Language of document : ECLI:EU:C:2015:293

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 30 avril 2015 (1)

Affaire C‑105/14

Ivo Taricco e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Cuneo (Italie)]

«Protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée – Obligation des États membres d’appliquer des sanctions effectives, proportionnelles et dissuasives – Sanctions pénales – Prescription des poursuites – Limitation légale de la durée totale de la prescription en cas d’interruption – Régime national de prescription pouvant aboutir à l’impunité dans de nombreux cas – Principe de légalité des délits et des peines – Principe de non‑rétroactivité – Article 325 TFUE – Directive 2006/112/CE – Règlement (CE, Euratom) no 2988/95 – Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (‘règlement PIF’)»





I –    Introduction

1.        Le droit de l’Union impose‑t‑il aux juridictions des États membres de laisser inappliquées certaines dispositions de leur droit national relatives à la prescription des infractions pour garantir une répression effective des délits fiscaux? C’est en substance la question dont la Cour a été saisie dans la présente affaire au moyen de la demande de décision préjudicielle présentée par une juridiction pénale italienne.

2.        Cette question se pose dans le contexte d’une fraude fiscale en bande organisée découverte en Italie dans le commerce du champagne. Il est reproché à Yvo Taricco, ainsi qu’à plusieurs autres inculpés (ci‑après les «inculpés»), d’avoir présenté, dans le cadre d’une association de malfaiteurs, des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après la «TVA») frauduleuses en utilisant des factures pour des opérations inexistantes. Leurs agissements s’apparentaient apparemment à une fraude de type «carrousel».

3.        Selon toute vraisemblance, les infractions prétendument commises dans ce contexte seront prescrites avant le prononcé d’un jugement pénal définitif. D’après les indications fournies par la juridiction de renvoi, cela tient non pas uniquement aux circonstances de cette affaire, mais à un problème structurel propre au droit italien, lequel prévoit plusieurs possibilités d’interruption de la prescription des poursuites, mais pas sa suspension pendant une procédure pénale en cours. En outre, est applicable un délai de prescription absolu qui, en raison d’une disposition légale de 2005, n’est plus prolongé en cas d’interruption que d’un quart par rapport au délai initial et non plus – comme avant – de la moitié. Il semblerait que ce soit le délai de prescription absolu en particulier qui aboutisse, dans de nombreux cas, à une impunité des coupables.

4.        Étant donné que la présente espèce concerne la TVA, dont une partie relève des ressources propres de l’Union européenne (2), cette affaire est l’occasion de clarifier quelques questions de principe relatives à la protection des intérêts financiers de l’Union. À cet égard, les droits des inculpés dans la procédure pénale doivent être dûment pris en compte. De ce point de vue, la présente affaire peut vaguement rappeler la célèbre affaire Berlusconi e.a. (3). Toutefois, un examen approfondi montre que les questions juridiques soulevées dans la présente affaire se distinguent de celles dont la Cour avait été saisie à l’époque.

II – Cadre juridique

A –    Droit de l’Union

5.        La présente affaire doit être examinée, en substance, au regard de différentes dispositions relatives à la protection financière des intérêts de l’Union (anciennement Communautés européennes). Il convient de souligner les articles 4, paragraphe 3, TUE et 325 TFUE, le règlement (CE, Euratom) no 2988/95 (4) et la convention dite PIF (5). En outre, il convient de renvoyer à la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (6).

6.        Par ailleurs, la Cour est également consultée sur l’interprétation des articles 101 TFUE, 107 TFUE et 119 TFUE que nous renonçons cependant à reproduire textuellement ci‑dessous.

1.      Dispositions du traité FUE

7.        L’article 325 TFUE énonce ce qui suit:

«1.      L’Union et les États membres combattent la fraude et tout autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures prises conformément au présent article qui sont dissuasives et offrent une protection effective dans les États membres, ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l’Union.

2.      Les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers.

[…]»

2.      Le règlement no 2988/95

8.        Le règlement no 2988/95 instaure une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit de l’Union (anciennement droit communautaire). Son article 1er, paragraphe 2, définit l’élément constitutif de l’irrégularité:

«Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles‑ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue.»

9.        L’article 3 du règlement no 2988/95 régit la prescription des poursuites:

«1.      Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l’irrégularité visée à l’article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans.

Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l’irrégularité a pris fin. […]

La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l’autorité compétente et visant à l’instruction ou à la poursuite de l’irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif.

Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l’autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans les cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l’article 6 paragraphe 1.

[…]

3.      Les États membres conservent la possibilité d’appliquer un délai plus long […].»

10.      L’article 6, paragraphe 1, du règlement no 2988/95 contient des dispositions relatives à la procédure administrative en cas de procédure pénale concomitante portant sur les mêmes faits:

«Sans préjudice des mesures et sanctions administratives communautaires arrêtées sur la base des règlements sectoriels existant au moment de l’entrée en vigueur du présent règlement, l’imposition des sanctions pécuniaires, telles que les amendes administratives, peut être suspendue par décision de l’autorité compétente si une procédure pénale a été ouverte contre la personne en cause et porte sur les mêmes faits. La suspension de la procédure administrative suspend le délai de prescription prévu à l’article 3.

[…]»

3.      La convention PIF

11.      En outre, la convention PIF, signée à Luxembourg le 26 juillet 1995, qui a été conclue par les quinze États membres de l’Union de l’époque sur la base de l’article K.3, paragraphe 2, sous c), TUE (7), et qui est entrée en vigueur le 17 octobre 2002 (8), comporte toute une série de dispositions communes sur la protection pénale des intérêts financiers de l’Union.

12.      Sous l’intitulé «Dispositions générales», l’article 1er de la convention PIF définit l’élément constitutif d’une fraude et oblige les États membres à ériger les comportements qu’elle vise en infractions pénales:

«1.      Aux fins de la présente convention, est constitutif d’une fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes:

[…]

b)      en matière de recettes, tout acte ou omission intentionnel relatif:

–        à l’utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet la diminution illégale de ressources du budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes ou pour leur compte,

–        à la non‑communication d’une information en violation d’une obligation spécifique, ayant le même effet,

–        au détournement d’un avantage légalement obtenu, ayant le même effet.

2.      Sous réserve de l’article 2 paragraphe 2, chaque État membre prend les mesures nécessaires et appropriées pour transposer en droit pénal interne les dispositions du paragraphe 1 de telle sorte que les comportements qu’elles visent soient érigés en infractions pénales.

3.      Sous réserve de l’article 2 paragraphe 2, chaque État membre prend également les mesures nécessaires pour assurer que l’établissement ou la fourniture intentionnel de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets ayant l’effet mentionné au paragraphe 1 sont érigés en infractions pénales s’ils ne sont pas déjà punissables soit comme infraction principale, soit à titre de complicité, d’instigation ou de tentative de fraude telle que définie au paragraphe 1.

[…]»

13.      L’article 2 de la convention PIF met à la charge des États membres l’obligation suivante concernant l’introduction de sanctions:

«1.      Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les comportements visés à l’article 1er, ainsi que la complicité, l’instigation ou la tentative relatives aux comportements visés à l’article 1er paragraphe 1, sont passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, incluant, au moins dans les cas de fraude grave, des peines privatives de liberté pouvant entraîner l’extradition, étant entendu que doit être considérée comme fraude grave toute fraude portant sur un montant minimal à fixer dans chaque État membre. Ce montant minimal ne peut pas être fixé à plus de 50 000 écus.

2.      Toutefois, un État membre peut prévoir, pour les cas de fraude mineure portant sur un montant total inférieur à 4 000 écus et ne présentant pas de circonstances particulières de gravité selon sa législation, des sanctions d’une autre nature que celles prévues au paragraphe 1.

[…]»

4.      La directive TVA

14.      Dans le titre IX de la directive TVA, intitulé «Exonérations», l’article 131, qui relève des «Dispositions générales» du chapitre 1, prévoit ce qui suit:

«Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels.»

15.      L’article 138, paragraphe 1, qui fait partie des dispositions relatives aux «Exonérations liées aux opérations intracommunautaires» figurant dans le titre IX, chapitre 4, de la directive TVA, énonce ce qui suit concernant les exonérations des livraisons de biens:

«Les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de leur territoire respectif mais dans la Communauté par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens.»

16.      En outre, les dispositions relatives aux «Exonérations des opérations liées au trafic international de biens» figurant dans le titre IX, chapitre 10, de la directive TVA comportent un article 158 dans la section 1 relative aux «Entrepôts douaniers, entrepôts autres que douaniers et régimes similaires», lequel est, par extraits, libellé comme suit:

«1.      Par dérogation à l’article 157, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir un régime d’entrepôt autre que douanier dans les cas suivants:

a)      lorsque les biens sont destinés à des comptoirs de ventes hors taxes, pour les besoins des livraisons de biens à emporter dans les bagages personnels d’un voyageur se rendant dans un territoire tiers ou un pays tiers, par un vol ou par une traversée maritime, et qui sont exonérées conformément à l’article 146, paragraphe 1, point b);

b)      lorsque les biens sont destinés à des assujettis pour les besoins de livraisons qu’ils effectuent pour des voyageurs à bord d’un avion ou à bord d’un bateau, au cours d’un vol ou d’une traversée maritime dont le lieu d’arrivée est situé en dehors de la Communauté;

c)      lorsque les biens sont destinés à des assujettis pour les besoins de livraisons qu’ils effectuent en exonération de la TVA conformément à l’article 151.

