Language of document : ECLI:EU:T:2016:265

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

27 avril 2016 (*)

« Recours en annulation – Produits phytopharmaceutiques – Règlement d’exécution (UE) 2015/408 – Établissement d’une liste de substances dont la substitution est envisagée – Inscription des composés de cuivre sur ladite liste – Défaut d’affectation individuelle – Acte réglementaire comportant des mesures d’exécution – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑310/15,

European Union Copper Task Force, établie à Essex (Royaume-Uni), représentée par Mes C. Fernández Vicién et I. Moreno-Tapia Rivas, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. von Rintelen et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle du règlement d’exécution (UE) 2015/408 de la Commission, du 11 mars 2015, relatif à l’application de l’article 80, paragraphe 7, du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et l’établissement d’une liste de substances dont on envisage la substitution (JO L 67, p. 18),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, E. Bieliūnas et I. S. Forrester, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        La requérante, European Union Copper Task Force, est une association de producteurs de composés de cuivre dont certains sont titulaires d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une telle substance , parmi lesquelles l’hydroxyde de cuivre, l’oxychlorure de cuivre, l’oxyde cuivreux, la bouillie bordelaise et le sulfate de cuivre tribasique. Elle a été constituée dans le but de présenter une demande d’inscription de cette substance à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1).

2        Par la directive 2009/37/CE, du 23 avril 2009, modifiant la directive 91/414 pour y inclure le chlormequat, les composés de cuivre, le propaquizafop, le quizalofop-P, le teflubenzuron et la zéta-cyperméthrine comme substances actives (JO L 104, p. 23), la Commission des Communautés européennes a modifié la liste figurant à l’annexe I de la directive 91/414 pour y inscrire les composés de cuivre. À cet égard, elle a prévu que les États membres saisis de demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant des composés de cuivre devaient demander à la requérante la communication d’informations supplémentaires sur les risques liés à l’inhalation et sur l’évaluation des risques pour les organismes non ciblés, le sol et l’eau.

3        La directive 91/414 a été abrogée par le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO L 309, p. 1).

4        Le 25 mai 2011, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 portant application du règlement n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO L 153, p. 1). Selon le considérant 1 et l’article 1er du règlement d’exécution n° 540/2011, les substances actives inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 sont désormais réputées approuvées en vertu du règlement n° 1107/2009 et sont inscrites à l’annexe de ce règlement.

5        À la suite de la présentation par la requérante d’informations supplémentaires sur les risques liés à l’inhalation des composés de cuivre et sur l’évaluation des risques causés par cette substance pour les organismes non ciblés, le sol et l’eau, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/232, du 13 février 2015, modifiant et rectifiant le règlement d’exécution n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active « composés de cuivre » (JO L 39, p. 7). Par ce règlement, la Commission a, d’une part, confirmé que les composés de cuivre devaient être approuvés au titre du règlement n° 1107/2009 et, d’autre part, modifié l’annexe du règlement d’exécution n° 540/2011 en prévoyant, notamment, la transmission, par la requérante, à la Commission, à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et aux États membres d’un programme de surveillance pour les zones vulnérables où la contamination des sols et des eaux (y compris les sédiments) par le cuivre pose problème ou peut devenir un sujet de préoccupation.

6        Le 11 mars 2015, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/408 relatif à l’application de l’article 80, paragraphe 7, du règlement n° 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et l’établissement d’une liste de substances dont on envisage la substitution (JO L 67, p. 18) (ci-après le « règlement attaqué »). Par ledit règlement, la Commission a inscrit les composés de cuivre sur la liste des substances dont la substitution est envisagée, annexée à ce règlement, au motif que cette substance respectait les critères à remplir pour être considérée comme une substance persistante et toxique, au sens du point 4 de l’annexe II du règlement n° 1107/2009.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2015, la requérante a introduit le présent recours.

8        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 15 octobre 2015, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

9        Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 12 et 22 octobre 2015, le Parlement et le Conseil ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission, conformément à l’article 143 du règlement de procédure.

10      La requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 9 décembre 2015.

11      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il s’applique aux composés de cuivre ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

14      Aux termes de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

15      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission invoque deux fins de non-recevoir, tirées, la première, du défaut d’intérêt à agir de la requérante et, la seconde, du défaut de qualité pour agir de la requérante.

16      Le Tribunal considère qu’il convient de statuer, d’abord, sur la seconde fin de non-recevoir invoquée par la Commission.

