Language of document : ECLI:EU:C:2019:513

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

19 juin 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Règlement (CE) no 6/2002 – Article 6 – Dessin ou modèle communautaire – Motifs de nullité – Absence de caractère individuel – Représentation d’une colonne élévatrice actionnée électriquement »

Dans l’affaire C‑821/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 décembre 2018,

Linak A/S, établie à Nordborg (Danemark), représentée par Me V. von Bomhard, Rechtsanwältin, et Me J. Fuhrmann, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Linak A/S demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 octobre 2018, Linak/EUIPO – ChangZhou Kaidi Electrical (Colonne de levage à commande électrique) (T‑367/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:694), par lequel celui-ci a rejeté son recours contre la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 21 mars 2017 (affaire R 1411/2015-3), relative à une procédure de nullité entre Linak et ChangZhou Kaidi Electrical.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 6 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 16 avril 2019, pris la position suivante :

« 1.      Par le moyen unique invoqué à l’appui du pourvoi, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 6 du règlement no 6/2002. Ce moyen se subdivise en trois branches.

2.      Pour les raisons exposées ci-après, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi dans la présente affaire comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé et de condamner la requérante à ses propres dépens, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour.

Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une violation de l’article 6 du règlement no 6/2002

3.      Par la première branche, qui se subdivise en deux parties, la requérante reproche en substance au Tribunal, premièrement, de ne pas avoir tenu compte, lors de l’identification de l’utilisateur averti pertinent en l’espèce, de la nature du produit auquel le dessin ou le modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est intégré, et du secteur industriel dont ce produit relève, et, secondement, d’avoir de ce fait erronément considéré, dans les circonstances de la présente affaire, que la définition d’un tel utilisateur averti comprend non seulement les professionnels, mais également les consommateurs finals. Selon la requérante, les colonnes élévatrices actionnées électriquement sont en effet des produits destinés non pas au consommateur final qui achète le meuble, mais aux fabricants de meubles.

4.      En ce qui concerne la première partie de la première branche, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal a pris en compte la nature des produits concernés et le secteur industriel dont ils relèvent lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou d’un modèle, dont fait partie l’identification de l’utilisateur averti pertinent.

5.      S’agissant, en premier lieu, de la nature des produits concernés, au point 21 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a clairement détaillé les produits en cause, à savoir des colonnes élévatrices actionnées électriquement. Par ailleurs, dans le cadre de l’identification de l’utilisateur averti pertinent en l’espèce, le Tribunal a spécifié, aux points 29 et 30 de l’arrêt attaqué, des sources à partir desquelles des informations sur ces produits peuvent être obtenues et a indiqué que lesdits produits sont des articles qui peuvent être également destinés aux vendeurs et aux distributeurs ainsi qu’aux utilisateurs qui les achètent pour leurs propres besoins.

6.      S’agissant, en second lieu, du secteur industriel concerné, le Tribunal a confirmé, au point 22 de l’arrêt attaqué, la constatation de la chambre de recours selon laquelle, en l’espèce, il s’agit de l’industrie de l’ameublement.

7.      Dans ces circonstances, il convient de considérer que la première partie de la première branche est manifestement non fondée.

8.      En ce qui concerne la seconde partie de la première branche, par laquelle la requérante critique l’identification par le Tribunal de l’utilisateur averti pertinent en l’espèce, il y a lieu d’observer, tout d’abord, que le Tribunal, au point 30 de l’arrêt attaqué, a considéré qu’un tel utilisateur averti est tant le consommateur final qui utilise les colonnes élévatrices actionnées électriquement pour ses propres besoins que le professionnel.

9.      Ensuite, au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que le fait que l’un des deux groupes d’utilisateurs avertis, en l’espèce, les consommateurs finals, perçoit les dessins ou les modèles concernés comme produisant la même impression globale est suffisant pour constater que le dessin ou le modèle contesté est dépourvu de caractère individuel.

10.      Il importe d’observer, à cet égard, que la requérante ne reproche pas au Tribunal de ne pas avoir effectué une appréciation relative à l’impression globale produite par le dessin ou le modèle contesté sur les professionnels et d’avoir considéré, au lieu de cela, qu’il suffit d’effectuer une telle appréciation en ce qui concerne un des deux groupes d’utilisateurs avertis. Ce que la requérante reproche au Tribunal, c’est d’avoir commis une erreur en considérant que l’utilisateur averti pertinent en l’espèce peut être non pas seulement un vendeur ou un distributeur, mais également un consommateur final.

