Language of document : ECLI:EU:F:2012:29

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

8 mars 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Saisine du conseil de discipline par une autorité incompétente – Avertissement par écrit – Durée de la procédure – Droits de la défense et présomption d’innocence – Délai raisonnable »

Dans l’affaire F‑12/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Petrus Kerstens, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Me C. Mourato, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. K. Bradley, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 9 février 2010, M. Kerstens a introduit le présent recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision de la Commission européenne du 23 avril 2009 lui infligeant la sanction disciplinaire d’avertissement par écrit.

 Cadre juridique

2        L’article 86 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») est rédigé comme suit :

« 1.      Tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du présent statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire.

2.      L’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’Office européen de lutte antifraude peuvent ouvrir une enquête administrative, en vue de vérifier l’existence d’un manquement au sens du paragraphe 1, lorsque des éléments de preuve laissant présumer l’existence d’un manquement ont été portés à leur connaissance.

3.      Les règles, procédures et sanctions disciplinaires, ainsi que les règles et procédures régissant les enquêtes administratives, sont établies à l’annexe IX. »

3        L’article 1er de l’annexe IX du statut, intitulée « Procédure disciplinaire », prévoit :

« 1.      Dès qu’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) révèle la possibilité qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire d’une institution est personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En toute circonstance, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure de présenter ses observations sur les faits le concernant. Les conclusions font état de ces observations.

2.      Dans les cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête et impliquant le recours à des procédures d’enquête relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale, l’exécution de l’obligation d’inviter le fonctionnaire à présenter ses observations peut être différée en accord avec l’autorité investie du pouvoir de nomination. Dans ce cas, aucune procédure disciplinaire ne peut être ouverte avant que le fonctionnaire n’ait été en mesure de présenter ses observations.

3.      Si, à la suite d’une enquête de l’OLAF, aucune charge ne peut être retenue contre un fonctionnaire faisant l’objet d’allégations, l’enquête le concernant est classée sans suite par décision du directeur de l’O[LAF], qui en informe par écrit le fonctionnaire et son institution. Le fonctionnaire peut demander que cette décision figure dans son dossier personnel. »

4        Aux termes de l’article 2 de l’annexe IX du statut :

« 1. Les règles définies à l’article 1er de la présente annexe s’appliquent mutatis mutandis aux autres enquêtes administratives effectuées par l’autorité investie du pouvoir de nomination.

2. L’autorité investie du pouvoir de nomination informe l’intéressé de la fin de l’enquête et lui communique les conclusions du rapport d’enquête et, sur sa demande et sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre.

[…] »

5        L’article 3 de l’annexe IX du statut dispose :

« Sur la base du rapport d’enquête, après avoir communiqué au fonctionnaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut :

a)       décider qu’aucune charge ne peut être retenue contre le fonctionnaire concerné, auquel cas ce dernier en est alors informé par écrit ; ou

b)       décider, même en cas de manquement ou de manquement présumé aux obligations, qu’il convient de n’adopter aucune sanction disciplinaire et, le cas échéant, adresser au fonctionnaire une mise en garde ; ou

c)       en cas de manquement aux obligations, conformément à l’article 86 du statut,

i)       décider de l’ouverture de la procédure disciplinaire prévue à la section 4 de la présente annexe, ou

ii)       décider de l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. »

6        Selon l’article 9, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination peut appliquer une des sanctions suivantes :

a)       l’avertissement par écrit ;

b)       le blâme ;

c)       la suspension de l’avancement d’échelon pendant une période comprise entre un mois et vingt-trois mois ;

d)       l’abaissement d’échelon ;

e)       la rétrogradation temporaire pendant une période comprise entre [quinze] jours et un an ;

f)       la rétrogradation dans le même groupe de fonctions ;

g)       le classement dans un groupe de fonctions inférieur, avec ou sans rétrogradation ;

h)       la révocation avec, le cas échéant, la réduction pro tempore de la pension ou une retenue, pour une durée déterminée, sur le montant de l’allocation d’invalidité, sans que les effets de cette sanction puissent s’étendre aux ayants droit du fonctionnaire. […] »

7        La section 4 de l’annexe IX du statut, intitulée « Procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline » comprend un article unique, l’article 11, lequel énonce :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de la sanction d’avertissement par écrit ou de blâme sans consultation du conseil. Le fonctionnaire concerné est préalablement entendu par l’autorité investie du pouvoir de nomination. »

8        La section 5 de l’annexe IX du statut, intitulée « Procédure disciplinaire devant le conseil de discipline », prévoit que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») saisit le conseil de discipline d’un rapport qu’elle transmet ensuite au fonctionnaire concerné. Ce dernier dispose d’un délai de quinze jours au moins à compter de la réception du rapport d’ouverture de la procédure disciplinaire pour préparer sa défense. Dans le délai de deux mois à partir de la réception du rapport de l’AIPN et pour autant que ce délai soit adapté à la complexité du dossier, le conseil de discipline émet son avis, après avoir entendu le fonctionnaire concerné. L’AIPN prend sa décision dans le délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline, après avoir entendu le fonctionnaire.

9        L’article 1er, paragraphe 1, de la décision de la Commission du 28 avril 2004 fixant les dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires (publiée aux Informations administratives no 86‑2004 du 30 juin 2004, ci-après les « DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires ») prévoit qu’il est institué un Office d’investigation et de discipline (IDOC).

10      L’article 2, paragraphe 1, des DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires dispose :

« L’IDOC effectue les enquêtes administratives. Au sens des présentes dispositions, on entend par ‘enquêtes administratives’ toutes les actions menées par le fonctionnaire mandaté qui visent à établir les faits et, le cas échéant, à déterminer s’il y a un manquement aux obligations auxquelles les fonctionnaires de la Commission sont soumis.

[…] »

11      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, des DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires :

« Les enquêtes administratives sont menées de manière approfondie, à charge et à décharge, et pendant une période appropriée aux circonstances et à la complexité du cas. »

12      L’article 4 des DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires est rédigé comme suit :

« […]

4.       Dès qu’une enquête administrative met en lumière la possibilité qu’un fonctionnaire soit personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En tout état de cause, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure d’exprimer son avis au sujet de l’ensemble des faits le concernant. Les conclusions feront état de cet avis.

[…]

5.       L’IDOC soumet un rapport d’enquête au [d]irecteur général du personnel et de l’administration […] Ce rapport expose les faits et circonstances en cause ; il établit si les règles et les procédures applicables à la situation ont été respectées et il détermine les éventuelles responsabilités individuelles en tenant compte des circonstances aggravantes ou atténuantes. Les copies de toutes les pièces pertinentes et des comptes rendus des auditions sont jointes au rapport.

6.       Le [d]irecteur général du personnel et de l’administration informe l’intéressé de la fin de l’enquête et lui communique les conclusions du rapport d’enquête et, sur demande, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre, sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties.

[…] »

13      Aux fins de décrire le fonctionnement des procédures disciplinaires mises en place par l’annexe IX du statut, le rôle de l’IDOC tel qu’il résulte des DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires, ainsi que l’apport de la jurisprudence et la pratique administrative, l’IDOC a rédigé un manuel, lequel n’a pas de valeur normative (ci-après le « manuel de l’IDOC »). Le point 18 de ce manuel, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, dispose, en ce qui concerne la conduite de l’enquête administrative :

« Il n’existe pas un délai pour la finalisation d’une enquête administrative ; sauf circonstances exceptionnelles, une enquête administrative ne devrait toutefois pas se prolonger au-delà d’un délai raisonnable tenant compte des développements intervenus, du nombre d’auditions à réaliser et du volume de documentation à analyser. »

14      S’agissant de la rédaction du rapport d’enquête administrative, le point 52 du manuel de l’IDOC prévoit que le rapport d’enquête administrative comprend, en principe, cinq parties, à savoir, une partie introductive, le corps du rapport, les conclusions, les recommandations et les annexes.

15      En ce qui concerne les conclusions du rapport d’enquête administrative, le manuel de l’IDOC prévoit, en ses points 53 et 54, qu’elles doivent être rédigées afin de permettre au lecteur de prendre connaissance, en quelques pages, du résultat des investigations et qu’elles doivent reprendre, sous forme résumée, les principaux éléments de fait avec une indication de leurs sources ainsi qu’une appréciation par les personnes chargées de l’enquête. Les conclusions doivent également se prononcer, de façon motivée et individualisée, sur les responsabilités éventuelles des personnes mises en cause.

16      Quant à la partie « recommandations » du rapport d’enquête administrative, les points 57 et 58 du manuel de l’IDOC sont rédigés comme suit :

« 57.  Les recommandations ont pour objet de permettre au mandataire de suggérer à l’AIPN le suivi qui pourrait être donné à l’enquête administrative.

58.       Le mandataire peut ainsi, selon le cas, recommander soit :

–        le classement sans suite ; soit

–        le passage à la phase prévue par l’article 3 de l’annexe IX du statut. »

17      La décision de la Commission C(2007) 5730, du 30 novembre 2007, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut des fonctionnaires à l’[AIPN] et par le régime applicable aux autres agents (RAA) à l’autorité habilité[e] à conclure les contrats d’engagement (AHCC) (publiée aux Informations administratives no 57‑2007 du 6 décembre 2007, ci-après la « décision sur l’AIPN »), applicable en l’espèce, comprend, en annexe, un tableau dans lequel est précisée la composition de l’AIPN compétente en fonction de l’objet de l’acte dont il s’agit.

18      Il ressort du titre VI de ce tableau, intitulé « Discipline […] », que l’AIPN compétente pour les actes mentionnés ci-après est composée comme suit :

–        Ouverture d’une enquête administrative : pour tous les fonctionnaires, le directeur général du personnel et de l’administration, en accord avec le secrétaire général ;

–        Information du fonctionnaire concerné de la fin d’une enquête administrative et communication des conclusions du rapport et d’autres documents : pour tous les fonctionnaires, le directeur général du personnel et de l’administration ;

–        Audition préalable et engagement d’une procédure disciplinaire : pour les fonctionnaires des grades AST 1 à AD 14, le directeur général du personnel et de l’administration ;

–        Saisine du conseil de discipline : pour les fonctionnaires des grades AST 1 à AD 14, le directeur général du personnel et de l’administration ;

–        Audition préalable à une sanction éventuelle (sans ou après saisine du conseil de discipline) : pour les fonctionnaires des grades AST 1 à AD 14, le directeur général du personnel et de l’administration, le directeur, voire le directeur général, dont relève le fonctionnaire et un troisième directeur général désigné par le secrétariat général. Les pouvoirs de l’AIPN sont exercés conjointement et par délégation par ces trois directeurs ou directeurs généraux. La décision conjointe est prise à la majorité ;

–        Sanction sans ou après saisine du conseil de discipline : pour les fonctionnaires des grades AST 1 à AD 14, le directeur général du personnel et de l’administration, le directeur, voire le directeur général, dont relève le fonctionnaire et un troisième directeur général désigné par le secrétariat général. Les pouvoirs de l’AIPN sont exercés conjointement et par délégation par ces trois directeurs ou directeurs généraux. La décision conjointe est prise à la majorité.

 Faits à l’origine du litige

19      Le requérant est entré au service de la Commission le 16 août 1990 en tant que fonctionnaire de catégorie A, affecté à la direction générale (DG) « Personnel et administration ».

20      Le 1er décembre 2001, il a été nommé chef de l’unité « Personnel, administration, budget, informatique » de la DG « Contrôle financier ».

21      Le 1er janvier 2003, le requérant a été promu au grade A 4 (devenu AD 12 lors de l’entrée en vigueur de la réforme statutaire, le 1er mai 2004).