17      La Commission fait valoir, d’une part, que la requérante n’est affectée ni directement, ni individuellement par le règlement attaqué et, d’autre part, que ledit règlement ne produit ses effets à l’égard de la requérante que par l’intermédiaire de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

18      La requérante conteste l’argumentation de la Commission et soutient que, dès lors que l’acte attaqué est un acte règlementaire, elle n’est pas tenue de démontrer qu’il l’affecte individuellement. Elle ajoute qu’elle est directement affectée par le règlement attaqué, lequel ne comporte aucune mesure d’exécution.

19      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la requérante est une association représentant des producteurs de composés de cuivre dont certains sont titulaires d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une telle substance. Dès lors, elle n’est, selon la jurisprudence, en principe recevable à introduire un recours en annulation que si les entreprises qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel ou si elle peut faire valoir un intérêt propre (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec, EU:C:2006:416, point 56 et jurisprudence citée, et ordonnance du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, Rec, EU:T:2012:273, point 18).

20      En ce qui concerne la recevabilité du recours au motif de l’existence  d’un intérêt propre, la requérante fait valoir qu’elle a été créée afin de garantir l’inscription des composés de cuivre dans l’annexe I de la directive 91/414 et de promouvoir les intérêts de ses membres, titulaires d’autorisations nationales pour des produits phytopharmaceutiques contenant des composés de cuivre, qu’elle représente l’ensemble des fabricants de composés de cuivre utilisés en tant que produits phytopharmaceutiques opérant dans l’Union européenne et, enfin, qu’elle a déjà déposé plusieurs demandes de renouvellement de l’approbation des composés de cuivre.

21      Sur ce point, il convient de relever que s’il est vrai que l’existence de circonstances particulières, telles que le rôle joué par une association dans le cadre d’une procédure ayant conduit à l’adoption d’un acte au sens de l’article 263 TFUE, peut justifier la recevabilité d’un recours introduit par une association dont les membres ne sont pas directement et individuellement concernés par ledit acte, notamment lorsque sa position de négociatrice a été affectée par ce dernier, tel n’est pas le cas lorsque l’association requérante n’a pas assumé le rôle de négociateur et lorsque la réglementation en cause ne lui reconnaît aucun droit de nature procédurale (voir ordonnance du 22 juillet 2005, Polyelectrolyte Producers Group/Conseil et Commission, T‑376/04, Rec, EU:T:2005:297, point 40 et jurisprudence citée).

22      Or, force est de constater, d’une part, qu’aucune disposition de la réglementation en cause dans le présent litige ne confère à la requérante des droits procéduraux et, d’autre part, que la requérante n’a joué aucun rôle dans l’élaboration du règlement attaqué. Par conséquent, la requérante ne peut faire valoir un intérêt propre. Il s’ensuit que, à défaut d’un intérêt propre, la requérante n’est recevable à introduire le présent recours que si ses membres ou certains d’entre eux ont qualité pour agir.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

24      En l’espèce, il est constant que les membres de la requérante, tout comme cette dernière, ne sont pas destinataires du règlement attaqué. Dans ces conditions, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la requérante ne peut former un recours en annulation contre ledit règlement que dans deux cas de figure, à savoir, d’une part, si ses membres sont directement et individuellement concernés par celui-ci ou, d’autre part, si ce règlement constitue un acte réglementaire qui les concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

25      S’agissant du premier cas de figure, il convient, dans un premier temps, de déterminer si les membres de la requérante sont individuellement concernés par le règlement attaqué.

26      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de son considérant 2 et de son article 1er, le règlement attaqué a pour objet, conformément à l’article 80, paragraphe 7, du règlement n° 1107/2009, d’établir une liste de substances actives qui répondent aux critères énoncés au point 4 de l’annexe II dudit règlement, dénommée « liste des substances dont on envisage la substitution ». Cette liste est annexée au règlement attaqué et contient une énumération des substances concernées par ordre alphabétique. Les motifs de l’inscription sur cette liste figurent dans les considérants du règlement attaqué. Ainsi, les composés de cuivre figurent sur la liste des substances dont la substitution est envisagée au motif que cette substance respecte les critères à remplir pour être considérée comme une substance persistante et toxique, au sens du point 4 de l’annexe II du règlement n° 1107/2009 (voir point 6 ci-dessus).

