Language of document : ECLI:EU:F:2010:23

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

15 avril 2010 (*)

« Fonction publique — Fonctionnaires — Vacance d’emploi — Exécution d’un arrêt annulant la décision de nomination — Nouvel avis de vacance — Confiance légitime — Principe de vocation des fonctionnaires à la carrière — Égalité de traitement — Principe de bonne administration — Devoir de sollicitude — Erreur manifeste d’appréciation — Détournement de pouvoir »

Dans l’affaire F‑104/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Angel Angelidis, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par MÉ. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes C. Burgos et S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. H. Tagaras, président, S. Van Raepenbusch (rapporteur) et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : Mme S. Cidéron, assistante,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 novembre 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 décembre 2008, M. Angelidis, fonctionnaire du Parlement européen, demande :

–        l’annulation de l’avis de vacance d’emploi no 12564 relatif au poste de directeur de la direction des affaires budgétaires à la direction générale des politiques internes de l’Union du Parlement, des décisions de nomination de Mme V. à ce poste et de rejet de sa candidature audit poste, ainsi que des décisions portant rejet de ses réclamations dirigées contre ces décisions ;

–        la condamnation du Parlement au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice prétendument subi du fait des actes attaqués ci-dessus et,

–        en tout état de cause, l’attribution ad personam du grade de directeur.

 Cadre juridique

2        L’article 29, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») énonce :

« En vue de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné :

a)      les possibilités de pourvoir l’emploi par voie de :

i)      mutation ou

ii)      nomination conformément à l’article 45 bis ou

iii)      promotion

au sein de l’institution ;

[...]

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves.[…] »

 Antécédents du litige

3        Le 10 juillet 2003, le Parlement a publié l’avis de vacance d’emploi no 10069 en vue de pourvoir le poste, de grade A 2, de directeur des affaires budgétaires à la direction générale des commissions et délégations du Parlement, et ce d’abord par voie de promotion ou de mutation.

4        Par lettre du 5 septembre 2003, adressée au secrétaire général du Parlement, le requérant, fonctionnaire du Parlement de grade A 3, a présenté sa candidature audit poste. Deux autres fonctionnaires du Parlement ont présenté leur candidature au même poste, dont W, également de grade A 3. Les candidatures du requérant et de W ont été présentées au titre de la promotion, alors que la troisième candidature a été présentée au titre de la mutation. Par la suite, cette dernière candidature a été retirée.

5        À l’issue de la procédure de sélection, le bureau du Parlement, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a, par décision du 25 février 2004, décidé de nommer W au poste à pourvoir.

6        Sur recours du requérant introduit le 28 février 2005, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a, par arrêt du 13 décembre 2007, Angelidis/Parlement (T‑113/05, RecFP p. I‑A‑2‑237 et II‑A‑2‑1555, ci-après l’« arrêt Angelidis »), annulé la décision du bureau du Parlement du 25 février 2004 pour violation des formes substantielles.

7        Le 26 février 2008, le Parlement a publié, par voie électronique, à l’attention de tout le personnel, l’avis de vacance no 12564 (ci-après l’« avis de vacance » ou le « nouvel avis de vacance ») en vue de pourvoir le poste de directeur de la direction des affaires budgétaires à la direction générale des politiques internes de l’Union relevant du groupe de fonctions AD 14‑AD 15 (ci-après le « poste litigieux »), nouvel intitulé du poste sur lequel W avait été nommé. Le délai fixé pour le dépôt des candidatures expirait le 5 mars suivant, à 12 heures.

8        Sous la rubrique « Activités », l’avis de vacance précisait ce qui suit :

« Dans le cadre des orientations et décisions fixées par l’[a]utorité parlementaire et le [d]irecteur général :

–        assurer le bon fonctionnement d’une grande entité du [s]ecrétariat général comprenant plusieurs unités couvrant les domaines de compétence de la [d]irection ;

–        encadrer/animer/motiver/coordonner une ou plusieurs équipes d’agents — optimiser l’utilisation des ressources de l’entité en assurant la qualité du service (organisation, gestion des ressources humaines et budgétaires, innovation, etc.) dans ses domaines d’activité ;

–        planifier les activités de la [d]irection (définition des objectifs et des stratégies), prendre les décisions nécessaires pour atteindre les objectifs fixés, évaluer les prestations des services en vue de garantir leur qualité ;

–        conseiller le [d]irecteur général, le [s]ecrétariat général et les membres du Parlement dans son domaine de compétences, coopérer avec les différentes directions du [s]ecrétariat général ;

–        gérer et mener à terme des projets spécifiques pouvant impliquer des responsabilités financières ;

–        exercer la fonction d’ordonnateur subdélégué. »

9        Sous la rubrique « Compétences », l’avis de vacance mentionnait :

« A. Formation :

–        Études universitaires sanctionnées par un diplôme ou formation professionnelle de niveau équivalent, conformément à l’article 5 du [s]tatut.

B. Connaissances :

 

Niveau

- [c]ulture générale en affaires européennes ;

Excellent

- compréhension des enjeux politiques internes, nationaux et internationaux ;

Excellent

- compréhension des différentes cultures représentées au sein des institutions ;

Très bon

- connaissances des Traités ;

Excellent

- connaissance de la structure du [s]ecrétariat général, de son organisation, de son environnement et des divers intervenants ;

Excellent

- connaissance du règlement du Parlement européen des procédures législatives, des règles et pratiques internes ;

Excellent

- connaissance du règlement financier, des modalités d’exécution, des règles internes et autres textes subordonnés du Parlement européen ;

Excellent

- connaissances administratives (aspects ressources humaines, gestion, budget, finances, informatique, juridique, …) ;

Très bon

- connaissance des techniques de management ;

Excellent

- connaissance d’une langue officielle de l’Union européenne ;

Excellent

- connaissance de l’anglais et/ou du français ;

Très bon

- connaissance d’une ou [de] plusieurs autres langues officielles de l’Union européenne.

