Language of document : ECLI:EU:T:2019:856

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 décembre 2019 (*)

« Fonction publique – Réforme du statut et du RAA entrée en vigueur le 1er janvier 2014 – Règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 – Prélèvement de solidarité applicable à partir du 1er janvier 2014 – Suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations pour les années 2013 et 2014 »

Dans l’affaire T‑527/16,

Margarita Tàpias, demeurant à Wavre (Belgique), représentée par Mes L. Levi et N. Flandin, avocates,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et M. Ecker, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de fixation de la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014, telle qu’elle s’est concrétisée dans le bulletin de rémunération dudit mois qui lui a été adressé le 14 janvier 2014 et qui serait le premier bulletin à faire application à son égard de l’article 65, paragraphe 4, et de l’article 66 bis du statut, issus de l’article 1er, points 44 et 46, du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15), prévoyant, respectivement, la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations pour 2013 et 2014 et l’instauration d’un prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteure) et M. G. De Baere, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 28 mars 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Margarita Tàpias, est fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne.

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») sont annexés au règlement no 31 (CEE)/11 (CEEA), fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385).

3        Le statut et le RAA ont été modifiés à de nombreuses reprises depuis leur adoption, notamment par le règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15).

4        En particulier, l’article 1er, points 44 et 46, du règlement no 1023/2013 a modifié les articles 65 et 66 bis du statut.

5        Dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, l’article 65 du statut prévoyait ce qui suit :

« 1. Le Conseil procède annuellement à un examen du niveau des rémunérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union. Cet examen aura lieu en septembre sur base d’un rapport commun présenté par la Commission et fondé sur la situation, au 1er juillet et dans chaque pays de l’Union, d’un indice commun établi par l’Office statistique de l’Union européenne en accord avec les services nationaux de statistiques des États membres.

Au cours de cet examen le Conseil étudie s’il est approprié, dans le cadre de la politique économique et sociale de l’Union, de procéder à une adaptation des rémunérations. Sont notamment prises en considération l’augmentation éventuelle des traitements publics et les nécessités du recrutement.

2. En cas de variation sensible du coût de la vie, le Conseil décide, dans un délai maximum de deux mois, des mesures d’adaptation des coefficients correcteurs et, le cas échéant, de leur effet rétroactif.

3. Pour l’application du présent article, le Conseil statue, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue à l’article 16, paragraphes 4 et 5, du traité sur l’Union européenne. »

6        L’article 65 du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013, dispose désormais ce qui suit :

« 1. Les rémunérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union européenne sont actualisées chaque année, en tenant compte de la politique économique et sociale de l’Union. Sont prises en considération en particulier l’augmentation éventuelle des traitements de la fonction publique des États membres et les nécessités du recrutement. L’actualisation des rémunérations est mise en œuvre conformément à l’annexe XI. Cette actualisation a lieu avant la fin de chaque année sur la base d’un rapport établi par la Commission et fondé sur les données statistiques préparées par l’Office statistique de l’Union européenne en concertation avec les services nationaux de statistiques des États membres ; les données statistiques reflètent la situation au 1er juillet dans chacun des États membres. Ledit rapport contient des informations relatives à l’incidence budgétaire des rémunérations et des pensions des fonctionnaires de l’Union. Il est transmis au Parlement européen et au Conseil.

Les montants visés à l’article 42 bis, deuxième et troisième alinéas, aux articles 66 et 69, à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 2, paragraphe 1, à l’article 3, paragraphes 1 et 2, à l’article 4, paragraphe 1, à l’article 7, paragraphe 2, à l’article 8, paragraphe 2, et à l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII ainsi qu’à l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe XIII, et les montants visés à l’ancien article 4 bis de l’annexe VII, qui doivent être actualisés conformément à l’article 18, paragraphe 1, de l’annexe XIII, les montants visés à l’article 24, paragraphe 3, à l’article 28 bis, paragraphe 3, deuxième alinéa, à l’article 28 bis, paragraphe 7, à l’article 93, à l’article 94, à l’article 96, paragraphe 3, deuxième alinéa, et à l’article 96, paragraphe 7, à l’article 133, à l’article 134 et à l’article 136 du [RAA], les montants visés à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CECA, CEE, Euratom) no 300/76 du Conseil […], ainsi que le coefficient pour les montants visés à l’article 4 du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 260/68 du Conseil […] sont actualisés chaque année conformément à l’annexe XI. La Commission publie les montants actualisés, dans les deux semaines suivant l’actualisation, dans la série C du Journal officiel de l’Union européenne, à des fins d’information.

2. En cas de variation sensible du coût de la vie, les montants visés au paragraphe 1 et les coefficients correcteurs visés à l'article 64 sont actualisés conformément à l'annexe XI. La Commission publie les montants et les coefficients correcteurs actualisés, dans les deux semaines suivant l'actualisation, dans la série C du Journal officiel de l’Union européenne, à des fins d'information.

3. Les montants visés au paragraphe 1 et les coefficients correcteurs visés à l’article 64 s’entendent comme des montants et des coefficients correcteurs dont la valeur réelle à un moment donné peut être actualisée sans le truchement d’un autre acte juridique.

4. Sans préjudice de l’article 3, paragraphes 5 et 6, de l’annexe XI, aucune actualisation prévue au titre des paragraphes 1 et 2 n’intervient au cours des années 2013 et 2014. »

7        Dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, l’article 66 bis du statut prévoyait ce qui suit :

« 1. Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 260/68 du Conseil, du 29 février 1968, portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes […], et pour une période débutant le 1er mai 2004 et expirant le 31 décembre 2012, il est instauré une mesure temporaire, ci-après dénommée [le] « prélèvement spécial », affectant les rémunérations versées par l’Union aux fonctionnaires en position d’activité.

Le taux du prélèvement spécial, qui s’applique à l’assiette visée au paragraphe 3, est fixé comme suit :

du 1.5.2004 au 1.12.2004

2,50 %

du 1.1.2005 au 31.12.2005

2,93 %

du 1.1.2006 au 31.12.2006

3,36 %

du 1.1.2007 au 31.12.2007

3,79 %

du 1.1.2008 au 31.12.2008

4,21 %

du 1.1.2009 au 31.12.2009

4,64 %

du 1.1.2010 au 31.12.2010

5,07 %

du 1.1.2011 au 31.12.2012

5,50 %


3.

a)       Le prélèvement spécial a pour assiette le traitement de base pris en considération pour le calcul de la rémunération, après déduction :

i) des contributions aux régimes de sécurité sociale et de pension, ainsi que de l’impôt dont serait, avant toute déduction au titre du prélèvement spécial, redevable un fonctionnaire des mêmes grade et échelon, sans personne à charge au sens de l’article 2 de l’annexe VII,

ii) d’un montant égal au traitement de base afférent au grade 1, échelon 1.

b)       Les éléments concourant à la détermination de l’assiette du prélèvement spécial sont exprimés en euros et affectés du coefficient correcteur 100.

4. Le prélèvement spécial est perçu chaque mois par voie de retenue à la source ; son produit est inscrit en recettes au budget général de l’Union européenne. »

8        L’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013, dispose désormais ce qui suit :

« 1. Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 260/68 et afin de tenir compte, sans préjudice de l’article 65, paragraphe 3, de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations et des pensions des fonctionnaires, il est instauré une mesure temporaire, ci-après dénommée [le] « prélèvement de solidarité », affectant les rémunérations versées par l’Union aux fonctionnaires en position d’activité, pour une période débutant le 1er janvier 2014 et expirant le 31 décembre 2023.

2. Le taux de ce prélèvement de solidarité, qui s’applique à l’assiette visée au paragraphe 3, est fixé à 6 %. Il est cependant porté à 7 % pour les fonctionnaires de grade AD 15, échelon 2, et des grades et échelons supérieurs.

3.

a)       Le prélèvement de solidarité a pour assiette le traitement de base pris en considération pour le calcul de la rémunération, après déduction :

i) des contributions aux régimes de sécurité sociale et de pension, ainsi que de l’impôt dont serait redevable, avant toute déduction au titre du prélèvement de solidarité, un fonctionnaire des mêmes grade et échelon, sans personne à charge au sens de l’article 2 de l’annexe VII, et

ii) d’un montant égal au traitement de base afférent au grade AST 1, échelon 1.

b)       Les éléments concourant à la détermination de l’assiette du prélèvement de solidarité sont exprimés en euros et affectés du coefficient correcteur 100.

4. Le prélèvement de solidarité est perçu chaque mois par voie de retenue à la source ; son produit est inscrit en recettes au budget général de l’Union européenne. »

9        Conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1023/2013, ledit règlement est entré en vigueur le 1er novembre 2013. En vertu de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement, les dispositions de celui-ci étaient applicables à compter du 1er janvier 2014, à l’exception de l’article 1er, point 44, et de l’article 1er, point 73, sous d), qui s’appliquaient à partir de la date d’entrée en vigueur dudit règlement.

10      Le 14 janvier 2014, la requérante a reçu son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014.

11      Le 1er avril 2014, la requérante a introduit une réclamation à l’encontre de son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014 auprès du Conseil, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination, au motif que ce bulletin révélait pour la première fois, d’une part, la décision explicite de lui appliquer un prélèvement de solidarité du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015, alors que l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations était gelée au cours de cette même période et, d’autre part, la décision implicite de ne pas appliquer à sa rémunération un ajustement annuel pour la période allant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015.

12      Le Conseil a rejeté la réclamation de la requérante par une décision explicite du 17 juillet 2014.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 27 octobre 2014, la requérante a introduit le présent recours, enregistré sous le numéro F‑121/14.

14      Par ordonnance du 10 décembre 2014, le président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique a décidé, conformément à l’article 42, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, de suspendre la procédure dans la présente affaire jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑75/14, USFPEI/Parlement et Conseil, soit passée en force de chose jugée.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 8 janvier 2015, le Parlement européen a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

16      Le 2 septembre 2016, conformément à l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de l’Union européenne de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137-139), l’affaire F‑121/14, pendante devant le Tribunal de la fonction publique au 31 août 2016, a été transférée au Tribunal et a reçu le numéro d’affaire T‑527/16.

17      Le 19 janvier 2018, l’arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil (T‑75/14, EU:T:2017:813), ayant acquis force de chose jugée, la procédure dans la présente affaire a repris.

18      Le 30 avril 2018, le Conseil a déposé son mémoire en défense.

19      Par décision du 14 mai 2018, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention du Parlement.

20      La requérante a déposé la réplique le 5 juillet 2018.

21      Le Parlement a déposé son mémoire en intervention le 3 juillet 2018. La requérante a déposé ses observations sur le mémoire en intervention le 21 août 2018.

22      Le Conseil a déposé la duplique le 3 septembre 2018.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, l’affaire a été attribuée à la huitième chambre à laquelle la juge rapporteure est affectée.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries, ainsi qu’en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 28 mars 2019.

