé l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, tel qu’interprété dans l’arrêt Q/Commission. À titre subsidiaire, au cas où la notion de harcèlement moral retenue par le Tribunal dans l’arrêt susmentionné serait considérée comme erronée par le Tribunal de l’Union européenne, dont l’arrêt Commission/Q, précité, n’avait pas été prononcé au moment de l’introduction de la requête, la partie requérante affirme qu’elle a été victime d’un « autre harcèlement moral » défini à l’article 12 du statut.

79      Selon la partie requérante, les faits exposés dans la demande d’assistance démontreraient clairement qu’elle a été victime d’un harcèlement moral de la part du chef de l’unité L.5 pendant la période allant d’avril 2004 au 1er juillet 2009. Pendant ces cinq années, elle aurait souffert d’un comportement abusif de la part de ce supérieur hiérarchique, comportement qui aurait porté gravement atteinte à sa personnalité et à son intégrité psychique et qui trouverait ses origines dans sa ferme volonté de respecter fidèlement les règlements administratifs et financiers dans l’exercice de ses fonctions au sein de l’unité L.5.

80      À cet égard, la partie requérante fait valoir que, en septembre 2007, elle avait informé sa hiérarchie de ce que, au sein de l’unité L.5, le temps de travail dans le cadre des horaires flexibles n’était pas correctement enregistré. Ensuite, par courriel envoyé le 2 avril 2008 au chef de l’unité L.5, avec copie au directeur de la direction L et au directeur des ressources humaines, elle avait dénoncé la violation, également au sein de l’unité L.5, depuis les quatre dernières années, des règles en matière de sécurité et de protection des données personnelles lorsque des données relatives à l’évaluation et aux horaires flexibles des agents étaient introduites dans SysPer. Enfin, le 21 avril 2008, elle avait fait part au directeur des ressources humaines de ce que la nomination, par le chef de l’unité L.5, d’une secrétaire pour la remplacer comme responsable AIO dans la gestion des lignes budgétaires n’était pas conforme à la réglementation applicable.

81      La partie requérante distingue deux périodes pendant lesquelles le harcèlement moral se serait manifesté, la première, allant d’avril 2004 à août 2008, et la seconde, de septembre 2008 au 1er juillet 2009.

82      S’agissant de la première période, allant d’avril 2004 à août 2008, la requérante soutient que le harcèlement moral qu’elle aurait subi doit être apprécié à la lecture de la cinquième note qu’elle avait envoyée, le 21 avril 2008, au directeur des ressources humaines, note qu’elle a annexée à la requête.

83      Pour ce qui est plus particulièrement des mois de février 2008 à juillet 2008 inclus, la partie requérante avance plusieurs griefs. D’abord, le chef de l’unité L.5 lui aurait imposé une surcharge de travail importante en l’obligeant à assumer définitivement les tâches supplémentaires, outre son travail habituel. Ensuite, la partie requérante aurait été discréditée par le chef de l’unité L.5. Enfin, le chef de l’unité L.5 aurait commis des irrégularités de procédure lors de l’établissement du REC 2007.

84      S’agissant de la deuxième période, allant de septembre 2008 au 1er juillet 2009, la partie requérante fait valoir que le transfert de son poste à l’unité L.4 avec effet au 1er août 2008, selon la communication officielle du directeur général de la DG « Affaires économiques et financières » du 16 septembre 2008, n’a pas permis de mettre fin au harcèlement moral qu’elle subissait, car, dans l’exécution de ses tâches, il n’était pas exclu qu’elle soit amenée à être en contact direct avec le chef de l’unité L.5.

85      Dans le cadre de ses allégations sur le harcèlement moral qu’elle aurait subi, la partie requérante se plaint également du fait que sa demande, adressée au directeur des ressources humaines, de suspendre la procédure d’établissement du REC 2007 soit restée sans suite, et que l’unité « Ressources humaines » ait envoyé le REC 2007 à son domicile en lui demandant de le finaliser. La partie requérante se plaint aussi de ce que des courriels qu’elle avait adressés au directeur de la direction L et au directeur des ressources humaines, notamment un courriel du 28 mars 2008 et un courriel du 26 mai 2008, respectivement, ainsi que ses demandes d’intervention au chef de l’unité « Structure des carrières, évaluation et promotion » de la direction « Personnel et carrière » de la DG « Personnel et administration » et au médiateur de la Commission soient restés sans réponse.

86      La Commission conclut au rejet du premier moyen.

 Appréciation du Tribunal

87      Le Tribunal constate que l’arrêt Q/Commission a été partiellement annulé par le Tribunal de l’Union européenne mais que ce dernier n’a pas censuré la notion de harcèlement moral retenue par le Tribunal dans l’arrêt Q/Commission et que, par suite, il n’y a pas lieu d’examiner le grief, soulevé à titre subsidiaire par la partie requérante, tiré de la violation de l’article 12 du statut. La seule question que le Tribunal est donc appelé à examiner est celle de savoir si la Commission a commis une erreur d’appréciation, en violation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, lorsqu’elle a conclu, dans la décision attaquée, que le comportement du chef de l’unité L.5 dénoncé dans la demande d’assistance n’était pas constitutif d’un harcèlement moral.