Très bon


C. Aptitudes :

–        [s]ens de la stratégie ;

–        capacité d’encadrement ;

–        capacité d’anticipation ;

–        capacité de réaction ;

–        rigueur ;

–        capacité de communication. »

10      Le même jour, le Parlement a publié, dans les mêmes conditions, un autre avis de vacance, no 12565, en vue de pourvoir le poste de directeur de la direction de la bibliothèque à la direction générale de la présidence du Parlement, poste auquel W sera nommé par décision du bureau du Parlement du 7 mai 2008.

11      Le 11 mars 2008 le requérant a pris connaissance de l’avis de vacance relatif au poste litigieux et posé, le même jour, sa candidature. Cette candidature a été réceptionnée par le service du courrier du Parlement le 18 mars 2008.

12      Par lettre du 20 mai 2008, enregistrée le 26 mai suivant, le requérant a introduit une réclamation contre l’avis de vacance et la procédure de recrutement initiée par cet avis de vacance, laquelle réclamation a été rejetée par décision du bureau du Parlement du 1er septembre 2008 communiquée au requérant par lettre du président du Parlement du 23 septembre 2008.

13      Par décision du 4 juin 2008, le bureau du Parlement a nommé Mme V. au poste litigieux. Par lettre du 19 juin 2008, le directeur général du personnel a informé le requérant que sa candidature avait été déclarée irrecevable, parce que tardive, par le comité consultatif.

14      Par lettre du 1er septembre 2008, enregistrée le 5 septembre suivant, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de nomination de Mme V. et contre la décision de rejet de sa candidature. Cette réclamation a été rejetée par décision du bureau du Parlement du 17 novembre 2008, communiquée au requérant par lettre du président du Parlement du 21 novembre suivant.

 Conclusions des parties

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AIPN du 23 septembre 2008 portant rejet de la réclamation et, par voie de conséquence, l’avis de vacance d’emploi no 12564 du 26 février 2008, ainsi que la procédure de recrutement initiée par cet avis de vacance ;

–        annuler la décision de l’AIPN du 21 novembre 2008 portant rejet de la réclamation et, par voie de conséquence, la décision du bureau du Parlement de nommer Mme V. au poste litigieux ainsi que la décision de rejet de sa candidature au même poste ;

–        condamner le Parlement au paiement d’une indemnité pour préjudice moral et matériel ainsi que pour atteinte à sa carrière qu’il évalue, sous réserve de majoration ou de minoration en cours de procédure, le tout confondu, à 25 000 euros, et ce, compte tenu notamment de la mauvaise exécution de l’arrêt Angelidis, de la constatation d’un grave détournement de pouvoir et des conditions dans lesquelles est intervenue la nouvelle nomination contestée ;

–        en tout état de cause et à tout le moins, lui attribuer ad personam le grade de directeur en raison du grave préjudice porté à sa carrière dans la mesure où le Parlement l’a injustement privé d’une nomination à un grade supérieur ;

–        condamner le Parlement à l’ensemble des dépens.

16      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme irrecevable s’agissant de la nomination de Mme V. au poste litigieux et comme non fondé pour le surplus ;

–        rejeter le recours en indemnité comme partiellement irrecevable et entièrement non fondé ;

–        rejeter comme irrecevable le chef de conclusions visant à l’attribution ad personam au requérant du grade de directeur ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 Sur l’objet du litige

17      Outre l’annulation de l’avis de vacance relatif au poste litigieux, de la décision de nomination à ce poste et de la décision de rejet de sa candidature audit poste, le requérant sollicite l’annulation des décisions portant rejet de ses deux réclamations en date respectivement des 1er septembre et 17 novembre 2008.

18      À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 43 ; arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Notarnicola/Cour des comptes, F‑85/08, RecFP p. I‑A‑1‑263 et II‑A‑1‑1429, point 14).

19      Il convient donc de considérer, même si l’intérêt légitime du requérant à demander distinctement l’annulation des décisions portant rejet de ses réclamations en même temps que celle des actes lui faisant grief ne peut être nié, que le recours doit être regardé comme dirigé uniquement contre l’avis de vacance du poste litigieux, la décision portant nomination à ce poste et la décision portant rejet de la candidature du requérant audit poste.

20      S’agissant du chef de conclusions concernant l’attribution au requérant du grade de directeur ad personam le Parlement estime qu’il tend à ce que le Tribunal adresse une injonction au Parlement. Partant, ce chef de conclusions devrait être déclaré irrecevable.

21      Le Parlement souligne à titre subsidiaire que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent les conditions pour pouvoir être promus. À plus forte raison, les fonctionnaires ne pourraient exiger le bénéfice du régime des promotions ad personam, lequel aurait autrefois été appliqué par le Parlement dans des cas exceptionnels en faveur de fonctionnaires très méritants parvenus à la fin de leur carrière.

22      Compte tenu de ce que le requérant fait valoir que sa demande d’attribution ad personam du grade de directeur devrait s’analyser en une demande de réparation en nature du préjudice prétendument subi du fait de l’attitude fautive et discriminatoire du Parlement à son égard, cette demande sera examinée dans le cadre des conclusions indemnitaires.

 Sur les conclusions en annulation

23      À l’appui de son recours, le requérant invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 233 CE et de l’article 29 du statut. Le deuxième moyen est tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de vocation des fonctionnaires à la carrière, de transparence et d’égalité de traitement. Le troisième moyen est tiré de la violation des principes de bonne administration et de saine gestion, ainsi que du devoir de sollicitude. Le quatrième moyen est tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir et d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’intérêt du service.

 En ce qui concerne le premier moyen

 Arguments des parties

24      Le requérant fait grief au Parlement de ne pas avoir correctement exécuté l’arrêt Angelidis. Au soutien de son moyen il invoque une jurisprudence constante selon laquelle, afin de donner pleine exécution à un arrêt d’annulation, les institutions doivent respecter tant le dispositif que les motifs de l’arrêt.

25      Le requérant estime que, dès lors que l’annulation d’un acte s’opère ex tunc, l’institution aurait dû prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, notamment en le replaçant dans une situation juridique identique à celle dans laquelle il se trouvait antérieurement aux actes annulés. Ainsi, le Parlement aurait dû reprendre la procédure de recrutement en l’état où elle se trouvait au moment de l’arrêt du Tribunal de première instance et par suite réexaminer sa candidature.