25      Par ordonnance du 14 juin 2019, le Tribunal a décidé, conformément à l’article 113 du règlement de procédure, de rouvrir la phase orale de la procédure.

26      Par une première mesure d’organisation de la procédure adoptée le 14 juin 2019 au titre de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à une question. Les parties ont répondu à cette question dans les délais. Le 24 juillet 2019, le Tribunal a adopté une seconde mesure d’organisation de la procédure par laquelle, il a invité les parties à prendre position sur leurs réponses respectives à la première mesure d’organisation de la procédure. Les parties ont répondu à cette demande dans les délais.

27      Par décision du président de la huitième chambre du Tribunal du 9 septembre 2019, la phase orale de la procédure a été close de nouveau.

28      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « [annuler] la décision explicite imposant un prélèvement de solidarité débutant le 1er janvier 2014 et allant jusqu’au 30 juin 2015 alors qu’il y a une période de gel de l’ajustement des rémunérations couvrant la période du 1er janvier 2014 jusqu’au 30 juin 2015 ;

–        [annuler] la décision implicite de ne pas appliquer un ajustement annuel de la rémunération de la requérante pour une période allant du 1er janvier 2014 et expirant le 30 juin 2015,

ces deux décisions ayant été révélées pour la première fois par le bulletin de salaire de la requérante de janvier 2014 notifié en date du 14 janvier 2014 ;

–        pour autant que de besoin, [annuler] la décision du 17 juillet 2014 de rejet de la réclamation ;

–        [condamner] le [Conseil] aux entiers dépens ».

29      Le Conseil, soutenu par le Parlement, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

30      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, les parties ayant été entendues par voie de questions écrites, s’ils ont été respectés. Ces délais répondent à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Lofaro/Commission, T‑293/07 P, EU:T:2008:607, point 28 et jurisprudence citée).

31      Il y a donc lieu pour le Tribunal d’examiner d’office si la réclamation introduite par la requérante le 1er avril 2014 l’a été dans le délai de trois mois visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut. À cet effet, il appartient au Tribunal de rechercher l’acte faisant grief à la requérante, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

32      La requérante fait valoir que la décision établissant son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014 constitue un acte lui faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dans la mesure où cette décision constitue la première mise en œuvre à son égard de l’article 65, paragraphe 4, du statut, qui suspend l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations prévue par l’annexe XI du statut, ainsi que de l’article 66 bis du statut, qui réintroduit un prélèvement de solidarité sur les salaires des fonctionnaires et des autres agents du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023, issus de l’article 1er, points 44 et 46, du règlement no 1023/2013. En réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 24 juillet 2019, la requérante a précisé que l’article 65, paragraphe 4, du statut, qui prévoit qu’il n’y aura pas d’actualisation pour les années 2013 et 2014, ne laissait aucune marge d’appréciation à la Commission européenne à cet égard. Selon la requérante, le bulletin de rémunération du mois de janvier 2014 révèle la mise en œuvre à son égard de ce gel des rémunérations pour ces deux années. Par conséquent, il aurait été acquis de façon définitive que la rémunération de la requérante ne serait pas actualisée pour 2013 et 2014 dès l’entrée en vigueur du statut, tel que modifié par le règlement no 1023/2013, en janvier 2014.

33      À cet égard, il est de jurisprudence constante qu’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut, est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (voir arrêt du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones/Commission, F‑29/09, EU:F:2010:120, point 31 et jurisprudence citée).

34      Il convient donc de vérifier si le recours, en tant qu’il est dirigé contre la décision fixant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014, telle qu’elle s’est concrétisée dans le bulletin de rémunération dudit mois, répond aux exigences des articles 90 et 91 du statut.

35      Il importe de souligner qu’un bulletin de rémunération, par sa nature et son objet, ne présente pas les caractéristiques d’un acte faisant grief dès lors qu’il ne fait que traduire en termes pécuniaires la portée de décisions administratives antérieures, relatives à la situation personnelle et juridique du fonctionnaire (arrêts du 23 avril 2008, Pickering/Commission, F‑103/05, EU:F:2008:45, point 72, et du 23 avril 2008, Bain e.a./Commission, F‑112/05, EU:F:2008:46, point 73). Toutefois, dans la mesure où il fait apparaître clairement l’existence et le contenu d’une décision administrative de portée individuelle, passée jusqu’alors inaperçue, dès lors qu’elle n’avait pas été formellement notifiée à l’intéressé, le bulletin de rémunération, contenant le décompte des droits pécuniaires, peut être considéré comme un acte faisant grief, susceptible de faire l’objet d’une réclamation et, le cas échéant, d’un recours. Dans ces conditions, la communication du bulletin de rémunération a pour effet de faire courir les délais de réclamation et de recours contre la décision administrative prise à l’égard du fonctionnaire concerné et reflétée dans le bulletin (voir arrêt du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones/Commission, F‑29/09, EU:F:2010:120, point 33 et jurisprudence citée).

36      Il en va de même lorsque le bulletin de rémunération matérialise, pour la première fois, la mise en œuvre d’un nouvel acte de portée générale concernant la fixation de droits pécuniaires, tels une décision modifiant la méthode de calcul des frais de voyage, une décision modifiant un barème de contributions parentales pour les services de crèche, un règlement modifiant des coefficients correcteurs, un règlement adaptant le montant des rémunérations ou un règlement instaurant une contribution exceptionnelle de crise ou une contribution temporaire (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones/Commission, F‑29/09, EU:F:2010:120, point 34 et jurisprudence citée).

37      Dans ces dernières hypothèses, le premier bulletin de rémunération faisant suite à l’entrée en vigueur d’un acte de portée générale, modifiant les droits pécuniaires d’une catégorie abstraite de fonctionnaires, traduit nécessairement, à l’égard de son destinataire, l’adoption d’une décision administrative de portée individuelle produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du fonctionnaire concerné. Aussi, à supposer même qu’il puisse être considéré qu’une nouvelle décision administrative de portée individuelle est adoptée mensuellement par l’autorité investie du pouvoir de nomination quant à la fixation des droits pécuniaires du fonctionnaire et se trouve reflétée dans le bulletin de rémunération correspondant, ces décisions successives ne seraient-elles que confirmatives de la première décision ayant modifié de façon caractérisée la situation juridique de l’intéressé en application du nouvel acte de portée générale (arrêt du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones/Commission, F‑29/09, EU:F:2010:120, point 35).

38      En conséquence, un fonctionnaire ayant omis d’attaquer, dans les délais de réclamation et de recours, le bulletin de rémunération matérialisant, pour la première fois, la mise en œuvre d’un acte de portée générale portant fixation des droits pécuniaires ne saurait valablement, après le dépassement desdits délais, attaquer les fiches ultérieures, en invoquant à leur égard la même illégalité que celle dont serait entachée le premier bulletin (voir arrêt du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones/Commission, F‑29/09, EU:F:2010:120, point 36 et jurisprudence citée).

39      En l’espèce, selon la requérante, le bulletin du mois de janvier 2014, qui lui a été adressé le 14 janvier 2014, lui aurait révélé, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, que, d’une part, en application de l’article 65, paragraphe 4, du statut, sa rémunération n’avait pas fait l’objet d’une actualisation annuelle en raison de la suspension pour 2013 et 2014 de la méthode prévue à l’annexe XI du statut et, d’autre part, sa rémunération avait été affectée d’un prélèvement de solidarité, en application de l’article 66 bis du statut.

40      À cet égard, il ressort de l’article 65, paragraphe 1, du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013, que les rémunérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union européenne sont actualisées avant la fin de chaque année conformément à l’annexe XI du statut.

41      Il convient toutefois de rappeler que, aux termes de l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013, « aucune actualisation prévue au titre des paragraphes 1 et 2 n’intervient au cours des années 2013 et 2014 ».

42      En vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 1023/2013, l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013, établissant la modification de l’article 65 du statut, était applicable à compter de la date de l’entrée en vigueur de ce règlement, à savoir le troisième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 1er novembre 2013.

43      Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée aux points 35 à 37 ci-dessus, le premier bulletin de rémunération faisant suite à l’entrée en vigueur de l’acte de portée générale en cause, à savoir la disposition prévoyant l’absence d’application de la méthode d’actualisation annuelle des rémunérations et des pensions pour les années 2013 et 2014, a été celui du mois de décembre 2013. La décision établissant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014, qui s’est concrétisée dans son bulletin de rémunération dudit mois, n’a donc pas constitué la première application à l’égard de la requérante de l’article 65 du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013.

44      Il y a donc lieu de conclure que le bulletin de rémunération du mois de janvier 2014 ne faisait pas grief à la requérante en ce qu’il ne mettait pas en œuvre pour la première fois à son égard l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013. Or, il convient de relever, conformément à la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, que la requérante a omis d’attaquer, dans les délais de réclamation et de recours, le bulletin de rémunération matérialisant pour la première fois la mise en œuvre de cette disposition à son égard, à savoir le bulletin de rémunération du mois de décembre 2013. Il s’ensuit que le présent recours est irrecevable en ce qu’il vise à obtenir l’annulation de la décision établissant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014 en tant qu’elle aurait fait application pour la première fois à son égard de l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013, ladite décision n’étant que confirmative de celle établissant sa rémunération pour le mois de décembre 2013 ayant fait application pour la première fois à son égard de cette même disposition et devenue définitive. Le second chef de conclusions de la requête doit donc être déclaré irrecevable.

45      Toutefois, il importe de relever que le bulletin de rémunération de la requérante du mois de janvier 2014 a constitué la première application à son égard de l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013 et constitue, dans cette mesure, un acte faisant grief à la requérante. Une telle conclusion ressort clairement du libellé de cette disposition et du fait que le bulletin de rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014, que celle-ci a fourni en annexe à sa requête, mentionne le « prélèvement spécial » prévu par ladite disposition.

46      La requérante ayant introduit sa réclamation à l’encontre de son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014 dans le délai de trois mois prescrit par l’article 90, paragraphe 2, du statut, il y a lieu de considérer que le présent recours est recevable en ce qu’il vise à obtenir l’annulation de la décision établissant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014 qui a fait application pour la première fois à son égard de l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013. Le premier chef de conclusions de la requête est donc recevable.

 Sur le fond

47      À titre liminaire, il convient de relever que, au soutien de son recours, la requérante invoque uniquement une exception d’illégalité, fondée sur l’article 277 TFUE, en faisant valoir l’inapplicabilité du règlement no 1023/2013, en ce qu’il prévoit, d’une part, un gel des rémunérations pendant deux ans tout en appliquant un prélèvement de solidarité sur ces mêmes rémunérations pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 30 juin 2015.