88       L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut définit le harcèlement moral comme une « conduite abusive » qui requiert, pour être établie, que deux conditions cumulatives soient satisfaites. La première condition est relative à l’existence de comportements, paroles, actes, gestes ou écrits qui se manifestent « de façon durable, répétitive ou systématique » et qui sont « intentionnels ». Cette première condition implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et qu’il suppose l’existence d’agissements répétés ou continus. La seconde condition, séparée de la première par la conjonction « et », exige que les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

89      Du fait que l’adjectif « intentionnel » concerne la première condition, et non la seconde, il est possible de tirer une double conclusion. D’une part, les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits, visés par l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, doivent présenter un caractère volontaire, ce qui exclut du champ d’application de cette disposition les agissements qui se produiraient de manière accidentelle. D’autre part, il n’est en revanche pas requis que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

90      En d’autres termes, il peut y avoir harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut sans que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader délibérément ses conditions de travail. Il suffit que ses agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir en ce sens, arrêt Q/Commission, points 132, 134 et 135).

91      À cet égard, le Tribunal a déclaré que la qualification de harcèlement est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, le considérerait comme excessif et critiquable (arrêt du Tribunal du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, point 65).

92      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de statuer sur le grief tiré de l’erreur d’appréciation qu’aurait commise la Commission en concluant, dans la décision attaquée, à l’absence de harcèlement moral, ce qui suppose d’examiner la réalité des différents agissements reprochés par la partie requérante au chef de l’unité L.5 et de déterminer si ces agissements ont eu pour effet de porter objectivement atteinte à sa personnalité, sa dignité ou son intégrité physique ou psychique. À cet égard, le Tribunal observe que la partie requérante se réfère à plusieurs agissements et faits survenus postérieurement au 1er juillet 2009. Or, la demande d’assistance ne visait pas une période postérieure à cette date et, par voie de conséquence, la décision attaquée n’a pas pu statuer sur des agissements et faits postérieurs au 1er juillet 2009, lesquels ne peuvent donc faire l’objet d’un examen dans le cadre du présent recours.

93      Le Tribunal estime que la période allant d’avril 2004 au 1er juillet 2009, pendant laquelle la partie requérante estime avoir été victime de harcèlement moral, peut être divisée en deux périodes, la première, antérieure au départ de Mme Y le 1er février 2008, allant d’avril 2004 à janvier 2008 (ci-après la « première phase »), la seconde, postérieure au départ de Mme Y, allant de février 2008 à juillet 2009 (ci-après la « seconde phase »).

–       Première phase : avril 2004 / janvier 2008

94      Parmi les documents annexés à la cinquième note envoyée par la partie requérante au directeur des ressources humaines, le 21 avril 2008, ceux qui font référence à la première phase ont permis au Tribunal d’identifier trois griefs au soutien de l’allégation de la partie requérante selon laquelle elle aurait été victime d’un harcèlement moral durant cette phase.

95      D’abord, le chef de l’unité L.5 aurait critiqué la partie requérante pour son courriel envoyé aux chefs des unités L.3 et L.4 dans lequel elle leur reprochait de ne pas avoir agi conformément aux règles de bonne pratique. Selon la partie requérante, son courriel avait été envoyé dans l’intérêt de la Commission et de l’unité L.5 et était donc justifié. Ensuite, la partie requérante soutient que c’est à tort que le chef de l’unité L.5 aurait envoyé le courriel du 28 août 2006 à des membres de l’unité « Ressources humaines » leur affirmant qu’elle était absente de son lieu de travail sans avoir justifié de son absence et que cette absence causait des problèmes organisationnels. Enfin, la partie requérante fait valoir que le chef de l’unité L.5 avait organisé une réunion pour qu’elle informe les membres de l’unité L.5 de la vidéoconférence que M. Almunia, membre de la Commission chargé des affaires économiques et financières, avait eue avec le personnel de la DG « Affaires économiques et financières ». Or, finalement, le chef de l’unité L.5 avait annulé cette réunion et avait envoyé au personnel de l’unité L.5 un courriel avec, en pièce jointe, le compte rendu, préparé par elle, de cette vidéoconférence. Le chef de l’unité L.5 lui aurait également demandé de justifier ou de corriger l’heure de son départ du travail le jour où s’était tenue ladite vidéoconférence.

96      Il y a lieu tout d’abord de rappeler qu’il a été jugé que le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses supérieurs hiérarchiques, ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 16 avril 2008, Michail/Commission, T‑486/04, point 61).

97      Premièrement, le Tribunal constate que la partie requérante, dans son courriel du 23 mars 2007, adressé au chef de l’unité L.4 et en copie, notamment, au chef de l’unité L.3 et au chef de l’unité L.5, a indiqué qu’« il n’avait pas été conforme aux règles de bonne pratique de demander à un tiers de bien vouloir payer les intérêts et/ou le capital avant la date due ». Le chef de l’unité L.5, qui était absent le 23 mars 2007, a réagi par un courriel adressé à la partie requérante lui demandant de justifier ses propos et lui indiquant qu’il était « désolé », mais qu’elle devait « être prudente dans son langage lorsqu’elle reproch[ait] à un chef d’unité de ne pas avoir agi conformément aux règles de bonne pratique ». Il ajoutait que, dorénavant, elle devrait d’abord discuter avec lui d’une telle situation avant qu’elle ou lui-même n’envoient de tels courriels.