11.      Cependant, l’identification de l’utilisateur averti pertinent in concreto, dans le cas d’espèce, relève de l’appréciation de nature factuelle qui échappe, sous réserve de dénaturation, au contrôle de la Cour (voir, par analogie, ordonnance du 4 février 2016, Emsibeth/OHMI, C‑251/15 P, non publiée, EU:C:2016:83, point 31).

12.      La requérante n’ayant pas allégué une dénaturation des faits dans le cadre de la seconde partie de la première branche, cette partie est dès lors manifestement irrecevable.

13.      Il s’ensuit que la première branche est, en partie, manifestement non fondée et, en partie, manifestement irrecevable.

Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée d’une violation de l’article 6 du règlement no 6/2002

14.      Par la deuxième branche, la requérante reproche au Tribunal d’avoir accordé moins d’importance à certaines vues du dessin ou du modèle contesté qui ne sont pas visibles lors de l’utilisation normale d’un produit. Selon la requérante, il ressort de la jurisprudence que toutes les vues du dessin ou du modèle doivent être prises en compte lors de l’appréciation de l’impression globale produit par celui-ci sur l’utilisateur averti.

15.      Cette argumentation repose sur une lecture sélective et, partant, manifestement erronée de l’arrêt attaqué.

16.      Il est vrai que, au point 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est référé à l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par le dessin ou le modèle contesté lorsque celui-ci est utilisé de manière habituelle, à savoir lorsqu’il est incorporé à une table.

17.      Toutefois, au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a explicitement indiqué que, même lorsque les dessins ou les modèles sont observés sous tous les angles possibles, l’impression globale reste inchangée compte tenu de la coïncidence des caractéristiques principales des dessins ou des modèles en cause.

18.      Ainsi, la seconde branche doit être écartée comme étant manifestement non fondée.

Sur la troisième branche du moyen unique, tirée d’une violation de l’article 6 du règlement no 6/2002

19.      Par la troisième branche, la requérante reproche au Tribunal d’avoir confirmé, au point 39 de l’arrêt attaqué, la considération de la chambre de recours selon laquelle les différences entre les dessins ou les modèles en cause devaient être évidentes pour produire une impression globale différente. Ce faisant, le Tribunal aurait imposé un critère plus exigeant que celui prévu à l’article 6 du règlement no 6/2002.

20.      Cette argumentation repose sur une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué et ne saurait prospérer.

21.      Il est vrai que, au point 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a confirmé la constatation de la chambre de recours selon laquelle des différences mineures entre les dessins ou les modèles en cause n’apparaîtront pas comme “évidentes” aux yeux d’un utilisateur averti et que, par conséquent, les dessins ou les modèles en cause sont trop similaires pour pouvoir produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti.

22.      Toutefois, il convient d’observer que le Tribunal, au point 37 de l’arrêt attaqué, a rappelé que les seules différences existant entre les dessins ou les modèles en cause, soulignées par la chambre de recours, reposent sur les détails de finition et l’épaisseur du boîtier placé au sommet du bras télescopique, le diamètre et la forme du bras télescopique et la couleur des dessins ou des modèles en cause.

23.      Par la suite, au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que ces différences n’étaient pas significatives et n’affectaient pas le fonctionnement ou la structure globale des dessins ou des modèles en cause.

24.      Enfin, compte tenu de ces considérations, le Tribunal a indiqué, au même point 38 de l’arrêt attaqué, que le terme “évidentes” avait été employé par la chambre de recours pour évoquer le fait que les différences entre les dessins ou les modèles en cause n’étaient pas “suffisamment marquées ou significatives”.

25.      Dès lors, en ce qui concerne la nature des différences entre des dessins ou des modèles en cause qui permet de reconnaître le caractère individuel d’un dessin ou d’un modèle, et contrairement à ce que prétend la requérante, le Tribunal n’a pas imposé de critère reposant sur leur caractère évident dans le sens exact du terme.

26.      Par conséquent, la troisième branche du moyen unique doit être écartée comme étant manifestement non fondée.

27.      Au regard de ce qui précède, je considère qu’il convient de rejeter le moyen unique du pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé et, partant, le pourvoi dans son ensemble.

28.      Dès lors, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi, conformément à l’article 181 du règlement de procédure, comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé et de condamner la requérante à ses propres dépens. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

7        Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      Linak A/S supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.