48      La requérante fait valoir que l’article 65, paragraphe 4, et l’article 66 bis du statut étant des dispositions de portée générale, dont la décision établissant son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014 a fait application pour la première fois à son égard, il existe un lien juridique direct ou, à tout le moins indirect entre cette décision individuelle et ces dispositions, de sorte que l’exception d’illégalité fondée sur l’article 277 TFUE peut être utilement soulevée.

49      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 277 TFUE prévoit que toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause la légalité d’un règlement visé par cette disposition, se prévaloir, en particulier à l’appui d’un recours contre une mesure d’application, des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, même après l’expiration du délai de recours contre le règlement. Il ressort d’une jurisprudence constante que cette voie de droit incidente constitue l’expression d’un principe général qui tend à garantir que toute personne dispose ou ait disposé d’une possibilité de contester un acte émanant de l’Union qui sert de fondement à une décision qui lui est opposée (arrêts du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, EU:C:1979:53, point 36 ; du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, EU:C:1984:18, point 6, et du 10 juillet 2003, Commission/BCE, C‑11/00, EU:C:2003:395, points 74 à 78). La règle posée à l’article 277 TFUE s’impose assurément dans le cadre du contentieux porté devant le Tribunal au titre de l’article 270 TFUE (arrêts du 4 octobre 2018, Tataram/Commission, T‑546/16, non publié, EU:T:2018:644, point 32, et du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones/Commission, F‑29/09, EU:F:2010:120, point 29).

50      Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que la possibilité que donne l’article 277 TFUE d’invoquer l’inapplicabilité d’un règlement ne constitue pas un droit d’action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente, de telle sorte que l’absence d’un droit de recours principal ou l’irrecevabilité du recours principal entraîne l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité (arrêts du 4 octobre 2018, Tataram/Commission, T‑546/16, non publié, EU:T:2018:644, point 33, et du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones/Commission, F‑29/09, EU:F:2010:120, point 30).

51      Or, ainsi qu’il a été constaté au point 46 ci-dessus, le présent recours introduit à l’encontre de la décision établissant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014, concrétisée par le bulletin de rémunération dudit mois, est recevable en ce que ladite décision a mis en œuvre pour la première fois à l’égard de la requérante l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013.

52      En revanche, ainsi que cela a été constaté au point 44 ci-dessus, la décision établissant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014 ne constitue pas la première application à son égard de l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013 et, partant, ne lui fait pas grief sur ce point.

53      Il s’ensuit que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante au soutien de son recours peut être utilement soulevée uniquement en ce que celle-ci vise l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013, qui a instauré un prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014, alors que l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations prévue par l’annexe XI du statut était suspendue en application de l’article 65, paragraphe 4, du statut.

54      À l’appui de l’exception d’illégalité, la requérante avance sept moyens. Le premier moyen est tiré, en substance, de la rupture du lien entre l’application de la méthode d’adaptation automatique des rémunérations prévue à l’annexe XI du statut et le prélèvement de solidarité et de la violation du principe du parallélisme entre la rémunération des fonctionnaires et des agents de l’Union et celle des agents de la fonction publique des États membres. Le deuxième moyen est pris de la violation de la liberté d’association, des droits à l’information, à la consultation et à la négociation collective, consacrés par l’article 12, paragraphe 1, l’article 27 et l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en tant que tels et tels que mis en œuvre par l’article 10, deuxième alinéa, l’article 10 ter, second alinéa, et l’article 24 ter du statut, ainsi que de la violation de la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel (ci-après la « décision du Conseil du 23 juin 1981 »). Le troisième moyen est tiré de la violation des droits acquis. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité. Le cinquième moyen est tiré de la violation de la procédure législative. Le sixième moyen est pris de la violation de l’obligation de motivation. Enfin, le septième moyen est tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, résultant de l’absence de mesures transitoires.

55      Il y a lieu d’examiner, en premier lieu, les deuxième, cinquième et sixième moyens, tirés, respectivement, de la violation de la liberté d’association et des droits à l’information, à la consultation et à la négociation collective, de la violation du processus législatif et de la violation de l’obligation de motivation, qui ont trait à la légalité externe du règlement no 1023/2013, avant d’examiner, en second lieu, les autres moyens avancés à l’appui de l’exception d’illégalité, qui concernent la légalité interne dudit règlement.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la liberté d’association et des droits à l’information, à la consultation et à la négociation collective

56      La requérante estime que le règlement no 1023/2013 est illégal en ce qu’il a été adopté en violation de la liberté d’association et des droits à l’information, à la consultation et à la négociation collective, consacrés par l’article 12, paragraphe 1, l’article 27 et l’article 28 de la charte des droits fondamentaux, en tant que tels et tels que mis en œuvre par l’article 10, deuxième alinéa, du statut, l’article 10 ter, second alinéa, du statut et l’article 24 ter du statut, ainsi qu’en violation de la décision du Conseil du 23 juin 1981. Plus particulièrement, la requérante fait valoir que le comité du statut n’aurait pas été consulté utilement et que la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 n’aurait pas été respectée. S’agissant de la consultation du comité du statut, la requérante fait valoir que celui-ci n’a pas été consulté sur le premier projet de proposition de modification du statut adopté par la Commission le 29 juin 2011, qui prévoyait que la méthode d’actualisation des rémunérations serait accompagnée d’un nouveau prélèvement de solidarité de 5,5 %, applicable à compter du 1er janvier 2013 jusqu’au 31 décembre 2020, mais uniquement sur le second projet de proposition de modification du statut, qui prévoyait un prélèvement de solidarité de 6 % et dont la Commission a saisi le comité du statut le 21 novembre 2011. En outre, selon la requérante, la consultation du comité du statut intervenue les 17 et 18 juillet 2013 serait tardive et donc privée d’effet utile. S’agissant de la consultation et de la concertation avec les organisations syndicales ou professionnelles (ci-après les « OSP »), la requérante fait valoir que la Commission n’a pas consulté les OSP préalablement à l’adoption du premier projet de modification du statut et qu’elle n’a pas davantage consulté les OSP sur le second projet de proposition de modification du statut. En outre, la requérante fait valoir que le Conseil aurait refusé la demande des OSP que la commission de concertation continue de se réunir tout au long des discussions en trilogue. De plus, selon la requérante, si la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 a bien été engagée, elle n’a pas été respectée. Ainsi, d’une part, les deux réunions de la commission de concertation organisées le 6 mai 2013 et le 23 juin 2013 n’auraient été que des réunions d’information qui n’auraient donné lieu à aucune concertation. D’autre part, la commission de concertation n’aurait pas produit de rapport des positions divergentes exprimées par les parties à l’issue de ces deux réunions. Par ailleurs, la requérante soutient que dans les cas où l’exercice des droits consacrés par l’article 28 de la charte des droits fondamentaux n’est pas suffisamment déterminé ou est déterminé par des dispositions du droit de l’Union dont la validité est mise en cause, elle pourrait prétendre au respect du droit fondamental à la négociation collective consacré par l’article 28 de la charte des droits fondamentaux, indépendamment des dispositions de droit dérivé mettant en œuvre cet article, ce qui serait le cas en l’espèce. Dans ce cadre, elle considère que, eu égard aux conditions dans lesquelles elle s’est déroulée, la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 ne respecterait pas le droit à la négociation collective.

57      Le Conseil et le Parlement contestent l’argumentation de la requérante.

58      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 12, paragraphe 1, l’article 27 et l’article 28 de la charte des droits fondamentaux, qui consacrent, respectivement, la liberté d’association sous la forme de syndicats, le droit à l’information et à la consultation des travailleurs dans l’entreprise et le droit de négociation et d’action collective, sont susceptibles de s’appliquer dans les rapports entre les institutions de l’Union et leur personnel. Néanmoins, selon les termes mêmes de ces dispositions, l’exercice des droits qu’elles consacrent est limité aux cas et conditions prévus par le droit de l’Union (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 77).

59      S’agissant des dispositions du droit de l’Union établissant les conditions d’exercice des droits fondamentaux consacrés par l’article 12, paragraphe 1, l’article 27 et l’article 28 de la charte des droits fondamentaux, il convient de rappeler, premièrement, que l’article 10 du statut prévoit la consultation par la Commission du comité du statut, composé en nombre égal des représentants des institutions de l’Union et des représentants de leurs comités du personnel, sur toute proposition de révision du statut.

60      La procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 s’applique aux propositions soumises au Conseil par la Commission relatives à la modification du statut ou relatives à l’application des dispositions du statut concernant les rémunérations ou les pensions, chaque fois qu’un membre de la commission de concertation, composée, en principe, d’un nombre égal de représentants des États membres et de représentants du personnel désignés par les OSP ainsi que des chefs de l’administration de chaque institution de l’Union, en fait la demande. Selon le point I.8 de la décision du Conseil du 23 juin 1981, lu à la lumière de la déclaration interprétative de cette décision adoptée par le Conseil le 6 mai 2013 en vue de son application dans le cadre de la procédure législative ordinaire relative à la proposition de modification du statut, ladite procédure de concertation a pour objet d’examiner toutes les informations disponibles et les positions des parties dans le but de faciliter, dans la mesure du possible, la convergence des positions et d’assurer que les points de vue du personnel et des autorités administratives sont connus des représentants des États membres avant qu’ils ne prennent une position ferme dans le cadre de la procédure législative ordinaire. En vertu de cette même disposition, le Conseil a la possibilité de tenir compte du rapport du président de la commission de concertation lors de l’adoption d’une position dans le cadre de la procédure législative ordinaire (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 115).

61      Ainsi, l’article 10 du statut et la décision du Conseil du 23 juin 1981 ont trait aux conditions d’exercice du droit à l’information et à la consultation des travailleurs, consacré par l’article 27 de la charte des droits fondamentaux, dans les rapports entre les institutions et leur personnel (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 116).

62      En revanche, il y a lieu de relever que l’article 10 ter, second alinéa, du statut, énonce seulement la faculté pour la Commission de consulter les OSP représentatives sur les propositions de modification du statut visées à l’article 10 dudit statut, de sorte que la requérante ne saurait exciper de cette disposition pour revendiquer le droit pour les OSP représentatives d’être consultées sur les propositions de modification du statut.

63      Deuxièmement, il convient de relever que l’article 24 ter du statut, également invoqué par la requérante, concerne les conditions d’exercice de la liberté d’association, consacrée par l’article 12, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, en ce qu’il énonce que les fonctionnaires jouissent du droit d’association et qu’ils peuvent, notamment, être membres d’OSP de fonctionnaires européens.

64      Toutefois, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal, en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 25 janvier 2018, BSCA/Commission, T‑818/14, EU:T:2018:33, point 95 et jurisprudence citée).

65      Or, force est de constater que la requérante ne développe dans la requête aucun argument au soutien de la prétendue violation de l’article 24 ter du statut, de sorte qu’un tel grief doit être rejeté comme étant irrecevable.