98      Il ressort du dossier que, d’une part, les chefs des unités L.3 et L.4, plutôt que de solliciter un tiers pour effectuer un paiement avant la date d’échéance prévue, comme le soutient la requérante, ont simplement demandé à ce tiers de bien vouloir confirmer que le paiement en cause serait effectué au plus tard à cette date, soit le 4 avril 2007. D’autre part, au moment où la partie requérante a été mise au courant de l’initiative des chefs des unités L.3 et L.4 de demander à ce tiers de confirmer que ledit paiement aurait lieu au plus tard à la date d’échéance prévue, le tiers concerné avait déjà informé la Commission que le paiement serait effectué avant la date d’échéance prévue, le 29 mars 2007. La partie requérante s’est donc trouvée mise devant un fait accompli et elle n’a pas fourni de raisons pour expliquer sa réaction aussi rapide à l’initiative qu’avaient prise les chefs des unités L.3 et L.4, sans attendre le retour du chef de l’unité L.5. Par ailleurs, il s’agissait d’une initiative prise par des personnes affectées à des unités différentes et, qui plus est, par des chefs d’unité, donc d’un rang hiérarchique supérieur à celui de la partie requérante. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au chef de l’unité L.5 d’avoir recommandé à la partie requérante de faire preuve de prudence dans ses propos au cas où elle s’adresserait à un chef d’unité pour lui reprocher de ne pas avoir agi conformément aux règles de bonne pratique.

99      Deuxièmement, s’agissant de l’absence de la partie requérante au mois d’août 2006, il ressort du courriel du 28 août 2006, par lequel le chef de l’unité L.5 a informé certains membres de l’unité « Ressources humaines » que la partie requérante était absente déjà depuis une semaine, que, selon l’auteur du courriel, la partie requérante n’avait prévenu personne de l’unité L.5 de son absence et que, par conséquent, il ignorait pour combien de temps elle était partie. À supposer même que, comme le soutient la partie requérante, le mari de celle-ci ait prévenu un membre de l’unité « Ressources humaines » qu’elle s’était absentée pour des raisons personnelles justifiées, il demeure que la partie requérante n’apporte pas de preuve selon laquelle le chef de l’unité L.5 aurait été mis au courant de son absence. Dans la mesure où ce manque d’information n’était pas imputable au chef de l’unité L.5 même, il ne peut lui être reproché d’avoir qualifié, en tant que responsable de son unité, l’absence de la partie requérante d’injustifiée et de s’être interrogé sur la continuité du service, d’autant plus que l’absence de la partie requérante durait déjà depuis quelques jours.

100    Troisièmement, en ce qui concerne l’annulation de la réunion de l’unité L.5 au cours de laquelle la partie requérante était censée faire le rapport à ses collègues de la vidéoconférence donnée par le membre de la Commission chargé des affaires économiques et financières, M. Almunia, il ressort de la lecture des courriels échangés entre la partie requérante et le chef de l’unité L.5 que ceux-ci sont rédigés sur un ton tout à fait correct et qu’ils ne laissent pas entrevoir l’existence de tensions entre eux.

101    Quatrièmement, pour ce qui est de la demande du chef de l’unité L.5 à la partie requérante de justifier ou de corriger l’enregistrement de son heure de départ du travail le jour où s’est tenue la vidéoconférence susmentionnée, le Tribunal observe que le contrôle de l’enregistrement des heures de travail incombe à chaque chef d’unité et que, dès lors, la demande formulée s’inscrivait totalement dans le cadre des tâches du chef de l’unité L.5. Par ailleurs, il ressort du dossier qu’il s’est agi d’une demande ponctuelle.

102    Cinquièmement, le Tribunal constate que le courriel d’avril 2006 et les notes de mars, avril et juin 2006 concernant l’existence d’une erreur dans un système informatique, que la partie requérante avait joints à la cinquième note qu’elle a envoyée, le 21 avril 2008, au directeur des ressources humaines et qu’elle produit au soutien de son allégation de harcèlement moral, témoignent de la satisfaction du chef de l’unité L.5 envers la partie requérante. En effet, ces documents contiennent les remarques « [m]erci […] pour ton initiative et contribution substantiel[le] » et « [m]erci, très bien l’analyse et les conclusion[s], je n’ai […] ajouté [que] quelques petit[e]s corrections ».

103    Aucun des agissements avancés par la partie requérante au soutien de son allégation de harcèlement moral ne présentant un caractère reprochable, il y a lieu de conclure qu’ils ne sauraient être regardés comme constitutifs d’une « conduite abusive » au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

–       Seconde phase : 1er février 2008/1er juillet 2009

104    Le Tribunal identifie quatre griefs au soutien de l’allégation de la partie requérante selon laquelle elle aurait été victime de harcèlement moral de la part du chef de l’unité L.5 pendant la seconde phase. Ces griefs sont tirés de l’imposition à la partie requérante d’une surcharge de travail, de la tentative de la discréditer, de la commission d’irrégularités de procédure lors de l’établissement du REC 2007 et de l’existence de divers documents lesquels prouveraient l’existence de cet harcèlement moral.

105    Le premier grief est tiré de ce que, lors du départ de Mme Y, le 1er février 2008, le chef de l’unité L.5 aurait confié à la partie requérante, en plus de son travail habituel, la majorité des tâches de Mme Y, lesquelles exigeaient qu’elle leur consacre 50 % de son temps de travail. Dans un premier temps, elle aurait accepté d’exécuter les tâches supplémentaires, mais uniquement à titre provisoire, jusqu’au recrutement d’un nouveau collègue. À cette situation de surcharge de travail, qui lui aurait été imposée par le chef de l’unité L.5 de façon manifestement abusive, serait venu s’ajouter le fait qu’elle subissait de fortes pressions et des intimidations de la part de ce dernier pour qu’elle accepte d’assumer les tâches supplémentaires à titre définitif. Afin de prouver que le temps de travail qu’elle devait consacrer à ses tâches habituelles avait diminué, ce qui justifiait donc qu’elle ait été chargée, en plus, des tâches supplémentaires, le chef de l’unité L.5 lui aurait demandé de préparer, dans un délai très court, des tableaux sur l’évolution des emprunts et prêts de l’Union au cours des dix dernières années, ce qui aurait fortement augmenté son stress et sa charge de travail.