27      Dès lors, il convient de considérer que le règlement attaqué, d’une part, s’applique à des situations déterminées objectivement, à savoir, en l’espèce, en raison des caractéristiques d’une substance active et, d’autre part, comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir tout opérateur dont l’activité est liée à l’une des substances inscrites sur la liste annexée à ce règlement. Par conséquent, le règlement attaqué est un acte de portée générale.

28      Toutefois, il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, les dispositions d’un acte de portée générale puissent concerner individuellement certaines personnes physiques ou morales, revêtant dès lors un caractère décisionnel à leur égard. Selon une jurisprudence constante, une personne physique ou morale autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concernée individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si elle est atteinte, par l’acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de l’acte (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17, p. 223 ; voir, également, arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, Rec, EU:C:2015:284, point 63 et jurisprudence citée, et ordonnance Eurofer/Commission, point 19 supra, EU:T:2012:273, point 30 et jurisprudence citée).

29      À cet égard, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec, EU:C:2001:622, point 52, et du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 47).

30      En l’espèce, il ressort du considérant 4 du règlement attaqué que la liste annexée à ce règlement a été établie sur la base des informations figurant dans le rapport d’examen, des conclusions de l’EFSA, du projet de rapport d’évaluation et des addenda qui y sont afférents, des rapports d’examen par les pairs, ou encore de la classification établie conformément au règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 (JO L 353 p. 1). En outre, l’adoption du règlement attaqué était prévue par l’article 80, paragraphe 7, du règlement n° 1107/2009, selon lequel la Commission devait établir, au plus tard le 14 décembre 2013, la liste des substances dont la substitution est envisagée. À cet égard, ainsi qu’il résulte de son intitulé même, le règlement attaqué est relatif à l’application de cette disposition.

31      Il en résulte que les membres de la requérante ne sont concernés par le règlement attaqué qu’en raison de leur qualité objective de producteurs de composés de cuivre dont certains sont titulaires d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une telle substance, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant, actuellement et potentiellement, dans une situation identique. Dès lors, les membres de la requérante ne sont pas dans une situation qui les individualise.

32      La condition de l’affectation individuelle n’étant pas remplie, la recevabilité du recours ne peut être établie au titre du premier cas de figure énoncé au point 24 ci-dessus.

33      S’agissant du second cas de figure visé au point 24 ci-dessus, en premier lieu, il convient de rappeler que la notion d’acte réglementaire au sens de cette disposition doit être comprise comme visant tout acte de portée générale, à l’exception des actes législatifs.

34      En l’espèce, le règlement attaqué a une portée générale, en ce qu’il s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir point 27 ci-dessus).

35      En outre, le règlement attaqué ne constitue pas un acte législatif, dès lors qu’il n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE. Il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 78, paragraphe 3, et de l’article 79, paragraphe 2, du règlement n° 1107/2009, lesquelles renvoient aux articles 3 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23), le règlement attaqué a été adopté par la Commission dans l’exercice de compétences d’exécution.

36      Par conséquent, le règlement attaqué constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

37      En second lieu, aux fins de déterminer si le règlement attaqué comporte ou non des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables (arrêts Telefónica/Commission, point 29 supra, EU:C:2013:852, point 30, et T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, point 28 supra, EU:C:2015:284, point 32). En outre, pour déterminer si le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours. Ainsi, dans le cas où une partie requérante ne demande que l’annulation partielle d’un acte, ce sont seulement les mesures d’exécution que cette partie de l’acte comporte éventuellement qui doivent le cas échéant être prises en considération (arrêt Telefónica/Commission, point 29 supra, EU:C:2013:852, point 31).

38      En l’espèce, il convient de déterminer si le règlement attaqué, en tant qu’il porte inscription des composés de cuivre sur la liste qui y est annexée, comporte ou non des mesures d’exécution à l’égard des membres de la requérante.

39      Il y a lieu de rappeler que le règlement attaqué a pour objet d’établir la liste des substances dont la substitution est envisagée, ces substances étant définies comme étant celles qui répondent aux critères énoncés au point 4 de l’annexe II du règlement n° 1107/2009.

40      Selon son article 1er, paragraphe 1, le règlement n° 1107/2009 établit les règles régissant l’autorisation des produits phytopharmaceutiques présentés sous leur forme commerciale ainsi que la mise sur le marché, l’utilisation et le contrôle de ceux-ci à l’intérieur de l’Union.