2.      Lorsqu’ils font usage de la faculté de l’exonération prévue au paragraphe 1, point a), les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer l’application correcte et simple de cette exonération et prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels.

[…]»

B –    Le droit italien

17.      L’article 157 du codice penale (9) dans la version de la loi no 251 du 5 décembre 2005 (10) (ci‑après la «loi no 251/2005») prévoit, sous l’intitulé «Prescription. Délai de prescription», ce qui suit:

«Le délit est prescrit à l’expiration du délai correspondant au maximum de la peine prévue par la loi et, quoi qu’il en soit, d’une période qui ne peut être inférieure à six ans s’il s’agit d’un délit et de quatre ans s’il s’agit d’une contravention, même si celles‑ci ne sont punies que d’une amende.

Afin de déterminer le délai de prescription, la peine prévue par la loi pour l’infraction commise ou la tentative d’infraction est prise en considération, sans tenir compte de la réduction de la peine pour circonstances atténuantes et de l’augmentation de celle‑ci pour circonstances aggravantes, hormis les circonstances aggravantes pour lesquelles la loi prévoit une peine d’un type différent de la peine ordinaire […]

[…]»

18.      L’article 158 du codice penale régit le point de départ du délai de prescription:

«Pour l’infraction commise, le délai de prescription court à compter du jour de la commission; pour la tentative d’infraction, à compter du jour de la cessation de l’activité de l’auteur; pour l’infraction permanente, à compter du jour où l’infraction cesse d’être permanente.

[…]»

19.      L’article 159 du codice penale détermine les cas dans lesquels la prescription est suspendue. Parmi ceux‑ci figurent les cas dans lesquels l’affaire est transférée à une autre juridiction ou lorsque l’avocat ou l’inculpé a un empêchement. «La prescription recommence à courir à compter du jour où la cause de suspension a cessé.»

20.      Concernant l’interruption de la prescription, l’article 160 du codice penale énonce la règle suivante:

«La prescription est interrompue par le jugement ou l’ordonnance de condamnation.

Les ordonnances portant application de mesures provisoires personnelles ou confirmant la garde à vue ou l’arrestation, l’interrogatoire devant le ministère public ou devant le juge, la convocation à se présenter au ministère public afin d’être interrogé, la mesure par laquelle le juge fixe une audience en chambre du conseil pour statuer sur la demande de classement sans suite, la demande de renvoi en jugement, l’ordonnance de fixation de l’audience préliminaire […] interrompent également la prescription.

Lorsqu’elle a été interrompue, la prescription recommence à courir à compter du jour de l’interruption. Lorsqu’il y a eu plusieurs actes interruptifs, le délai de prescription reprend à compter du dernier de ceux‑ci; toutefois, en aucun cas les délais fixés à l’article 157 ne peuvent être prolongés au‑delà des délais visés à l’article 161, deuxième alinéa […]»

21.      Avant la nouvelle version des dispositions relatives à la prescription introduite par la loi no 251/2005, une prolongation du délai de prescription ne pouvant excéder la moitié de sa durée était prévue en cas d’interruption.

22.      Les effets de la suspension et de l’interruption de la prescription sont fixés à l’article 161 du codice penale comme suit:

«La suspension et l’interruption de la prescription produisent des effets à l’égard de tous ceux qui ont commis l’infraction.

Sauf dans le cas de la poursuite d’infractions visées à l’article 51, paragraphes 3 bis et 3 quater, du code de procédure pénale, l’interruption de la prescription ne peut en aucun cas conduire à augmenter le délai de prescription de plus du quart de sa durée maximale prévue, de plus de la moitié dans les cas visés à l’article 99, deuxième alinéa, de plus des deux tiers dans le cas visé à l’article 99, quatrième alinéa, ou à le porter à plus du double dans les cas visés aux articles 102, 103 et 105.»

23.      L’article 416 du codice penale punit d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept ans les instigateurs d’une association ayant pour but de commettre des infractions. Les simples participants à cette association sont punis d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans.

24.      La présentation d’une déclaration frauduleuse de TVA par l’utilisation de factures ou d’autres documents pour des opérations inexistantes (fausses factures) est punie d’une peine comprise entre un an et demi et six ans d’emprisonnement conformément à l’article 2 du Decreto legislativo (11) no 74 du président de la République du 10 mars 2000 (ci‑après le «décret législatif no 74/2000») (12). Aux termes de l’article 8 du décret législatif no 74/2000, quiconque émet des fausses factures afin de permettre à des tiers d’échapper à la TVA encourt la même peine.

III – Les faits et la procédure au principal

25.      Il est reproché aux inculpés d’avoir formé une association criminelle ou d’y avoir participé au cours de la période comprise entre les années 2005 et 2009. Cette association criminelle aurait eu pour objet de commettre le délit d’émission de fausses factures ainsi que le délit de déclaration de TVA frauduleuse par l’utilisation de fausses factures.

26.      L’objet des fausses factures, dont le montant total s’élevait à plusieurs millions d’euros, était des transactions portant sur du champagne. Sur la base d’accords conclus entre les inculpés, des ventes nationales de champagne auraient été déguisées en livraisons intracommunautaires grâce à l’intervention de plusieurs entreprises, pour lesquelles certains des inculpés agissaient en tant que représentants légaux.

27.      La société Planet srl (ci‑après «Planet») était au cœur de ces opérations. Elle recevait, en toute connaissance de cause, des fausses factures émises par quelques autres entreprises – appelées «missing traders» (13) – qui intervenaient, pour leur part, en tant qu’importateurs de champagne. Planet enregistrait ces factures dans sa comptabilité, en déduisant à chaque fois la TVA en amont, puis présentait ensuite des déclarations annuelles de TVA inexactes. Planet pouvait ainsi obtenir du champagne à un prix bien inférieur au prix du marché et, en définitive, fausser la concurrence. De leur côté, certains «missing traders» n’ont présenté aucune déclaration annuelle de TVA, tandis que d’autres ont présenté ces déclarations sans toutefois s’acquitter du montant de TVA correspondant.

28.      Après la clôture des enquêtes, un réquisitoire introductif d’instance a été présenté contre les inculpés. La demande d’ouverture de la procédure principale a d’abord été présentée devant le Tribunale di Mondovi. Après une série de demandes que les avocats des inculpés ont présentées dans le cadre de l’audience préliminaire (14) et qui ont ramené l’affaire au stade des enquêtes préliminaires, la procédure pénale est revenue au stade de l’audience préliminaire devant le Tribunale di Cuneo désormais, la juridiction de renvoi (15). À ce stade de la procédure, le juge de l’audience préliminaire (16) doit décider si les résultats de l’enquête justifient l’ouverture de la procédure principale à l’encontre des inculpés et la détermination d’une date pour la tenue d’une audience.

29.      D’après les indications fournies par la juridiction de renvoi, toutes les infractions fiscales qui sont reprochées aux inculpés seront prescrites au plus tard le 8 février 2018, conformément aux dispositions relatives à la prescription des poursuites applicables en Italie – même en tenant compte de la prolongation légale du délai de prescription résultant de diverses mesures ayant entraîné une interruption de la prescription. La prescription est même déjà acquise à l’égard de l’un des inculpés, M. Anakiev, depuis le 11 mai 2013.

30.      Comme le souligne la juridiction de renvoi, il est «assez probable» que la prescription des poursuites soit acquise à l’égard de tous les inculpés avant qu’un jugement définitif ne soit rendu. Cette juridiction fait observer que cela n’est pas une particularité de la présente espèce mais concerne un grand nombre de procédures pénales qui sont menées en Italie, surtout en matière de délinquance économique, qui requièrent souvent, par nature, des enquêtes particulièrement étendues et qui se caractérisent par une grande complexité.

31.      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se déclare préoccupée à l’idée que l’institution de la prescription des poursuites en Italie – contrairement à sa finalité propre – devienne en réalité une «garantie d’immunité» offerte aux criminels économiques, et que l’Italie néglige finalement ses obligations relevant du droit de l’Union. Cette situation est essentiellement due à la loi no 251/2005, qui limite désormais la prolongation des délais de prescription, en cas d’interruption, à un quart de leur durée, alors qu’auparavant ces délais pouvaient être prolongés de la moitié de leur durée.

IV – Questions préjudicielles et procédure devant la Cour

32.      Par décision du 17 janvier 2014, parvenue le 5 mars 2014, le Tribunale di Cuneo a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La modification de l’article 160, dernier alinéa, du code pénal italien par la loi no 251 de 2005 – en ce qu’une prolongation du délai de prescription est prévue, à la suite d’une interruption, de seulement un quart de sa durée, en permettant donc la prescription des infractions, et donc leur impunité, malgré l’exercice des poursuites pénales en temps utile – donne‑t‑elle lieu à une violation de la disposition relative à la protection de la concurrence qu’est l’article 101 TFUE?

2)      Par la modification de l’article 160, dernier alinéa, du code pénal italien par la loi no 251 de 2005 – en ce qu’une prolongation du délai de prescription est prévue, à la suite d’une interruption, de seulement un quart de sa durée, en privant donc de conséquences pénales les infractions commises par des opérateurs économiques sans scrupules – l’État italien a‑t‑il introduit une forme d’aide d’État prohibée par l’article 107 TFUE?