106    La partie requérante ajoute que la réorganisation de la DG « Affaires économiques et financières », mise en place le 1er août 2008, n’aurait pas permis de mettre fin au harcèlement moral qu’elle subissait. S’il est vrai que son poste, y compris l’exécution des tâches supplémentaires, avait été transféré à l’unité L.4, l’éventualité d’un contact direct avec le chef de l’unité L.5 n’avait pas pour autant été exclue, car l’activité des emprunts, avec laquelle son travail était étroitement lié, avait été transférée de l’unité L.3 à l’unité L.5. Par ailleurs, le contenu de ses tâches n’aurait pas changé depuis son affectation à l’unité L.4, étant donné qu’elle continuait à exécuter les tâches supplémentaires, en plus du travail habituel qui était le sien à l’unité L.5. La circonstance que le chef de l’unité L.5 aurait inclus « intentionnellement » son nom sur la liste des destinataires d’un courriel envoyé le 1er octobre 2008 à propos du changement de l’enregistrement du temps de travail dans le cadre des horaires flexibles, alors qu’elle ne faisait plus partie de l’unité L.5, prouverait la persistance du harcèlement moral après la réorganisation de la direction générale, le 1er août 2008, et que la Commission n’avait pris aucune mesure vraiment efficace afin de l’éloigner de l’unité L.5.

107    Tout d’abord, il ressort du dossier que la partie requérante lie le harcèlement moral, dont elle aurait fait l’objet de la part du chef de l’unité L.5, principalement au fait que ce dernier l’aurait soumise à une surcharge de travail, en lui attribuant, en plus de son travail habituel, les tâches supplémentaires.

108    Or, il convient de rappeler que la partie requérante a été en congé de maladie du 23 avril 2008 au 3 mai 2009, et que, pour cette raison, pendant cette période, elle n’a pas occupé son poste et le chef de l’unité L.5 ne lui a pas demandé d’exécuter de tâches. Il s’ensuit qu’elle n’a pas pu faire l’objet, au cours de ladite période, d’agissements se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique, de la part du chef de l’unité L.5 et que, par suite, les conditions de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut pour constater l’existence d’un harcèlement moral lié à une surcharge de travail ne sont pas remplies.

109    En ce qui concerne l’inclusion « intentionnelle » du nom de la partie requérante dans la liste de distribution du courriel envoyé par le chef de l’unité L.5 le 1er octobre 2008, soit à une date à laquelle la partie requérante était en congé de maladie, il ressort du dossier que ce courriel répondait à un courriel envoyé par un membre de l’unité L.5, qui avait, lui, inclus le nom de la partie requérante dans sa liste de distribution, dans laquelle figuraient, d’ailleurs celui de tous les membres de l’unité L.5, y compris le chef d’unité. Dès lors, il est peu probable que le courriel susmentionné du 1er octobre 2008 ait été envoyé intentionnellement par le chef de l’unité L.5 à la partie requérante. En tout état de cause, s’il est vrai que ce courriel indique que « [c]onformément aux instructions [du conseiller principal], lesquelles sont la conséquence du fait qu’un collègue a déposé une plainte auprès du délégué à la protection des données sur notre pratique actuelle, bien performante, nous avons deux options pour enregistrer nos heures de travail dans le système d’horaire flexible », il demeure que n’y figure pas le nom du collègue ayant déposé la plainte dont il est question. Même si la personne ainsi visée était la partie requérante, celle-ci ne saurait reprocher au chef de l’unité L.5 de donner au personnel de son unité les raisons pour lesquelles une pratique existante en matière d’horaires flexibles se devait d’être modifiée. En tout état de cause, l’envoi du courriel incriminé constitue un fait trop isolé pour pouvoir être regardé comme une manifestation de harcèlement moral au sens des dispositions de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

110    En ce qui concerne la période allant du 4 mai 2009, date à laquelle, à l’issue de son congé de maladie, la partie requérante a repris ses fonctions au sein de sa nouvelle unité, au 1er juillet 2009, force est pour le Tribunal de constater que, pendant cette période, la partie requérante travaillait sous les instructions de son nouveau chef d’unité, le chef de l’unité L.4. Dans la mesure où la partie requérante lie le harcèlement moral dont elle prétend avoir fait l’objet à l’imposition d’une surcharge de travail, elle ne saurait valablement soutenir que, pendant ladite période, elle a été victime de harcèlement moral de la part du chef de l’unité L.5, car si surcharge de travail il y a eu durant cette période, cette surcharge de travail ne peut lui avoir été imposée que par le chef de l’unité L.4.

111    Par conséquent, la seule période utile pendant laquelle la partie requérante peut soutenir avoir été victime d’un harcèlement moral lié à une surcharge de travail imposée par le chef de l’unité L.5 doit se limiter, en ce qui concerne la seconde phase, à la période comprise entre le 1er février et le 22 avril 2008, soit pendant douze semaines. Le Tribunal est donc tenu d’examiner si, pendant cette période, le chef de l’unité L.5 a effectivement confié de nouvelles tâches à la partie requérante jusqu’à créer une situation de surcharge de travail et, dans l’affirmative, si une telle surcharge de travail a été, en l’espèce, constitutive d’un harcèlement moral.