26      Selon le requérant, le Tribunal de première instance, sans aucunement remettre en cause la validité de l’avis de vacance d’emploi initial, a considéré, au point 77 de son arrêt, que le Parlement avait adopté la décision attaquée sans avoir au préalable examiné tous les éléments pertinents du cas d’espèce, ce qui, si tel avait été le cas, aurait pu engendrer une décision différente.

27      En ne reprenant pas l’examen comparatif des mérites des candidatures, le Parlement n’aurait pas respecté le principe d’exécution de bonne foi des arrêts d’annulation et aurait violé l’article 233 CE.

28      Le requérant ajoute que l’AIPN avait l’obligation d’informer les candidats présents à la procédure de recrutement initiale que celle-ci avait été annulée et qu’une nouvelle procédure de recrutement était lancée, s’appuyant sur une interprétation a contrario du point 48 de l’ordonnance du Tribunal de première instance du 29 juin 2005, Pappas/Comité des régions (T‑254/04, RecFP p. I‑A‑177 et II‑787).

29      L’argument du Parlement, selon lequel l’annulation par le juge de la décision de nomination d’un autre candidat au poste vacant, décision portant également rejet de la candidature du requérant audit poste, n’impliquait pas l’obligation pour l’AIPN de le nommer sur ce poste, ne serait pas pertinent dans la mesure où le requérant n’aurait jamais exigé que l’AIPN procède à sa nomination en application de l’arrêt Angelidis. En revanche, l’AIPN serait dans l’obligation de poursuivre la procédure initiale de recrutement ou d’y mettre, le cas échéant, un terme, avant d’en ouvrir une nouvelle. La latitude dont l’AIPN dispose dans le cadre du pourvoi d’un poste vacant ne lui permettrait toutefois pas de délaisser une procédure de recrutement invalidée par un arrêt du Tribunal de première instance, ne remettant toutefois pas en cause la phase initiale de la procédure de recrutement.

30      Le Parlement rétorque que le Tribunal de première instance a annulé la nomination de W pour violation des règles internes de procédure, mais n’a pas jugé que le Parlement avait commis une erreur manifeste d’appréciation en nommant W ni en le préférant au requérant. En outre, l’arrêt ne préciserait pas les mesures à prendre par le Parlement en vue de son exécution, si ce n’est d’éviter de commettre, lors de la nouvelle nomination, les mêmes violations de formes substantielles.

31      Pour se conformer à l’arrêt d’annulation, le Parlement aurait immédiatement replacé W au grade équivalent à celui qu’il détenait avant sa nomination au poste litigieux, c’est-à-dire au grade AD 14, avec le salaire correspondant. Le Parlement souligne, à cet égard, que W ne pouvait pas être replacé sur le poste qu’il occupait à la veille de la nomination annulée, puisque ce poste avait entre-temps été pourvu et était occupé par un autre agent. L’intéressé aurait donc brièvement continué à occuper le poste de directeur de la direction des affaires budgétaires, mais en tant que chef d’unité de grade AD 14. Il aurait, peu après, postulé pour le poste vacant de directeur de la bibliothèque à la direction générale de la présidence, auquel il aurait été nommé par décision du bureau du Parlement du 7 mai 2008.

32      S’agissant du nouvel avis de vacance d’emploi, le Parlement fait valoir que, selon une jurisprudence constante (arrêt du Tribunal de première instance du 14 février 1990, Hochbaum/Commission, T‑38/89, Rec. p. II‑43, point 15, et du 21 juin 1996, Moat/Commission, T‑41/95, RecFP p. I‑A‑319 et II‑939, point 38), il n’avait pas l’obligation de reprendre l’ancienne procédure de recrutement et était en droit d’en ouvrir une nouvelle. Selon une jurisprudence également constante (voir arrêt du Tribunal de première instance du 17 octobre 2006, Dehon/Parlement, T‑432/03 et T‑95/05, RecFP p. I‑A‑2‑209 et II‑A‑2‑1077, points 47 et 48, et la jurisprudence citée), il était en droit de publier un nouvel avis de vacance d’emploi sans annuler l’ancien, la publication du deuxième avis impliquant nécessairement l’annulation de l’avis précédent et l’organisation d’une nouvelle procédure de pourvoi du poste litigieux. Sur l’obligation d’informer le requérant, seul autre candidat à la procédure de recrutement initiale, de la mise en œuvre de la nouvelle procédure de recrutement, le Parlement conteste l’interprétation a contrario de l’ordonnance Pappas/Comité des régions, précitée, du requérant. Selon le Parlement le fait que le Tribunal de première instance ait mentionné la circonstance que l’ensemble des candidats avait été informé de la mise en œuvre de la nouvelle procédure ne signifierait pas que ledit Tribunal aurait constaté l’existence d’une illégalité si tel n’avait pas été le cas.

33      Le Parlement fait observer qu’en toute hypothèse, le requérant, seul candidat restant en lice dans le cadre de la procédure de recrutement initiale après l’annulation de la nomination de W, a été effectivement informé de la mise en œuvre de la nouvelle procédure de recrutement en même temps que l’ensemble du personnel du Parlement, par un courrier électronique envoyé le 26 février 2008, ce qu’il ne contesterait d’ailleurs pas. Selon le Parlement, en ne consultant pas sa messagerie électronique pendant plusieurs jours, le requérant aurait été empêché, du fait de sa négligence, de postuler dans les délais. Le Parlement souligne, à cet égard, que le requérant n’explique pas pourquoi, alors qu’il était présent au bureau, il n’a pas consulté sa messagerie électronique entre le 26 février et le 10 mars 2008.

 Appréciation du Tribunal

34      Par son premier moyen, le requérant reproche au Parlement de ne pas avoir correctement exécuté l’arrêt Angelidis en publiant le nouvel avis de vacance d’emploi no 12564 et, après avoir rejeté sa candidature, en nommant, ensuite, Mme V. au poste litigieux. Il estime que le Parlement était obligé de reprendre la procédure de recrutement initiale au stade de l’évaluation par le comité consultatif, lequel aurait donc dû réexaminer sa candidature.

