Language of document : ECLI:EU:F:2012:143

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

19 octobre 2012 (*)

« Fonction publique – Concours général – Mesures d’organisation de la procédure – Article 44, paragraphe 2, du règlement de procédure »

Dans l’affaire F‑127/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Gonzalo De Mendoza Asensi, agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Strassen (Luxembourg), représenté par Mes P. Nelissen Grade et G. Leblanc, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. K. Bradley, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        M. De Mendoza Asensi s’est porté candidat au concours EPSO/AD/177/10, domaine « Droit ». Après avoir réussi les tests d’accès sur ordinateur, il a participé aux épreuves organisées par le centre d’évaluation de Bruxelles (Belgique) le 29 septembre 2010, lesquelles comprenaient notamment une étude de cas dans le domaine choisi.

2        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 29 novembre 2011, le requérant a demandé, à titre principal, l’annulation de la décision du jury de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve du concours général EPSO/AD/177/10.

3        La requête a été signifiée à la Commission européenne, laquelle a transmis son mémoire en défense le 2 mars 2012. À l’appui de son recours, le requérant fait notamment valoir et en substance que, pour garantir aux candidats une égalité de traitement, l’épreuve de l’étude de cas de tous les candidats aurait dû être organisée le même jour. En effet, dans le cas contraire, les candidats interrogés en dernier auraient eu la possibilité de s’informer auprès des autres candidats du sujet ayant été donné et de se préparer en conséquence.

4        Le mémoire en défense a été notifié au requérant et les deux parties ont été informées de ce qu’un deuxième échange de mémoires n’apparaissait pas nécessaire et de la clôture de la procédure écrite. Dans ses écrits, la Commission indiquait, s’agissant du respect d’une égalité de traitement entre les candidats lors de l’épreuve de l’étude de cas, que, afin de veiller à ce qu’aucun candidat ne soit avantagé alors que tous n’ont pas passé l’épreuve le même jour, le jury a eu recours à des variantes d’un même sujet qui, tout en comportant un même niveau de difficulté, présentaient des différences suffisamment importantes pour qu’un candidat qui s’était préparé sur base d’une variante ne puisse pas être avantagé.

5        Par lettre du greffe du 29 juin 2012, la Commission a été invitée à donner suite à plusieurs mesures d’organisation de la procédure, décidées par le juge rapporteur en application de l’article 56 du règlement de procédure, parmi lesquelles figurait une demande visant à ce que la Commission lui fournisse la variante du sujet utilisée lors de l’étude de cas du requérant et au moins deux autres variantes utilisées lors du concours EPSO/AD/177/10, domaine « Droit ».

6        Par courrier du 10 août 2012, la Commission a déféré aux différentes mesures d’organisation de la procédure, à l’exception de la demande tendant à ce que soit communiquée au Tribunal la variante du sujet utilisée lors de l’étude de cas du requérant et au moins deux autres variantes utilisées lors du concours EPSO/AD/177/10, domaine « Droit ». En effet, s’agissant de cette dernière demande, la Commission a fait valoir qu’afin de préserver le secret entourant la méthodologie utilisée pour construire les variantes et ainsi éviter que les candidats ne puissent prédire à partir de n’importe quelle variante le contenu des autres variantes utilisées, les variantes du sujet utilisées lors de l’étude de cas du concours EPSO/AD/177/10, domaine « Droit », devaient être considérées comme confidentielles. En outre, selon la Commission, dans la présente affaire, il ne serait pas nécessaire que les variantes utilisées soient versées au dossier, car elle aurait fourni d’autres documents qui permettraient d’établir que les variantes utilisées lors de l’épreuve de l’étude de cas du concours EPSO/AD/177/10, domaine « Droit », avaient permis de garantir une égalité de traitement entre les candidats. La Commission ajoute que, dans l’hypothèse où le Tribunal maintiendrait sa demande, elle demande que, par application de l’article 44 du règlement de procédure, le Tribunal statue par voie d’ordonnance et qu’à cette occasion il précise les conditions dans lesquelles les variantes seront versées au dossier et communiquées à la partie requérante. Selon la Commission, ces conditions devraient être les suivantes :

–        « [u]n seul exemplaire de[s] pièces demandées est envoyé au Tribunal par enveloppe [scellée et a]ucune copie de ces documents ne sera faite [;]

[–      l]e Tribunal invite le conseil du requérant à venir inspecter les pièces en annexe dans les locaux du [g]reffe, sur rendez-vous, et dans des conditions garantissant la confidentialité des pièces, qui devraient comporter l’interdiction d’en faire des copies accompagné[e] par des mesures de contrôle ([par exemple] présence d’un membre du greffe lors de la consultation d[es] document[s]) [;]

[–      l]e Tribunal retournera les pièces à la Commission au plus tard le jour du prononcé de l’arrêt [;]

[–      l]es détails de la méthodologie pour construire les variantes ne seront pas divulgués dans le jugement. »

7        À cet égard, le Tribunal rappelle que l’appréciation de l’opportunité d’adopter des mesures d’organisation de la procédure relève du juge et non des parties.