22      Par décision du 22 mai 2003, le requérant a été affecté à l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) en tant que conseiller en charge de la « Cellule de ressources ».

23      Le 17 septembre 2003, le requérant a été nommé chef de l’unité PMO/R « Ressources ». Cette unité regroupait la gestion des ressources humaines, le contrôle interne et la gestion des ressources informatiques et budgétaires.

24      Le 1er octobre 2004, Mme D. a été nommée directrice du PMO.

25      Le 1er avril 2005, le requérant a refusé de signer le projet de déclaration d’assurance pour le rapport annuel d’activité du PMO portant sur l’année 2004 qui lui avait été soumis par la direction trois jours auparavant.

26      Lors d’une réunion tenue le 11 avril 2005 et à la demande de la directrice du PMO, le comité de direction du PMO a décidé de recentrer l’unité PMO/R sur la seule gestion des ressources humaines.

27      Le 1er juin 2005, l’unité PMO/R a été renommée unité « Ressources humaines » ou PMO/7.

28      Le 10 août 2005, le directeur général de la DG « Personnel et administration » (ci-après le « directeur général du personnel et de l’administration ») a transmis un mandat d’enquête administrative à l’IDOC afin de déterminer le fondement de certaines allégations que le requérant avait formulées, dans des notes datées du mois de mai 2005, à l’encontre de Mme D. et d’autres membres du personnel du PMO, concernant des pratiques de mauvaise gestion et d’abus de pouvoir au sein du PMO. Au cours de cette enquête, à laquelle la référence CMS 05/027 a été attribuée par les services de la DG susmentionnée, certaines allégations ont fait surface à l’encontre du requérant lui-même, lesquelles ont été examinées dans le cadre de la même enquête.

29      Le 30 septembre 2005, le directeur général du personnel et de l’administration a transmis un second mandat d’enquête administrative à l’IDOC en vue de déterminer le fondement de certaines allégations que Mme D. avait formulées à l’encontre du requérant dans une note du 22 septembre 2005, selon lesquelles ce dernier aurait violé, dans le cadre de l’exercice de promotion 2005, les règles déontologiques. Cette enquête s’est vue attribuer la référence CMS 05/055.

30      Le 29 novembre 2005, lors de la réunion du comité de direction du PMO, Mme D. a présenté un nouvel organigramme visant pour l’essentiel à la création d’une unité responsable des études, à la tête de laquelle serait placé le requérant, ainsi que le rattachement de la gestion des ressources humaines au domaine de compétence du directeur du PMO.

31      Le 8 décembre 2005, le comité de direction du PMO a pris la décision de modifier l’organigramme du PMO dans le sens proposé par Mme D. Ainsi, l’intitulé de l’unité PMO/7 est devenu « Études et prospective » et le requérant a été désigné comme le chef de cette nouvelle unité, tandis que les responsabilités relatives aux ressources humaines ont été transférées à Mme D., en sa qualité de directrice du PMO.

32      La décision du comité de direction du PMO, du 8 décembre 2005, modifiant l’organigramme du PMO a fait l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal, lequel l’a rejeté par arrêt du 8 mai 2008 (Kerstens/Commission, F‑119/06). Cet arrêt a été confirmé sur pourvoi par arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 juillet 2010 (Kerstens/Commission, T‑266/08 P).

33      Le 15 mars 2006, l’IDOC a rendu son rapport sur l’enquête portant la référence CMS 05/027 (ci-après le « rapport d’enquête CMS 05/027 »), dans lequel une distinction était faite, s’agissant des suites disciplinaires, entre les allégations formulées contre Mme D. (CMS 05/027‑I) et celles formulées contre le requérant (CMS 05/027‑II). Dans le rapport susmentionné, les enquêteurs recommandaient à l’AIPN d’ouvrir à l’égard du requérant « la procédure prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut ».

34      Ce même 15 mars 2006, l’IDOC a également remis son rapport sur la deuxième enquête qui lui avait été confiée, portant la référence CMS 05/055 (ci-après le « rapport d’enquête CMS 05/055 »), lequel comportait la même recommandation que celle contenue à l’égard du requérant dans le rapport d’enquête CMS 05/027, à savoir la mise en œuvre par l’AIPN de l’article 3 de l’annexe IX du statut, et contenait, en outre, le texte suivant :

« 6.4. Recommandation. Alors que l’équipe d’enquête recommanderait que [le requérant] soit démis de ses fonctions de responsable des ressources humaines du PMO, elle note que [le requérant] n’occupe plus ce poste depuis la réorganisation du PMO qui a eu lieu en décembre 2005. L’équipe d’enquête recommande toutefois que, à l’avenir, [le requérant] ne se voit plus jamais attribuer un niveau de droits d’accès au système [informatisé de gestion du personnel] SysPer 2 particulièrement liés à la fonction de responsable des ressources humaines. » (traduction libre)

35      Par lettre du 27 juin 2006, le directeur de l’IDOC a informé le requérant que le directeur général du personnel et de l’administration l’avait désigné pour procéder, à sa place, à son audition, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, sur la base du rapport d’enquête CMS 05/027 et que son secrétariat le contacterait pour convenir de la date et de l’heure de cette audition.

36      Le 28 juin 2006, Mme B., membre de l’IDOC, a remis une copie partielle du rapport d’enquête CMS 05/027 au requérant.

37      Par courriel du 29 juin 2006, Mme B. a indiqué au requérant que, « après [lui] avoir remis les pièces probantes des deux dossiers [CMS 05/027‑II et 05/055] », elle attendait de ses nouvelles pour convenir d’une date d’audition. Ce même jour, le requérant lui a répondu par courriel qu’il la contacterait dans les meilleurs délais pour fixer cette date.

38      Par note du 7 juillet 2006, le requérant a signalé au directeur de l’IDOC que son avocat serait en principe disponible les 21 et 22 septembre 2006 pour l’assister lors de l’audition pour l’enquête CMS 05/027 et a demandé l’accès à la totalité du rapport de cette enquête. De même, il a signalé que certains courriels échangés avec Mme B. faisaient référence non seulement à l’enquête CMS 05/027, mais aussi à l’enquête CMS 05/055, alors qu’il n’avait toujours pas reçu le rapport de cette dernière enquête. Il a prié le directeur de l’IDOC de lui en envoyer une copie complète dans les meilleurs délais et de bien vouloir lui indiquer clairement si une audition serait organisée, ou non, dans le cadre de cette enquête.

39      Par note du 14 juillet 2006, le directeur de l’IDOC a transmis au requérant la totalité du rapport d’enquête CMS 05/055 et lui a expliqué que son droit d’accès au rapport d’enquête CMS 05/027 était limité aux documents relatifs à des griefs identifiés comme susceptibles d’être retenus contre lui par l’AIPN, et qu’il ne pouvait avoir accès à des documents relatifs à des faits qui pourraient être retenus à l’encontre d’autres personnes. Le directeur de l’IDOC a ajouté que deux des annexes du rapport d’enquête CMS 05/027 ne lui avaient pas été transmises pour des raisons tenant à la protection des droits des tiers et des données personnelles. Enfin, ledit directeur a précisé au requérant que l’audition organisée au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut porterait sur les deux enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055.

40      Le 21 septembre 2006, le requérant a été entendu par le directeur de l’IDOC, agissant pour le compte du directeur général du personnel et de l’administration, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, sur la base des deux rapports d’enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055.

41      Par note du 5 octobre 2006, le requérant a soumis au directeur de l’IDOC une série de commentaires sur le procès-verbal de l’audition du 21 septembre 2006.

42      Le 13 octobre 2006, le requérant a introduit une réclamation, enregistrée par l’AIPN sous la référence R/584/06, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Cette réclamation visait à « obtenir l’annulation de la ‘décision’ de l’[IDOC] du 14 juillet 2006 et la communication des éléments des rapports de l’IDOC établis suite aux enquêtes administratives [CMS 05/027] et [CMS 05/055] qui ne lui [avaient] pas été transmis ».

43      Par décision de l’AIPN du 12 février 2007, dont le requérant a accusé réception le 14 février suivant, la réclamation R/584/06 a été rejetée.

44      Le 22 février 2007, le requérant a introduit une note, qu’il a intitulée « complaint », contre la « décision d’application par l’AIPN de délais déraisonnables » qui auraient abouti au « manque d’adoption par l’AIPN d’une décision sur l’ouverture ou non d’une procédure au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut ». Dans cette note, qualifiée par l’AIPN de « réclamation », au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et enregistrée par elle sous la référence R/183/07, le requérant demandait à l’AIPN de confirmer par écrit dans les meilleurs délais que la Commission s’abstenait définitivement de lancer contre lui une procédure disciplinaire suite aux rapports d’enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055.

45      Par note du 13 juin 2007, adressée au directeur général du personnel et de l’administration, le requérant a informé ce dernier de ce que, neuf mois s’étant écoulés depuis son audition par le directeur de l’IDOC, le 21 septembre 2006, sans qu’il n’ait reçu de nouvelles sur la suite donnée à celle-ci, et à défaut de réaction avant la fin du mois de juin 2007, il considérerait que son dossier disciplinaire était classé sans suite.

46      Le 15 juin 2007, l’AIPN a adopté la décision de rejet de la « réclamation » R/183/07 (ci-après la « décision du 15 juin 2007 »). Dans cette décision, notifiée au requérant le 18 juin suivant, l’AIPN a considéré la « réclamation » R/183/07 comme étant irrecevable et, subsidiairement, non fondée.

47      Par note motivée du 17 septembre 2007, notifiée le lendemain au requérant, le directeur général du personnel et de l’administration l’a informé de sa décision, en qualité d’AIPN, d’ouvrir à son égard la procédure disciplinaire prévue à la section 4 de l’annexe IX du statut. Il lui a également signalé qu’il serait informé dans les meilleurs délais de la composition de l’AIPN devant l’entendre au titre de l’article 11 de ladite annexe.

48      Par note du 24 octobre 2007, adressée au directeur général du personnel et de l’administration, le requérant a demandé des renseignements sur le « conseil de discipline » qui allait l’entendre. Il a également signalé qu’il récuserait tout membre de ce conseil sur lequel pèseraient des soupçons de conflit d’intérêts.

49      Par note du 19 novembre 2007, le directeur général du personnel et de l’administration, faisant suite à la note du requérant du 24 octobre 2007, a indiqué à celui-ci que la note du 24 octobre était basée sur des erreurs dans la mesure où, par sa note du 17 septembre 2007, il l’avait informé de sa décision d’ouvrir la procédure disciplinaire « prévue à la section 4 de l’annexe IX du statut », c’est à dire sans consultation du conseil de discipline. Le directeur général du personnel et de l’administration a également informé le requérant qu’il avait demandé à être remplacé par un autre directeur général dans l’AIPN tripartite compétente, telle qu’elle résulte du tableau annexé à la décision sur l’AIPN, qui allait l’entendre au titre de l’article 11 de l’annexe IX du statut.

50      Par note du 20 décembre 2007, que le requérant affirme avoir reçue le 7 janvier 2008, le directeur de l’IDOC a informé celui-ci de la composition de l’AIPN tripartite chargée de son audition, et notamment de la présence du directeur général de la DG « Commerce », M. O.

51      Par note du 9 janvier 2008 adressée au directeur de l’IDOC, le requérant a récusé M. O. pour des raisons de conflit d’intérêts, ce dernier ayant été, en sa qualité de secrétaire général de la Commission, membre du comité de direction du PMO pendant la période des faits reprochés dans les rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055.

52      Par courriel du 14 janvier 2008, le directeur de l’IDOC a signalé au requérant que M. O. avait été remplacé par un autre directeur général et que son audition se tiendrait le 7 mars 2008.