35      Il convient de rappeler, tout d’abord, qu’en cas d’annulation par le juge d’un acte d’une institution, il incombe à cette dernière, en vertu de l’article 233 CE, applicable au litige, de prendre les mesures appropriées que comporte l’exécution de l’arrêt. Selon une jurisprudence constante, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition considérée comme illégale, d’autre part, font apparaître les raisons de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (ordonnance de la Cour du 13 juillet 2000, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, C‑8/99 P, Rec. p. I‑6031, points 19 et 20 ; arrêts du Tribunal de première instance du 27 juin 2000, Plug/Commission, T‑47/97, RecFP p. I‑A‑119 et II‑527, point 58 ; du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑119/99, RecFP p. I‑A‑239 et II‑1185, point 35 ; du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 56, et ordonnance Pappas/Comité des régions, précitée, point 36).

36      Quant aux effets de l’annulation d’un acte prononcée par le juge, il convient également de rappeler que celle-ci opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique. L’institution défenderesse est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, implique de replacer le requérant dans la situation juridique dans laquelle il se trouvait antérieurement à cet acte (voir ordonnance Pappas/Comité des régions, précitée, point 37).

37      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, le Parlement a correctement exécuté l’arrêt Angelidis.

38      À cet égard, il convient de rappeler que cet arrêt a annulé la décision du bureau du Parlement, du 25 février 2004, portant nomination de W au poste litigieux avec effet au 15 mars 2004. Il est constant que, après le prononcé dudit arrêt, le Parlement a reclassé W dans le grade qu’il détenait à la veille de sa nomination, soit le grade AD 14, à compter du 1er janvier 2008. Le Parlement n’a toutefois pas poursuivi le recouvrement du trop perçu entre le 15 mars 2004 et le 31 décembre 2007. Le Parlement n’a pas replacé W sur le poste qu’il occupait auparavant, car ce poste avait, entre-temps, été pourvu, de sorte que W a continué à occuper le poste litigieux et à en exercer les fonctions, mais en tant que chef d’unité de grade AD 14, jusqu’à sa nomination, en mai 2008, en qualité de directeur de la bibliothèque à la direction générale de la présidence du Parlement.

39      Le requérant soutient que le principe d’exécution de bonne foi des arrêts d’annulation commandait que le Parlement reprenne la procédure de recrutement ouverte par la publication de l’avis de vacance initial, dans l’état dans lequel elle se trouvait avant l’adoption de la décision illégale.

40      Cette thèse ne saurait être accueillie. L’arrêt Angelidis ne contient pas d’indications quant aux modalités de son exécution. Cet arrêt ne prévoit, en particulier, aucunement que l’AIPN était tenue de reprendre la procédure de recrutement dans l’état dans lequel elle se trouvait avant l’adoption de l’acte illégal ni qu’elle était obligée de reconsidérer les candidatures présentées dans le cadre de l’avis de vacance initial.

41      En effet, il n’appartenait pas au Tribunal de première instance de se substituer à l’autorité administrative pour déterminer les mesures concrètes que l’AIPN devait adopter en l’espèce. Il incombait à l’AIPN, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 233 CE, d’exercer un choix parmi les différentes mesures envisageables en vue de concilier les intérêts du service et la nécessité de redresser le tort infligé au requérant (arrêt du Tribunal de première instance du 8 octobre 1992, Meskens/Parlement, T‑84/91, Rec. p. II‑2335, point 78, et ordonnance Pappas/Comité des régions, précitée, point 44).

42      Or, selon une jurisprudence bien établie, l’AIPN n’est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement engagée en application de l’article 29 du statut (arrêt Dehon/Parlement, précité, point 49). Ce principe demeure applicable même dans l’hypothèse où, comme dans la présente espèce, la procédure de recrutement a été partiellement annulée par le juge. Il en résulte que l’arrêt Angelidis ne pouvait, en aucun cas, avoir d’incidence sur le pouvoir discrétionnaire de l’AIPN d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service en retirant l’avis de vacance initial et en ouvrant corrélativement une nouvelle procédure de pourvoi du poste litigieux (arrêts Hochbaum/Commission, précité, point 15, et Moat/Commission, précité, points 38 et 39). Dès lors qu’elle n’était pas tenue de donner suite à la procédure de recrutement initiale, l’AIPN pouvait, à plus forte raison, ouvrir une nouvelle procédure de recrutement sans être tenue de reprendre la procédure de recrutement initiale dans son état avant l’adoption de l’acte illégal.

43      Par conséquent, le Parlement avait le droit, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service en retirant l’avis de vacance d’emploi initial et en ouvrant corrélativement une nouvelle procédure de recrutement.

44      Il convient de relever que le requérant n’a nullement établi, ni même cherché à établir, que les qualifications et connaissances requises dans le nouvel avis de vacance n’étaient manifestement pas appropriées au regard de l’intérêt du service.

45      Par ailleurs, le fait que le Parlement n’a pas formellement mis un terme à la procédure de recrutement initiale avant d’ouvrir une nouvelle procédure n’est pas de nature à modifier l’analyse qui précède, la décision de publier le nouvel avis de vacance d’emploi pour le poste litigieux impliquant nécessairement l’abandon de la procédure initiale (arrêt Dehon/Parlement, précité, point 47).

46      C’est donc uniquement dans le cadre de la nouvelle procédure de pourvoi du poste litigieux ouverte par la publication de l’avis de vacance no°12564 qu’il y a lieu de vérifier, eu égard aux moyens et arguments du requérant, si l’AIPN a pris les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt Angelidis, comme elle y était tenue en vertu de l’article 233 CE.

47      Les griefs soulevés par le requérant à l’encontre de la nouvelle procédure de recrutement, en particulier celui tiré de la méconnaissance de la prétendue obligation pour l’administration d’informer les candidats présents à la procédure de recrutement initiale de la mise en œuvre de la nouvelle procédure, seront examinés dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième moyens.

48      Dans ces conditions, il doit être considéré, sous réserve de l’appréciation par le Tribunal de ces derniers griefs, qu’il n’est pas établi, à ce stade, que le Parlement a mal exécuté l’arrêt Angelidis et, partant, a enfreint l’article 233 CE en publiant un nouvel avis de vacance d’emploi pour pourvoir le poste litigieux. Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen.

