Language of document : ECLI:EU:T:2019:444

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

26 juin 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative HAWKERS – Marque de l’Union européenne figurative antérieure HAWKERS – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑651/18,

Sonu Gangaram Balani Balani, demeurant à Las Palmas de Gran Canaria (Espagne),

Anup Suresh Balani Shivdasani, demeurant à Las Palmas de Gran Canaria,

Amrit Suresh Balani Shivdasani, demeurant à Las Palmas de Gran Canaria,

représentés par Me A. Díaz Marrero, avocat,

parties requérantes,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Play Hawkers, SL, établie à Elche (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 2 août 2018 (affaire R 396/2018‑2), relative à une procédure d’opposition entre Play Hawkers et MM. Balani Balani, Balani Shivdasani et Balani Shivdasani,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 octobre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 20 février 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 août 2016, les requérants, MM. Sonu Gangaram Balani Balani, Anup Suresh Balani Shivdasani et Amrit Suresh Balani Shivdasani, ont présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Montres ; horloges de synchronisation ; montres de sport ; métaux précieux ; joaillerie ; strass ; joaillerie ; bijoux, y compris bijoux de fantaisie et bijoux en matières plastiques ; pierres précieuses ; articles d’horlogerie ; chronoscopes ; mouvements d’horlogerie ; boîtiers pour horloges et montres ; horlogerie ».

4        Le 10 octobre 2016, Play Hawkers, SL a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée notamment sur la marque de l’Union européenne figurative, déposée le 13 octobre 2015 et enregistrée le 5 février 2016 sous le numéro 14675169, désignant, notamment, les « lunettes, lunettes de soleil, lunettes pour activités sportives ; verres pour lunettes ; supports pour lunettes ; montures de lunettes ; étuis et boîtiers à lunettes ; chaînettes et cordonnets pour lunettes », relevant de la classe 9, reproduite ci-après :

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6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001]. La renommée de la marque antérieure a été revendiquée en Espagne pour les « lunettes, lunettes de soleil », relevant de la classe 9.

7        Par décision du 22 décembre 2017, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition pour les « montres ; horloges de synchronisation ; montres de sport ; joaillerie ; strass ; joaillerie ; bijoux, y compris bijoux de fantaisie et bijoux en matières plastiques ; articles d’horlogerie ; chronoscopes ; boîtiers pour horloges et montres », relevant de la classe 14, visés par la marque demandée, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

8        Le 20 février 2018, les requérants ont formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 68 du règlement 2017/1001, visant à l’annulation partielle de la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait accueilli l’opposition pour les « montres ; horloges de synchronisation ; montres de sport ; joaillerie ; strass ; articles d’horlogerie ; chronoscopes ; boîtiers pour horloges et montres ».

9        Par décision du 2 août 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. La chambre de recours a examiné l’opposition au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 en ce qu’elle était fondée sur la marque de l’Union européenne antérieure enregistrée sous le numéro 14675169, pour laquelle l’opposante revendiquait une renommée en Espagne pour les « lunettes, lunettes de soleil ». En premier lieu, la chambre de recours a approuvé la conclusion de la division d’opposition selon laquelle les preuves produites par l’opposante démontraient que la marque antérieure était renommée en Espagne pour désigner des « lunettes de soleil ». En deuxième lieu, la chambre de recours a constaté que les parties s’accordaient sur le fait que les marques en conflit étaient quasiment identiques. En troisième lieu, elle a considéré que les produits visés par les marques en conflit s’adressaient au grand public et qu’il existait une certaine proximité entre eux, notamment dans le domaine des accessoires de mode. Elle a donc estimé que, compte tenu de cette proximité entre les produits, de la quasi-identité des marques en conflit, du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure et de sa renommée sur le marché espagnol, il existait un lien entre les signes en conflit. En quatrième lieu, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque que les requérants puissent tirer profit du lien existant entre la marque demandée et la marque antérieure pour associer leur signe à la notoriété de la marque antérieure sur le marché espagnol et tirer ainsi indûment profit de la renommée de cette dernière.

 Conclusions des parties

10      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer que la marque demandée doit être enregistrée pour tous les produits pour lesquels l’opposition a été accueillie ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Ce moyen repose, en substance, sur deux griefs visant à contester, premièrement, l’appréciation de la chambre de recours relative à la renommée de la marque antérieure et, deuxièmement, l’appréciation de la chambre de recours relative à l’existence d’un risque de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure.