53      Par note du 28 février 2008, le directeur de l’IDOC a informé le requérant que son audition par l’AIPN tripartite prévue pour le 7 mars 2008 avait été reportée au 3 avril 2008.

54      Le 3 avril 2008, l’AIPN tripartite (ci-après la « première AIPN tripartite ») a procédé à l’audition du requérant au titre de l’article 11 de l’annexe IX du statut.

55      Par note du 14 avril 2008, la première AIPN tripartite a informé le directeur général du personnel et de l’administration de ce qu’elle avait procédé à l’audition du requérant sur la base des deux rapports d’enquête et que la gravité des faits reprochés au requérant dans les deux dossiers exigeait que le conseil de discipline soit saisi. En conséquence, le rapport prévu à l’article 12 de l’annexe IX du statut serait soumis au requérant dans les meilleurs délais pour sa transmission ultérieure au conseil de discipline. Il ressort du dossier qu’une copie de cette note a été envoyée au requérant par note du 15 avril suivant.

56      Par note du 11 juin 2008, la première AIPN tripartite a saisi le conseil de discipline d’un rapport, signé le même jour, concernant le requérant, au titre de l’article 86 du statut ainsi que de l’article 3, sous c), ii), et de l’article 12 de l’annexe IX du statut. Par courrier du 12 juin 2008, une copie de ce rapport a été envoyée au requérant, lequel a introduit à son encontre une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, le 17 juillet 2008.

57      Par décision du 15 décembre 2008, notifiée au requérant le 22 décembre suivant, le conseil de discipline a décidé, au vu, notamment, du titre VI du tableau annexé à la décision sur l’AIPN, que sa saisine par note du 11 juin 2008 de la première AIPN tripartite était manifestement irrecevable, l’AIPN compétente pour saisir le conseil de discipline étant le directeur général du personnel et de l’administration, et a renvoyé l’affaire à ce dernier.

58      Par note du 19 janvier 2009, le directeur général du personnel et de l’administration a informé le requérant qu’en tant qu’AIPN compétente il reprenait la procédure disciplinaire en vue de la finaliser dans les meilleurs délais et qu’il s’occuperait de la constitution d’une nouvelle AIPN tripartite, laquelle déciderait de la sanction appropriée à lui infliger, conformément à l’article 11 de l’annexe IX du statut. Le requérant serait informé dans les meilleurs délais de la composition de la nouvelle AIPN tripartite ainsi que de la date à laquelle cette dernière se réunirait, rappel lui étant fait qu’au cas où il ne souhaiterait pas comparaître devant cette nouvelle AIPN tripartite, il avait la possibilité d’adresser des observations écrites à cette autorité.

59      Le 30 mars 2009, le requérant a été entendu par la nouvelle AIPN tripartite, composée, entre autres, du directeur général du personnel et de l’administration et de M. O. (ci-après la « seconde AIPN tripartite »).

60      Par décision du 23 avril 2009, la seconde AIPN tripartite a appliqué au requérant la sanction de l’avertissement par écrit, prévue par l’article 9, paragraphe 1, sous a), de l’annexe IX du statut (ci-après la « décision attaquée »). Selon cette décision, quatre griefs ont été retenus contre le requérant : le non-respect, pendant la période allant de mars à septembre 2004, des instructions d’embauche au sein du PMO ; l’envoi, le 26 mai 2005, d’une note au personnel de son unité contenant des instructions sur la loyauté et la discipline ; l’emploi, dans une note du 25 mai 2005, d’un qualificatif inapproprié à l’égard de Mme D., et l’introduction, en février et en septembre 2005, dans le système SysPer 2 d’un projet de points de priorité le concernant et de commentaires sur les appels interjetés auprès du comité de promotion par des membres du personnel du PMO, notamment par lui-même.

61      Le 23 juillet 2009, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision attaquée.

62      Par note du 30 octobre 2009, le requérant a été informé de la décision de l’AIPN du 28 octobre 2009 portant rejet de sa réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

63      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, condamner la Commission à lui verser, en réparation du préjudice moral subi, une somme devant être fixée ex aequo et bono ;

–        condamner la Commission aux dépens.

64      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie manifestement non fondé, et en tout état de cause comme étant manifestement non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

65      Suite au dépôt du mémoire en défense, un deuxième échange de mémoires a eu lieu.

66      Par courriers du 13 juillet 2011 ainsi que dans le rapport préparatoire d’audience adressé aux parties le 21 octobre 2011, le Tribunal a invité celles-ci à répondre à des mesures d’organisation de la procédure. Elles y ont déféré dans les délais impartis.

 Sur la recevabilité de la réplique

 Arguments des parties

67      Dans son mémoire en duplique, la Commission soulève une exception d’irrecevabilité à l’encontre du mémoire en réplique. Cet écrit ne serait pas suffisamment compréhensible, ce qui empêcherait la Commission d’y répondre convenablement et le Tribunal de statuer, en violation de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal, applicable par analogie au mémoire en réplique.

 Appréciation du Tribunal

68      Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir les moyens et les arguments de fait et de droit invoqués. Ces moyens et arguments doivent être présentés de façon suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2011, Michail/Commission, F‑100/09, point 22, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑597/11 P). Cette interprétation de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure vise également les conditions de recevabilité du mémoire en réplique qui, selon l’article 41 du même règlement, est destiné, avec le mémoire en duplique, à compléter le dossier (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, points 39 et 40).

69      En l’espèce, il ressort de l’examen du mémoire en réplique que le requérant l’a rédigé essentiellement en prenant comme texte de base la requête, dans laquelle il a inséré, en caractères italiques, des commentaires sur les observations, formulées par la Commission dans son mémoire en défense, sur des points spécifiques de la requête. Chacun de ces commentaires est introduit par un titre identifiant clairement les points du mémoire en défense auxquels il se rapporte et est inséré aux points de la requête concernés par les observations de la Commission. Le mode opératoire suivi par le requérant, bien que n’étant pas habituel, a néanmoins permis à la Commission de présenter utilement sa défense, ainsi qu’il ressort de son mémoire en duplique, et au Tribunal d’identifier précisément les arguments de fait et de droit qui avaient été invoqués dans la requête et que la réplique tendait à compléter.

70      Dans ces conditions, le mémoire en réplique satisfait aux exigences de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure et l’exception d’irrecevabilité soulevée à son encontre par la Commission doit être rejetée.

 Sur les conclusions en annulation

71      Le requérant invoque deux moyens à l’appui de son recours en annulation. Le premier moyen est tiré d’un vice de procédure entachant le rapport d’enquête CMS 05/055, en ce que ledit rapport contiendrait indûment des recommandations de sanction à son égard, en violation des droits de la défense dans le déroulement de la procédure disciplinaire et de la présomption d’innocence. Le deuxième moyen est pris d’un vice de procédure entachant la procédure disciplinaire suivie dans son ensemble, en ce que la Commission n’aurait pas respecté des délais raisonnables, en violation des droits de la défense, ainsi que des principes de sécurité juridique et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré du vice de procédure entachant le rapport d’enquête CMS 05/055

 Arguments des parties

72      Dans le cadre du premier moyen, le requérant dénonce le fait que le rapport d’enquête CMS 05/055, déposé par l’IDOC le 15 mars 2006 contient, d’une part, une remarque selon laquelle l’équipe d’enquête estime qu’elle devrait, en l’espèce, recommander qu’il soit démis de ses fonctions de responsable des ressources humaines du PMO mais qu’elle s’abstient de faire une telle recommandation, car il en serait déjà ainsi depuis la réorganisation du PMO qui a eu lieu en décembre 2005 (ci-après la « remarque contestée ») et, d’autre part, une recommandation de lui infliger une sanction disciplinaire grave, à savoir celle de ne plus jamais se voir attribuer le niveau de droits d’accès au système SysPer 2 lié à la fonction de responsable des ressources humaines (ci-après la « recommandation litigieuse »).

73      Le requérant souligne que la remarque contestée et la recommandation litigieuse sont intervenues à peine trois mois après sa réaffectation consécutive à la décision du 8 décembre 2005 sur la réorganisation du PMO, décision qu’il contestera par la suite devant le Tribunal, notamment parce qu’il ressentait la réaffectation comme une sanction déguisée. À travers la remarque contestée et la recommandation litigieuse, l’IDOC semblerait donc vouloir justifier a posteriori ladite réaffectation.

74      Le requérant fait valoir que la remarque contestée et la recommandation litigieuse constituent en réalité une proposition de sanction grave, équivalant à la rétrogradation, car elles ont pour effet de le priver définitivement de toute possibilité d’occuper un poste de responsable des ressources humaines. La remarque contestée et la recommandation litigieuse seraient intervenues avant qu’il n’eût été entendu, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, dans le cadre de l’audition préalable à l’adoption, par l’AIPN, de la décision d’ouvrir ou non une procédure disciplinaire. En agissant de la sorte, l’IDOC aurait outrepassé son mandat d’investigation et aurait influencé l’AIPN dans sa décision sur l’ouverture, ou non, de la procédure disciplinaire en empêchant cette autorité de prendre en compte la possibilité d’adopter les décisions plus clémentes, voire absolutoires, prévues à l’article 3 susmentionné.

75      Étant donné que l’AIPN n’aurait pas ordonné à l’IDOC de rédiger un nouveau rapport dans lequel la remarque contestée et la recommandation litigieuse n’auraient plus figuré, l’AIPN reconnaîtrait implicitement qu’elle avait décidé, dès le début de la procédure disciplinaire et même avant que celle-ci ne débute, d’imposer en tout état de cause une sanction au requérant, sans tenir compte de son audition réalisée après le dépôt du rapport d’enquête CMS 05/055.

76      Selon le requérant, il s’ensuivrait que, dès son ouverture, la procédure disciplinaire a été entachée d’un vice de procédure portant atteinte aux droits de la défense et à la présomption d’innocence, avec pour conséquence l’illégalité de la décision attaquée.

77      La Commission soulève l’irrecevabilité du premier moyen à deux égards. Premièrement, il y aurait violation de la règle de concordance entre la réclamation et le recours puisqu’il s’agirait d’un moyen nouveau, évoqué seulement au stade de la requête et qui ne se rattacherait pas étroitement aux arguments développés dans la réclamation. Deuxièmement, le premier moyen répèterait la thèse du requérant, déjà développée dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal, Kerstens/Commission, précité, selon laquelle sa réaffectation, décidée en décembre 2005, constituerait une sanction déguisée. Cette thèse ayant été rejetée par le Tribunal, et le pourvoi formé par le requérant étant, à la date du mémoire en défense, pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, il s’agirait d’un moyen irrecevable pour cause de litispendance. Dans sa duplique, la Commission a précisé que le pourvoi du requérant ayant été rejeté par l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, Kerstens/Commission, précité, le moyen ne serait plus irrecevable pour cause de litispendance, mais en raison de l’autorité de la chose jugée.

78      À titre subsidiaire, la Commission estime que le premier moyen est manifestement non fondé. La remarque contestée et la recommandation litigieuse viseraient l’adoption, non pas d’une sanction à l’égard du requérant, mais de mesures administratives et préventives, lesquelles n’auraient d’ailleurs pas été adoptées par l’AIPN.

79      Dans sa réplique, le requérant conclut au rejet des fins de non-recevoir soulevées par la Commission. Premièrement, dans la réclamation, il aurait expressément contesté la recommandation litigieuse et signalé que l’IDOC avait ainsi outrepassé son mandat et commis un abus de pouvoir. Dès lors, il y aurait lieu de considérer que, dans sa réclamation, il s’était plaint d’une violation des règles de procédure. Par conséquent, l’invocation dans la requête de la violation des droits de la défense et de l’atteinte à la présomption d’innocence se rattacherait étroitement aux arguments développés dans la réclamation. Deuxièmement, l’affaire ayant donné lieu aux arrêts Kerstens/Commission, précités et la présente affaire porteraient sur des décisions de la Commission différentes, de sorte que toute litispendance serait exclue.