 En ce qui concerne le deuxième moyen

 Arguments des parties

49      Le requérant fait observer que les fonctions ainsi que les qualifications et connaissances requises dans le nouvel avis de vacance d’emploi pour le poste litigieux diffèrent de celles qui étaient mentionnées dans l’avis de vacance initial. Ainsi, la référence au contrôle budgétaire, ainsi que la mise en place et la coordination d’un réseau d’administrateurs émanant des différentes commissions parlementaires spécialisées, responsables des questions budgétaires, auraient disparu dans le nouvel avis de vacance d’emploi, alors que ces composantes du poste à pourvoir auraient été considérées comme essentielles lors de la première procédure de recrutement. À l’inverse, parmi les connaissances requises, le nouvel avis de vacance aurait inclus les techniques de management, alors qu’il aurait fallu privilégier, en raison de la nature du poste, les connaissances en rapport avec les questions économiques, financières et budgétaires, et en ce qui concerne les activités relevant du poste, le nouvel avis de vacance aurait ajouté des activités générales de gestion administrative.

50      Le requérant estime que ces modifications l’ont placé dans une situation plus désavantageuse que lors du premier avis de vacance, car elles auraient permis à plus de candidats de postuler. L’élimination de critères qui lui auraient été particulièrement favorables, l’absence totale de transparence de la procédure suivie, sans qu’il en ait été personnellement informé, la précipitation dans laquelle le nouvel avis de vacance a été publié, le délai anormalement court fixé pour le dépôt des candidatures et le rejet pour tardiveté de sa candidature seraient autant de preuves de la volonté du Parlement de l’écarter « sciemment » du poste litigieux.

51      Le requérant conteste la défense du Parlement selon laquelle le grief tiré de la violation du principe d’égalité de traitement serait formulé sommairement. Il rappelle qu’il se trouvait clairement dans une situation différente de celle des autres candidats au poste litigieux puisque la procédure initiale de recrutement était restée ouverte, et uniquement à son égard. Il ne se trouvait donc pas dans une situation comparable à celle des autres candidats et ne pouvait donc subir le même traitement.

52      L’ensemble de ces faits démontrerait que le Parlement aurait adopté un comportement discriminatoire à l’égard du requérant et méconnu les principes de protection de la confiance légitime et de vocation à la carrière du fonctionnaire.

53      Le Parlement rétorque qu’il n’est pas tenu, à la suite d’un arrêt d’annulation d’une décision de nomination à un emploi, de reprendre la procédure engagée pour pourvoir le poste et qu’il peut ouvrir une nouvelle procédure de recrutement, et modifier, par voie de conséquence, les conditions requises pour le poste. Presque cinq années s’étant écoulées entre les deux avis de vacance d’emploi, il aurait été normal de réévaluer les qualifications demandées pour le poste et de modifier la structure générale de l’avis de vacance d’emploi.

54      Le Parlement n’aurait eu aucune obligation de prévenir personnellement le requérant. Le principe de transparence impliquait, selon le Parlement, que l’avis de vacance soit porté à la connaissance de tout le personnel de l’institution. Le Parlement ajoute qu’il découle clairement de la jurisprudence que le principe de la vocation de tout fonctionnaire à faire carrière au sein de son institution ne permettait pas au requérant d’exiger d’être nommé directeur, que ce soit sur le poste litigieux ou sur un autre poste, une telle nomination ne pouvant se faire qu’à l’issue d’un examen comparatif des candidatures.

55      Enfin, s’agissant de la prétendue discrimination dont le requérant aurait fait l’objet, le Parlement estime que le requérant ne précise pas en quoi elle consisterait, par rapport à qui il aurait été discriminé, ni si la prétendue discrimination consisterait à avoir traité différemment des personnes se trouvant dans une situation comparable ou, au contraire, à avoir traité de manière identique des situations différentes. Ledit grief serait dès lors irrecevable, l’exposé des moyens et arguments dans la requête ne pouvant être sommaire.

56      Sur le fond, le Parlement fait valoir que l’annulation de la nomination de W au poste litigieux par le Tribunal de première instance n’impliquait pas que le requérant soit placé dans une situation différente de celle des autres fonctionnaires en ce qui concerne le pourvoi dudit poste. Au contraire, selon le Parlement, le requérant devait être placé dans la même situation que celle des autres fonctionnaires remplissant les conditions pour postuler.

 Appréciation du Tribunal

57      Ainsi qu’il a été souligné au point 42 du présent arrêt, l’arrêt Angélidis ne pouvait en aucun cas avoir d’incidence sur le pouvoir discrétionnaire du Parlement d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service en retirant l’avis de vacance d’emploi initial et en ouvrant corrélativement une nouvelle procédure de pourvoi de l’emploi litigieux. Il en est d’autant plus ainsi que presque cinq années s’étaient écoulées depuis la publication de l’avis de vacance initial et qu’il pouvait s’avérer nécessaire d’adapter les exigences requises pour l’emploi à pourvoir aux nouveaux besoins du service.

58      Comme cela a été relevé au point 44 ci-dessus, le requérant n’a nullement établi, ni même cherché à établir, que les qualifications et connaissances requises dans le nouvel avis de vacance n’étaient manifestement pas appropriées au regard de l’intérêt du service et, en particulier, au regard de la nature des fonctions attachées au poste litigieux. Il convient de rappeler que l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer l’intérêt du service et, en particulier, pour définir les exigences spécifiques du poste à pourvoir, le contrôle du juge devant se limiter à la question de savoir si l’AIPN s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 12 juin 1997, Carbajo Ferrero/Parlement, T‑237/95, RecFP p. I‑A‑141 et II‑429, point 99).

59      Le requérant se borne, pour l’essentiel, à faire valoir que les modifications apportées à l’avis de vacance d’emploi initial par le nouvel avis de vacance l’auraient placé dans une situation plus désavantageuse, notamment parce que les nouveaux candidats présents à la nouvelle procédure de recrutement auraient été plus nombreux à postuler. Or, l’ouverture de la nouvelle procédure de pourvoi du poste litigieux avait précisément pour objectif de permettre au Parlement d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service.