8        En tout état de cause, le Tribunal relève, en premier lieu, que la présente affaire est l’une des premières dont il est saisi à l’occasion de laquelle le requérant met en cause la possibilité pour l’administration d’avoir recours à plusieurs variantes d’un même sujet afin de contrebalancer le fait que les candidats ne passent pas tous le même jour l’étude de cas.

9        En deuxième lieu, le Tribunal constate que le sujet d’une épreuve d’un concours général et, par voie de conséquence, ses variantes ne sont pas couverts par le secret des travaux du jury, puisque la communication de ceux-ci ne sont pas susceptibles de trahir les attitudes individuelles prises par les membres du jury ou les appréciations émises, à caractère personnel ou comparatif, concernant les candidats, et que le juge de l’Union a déjà obtenu la communication du sujet d’une épreuve d’un concours général, comme cela découle par exemple et implicitement des arrêts du Tribunal de première instance du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission (T‑159/98, point 51), et du 12 mars 2008, Giannini/Commission (T‑100/04, points 140 à 142).

10      En troisième lieu, le Tribunal estime que l’état actuel du dossier ne lui permet pas de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de la décision attaquée et notamment sur le point de savoir si le fait d’avoir recours à différentes variantes d’un même sujet permet d’empêcher, lorsque l’épreuve d’étude de cas de tous les candidats n’a pas lieu le même jour, que les candidats évalués en dernier aient la possibilité de prendre connaissance des variantes du sujet sur lesquels certains candidats ont déjà été interrogés et, par suite, de mieux se préparer à l’épreuve. En effet, pour apprécier si, effectivement, des variantes utilisées comportent des différences suffisamment importantes pour qu’un candidat qui s’est préparé sur base d’une autre variante ne puisse pas être avantagé, il y a lieu d’examiner plusieurs des variantes utilisées.

11      Certes, le Tribunal constate que figurent au dossier plusieurs tableaux à partir desquels il est possible de prendre connaissance des notes données aux candidats ayant été interrogés sur une même variante et ce selon la date à laquelle ils ont été interrogés, mais, eu égard au nombre de candidats interrogés sur un même sujet, lequel est inférieur à dix, ces tableaux ne peuvent être considérés comme entièrement probants.

12      Par conséquent, le Tribunal décide que la Commission doit lui fournir la variante du sujet utilisée lors de l’étude de cas du requérant ainsi que deux autres variantes utilisées lors du concours EPSO/AD/177/10, domaine « Droit », à savoir celle pour laquelle la note moyenne attribuée aux candidats lors du concours EPSO/AD/177/10, domaine « Droit », a été la plus élevée et celle pour laquelle la note moyenne attribuée aux candidats a été la plus basse.

13      Le Tribunal rappelle qu’une telle production de documents et d’informations entraîne en principe leur communication au requérant, conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure. Toutefois, le Tribunal estime nécessaire, dans les circonstances de l’espèce, de soumettre la communication au requérant des pièces qui seront ainsi fournies aux conditions suivantes :

–        les pièces ne seront pas envoyées au conseil du requérant, mais celui-ci pourra venir les consulter dans les locaux du greffe, en présence d’un agent dudit greffe ;

–        aucune copie des documents ne pourra être faite par le conseil du requérant ;

–        les pièces seront retournées à la Commission dès qu’aura été prononcé par le Tribunal un arrêt ou une ordonnance mettant fin au litige.

–        le représentant de la partie requérante devra s’engager, par écrit, à ne pas divulguer à des tiers le contenu des pièces fournies à la Commission, et notamment, à ne pas transmettre ses observations sur lesdites pièces à son client ou à des tiers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

1)      Ordonne à la Commission européenne de transmettre au Tribunal la variante du sujet utilisée lors de l’épreuve de l’étude de cas passée par le requérant ainsi que deux autres variantes utilisées lors du concours EPSO/AD/177/10, domaine « Droit », à savoir celle pour laquelle la note moyenne attribuée aux candidats a été la plus élevée et celle pour laquelle la note moyenne attribuée aux candidats a été la plus basse.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 19 octobre 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure : le français.