80      Le requérant conteste également le caractère prétendument non fondé de son premier moyen. À supposer que la remarque contestée et la recommandation litigieuse aient eu pour objet l’adoption à son égard par l’AIPN, non pas d’une sanction, mais de mesures administratives et préventives, il demeurerait que l’IDOC n’était pas compétent pour recommander l’adoption de telles mesures. Par ailleurs, les mesures proposées ne sauraient être qualifiées de préventives, car elles auraient visé à son éloignement définitif d’un poste de responsable des ressources humaines. De plus, l’argument de la Commission selon lequel la remarque contestée et la recommandation litigieuse n’auraient de toutes façons pas été suivies d’une décision en ce sens de l’AIPN ne saurait être retenu, car le requérant a, effectivement, été sanctionné, quoique de façon légère, et il ne saurait être exclu que la remarque contestée et la recommandation litigieuse aient pu avoir une influence sur la décision qui a finalement été adoptée à l’issue de la procédure disciplinaire. Enfin, le fait que l’IDOC ait suggéré, à tout le moins implicitement, qu’il soit sanctionné avant même qu’il n’ait été entendu au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut et le fait qu’il ait effectivement été sanctionné tendraient à démontrer que la Commission avait décidé, dès le début de la procédure disciplinaire, de le sanctionner.

 Appréciation du Tribunal

–       Observation liminaire

81      Le Tribunal constate à l’examen de la requête que le vice de procédure visé par le premier moyen concerne uniquement la recommandation litigieuse, et non la remarque contestée, et que l’allégation du requérant, selon laquelle cette recommandation ainsi que la remarque contestée sont intervenues à peine trois mois après sa réaffectation consécutive à la décision du 8 décembre 2005, n’a été formulée que pour renforcer un moyen que le requérant avait invoqué dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal, Kerstens/Commission, précité, tiré d’une violation des dispositions statutaires en matière de procédure disciplinaire. Dès lors, il y a lieu de considérer que le premier moyen est tiré d’un vice de procédure entachant le rapport d’enquête CMS 05/055, en ce que ce rapport contient la recommandation litigieuse, en violation des droits de la défense dans le déroulement de la procédure disciplinaire et de la présomption d’innocence.

–       Sur la recevabilité du premier moyen

82      En ce qui concerne, en premier lieu, l’irrecevabilité soulevée par la Commission pour violation de la règle de concordance entre la réclamation et le recours, il y a lieu de rappeler que cette règle exige, en substance, une concordance entre l’objet et la cause de la requête et ceux de la réclamation. À cet égard, le Tribunal a déclaré qu’une interprétation souple de cette exigence s’impose. Ainsi, la règle de concordance ne saurait intervenir qu’aux seuls cas où le recours contentieux modifie l’objet de la réclamation ou sa cause, cette dernière notion de « cause » étant à interpréter au sens large. Suivant une telle interprétation, et s’agissant des conclusions en annulation, par « cause du litige » il y a lieu d’entendre la contestation par le requérant de la légalité interne de l’acte attaqué ou, alternativement, la contestation de sa légalité externe, distinction reconnue à maintes reprises dans la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement, F‑45/07, points 109, 115 et 119, et la jurisprudence citée).

83      En conséquence, et sous réserve des exceptions d’illégalité et bien entendu des moyens d’ordre public, il n’y aurait normalement modification de la cause du litige et, partant, irrecevabilité pour non-respect de la règle de concordance que si le requérant, critiquant dans sa réclamation la seule validité formelle de l’acte lui faisant grief, y compris ses aspects procéduraux, soulève dans la requête des moyens au fond ou dans l’hypothèse inverse où le requérant, après avoir uniquement contesté dans sa réclamation la légalité au fond de l’acte lui faisant grief, introduit une requête contenant des moyens relatifs à la validité formelle de celui-ci y compris ses aspects procéduraux (arrêt Mandt/Parlement, précité, point 120).

84      En l’espèce, le requérant a critiqué, dans la réclamation, la recommandation litigieuse comme étant la manifestation d’un abus de pouvoir de la part de l’IDOC et l’a qualifiée de « facteur invalidant de façon sérieuse la procédure concernant l’enquête CMS 05/055, prise dans son ensemble ». Il y a donc lieu de comprendre que le requérant s’est plaint d’un vice de procédure qu’il estimait susceptible d’affecter la procédure disciplinaire et qu’il a dès lors soulevé un moyen portant sur la validité formelle de la décision attaquée. Étant donné que les précisions apportées au stade de la requête, en ce que ce vice procédural violerait les droits de la défense et porterait atteinte à la présomption d’innocence, portent également sur la validité formelle de la décision attaquée, il y a lieu de conclure que le premier moyen, tiré d’un vice de procédure en ce que le rapport d’enquête CMS 05/055 contient la recommandation litigieuse, ne méconnaît pas la règle de concordance susmentionnée.

85      En ce qui concerne, en second lieu, l’irrecevabilité du premier moyen tirée de ce qu’il répèterait la thèse développée par le requérant dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal, Kerstens/Commission, précité, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l’autorité de la chose jugée s’attachant à un arrêt est susceptible de faire obstacle à la recevabilité d’un recours si le recours ayant donné lieu à l’arrêt en cause a opposé les mêmes parties, a porté sur le même objet et a été fondé sur la même cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 septembre 1985, Hoogovens Groep/Commission, 172/83 et 226/83, point 9, et du 22 septembre 1988, France/Parlement, 358/85 et 51/86, point 12 ; arrêt du Tribunal de première instance du 8 mars 1990, Maindiaux e.a./CES, T‑28/89, point 23), étant précisé que ces conditions ont nécessairement un caractère cumulatif (arrêt du Tribunal de première instance du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, point 37).

86      Conformément à cette jurisprudence, afin de déterminer si la recevabilité du premier moyen est affectée par l’autorité de la chose jugée, il convient d’examiner si le recours ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal, Kestens/Commission, précité, confirmé sur pourvoi, et le recours introduit dans la présente affaire opposent les mêmes parties, portent sur le même objet et sont fondés sur la même cause.

87      À cet égard, il y a lieu de constater que le recours ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal, Kestens/Commission, précité, tendait à l’annulation de la décision de portée générale, du 8 décembre 2005, du comité de direction du PMO portant modification de l’organigramme du PMO, alors que le présent recours concerne une décision distincte, individuelle et postérieure, adoptée à l’issue d’une procédure disciplinaire menée à l’égard du requérant. Le présent recours étant dirigé contre une décision autre que celle, visée dans l’affaire Kerstens/Commission, précitée, il ne saurait donc être considéré que les deux recours en cause ont le même objet. Il s’ensuit que l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’arrêt du Tribunal Kerstens/Commission, précité, ne s’oppose pas à la recevabilité du présent moyen (voir, en ce sens, arrêt NMB e.a./Commission, précité, point 38).

88      En tout état de cause, le Tribunal observe qu’en l’espèce le requérant ne prétend pas, par son premier moyen, remettre en cause sa réaffectation consécutive à la décision, du 8 décembre 2005, portant modification de l’organigramme du PMO, contre laquelle était dirigé son recours en annulation ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal Kerstens/Commission, précité. En effet, contrairement à ce que soutient la Commission, dans la présente affaire, l’argument selon lequel sa réaffectation serait une sanction déguisée, moyen qui a été invoqué, et déclaré non fondé, par l’arrêt du Tribunal Kerstens/Commission, précité, n’est nullement invoqué par le requérant dans le cadre du premier moyen soulevé.

89      En conséquence, le premier moyen étant recevable, il convient de l’examiner au fond.

–       Sur le fond

90      Pour statuer sur le bien-fondé du premier moyen soulevé, tel qu’il a été circonscrit au point 81 du présent arrêt, il convient de rappeler que conformément à l’article 1er, à l’article 2, paragraphe 2, et à l’article 3 de l’annexe IX du statut, toute procédure disciplinaire est précédée d’une enquête administrative. Conformément à l’article 2 des DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires, l’IDOC est l’organe de la Commission chargé d’effectuer, à la demande de l’AIPN, les enquêtes administratives, lesquelles visent à établir les faits et, le cas échéant, à déterminer s’il y a un manquement aux obligations auxquelles les fonctionnaires de la Commission sont soumis.

91      Aux termes de l’article 3 de l’annexe IX du statut, l’AIPN décide, sur la base du rapport d’enquête de l’IDOC et après avoir entendu l’intéressé, de la suite à donner à l’enquête administrative. Il ressort des articles 3, 11 et 22 de l’annexe IX du statut, lus ensemble avec l’article 9 de cette annexe, que, si l’IDOC estime dans son rapport d’enquête que l’intéressé a manqué à ses obligations statutaires, l’AIPN peut décider, soit qu’il y a lieu d’ouvrir une procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline, auquel cas les seules sanctions que l’AIPN peut prononcer sont des sanctions légères n’affectant pas les droits pécuniaires de l’intéressé, soit qu’il y a lieu d’ouvrir une procédure disciplinaire avec saisine du conseil de discipline, lequel peut proposer n’importe quelle sanction prévue à l’article 9 de l’annexe susmentionnée, soit même qu’il convient de n’adopter aucune sanction disciplinaire.

92      Le Tribunal constate que les DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires n’interdisent pas à l’IDOC de formuler des recommandations à l’intention de l’AIPN, ce qui s’inscrit dans la logique de la séparation des pouvoirs des organes intervenant dans toute procédure disciplinaire et dans la phase antérieure à l’ouverture de celle-ci. En effet, l’IDOC est l’organe de la Commission chargé d’effectuer, sur mandat de l’AIPN et de manière indépendante, les enquêtes administratives, alors que l’AIPN est l’organe de la Commission chargé de prendre les décisions sur la suite à donner aux enquêtes administratives effectuées à sa demande par l’IDOC. Il y a donc lieu de conclure, d’une part, que l’IDOC peut formuler des recommandations à l’intention de l’AIPN et, d’autre part, que ces recommandations ne sont pas contraignantes pour l’AIPN.

93      Au point 52 du manuel de l’IDOC, il est d’ailleurs indiqué qu’un rapport d’enquête administrative comprend, en principe, cinq parties dont l’une intitulée « recommandations », lesquelles, selon le point 57 du même manuel, « ont pour objet de permettre au mandataire de suggérer à l’AIPN le suivi qui pourrait être donné à l’enquête administrative ». Il ressort du libellé de ce point 57 que l’AIPN n’est pas liée par les recommandations de l’IDOC. Celles-ci sont de simples suggestions adressées à l’AIPN, laquelle décidera, de façon indépendante, si elle les prendra en compte ou non, pour la suite à donner à l’enquête administrative à laquelle elles se rapportent, et, dans l’affirmative, dans quelle mesure.

94      S’il est vrai que, selon le point 58 du manuel de l’IDOC, « [l]e mandataire peut ainsi, selon le cas recommander soit le classement sans suite, soit le passage à la phase prévue par l’article 3 de l’annexe IX du statut », cette formulation ne saurait être interprétée en ce sens que l’IDOC n’a pas le droit de formuler d’autres recommandations que celles-ci. En effet, ces deux recommandations ne sont que le reflet des deux manières par lesquelles l’IDOC peut conclure les enquêtes administratives. Dans la mesure où l’IDOC et l’AIPN sont deux organes séparés et autonomes, l’IDOC est toutefois en droit de formuler des recommandations incidentes ou complémentaires. Ainsi, il est libre, par exemple, de préciser le type de procédure disciplinaire qu’il conseille d’ouvrir à l’égard de l’intéressé. Étant donné que l’article 3 de l’annexe IX du statut prévoit l’audition de l’intéressé par l’AIPN sur la base du rapport d’enquête établi par l’IDOC, les recommandations que l’IDOC estime opportun de formuler sont forcément incluses dans ledit rapport avant que l’intéressé ne soit entendu par l’AIPN au titre de l’article 3 précité.