3)      Par la modification de l’article 160, dernier alinéa, du code pénal italien par la loi no 251 de 2005 – en ce qu’une prolongation du délai de prescription est prévue, à la suite d’une interruption, de seulement un quart de sa durée, en donnant donc une possibilité d’impunité à ceux qui instrumentalisent la directive communautaire – l’État italien a‑t‑il indûment ajouté une hypothèse d’exonération supplémentaire à celles limitativement prévues par l’article 158 de la directive 2006/12/CE du Conseil?

4)      La modification de l’article 160, dernier alinéa, du code pénal italien par la loi no 251 de 2005 – en ce qu’une prolongation du délai de prescription est prévue, à la suite d’une interruption, de seulement un quart de sa durée, en renonçant donc à punir des comportements qui privent l’État des ressources nécessaires, y compris pour faire face à ses obligations envers l’Union européenne – donne‑t‑elle lieu à une violation du principe des finances saines consacré à l’article 119 TFUE?»

33.      Parmi les inculpés dans le litige au principal, seul M. Anakiev a participé, en présentant un mémoire, à la procédure préjudicielle. En outre, les gouvernements italien, allemand et polonais, ainsi que la Commission européenne, ont participé à la procédure écrite. À l’exception de M. Anakiev et du gouvernement polonais, ces mêmes participants étaient également représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 3 mars 2015.

V –    Remarques liminaires d’ordre procédural

34.      Avant de nous consacrer à l’analyse de fond des questions préjudicielles, quelques remarques liminaires d’ordre procédural s’imposent au vu des doutes émis par de nombreuses parties à la procédure, qui concernent, d’une part, la compétence de la Cour pour répondre aux questions préjudicielles (voir ci‑après, sous A) et, d’autre part, la recevabilité de ces questions (voir ci‑après, sous B).

A –    Compétence de la Cour pour répondre aux questions préjudicielles

35.      Conformément à l’article 267 TFUE, la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation des traités ainsi que des actes pris par les institutions, organes et organismes de l’Union, c’est‑à‑dire que ses pouvoirs s’étendent, en principe, à l’interprétation de l’ensemble du droit de l’Union (17).

36.      Le fait que la procédure au principal porte sur des infractions fiscales de droit national ne s’oppose pas, en l’espèce, à cette compétence. En effet, si la législation pénale et la procédure pénale relèvent encore largement de la compétence des États membres, les autorités nationales doivent toutefois exercer leurs pouvoirs respectifs dans le respect des prescriptions du droit de l’Union (18). De surcroît, s’agissant spécifiquement des procédures pénales en matière de TVA, la Cour n’a précisé que récemment que ces procédures relevaient du champ d’application du droit de l’Union (19).

37.      Dans ce contexte, la Cour est compétente pour statuer sur l’interprétation de l’ensemble du droit de l’Union, y compris la convention PIF, pour autant que cela soit pertinent pour la résolution de la présente affaire. Si cette convention a été conclue en 1995, toujours dans le cadre de l’ancien «troisième pilier» de l’Union, sur la base du traité UE dans sa version initiale (20), l’article 9 du protocole sur les dispositions transitoires (21) prévoit toutefois que ladite convention reste également applicable après la suppression de la structure en piliers de l’Union avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Elle fait donc toujours partie intégrante du droit de l’Union.

38.      Depuis le 1er décembre 2014, il n’existe d’ailleurs plus de restrictions en ce qui concerne la compétence préjudicielle de la Cour dans le domaine de l’ancien troisième pilier de l’Union (voir article 10, paragraphes 1 et 3, du protocole sur les dispositions transitoires). Il en va de même concernant les renvois préjudiciels tels que celui‑ci, qui ont été introduits avant le 1er décembre 2014 (22).

39.      Indépendamment de cela, la Cour était de toute façon déjà compétente avant le 1er décembre 2014 pour les renvois préjudiciels de toutes les juridictions italiennes qui concernaient l’interprétation de la convention PIF. En effet, la République italienne avait déjà reconnu dès le départ, sur un autre fondement, la compétence de la Cour pour statuer sur de tels renvois, à savoir, d’une part, un protocole additionnel à la convention PIF (23) et, d’autre part, l’article 35, paragraphes 2 et 3, sous b), TUE (24), étant précisé qu’elle a toujours accordé à toutes les juridictions nationales le droit de poser une question préjudicielle (25).

40.      Dans ces conditions, la compétence de la Cour pour débattre de l’ensemble des problèmes juridiques soulevés par la présente demande préjudicielle ne fait aucun doute.

B –    Recevabilité des questions préjudicielles

41.      Plusieurs parties à la procédure émettent en outre des objections à l’encontre de la recevabilité des questions posées à la Cour (article 267 TFUE, article 94 du règlement de procédure de la Cour de justice). Elles doutent, en substance, de la pertinence de ces questions au regard de la résolution du litige au principal.

42.      À cet égard, il convient de noter que, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge de renvoi d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Par conséquent, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Si une juridiction nationale pose à la Cour des questions portant sur le droit de l’Union, sa demande de décision préjudicielle bénéficie alors aussi d’une présomption de pertinence (26).

43.      Par conséquent, le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (27).

44.      Il n’y a rien à craindre de tel en l’espèce.

45.      Les indications contenues dans la décision de renvoi sur les faits au principal, sur la législation nationale applicable et sur la nécessité d’une décision préjudicielle sont suffisantes pour permettre à la Cour ainsi qu’aux parties, au sens de l’article 23 du statut de la Cour, d’émettre un avis éclairé sur les questions posées.

46.      En effet, les explications de la juridiction de renvoi mettent en évidence l’objet de la procédure au principal et ce qui est en jeu: plusieurs personnes sont inculpées dans le cadre d’une procédure pénale italienne, et la juridiction de renvoi craint qu’elles n’échappent – comme beaucoup d’autres délinquants présumés en situation comparable – à la peine qu’elles encourent légalement, car les dispositions nationales sur la prescription des poursuites prévoient des délais de prescription trop courts, en particulier une prolongation trop limitée de ces délais en cas d’interruption, de sorte qu’une condamnation définitive des inculpés avant que la prescription ne soit acquise semble illusoire.

47.      Il est également impossible d’affirmer que les questions posées à la Cour sont de nature hypothétique ou qu’elles n’ont manifestement aucun rapport avec la réalité du litige au principal. En effet, aux termes de la décision de renvoi, c’est essentiellement de la réponse de la Cour que dépendra le point de savoir si les dispositions nationales en matière de prescription peuvent s’appliquer à la procédure au principal et si une clôture définitive de la procédure au principal est envisageable de manière réaliste avant l’intervention de la prescription.

48.      Contrairement à ce que pense le gouvernement italien, rien n’empêche en outre la juridiction de renvoi de faire des défaillances systémiques du droit pénal italien qu’elle a constatées à partir d’un litige concrètement pendant devant elle l’objet d’un renvoi devant la Cour. Au contraire, la Cour a déjà examiné à plusieurs reprises des problèmes structurels allégués liés à un système de sanction national, également et précisément à l’occasion de renvois préjudiciels dans des procédures pénales nationales en cours (28).

49.      Même si des principes généraux du droit de l’Union – tels que le principe de légalité des délits et des peines – interdisaient toute dérogation aux règles nationales de prescription litigieuses, cela n’affecterait pas la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, contrairement à ce que pensent le gouvernement italien et M. Anakiev, mais serait tout au plus l’occasion pour la Cour d’apporter des précisions dans le cadre de sa réponse au fond aux questions préjudicielles (29).

50.      Des doutes quant à la pertinence des questions posées au regard de la résolution du litige peuvent certes survenir dans la mesure où la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de quelques dispositions de droit primaire (articles 101 TFUE, 107 TFUE et 119 TFUE) qui n’ont, a priori, rien à voir avec les problèmes de prescription pénale en cause ici. Toutefois, il ne nous semble pas manifeste que les dispositions précitées n’ont aucun rapport avec le litige au principal. Seule une analyse de fond de la Cour relative aux dispositions précitées du TFUE – quand bien même serait‑elle succincte – peut révéler si celles‑ci s’opposent ou non à un régime de prescription en matière pénale tel que le régime italien (30).

51.      Par souci d’exhaustivité, il convient enfin d’observer que le stade procédural comparativement précoce du litige – c’est‑à‑dire l’étape procédurale précédant l’admission de l’acte d’accusation à la phase orale – n’ôte rien non plus à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle (31).

52.      Dans l’ensemble, les doutes émis devant la Cour quant à la recevabilité de cette demande de décision préjudicielle doivent donc être écartés.

VI – Appréciation des questions préjudicielles au fond

53.      Comme cela ressort de la décision de renvoi, le Tribunale di Cuneo part du principe que le délai de prescription applicable est de six ans pour la plupart des infractions en cause dans la procédure au principal, et de sept ans pour la constitution d’une association criminelle. Si, comme ici, la prescription a été interrompue par des mesures d’instruction ou des poursuites, elle est prolongée, aux termes de la décision de renvoi, d’un quart de sa durée, ce qui étend le délai de prescription de six à sept ans et six mois, et le délai de prescription de sept à huit ans et neuf mois, étant précisé que ces délais continuent en principe à courir pendant une procédure pénale en cours. Ce régime de prescription absolue aboutit apparemment, dans un grand nombre de cas, à l’impunité des auteurs d’infractions.