112    À cet égard, la partie requérante affirme que les tâches supplémentaires constituaient la plus grande partie des fonctions correspondant au poste de Mme Y et qu’elles exigeaient de sa part, en plus de ses tâches habituelles qui occupaient déjà 100 % de son temps de travail, un temps de travail supplémentaire de 50 %. La Commission fait valoir, quant à elle, que l’attribution des tâches supplémentaires à la partie requérante était appropriée dans la mesure où ces tâches exigeaient, tout au plus, entre quatre et sept jours de travail par mois, que la partie requérante était, à la lumière de ses compétences et de son expérience, la personne la plus indiquée pour les exécuter et que sa charge de travail habituelle avait diminué d’une façon significative.

113    Afin de vérifier si l’attribution des tâches supplémentaires à la partie requérante a occasionné pour elle une surcharge de travail, il y a lieu d’examiner quel était le poids de ces tâches supplémentaires dans l’ensemble des fonctions confiées à Mme Y, et quelle était, à la date du 1er février 2008, la charge de travail habituelle de la partie requérante.

114    Les réponses fournies par les parties aux mesures d’organisation de la procédure ne permettent toutefois pas au Tribunal de procéder à un tel examen ni de connaître la charge de travail de la partie requérante au 1er février 2008.

115    Dans ces circonstances, le Tribunal se voit obligé de rappeler que la charge de la preuve pèse sur la partie requérante et que c’est à elle qu’il incombe d’apporter la preuve ou, à tout le moins, des indices selon lesquels l’exécution des tâches supplémentaires exigeait d’elle une augmentation considérable de son temps de travail de sorte qu’elle ne pouvait plus exécuter à la fois les tâches habituelles et les tâches supplémentaires dans l’amplitude de son horaire de travail. Or, à cet égard, le Tribunal constate que, dans ses écrits, la partie requérante, non seulement n’a pas apporté de preuve ni même d’indice selon lesquels elle aurait effectué, pendant la période concernée, du 1er février au 22 avril 2008, de nombreuses heures supplémentaires, mais n’a même pas fait valoir qu’elle s’était vue forcée de travailler au-delà de l’horaire de travail habituel du personnel de la Commission pour pouvoir s’acquitter de toutes ses tâches dans les délais.

116    Partant, en l’état du dossier, le Tribunal n’est pas mis à même d’apprécier si l’attribution, par le chef de l’unité L.5, des tâches supplémentaires à la partie requérante a entraîné pour cette dernière une charge de travail déraisonnable.

117    En toute hypothèse, même s’il s’avérait que l’attribution à la partie requérante des tâches supplémentaires lui aurait causé une véritable surcharge de travail, le Tribunal estime que cette surcharge de travail ne saurait en l’espèce être regardée comme constitutive d’un harcèlement moral.

118    En effet, s’il n’est pas exclu qu’imposer de façon prolongée une surcharge de travail à un fonctionnaire puisse, dans certaines circonstances, constituer un harcèlement moral, il n’en reste pas moins que les conditions prévues à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, pour que soit reconnue la qualification de harcèlement moral, doivent être réunies, et qu’en l’espèce ces conditions ne sont pas remplies en ce qui concerne la surcharge de travail prétendument imposée à la partie requérante.

119    Premièrement, la surcharge de travail alléguée n’aurait, en toute hypothèse, duré en tout et pour tout que douze semaines. Par conséquent, le comportement du chef de l’unité L.5 qui aurait imposé cette surcharge de travail limitée dans le temps ne saurait être qualifié de « durable », tel qu’exigé par l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

120    Deuxièmement, compte tenu de la relative brièveté de la période concernée, soit douze semaines, la surcharge de travail alléguée a difficilement pu porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique de la partie requérante, tel que requis par l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, et ce d’autant plus que le chef de l’unité L.5 s’était aperçu que la partie requérante était stressée et avait promis d’en tenir compte lorsque des décisions à propos de l’organisation de l’unité L.5 devraient être prises, ainsi que cela ressort du courriel du 18 mars 2008, relatif à l’attribution des tâches supplémentaires, qu’il avait envoyé à la partie requérante. De même, lorsque, le 28 mars 2008, le chef de l’unité L.5 a modifié les objectifs de la partie requérante pour 2008, il lui a expressément signalé que la question de la reprise des tâches supplémentaires par le fonctionnaire qui allait être recruté pour remplacer Mme Y ferait l’objet d’une discussion après ce recrutement.

121    À cet égard, il est vrai que la partie requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle l’attribution des tâches supplémentaires n’était que provisoire. La partie requérante insiste sur le fait que le chef de l’unité L.5 l’avait soumise à de fortes pressions pour qu’elle accepte d’assumer les tâches supplémentaires à titre définitif et qu’il avait toujours eu l’intention de les lui transférer définitivement, comme le prouveraient les avis de vacance successifs du poste de Mme Y. Alors que les premiers avis de vacance publiés contenaient une description des tâches effectivement attribuées au poste de Mme Y, la description des tâches correspondant à ce poste aurait été modifiée radicalement dans les derniers avis de vacance publiés.

122    Sur ce dernier point, il ressort du dossier que, le 10 janvier, le 18 février, le 2 juin et le 15 septembre 2008, ainsi que le 13 mars 2009, des avis de vacance ont été publiés pour un poste à pourvoir à l’unité L.5. L’avis de vacance publié en septembre 2008 a été retiré par la suite. Les deux premiers avis de vacance disposaient que le poste était disponible à compter du 1er et du 18 février 2008, respectivement, et la description des tâches du poste correspondait à celui occupé par Mme Y. Les avis de vacance publiés en juin 2008 et en mars 2009, pour le même poste à pourvoir à l’unité L.5 à compter du 1er juillet 2008 et du 1er avril 2009, respectivement, contenaient une description des tâches différente de celle contenue dans les avis de vacance précédents.