66      Troisièmement, il importe de souligner que la requérante n’invoque pas de disposition du droit de l’Union établissant les conditions d’exercice du droit de négociation et d’action collective consacré par l’article 28 de la charte des droits fondamentaux. Elle se borne en effet à invoquer une violation de la procédure de concertation établie par la décision du Conseil du 23 juin 1981, qui a trait, ainsi qu’il a été rappelé au point 59 ci-dessus, aux conditions d’exercice du droit à l’information et à la consultation des travailleurs, consacré par l’article 27 de la charte des droits fondamentaux.

67      Dans la réplique, la requérante soutient qu’une violation de l’article 28 de la charte des droits fondamentaux peut toutefois être invoquée dès lors que « la validité [des dispositions de droit dérivé applicables] est justement remise en cause eu égard aux modifications qui y ont été apportées ». La requérante observe que, en l’espèce, les droits et les obligations des OSP sont certes déterminés par les dispositions de droit dérivé applicables, mais que la validité de ces dispositions est remise en cause dans la mesure où elle conteste la légalité de l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par le règlement no 1023/2013, et de l’article 66 bis du statut, tel que modifié par le même règlement.

68      Il importe de souligner que la violation des conditions d’exercice du droit de négociation et d’action collective consacré par l’article 28 de la charte des droits fondamentaux en dehors des hypothèses prévues par les dispositions de droit dérivé applicables ne pourrait être invoquée que si les droits et les obligations en cause n’étaient pas suffisamment déterminés par lesdites dispositions ou si la validité de ces dispositions était elle-même remise en cause (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2013, Heath/BCE, T‑645/11 P, EU:T:2013:326, point 155).

69      Toutefois, en l’espèce, force est de constater que les dispositions de droit dérivé applicables dont la requérante conteste la légalité, à savoir l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par le règlement no 1023/2013, et l’article 66 bis du statut, tel que modifié par le même règlement, ne définissent pas les conditions d’exercice du droit de négociation et d’action collective, consacré par l’article 28 de la charte des droits fondamentaux. Il s’ensuit que la requérante ne saurait se prévaloir de la violation des conditions d’exercice des droits et des obligations consacrés par l’article 28 de la charte des droits fondamentaux.

70      Au demeurant, il convient de relever que, aux termes de l’article 28 de la charte des droits fondamentaux, le droit de négociation collective vise expressément la négociation et la conclusion de conventions collectives. Or, il y a lieu de rappeler que le droit de négocier et de conclure des conventions collectives a pour objet de permettre une négociation entre les partenaires sociaux afin de déterminer les conditions de travail lorsque les droits et les obligations ne sont pas suffisamment déterminés par les dispositions applicables (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 117).

71      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le droit de négociation collective ne saurait être assimilé au droit pour les OSP de négocier le contenu même des dispositions du statut dont l’adoption est régie, conformément à l’article 294 TFUE, par la procédure législative ordinaire.

72      En conséquence, l’examen du présent moyen se limitera à vérifier si les conditions d’exercice du droit à l’information et à la consultation des travailleurs, ainsi prévues par l’article 10 du statut et par la décision du Conseil du 23 juin 1981, ont été respectées en l’espèce.

–       Sur la violation de l’article 10 du statut

73      La requérante soutient que, conformément à l’article 10 du statut, la Commission aurait dû saisir le comité du statut de la première proposition de modification du statut qu’elle a adoptée, le 29 juin 2011, qui comportait un prélèvement de solidarité de 5,5 %, et non de la seconde proposition de modification du statut, prévoyant un prélèvement de solidarité de 6 %, qu’elle lui a soumise le 21 novembre 2011. La requérante soutient également que la consultation du comité du statut intervenue les 17 et 18 juillet 2013 ne répondrait pas davantage aux exigences de l’article 10 du statut en ce qu’elle serait tardive et donc privée d’effet utile.

74      À cet égard, premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’article 10 du statut imposait à la Commission de saisir le comité du statut de la première proposition de modification du statut qu’elle avait adoptée le 29 juin 2011, il importe de rappeler que l’article 10 du statut impose à la Commission de saisir le comité du statut de « toute proposition de modification du statut ». Or, en l’espèce, d’une part, il ressort du dossier, que le texte adopté par la Commission le 29 juin 2011 n’était pas formellement une proposition de modification du statut, mais un projet de proposition de modification du statut destiné à faire l’objet d’une consultation des OSP avant la présentation d’une proposition formelle de modification du statut au Conseil et au Parlement. D’autre part, il convient également de relever que le texte soumis par la Commission au comité du statut le 21 novembre 2011 a ensuite été transmis par la Commission au Parlement et au Conseil en tant que proposition législative, au sens de l’article 294, paragraphe 2, TFUE, dans le cadre de la procédure législative ordinaire, qui régit, conformément à l’article 336 TFUE, l’adoption et la modification du statut et du RAA par ces institutions.

75      Il convient dès lors de rejeter comme non fondé l’argument de la requérante selon lequel la Commission a violé l’article 10 du statut en en ne saisissant pas le comité du statut de son premier projet de proposition de modification du statut.

76      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la consultation du comité du statut des 17 et 18 juillet 2013 aurait violé l’article 10 du statut au motif qu’elle serait intervenue à un stade tardif de la procédure législative, de sorte qu’elle aurait été privée d’effet utile, il convient de relever que l’article 10 du statut impose à la Commission une obligation de consultation qui s’étend, outre aux propositions formelles, aux modifications substantielles de propositions déjà examinées auxquelles elle procède, à moins que, dans ce dernier cas, les modifications correspondent pour l’essentiel à celles proposées par le comité du statut (arrêts du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, EU:T:2007:218, point 35 ; du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 129, et du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 99).

77      Une telle interprétation est commandée tant par le libellé de l’article 10 du statut que par le rôle assumé par le comité du statut. En effet, d’une part, en prévoyant la consultation sans réserve ni exception du comité du statut sur toute proposition de révision du statut, cette disposition confère une large portée à l’obligation qu’elle définit. Ses termes sont donc manifestement inconciliables avec une interprétation restrictive de sa portée. D’autre part, le comité du statut, en tant qu’organe paritaire regroupant les représentants des administrations et ceux du personnel, ces derniers étant démocratiquement élus, de toutes les institutions, est amené à prendre en considération et à exprimer les intérêts de la fonction publique de l’Union dans son ensemble (arrêts du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, EU:T:2007:218, point 36 ; du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 130, et du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 100).

78      Il s’ensuit que, lorsque la Commission procède à une modification de sa proposition de révision du statut lors de la procédure législative ordinaire, elle a l’obligation de consulter de nouveau le comité du statut avant l’adoption par le Conseil des dispositions réglementaires concernées, lorsque cette modification affecte de façon substantielle l’économie de la proposition (arrêts du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 135, et du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 101).

79      Or, en l’espèce, force est de constater que, si la Commission a fait usage de son pouvoir d’initiative législative en présentant la proposition de modification du statut au Parlement et au Conseil le 13 décembre 2011, elle n’a pas fait usage de ce pouvoir pour modifier ladite proposition (arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 102).

80      Certes, la Commission a participé aux négociations en trilogue tenues lors de la procédure législative ordinaire en cause. Or, selon le point 13 de la déclaration commune sur les modalités pratiques de la procédure de codécision (article 251 du traité CE) (JO 2007, C 145, p. 5), faite par le Parlement, le Conseil et la Commission le 13 juin 2007 et qui régit ces réunions informelles, au stade de la première lecture du Parlement, le rôle de la Commission se restreint à favoriser les contacts pris « pour faciliter la conduite des travaux en première lecture » et à exercer « son droit d’initiative de manière constructive en vue de rapprocher les positions du Parlement [...] et du Conseil, dans le respect de l’équilibre entre les institutions et du rôle que lui confère le traité » (arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 103).

81      Ainsi, le fait que les négociations en trilogue tenues, en l’espèce, au stade de la première lecture par le Parlement ont abouti, avec la participation de la Commission dont le rôle est rappelé au point 80 ci-dessus, à un compromis entre le Parlement et le Conseil visant à amender la proposition de modification du statut ne saurait être considéré comme constituant une modification de ladite proposition par la Commission elle-même (arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 104).

82      Par ailleurs, l’adoption en première lecture, par le Parlement, d’un texte ayant amendé la proposition de modification du statut ne saurait pas non plus être assimilée à une modification par la Commission elle-même de sa proposition initiale (arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 105).

83      Il ressort de ce qui précède que la Commission n’était tenue de consulter à nouveau le comité du statut en vertu de l’article 10 du statut ni après l’aboutissement des négociations en trilogue tenues au stade de la première lecture du Parlement ni après l’adoption, par ce dernier, de sa proposition en première lecture (arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 106).

84      À cet égard, la requérante ne saurait valablement tirer argument de la circonstance que la Commission a, alors qu’elle n’était pas tenue de le faire, transmis au comité du statut par lettre du 5 juillet 2013 la position en première lecture du Parlement du 2 juillet 2013, en précisant que, selon elle, la proposition de modification du statut, dont elle avait saisi le comité du statut le 21 novembre 2011, n’avait pas été substantiellement modifiée dans le cadre de la procédure législative ordinaire et que, à ce stade de la procédure législative, l’article 10 du statut ne trouvait pas à s’appliquer. En effet, une telle circonstance est dépourvue de pertinence quant à la régularité de la procédure d’adoption du règlement no 1023/2013 et, plus particulièrement quant au respect par la Commission de l’obligation que lui imposait en l’espèce l’article 10 du statut.

85      Il convient dès lors de rejeter comme non fondé l’argument de la requérante selon lequel la consultation du comité du statut les 17 et 18 juillet 2013, à la suite de sa saisine par la Commission le 5 juillet 2013, serait intervenue à un stade tardif dans le cadre de la procédure législative en cause et aurait ainsi été privée d’effet utile en violation de l’article 10 du statut.

–       Sur la violation de la procédure de concertation

86      La requérante fait valoir que la Commission n’a pas consulté les OSP préalablement à l’adoption du premier projet de proposition de modification du statut adopté le 29 juin 2011 et qu’elle n’a pas davantage consulté les OSP sur le second projet de proposition de modification du statut du 13 décembre 2011. En outre, la requérante fait valoir que les deux réunions de la commission de concertation organisées le 6 mai 2013 et le 20 juin 2013 étaient des réunions d’information au cours desquelles aucun document n’a été communiqué aux OSP et qui n’ont donné lieu à aucune concertation et qu’à leur issue la commission de concertation n’a soumis aucun rapport faisant état des divergences d’opinion entre les parties, en violation de la décision du Conseil du 23 juin 1981. La requérante fait également valoir que le Conseil a refusé la demande des OSP visant à ce que la commission de concertation continue de se réunir tout au long de la phase de trilogue qui a duré du 13 mai 2013 au 25 juin 2013.