60      Dans ces conditions, il incombait au Parlement de garantir l’égalité de traitement entre les candidats au poste litigieux dans le cadre de la nouvelle procédure de recrutement et de procéder à l’examen comparatif des candidatures. L’exécution de l’arrêt Angelidis n’impliquait évidemment pas l’obligation pour l’AIPN de nommer le requérant au poste litigieux, et ce même dans l’hypothèse où la candidature de ce dernier au titre de la promotion aurait rempli toutes les conditions et exigences requises par l’avis de vacance (arrêt Dehon/Parlement, précité, point 56).

61      La question de savoir s’il incombait au Parlement de prévenir personnellement le requérant sera examinée dans le cadre du troisième moyen.

62      Compte tenu de tout ce qui précède, et sous réserve du grief visé au point précédent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 En ce qui concerne le troisième moyen

 Arguments des parties

63      Selon le requérant, dès lors qu’il était le principal intéressé et le seul autre candidat présent à la procédure initiale de pourvoi du poste litigieux, il était directement concerné par la façon dont l’arrêt annulant la nomination au poste litigieux allait être exécuté et aurait donc dû être informé autrement que par la voie d’un courrier électronique général, adressé à l’ensemble du personnel, de la publication d’un nouvel avis de vacance pour le poste litigieux. Le requérant s’appuie sur une interprétation a contrario du point 48 de l’ordonnance Pappas/Comité des régions, précitée.

64      En publiant un nouvel avis de vacance d’emploi sans avoir annulé l’avis de vacance initial et sans en avoir personnellement informé le seul autre candidat à la procédure de recrutement initiale, le Parlement aurait fait preuve d’un manque de transparence dans l’exécution de l’arrêt Angelidis et en outre manqué à son devoir de sollicitude ainsi qu’aux principes de bonne administration et de saine gestion.

65      Le requérant fait également valoir que sa candidature a été, à tort, jugée irrégulière par le Parlement. L’interprétation de celui-ci selon laquelle l’avis de vacance constitue le cadre légal dont le non-respect entraîne le rejet de toute candidature introduite en méconnaissance de ce cadre serait trop stricte. Les principes de bonne administration et de vocation à la carrière ainsi que le devoir de sollicitude exigeaient, au contraire, selon le requérant, que sa candidature, même tardive, fût prise en considération (arrêt du Tribunal de première instance du 18 mars 1997, Picciolo et Caló/Comité des régions, T‑178/95 et T‑179/95, RecFP p. I‑A‑51 et II‑155, point 58 in fine).

66      Enfin, le requérant estime que le délai prévu pour le dépôt des candidatures était trop court. Un délai de huit jours et demi seulement, dont six jours et demi ouvrables, était prévu alors que l’AIPN mentionnerait elle-même, dans sa décision de rejet de la réclamation du 20 mai 2008, une jurisprudence aux termes de laquelle le juge estime qu’un laps de temps de treize jours doit être considéré comme suffisant pour renseigner utilement les candidats potentiels lorsqu’il s’agit d’une publication d’un poste au niveau interinstitutionnel.

67      Le Parlement se serait ainsi écarté de sa pratique habituelle, ce qui serait d’autant plus anormal compte tenu de l’importance du poste litigieux. L’extrême brièveté du délai pour le dépôt des candidatures et l’absence totale d’information personnelle à l’attention du requérant démontreraient la volonté de l’administration de tout faire pour ne pas nommer le requérant au poste litigieux.

68      Le Parlement rétorque que, selon la pratique habituelle de l’institution, un délai de onze jours et demi est prévu pour le dépôt des candidatures. En l’espèce, le délai aurait été plus court car il fallait pourvoir le poste au plus vite, mais il serait resté suffisant pour permettre aux candidats potentiels de prendre connaissance de l’avis de vacance d’emploi et de postuler. De plus, tout retard justifié par un congé annuel, une mission ou un congé de maladie aurait été pris en compte, avec pour conséquence que, bien que tardive, la candidature aurait été considérée comme recevable.

69      En l’espèce, le requérant n’expliquerait pas pourquoi, alors qu’il était en activité pendant la période en cause, il n’a pas consulté sa messagerie électronique entre le 26 février et le 10 mars 2008. Le Parlement est d’avis que ce n’est pas l’attitude de l’administration, mais plutôt la négligence du requérant qui l’a empêché de prendre connaissance plus tôt de l’avis de vacance et de poser sa candidature dans les délais.

70      Le Parlement ajoute que, même s’il avait retenu le délai habituel de onze jours et demi, la candidature du requérant aurait été tardive, puisque le délai aurait expiré le 8 mars 2008.

71      Enfin, le Parlement observe que, selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude ne saurait, en aucun cas, contraindre l’administration à agir à l’encontre des dispositions applicables. Or, l’avis de vacance formerait le cadre légal que l’AIPN s’impose à elle-même et dont elle ne saurait s’écarter (arrêt du Tribunal de première instance du 19 mars 1997, Giannini/Commission, T‑21/96, RecFP p. I‑A‑69 et II‑211, point 19). Par conséquent, le Parlement n’aurait pas eu la faculté de considérer la candidature du requérant comme recevable même en application du devoir de sollicitude.

 Appréciation du Tribunal

72      Le troisième moyen comporte deux branches :

–        la première est tirée de ce que le Parlement aurait méconnu les principes de bonne administration et de saine gestion, ainsi que son devoir de sollicitude en n’informant pas personnellement le requérant des suites réservées à l’arrêt Angelidis ;

–        la seconde est tirée de ce que le Parlement aurait méconnu les mêmes principes et devoir, ainsi que le principe de vocation du fonctionnaire à la carrière en refusant de prendre en compte la candidature du requérant, même tardive, et, en tout état de cause, en fixant un délai anormalement court pour le dépôt des candidatures.

–       Sur la première branche

73      Même si le requérant a pu éprouver une incertitude au sujet des intentions du Parlement concernant le poste litigieux, après le prononcé de l’arrêt Angelidis, il n’en demeure pas moins que la publication du nouvel avis de vacance pour ce poste, le 28 février 2008, était de nature à le mettre en mesure de connaître le sort réservé par l’AIPN à cet emploi après l’arrêt Angelidis.