95      Le Tribunal observe qu’en l’espèce, la recommandation litigieuse ne vise pas l’adoption, par l’AIPN, d’une des sanctions énumérées à l’article 9 de l’annexe IX du statut, mais propose simplement une mesure administrative, certes contraignante pour la carrière de fonctionnaire de l’Union du requérant puisqu’elle tend à restreindre ses droits d’accès au système SysPer 2. Toutefois, compte tenu qu’il ne s’agit que d’une recommandation qui, en tout état de cause, comme il vient de l’être exposé, n’est pas susceptible de lier l’AIPN, il y a lieu de conclure, d’une part, que l’IDOC n’a pas outrepassé son mandat d’enquête et, d’autre part, que la procédure disciplinaire n’a pas été entachée d’un vice de procédure tenant à ce que l’AIPN n’aurait pas ordonné à l’IDOC de supprimer la recommandation litigieuse.

96      Pour finir, le requérant fait valoir qu’il ne saurait être exclu que la recommandation litigieuse ait pu avoir une influence sur le contenu de la décision attaquée et que la Commission avait décidé, dès le début de la procédure, de le sanctionner.

97      À cet égard, le Tribunal observe, tout d’abord, qu’il est inhérent à la nature même d’une recommandation que celle-ci puisse exercer une influence sur son destinataire. Or, si l’IDOC avait considéré que le requérant méritait de se voir infliger une sanction grave, telle que celle de la rétrogradation, il aurait pu recommander à l’AIPN de porter l’affaire devant le conseil de discipline, ce qu’il n’a pas fait. En effet, dans les deux rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055, l’IDOC s’est limité à recommander à l’AIPN d’ouvrir « la procédure conformément à l’article 3 de l’annexe IX du statut », sans préciser aucunement s’il convenait de saisir le conseil de discipline ou non. Ensuite, puisque, comme il vient de l’être démontré, l’IDOC était en droit de formuler la recommandation litigieuse dans son rapport d’enquête remis à l’AIPN avant que celle-ci ne procède à l’audition du requérant, le requérant n’établit nullement que la formulation de la recommandation litigieuse démontrerait, à elle seule, que la Commission avait décidé, dès l’ouverture de la procédure disciplinaire, de le sanctionner.

98      Il résulte des considérations qui précèdent que le requérant ne saurait valablement soutenir que la recommandation litigieuse aurait vicié la procédure disciplinaire, en violation de ses droits de la défense et du principe de la présomption d’innocence.

99      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré du non-respect par la Commission de délais raisonnables dans le déroulement de la procédure disciplinaire

 Arguments des parties

100    Le requérant soutient que tant la phase qui a précédé la procédure disciplinaire que la procédure disciplinaire elle-même ne se sont pas déroulées dans des délais raisonnables, ce qui devrait entraîner l’annulation de la décision attaquée.

101    En ce qui concerne la phase antérieure à l’ouverture de la procédure disciplinaire proprement dite, le requérant invoque notamment l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 juin 2004, François/Commission (T‑307/01), et l’arrêt du Tribunal du 13 janvier 2010, A et G/Commission (F‑124/05 et F‑96/06) dans lesquels il aurait été jugé que, lors de l’examen d’un grief tiré de l’action tardive de la Commission, le juge de l’Union ne doit pas se limiter à constater qu’aucun délai de prescription n’existe, mais doit vérifier si la Commission n’a pas agi de manière excessivement tardive.

102    Or, en l’espèce, la Commission aurait agi de façon excessivement tardive dans la mesure où l’ouverture de la procédure disciplinaire, le 17 septembre 2007, serait intervenue dans un délai déraisonnable, tant par rapport à la date des faits reprochés, que par rapport à la date de la clôture des rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055 et à celle de l’audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut.

103    Les faits sur lesquels ont porté les deux enquêtes administratives, que d’ailleurs aucun rapport d’évolution de carrière du requérant ne mentionnerait, remonteraient aux années 2004 et 2005, l’IDOC aurait clôturé les deux rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055 le 15 mars 2006, et l’audition, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, n’aurait eu lieu que le 21 septembre 2006, soit dans un délai anormalement long, de plus de six mois à partir de la date de clôture des deux rapports susmentionnés. La date du 21 septembre 2006 aurait été la première date proposée par l’IDOC comme date d’audition et le requérant, dans son courrier du 7 juillet 2006, se serait limité à communiquer la disponibilité de son conseil pour ce jour. Dans la mesure où l’IDOC n’avait pas proposé de date antérieure à celle du 21 septembre 2006, la Commission serait la seule responsable du retard avec lequel ladite audition s’est tenue.

104    Après l’audition du 21 septembre 2006, pratiquement un an se serait écoulé avant que la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire ne soit prise, alors que le directeur de l’IDOC avait signalé au requérant qu’une telle décision serait probablement prise à la fin du mois d’octobre 2006. Ainsi, la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire aurait été adoptée plus d’un an et demi après la finalisation des rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055 et plus de trois ans après les faits reprochés pour l’un des griefs retenus, à savoir le non-respect des instructions d’embauche, et plus de deux ans après les faits reprochés pour les trois autres griefs retenus, à savoir l’envoi d’une note contenant des instructions sur la loyauté et la discipline, l’emploi d’un qualificatif inapproprié à l’égard de la directrice du PMO et l’introduction de certaines données dans SysPer 2. Selon le requérant, ces délais ne seraient pas acceptables, d’autant plus que dans l’arrêt François/Commission, précité, il aurait été jugé que la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire adoptée plus de deux ans après les faits reprochés, et pour certains faits reprochés, plus de cinq ans après ceux-ci, avait été adoptée dans des délais déraisonnables, et que dans l’arrêt A et G/Commission, précité, il aurait été jugé que le délai de près de deux ans écoulés entre le rapport d’enquête et la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire était anormalement long.

105    Dans sa réponse aux questions formulées dans le rapport préparatoire d’audience, le requérant a identifié d’autres étapes de la phase antérieure à la procédure disciplinaire proprement dite qui, à son avis, se seraient déroulées dans un délai déraisonnable. D’abord, il fait valoir que l’ouverture de l’enquête administrative se rapportant au grief le plus ancien, datant du 31 mars 2004, n’aurait été mandatée que le 10 août 2005, alors qu’elle aurait dû l’être au plus tard le 30 avril 2004. Ensuite, il estime que l’IDOC aurait dû effectuer le rapport d’enquête CMS 05/027 dans le délai de trois mois, ce qu’il n’aurait pas fait. De plus, les rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055 ne lui auraient été communiqués que quatre mois après avoir été déposés, délai qu’il considère excessif dans la mesure où une telle communication aurait dû intervenir dans le délai de quinze jours à compter du dépôt desdits rapports. Enfin, il souligne que l’audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut aurait dû avoir lieu au cours du mois qui a suivi la communication des rapports susmentionnés, ce qui n’aurait pas été le cas.

106    Quant à la procédure disciplinaire elle-même, le requérant fait valoir que les autorités disciplinaires ont l’obligation de la mener avec diligence et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent. Il affirme que l’annexe IX du statut fixe des délais stricts pour le déroulement de la procédure disciplinaire lorsque le conseil de discipline est saisi. Tout en reconnaissant que ces délais ne sont pas péremptoires, il souligne que, selon une jurisprudence constante, ils énoncent une règle de bonne administration. Ainsi, le requérant invoque les arrêts du Tribunal de première instance du 17 octobre 1991, de Compte/Parlement (T‑26/89, point 88) et du 16 juillet 1998, Y/Parlement (T‑219/96, point 43) et précise que, dans ce dernier arrêt, le juge de l’Union aurait censuré un délai de près d’un an et demi pour le déroulement d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. Or, dans la mesure où la durée d’une procédure disciplinaire avec consultation du conseil de discipline serait, conformément à l’annexe IX du statut, d’environ quatre mois, les délais procéduraux devraient être encore plus courts en cas de non-consultation de ce conseil.

107    En l’espèce, les délais entre les différentes étapes de la procédure disciplinaire devraient être considérés comme anormalement longs, d’autant plus que le conseil de discipline n’avait pas été consulté, que les enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055 ne présentaient pas de complexité particulière et qu’il n’existait pas de circonstances exceptionnelles.

108    D’abord, l’audition par la première AIPN tripartite n’aurait eu lieu que le 3 avril 2008, soit plus de six mois après l’ouverture de la procédure disciplinaire. Selon le requérant, il ne peut lui être imputé un quelconque retard dans la désignation de la première AIPN tripartite puisque, avant même que les membres de celles-ci ne soient désignés et qu’une date d’audition ne soit fixée, il avait pris l’initiative, dans sa note du 24 octobre 2007, de demander que la date de son audition lui soit communiquée et prévenu la Commission qu’il récuserait tout membre du « conseil de discipline » chargé de procéder à son audition sur lequel pèserait des soupçons de conflit d’intérêts. En nommant un ancien membre du comité de direction du PMO comme membre de la première AIPN tripartite, la Commission avait pris le risque que le requérant le récuse. Le fait qu’il n’ait pas récusé le directeur général du personnel et de l’administration et M. O. comme membres de la seconde AIPN tripartite s’expliquerait, par ailleurs, par sa volonté d’éviter toute prolongation supplémentaire de la procédure disciplinaire.

109    Ensuite, la première AIPN tripartite aurait indûment saisi le conseil de discipline, ce qui aurait provoqué des retards additionnels. La décision d’irrecevabilité de cette saisine rendue par le conseil de discipline le 15 décembre 2008 ainsi que la décision du directeur général du personnel et de l’administration de reprendre la procédure sur la base de l’article 11 de l’annexe IX du statut confirmeraient l’absence de responsabilité du requérant dans ce nouveau retard d’un an, non justifiable au regard du principe du respect du délai raisonnable. Le fait que la Commission ait décidé de le faire réentendre par la seconde AIPN tripartite ne ferait que confirmer que le délai écoulé entre les deux auditions a été le résultat du manque de diligence de la Commission.

110    Enfin, ce ne serait qu’après la nomination de la seconde AIPN tripartite et son audition par celle-ci, le 30 mars 2009, soit près d’un an après l’audition par la première AIPN tripartite, que la procédure disciplinaire aurait été clôturée, le 23 avril 2009, par la décision attaquée.

111    Ainsi, au total dix-neuf mois se seraient écoulés entre la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire et l’adoption de la décision attaquée, laquelle serait intervenue près de cinq ans après les faits reprochés pour l’un des griefs retenus et près de quatre ans après les faits reprochés pour les trois autres griefs. Il s’agirait de délais déraisonnables, comme il ressortirait de l’arrêt A et G/Commission, précité, dans lequel la procédure disciplinaire examinée aurait duré près de trois ans et aurait été clôturée près de sept ans après les faits reprochés, délais qui auraient été jugés excessifs. En outre, selon le rapport d’activité 2009 de l’IDOC, la « durée moyenne normale » d’une procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline serait de onze mois, soit la moitié environ du délai qui a été consacré à la procédure disciplinaire le concernant.

112    La Commission répond, dans sa duplique, que le second moyen est en partie irrecevable dans la mesure où la décision du 15 juin 2007, non attaquée par le requérant, a définitivement tranché la question de savoir si la Commission a respecté le principe du délai raisonnable pour la période allant du 21 septembre 2006 au 15 juin 2007. Le requérant ne saurait plus remettre en cause cette question ni le Tribunal apprécier si, pendant la période susmentionnée, la Commission a respecté ce principe.