13      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2 du même article, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

14      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 que l’application de cette disposition est soumise aux conditions cumulatives tenant, premièrement, à l’identité ou à la similitude des marques en conflit, deuxièmement, à l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, à l’existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice (arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 54).

15      S’agissant plus particulièrement de la deuxième condition, relative à l’existence de la renommée d’une marque, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une marque jouit d’une renommée au sens du droit de l’Union lorsqu’elle est connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle, dans une partie substantielle du territoire pertinent (arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 55).

 Sur le premier grief, relatif à la renommée de la marque antérieure

16      Les requérants font valoir que l’opposante n’a pas établi que la marque antérieure était notoirement connue dans l’Union ou en Espagne.

17      Il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a approuvé la conclusion de la division d’opposition selon laquelle les preuves produites par l’opposante démontraient que la marque antérieure était renommée en Espagne pour désigner des « lunettes de soleil ».

18      Premièrement, les requérants contestent la constatation de la division d’opposition, approuvée par la chambre de recours, selon laquelle la marque antérieure a été utilisée pendant une longue période, depuis 2013. La demande d’enregistrement de la marque demandée ayant été déposée en 2016, une période de trois ans ne saurait être considérée comme une longue période.

19      À cet égard, il suffit de rappeler que la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande de marque contestée [voir arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 103 et jurisprudence citée].

20      Contrairement à ce que semblent soutenir les requérants, la durée de la période pendant laquelle la marque antérieure a pu jouir d’une renommée avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée n’est pas pertinente et il n’est pas exigé que la preuve de la renommée soit apportée sur une longue période.

21      Comme le souligne l’EUIPO, l’opposant doit seulement démontrer que la marque antérieure avait acquis une renommée à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, soit en l’espèce le 11 août 2016.

22      Deuxièmement, les requérants contestent que les chiffres de vente puissent établir la renommée d’une marque, dans la mesure où, pour apprécier le volume des ventes, il convient de le comparer au total des ventes sur le marché du produit en cause et de tenir compte de la part de marché.

23      L’existence de la renommée doit être appréciée en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir (arrêts du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, EU:C:1999:408, point 27, et du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 56).

24      Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [arrêts du 8 novembre 2017, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue), T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 101, et du 16 octobre 2018, ANOKHI, T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 95].

25      Il en ressort que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’opposante n’avait pas l’obligation d’apporter de preuve relative à la part de marché pour établir la preuve de la renommée de la marque antérieure.

26      Troisièmement, les requérants contestent la prise en compte de l’« effort commercial » pour établir la renommée d’une marque, étant donné qu’il s’agit uniquement d’un révélateur des intentions du titulaire d’une marque.

27      Cet argument doit être rejeté. En effet, il suffit de constater qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus que, parmi les facteurs devant être pris en compte pour apprécier l’existence de la renommée d’une marque, figure l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.

28      Quatrièmement, les requérants soutiennent que le parrainage d’évènements sportifs ou musicaux et la présence de la marque antérieure sur des réseaux sociaux, des blogs et des sites Internet n’établissent pas la renommée de cette marque.

29      Il convient de relever que, s’agissant de la preuve de la renommée, un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (voir arrêt du 8 novembre 2017, Représentation d’une ellipse discontinue, T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 103 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 octobre 2018, ANOKHI, T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 96).

30      Or, il ne ressort pas de la décision attaquée que la division d’opposition se serait appuyée uniquement sur des preuves relatives à des parrainages d’évènements ou à la présence de la marque sur Internet pour conclure que la renommée de la marque antérieure était établie.

31      Par ailleurs, il y a lieu de constater que les éléments de preuve relatifs au parrainage d’évènements sportifs ou musicaux font partie des investissements réalisés par l’entreprise pour promouvoir sa marque. Or, il y a lieu de rappeler que selon la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus, les efforts effectués pour la promotion de la marque constituent un des facteurs permettant d’établir la notoriété d’une marque.

32      Quant aux éléments de preuve visant à établir la présence de la marque antérieure sur Internet, il s’agit, comme le souligne l’EUIPO, d’un élément supplémentaire permettant d’établir la renommée de cette marque, l’énumération figurant au point 23 ci-dessus n’ayant qu’un caractère illustratif.

33      En effet, il ne saurait être exclu qu’une présence importante de la marque antérieure sur Internet, au regard du nombre d’abonnés aux comptes dédiés à cette marque sur les réseaux sociaux ou du nombre de visiteurs sur les blogs mentionnant cette marque, constitue un élément permettant d’établir la connaissance de la marque par le public concerné et donc sa renommée.