87      À cet égard, premièrement, s’agissant de l’absence de consultation des OSP préalablement à l’adoption du premier projet de proposition de modification du statut de la Commission du 29 juin 2011, il convient de relever que cette circonstance est dénuée de pertinence quant à la légalité de la procédure législative ordinaire initiée postérieurement, le 13 décembre 2011, par la transmission au Parlement et au Conseil du second projet de proposition de modification du statut sous la forme d’une proposition législative. Un tel argument doit, dès lors être rejeté comme étant inopérant.

88      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission aurait omis de consulter les OSP avant d’adopter son projet de proposition de modification du statut du 13 décembre 2011, il convient de relever que, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 4 de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489), les OSP ont été consultées sur le second projet de proposition de révision du statut le 7 septembre 2011 et que des concertations administratives, techniques et politiques entre la Commission et les OSP ont ensuite eu lieu à cet égard, respectivement le 6 octobre 2011, le 28 octobre 2011 et le 7 novembre 2011.

89      La requérante n’ayant avancé aucun élément de droit ou de fait de nature à lui permettre de remettre en cause cette constatation, il convient dès lors de rejeter comme non fondé l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission n’a pas consulté les OSP avant d’adopter son second projet de proposition de modification du statut et de le transmettre au Parlement et au Conseil le 13 décembre 2011.

90      Troisièmement, s’agissant du grief de la requérante tiré du fait qu’aucun document n’a été distribué aux OSP lors des réunions de la commission de concertation du 6 mai 2013 et du 20 juin 2013, il y a lieu de relever que ce grief a déjà été examiné et rejeté par le Tribunal dans l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489).

91      Ainsi au point 161 de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489), le Tribunal a relevé que la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 ne prescrit ni ne prohibe la remise de documents écrits aux OSP en vue de la préparation des réunions de concertation ou à l’occasion de celles-ci.

92      Or, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 162 de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489), selon le point I.8 de la décision du Conseil du 23 juin 1981, lu à la lumière de la déclaration interprétative du Conseil du 6 mai 2013, la procédure de concertation prévue par ladite décision a pour objet d’examiner toutes les informations disponibles et les positions des parties dans le but de faciliter, dans la mesure du possible, la convergence des positions et d’assurer que les points de vue du personnel et des autorités administratives sont connus des représentants des États membres avant qu’ils ne prennent une position ferme dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

93      Eu égard à l’objet de la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981, la réponse à la question de savoir si le Conseil est tenu de communiquer les informations dont il dispose par écrit aux OSP de façon que celles-ci puissent exprimer leur point de vue dépend donc, de la connaissance que ces dernières ont desdites informations, de la nature et de l’étendue de ces informations ainsi que des contraintes temporelles et techniques caractérisant le déroulement de la négociation en trilogue (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 163).

94      En l’espèce, s’agissant de la première réunion de la commission de concertation, qui avait pour objet le mandat de négociation du Conseil en vue de la négociation en trilogue, il y a lieu de relever que le Conseil n’était pas tenu de communiquer des documents écrits aux OSP, celles-ci ayant eu connaissance de la proposition de modification du statut sur laquelle devait précisément porter la négociation (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 164).

95      S’agissant de la seconde réunion de la commission de concertation, qui s’est tenue le 20 juin 2013 après que le Parlement, le Conseil et la Commission furent parvenus, le 19 juin 2013, à un compromis provisoire sur la proposition de révision du statut, il convient de relever que, si les OSP avaient connaissance du contenu de la proposition de modification du statut et de certaines propositions des États membres, comme en témoigne le tract publié par plusieurs OSP le 17 septembre 2012, elles n’avaient pas connaissance du résultat exact des négociations en trilogue qui portaient, notamment, sur ces propositions (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 165).

96      Dès lors, compte tenu tant de la nature que de l’étendue des modifications introduites dans la proposition de modification du statut lors de la négociation en trilogue, le Conseil était tenu de transmettre aux OSP toutes les informations disponibles de façon à leur permettre de donner utilement leur point de vue sur ces modifications. Cela supposait donc, en principe, que lesdites OSP puissent disposer d’un support écrit pour pouvoir réagir efficacement (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 166).

97      Toutefois, il importe de rappeler que le 20 juin 2013 le texte reflétant le compromis provisoire du 19 juin 2013 n’était pas encore disponible, de sorte qu’il ne pouvait matériellement être transmis aux OSP membres de la commission de concertation (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 167).

98      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Conseil d’avoir procédé lors de la réunion de la commission de concertation du 20 juin 2013 à une présentation orale des principaux éléments du compromis provisoire obtenu le 19 juin 2013, présentation qui correspondait, dans les circonstances particulières de l’espèce, caractérisées par des contraintes temporelles et techniques caractérisant le déroulement de la négociation en trilogue, au seul procédé envisageable d’information des OSP (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 169).

99      En outre, d’une part, il importe de rappeler que le Conseil a bien transmis aux OSP membres de la commission de concertation le texte du compromis provisoire, accompagné d’explications, le soir du 24 juin 2013, ainsi que le texte du compromis final, également accompagné d’explications, le 27 juin 2013, soit antérieurement à la prise de position ferme des États membres, au sens du point I.8 de la décision du Conseil du 23 juin 1981, lors de l’examen du texte du compromis final par le comité des représentants permanents (Coreper) le 28 juin 2013. D’autre part, il convient de souligner que les OSP participant à la commission de concertation n’ont pas demandé en temps utile l’organisation d’une nouvelle réunion en vue d’être entendues sur le texte du compromis provisoire ni même sur le texte du compromis final (arrêts du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 170, et du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, points 119 à 122).

100    Or, force est de constater que la requérante n’avance aucun élément de fait ou de droit nouveau susceptible de remettre en cause les constatations opérées par le Tribunal dans les arrêts, ayant acquis force de chose jugée, du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489), et du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil (T‑75/14, EU:T:2017:813), rappelées aux points 91 à 99 ci-dessus, de sorte que le grief de la requérante selon lequel les réunions de la commission de concertation du 6 mai 2013 et du 20 juin 2013 n’ont été que des réunions d’information générale, lors desquelles aucun document n’a été distribué aux OSP et qui n’ont donné lieu à aucune concertation, doit être rejeté comme étant non fondé.

101    Quatrièmement, il convient de rejeter comme non fondé l’argument de la requérante tiré de ce que la commission de concertation, à l’issue des réunions du 9 mai 2013 et du 23 juin 2013, n’aurait pas produit de rapport exposant les positions divergentes des parties. En effet, il convient de relever que, conformément à l’article I.7 de la décision du Conseil du 23 juin 1981, lu à la lumière de l’orientation 5 de la déclaration interprétative du Conseil du 6 mai 2013, au stade de l’examen de la proposition de modification du statut par le Conseil, le président de la commission de concertation fait rapport au Coreper au nom de la commission de concertation après chaque réunion au cours de laquelle les participants ont exposé leur point de vue. Or, il convient de relever qu’il ressort du message du secrétaire général du Conseil concernant la réforme du statut, adressé au personnel du Conseil le 28 juin 2013, produit par la requérante elle-même, que le secrétaire général du Conseil a indiqué au personnel de cette institution avoir présenté au Coreper les résultats de la réunion de la commission de concertation du 20 juin 2013. En outre, il ressort des documents produits par le Conseil que, si aucun rapport écrit n’a été établi à l’issue des réunions de la commission de concertation du 6 mai 2013 et du 20 juin 2013, le secrétaire général du Conseil, président de la commission de concertation, a effectivement fait un compte rendu oral au Coreper de ces réunions, respectivement le 8 mai 2013 et le 26 juin 2013.

102    Cinquièmement, il convient également de rejeter comme non fondé le grief de la requérante tiré de ce que le secrétaire général du Conseil aurait refusé la demande des OSP visant à ce que la commission de concertation continue de se réunir tout au long de la phase de trilogue. En effet, aux termes de l’article I.5, de la décision du Conseil du 23 juin 1981, lu à la lumière de l’orientation 5 de la déclaration interprétative du Conseil du 6 mai 2013, au stade de l’examen en première lecture par le Conseil d’une proposition de modification du statut, la commission de concertation se réunit sur convocation de son président chaque fois qu’une des parties en fait la demande. Il s’ensuit que s’il était loisible aux représentants du personnel, désignés par les OSP représentatives, membres de la commission de concertation de demander à plusieurs reprises la réunion de ladite commission, le secrétaire général du Conseil, présidant la commission de concertation, était fondé à refuser une demande générale telle que celle visant à ce que la commission de concertation continue de se réunir tout au long de la phase de trilogue.

103    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de la procédure législative

104    La requérante fait observer que la proposition de modification du statut soumise par la Commission au Conseil et au Parlement le 13 décembre 2011 ne prévoyait ni la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations en 2013 et 2014 ni l’application du prélèvement de solidarité au cours de cette même période. Selon la requérante, c’est seulement lors de la phase de trilogue que le Conseil aurait introduit ces modifications en reprenant les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013. Ce faisant, le Conseil aurait violé l’article 296 TFUE, qui prévoit que, lorsqu’ils sont saisis d’un projet d’acte législatif, le Parlement et le Conseil s’abstiennent d’adopter des actes non prévus par la procédure législative applicable au domaine concerné. En outre, selon la requérante, en adoptant ses conclusions des 7 et 8 février 2013, reprises ensuite par le Conseil, le Conseil européen aurait violé l’article 15, paragraphe 1, TUE, qui prévoit que celui-ci n’exerce pas de fonction législative.

105    Le Conseil et le Parlement contestent l’argumentation de la requérante.

106    Il convient de relever d’emblée que l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle la mesure consistant à appliquer le prélèvement de solidarité de 6 %, alors que l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations était suspendue, découlerait des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 et aurait été simplement reprise par le Conseil et le Parlement lors de l’adoption du règlement no 1023/2013. Toutefois, il convient de relever que, si les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, émises dans le cadre des orientations concernant le cadre financier pluriannuel, prévoyaient la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations pendant deux ans, ainsi que l’instauration d’un prélèvement de 6 % « dans le cadre de la réforme de la méthode salariale », elles ne prévoyaient pas que ledit prélèvement serait appliqué pendant la période de suspension en question.

107    En tout état de cause, il importe de souligner que les arguments de la requérante, tirés de la violation de l’article 296 TFUE et de l’article 15, paragraphe 1, TUE, ne sauraient prospérer.

108    Ainsi, premièrement, s’agissant de la prétendue violation par le Conseil de l’article 296, troisième alinéa, TFUE, il convient de rappeler que cette disposition prévoit que « [l]orsqu’ils sont saisis d’un projet d’acte législatif, le Parlement européen et le Conseil s’abstiennent d’adopter des actes non prévus par la procédure législative applicable au domaine concerné ».