113    Sur le fond, la Commission conteste que la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire soit intervenue dans un délai déraisonnable et que la durée de la procédure disciplinaire ait été excessive.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la recevabilité

114    Premièrement, le Tribunal constate que, dans ses écrits, le requérant ne développe son argumentation sur le non-respect par la Commission, dans le déroulement de la procédure disciplinaire, de délais raisonnables que sur le terrain de la violation du principe de sécurité juridique et de celui de bonne administration.

115    La violation des droits de la défense dans le déroulement de la procédure disciplinaire est uniquement énoncée dans les écrits du requérant et n’est aucunement étayée par une quelconque argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure. Il y a donc lieu de déclarer irrecevable ce grief du second moyen.

116    Deuxièmement, le Tribunal est appelé à se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité partielle du second moyen en ce que la décision du 15 juin 2007 aurait définitivement tranché la question de savoir si la Commission a respecté le principe du délai raisonnable pour la période allant du 21 septembre 2006 au 15 juin 2007. À cet égard, il est rappelé que les règles posées par les articles 90 et 91 du statut concernant la demande et la réclamation sont d’ordre public. Il appartient donc au seul Tribunal, quelles que soient les prises de position des parties, d’une part, de rechercher si la procédure administrative préalable a suivi un cours régulier et, d’autre part, de procéder à la qualification juridique des actes intervenus au cours de cette procédure (arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2000, Skrzypek/Commission, T‑134/99, point 37).

117    En l’espèce, doit être regardée comme une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, la partie de la note du 22 février 2007 dans laquelle le requérant a demandé à la Commission, eu égard au fait que cette dernière n’avait pas pris de décision d’ouvrir ou non une procédure disciplinaire au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut le concernant, d’adopter une telle décision, et ce même s’il a intitulé ladite note « complaint » et que l’administration l’a enregistrée comme une « réclamation » au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

118    Par conséquent, la décision du 15 juin 2007 doit être considérée comme une décision portant rejet d’une demande, adoptée au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, et non comme une décision portant rejet d’une réclamation, prise au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

119    Il résulte du dossier que la décision du 15 juin 2007 a été notifiée au requérant le 18 juin suivant. Il s’ensuit que si ce dernier avait souhaité contester la décision du 15 juin 2007, le délai de trois mois pour le faire, moyennant l’introduction d’une réclamation, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, expirait le 18 septembre 2007.

120    Or, il ressort du dossier que, le 18 septembre 2007, le requérant a reçu notification de la note motivée du directeur général du personnel et de l’administration, du 17 septembre 2007, portant ouverture d’une procédure disciplinaire. Dès lors, à partir de cette date, le requérant n’avait plus d’intérêt à demander à l’AIPN d’adopter une décision à son égard concernant la suite à donner aux enquêtes administratives CMS 05/027 et CMS 05/055. La Commission ne saurait donc reprocher au requérant de ne pas avoir contesté la décision du 15 juin 2007 dans les délais et l’exception d’irrecevabilité partielle du second moyen ne peut donc être accueillie.

121    Par conséquent, il y a lieu d’examiner le second moyen au fond.

–       Sur le fond

122    Le statut, dans son article 86 et dans son annexe IX, relatifs au régime disciplinaire applicable aux fonctionnaires de l’Union, ne prévoit aucun délai de prescription pour des faits pouvant donner lieu à l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire accusé d’avoir manqué à l’une de ses obligations statutaires. Il importe de noter, à cet égard, qu’un délai de prescription, pour remplir sa fonction d’assurer la sécurité juridique, doit être fixé à l’avance par le législateur de l’Union (arrêts du Tribunal de première instance du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, point 88, et François/Commission, précité, point 45).

123    Néanmoins, il convient de rappeler que, pour pallier les conséquences négatives qui peuvent résulter de l’absence de délai de prescription concernant l’exercice par l’administration de ses compétences, la Cour a jugé que, en l’absence d’un tel délai, l’exigence fondamentale de la sécurité juridique s’oppose à ce qu’une institution de l’Union puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs, et que, partant, le juge de l’Union, lors de l’examen d’un grief tiré de l’action tardive de cette institution, ne doit pas se limiter à constater qu’aucun délai de prescription n’existe, mais doit vérifier si cette dernière n’a pas agi de manière excessivement tardive (voir, en ce sens, arrêt François/Commission, précité, point 46).

124    S’agissant plus particulièrement du régime disciplinaire applicable aux fonctionnaires de l’Union, il convient de rappeler que si le statut ne prévoit pas de délai de prescription pour l’ouverture d’une procédure disciplinaire, il fixe néanmoins, dans son annexe IX, plus précisément à la section 5 de cette annexe, des délais stricts pour le déroulement de la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. Il est de jurisprudence constante que, s’il est vrai que ces délais ne sont pas péremptoires, ils énoncent néanmoins une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des fonctionnaires, un retard injustifié dans l’adoption de la décision qui met fin à la procédure disciplinaire (voir, en ce sens, arrêts de Compte/Parlement, précité, point 88, et François/Commission, précité, point 47). Il découle du souci de bonne administration manifesté par le législateur de l’Union que les autorités disciplinaires ont l’obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent. La non-observation de ce délai, qui ne peut être appréciée qu’en fonction des circonstances particulières de l’affaire, peut entraîner l’annulation de l’acte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 26 janvier 1995, D/Commission, T‑549/93, point 25, et arrêt François/Commission, précité, point 47).

125    Ce devoir de diligence et de respect du délai raisonnable s’impose également quant à l’ouverture de la procédure disciplinaire, notamment dans le cas et à partir du moment où l’administration a pris connaissance des faits et conduites susceptibles de constituer des infractions aux obligations statutaires d’un fonctionnaire. En effet, même en l’absence de délai de prescription, les autorités disciplinaires ont l’obligation d’agir de sorte que l’ouverture de la procédure devant aboutir à une sanction intervienne dans un délai raisonnable (arrêts François/Commission, précité, point 48, et A et G/Commission, précité, point 391).

126    Il importe de relever également que le principe de sécurité juridique serait remis en cause si l’administration retardait excessivement l’ouverture de la procédure disciplinaire. En effet, tant l’appréciation par l’administration des faits et conduites susceptibles de constituer une faute disciplinaire que l’exercice par le fonctionnaire de ses droits de la défense peuvent s’avérer particulièrement difficiles si une longue période de temps s’est écoulée entre le moment où ces faits et conduites ont eu lieu et le début de l’enquête disciplinaire. En effet, d’une part, des témoins et des documents importants − à charge ou à décharge − peuvent avoir disparu, et, d’autre part, il devient difficile pour toutes les personnes concernées et les témoins de restituer fidèlement leurs souvenirs des faits de l’espèce et des circonstances de leur survenance (arrêt François/Commission, précité, point 49).

127    Ainsi, la durée déraisonnable d’une procédure disciplinaire peut résulter tant de la conduite des enquêtes administratives préalables que de la procédure disciplinaire en tant que telle. La période à prendre en considération pour évaluer le caractère raisonnable de la durée d’une procédure disciplinaire n’est pas uniquement celle qui commence à partir de la décision d’ouvrir ladite procédure. La réponse à la question de savoir si la procédure disciplinaire, une fois ouverte, a été conduite avec la diligence requise, sera influencée par la circonstance qu’une période plus ou moins longue se sera écoulée entre la survenance de la prétendue infraction disciplinaire et la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire (arrêt A et G/Commission, précité, point 392).

128    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le caractère raisonnable de la durée de la phase antérieure à la procédure disciplinaire et de celle de la procédure disciplinaire proprement dite doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt A et G/Commission, précité, point 393). Par conséquent, contrairement à ce que semble prétendre le requérant, dans la mesure où les circonstances de chaque affaire sont différentes et propres à celle-ci, il n’y a pas lieu de comparer la présente affaire à celles ayant donné lieu aux arrêts de Compte/Parlement, Y/Parlement, François/Commission, et A et G/Commission, précités.

129    Aucun facteur particulier n’est déterminant. Il convient d’examiner chacun d’eux de manière séparée, puis d’évaluer leur effet cumulé. Certains exemples de retard imputables à l’AIPN peuvent ne pas paraître déraisonnables s’ils sont considérés isolément, mais être déraisonnables s’ils sont pris ensemble. Les exigences en matière de diligence procédurale ne vont cependant pas au-delà de celles qui sont compatibles avec le principe de bonne administration (arrêt A et G/Commission, précité, point 394).

130    Lorsque, en raison de décisions prises par l’AIPN, une procédure a dépassé ce que l’on considérerait normalement comme une durée raisonnable, il incombe à cette autorité d’établir l’existence de circonstances particulières de nature à justifier ce dépassement (arrêt A et G/Commission, précité, point 395).

131    Afin de vérifier, à la lumière de ces principes, si la phase antérieure à la procédure disciplinaire et la procédure disciplinaire proprement dite se sont déroulées dans des délais raisonnables, il convient, en premier lieu, de rappeler les principaux événements ayant conduit à l’ouverture de la procédure disciplinaire, ainsi que les principales étapes de la procédure disciplinaire elle-même, avant d’examiner, en second lieu, si la durée objectivement constatée doit être considérée comme raisonnable.

132    En ce qui concerne la phase antérieure à la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire, le 17 septembre 2007, il convient de rappeler que le plus ancien des faits reprochés au requérant remonte au mois de mars 2004 et le plus récent au mois de septembre 2005. Le requérant estime que le mandat d’enquête administrative donné à l’IDOC, le 10 août 2005, par le directeur général du personnel et de l’administration, mandat qui a donné lieu à l’enquête CMS 05/027 et qui visait notamment le fait reproché le plus ancien datant du mois de mars 2004, est intervenu dans un délai déraisonnable après la survenance de ce fait. À cet égard, le Tribunal observe qu’il ressort du dossier que l’enquête CMS 05/027 a été déclenchée à la suite d’une série de notes rédigées par le requérant au mois de mai 2005. Ainsi qu’il a été indiqué au point 28 du présent arrêt, ladite enquête était initialement dirigée contre Mme D., directrice du PMO, et contre d’autres membres du personnel du PMO. Certaines allégations ayant fait surface à l’encontre du requérant, l’IDOC a décidé d’examiner lesdites allégations dans le cadre de l’enquête CMS 05/027. Il apparaît ainsi que c’est le requérant lui-même qui, au mois de mai 2005, avait attiré l’attention du directeur général de personnel et de l’administration sur certaines pratiques de mauvaise gestion et d’abus de pouvoir au sein du PMO. Par conséquent, il pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les personnes accusées de ces pratiques formulent, à leur tour, des allégations à son encontre, portant sur des faits commis antérieurement. Dans ces circonstances, même si l’administration avait connaissance des faits reprochés au requérant bien avant le mois de mai 2005, date à laquelle celui-ci a dénoncé certaines pratiques au sein du PMO, le requérant ne saurait valablement soutenir que le mandat d’enquête administrative CMS 05/027 est intervenu dans un délai déraisonnable.

133    L’IDOC a remis les rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055 à l’AIPN mandataire le 15 mars 2006. Le requérant reproche à l’IDOC de ne pas avoir terminé le rapport d’enquête CMS 05/027 dans un délai plus court, lequel n’aurait pas dû dépasser trois mois. À cet égard, le Tribunal constate que les DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires se bornent à indiquer que les enquêtes administratives doivent être menées de manière approfondie, à charge et à décharge, et pendant une période appropriée aux circonstances et à la complexité du cas. Le manuel de l’IDOC précise qu’il n’existe pas un délai fixe pour la finalisation d’une enquête administrative, mais que celle-ci doit se dérouler dans un délai raisonnable. Or, il n’est pas contesté que l’enquête CMS 05/027 a été ouverte à la suite d’une série d’allégations formulées par le requérant à l’encontre de certains membres du personnel du PMO et que, au cours de ladite enquête, des allégations ont, à leur tour, été formulées contre le requérant. Il ne peut donc être nié que l’enquête CMS 05/027 a présenté une certaine complexité, due notamment à l’examen croisé des allégations auquel l’IDOC s’est vu contraint de procéder. Au vu de cette complexité, il y a lieu de conclure que la durée de l’enquête CMS 05/027 n’apparaît pas anormalement longue.