34      Cinquièmement, les requérants font valoir que, l’opposante n’ayant pas fourni de sondages d’opinion, d’analyses de marché ni d’enquêtes auprès des consommateurs, la renommée de la marque antérieure ne pouvait être considérée comme prouvée.

35      À cet égard, il suffit de constater, à l’instar de la chambre de recours, que ni le règlement 2017/1001, ni le règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), ne contiennent de disposition relative au type de preuve qui serait exigée pour prouver la renommée d’une marque. Les études de marché ou les sondages d’opinion ne sont qu’un moyen de preuve parmi d’autres permettant d’établir la renommée d’une marque.

36      Or, il y a lieu de relever que les requérants ne soulèvent aucun argument visant à contester que l’ensemble des preuves effectivement présentées par l’opposante lors de la procédure devant l’EUIPO constituait un faisceau d’éléments suffisant pour établir la renommée de la marque antérieure.

37      Il ressort de ce qui précède que les arguments soulevés par les requérants ne sont pas susceptibles de remettre en cause la constatation de la division d’opposition, approuvée par la chambre de recours, selon laquelle l’opposante avait établi la renommée de la marque antérieure pour les « lunettes de soleil » en Espagne.

38      Partant, le premier grief doit être rejeté.

 Sur le second grief, relatif au risque de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure

39      Les requérants contestent, en substance, la conclusion de la chambre de recours relative à l’existence d’un risque de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure. À cet égard, ils font valoir, d’une part, que le public pertinent des marques en conflit est différent et, d’autre part, que les produits visés par les marques en conflit sont différents.

40      Il ressort de la jurisprudence que la notion de profit que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure englobe les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes d’une marque célèbre ou une tentative de tirer profit de sa réputation. En d’autres termes, il s’agit du risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée [arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, point 40, et du 17 octobre 2018, Golden Balls/EUIPO – Les Éditions P. Amaury (GOLDEN BALLS), T‑8/17, non publié, EU:T:2018:692, point 106].

41      Ce type de risque doit être distingué du risque de confusion visé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans les cas visés par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, le public concerné effectue un rapprochement, c’est-à-dire établit un lien, entre les marques en conflit sans, toutefois, les confondre. Partant, l’existence d’un risque de confusion n’est pas une condition d’application de cette disposition (voir arrêt du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, point 41 et jurisprudence citée ; arrêt du 17 octobre 2018, GOLDEN BALLS, T‑8/17, non publié, EU:T:2018:692, point 107).

42      L’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services de la marque demandée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 13 décembre 2018, Monster Energy/EUIPO – Bösel (MONSTER DIP), T‑274/17, EU:T:2018:928, point 57 (non publié) et jurisprudence citée].

43      Il convient de rappeler que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas [voir arrêt du 29 novembre 2018, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Bee-Fee Group (LV POWER ENERGY DRINK), T‑372/17, non publié, EU:T:2018:851, point 105 et jurisprudence citée].

44      L’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public concerné doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi ces facteurs figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services couverts par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services, ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure et le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure. À défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, ou de leur porter préjudice (voir arrêt du 29 novembre 2018, LV POWER ENERGY DRINK, T‑372/17, non publié, EU:T:2018:851, point 106 et jurisprudence citée).

45      Il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il existait un lien entre les marques en conflit, prenant en compte une certaine proximité entre les produits en cause dans le domaine des accessoires de mode, la quasi-identité des marques en conflit, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure et sa renommée sur le territoire espagnol. Elle a estimé qu’il était fort probable que, face à la marque demandée apposée sur les produits visés par cette marque, le public pertinent associerait celle-ci à la marque antérieure renommée pour désigner des lunettes de soleil.

46      La chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque que les requérants puissent profiter du lien existant entre la marque demandée et la marque antérieure, toutes deux étant quasiment identiques, pour associer son signe à la notoriété de la marque antérieure sur le marché espagnol et tirer ainsi indûment profit de la renommée de cette dernière, en bénéficiant de l’image de jeunesse, de modernité et de rapport qualité-prix entourant ladite marque. Elle a estimé que, les requérants ayant choisi un signe quasiment identique au signe antérieur, le pouvoir d’attraction de la marque HAWKERS au sein du public pertinent aurait résulté, non pas des efforts de promotion déployés par les requérants, mais de la renommée de la marque antérieure déjà établie parmi ce public. Elle a ainsi relevé que l’obtention par les requérants d’un tel avantage pour la commercialisation aurait été injuste dans la mesure où il aurait résulté des efforts de commercialisation déployés par l’opposante pendant des années.