41      Or, ce règlement prévoit l’application de règles particulières à certains types de substances actives, parmi lesquelles les substances dont la substitution est envisagée, qui dérogent à celles applicables à d’autres substances actives. S’agissant des substances dont la substitution est envisagée, ces règles concernent, premièrement, l’approbation de telles substances ainsi que le renouvellement de cette approbation ; deuxièmement, les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant de telles substances ainsi que le renouvellement de ces autorisations et, troisièmement, la reconnaissance mutuelle, entre les États membres, de ces autorisations.

42      Premièrement, il convient de relever que, les composés de cuivre ayant déjà été approuvés, seule la procédure de renouvellement de l’approbation des substances dont la substitution est envisagée est pertinente à l’égard des membres de la requérante. À cet égard, il ressort de l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 1107/2009 que cette procédure ne diffère de celle relative à d’autres substances actives que par la durée de validité de l’approbation renouvelée. Ainsi, l’approbation d’une substance dont la substitution est envisagée peut être renouvelée pour une durée maximale de sept ans, au lieu de quinze ans pour le renouvellement de l’approbation d’une autre substance active, conformément à l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1107/2009.

43      En revanche, l’inscription d’une substance active sur la liste des substances dont la substitution est envisagée est sans influence sur le déroulement de la procédure de renouvellement de l’approbation, laquelle aboutit, conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 1107/2009, à l’adoption d’un règlement par la Commission.

44      Il en résulte que les effets du règlement attaqué relatifs à la durée de validité du renouvellement de l’approbation de substances déjà approuvées dont la substitution est envisagée, telles que les composés de cuivre, ne seront déployés à l’égard des membres de la requérante que par l’intermédiaire d’un règlement adopté par la Commission renouvelant ladite approbation. Un tel règlement constitue, dès lors, une mesure d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

45      Deuxièmement, en ce qui concerne la procédure d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique contenant une substance dont la substitution est envisagée ainsi que le renouvellement et la modification d’une telle autorisation, l’article 50, paragraphes 1 et 4, et l’annexe IV du règlement n° 1107/2009 prévoient la réalisation par les États membres d’une évaluation comparative des risques pour la santé ou l’environnement du produit phytopharmaceutique concerné par rapport à un produit de remplacement ou à une méthode non chimique de prévention ou de lutte contre les ennemis des cultures.

46      Toutefois, la réalisation de cette évaluation comparative est sans influence sur la circonstance que, en vertu de l’article 36, paragraphe 2, de l’article 43, paragraphe 1, de l’article 44, paragraphe 3, et de l’article 45, paragraphe 1, du règlement n° 1107/2009, les autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives sont, le cas échéant, respectivement accordées ou refusées, renouvelées, retirées ou modifiées par les États membres. En effet, l’article 50, paragraphe 1, du règlement n° 1107/2009 énumère les conditions dans lesquelles l’évaluation comparative doit conduire les États membres à ne pas autoriser ou à limiter l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique contenant une substance dont la substitution est envisagée pour une culture donnée. En outre, l’article 50, paragraphe 4, dudit règlement prévoit que, sur la base de l’évaluation comparative, les États membres maintiennent, retirent ou modifient l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique contenant une substance dont la substitution est envisagée.

47      Il en résulte que les effets du règlement attaqué relatifs à la réalisation, par les États membres, d’une évaluation comparative des risques pour la santé ou l’environnement des produits phytopharmaceutiques contenant des composés de cuivre par rapport à un produit de remplacement ou à une méthode non chimique de prévention ou de lutte contre les ennemis des cultures, ne seront déployés à l’égard des membres de la requérante que par l’intermédiaire d’actes pris par les autorités compétentes des États membres. De tels actes constituent, dès lors, des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

48      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel certains États membres envisageraient de faire supporter aux demandeurs d’autorisation de produits phytopharmaceutiques contenant une substance dont la substitution est envisagée les coûts relatifs à la réalisation de l’évaluation comparative. En effet, une telle circonstance, même à la supposer avérée, est sans influence sur l’existence des mesures d’exécution relevées au point 47 ci-dessus.