54.      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir, par sa demande de décision préjudicielle, si le droit de l’Union s’oppose à des règles nationales de prescription des poursuites en matière pénale telles que l’article 160, quatrième alinéa, du codice penale dans la version de la loi no 251/2005, prévoyant que le délai de prescription applicable aux infractions fiscales en matière de TVA n’est prolongé, en cas d’interruption, que d’un quart de la durée initiale, et que la prescription absolue est alors acquise.

55.      En particulier, dans le cadre de ses quatre questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande des éclaircissements sur l’interprétation des articles 101 TFUE, 107 TFUE et 119 TFUE ainsi que sur l’article 158 de la directive TVA.

56.      Nous allons tout d’abord analyser ces dispositions dans les développements suivants (voir ci‑après, sous A), avant de formuler quelques remarques complémentaires sur l’obligation des États membres d’infliger des sanctions effectives (voir ci‑après, sous B), puis d’examiner enfin les conséquences de l’éventuelle incompatibilité du régime national de prescription avec le droit de l’Union sur le litige au principal (voir ci‑après, sous C).

A –    Les dispositions du droit de l’Union évoquées par la juridiction de renvoi

57.      Le Tribunal di Cuneo a consacré ses quatre questions au total au droit de la concurrence de l’Union (voir ci‑après, sous 1), aux possibilités d’exonération de la TVA (voir ci‑après, sous 2), ainsi qu’au principe de finances publiques saines (voir ci‑après, sous 3).

1.      Le droit de la concurrence de l’Union (première et deuxième questions préjudicielles)

58.      Par ses deux premières questions, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si un régime de prescription tel que le régime italien affecte la concurrence sur le marché intérieur européen, et viole ainsi les dispositions des articles 101 TFUE et 107 TFUE.

59.      À cet égard, il convient de noter qu’un régime de prescription trop laxiste et l’absence corrélative de sanctions pénales effectives relatives aux irrégularités commises en matière de TVA peuvent tout à fait procurer aux entreprises impliquées dans ces irrégularités un avantage concurrentiel indu sur le marché intérieur. Cela ne constitue pas pour autant une violation des articles 101 TFUE et 107 TFUE.

60.      Si l’article 101 TFUE lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE interdit aux États membres de créer une situation favorisant la conclusion d’ententes contraires à la concurrence entre les entreprises (32), l’on irait toutefois trop loin en déduisant d’une application éventuellement insuffisante des dispositions pénales nationales relatives aux infractions fiscales commises en matière de TVA que celle‑ci favorise nécessairement un comportement collusoire entre les entreprises. Si des ententes anticoncurrentielles devaient néanmoins être conclues entre des entreprises, celles‑ci pourraient du reste être réprimées tout à fait indépendamment du droit pénal fiscal, en application des procédures propres au droit de la concurrence et des sanctions spécifiques qu’il prévoit.

61.      Concernant l’interdiction des aides d’État visée à l’article 107 TFUE, si l’application insuffisante de sanctions en matière de TVA peut éventuellement procurer un avantage financier aux entreprises, cet avantage n’a toutefois aucun caractère sélectif car il ne favorise pas certaines entreprises ou branches d’entreprises par rapport à d’autres, mais s’applique sans distinction à toutes les entreprises qui sont soumises au droit pénal national (33).

62.      L’on doit concéder à la juridiction de renvoi que les défaillances systémiques existant dans un État membre dans la répression des infractions fiscales en matière de TVA peuvent entraîner une distorsion de concurrence à l’égard des entreprises d’autres États membres, dans lesquels les autorités nationales réagissent plus sévèrement aux irrégularités. Toutefois, cette problématique ne peut pas s’apprécier au regard de critères du droit des ententes ou des aides d’État, mais doit être examinée au regard du système de TVA et de l’obligation d’infliger des sanctions effectives découlant de ce système (34).

2.      Les exonérations prévues par la directive TVA (troisième question préjudicielle)

63.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si un régime de prescription tel que le régime italien aboutit à la création d’une nouvelle exonération de TVA, non prévue par la directive TVA.

64.      À cet égard, il convient tout d’abord d’observer que le Tribunale di Cuneo s’est vraisemblablement trompé au sujet de la disposition applicable de la directive TVA. En effet, l’article 158 de cette directive cité dans la décision de renvoi concerne l’exonération de TVA de certaines opérations dans des conditions très particulières, par exemple, dans les comptoirs de ventes hors taxes, à bord d’avions ou de bateaux ainsi que dans le cadre de relations diplomatiques et consulaires. Or, de telles circonstances font manifestement défaut en l’espèce.

65.      Cependant, comme la Commission l’a souligné à juste titre, l’on doit également penser à l’article 138 de la directive TVA, qui régit les conditions dans lesquelles la livraison intracommunautaire de biens est exonérée de TVA. Cette disposition présente un certain lien avec les faits au principal dans la mesure où il est reproché aux inculpés d’avoir fait frauduleusement passer leurs activités commerciales nationales avec le champagne pour des livraisons intracommunautaires.

66.      Toutefois, la circonstance décrite par la juridiction de renvoi, à savoir que la prescription des poursuites est acquise dans de nombreux cas dans les procédures pénales fiscales en raison de défaillances systémiques du droit national, n’entraîne pas, en soi, une exonération de TVA des entreprises concernées. En effet, l’existence d’une créance fiscale contre ces entreprises ne dépend pas d’un éventuel ius puniendi des pouvoirs publics.

3.      Le principe de finances publiques saines (quatrième question préjudicielle)

67.      Pour finir, la juridiction de renvoi cherche à savoir, par sa quatrième question, si un régime de prescription comme le régime italien est conforme au principe de finances publiques saines, tel qu’il résulte de l’article 119 TFUE.

68.      En tant que norme introduisant les dispositions relatives à la politique économique et monétaire figurant dans le titre VIII du traité FUE, l’article 119 TFUE pose, à son troisième paragraphe, certains «principes directeurs» pour l’action des États membres et de l’Union au rang desquels comptent, entre autres, des finances publiques saines.

69.      Contrairement à ce que la Commission semble penser, cette norme n’adresse pas une orientation d’ordre seulement politique aux États membres, mais constitue aussi une prescription de droit de l’Union juridiquement contraignante pour l’élaboration de leurs budgets publics. Le fait que le contenu de cette disposition ne soit pas particulièrement précis et requière une clarification par d’autres dispositions et actes juridiques (35) n’affecte pas le caractère juridique de cette disposition. Toutefois, il résulte nécessairement du caractère comparativement général de l’article 119, paragraphe 3, TFUE que les États membres jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix des moyens nationaux qu’ils jugent les plus adaptés – sur la base d’appréciations économiques complexes – pour garantir, dans leur domaine de compétence respectif, des finances publiques saines (36).

70.      Toute mesure prise par les autorités nationales ayant une incidence sur les dépenses ou sur les recettes, de même que toute renonciation à l’exécution d’une créance fiscale effectivement exigible, ne doit pas nécessairement être considérée comme une violation du principe de finances publiques saines. Cela dépend plutôt du point de savoir si les finances de l’État membre en cause peuvent être considérées comme «saines» dans leur globalité, ce qui s’apprécie en particulier au regard des dispositions et des critères relatifs à la prévention des déficits publics excessifs (article 126, paragraphes 1 et 2, TFUE en combinaison avec le protocole no 12 au traité UE et au traité FUE).

71.      Aussi ne peut‑on pas se fonder sur la seule circonstance selon laquelle les règles de prescription applicables en Italie en matière de droit pénal fiscal puissent présenter les défaillances systémiques décrites par la juridiction de renvoi pour conclure à une violation du principe de finances publiques saines, tel qu’il est consacré à l’article 119, paragraphe 3, TFUE.

4.      Conclusion intermédiaire

72.      Pour résumer, force est de constater qu’aucune des dispositions du droit de l’Union concrètement évoquées par la juridiction de renvoi ne s’oppose à une réglementation relative à la prescription des poursuites telle qu’introduite en droit pénal italien par l’article 160, dernier alinéa, du codice penale dans la version de la loi no 251/2005.

73.      Toutefois, cette seule constatation ne suffit pas pour apporter à la juridiction de renvoi une réponse utile qui facilite la solution du litige au principal. En revanche, quelques remarques complémentaires s’imposent concernant l’obligation des États membres d’infliger des sanctions effectives (voir ci‑après, sous B). Par ailleurs, il convient de revenir brièvement sur les conséquences de l’éventuelle incompatibilité du régime national de prescription avec le droit de l’Union sur le litige au principal (voir ci‑après, sous C).

B –    L’obligation des États membres d’infliger des sanctions effectives

74.      L’obligation des États membres d’infliger des sanctions effectives en cas d’infractions fiscales en matière de TVA n’a pas été traitée explicitement par la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle.

75.      Il incombe certes à la seule juridiction nationale de définir l’objet des questions qu’elle entend poser à la Cour (37), et cette dernière n’a pas elle‑même vocation à s’occuper de problèmes juridiques que le juge national a explicitement ou implicitement exclus de sa demande de décision préjudicielle (38).

76.      À part cela, toutefois, la Cour, saisie d’une demande de décision préjudicielle, est compétente pour apporter, au vu des éléments figurant au dossier, des précisions visant à guider la juridiction de renvoi dans la solution du litige au principal et, partant, pour examiner aussi des dispositions que la juridiction de renvoi n’a pas citées (39).