123    Toutefois, la différence entre la description de poste figurant dans les avis de vacance publiés en janvier et en février 2008 et celle figurant dans les avis de vacance publiés en juin 2008 et mars 2009 ne suffit pas à accréditer la thèse de la partie requérante, selon laquelle le chef de l’unité L.5 aurait décidé de lui transférer définitivement les tâches supplémentaires. Tout au contraire, la publication d’un avis de vacance en janvier 2008, avant le départ de Mme Y de l’unité L.5, et la publication d’un nouvel avis de vacance en février 2008, après le départ de cette dernière, témoignent de ce que l’administration a fait diligence pour assurer le remplacement de Mme Y dans les meilleurs délais. En publiant par deux fois, en janvier et en février 2008, l’avis de vacance du poste de Mme Y, l’administration a manifesté son intention de pourvoir définitivement ce poste, ce qui démontre, par voie de conséquence, que l’attribution des tâches supplémentaires à la partie requérante a été due à l’impossibilité de trouver, dans l’immédiat, un remplaçant à Mme Y et que cette attribution avait, à tout le moins initialement, un caractère purement provisoire.

124    S’agissant des troisième et quatrième avis de vacance pour le poste antérieurement occupé par Mme Y, publiés en juin 2008 et mars 2009, s’il est vrai que ces avis contiennent une description de tâches différente de celle figurant dans les deux avis de vacance publiés au préalable, il demeure qu’aucun indice ne peut être tiré de cette différence au soutien de la thèse de la partie requérante selon laquelle le chef de l’unité L.5 aurait décidé de lui transmettre les tâches supplémentaires à titre définitif, d’autant plus que l’administration affrontait des difficultés à pourvoir le poste concerné. En outre, dans la mesure où la hiérarchie du chef de l’unité L.5 avait décidé, dans le cadre de la réorganisation de la DG « Affaires économiques et financières », de transférer le poste de la partie requérante, y compris les tâches supplémentaires, à l’unité L.4, le chef de l’unité L.5 n’était plus responsable de l’exécution des tâches supplémentaires et n’était donc plus en mesure de décider sur l’attribution de celles-ci au sein de l’unité L 5. Dès lors, le chef de l’unité L.5 a été dans l’obligation d’établir une nouvelle description des tâches inhérentes au poste anciennement occupé par Mme Y, description qui ne pouvait, ainsi qu’il vient de l’être dit, contenir les tâches supplémentaires, ce qui explique que l’administration ait ensuite publié un avis de vacance pour ce poste avec un contenu des tâches modifié par rapport aux avis de vacances publiés en janvier et février 2008.

125    Pour finir l’examen du premier grief concernant la seconde phase et s’agissant de la demande faite à la partie requérante par le chef de l’unité L.5, le 27 mars 2008, de préparer des tableaux sur l’évolution des activités de back-office pour la gestion des emprunts et des prêts de l’Union à partir de fin 2000, il y a lieu de rappeler que la définition de la charge de travail du personnel relève de la compétence du chef d’unité, en tant que responsable de l’organisation de son unité. En l’espèce, la partie requérante ne conteste pas l’affirmation de la Commission selon laquelle l’élaboration des tableaux susmentionnés était étroitement liée à la volonté du chef de l’unité L.5 de vérifier si la charge de travail habituelle de la partie requérante avait effectivement diminué. Le fait que le chef de l’unité L.5 ait imposé à la partie requérante, pour cette tâche déterminée d’élaboration de tableaux, un délai qu’elle considérait comme trop court, ne peut être regardé, pris isolément, comme un agissement constitutif de harcèlement moral. En effet, un tel agissement, à le supposer reprochable, ne saurait, à lui seul, avoir eu pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique de la partie requérante.

126    Le deuxième grief soulevé dans le cadre de la seconde phase est tiré de ce que le chef de l’unité L.5, dans sa note du 14 mai 2008 relative au suivi des fonctions de la partie requérante pendant son congé de maladie, aurait essayé de la discréditer en écrivant que, pendant son absence pour congé de maladie, des documents nécessaires au travail de l’unité étaient enfermés à clé dans les armoires de son bureau, alors que tous les documents se trouvaient classés dans les archives de l’unité L.5.

127    À cet égard, le Tribunal est d’avis que le ton utilisé par le chef de l’unité L.5 dans la note susmentionnée du 14 mai 2008 demeure dans les limites acceptables des rapports hiérarchiques et que, même s’il était démontré que le chef de l’unité L.5 s’était mépris en affirmant que l’accès à certains dossiers essentiels n’avait pas été possible pour une raison imputable à la partie requérante, il s’agirait d’un fait trop isolé pour pouvoir être regardé comme une manifestation de harcèlement moral au sens des dispositions de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

128    Le troisième grief soulevé dans le cadre de la seconde phase est tiré de ce que le chef de l’unité L.5 aurait commis des irrégularités de procédure lors de l’établissement du REC 2007. Il aurait demandé au chef d’unité adjoint d’assister au premier dialogue sur le REC 2007, alors que la réglementation applicable ne prévoirait pas la présence d’un tiers, et en ajoutant l’exécution permanente des tâches supplémentaires aux tâches habituelles de la partie requérante il aurait modifié les objectifs de celle-ci pour l’année 2008 de façon arbitraire, sans son accord préalable et sans examiner si elle disposait des compétences et des connaissances nécessaires.