74      Si une insuffisance d’information des candidats à un emploi vacant sur le sort réservé à cet emploi, après un arrêt constatant l’illégalité de la procédure de recrutement, pourrait, au regard des circonstances de l’espèce, être de nature à constituer une argumentation pertinente aux fins de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’administration vis-à-vis des intéressés, cette insuffisance d’information des candidats n’est pas de nature à entraîner par elle-même l’illégalité du nouvel avis de vacance de l’emploi en cause.

75      Il est vrai que, au point 48 de l’ordonnance Pappas/Comité des régions, précitée, le Tribunal de première instance a considéré que cette institution avait correctement exécuté un arrêt d’annulation et, partant, n’avait pas enfreint l’article 233 CE en annulant l’avis de recrutement initial et en publiant un nouvel avis de vacance, « alors surtout que l’ensemble des candidats a[vait] été informé de la mise en œuvre de la nouvelle procédure et pouvait, dès lors, à nouveau postuler ».

76      Il ne saurait toutefois être déduit, par une interprétation a contrario des motifs précités, que la légalité d’un nouvel avis de vacance d’emploi pour pourvoir un poste, faisant suite à l’arrêt d’annulation de la nomination sur ce poste, serait subordonnée à l’accomplissement d’une formalité substantielle consistant à informer individuellement chaque candidat ayant déposé sa candidature dans le cadre du premier avis de vacance d’emploi de la mise en œuvre d’une nouvelle procédure de recrutement.

77      La première branche du troisième moyen doit, en conséquence, être rejetée.

–       Sur la seconde branche

78      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, l’avis de vacance d’emploi a pour fonction, d’une part, d’informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper un emploi à pourvoir, d’autre part, de fixer le cadre de légalité dans lequel l’AIPN entend procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats et qu’elle s’impose à elle-même (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 4 mai 2005, Sena/AESA, T‑30/04, RecFP p. I‑A‑113 et II‑519, point 52). L’AIPN s’écarterait de ce cadre et méconnaîtrait, de surcroît, le principe d’égalité de traitement, si elle devait accepter une candidature déposée après l’expiration du délai fixé à cet effet par l’avis de vacance d’emploi, et dont le retard ne pourrait être expliqué par la survenance d’un cas fortuit ou de force majeure.

79      En l’espèce, il est constant que la candidature du requérant à la suite de la publication de l’avis de vacance, a été introduite après la date limite, du 5 mars 2008 à 12 heures, fixée pour le dépôt des candidatures.

80      Le requérant explique ce retard par la circonstance qu’il n’aurait pris connaissance que le 11 mars 2008 de l’avis de vacance diffusé par courrier électronique à l’ensemble du personnel du Parlement, le 26 février 2008. Or, une telle explication ne saurait suffire à justifier le dépassement du délai fixé pour le dépôt des candidatures, d’autant que le requérant, selon les dires du Parlement, qui n’a pas été contesté sur ce point, était pleinement en activité durant la période en cause.

81      La tardiveté du dépôt de la candidature du requérant ne saurait davantage être justifiée par la circonstance que le délai fixé par l’avis de vacance d’emploi aurait été trop bref. Il suffit, à cet égard, de constater que ce délai était de huit jours et demi et qu’un tel laps de temps ne saurait être considéré comme déraisonnable. Ce délai traduit l’équilibre que l’AIPN a recherché entre l’intérêt du service, et notamment la nécessité de pourvoir le poste rapidement, et celui des candidats potentiels. Dans la mesure où il n’apparaît pas déraisonnable, le requérant ne peut prétendre que l’administration aurait dû accueillir sa candidature, malgré sa tardiveté, en vertu du devoir de sollicitude, du principe de bonne administration et du principe de vocation du fonctionnaire à faire carrière.

82      Sa seconde branche n’étant pas non plus fondée, il y a lieu, en conséquence, de rejeter le troisième moyen.

 En ce qui concerne le quatrième moyen

 Arguments des parties

83      Le requérant fait valoir, en premier lieu, que la décision du Parlement de publier un nouvel avis de vacance d’emploi pour le poste litigieux, sans avoir clôturé la première procédure de recrutement, sans l’avoir tenu informé de ses intentions pour l’exécution de l’arrêt Angelidis, ni de la procédure de pourvoi du poste qui serait suivie, et avec un délai pour le dépôt des candidatures anormalement court eu égard au grade élevé et à l’importance du poste, ainsi que la décision de rejeter sa candidature pour tardiveté seraient autant d’éléments manifestant la volonté délibérée du Parlement, contraire à l’intérêt du service, de ne pas le nommer au poste litigieux, alors qu’il aurait disposé des qualifications requises et qu’il était, au départ, le seul autre candidat pour le poste litigieux, ce qui constituerait autant d’indices d’un détournement de pouvoir.

84      La circonstance que W ait continué, après le prononcé de l’arrêt Angelidis, à occuper temporairement et officieusement le poste litigieux auquel il avait été illégalement nommé, constituerait un autre indice de détournement de pouvoir. Le requérant souligne, à cet égard, que W a occupé le poste litigieux ad interim, entre l’arrêt Angelidis et la nomination de Mme V., sans que le bureau du Parlement en ait été informé.

85      En second lieu, le requérant, s’il admet que pour être fondée une erreur d’appréciation dans le choix des fonctionnaires doit être manifeste, fait néanmoins valoir que le détournement de pouvoir qui aurait été commis par le Parlement, en ce qu’il aurait cherché à l’écarter ou à promouvoir un candidat ayant des qualifications moins adéquates, serait précisément constitutif d’une telle erreur manifeste d’appréciation dans le choix des fonctionnaires.

86      Quant à la recevabilité de ce dernier grief, le requérant fait valoir qu’il a bien un intérêt personnel, né et actuel à obtenir un jugement constatant l’illégalité tant de la procédure ayant mené à la décision de nomination de Mme V. que de la décision de rejet de sa propre candidature.

87      Le Parlement soutient avoir correctement exécuté l’arrêt Angelidis et estime que le requérant ne démontre ni que l’AIPN a poursuivi un but autre que celui de se donner la possibilité de nommer le meilleur candidat possible au poste litigieux, ni en quoi Mme V. était « un candidat moins indiqué ».