49      Troisièmement, en ce qui concerne les règles régissant la reconnaissance mutuelle entre les États membres des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une substance dont la substitution est envisagée, l’article 41, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1107/2009 prévoit qu’un État membre, saisi d’une demande en ce sens, peut autoriser un tel produit dans les mêmes conditions que l’État membre ayant examiné la demande d’autorisation initiale alors que, en dehors des autres hypothèses visées à cette disposition, l’État membre est tenu de délivrer une telle autorisation, conformément à l’article 41, paragraphe 1, de ce règlement.

50      Il en résulte que les effets du règlement attaqué relatifs à la procédure de reconnaissance mutuelle des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une substance dont la substitution est envisagée concernent uniquement la marge d’appréciation laissée aux États membres pour statuer sur une demande en ce sens. Or, ces effets ne seront, le cas échéant, déployés à l’égard des membres de la requérante que par l’intermédiaire des actes des autorités nationales statuant sur des demandes de reconnaissance mutuelle introduites par lesdits membres. De tels actes constituent, dès lors, des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

51      Il résulte de ce qui précède que le règlement attaqué comporte à l’égard des membres de la requérante des mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

52      Par ailleurs, il convient de rejeter l’argumentation selon laquelle la requérante et ses membres seraient privés d’une protection juridictionnelle effective dans l’hypothèse où son recours serait rejeté comme irrecevable, en ce que, d’une part, elle n’aurait pas d’intérêt à agir contre les actes adoptés sur le fondement du règlement attaqué qui renouvelleraient l’approbation des composés de cuivre et, d’autre part, ses membres n’auraient pas d’intérêt à agir contre les renouvellements des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une telle substance, au motif que de tels actes leur donneraient satisfaction.

53      En effet, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE (voir arrêt T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, point 28 supra, EU:C:2015:284, point 44 et jurisprudence citée).

54      Le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, ainsi qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, non seulement par la Cour, mais également par les juridictions des États membres. En effet, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (voir arrêt T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, point 28 supra, EU:C:2015:284, point 45 et jurisprudence citée).

55      À ce titre, il convient de préciser que les justiciables ont le droit, dans le cadre d’une procédure nationale, de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier (voir arrêt T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, point 28 supra, EU:C:2015:284, point 46 et jurisprudence citée).

56      Il s’ensuit que le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union (arrêts du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C‑143/88 et C‑92/89, Rec, EU:C:1991:65, point 18 ; du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, Rec, EU:C:2005:741 point 103, et T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, point 28 supra, EU:C:2015:284, point 47).

57      À cet égard, il importe de rappeler que, lorsqu’une juridiction nationale estime qu’un ou plusieurs moyens d’invalidité d’un acte de l’Union avancés par les parties ou, le cas échéant, soulevés d’office, sont fondés, elle doit surseoir à statuer et saisir la Cour d’une procédure de renvoi préjudiciel en appréciation de validité, cette dernière étant seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union (voir arrêt T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, point 28 supra, EU:C:2015:284, point 48 et jurisprudence citée).

58      À l’égard des personnes qui ne satisfont pas aux conditions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, pour porter un recours devant la juridiction de l’Union, il incombe donc aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, point 28 supra, EU:C:2015:284, point 49 et jurisprudence citée).

59      Cette obligation des États membres a été réaffirmée à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, selon lequel ceux-ci « établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union » (voir arrêt T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, point 28 supra, EU:C:2015:284, point 50 et jurisprudence citée). Une telle obligation résulte également de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’agissant des mesures prises par les États membres mettant en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

60      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré de l’absence de protection juridictionnelle effective dans l’hypothèse où son recours  serait rejeté comme étant irrecevable.

61      En tout état de cause, il sera loisible à la requérante ou à ses membres, le cas échéant, de contester devant la juridiction compétente, d’une part, les actes d’une institution de l’Union ou d’une autorité nationale appliquant à leur égard, en vertu du règlement attaqué, les dispositions du règlement n° 1107/2009 relatives aux substances dont la substitution est envisagée et, d’autre part, à cette occasion, d’exciper de l’invalidité desdites dispositions et du règlement attaqué.

62      En raison du fait que le règlement attaqué constitue un acte réglementaire qui comporte des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, il n’est pas nécessaire d’examiner l’éventuelle affectation directe des membres de la requérante.

63      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son intégralité comme étant irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la première fin de non-recevoir, tirée de l’absence d’intérêt à agir de la requérante.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission,

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention du Parlement et du Conseil.

3)      European Union Copper Task Force est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 27 avril 2016.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       S. Papasavvas



* Langue de procédure : l’anglais.