129    À cet égard, le Tribunal constate que la partie requérante n’a pas exercé de voie de recours contre le REC 2007. Le REC 2007 est donc devenu définitif et des irrégularités prétendument commises lors de son établissement ne sauraient être valablement invoquées dans le cadre de la présente affaire.

130    À titre surabondant, le Tribunal observe que, s’agissant de l’argument selon lequel le chef de l’unité L.5 n’aurait pas examiné si la partie requérante disposait des connaissances nécessaires pour exécuter les tâches supplémentaires, il ressort du dossier que la partie requérante remplaçait Mme Y pendant ses absences à la satisfaction de sa hiérarchie. Le Tribunal a donc toutes les raisons de penser que la partie requérante avait les connaissances nécessaires pour exécuter adéquatement les tâches supplémentaires.

131    Le quatrième et dernier grief concernant la seconde phase est tiré de ce que divers documents que la partie requérante avaient joints à la cinquième note qu’elle a adressée au directeur des ressources humaines, le 21 avril 2008, dont le contenu figure au point 23 du présent arrêt, prouveraient que, dans certaines situations, la partie requérante aurait été harcelée moralement par le chef de l’unité L.5 et aurait subi de fortes pressions de la part de ce dernier.

132    À cet égard, dans les annexes à la cinquième note, du 21 avril 2008, le Tribunal en identifie deux qui font référence à la seconde phase. La première contient un échange de courriels entre la partie requérante et, notamment, le chef de l’unité L.5, ayant trait à la demande de ce dernier à la partie requérante d’élaborer des tableaux relatant l’évolution des activités d’emprunts et de prêts à partir de fin 2000. Cette demande a déjà été examinée au point 125 du présent arrêt et n’a pas été considérée, au terme de cet examen, comme constitutive d’un harcèlement moral.

133    La deuxième annexe identifiée par le Tribunal comme en lien avec la seconde phase se réfère à la contestation par la partie requérante du fait que les activités de back-office dans la gestion des emprunts et des prêts et les activités de gestion des contrats externes, dont elle était responsable, n’auraient pas été incluses dans le plan des activités principales de l’unité L.5. Le Tribunal constate toutefois que la partie requérante ne développe aucun argument au soutien de l’allégation selon laquelle, en ne mentionnant pas les activités se trouvant sous sa responsabilité dans le plan des activités principales de l’unité L.5, l’auteur dudit plan, lequel n’est par ailleurs même pas identifié par la partie requérante, aurait eu un comportement remplissant les conditions exigées à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut pour pouvoir être considéré comme constitutif de harcèlement moral. En l’absence d’arguments développés par la partie requérante permettant de conclure à l’existence d’un harcèlement moral, il convient de rejeter le quatrième grief.

134    Au final et au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, indépendamment de la perception subjective que la partie requérante a pu avoir des faits invoqués, intervenus du mois d’avril 2004 au 1er juillet 2009, aucun de ces faits, pris isolément, ne peut être regardé comme constitutif d’une « conduite abusive » au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

135    De surcroît, même pris dans leur ensemble, les faits invoqués par la partie requérante ne revêtent pas un caractère de gravité suffisante pour avoir eu objectivement pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique de la partie requérante.

136    Par ailleurs, même si l’absence de réponse de la part de l’administration à certaines demandes de la requérante pourrait être qualifiée de regrettable, elle ne permet pas au Tribunal de qualifier les agissements reprochés au chef de l’unité L.5 de harcèlement moral, ne serait-ce que pour la raison évidente que ce silence administratif, critiqué par la partie requérante, n’est pas imputable au chef de l’unité L.5.

137    Il y a donc lieu de conclure que la partie requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été victime de harcèlement moral. Dès lors, le moyen tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, qu’il n’y avait pas harcèlement moral ne peut être accueilli.

138    Enfin, l’allégation de la partie requérante selon laquelle sa hiérarchie n’aurait pris aucune mesure effective afin de l’éloigner du chef de l’unité L.5 ne saurait non plus être retenue. En effet, il ressort du dossier que plusieurs démarches ont été entreprises par la hiérarchie de la partie requérante afin de parvenir à une solution satisfaisante en ce qui concerne le contenu de ses tâches et le contact direct avec le chef de l’unité L.5 dans l’exécution de celles-ci.

139    D’abord, le 31 juillet 2008, alors qu’elle était en congé de maladie, la partie requérante a été informée de la réorganisation de la DG « Affaires économiques et financières », laquelle impliquait, entre autres, le transfert, à partir du lendemain, de son poste et de ses fonctions à l’unité L.4. Dès lors, le Tribunal ne peut que constater que, trois mois après le départ de la partie requérante en congé de maladie, sa hiérarchie a décidé de l’affecter à une autre unité où elle ne travaillerait plus sous les instructions directes du chef de l’unité L.5.

140    Ensuite, la partie requérante ayant manifesté des inquiétudes parce que son transfert à l’unité L.4 ne permettrait pas d’exclure tout contact direct avec le chef de l’unité L.5 et parce qu’elle y exercerait les mêmes tâches que celles qu’elle effectuait auparavant à l’unité L.5, c’est-à-dire ses tâches habituelles et les tâches supplémentaires, la hiérarchie de la partie requérante s’est entretenue avec elle à deux reprises.