134    Le 28 juin et le 14 juillet 2006, le requérant a reçu, respectivement, une copie partielle du rapport d’enquête CMS 05/027 et une copie intégrale du rapport d’enquête CMS 05/055. Il estime que le délai de quatre mois qui s’est écoulé entre la date du dépôt des deux rapports par l’IDOC et la date de leur remise entre ses mains est excessif. À cet égard, le Tribunal observe que ni les DGE relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires ni le manuel de l’IDOC n’indiquent dans quel délai un rapport d’enquête doit être transmis au fonctionnaire ou agent intéressé. Le requérant, de son côté, se borne à dénoncer le caractère excessif en l’espèce du délai dans lequel les rapports d’enquête lui ont été transmis, sans apporter d’élément de preuve permettant au Tribunal d’apprécier le caractère déraisonnable dudit délai. Or, compte tenu de la circonstance, déjà évoquée, que les deux enquêtes ont été menées en parallèle par l’IDOC et que l’enquête CMS 05/027 a été plus complexe que de coutume, il y a lieu de conclure que le délai dans lequel les rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055 ont été transmis au requérant n’apparaît pas critiquable.

135    Le 21 septembre 2006, soit un peu plus de deux mois après la réception par le requérant du rapport d’enquête CMS 05/055 et environ six mois après la remise par l’IDOC à l’AIPN des deux rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055, le requérant a été entendu par l’AIPN au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut. Ces délais ne sauraient être qualifiés d’anormalement longs. En effet, il ressort du dossier que l’IDOC, chargé par l’AIPN de procéder, à sa place, à l’audition en cause, avait décidé d’organiser une seule audition sur la base des deux enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055 conjointement, décision dont l’opportunité n’a pas été contestée par le requérant. Au vu, successivement, de la complexité que comportait l’organisation d’une seule audition pour les deux enquêtes, du fait que le requérant devait avoir le temps de lire attentivement les rapports d’enquête qui lui avaient été transmis avant d’être en mesure de donner son accord sur une date d’audition, du fait qu’il souhaitait être accompagné de son conseil lors de l’audition et que le mois d’août est traditionnellement un mois pendant lequel nombreux sont ceux, parmi les avocats et membres du personnel des institutions, qui sont en congé, le délai de plus de deux mois qui s’est écoulé entre la réception par le requérant du rapport d’enquête CMS 05/055 et son audition ne peut être considéré comme excessif. Le Tribunal ayant jugé au point précédent que le délai de quatre mois qui s’est écoulé entre le dépôt par l’IDOC, le 15 mars 2006, des rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055 et la réception par le requérant, le 14 juillet 2006, du rapport d’enquête CMS 05/055 est raisonnable, il convient de considérer, en l’espèce, que le délai global de six mois qui s’est écoulé entre le dépôt des rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055, le 15 mars 2006, et l’audition du requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, le 21 septembre 2006, l’est également.

136    L’audition du requérant a été suivie de la note motivée du directeur général du personnel et de l’administration, du 17 septembre 2007, notifiée le lendemain, par laquelle le requérant a été informé qu’une procédure disciplinaire était ouverte à son encontre. La décision d’ouverture de la procédure disciplinaire a donc été adoptée presqu’un an après l’audition du 21 septembre 2006, un an et demi après le dépôt par l’IDOC des rapports d’enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055, plus de trois ans après les faits reprochés, pour l’un des griefs retenus visant des faits du mois de mars 2004, et plus de deux ans après les faits reprochés pour les trois autres griefs.

137    S’agissant du délai d’un an qui s’est écoulé entre l’audition du 21 septembre 2006 et l’adoption, le 17 septembre 2007, de la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire, le Tribunal constate, premièrement, qu’il ressort du dossier que le requérant a approuvé, le jour même de son audition, le procès-verbal de celle-ci. Toutefois, le 5 octobre 2006, il a présenté au directeur de l’IDOC, lequel avait procédé à l’audition, une note avec des commentaires à ce procès-verbal. Il s’agit donc d’un incident de la procédure exclusivement imputable au requérant, qui a provoqué un premier retard de la phase antérieure à la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire.

138    Deuxièmement, le 13 octobre 2006, le requérant a introduit la réclamation R/584/06 concernant l’accès aux rapports d’enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055. Le Tribunal observe que c’est à juste titre que l’AIPN s’est abstenue de prendre une décision sur l’ouverture de la procédure disciplinaire jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur ladite réclamation. En effet, dans la mesure où, notamment, les droits de la défense du requérant étaient en cause, la décision sur cette réclamation aurait pu affecter la validité de l’audition du 21 septembre 2006 et, dès lors, la suite à donner aux enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055. Il est constant que, le 12 février 2007, l’AIPN a adopté une décision de rejet de la réclamation R/584/06. Le délai qui s’est écoulé entre le 13 octobre 2006, date d’introduction de la réclamation R/584/06, et le 12 février 2007, date du rejet de cette réclamation, s’explique donc par le souci de l’AIPN de vider l’objet de la réclamation en cause dans le but de garantir les droits de la défense du requérant. Ledit délai doit, par voie de conséquence, être considéré comme justifié.

139    Troisièmement, il ressort du dossier que le requérant a présenté, le 22 février 2007, une note qu’il a intitulée « complaint » pour dénoncer l’inaction de l’AIPN à son égard et pour demander que l’AIPN « confirme » que la Commission s’abstiendrait d’initier une procédure disciplinaire le concernant. Le requérant a réitéré cette pétition dans une note, du 13 juin 2007, adressée au directeur général du personnel et de l’administration. La note du 22 février 2007, qu’il convient de qualifier de demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, ainsi qu’il a été jugé au point 117 du présent arrêt, et la note du 13 juin 2007 démontrent que le requérant souhaitait que l’AIPN adopte une décision dans les meilleurs délais sur la suite à donner aux enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055, décision qui, à son avis, aurait dû être celle de ne pas ouvrir de procédure disciplinaire à son égard. Par conséquent, au vu de l’objet de la demande du 22 février 2007, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la Commission, l’AIPN n’était pas obligée d’attendre qu’une décision soit prise sur ladite demande pour être en mesure de se prononcer sur la suite à donner aux enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055.

140    Toutefois, le Tribunal estime que le délai de sept mois qui s’est écoulé entre le 12 février 2007, date du rejet de la réclamation R/584/06, et le 17 septembre 2007, date de la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire, doit être considéré comme raisonnable, eu égard à la complexité des enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055, sur la base desquelles l’AIPN devait décider d’ouvrir ou non une procédure disciplinaire. En effet, ainsi qu’il a été indiqué aux points 133 et 134 du présent arrêt, ces deux enquêtes avaient été menées en parallèle et l’enquête CMS 05/027 était particulièrement complexe au vu des allégations croisées concernant diverses personnes. Il ressort, d’ailleurs, du dossier que le rapport d’enquête CMS 05/027 comptait 88 pages ainsi que des annexes. L’AIPN était donc tenue d’examiner des rapports dont un, à tout le moins, était volumineux, avant de prendre sa décision sur l’ouverture ou non d’une procédure disciplinaire.

141    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le délai d’un an qui s’est écoulé entre l’audition du requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, le 21 septembre 2006, et l’adoption, le 17 septembre 2007, de la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire est resté dans des limites raisonnables. Le délai de six mois qui s’était précédemment écoulé entre le dépôt par l’IDOC, le 15 mars 2006, des rapports d’enquête CMS 05/027 et CMS 05/055 et la date de l’audition susmentionnée l’étant également, comme il a été jugé au point 135 du présent arrêt, c’est à tort que le requérant estime que le délai d’un an et demi, qui a séparé le dépôt desdits rapports et la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire, est anormalement long.

142    Enfin, en ce qui concerne la durée de la phase antérieure à la procédure disciplinaire proprement dite et s’agissant du délai écoulé entre la survenance des faits reprochés, notamment plus de trois ans pour l’un des griefs retenus et plus de deux ans pour les trois autres griefs, et l’ouverture de la procédure disciplinaire, le Tribunal estime que ce délai n’est pas excessif étant donné qu’à l’intérieur de ce délai toutes les étapes de la phase antérieure à la procédure disciplinaire se sont déroulées dans un délai raisonnable par rapport à l’étape précédente. En effet, d’une part, pour ce qui est de l’enquête administrative CMS 05/055, le requérant ne fait pas valoir que celle-ci aurait dû être ouverte dans un délai plus court par rapport aux faits examinés dans ladite enquête. D’autre part, aux points 132, 133, 134, 135, 141 du présent arrêt, il a été jugé que le directeur général du personnel et de l’administration avait mandaté l’ouverture de l’enquête administrative CMS 05/027 dans un délai raisonnable par rapport à la survenance des faits reprochés et que c’est dans des délais également acceptables que les rapports d’enquêtes CMS 05/027 et CMS 05/055 avaient été déposés par l’IDOC puis communiqués au requérant, que l’audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut avait eu lieu et que la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire avait été adoptée.

143    En outre, comme la Commission l’observe à juste titre, il ressort de l’arrêt François/Commission, précité, que la question du temps écoulé entre les faits reprochés et l’ouverture de la procédure disciplinaire est une question pertinente pour l’examen d’une possible prescription de la responsabilité disciplinaire. À cet égard, le Tribunal estime que, même s’il n’est pas exclu que certaines des étapes de la phase antérieure à l’ouverture de la procédure disciplinaire auraient pu se dérouler avec plus de célérité, l’accumulation de retards, non déraisonnables, dans chacune de ces étapes a abouti à un délai qui, globalement analysé, ne peut être considéré comme déraisonnable au point d’aboutir à la prescription de la responsabilité disciplinaire du requérant.

144    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, dans les circonstances de l’espèce, la phase précédant la procédure disciplinaire s’est déroulée dans un délai raisonnable.

145    En ce qui concerne, maintenant, le déroulement de la procédure disciplinaire proprement dite, il convient de rappeler que, après l’ouverture de celle-ci par décision du directeur général du personnel et de l’administration du 17 septembre 2007, notifiée le lendemain au requérant, dans le cadre de la section 4 de l’annexe IX du statut, c’est-à-dire sans conseil de discipline, le requérant a été entendu par la première AIPN tripartite, au titre de l’article 11 de l’annexe IX du statut, le 3 avril 2008, soit dans un délai de six mois et demi, et par la seconde AIPN tripartite, le 30 mars 2009, soit presque un an après l’audition précédente. La procédure disciplinaire a été clôturée par la décision attaquée, adoptée le 23 avril 2009, soit plus d’un an après la première audition et plus de dix-neuf mois après l’ouverture de la procédure disciplinaire.