109    Conformément à l’article 336 TFUE, le statut et le RAA sont arrêtés par le Parlement et le Conseil, après consultation des autres institutions intéressées, par voie de règlement, conformément à la procédure législative ordinaire.

110    En l’espèce, le Conseil et le Parlement, saisis par la Commission le 13 décembre 2011 d’une proposition de modification du statut ont adopté le règlement no 1023/2013, après que le Parlement eut arrêté sa position en première lecture le 2 juillet 2013 et que le Conseil eut approuvé cette position le 10 octobre 2013, conformément à l’article 294, paragraphes 3 et 4, TFUE.

111    Force est donc de constater que, en l’espèce, le Parlement et le Conseil n’ont pas adopté d’actes autres que ceux prévus par la procédure législative ordinaire.

112    Par ailleurs, il importe de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de l’article 296, troisième alinéa, TFUE, que cette disposition s’oppose à ce que le Conseil puisse tenir compte des conclusions du Conseil européen lorsqu’il fait usage de sa faculté de s’écarter de la proposition législative présentée par la Commission, qui ne le lie pas. Il convient en effet de rappeler que, dans le cadre du pouvoir législatif reconnu au Conseil, conjointement avec le Parlement, par l’article 14, paragraphe 1, TUE, et par l’article 16, paragraphe 1, TUE, ainsi que par l’article 289 TFUE, qui s’inscrit dans le principe d’attribution des compétences consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE, et, plus largement, dans le principe de l’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 146), il revient au Conseil d’exercer des fonctions de définition des politiques et de coordination conformément aux conditions prévues par les traités.

113    Il s’ensuit que l’argument de la requérante tiré de la violation de l’article 296 TFUE doit être rejeté comme étant non fondé.

114    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Conseil européen aurait violé l’article 15, paragraphe 1, TUE et, partant, porté atteinte à la légalité de la procédure législative ayant abouti à l’adoption du règlement no 1023/2013, il convient de rappeler, tout d’abord, que, ainsi qu’il a été constaté au point 111 ci-dessus, la Commission, le Conseil et le Parlement ont respecté la procédure législative originaire applicable en l’espèce.

115    Il convient de rappeler, ensuite, que l’article 15, paragraphe 1, TUE, dispose que « [l]e Conseil européen donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales. Il n’exerce pas de fonction législative ».

116    Or, il y a lieu de relever que cette disposition ne s’oppose pas à ce que le Conseil européen prenne position sur une question qui fait l’objet d’une procédure législative.

117    Il convient de rappeler, enfin, que l’incidence de nature « politique » des conclusions du Conseil européen sur le pouvoir législatif du Parlement et du Conseil ne saurait constituer un motif d’annulation par le Tribunal de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 145, et du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, point 86).

118    Il s’ensuit que l’argument de la requérante selon lequel le Conseil européen aurait porté atteinte à la légalité de la procédure législative qui a conduit à l’adoption du règlement no 1023/2013 en adoptant les conclusions des 7 et 8 février 2013 doit être rejeté comme étant non fondé.

119    Par ailleurs, pour autant que l’argument de la requérante tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, TUE, doive être regardé, en lui-même, comme une exception d’illégalité dirigée contre les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, il convient de rappeler que, dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir arrêt du 4 octobre 2018, Tataram/Commission, T‑546/16, non publié, EU:T:2018:644, point 45 et jurisprudence citée).

120    Or, force est de constater que l’existence d’un tel lien juridique entre la décision individuelle faisant l’objet du présent recours, à savoir celle établissant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014 ayant fait application pour la première fois à son égard de l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013, et les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 fait défaut en l’espèce, de sorte que, pour autant que l’argument de la requérante doive être regardé comme une exception d’illégalité dirigée contre les conclusions du Conseil des 7 et 8 février 2013, elle doit être rejetée comme étant irrecevable.

121    Le cinquième moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

122    La requérante fait valoir que les raisons avancées dans le règlement no 1023/2013 pour justifier l’application du prélèvement de solidarité prévu par l’article 66 bis du statut, à savoir les difficultés particulières de la situation économique, ne sont pas différentes de celles invoquées pour justifier l’instauration de prélèvements similaires par le passé. La requérante cite à cet égard le premier considérant du règlement (Euratom, CECA, CEE) no 3821/81 du Conseil, du 15 décembre 1981, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 1981, L 386, p. 1), dont il ressortirait que l’instauration d’un prélèvement exceptionnel sur les rémunérations, les pensions et les indemnités de cessation de fonctions nettes versées par les Communautés était rendue opportune par les difficultés particulières de la situation économique et sociale. Or, l’imposition d’un prélèvement de solidarité pendant une période au cours de laquelle l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations est suspendue constituerait une mesure nouvelle justifiant une motivation spécifique qui fait défaut en l’espèce. En outre, la requérante fait valoir que, en mentionnant aux considérants 12 et 13 du règlement no 1023/2013 les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, ledit règlement renverrait dans sa motivation à un acte non prévu dans le processus législatif de l’Union en violation de l’article 296 TFUE.

123    Le Conseil et le Parlement contestent l’argumentation de la requérante.

124    Il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 181 et jurisprudence citée).

125    En outre, conformément à la jurisprudence, la motivation d’actes à portée générale, tel que le règlement no 1023/2013, peut se borner à indiquer la situation d’ensemble qui a conduit à leur adoption et les objectifs généraux que le législateur se propose d’atteindre, sans qu’il soit besoin d’une motivation spécifique à l’appui de tous les détails que peuvent comporter de tels actes. Ainsi, il n’est pas nécessaire de motiver chaque modification apportée au statut, mais il suffit que le législateur explique l’essentiel des mesures, même succinctement, pourvu que l’explication soit claire et pertinente (arrêts du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 159, et du 23 avril 2008, Pickering/Commission, F‑103/05, EU:F:2008:45, point 121).

126    En l’espèce, premièrement, il convient de relever que la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations en 2013 et 2014, ainsi que l’instauration d’un prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014 ne constituent que des composantes de la vaste réforme statutaire que le Parlement et le Conseil ont mise en œuvre en adoptant le règlement no 1023/2013.

127    Deuxièmement, il convient de relever que les considérants 11, 12 et 13 du règlement no 1023/2013 précisent ce qui suit :

« (11)       Il y a lieu d’équilibrer les avantages potentiels que retirent les fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne de l’application [du mécanisme pluriannuel d’actualisation des rémunérations] par la réintroduction du système de “prélèvement”. Comme dans le cas [du mécanisme pluriannuel d’actualisation des rémunérations], l’application du prélèvement de solidarité peut être provisoirement prolongée. Il semble approprié, dans les circonstances actuelles, d’augmenter le prélèvement de solidarité, par rapport au niveau du prélèvement spécial applicable entre 2004 et 2012, et de prévoir un taux plus progressif, ceci afin de tenir compte du contexte économique et social particulièrement difficile dans l’Union, et de ses implications pour les finances publiques dans l’ensemble de l’Union. La nécessité d’assainir les finances publiques dans l’Union, y compris à court terme, exige un effort prompt et particulier de solidarité de la part du personnel des institutions de l’Union. Ce prélèvement de solidarité devrait ainsi s’appliquer à l’ensemble des fonctionnaires et autres agents de l’Union à compter du 1er janvier 2014.

(12)             Dans ses conclusions du 8 février 2013 sur le cadre financier pluriannuel, le Conseil européen a souligné que le nécessaire assainissement des finances publiques à court, moyen et long terme exigeait de chaque administration publique et de son personnel un effort particulier pour améliorer l’efficacité et l’efficience et pour s’adapter à l’évolution du contexte économique. En réalité, cet appel rappelait l’objectif de la proposition de la Commission, présentée en 2011, modifiant le statut et le [RAA], qui s’efforçait de garantir un bon rapport coût-efficacité et reconnaissait que les défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’Union européenne exigent, de la part de chaque administration publique et de chaque membre de son personnel, un effort particulier en vue d’une efficacité accrue et d’une adaptation à l’évolution du contexte socio-économique en Europe. Le Conseil européen préconisait en outre, dans le cadre de la réforme du statut, une suspension pendant deux ans de l’adaptation, par le biais [du mécanisme pluriannuel d’actualisation des rémunérations], des rémunérations et des pensions de l’ensemble du personnel des institutions de l’Union, et la réintroduction du nouveau prélèvement de solidarité à l’occasion de la réforme de la méthode salariale.

(13)             Eu égard à ces conclusions et pour tenir compte des contraintes budgétaires futures, tout en exprimant la solidarité de la fonction publique européenne face aux mesures draconiennes prises par les États membres par suite de la crise financière sans précédent et du contexte socio-économique particulièrement difficile dans les États membres et l’ensemble de l’Union, il est nécessaire de prévoir la suspension [du mécanisme pluriannuel d’actualisation des rémunérations] pendant une période de deux ans en ce qui concerne toutes les rémunérations, pensions et indemnités des fonctionnaires et d’appliquer le prélèvement de solidarité malgré cette suspension. »

128    Il ressort ainsi du considérant 11 du règlement no 1023/2013 que le Parlement et le Conseil ont justifié l’instauration d’un prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014 par la nécessité d’équilibrer les avantages potentiels que retirent les fonctionnaires et autres agents de l’Union de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations. Il ressort également de ce considérant que la décision d’appliquer ce prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014 répond à l’objectif « d’assainir les finances publiques dans l’Union, y compris à court terme », par « un effort prompt et particulier de solidarité de la part du personnel des institutions de l’Union ». Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de ce même considérant que la référence au contexte économique et social particulièrement difficile dans l’Union ne justifie pas l’instauration du prélèvement de solidarité en tant que telle, comme cela était le cas pour le prélèvement spécial instauré par le règlement no 3821/81, mais l’augmentation du niveau du prélèvement de solidarité, par rapport au niveau du prélèvement spécial applicable entre 2004 et 2012, ainsi que le recours à un taux plus progressif.

129    En outre, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le Parlement et le Conseil ont exposé les raisons justifiant le choix d’appliquer le prélèvement de solidarité dès le 1er janvier 2014 alors que l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations était suspendue pour 2013 et 2014 aux considérants 12 et 13 du règlement no 1023/2013. Il ressort desdits considérants que ce choix visait à tenir compte, non seulement des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, mais également, « des contraintes budgétaires futures », « du contexte socio-économique particulièrement difficile dans les États membres et l’ensemble de l’Union » et à exprimer « la solidarité de la fonction publique européenne face aux mesures draconiennes prises par les États membres par suite de la crise financière sans précédent ».