141    Il est constant que, le 14 janvier 2009, à l’issue de la seconde réunion tenue à cet effet, le chef de l’unité L.4 a adressé à la partie requérante une proposition de réintégration avec changement de fonctions au sein de l’unité L.4. S’il est vrai que la partie requérante a considéré ladite proposition comme inacceptable, car, d’une part, elle ne permettrait pas d’exclure un contact direct avec le chef de l’unité L.5 et, d’autre part, les nouvelles tâches attribuées, ne fût-ce qu’à temps partiel, impliqueraient une dégradation importante de sa carrière, il demeure que la hiérarchie de la partie requérante s’est efforcée de trouver une solution satisfaisante pour elle.

142    Enfin, la Commission a affirmé dans ses derniers écrits que les contacts que la partie requérante a eus avec le chef de l’unité L.5 depuis qu’elle a travaillé sous les instructions du chef de l’unité L.4 se sont limités à des courriels, affirmation non contestée à l’audience par la partie requérante. La partie requérante a par ailleurs elle-même indiqué dans sa requête que, pour éviter tout contact direct, le chef de l’unité L.4 et son adjoint s’interposaient entre elle et le chef de l’unité L.5. Il est ainsi démontré que, alors même qu’elle n’y était pas tenue en l’absence d’une situation de harcèlement moral (voir point 137 ci-dessus), la hiérarchie de la partie requérante a adopté des mesures effectives afin de l’éloigner du chef de l’unité L.5.

143    Par voie de conséquence, le premier moyen, tiré de la violation des articles 12 et 12 bis, paragraphe 3, du statut, doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 1er quinquies du statut

 Arguments des parties

144    La partie requérante estime que sa ferme volonté de respecter la réglementation dans l’exercice de ses fonctions est également à l’origine d’un traitement discriminatoire de la part du chef de l’unité L.5 qui a attenté à sa dignité humaine. La preuve de cette discrimination en serait le tableau, trouvé par la partie requérante en 2006, reprenant les points de mérite attribués au personnel de l’unité L.5 au titre des exercices d’évaluation 2002 à 2005, qui ferait clairement apparaître que le chef de l’unité L.5 l’avait discriminée par rapport à ses collègues de l’unité. La Commission aurait commis une erreur d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, qu’il n’y avait pas eu de traitement discriminatoire.

145    La Commission ne se prononce pas sur le deuxième moyen.

 Appréciation du Tribunal

146    Le Tribunal constate que le tableau faisant état des points de mérite du personnel de l’unité L.5, produit par la partie requérante à l’appui du moyen susmentionné, contient le nom de douze personnes, dont ceux de la partie requérante et du chef de l’unité L.5, leurs grades et échelons, ainsi que les points de mérite attribués, à l’issue des exercices d’évaluation 2002 à 2005, dans le cadre des exercices d’attribution de points de mérite.

147    Il ressort du tableau susmentionné que les points attribués à la partie requérante au titre des exercices concernés ont augmenté chaque année, alors que ceux attribués aux autres personnes figurant sur le tableau, à l’exception du chef de l’unité L.5, ont stagné à un moment donné, ont connu une rétrocession ou une faible augmentation.

148    Or, en l’absence de toute autre information apportée par la partie requérante, cette constatation, à elle seule, ne permet pas, à l’évidence, au Tribunal de conclure que la partie requérante aurait été victime d’un traitement discriminatoire.

149    Dès lors, la partie requérante n’ayant pas apporté la preuve que la Commission aurait violé l’article 1er quinquies du statut, il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

150    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle a rejeté la demande d’assistance doivent être rejetées.

2.     Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

151    Il ressort des écrits de la partie requérante qu’elle demande l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle rejette la demande indemnitaire. Elle estime que les actes de harcèlement moral et le comportement discriminatoire à son égard du chef de l’unité L.5, ainsi que le retard avec lequel la Commission a adopté des mesures pour l’éloigner de ce dernier, sont la source d’un préjudice moral important et d’une détérioration de son état de santé, avec des séquelles à vie. Or, toutes les conditions seraient réunies pour qu’elle puisse bénéficier d’une indemnisation. En effet, le comportement reproché à la Commission serait illégal, elle aurait suffisamment prouvé la réalité des dommages causés à sa santé par les certificats médicaux qu’elle aurait produits et il existerait un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué. Dans sa demande indemnitaire, la partie requérante chiffre l’indemnité à laquelle elle estime avoir droit à la somme de 600 000 euros, à raison de 5 000 euros par mois pour les cinq années qui se sont écoulées entre le mois d’avril 2004 et le 1er juillet 2009 et pour les cinq années suivantes. Dans ses conclusions indemnitaires, la partie requérante formule la même demande, sous réserve d’une évaluation effectuée par un expert éventuellement nommé par le Tribunal.

152    La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires.

 Appréciation du Tribunal

153    Il résulte d’une jurisprudence constante dans le domaine de la fonction publique que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, par exemple, arrêt Lo Giudice/Commission, précité, point 184).

154    S’agissant du cas d’espèce, force est de relever que, les deux moyens avancés par la partie requérante au soutien de ses conclusions en annulation de la décision attaquée ayant été rejetés, elle n’a pas démontré l’existence d’un comportement illégal de la Commission.

155    Dès lors, l’illégalité du comportement faisant défaut, les conclusions indemnitaires de la partie requérante doivent être rejetées.

156    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

157    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

158    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la partie requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que la partie requérante soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la partie requérante à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      AF supporte l’ensemble des dépens.

Rofes i Pujol

Boruta

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure : le français.