77.      Dans la présente affaire, l’inquiétude de la juridiction nationale à l’idée que le régime de prescription prévu par l’article 160, dernier alinéa, du codice penale dans la version de la loi no 251/2005 puisse être le reflet d’une défaillance systémique qui entraînerait, dans un grand nombre de délits fiscaux en Italie, l’impunité de leurs auteurs apparaît en filigrane dans l’ensemble de la décision de renvoi.

78.      Ainsi la demande de décision préjudicielle pose – tout au moins implicitement – la question supplémentaire de savoir si un régime de prescription tel que le régime italien est compatible avec l’obligation du droit de l’Union imposant aux États membres d’infliger des sanctions en cas d’irrégularités commises en matière de TVA. L’on ne peut répondre utilement à la demande de décision préjudicielle sans examiner cette question supplémentaire.

79.      Dans les développements suivants, nous allons tout d’abord examiner le point de savoir si un régime tel que le régime italien satisfait à l’obligation générale des États membres d’infliger des sanctions effectives en cas de violations du droit de l’Union (voir ci‑après, sous 1), avant de nous tourner ensuite vers l’obligation plus spécifique des États membres de réprimer pénalement la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (voir à ce sujet ci‑après, sous 2).

1.      L’obligation générale de prévoir des sanctions effectives

80.      L’obligation faite aux États membres de prévoir des sanctions ayant un caractère effectif, proportionné et dissuasif (40) en cas de violations par des particuliers du droit de l’Union, et de sanctionner en outre les violations du droit de l’Union – au moins – dans des conditions, de fond et de procédure, qui soient analogues à celles applicables aux violations du droit national d’une nature et d’une importance similaires (41), relève d’un principe général du droit de l’Union que l’on peut finalement rattacher à l’obligation de coopération loyale (article 4, paragraphe 3, TUE). En définitive, il s’agit d’applications particulières des principes d’effectivité et d’équivalence.

81.      Concernant tout d’abord le principe d’équivalence, la Commission a fait valoir lors de l’audience que le droit italien connaissait en effet des infractions auxquelles aucun délai de prescription absolu n’était applicable. S’il s’agissait en l’occurrence d’infractions en matière de criminalité économique équivalant à la fraude à la TVA, il faudrait alors renoncer à un délai de prescription absolu pour la fraude à la TVA également.

82.      La Cour a récemment expressément souligné l’exigence de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives découlant du principe d’effectivité, y compris dans le domaine de la TVA. À cet égard, elle a rappelé, outre diverses dispositions de la directive TVA, l’obligation de loyauté des États membres visée à l’article 4, paragraphe 3, TUE (42).

83.      En matière de TVA, il est particulièrement important d’avoir un système fonctionnel de sanctions pour les violations du droit de l’Union, car il ne sert pas seulement à assurer l’égalité de traitement de toutes les entreprises actives sur le marché intérieur, mais doit en outre protéger les intérêts financiers de l’Union, parmi les ressources propres de laquelle figure une partie de la TVA prélevée par les États membres (43). C’est pourquoi l’article 325 TFUE oblige les États membres à lutter contre les activités illicites portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union «par des mesures dissuasives et effectives» (44). La même obligation résulte du règlement no 2988/95, qui concerne également la protection des intérêts financiers de l’Union.

84.      Certes, ni les règles de droit primaire (articles 4, paragraphe 3, TUE et 325 TFUE) ni le droit dérivé pertinent (règlement no 2988/95 et directive TVA) n’imposent aux États membres une obligation quelconque de réprimer nécessairement pénalement les irrégularités commises dans le domaine de la TVA, les États membres disposant plutôt – sous réserve des dispositions de la convention PIF (45) – d’une liberté de choix des sanctions applicables, de sorte que l’on peut en principe, dans le cadre du système national, recourir également à une combinaison de sanctions administratives et pénales (46). Toutefois, la notion de «sanction» implique d’aller au‑delà d’un simple rappel de la TVA due de toute façon, assorti, le cas échéant, d’intérêts de retard.

85.      Cependant, les sanctions effectivement appliquées dans l’État membre en cause – qu’elles soient de nature administrative ou pénale – doivent être effectives, proportionnées et dissuasives (47). Le fait qu’un État membre base son système national de sanctions, avec une combinaison de sanctions administratives et pénales, sur deux axes principaux, lesquels ne satisfont ni séparément ni ensemble aux critères d’effectivité, de proportionnalité et de dissuasion, est contraire aux règles du droit de l’Union.

86.      La juridiction de renvoi doit apprécier si les sanctions prévues dans le système national sont effectives, proportionnées et dissuasives. À cet égard, la disposition en cause relative aux sanctions doit être examinée en tenant compte, dans tous les cas où cette question se pose, de sa place dans l’ensemble du système réglementaire, y compris le déroulement de la procédure et les particularités de la procédure devant les différentes autorités nationales (48).

87.      Comme nous l’avons indiqué dans nos conclusions présentées dans l’affaire Berlusconi e.a. (49), il n’y a pas d’objection de principe à ce que les États membres soumettent à la prescription les sanctions qu’ils doivent introduire en vertu du droit de l’Union, car les délais de prescription servent à la sécurité juridique et à la protection des inculpés, et n’excluent pas, en principe, une application efficace des sanctions. Le règlement no 2988/95 prévoit d’ailleurs aussi, à son article 3, une prescription concernant les sanctions administratives qui y sont visées.

88.      Il doit toutefois être garanti que les règles de prescription applicables ne sapent pas dans leur ensemble l’efficacité et l’effet dissuasif des sanctions prévues. Les irrégularités commises dans le domaine de la TVA ne doivent donc pas être soumises à des sanctions purement théoriques. Le système de sanctions doit au contraire être organisé de telle sorte que quiconque présentant de fausses déclarations en matière de TVA ou participant à de tel agissements doive effectivement craindre de se voir sanctionner (50).

89.      En outre, comme la Commission le souligne à juste titre, d’éventuelles interactions entre sanctions pénales et administratives sont à envisager. Ainsi les insuffisances du système de sanctions pénal peuvent avoir une incidence négative sur le système de sanctions administratif. Tel est le cas, par exemple, lorsque le droit national prévoit que la procédure administrative est suspendue pendant la durée d’une procédure pénale (51) et qu’elle ne peut pas reprendre plus tard, après acquisition de la prescription pénale des poursuites, parce que l’infraction en cause est prescrite aussi selon les critères de droit administratif.

90.      Dans ce contexte, la jurisprudence rendue antérieurement au sujet de quelques règles de procédure italiennes dans le domaine du droit fiscal mérite d’être citée. Selon cette jurisprudence, si les États membres peuvent, dans certaines conditions, clore des procédures longues en matière fiscale (52), ils ne peuvent toutefois pas renoncer de manière générale et indifférenciée à la vérification des opérations imposables effectuées au cours d’une série de périodes d’imposition au regard d’un éventuel assujettissement à la TVA (53).

91.      Si un régime national de prescription conduit, compte tenu de tous ces aspects, à ce que, pour des raisons inhérentes au système, l’on ne puisse en réalité s’attendre que rarement à l’imposition effective de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, cela contrevient à l’obligation générale des États membres d’infliger des sanctions efficaces en cas de violations du droit de l’Union (54).

2.      L’obligation spécifique de prévoir des sanctions pénales effectives

92.      Outre l’obligation générale d’infliger des sanctions effectives, évoquée ci‑dessus, il existe également une obligation particulière des États membres de réprimer pénalement la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.

93.      Cette obligation de prévoir des sanctions pénales résulte de la convention PIF, et plus précisément de son article 2, paragraphe 1, lequel prescrit que la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union est passible de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives; dans les cas de fraude grave, des peines privatives de liberté doivent même être prévues.

94.      Certes, le Conseil de l’Union européenne interprète le champ d’application de la convention PIF de manière restrictive et souhaite en exclure la TVA. Dans son rapport explicatif (55), il a considéré que l’on entendait par «recettes» au sens de la convention PIF les seules recettes provenant des deux premières catégories de ressources propres de l’Union, à savoir les droits de douane, d’une part, et certains prélèvements ainsi que des cotisations dans le domaine de l’agriculture, d’autre part. En revanche, les recettes de l’Union au sens de la convention PIF ne comprennent pas, selon le Conseil, les recettes provenant de l’application d’un taux uniforme à l’assiette de la TVA des États membres, la TVA n’étant pas une ressource propre perçue directement pour le compte de l’Union.

95.      Selon l’opinion exprimée par le Conseil dans son rapport explicatif, à laquelle le gouvernement allemand s’est également rallié lors de l’audience devant la Cour, l’obligation imposée par le droit de l’Union d’infliger des sanctions pénales ne serait dès lors pas applicable en cas d’irrégularités commises en matière de TVA (56).

96.      Or, le rapport explicatif du Conseil ne constitue que l’opinion juridiquement non contraignante d’un organe de l’Union qui, de surcroît, n’est pas lui‑même partie à la convention PIF, mais qui a seulement participé aux travaux préparatoires en rédigeant le texte de la convention et en en recommandant l’adoption par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives [article K.3, paragraphe 2, sous c), TUE].