130    Il y a donc lieu de considérer que la motivation fournie aux considérants 11, 12 et 13 du règlement no 1023/2013 répond aux critères jurisprudentiels mentionnés aux points 124 et 125 ci-dessus. En effet, elle fait apparaître le raisonnement du législateur de l’Union ainsi que les objectifs généraux poursuivis. Elle informe suffisamment les fonctionnaires des raisons de l’instauration d’un prélèvement de solidarité pendant une période au cours de laquelle l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations est suspendue.

131    En outre, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Parlement et le Conseil auraient manqué à leur obligation de motivation en se référant, aux considérants 12 et 13 du règlement no 1023/2013, aux conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que si, conformément à l’article 296 TFUE, les actes juridiques doivent être motivés, ceci n’exclut pas pour autant que le législateur fasse référence, dans un considérant, à des orientations politiques définies par le Conseil européen.

132    Il convient dès lors de rejeter le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de la rupture du lien entre l’application de la méthode d’adaptation automatique des rémunérations prévue à l’annexe XI du statut et le prélèvement de solidarité et de la violation du principe du parallélisme

133    La requérante soutient qu’il ressort des arrêts du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission (3/83, EU:C:1985:283), et du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission (T‑97/92 et T‑111/92, EU:T:1994:69), que le principe, dit du parallélisme, implique que le prélèvement de solidarité ne peut être appliqué que lorsque la méthode d’adaptation des rémunérations, dont il constitue la contrepartie, est elle-même applicable. Selon la requérante, il ressort d’ailleurs du considérant 11 du règlement no 1023/2013 et de l’article 66 bis, paragraphe 1, du statut, tel que modifié par ledit règlement que le prélèvement de solidarité a pour objet de compenser les avantages que les fonctionnaires et les agents de l’Union retirent de l’application de la méthode d’adaptation. Ce lien serait confirmé par l’article 15 de l’annexe XI du statut, tel que modifié par le règlement no 1023/2013, qui lierait les modifications du prélèvement de solidarité aux modifications de la méthode d’adaptation des rémunérations. Il s’ensuivrait que le législateur ne pouvait pas prévoir que le prélèvement de solidarité s’appliquerait pendant une période au cours de laquelle l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations était suspendue.

134    Le Conseil et le Parlement contestent l’argumentation de la requérante.

135    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le législateur peut à tout moment apporter, pour l’avenir, aux dispositions statutaires les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service, y compris si celles-ci sont moins favorables (arrêts du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes, T‑121/97, EU:T:1998:232, point 98, et du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, EU:T:2007:218, point 86).

136    En outre, il est de jurisprudence constante que, dans les domaines où le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, EU:F:2007:14, point 56 et jurisprudence citée).

137    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante.

138    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever qu’il ne ressort pas des arrêts du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission (3/83, EU:C:1985:283), et du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission (T‑97/92 et T‑111/92, EU:T:1994:69), auxquels la requérante se réfère, qu’il existerait un principe du droit de l’Union selon lequel le prélèvement de solidarité ne pourrait être appliqué que lorsque la méthode d’adaptation des rémunérations est elle-même appliquée.

139    Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission (3/83, EU:C:1985:283), les parties requérantes contestaient de façon incidente la légalité du règlement no 3821/81 introduisant à l’article 66 bis du statut une contribution de crise. Aux points 15 et 21 de cet arrêt, la Cour a constaté que l’acceptation de la part des organisations syndicales les plus représentatives de participer, sous forme d’une mesure exceptionnelle et unique affectant les rémunérations, aux conséquences des difficultés particulières de la situation économique et sociale relevée dans la Communauté, avait trouvé sa contrepartie dans l’adoption d’une méthode d’adaptation des rémunérations qui préservait le principe du parallélisme selon lequel, afin de décider s’il est approprié de procéder à une adaptation des rémunérations des fonctionnaires communautaires, était prise en considération, notamment, l’augmentation éventuelle des traitements publics dans les États membres.

140    De la même façon, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission (T‑97/92 et T‑111/92, EU:T:1994:69), les parties requérantes contestaient la légalité du règlement (CECA, CEE, Euratom) no 3831/91 du Conseil, du 19 décembre 1991, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés en vue de l’instauration d’une contribution temporaire (JO 1991, L 361, p. 7), introduisant un article 66 bis dans le statut aux fins d’établir une contribution temporaire. En réponse au moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, le Tribunal a rappelé les termes du préambule du règlement n °3831/91, selon lesquels « il résult[ait] des travaux de [la] commission de concertation qu’une mesure affectant à titre temporaire les rémunérations versées par les Communautés devait être instaurée sous la forme d’une contribution temporaire prélevée à la source, conjointement avec l’adoption d’une méthode fixant les modalités d’application des articles 64 et 65 du statut, comme éléments interdépendants d’une solution d’ensemble ».

141    Ainsi, il ressort des arrêts du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission (3/83, EU:C:1985:283), et du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission (T‑97/92 et T‑111/92, EU:T:1994:69), que, par le passé, le législateur a adopté une approche générale selon laquelle l’application d’un prélèvement spécifique affectant les rémunérations des fonctionnaires et des agents de l’Union constituait la contrepartie de l’application d’une méthode permettant, dans certaines conditions déterminées, d’adapter les rémunérations en question, en prenant en considération l’augmentation éventuelle des traitements publics dans les États membres de l’Union.

142    Toutefois, il importe de relever que, dans les limites de son large pouvoir d’appréciation rappelé au point 135 ci-dessus, le législateur était libre d’abandonner, de maintenir ou de réviser cette approche antérieure en prévoyant, dans le règlement no 1023/2013, que le prélèvement de solidarité s’appliquerait pendant une période au cours de laquelle l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations était suspendue.

143    Ensuite, il convient de souligner que, dans le règlement no 1023/2013, le législateur a effectivement établi un lien entre le prélèvement de solidarité et la méthode d’actualisation des rémunérations.

144    Ainsi, il ressort du libellé de l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013, que le prélèvement de solidarité est instauré « afin de tenir compte, […], de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations et des pensions des fonctionnaires ».

145    De même, il convient de relever que, dans sa version postérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, l’article 15, paragraphe 2, de l’annexe XI du statut, relative aux modalités d’application des articles 64 et 65 du statut, prévoit que toute proposition de la commission de modification de ladite annexe avant l’expiration de la période d’application de cette annexe, soit le 31 décembre 2023, doit s’accompagner d’une proposition de modification de l’article 66 bis du statut.

146    Il ressort également de l’article 15, paragraphe 3, de l’annexe XI du statut, introduit par le règlement no 1023/2013, que tant que le Parlement et le Conseil n’ont pas adopté de règlement sur la base d’une proposition de la Commission, ladite annexe et l’article 66 bis du statut continuent de s’appliquer à titre provisoire au-delà du 31 décembre 2023.

147    En outre, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 128 ci-dessus, il ressort du considérant 11 du règlement no 1023/2013 que le Parlement et le Conseil ont justifié l’instauration d’un prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014 par la nécessité d’équilibrer les avantages potentiels que retirent les fonctionnaires et autres agents de l’Union de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations.

148    Toutefois, il ne saurait ressortir ni du considérant 11 du règlement no 1023/2013 ni du lien entre les mesures en cause tels qu’ils sont relevés aux points 144 à 146 ci-dessus un principe selon lequel le prélèvement de solidarité ne s’applique que concomitamment à l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations, en jouant un rôle modérateur lorsque ladite méthode procure un avantage aux fonctionnaires de l’Union.

149    Il suffit de relever que le législateur a, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, expressément prévu que le prélèvement de solidarité serait appliqué pendant une période au cours de laquelle l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations était suspendue. À cet égard, il ressort des considérants 12 et 13 du règlement no 1023/2013, que le législateur a justifié ce choix par la poursuite des objectifs rappelés au point 129 ci-dessus. La requérante ne démontre pas que ce choix était constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir au sens de la jurisprudence citée au point 136 ci-dessus.

150    Enfin, il convient de relever que, pour autant que l’argumentation de la requérante doive être regardée comme visant à mettre en cause la légalité de l’article 66 bis du statut, en ce que celui-ci prévoyait l’application du prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014, au motif qu’une telle application serait contraire à l’article 65, paragraphe 4, du statut, qui prévoyait la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations, il suffit de rappeler que, ainsi que la Cour et le Tribunal l’ont respectivement déjà jugé au sujet de l’introduction d’un prélèvement exceptionnel par le règlement no 3821/81, ainsi que de l’introduction d’une contribution temporaire par le règlement no 3831/91, la légalité d’une modification du statut introduite par l’insertion d’une nouvelle disposition ne saurait être mise en cause sur la base d’une autre disposition du statut (arrêts du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission, 3/83, EU:C:1985:283, point 20, et du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92, EU:T:1994:69, point 65).

151    Partant, il y a lieu de rejeter comme non fondée la thèse de la requérante selon laquelle l’article 66 bis du statut serait illégal en ce qu’il prévoyait l’application du prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014 alors que l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations était suspendue.

152    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits acquis

153    La requérante fait valoir que le principe de l’ajustement annuel des rémunérations lui a toujours été appliqué. Elle fait observer que si la méthode a toujours été fixée pour des périodes de temps limitées, elle a été systématiquement renouvelée avec certaines adaptations. Selon la requérante, le droit des fonctionnaires de l’Union de bénéficier d’une évolution de pouvoir d’achat parallèle à celle des fonctionnaires nationaux en application de la méthode d’actualisation des rémunérations est un droit acquis et un élément essentiel de sa rémunération de même qu’une condition essentielle de sa relation avec son employeur. En suspendant l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations pendant deux années consécutives, sans prévoir de mesures transitoires, le Parlement et le Conseil auraient porté atteinte à ces droits acquis.

154    Le Conseil et le Parlement contestent l’argumentation de la requérante.

155    Il convient de relever que par le présent moyen la requérante conteste la légalité de l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013, prévoyant la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations en 2013 et 2014.

156    Or, il convient de rappeler que, ainsi que cela a été constaté aux points 52 et 53 ci-dessus, pour contester la décision établissant sa rémunération pour le mois de janvier 2014, la requérante peut uniquement faire valoir l’illégalité de l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013, et ne saurait utilement faire valoir l’illégalité de l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013.