47      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les requérants ne contestent pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit sont quasiment identiques.

48      En premier lieu, les requérants font valoir que les produits, relevant de la classe 14, visés par la marque demandée sont généralement vendus dans des établissements spécifiques, à savoir des bijouteries ou des horlogeries, et ne sont pas destinés au grand public. Ils soutiennent que le public pertinent se distingue entre les personnes qui ont besoin de corriger leur vue ou de se protéger des rayons du soleil et celles qui se rendent dans une bijouterie pour acheter des bijoux ou une montre.

49      Cet argument ne saurait être retenu. D’une part, il y a lieu de considérer qu’il procède d’une compréhension erronée de la notion de « grand public », le fait que des produits soient vendus dans des magasins spécialisés n’excluant pas qu’ils s’adressent au grand public. D’autre part, il est en contradiction avec une autre affirmation dans la requête selon laquelle le public visé par les marques en conflit est différent dès lors que, « dans le cas de la marque demandée, il s’agit du grand public » et, dans le cas de la marque antérieure, d’un public qui a des besoins spécifiques relatifs à la santé et à la vue.

50      En outre, la distinction opérée par les requérants entre une personne qui achète des lunettes de soleil et une personne qui achète des bijoux ou des montres est purement fictive, ces produits étant susceptibles d’être acquis par le même consommateur.

51      La chambre de recours a donc considéré à juste titre que tant les « lunettes de soleil » couvertes par la marque antérieure que les produits visés par la marque demandée s’adressaient au grand public.

52      En second lieu, les requérants soutiennent que les produits visés par les marques en conflit sont différents. Ils font valoir qu’ils sont de nature différente, qu’ils ne sont pas destinés à satisfaire les mêmes besoins, qu’ils sont utilisés ou consommés de manière différente, qu’ils ne sont pas complémentaires ni concurrents, qu’ils utilisent des circuits de distribution et de vente différents et qu’ils ne s’adressent pas au même public. Ils ajoutent que ces différences entre les produits en cause rend impossible l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

53      Comme le relève l’EUIPO, cette argumentation des requérants semble relever d’une confusion avec les critères d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 visant à établir une similitude entre les produits en cause aux fins de la constatation d’un risque de confusion. Or, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus que l’existence d’un risque de confusion n’est pas une condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

54      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les produits visés par les marques en conflit ne partageaient pas suffisamment de critères de similitude pour entraîner un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

55      En outre, il convient de rappeler que, certes, la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés constituent des facteurs pertinents aux fins de déterminer si l’usage d’une marque tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée d’une autre marque [voir arrêt du 1er mars 2018, Shoe Branding Europe/EUIPO – adidas (Position de deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑629/16, EU:T:2018:108, point 47 et jurisprudence citée]. Toutefois, l’existence d’une similitude entre les produits et les services concernés par les marques en conflit ne constitue pas une condition d’application du motif relatif de refus prévu à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. En effet, selon ses termes, cette disposition s’applique « indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels [la marque] est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée » [arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 182].

56      Il convient donc de constater que les arguments des requérants visant à établir que les produits visés par les marques en conflit sont différents ne sont pas pertinents.

57      Par ailleurs, afin d’établir l’existence d’un lien entre les marques en conflit, la chambre de recours a estimé que, même si les produits visés par les marques en conflit étaient de nature différente, il s’agissait d’accessoires de mode qui pouvaient faire partie d’une même gamme de produits élaborés par des créateurs de mode et qu’il existait donc une certaine proximité entre ces produits.

58      Les requérants ne soulèvent aucun argument de nature à remettre en cause cette appréciation de la chambre de recours.

59      Il ressort de ce qui précède que les arguments des requérants ne sont pas susceptibles de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours relative à l’existence d’un risque de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure, l’existence d’un juste motif n’ayant par ailleurs pas été alléguée, ni devant la chambre de recours, ni devant le Tribunal.

60      Par conséquent, le second grief est rejeté et, partant, le moyen unique dans son ensemble.

61      Il en ressort que le recours est rejeté, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions des requérants.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MM. Sonu Gangaram Balani Balani, Anup Suresh Balani Shivdasani et Amrit Suresh Balani Shivdasani sont condamnés aux dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.