97.      Le rapport explicatif du Conseil ne peut dès lors pas être considéré comme une interprétation authentique de la convention PIF, d’autant plus que ni la convention elle‑même ni son protocole additionnel ne font la moindre référence à ce rapport. Seule la Cour est compétente pour donner une interprétation juridiquement contraignante de la convention PIF au sein de l’Union. Cela ressortait déjà initialement du protocole additionnel à la convention PIF, qui habilitait la Cour à interpréter cette convention, et découle aujourd’hui de l’article 19, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 3, sous b), TUE ainsi que de l’article 267 TFUE.

98.      À notre avis, la Cour ne devrait pas traiter le rapport explicatif du Conseil relatif à la convention PIF différemment des communiqués de presse des organes de l’Union sur les actes législatifs ou des déclarations formulées à l’occasion de l’adoption de ces actes juridiques. En vertu d’une jurisprudence constante, ces prises de position ne sauraient être retenues pour l’interprétation d’une disposition de droit dérivé lorsqu’elles ne trouvent aucune expression dans ladite disposition (57).

99.      Tel est le cas ici. Pour justifier le retrait de la TVA du champ d’application de la convention PIF, le Conseil se fonde exclusivement, dans son rapport explicatif, sur la circonstance selon laquelle la TVA «n’[est] pas une ressource propre perçue directement pour le compte [de l’Union]» (58). Or, c’est précisément cette considération qui ne trouve aucune expression dans la convention PIF et qui ne saurait justifier une interprétation restrictive de son champ d’application.

100.  Au contraire, le champ d’application de la convention PIF est défini de la manière la plus large possible. Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, sous b), il s’étend de manière globale et sans aucune restriction aux «recettes» de l’Union concernant les «ressources» tirées de son «budget général». Les ressources propres de l’Union provenant de la TVA en font notamment partie (59). En effet, un lien direct existe ainsi entre la perception de la TVA par les États membres et la mise à disposition du budget de l’Union des ressources TVA correspondantes (60).

101. Un champ d’application d’acception large incluant la TVA est d’ailleurs conforme à la finalité de la convention PIF, qui vise, d’une manière très générale, la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et qui tend à lutter contre cette fraude avec la plus grande vigueur (61).

102. Au contraire, une limitation du champ d’application de la convention PIF aux seuls cas de fraude dans le domaine des droits de douane et des prélèvements ou des cotisations agricoles réduirait sensiblement la contribution de cet instrument juridique à la protection des intérêts financiers de l’Union. Une interprétation aussi restrictive du champ d’application de la convention PIF, telle que le Conseil semble l’envisager, serait contraire à la règle selon laquelle l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union proposée par un organe de l’Union ne saurait avoir pour résultat de lui retirer tout effet utile (62).

103. Ainsi la convention PIF instaure une obligation pour les États membres de réprimer pénalement les fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union dans le domaine de la TVA – tout au moins les fraudes d’une certaine gravité. Cette obligation revêt en l’espèce une importance particulière car, compte tenu des circonstances qui sous‑tendent souvent les fraudes commises dans le domaine de la TVA, les sanctions purement administratives – en particulier les amendes et pénalités de retard – ne sauraient, en soi, produire des effets suffisamment dissuasifs. En effet, de nombreuses personnes et entreprises impliquées dans de telles fraudes se trouvent de toute façon dans une situation financière extrêmement précaire.

104. La juridiction de renvoi doit apprécier si les sanctions pénales prévues par le système national sont «effectives, proportionnées et dissuasives» au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF. À cet égard, nos développements précédents s’appliquent par analogie (63). La règle de sanction en cause doit être examinée en tenant compte, dans tous les cas où la question se pose, de sa place dans l’ensemble du système réglementaire, y compris le déroulement de la procédure et les particularités de la procédure devant les différentes autorités nationales.

105. Si un régime national de prescription conduit, compte tenu de tous ces aspects, à ce que, pour des raisons inhérentes au système, l’on ne puisse en réalité s’attendre que rarement à l’imposition effective de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, cela contrevient à l’obligation faite aux États membres par l’article 2 de la convention PIF de prévoir des sanctions pénales proportionnées en cas de fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.

C –    Les conséquences de l’éventuelle incompatibilité du régime national de prescription avec le droit de l’Union sur le litige au principal

106. Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi parviendrait à la conclusion, sur la base des critères exposés ci‑dessus, que le régime national de prescription et, en particulier, la règle de l’article 160, dernier alinéa, du codice penale dans la version de la loi no 251/2005, évoquée dans la demande de décision préjudicielle, est contraire au droit de l’Union, il resterait finalement à examiner les conséquences qui en découlent sur le litige au principal.

107. Il est de jurisprudence constante que le juge national a l’obligation d’assurer le plein effet du droit de l’Union (64).

108. À cette fin, il a avant tout l’obligation d’interpréter et d’appliquer l’ensemble du droit national conformément au droit de l’Union. À cet égard, le juge national doit interpréter le droit interne dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité des dispositions pertinentes du droit de l’Union pour atteindre le résultat visé par celles‑ci (65). Il doit faire tout ce qui relève de sa compétence en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application de ses méthodes d’interprétation pour assurer le plein effet des prescriptions du droit de l’Union et aboutir à une solution conforme à l’objectif poursuivi par celui‑ci (66).

109. En particulier, la juridiction de renvoi devra examiner si une solution peut être trouvée par l’interprétation conforme du droit national, qui aboutisse à une suspension de la prescription aussi longtemps que les juridictions pénales italiennes – ou tout au moins certaines juridictions – sont saisies de la procédure au principal.

110. L’obligation d’interprétation conforme du droit national connaît toutefois des limites dans les principes généraux du droit et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (67).

111. Si la juridiction de renvoi ne pouvait pas parvenir à un résultat conforme au droit de l’Union par l’interprétation du droit national, elle aurait l’obligation d’assurer le plein effet du droit de l’Union en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’elle ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle‑ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (68).

112. Le cas échéant, la juridiction de renvoi devrait donc laisser inappliquée dans la procédure au principal une disposition telle que l’article 160, dernier alinéa, du codice penale dans la version de la loi no 251/2005 si cette disposition était l’expression d’une défaillance systémique qui empêche de trouver une solution conforme au droit de l’Union en raison de délais de prescription excessivement courts.

113. Toutefois, la question de savoir si des principes généraux du droit de l’Union tels que le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) ne s’opposent pas à une telle démarche requiert encore un examen approfondi. Ce principe fait partie des principes généraux du droit se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et jouit, entre‑temps, en vertu de l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la «Charte»), du rang de droit fondamental de l’Union. En vertu du principe d’homogénéité (article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte), lors de l’interprétation de l’article 49 de la Charte, il convient de respecter notamment l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la «CEDH») et la jurisprudence rendue sur celui‑ci (69).

114. En vertu du principe de légalité des délits et des peines, nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise (article 49, paragraphe 1, première et deuxième phrases). Dans le même ordre d’idées, les directives ne peuvent pas être retenues directement pour fonder ou aggraver les sanctions pénales (70).

115. Contrairement à ce que pensent M. Anakiev et le gouvernement italien, il n’y a pas, dans une affaire comme celle‑ci, de conflit avec le principe de légalité des délits et des peines. En effet, sur le fond, ce principe requiert simplement que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment (71). Or, les règles de prescription se prononcent non pas sur le caractère punissable d’un comportement ni sur le niveau de sanction, mais uniquement sur la possibilité de poursuivre une infraction, et ne relèvent donc absolument pas du champ d’application de la règle nullum crimen, nulla poena sine lege (72). Pour cette même raison, le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère (article 49, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte (73)) ne s’applique pas aux questions de prescription.

116. C’est d’ailleurs en cela que cette affaire se distingue fondamentalement de l’affaire Berlusconi e.a., qui portait – contrairement à la présente espèce – sur une modification des dispositions de fond du droit national et, en particulier, du cadre pénal applicable à certaines infractions, ce qui avait entraîné, entre autres, des peines plus légères et, donc, des conséquences indirectes sur la prescription des poursuites (74).

117. Dans ces conditions, les exigences liées au principe de légalité des délits et des peines sont parfaitement respectées dans une affaire comme la présente, puisque le caractère punissable du comportement reproché aux inculpés et le degré de sanction encouru à ce titre découlent, sans changement, de la loi pénale italienne et, plus précisément, des articles 2 et 8 du décret législatif no 74/2000. Le caractère punissable ou le degré de sanction ne résultent en aucun cas directement des dispositions du droit de l’Union, à savoir des articles 4, paragraphe 3, TUE et 325TFUE, de la directive TVA, du règlement no 2988/95, ni de la convention PIF.

118. Contrairement à l’affaire Berlusconi e.a., l’application de prescriptions du droit de l’Union ne créerait donc pas en tant que telle des obligations à l’égard d’un particulier et n’aboutirait notamment pas, en l’espèce, à fonder ou aggraver les sanctions pénales de particuliers. Elle libérerait simplement – au niveau procédural – les autorités judiciaires nationales de liens contraires au droit de l’Union.

119. Le principe de légalité des délits et des peines ne permet pas de conclure que les règles applicables en matière de durée, d’écoulement et d’interruption de la prescription devraient nécessairement être fondées sur les dispositions légales qui étaient en vigueur au moment où l’infraction a été commise. Il n’existe aucune confiance légitime à protéger dans ce sens.