157    Il s’ensuit que le deuxième moyen, tiré de la violation des droits acquis, doit être rejeté comme étant inopérant.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

158    La requérante fait valoir, en substance, que la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations pendant deux ans et l’application du prélèvement de solidarité pendant cette période sont contraires au principe de proportionnalité. Selon la requérante, si les objectifs poursuivis par ces mesures sont légitimes, lesdites mesures ne sont, elles, pas appropriées pour atteindre ces objectifs. La requérante observe à cet égard que l’application concomitante de la méthode d’actualisation des rémunérations et d’un prélèvement exceptionnel avait été, par le passé, jugée apte à remplir les mêmes objectifs que ceux énoncés par le règlement no 1023/2013. En outre, la requérante fait valoir que, d’une part, la crise économique que traversent les États membres n’est pas nouvelle et n’est pas pire que celle ayant sévi sous le cadre financier pluriannuel précédent et, d’autre part, le législateur a omis de tenir compte de ce que l’annexe XI du statut, tel que modifiée par le règlement no 1023/2013, contient déjà les mécanismes permettant de prendre en considération les évolutions économiques défavorables, puisque la méthode d’actualisation tient compte de l’évolution négative du niveau de rémunération de la fonction publique des États membres et que l’application de la méthode d’actualisation est soumise à une clause de modération ainsi qu’à une clause d’exception. Selon la requérante, le législateur aurait pu adopter des mesures moins contraignantes à même de permettre d’atteindre les objectifs fixés par le règlement no 1023/2013, à savoir prévoir l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations en 2013 et 2014 et lier l’application du prélèvement de solidarité à l’application de ladite méthode. La requérante ajoute que le caractère disproportionné des mesures contestées est renforcé, en ce qui la concerne, par les autres mesures introduites par le règlement no 1023/2013 visant à réduire les coûts du personnel des institutions de l’Union, à savoir le blocage des carrières des administrateurs au grade AD 13, la réduction du délai de route et la diminution du remboursement des frais de voyage.

159    Le Conseil et le Parlement contestent l’argumentation de la requérante.

160    À titre liminaire, il convient de relever que, pour autant que le présent moyen vise à démontrer le caractère disproportionné de la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations prévue par l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par l’article 1er, point 44, du règlement no 1023/2013, celui-ci doit être rejeté comme étant inopérant pour les mêmes raisons que celles déjà exposées aux points 52 et 53 ci-dessus.

161    Il convient donc d’examiner seulement si le Parlement et le Conseil ont porté atteinte au principe de proportionnalité en prévoyant que le prélèvement de solidarité instauré par l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013, s’appliquerait à compter du 1er janvier 2014, alors même que l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations était suspendue pour 2013 et 2014, conformément à l’article 65, paragraphe 4, du statut, introduit par l’article 1er, point 44, de ce même règlement.

162    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu du principe de proportionnalité, la légalité d’une réglementation de l’Union est subordonnée à la condition que les moyens qu’elle met en œuvre soient aptes à réaliser l’objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (voir, en ce sens, arrêts du 25 juillet 2018, Teglgaard et Fløjstrupgård, C‑239/17, EU:C:2018:597, point 49 et jurisprudence citée, et du 11 décembre 2013, Andres e.a./BCE, F‑15/10, EU:F:2013:194, point 317).

163    Toutefois, il est de jurisprudence constante que, s’agissant d’un domaine où, comme en l’espèce, le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, correspondant aux responsabilités politiques qui lui sont conférées par le traité, le contrôle de proportionnalité se limite à l’examen du seul caractère manifestement inapproprié de la mesure en cause par rapport à l’objectif que l’institution compétente est chargée de poursuivre (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2017, TofuTown.com, C‑422/16, EU:C:2017:458, point 46 et jurisprudence citée, et du 11 décembre 2013, Andres e.a./BCE, F‑15/10, EU:F:2013:194, point 318).

164    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 129 ci-dessus, il ressort des considérants 12 et 13 du règlement no 1023/2013 que le choix du législateur d’appliquer le prélèvement de solidarité à compter du 1er janvier 2014 alors même que l’application de la méthode d’actualisation était suspendue en 2013 et 2014 visait à tenir compte, non seulement des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, mais également « des contraintes budgétaires futures », « du contexte socio-économique particulièrement difficile dans les États membres et l’ensemble de l’Union » et à exprimer « la solidarité de la fonction publique européenne face aux mesures draconiennes prises par les États membres par suite de la crise financière sans précédent ».

165    Or, force est de constater que, dans la perspective de ces objectifs, le choix d’appliquer, pendant une année, le prélèvement de solidarité de façon concomitante à la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations en vue de poursuivre les objectifs rappelés ci-dessus n’apparaît pas manifestement disproportionné.

166    Ce constat ne saurait être remis en cause par les arguments avancés par la requérante.

167    Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’annexe XI du statut, telle que modifiée par le règlement no 1023/2013, contient des mécanismes suffisants pour tenir compte d’une évolution défavorable de la situation économique au sein de l’Union, il suffit de relever que cet argument se rapporte aux mécanismes d’ajustement de la méthode d’actualisation des rémunérations par rapport à l’évolution du niveau de rémunération des fonctions publiques des États membres.

168    Or, conformément à ce qui a été relevé au point 160 ci-dessus, il convient de rappeler que les arguments visant à contester la proportionnalité de la suspension de l’actualisation des rémunérations doivent être considérés comme inopérants.

169    Deuxièmement, s’agissant, de l’argument de la requérante selon lequel le caractère disproportionné de l’application du prélèvement de solidarité pendant la suspension de la méthode d’actualisation des rémunérations serait renforcé par d’autres mesures introduites par le règlement no 1023/2013, il suffit de relever que la requérante ne saurait contester la légalité de ces mesures dans le cadre de l’exception d’illégalité soulevée à l’appui du présent recours en faisant valoir, notamment, leur caractère disproportionné, dans la mesure où lesdites mesures ne présentent pas de lien avec la décision établissant la rémunération de la requérante pour le mois de janvier 2014 en tant qu’elle a fait application pour la première fois à son égard de l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013, objet du présent recours.

170    Il y a donc lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré que le législateur aurait excédé son large pouvoir d’appréciation en choisissant d’appliquer le prélèvement de solidarité pendant la suspension de la méthode d’actualisation des rémunérations.

171    Partant, il convient de rejeter le troisième moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité comme étant en partie inopérant et en partie non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime en ce que le législateur n’aurait pas prévu de mesures transitoires

172    La requérante fait valoir que le principe de protection de la confiance légitime vise à protéger les fonctionnaires en service contre des modifications apportées à des dispositions du statut qui ont revêtu un caractère fondamental dans leur décision de devenir fonctionnaires de l’Union, décision qui a impliqué, notamment, de quitter dans la plupart des cas, leur pays d’origine ainsi que leur système de sécurité sociale. Le principe de protection de la confiance légitime imposerait ainsi au législateur d’éviter de modifier brutalement la situation juridique et économique des fonctionnaires en service et de prévoir des mesures transitoires adéquates pour leur permettre de s’adapter à la situation nouvelle, mesures qui devraient avoir une durée suffisante et être progressives et appropriées, compte tenu des régimes juridiques en vigueur et des préoccupations légitimes des fonctionnaires. Selon la requérante, le législateur aurait en l’espèce violé ledit principe en ne prévoyant pas de mesures transitoires s’agissant de la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations ainsi que de l’application du prélèvement de solidarité pendant cette suspension. Le législateur aurait également violé le principe de protection de la confiance légitime en ne prévoyant pas de mesures transitoires s’agissant de la modulation du taux du prélèvement de solidarité passant de 6 % à 7 % à partir du grade AD 15, échelon 2.

173    Il convient de rappeler que, ainsi que cela a été exposé au point 135 ci-dessus, le législateur est libre d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications pour le futur qu’il estime conformes à l’intérêt général et d’adopter des dispositions statutaires plus défavorables pour les fonctionnaires concernés. Toutefois, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser qu’il ne peut le faire que sous réserve de prévoir, le cas échéant, une période transitoire d’une durée suffisante, sans que les fonctionnaires concernés puissent opposer à l’application de ces modifications le bénéfice d’une confiance légitime dans le maintien des dispositions antérieures (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F‑105/05, EU:F:2007:128, point 150 et jurisprudence citée).

174    Il convient également de rappeler que l’exigence d’une période transitoire ne se conçoit que pour autant qu’il existe des droits acquis dont peuvent se prévaloir les fonctionnaires et les agents de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, points 147 à 149, et du 19 juin 2007, Davis e.a./Conseil, F‑54/06, EU:F:2007:103, point 82).

175    À cet égard, force est de constater que la requérante ne saurait faire valoir que l’article 66 bis du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 46, du règlement no 1023/2013, aurait porté atteinte à ses droits acquis en ce que cette disposition prévoyait un taux majoré à 7 % pour les fonctionnaires de grade AD 15, échelon 2, et pour ceux des grades et échelons supérieurs.

176    En effet, il importe de souligner que la situation de la requérante n’était pas susceptible d’être affectée par cette disposition puisque, premièrement, ainsi qu’il ressort de l’article 66 bis du statut et de l’article 15 de l’annexe XI du statut, dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, l’application de la « méthode d’adaptation des rémunérations » et du « prélèvement spécial » prenait fin le 31 décembre 2012, de sorte que le « prélèvement spécial » n’était déjà plus applicable lorsque le prélèvement de solidarité est devenu applicable, à savoir le 1er janvier 2014 et, deuxièmement, il ressort du dossier que la requérante n’avait pas atteint le grade AD 15, échelon 2, à cette date.

177    Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à faire grief au législateur de ne pas avoir prévu de période transitoire pour l’application d’un taux majoré à 7 % pour les fonctionnaires de grade AD 15, échelon 2, et pour ceux des grades et échelons supérieurs.

178    De la même façon, la requérante ne pouvait pas se prévaloir d’un droit acquis à ce que le prélèvement de solidarité ne s’applique que lorsque la méthode d’actualisation des rémunérations était elle-même d’application. En effet, à supposer qu’un tel lien ait existé par le passé entre la « méthode d’adaptation des rémunérations » et le « prélèvement spécial », tels qu’ils sont prévus par l’article 66 bis du statut et l’article 15 de l’annexe XI du statut, dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, il convient de rappeler que leur application a pris fin le 31 décembre 2012, de sorte que le mécanisme dont se prévaut la requérante n’existait déjà plus lors de l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013. La requérante ne saurait donc faire valoir l’existence de droits acquis à cet égard.

179    Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à faire grief au législateur de ne pas avoir prévu de période transitoire pour l’application du prélèvement de solidarité pendant une période au cours de laquelle l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations était suspendue.

180    Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le législateur aurait dû prévoir une période transitoire pour l’application de l’article 65, paragraphe 4, du statut, prévoyant la suspension de l’application de la méthode d’actualisation des rémunérations en 2013 et 2014, force est de constater que, pour les raisons déjà exposées aux points 52 et 53 ci-dessus, un tel argument est inopérant en ce qu’il vise en réalité à mettre en cause la légalité de cette disposition.

181    Il s’ensuit que le sixième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté comme étant, pour partie, non fondé et, pour partie, inopérant.

182    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

183    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

184    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

185    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supporteront leurs propres dépens. Le Parlement supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Margarita Tàpias est condamnée aux dépens.








3)      Le Parlement européen supportera ses propres dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins



*      Langue de procédure : le français.