146    S’agissant du délai de six mois et demi écoulés entre l’ouverture de la procédure disciplinaire et l’audition par la première AIPN tripartite, le 3 avril 2008, le Tribunal rappelle qu’il ressort du dossier que, par note du 24 octobre 2007, soit un mois après la décision d’ouverture de ladite procédure, le requérant a informé le directeur général du personnel et de l’administration qu’il souhaitait que les membres du « conseil de discipline » qui allaient l’entendre soient au dessus de tout soupçon de conflit d’intérêts, car au cas contraire, il les récuserait. Suite à cette note, le directeur général du personnel et de l’administration, membre d’office, conformément à la décision sur l’AIPN, de l’AIPN tripartite qui devait entendre le requérant au titre de l’article 11 de l’annexe IX du statut, a demandé à être remplacé par un autre directeur général et en a informé le requérant par note du 19 novembre 2007. Lorsque, le 7 janvier 2008 comme il l’affirme, le requérant a pris connaissance de la note du 20 décembre 2007 l’informant de la composition de la première AIPN tripartite, il a récusé M. O. pour des raisons de conflit d’intérêts, comme il l’avait annoncé dans sa note du 24 octobre 2007.

147    C’est donc à tort que la Commission fait valoir que ce serait le requérant lui-même qui aurait provoqué du retard dans le déroulement de la procédure disciplinaire en récusant à deux reprises un membre de la première AIPN tripartite. En effet, d’abord, le requérant était en droit de demander que les membres de l’AIPN tripartite chargée de procéder à son audition soient au dessus de tout soupçon de conflit d’intérêts. Ensuite, le requérant n’a pas récusé deux, mais une seule personne, à savoir M. O. Enfin, au vu de la note du requérant du 24 octobre 2007, la Commission pouvait s’attendre à ce que le requérant récuse comme membre de la première AIPN tripartite tout membre ou ancien membre du comité de direction du PMO, tel que M. O., qui en avait été membre à la date des faits reprochés, et aurait pu agir en sorte d’éviter la récusation de ce dernier.

148    S’il est vrai que la désignation des membres de la première AIPN tripartite et l’organisation de la première audition du requérant par cette AIPN, le 3 avril 2008, ont pris du temps à cause des incidents de procédure liés aux remplacements du directeur général du personnel et de l’administration et de M. O., incidents par ailleurs non imputables au requérant, il demeure que le délai de six mois et demi qui s’est finalement écoulé entre la date de l’ouverture de la procédure disciplinaire et l’audition du requérant par la première AIPN tripartite ne saurait être considéré comme anormalement long. En effet, il ressort du dossier que les différents échanges de correspondance entre le requérant et, respectivement, le directeur général du personnel et de l’administration et le directeur de l’IDOC, sur la nomination des membres de cette AIPN se sont produits à chaque fois dans des délais raisonnables. Le report de la date de l’audition du requérant, initialement prévue pour le 7 mars 2008, ne peut pas non plus être considéré comme ayant provoqué un retard déraisonnable, car il s’agit d’un report limité à un mois.

149    En définitive, seul le retard occasionné par la récusation de M. O. est imputable à la Commission. Or, il ressort des pièces du dossier que ce retard est minime et négligeable pour apprécier si le délai susmentionné de six mois et demi, dans sa totalité, est raisonnable. En effet, en tenant compte de ce que le 7 janvier 2008, comme il l’affirme, le requérant a reçu la note du 20 décembre 2007 par laquelle la composition de l’AIPN tripartite chargée de son audition au titre de l’article 11 de l’annexe IX du statut lui a été communiquée et de ce que, par note rédigée deux jours plus tard, le 9 janvier 2008, il a récusé M. O., force est de constater que seulement trois jours ouvrables plus tard, la nouvelle composition de la première AIPN tripartite et la date de son audition lui ont été notifiées.

150    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le délai de six mois et demi qui s’est écoulé entre l’ouverture de la procédure disciplinaire et la première audition du requérant, le 3 avril 2008, n’est pas excessif.

151    Il ne reste donc à examiner que le délai de plus d’un an, qui s’est écoulé entre l’audition, par la première AIPN tripartite, du 3 avril 2008 et l’adoption de la décision attaquée. Dans un premier temps, le Tribunal constate que ce délai semble anormalement long.

152    Il convient donc, dans un second temps, de rechercher si la Commission apporte des éléments permettant d’établir que ce délai, objectivement long, peut néanmoins être considéré comme raisonnable dans les circonstances particulières de l’espèce.

153    À cet égard, la Commission fait valoir que ce délai s’explique essentiellement par la saisine du conseil de discipline par la première AIPN tripartite. En effet, la Commission estime que la première AIPN tripartite aurait légitimement considéré que les faits reprochés au requérant méritaient une sanction bien plus importante que celle qu’elle était en droit d’imposer dans le cadre de la section 4 de l’annexe IX du statut. Afin qu’une sanction plus appropriée puisse être imposée au requérant, la première AIPN tripartite avait saisi le conseil de discipline, alors même que le directeur général du personnel et de l’administration avait décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire sans consultation de ce conseil. La saisine du conseil de discipline constituerait donc un incident de procédure « normal et légitime », même si, inévitablement, il avait eu pour effet d’allonger la durée de la procédure de plusieurs mois, mais qui avait également pu jouer en faveur du requérant dans la mesure où, à la suite de l’irrecevabilité de ladite saisine, la sanction la moins sévère lui avait été imposée. Or, selon la Commission, il n’y aurait eu aucun retard critiquable entre les différentes étapes de la saisine du conseil de discipline et la durée totale de celle-ci n’aurait pas été excessive.

154    À l’audience, la Commission a souligné que la saisine du conseil de discipline susmentionnée a été un incident de procédure « malheureux mais légitime ». Cet incident serait regrettable puisque le conseil de discipline a considéré sa saisine irrecevable pour vice d’incompétence. Or, cet avis du conseil de discipline n’aurait pas été prévisible, car le tableau annexé à la décision sur l’AIPN ne prévoirait pas la procédure à suivre lorsque l’AIPN tripartite chargée de l’audition préalable à une éventuelle sanction estime qu’une sanction plus sévère que celle qu’elle est en droit d’imposer devrait être infligée à l’intéressé. Il n’existerait pas non plus de jurisprudence sur cette question.

155    À cet égard, il ressort du dossier que la première AIPN tripartite a considéré qu’une sanction plus sévère que celle qu’elle était en droit d’imposer devait être infligée au requérant, et ce contrairement à l’avis du directeur général du personnel et de l’administration qui avait ouvert une procédure disciplinaire sans conseil de discipline, au titre de la section 4 de l’annexe IX du statut. Or, le Tribunal constate, d’une part, qu’en effet le tableau annexé à la décision sur l’AIPN ne prévoit pas quelle procédure doit être suivie lorsque l’AIPN tripartite chargée de l’audition préalable à une sanction éventuelle estime nécessaire la saisine du conseil de discipline. D’autre part, il ressort de la décision sur l’AIPN que, en principe, le directeur général du personnel et de l’administration est membre de l’AIPN tripartite chargée de l’audition de l’intéressé avant qu’une sanction soit imposée. Or, en l’espèce, comme cela a été rappelé au point 146 du présent arrêt, le directeur général du personnel et de l’administration s’était fait remplacer, conformément au souhait exprès du requérant, par un autre directeur général. Il s’ensuit que les membres de la première AIPN tripartite n’ont pas été en mesure de discuter avec le directeur général du personnel et de l’administration, au sein de la première AIPN tripartite, des raisons pour lesquelles il avait décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire sans saisine du conseil de discipline. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la première AIPN tripartite d’avoir décidé de saisir le conseil de discipline.

156    Le Tribunal constate également que la décision de saisir le conseil de discipline, annoncée par la première AIPN tripartite par note du 14 avril 2008, transmise le lendemain au requérant, a déclenché l’adoption de plusieurs décisions, lesquelles se sont succédées dans des délais raisonnables. En effet, par note du 11 juin 2008, soit deux mois après la note susmentionnée, la première AIPN tripartite a saisi le conseil de discipline. Par décision de ce conseil, du 15 décembre 2008, l’affaire a été renvoyée au directeur général du personnel et de l’administration. Ce dernier a communiqué au requérant, par note du 19 janvier 2009, son intention de reprendre la procédure disciplinaire, toujours au titre de l’article 11 de l’annexe IX du statut et de faire en sorte que la seconde AIPN tripartite soit constituée rapidement. Le 30 mars 2009, soit un mois et demi plus tard, le requérant a été entendu par la seconde AIPN tripartite. Il ressort ainsi de cette chronologie que chaque acte de poursuite est intervenu dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent.

157    Il résulte des considérations qui précèdent que la saisine du conseil de discipline ne saurait être considérée comme un incident de procédure ayant provoqué des retards injustifiés dans la procédure disciplinaire, imputables à la Commission.

158    Enfin, le Tribunal observe que le requérant a lui-même déclaré dans ses réponses aux questions formulées dans le rapport préparatoire d’audience que le délai écoulé entre son audition par la seconde AIPN tripartite, le 30 mars 2009, et l’adoption de la décision attaquée, le 23 avril 2009, était raisonnable.

159    Il s’ensuit que les différentes étapes de la procédure disciplinaire se sont succédées dans des délais raisonnables.

160    Reste à examiner si l’ensemble de ces étapes, et dès lors la durée totale de la procédure disciplinaire, s’est maintenu dans des limites raisonnables (voir, en ce sens, arrêt A et G/Commission, précité, point 394).

161    Tout en reconnaissant que les délais prévus à l’annexe IX du statut pour le déroulement de la procédure disciplinaire avec intervention du conseil de discipline ne sont pas péremptoires, le requérant estime que les délais procéduraux devraient être plus courts lorsque le conseil de discipline n’est pas consulté et fait remarquer que, selon le rapport d’activité 2009 de l’IDOC, la « durée moyenne normale » d’une procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline est de onze mois.

162    Il y a lieu d’observer que dans le rapport d’activité 2009 auquel le requérant fait référence, l’IDOC précise, d’une part, que la durée des procédures disciplinaires dépend de la consultation ou non du conseil de discipline et, d’autre part, que la durée moyenne des procédures disciplinaires clôturées en 2009 s’élevait à 11 mois lorsque le conseil de discipline n’était pas saisi et à 24,5 mois en cas de consultation de ce conseil. Or, en l’espèce, la procédure de consultation du conseil de discipline ayant duré près de 12 mois, il s’avère que, si la première AIPN tripartite n’avait pas saisi le conseil de discipline, la durée de la procédure disciplinaire aurait très vraisemblablement été réduite à une durée inférieure à la moyenne signalée dans le rapport d’activité de l’IDOC invoqué par le requérant au soutien de son argumentation.

163    Enfin, même en prenant en compte l’effet cumulatif des retards non déraisonnables imputables à l’administration au cours des différentes étapes de la procédure disciplinaire, examinées ci-dessus, il n’apparaît pas au final que la décision attaquée ait été adoptée dans un délai déraisonnable.

164    Au vu des conclusions auxquelles est arrivé le Tribunal aux points 144 et 163 du présent arrêt, le requérant ne saurait valablement soutenir que la phase précédant la procédure disciplinaire et la procédure disciplinaire même se seraient déroulées dans des délais déraisonnables. Par voie de conséquence, les griefs tirés de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration doivent être rejetés.

165    Par suite, le second moyen doit être rejeté comme non fondé.

166    Les deux moyens soulevés ayant été rejetés comme non fondés, il s’ensuit que les conclusions en annulation doivent être rejetées comme non fondées.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

167    Le requérant fait valoir que si le Tribunal estime fondé l’un des moyens invoqués mais décide toutefois de ne pas annuler la décision attaquée, il devrait condamner la Commission à lui verser une indemnité pour le préjudice moral subi. Cette indemnité, à fixer ex aequo et bono, devrait être évaluée à une somme comprise entre 1 000 et 2 500 euros par année de retard.

168    La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires.

 Appréciation du Tribunal

169    Aucun des moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation n’ayant été déclaré fondé, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires.

170    Il résulte de l’ensemble ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

171    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

172    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Kerstens supporte l’ensemble des dépens.

Rofes i Pujol

Boruta

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mars 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure : le français.