120. Le délai durant lequel les faits peuvent être poursuivis est au contraire susceptible de changer encore après que l’infraction a été commise tant que la prescription n’est pas acquise (75). En définitive, il n’en va pas différemment ici que lors de l’application de nouvelles dispositions procédurales à des situations qui ont certes pris naissance dans le passé mais qui ne sont pas encore acquises (76).

121. Dans le cadre de l’autonomie procédurale des États membres, cela ouvre, dans tous les cas où la prescription n’est pas encore acquise (77), une marge de manœuvre pour tenir compte d’appréciations issues du droit de l’Union dont les juridictions des États membres doivent tirer pleinement parti en appliquant leurs droits nationaux respectifs dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

122. À cet égard, il ne s’agit pas d’instaurer de nouveaux délais de prescription directement sur la base du droit de l’Union. Les articles 4, paragraphe 3, TUE et 325 TFUE ainsi que le règlement no 2988/95 et la convention PIF ne comportent de toute façon pas de règles suffisamment précises qui seraient susceptibles de s’appliquer directement à un particulier. Il en va de même concernant la directive TVA, ne serait‑ce qu’en raison de sa nature juridique (78).

123. L’aménagement concret de la durée et de l’écoulement des délais de prescription conformément au droit de l’Union doit plutôt découler du droit interne. Dans cette mesure, le droit de l’Union produit tout au plus un effet indirect sur le litige au principal en aidant le juge national à prendre les bonnes décisions en vue d’une application du droit national qui soit conforme au droit de l’Union.

124. En l’occurrence, il s’agit non pas d’une suppression complète de la prescription, mais de l’application d’un régime de prescription approprié (79) qui fasse de l’application de sanctions effectives, proportionnelles et dissuasives dans le cadre d’une procédure équitable, menée dans un délai raisonnable (article 47, paragraphe 2, de la Charte, article 6, paragraphe 1, première phrase, de la CEDH), une perspective réaliste.

125. Parmi les mesures que la juridiction de renvoi doit prendre dans ce contexte, une application des délais de prescription sans le délai de prescription absolu prévu à l’article 160, dernier alinéa, du codice penale dans la version de la loi no 251/2005 est envisageable en particulier. Comme nous l’avons déjà indiqué (80), il semble, d’après les informations fournies par la Commission lors de l’audience, qu’il existe des infractions en droit italien – y compris celles qui relèvent du domaine de la criminalité économique – auxquelles aucun délai de prescription absolu n’est applicable.

126. Dans l’alternative, il conviendrait de réfléchir à un recours aux délais de prescription modifiés entre‑temps, qui ont été prolongés d’un tiers en matière d’infractions fiscales, comme cela résulte désormais de la loi no 148/2001 (81) en Italie (82). Enfin, il serait encore envisageable de considérer que les règles de prescription antérieures, telles qu’elles découlaient de l’article 160, dernier alinéa, du codice penale dans sa version antérieure à la loi no 251/2005 restent en vigueur pour la présente espèce.

127. La question de savoir laquelle de ces différentes voies doit être suivie relève en définitive du droit national et de son interprétation, dont l’appréciation appartient au seul juge national. Du point de vue du droit de l’Union, il convient uniquement de veiller à ce que la solution trouvée dans le cadre d’une procédure équitable (article 47, paragraphe 2, de la Charte, article 6, paragraphe 1, première phrase, de la CEDH) ne soit pas retenue de manière discriminatoire et qu’elle repose sur des critères clairs, compréhensibles et généralement applicables.

VII – Conclusion

128. À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions posées par le Tribunale de Cuneo dans les termes suivants:

1)      Les articles 4, paragraphe 3, TUE et 325 TFUE, le règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes et la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doivent être interprétés en ce sens qu’ils obligent les États membres à prévoir des sanctions effectives, proportionnelles et dissuasives en cas d’irrégularités commises en matière de la taxe sur la valeur ajoutée.

2)      L’article 2, paragraphe 1, de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Luxembourg le 26 juillet 1995, oblige les États membres à réprimer la fraude en matière de TVA par des sanctions pénales effectives, proportionnelles et dissuasives, incluant, au moins dans les cas de fraude grave, des peines privatives de liberté.

3)      Un régime national de prescription des poursuites aboutissant très souvent, pour des raisons systémiques, à l’impunité des responsables dans les cas de fraude en matière de TVA est incompatible avec les exigences précitées du droit de l’Union. Dans les procédures pénales en cours, les juridictions nationales doivent laisser un tel régime inappliqué.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Voir article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 163, p. 17, ci‑après la «décision ressources propres»).


3 – Arrêt Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270).


4 – Règlement du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1).


5 – Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Luxembourg le 26 juillet 1995 (JO C 316, p. 49). L’abréviation «PIF» correspond à la notion française de «protection des intérêts financiers».


6 – Directive du Conseil du 28 novembre 2006 (JO L 347, p. 1, ci‑après la «directive TVA»).


7 – Traité sur l’Union européenne dans la version du traité de Maastricht.


8 – Note sans objet dans la version en langue française des présentes conclusions.


9 – Code pénal italien.


10 – GURI no 285 du 7 décembre 2005.


11 – Décret législatif.


12 – Le décret législatif no 74/2000 est intitulé «Nuova disciplina dei reati in materia di imposte sui redditi e sul valore aggiunto» (Nouvelle réglementation des infractions en matière d’impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée) et est publié à la GURI no 76 du 31 mars 2000.


13 – En français: «opérateurs défaillants», c’est‑à‑dire des entreprises qui s’occupent exclusivement d’élaborer des documents fiscaux à des fins d’évasion fiscale.


14 – Dans la langue de procédure: «udienza preliminare».


15 – Le Tribunale di Mondovi avait été fusionné entre‑temps avec le Tribunale di Cuneo.


16 – Giudice dell’Udienza Preliminare.


17 – Sont exclues de cette compétence préjudicielle uniquement certaines parties du droit de l’Union qui relèvent du domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) (article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, sixième phrase, TUE et article 275, premier alinéa, TFUE).


18 – Arrêts Cowan (186/87, EU:C:1989:47, point 19); Placanica e.a. (C‑338/04, C‑359/04 et C‑360/04, EU:C:2007:133, point 68) ainsi qu’Achughbabian (C‑329/11, EU:C:2011:807, point 33).


19 – Arrêt Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, points 27 et 28).


20 – Traité sur l’Union européenne dans la version du traité de Maastricht.


21 – Protocole no 36 annexé au traité UE et au traité FUE (JO 2008, C 115, p. 322).


22 – Voir, dans ce sens, arrêt Weryński (C‑283/09, EU:C:2011:85, points 30 et 31).


23 – Protocole concernant l’interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signé à Bruxelles le 29 novembre 1996 (JO 1997, C 151, p. 1). Comme pour la convention PIF elle‑même, ce protocole additionnel a également été conclu sur la base de l’article K.3, paragraphe 2, sous c), TUE et est entré en vigueur le 17 octobre 2002.


24 – Traité sur l’Union européenne dans la version du traité d’Amsterdam.


25 – Voir, d’un côté, la déclaration de la République italienne au titre de l’article 35, paragraphes 2 et 3, sous b), TUE (publication au JO 1999, L 114, p. 56) et, d’un autre côté, la déclaration de la République italienne du 19 juillet 2012 à la suite du protocole additionnel à la convention PIF, cette dernière pouvant être consultée sur le site Internet du Conseil de l’Union européenne (consulté pour la dernière fois le 20 février 2015): http://www.consilium.europa.eu/fr/documents‑publications/agreements‑conventions/ratification/?v=decl&aid=1996090&pid=I.


26 – Arrêts Beck et Bergdorf (C‑355/97, EU:C:1999:391, point 22); Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, point 46) ainsi que Križan e.a. (C‑416/10, EU:C:2013:8, point 54).


27 – Arrêts Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, point 61); Beck et Bergdorf (C‑355/97, EU:C:1999:391, point 22); Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764, point 46) ainsi que Križan e.a. (C‑416/10, EU:C:2013:8, points 53 et 54).


28 – Voir, en particulier, arrêts Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270) ainsi qu’Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105).


29 – Voir, dans ce sens, arrêt Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270) et ordonnance Mulliez e.a. (C‑23/03, C‑52/03, C‑133/03, C‑337/03 et C‑473/03, EU:C:2006:285), dans lesquels la Cour n’a pas dit un mot concernant les exceptions d’irrecevabilité soulevées par différentes parties, mais a immédiatement répondu sur le fond aux questions préjudicielles.


30 – Voir à ce sujet points 57 à 72 des présentes conclusions.


31 – Dans le même sens, la Cour a répondu, dans l’arrêt E et F (C‑550/09, EU:C:2010:382), à la demande de décision préjudicielle d’une juridiction allemande, laquelle devait aussi statuer sur l’ouverture de la procédure pénale sur la base d’un acte de mise en accusation du ministère public. Voir en outre – plus généralement – arrêts AGM‑COS.MET (C‑470/03, EU:C:2007:213, point 45) et Coleman (C‑303/06, EU:C:2008:415, points 28 à 32).


32 – Arrêts Asjes e.a. (209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 71 et 72); van Vlaamse Reisbureaus (311/85, EU:C:1987:418, point 10); Cipolla e.a. (C‑94/04 et C‑202/04, EU:C:2006:758, points 46 et 47) ainsi que API e.a. (C‑184/13 à C‑187/13, C‑194/13, C‑195/13 et C‑208/13, EU:C:2014:2147, points 28 et 29).


33 – Voir, en ce sens, arrêts Allemagne/Commission (C‑156/98, EU:C:2000:467, point 22); Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume‑Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 72 et 73); 3M Italia (C‑417/10, EU:C:2012:184, points 41 à 44) ainsi que P (C‑6/12, EU:C:2013:525, point 18).


34 – Voir à ce sujet points 74 à 121 des présentes conclusions.


35 – Ce dernier point est souligné dans l’arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (C‑484/08, EU:C:2010:309, point 46) s’agissant du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, également ancré dans l’article 119 TFUE.


36 – Voir, dans le même sens, arrêt Échirolles Distribution (C‑9/99, EU:C:2000:532, point 25), concernant là encore le principe consacré par l’article 119 TFUE d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.


37 – Arrêts Franzén (C‑189/95, EU:C:1997:504, point 79) et Belgian Electronic Sorting Technology (C‑657/11, EU:C:2013:516, point 28) ainsi qu’ordonnance Szabó (C‑204/14, EU:C:2014:2220, point 16).


38 – Arrêts Alsatel (247/86, EU:C:1988:469, points 7 et 8) ainsi que Hennen Olie (C‑302/88, EU:C:1990:455, point 20); voir en outre points 16 à 48 des conclusions récentes de l’avocat général Mengozzi présentées dans l’affaire Finanzamt Ulm (C‑560/13, EU:C:2014:2476).


39 – Arrêts SARPP (C‑241/89, EU:C:1990:459, point 8); Ritter‑Coulais (C‑152/03, EU:C:2006:123, point 29); Promusicae (C‑275/06, EU:C:2008:54, point 42); Aventis Pasteur (C‑358/08, EU:C:2009:744, point 50) et Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453, point 37).


40 – Arrêts Commission/Grèce (68/88, EU:C:1989:339, point 24); Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, point 65); Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 94) ainsi que Fiamingo e.a. (C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, points 62 et 64).


41 – Arrêts Commission/Grèce (68/88, EU:C:1989:339, points 23 et 24) ainsi que Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, points 64 et 65); voir, dans le même sens, arrêt SGS Belgium e.a. (C‑367/09, EU:C:2010:648, point 41).


42 – Arrêt Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, points 25 et 36).


43 – Article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision ressources propres; voir, à titre complémentaire, arrêts Commission/Italie (C‑132/06, EU:C:2008:412, point 39); Belvedere Costruzioni (C‑500/10, EU:C:2012:186, point 22) ainsi que Commission/Allemagne (C‑539/09, EU:C:2011:733, points 71 et 72).


44 – Arrêt Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, points 26 et 36).


45 – Voir à ce sujet points 92 à 105 des présentes conclusions.


46 –      Arrêt Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 34). Conformément à l’article 6 du règlement no 2988/95, les États membres restent libres de recourir à des sanctions pénales.


47 –      Voir dans ce sens – bien que dans un autre contexte – arrêts von Colson et Kamann (14/83, EU:C:1984:153, point 28); Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, points 102 à 104) ainsi que Fiamingo e.a. (C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 61 in fine).


48 –      Voir déjà point 91 de nos conclusions présentées dans l’affaire Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2004:624).


49 –      C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2004:624, point 107.


50 –      Ibidem (point 108).


51 –      L’article 6 du règlement no 2988/95 offre cette possibilité aux États membres.


52 – Arrêt Belvedere Costruzioni (C‑500/10, EU:C:2012:186, point 28).


53 –      Arrêt Commission/Italie (C‑132/06, EU:C:2008:412, points 43 à 47 et 52).


54 – Voir dans le même sens point 110 de nos conclusions présentées dans l’affaire Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2004:624).


55 – Rapport explicatif de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, approuvé par le Conseil le 26 mai 1997 (JO C 191, p. 1); voir en particulier les explications sur l’article 1er, paragraphe 1, de la convention (p. 4, dernier paragraphe).


56 – Selon l’avis du gouvernement allemand, seule une proposition législative de la Commission, toujours en cours, entraînerait l’intégration de la TVA dans le cercle des matières pour lesquelles le droit de l’Union impose aux États membres l’introduction de sanctions pénales: proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection pénale des intérêts financiers de la Communauté [COM(2001) 272 final] (JO C 240 E, p. 125).


57 – Arrêts Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 18); Skov et Bilka (C‑402/03, EU:C:2006:6, point 42) et Quelle (C‑404/06, EU:C:2008:231, point 32).


58 – Voir à cet égard le passage du rapport explicatif au JO 1997, C 191, p. 4, dernier paragraphe.


59 – Article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision ressources propres.


60 – Arrêts Commission/Allemagne (C‑539/09, EU:C:2011:733, point 72) et Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 26).


61 – Premier et deuxième considérants de l’acte du Conseil établissant la convention PIF (JO 1995, C 316, p. 48).


62 – Arrêt Commission/Belgique (C‑437/04, EU:C:2007:178, point 56 in fine).


63 – Voir points 86 à 90 des présentes conclusions.


64 – Avis 1/09 (EU:C:2011:123, point 68); voir, spécifiquement pour les directives, également, entre autres, arrêt Kücükdeveci (C‑555/07, EU:C:2010:21, point 48).


65 –      Voir, concernant l’interprétation conforme au droit primaire, arrêts Murphy e.a. (157/86, EU:C:1988:62, point 11) et ITC (C‑208/05, EU:C:2007:16, point 68); concernant l’interprétation conforme au droit dérivé, arrêts Marleasing (C‑106/89, EU:C:1990:395, point 8); Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 113); Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 24) ainsi qu’Asociaţia Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, point 71).


66 – Arrêts Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 115 à 119); Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 111); Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 27); Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, point 38) et Schoenimport «Italmoda» Mariano Previti (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 52); voir dans le même sens, déjà, arrêt von Colson et Kamann (14/83, EU:C:1984:153, point 28: «dans toute la mesure où une marge d’appréciation lui est accordée par son droit national»).


67 – Arrêt Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, point 39); voir en outre arrêts Kolpinghuis Nijmegen (80/86, EU:C:1987:431, point 13) ainsi qu’Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 110).


68 – Arrêts Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49, points 21 et 24); Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 43) et Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 45).


69 –      Arrêts Advocaten voor de Wereld (C‑303/05, EU:C:2007:261, point 49) ainsi qu’Intertanko e.a. (C‑308/06, EU:C:2008:312, point 70).


70 – Arrêts X (14/86, EU:C:1987:275, point 20); Kolpinghuis Nijmegen (80/86, EU:C:1987:431, point 13); X (C‑74/95 et C‑129/95, EU:C:1996:491, point 24); Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, point 74) ainsi que Grøngaard et Bang (C‑384/02, EU:C:2005:708, point 30).


71 – Arrêts Advocaten voor de Wereld (C‑303/05, EU:C:2007:261, point 50); Intertanko e.a. (C‑308/06, EU:C:2008:312, point 71) et Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 94).


72 – Voir, à cet égard, Cour eur. D. H., arrêts Coëme e.a. c. Belgique du 22 juin 2000, (requête no 32492/96, entre autres, Recueil des arrêts et décisions 2000‑VII, § 149) et Scoppola/Italie (no 2) du 17 septembre 2009 (requête no 10249/03, point 110); en lien avec l’arrêt Coëme e.a. c. Belgique: arrêt no 236 de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle), du 19 juillet 2011, point 15; voir dans le même sens déjà précédemment arrêt du Bundesverfassungsgericht (Allemagne) BVerfGE 25, 269, 286 suiv.


73 – Voir en outre, concernant l’ancrage de ce principe dans les traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que dans les principes généraux du droit de l’Union, arrêt Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, points 68 et 69) ainsi que points 155 à 157 de nos conclusions présentées dans cette affaire (EU:C:2004:624). La Cour européenne des droits de l’homme a récemment reconnu ce principe dans le cadre de l’article 7 de la CEDH [arrêt Scoppola/Italie (no 2), précité à la note 72, points 105 à 109].


74 – Voir arrêt Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, points 18 à 22) ainsi que point 31 de nos conclusions présentées dans cette affaire (EU:C:2004:624).


75 – Cour eur. D. H., arrêt Coëme e.a. c. Belgique (précité à la note 72).


76 – Voir, à cet égard, arrêts Meridionale Industria Salumi e.a. (212/80 à 217/80, EU:C:1981:270, point 9); Pokrzeptowicz‑Meyer (C‑162/00, EU:C:2002:57, point 49); Molenbergnatie (C‑201/04, EU:C:2006:136, point 31) et Commission/Espagne (C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45) ainsi que points 28 à 31 de nos conclusions présentées dans l’affaire Commission/Moravia Gas Storage (C‑596/13 P, EU:C:2014:2438).


77 – Dans le cas de M. Anakiev, inculpé, les faits incriminés sont déjà prescrits d’après les indications de la juridiction de renvoi.


78 – Arrêts Arcaro (C‑168/95, EU:C:1996:363, point 36); X (C‑74/95 et C‑129/95, EU:C:1996:491, point 23) ainsi que Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, point 73).


79 – Voir à cet égard points 87 et 88 des présentes conclusions.


80 – Voir, à cet égard, point 81 des présentes conclusions


81 – Voir article 2, paragraphe 36‑vicies semel, point 1 (GURI no 216 du 16 septembre 2011).


82 – M. Anakiev, inculpé, a fait référence à cette nouvelle réglementation dans le cadre de la procédure devant la Cour.