88      Sur ce dernier point, le Parlement considère que le requérant n’aurait aucun intérêt à agir pour contester la nomination de Mme V. puisque sa candidature devait de toute façon être écartée comme irrecevable.

 Appréciation du Tribunal

89      Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre un but autre que celui poursuivi par la réglementation en cause (arrêts de la Cour du 25 février 1987, Banner/Parlement, 52/86, Rec. p. 979, point 6, et du 8 juin 1988, Vlachou/Cour des comptes, 135/87, Rec. p. 2901, point 27 ; arrêt du Tribunal du 21 octobre 2009, V/Commission, F‑33/08, RecFP p. I‑A‑1‑403 et II‑A‑1‑2159, point 250).

90      Le requérant soutient que le but poursuivi par l’administration était délibérément de ne pas le nommer au poste litigieux, alors qu’il aurait disposé des qualifications requises et qu’il était, lorsque la nouvelle procédure de recrutement a été lancée, le seul candidat restant en lice dans le cadre de la première procédure de recrutement.

91      Cependant, ainsi qu’il ressort de la réponse au premier moyen, l’AIPN n’était pas tenue de reprendre la procédure de pourvoi de l’emploi en cause dans l’état où elle se trouvait avant l’adoption de l’acte illégal, ni de reconsidérer les candidatures déposées dans le cadre de l’avis de vacance d’emploi initial, mais pouvait valablement ouvrir une nouvelle procédure de pourvoi du poste afin notamment d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service.

92      Le requérant n’établit donc pas, par des indices suffisamment précis, concrets et concordants, que l’AIPN a fait usage de l’article 29, paragraphe 1, du statut dans un but illégitime, étranger aux finalités poursuivies par cette disposition.

93      Le quatrième moyen doit, par conséquent, être écarté.

94      Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions dirigées contre l’avis de vacance d’emploi no 12564 relatif au poste litigieux, d’une part, la décision de nomination de Mme V. au poste litigieux et la décision de rejet de la candidature du requérant audit poste, d’autre part, doivent être rejetées.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

95      Le requérant estime que les diverses illégalités invoquées ci-dessus sont constitutives d’une faute de service de nature à engager la responsabilité du Parlement. L’attitude fautive et discriminatoire de ce dernier aurait gravement porté atteinte à sa carrière.

96      Le requérant estime avoir subi un préjudice matériel correspondant à la différence entre, d’une part, les traitements et autres avantages auxquels il aurait eu droit en tant que titulaire du poste litigieux, d’autre part, ceux dont il a effectivement bénéficié. Le requérant aurait également subi un préjudice moral en raison du manque de sérieux et de sollicitude dont le Parlement aurait fait preuve envers lui et ce, en dépit de ses qualifications professionnelles exceptionnelles et de ses excellents états de service depuis son recrutement par le Parlement le 1er janvier 1988. Le requérant souligne, à cet égard, l’état de stress, d’incertitude et d’inquiétude qu’aurait engendré l’injustice à laquelle il aurait été confronté.

97      En conséquence, le requérant postule le paiement d’une indemnité pour préjudice moral et matériel, ainsi que pour atteinte à sa carrière, qu’il évalue, sous réserve de majoration ou de minoration en cours de procédure, le tout confondu, à 25 000 euros. En tout état de cause, il postule, à tout le moins, une réparation en nature consistant dans l’attribution ad personam du grade de directeur.

98      Le Parlement rétorque que, le recours en annulation n’étant pas fondé, le recours en indemnité ne le serait pas non plus. Il observe, à titre subsidiaire, que l’évaluation du dommage par le requérant n’est pas correcte car elle ne correspondrait pas au calcul de la perte prétendument subie par le requérant.

 Appréciation du Tribunal

99      Il convient de relever, en premier lieu, s’agissant du préjudice matériel invoqué par le requérant, que ce préjudice a pour origine la décision de rejet de sa candidature au poste litigieux.

100    Or, dans la mesure où le Tribunal n’a pu relever aucune illégalité dont cette décision de rejet serait entachée et a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de ladite décision, les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel allégué, étroitement liées à ces conclusions, doivent également être rejetées.

101    S’agissant en second lieu du préjudice moral invoqué par le requérant, il convient de relever que ce préjudice a pour causes prétendues les différentes décisions contestées dans le cadre du recours en annulation, de telle sorte que les conclusions indemnitaires qui s’y rattachent doivent être rejetées. Mais ce préjudice a également pour causes prétendues l’état de stress, d’incertitude et d’inquiétude dans lequel le requérant se serait trouvé du fait de n’avoir pas été tenu informé personnellement des intentions du Parlement sur le sort réservé au poste litigieux après le prononcé de l’arrêt Angelidis.

102    À cet égard, il ne saurait être exclu, que le requérant ait pu éprouver une incertitude sur les intentions du Parlement après le prononcé de l’arrêt Angelidis, incertitude qui aurait pu être aisément dissipée par une prise de contact, même informelle, entre les services du Parlement et le requérant, par laquelle l’institution aurait porté à sa connaissance son intention de ne pas donner suite à la procédure initiale de recrutement. Le silence observé par le Parlement à l’égard du requérant peut apparaître comme le signe d’un manque de considération vis-à-vis de ses aspirations professionnelles légitimes et est constitutif d’une violation du principe de bonne gestion administrative.

103    Il y a lieu, pour ce dernier motif, de condamner le Parlement à verser au requérant la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral et, compte tenu de ce qui précède, de rejeter, pour le surplus, les conclusions indemnitaires du requérant.

 Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Par ailleurs, selon l’article 88 du règlement de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement voire totalement aux dépens, si cela paraît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance.

105    Le requérant est la partie qui succombe pour l’essentiel. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, demandé à ce que le requérant soit condamné aux dépens de l’instance.

106    Toutefois, le Tribunal estime, compte tenu des considérations figurant au point 102 du présent arrêt, qu’il y a lieu de décider que le Parlement, outre ses propres dépens, supporte le tiers des dépens du requérant et que ce dernier supporte les deux tiers de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le Parlement européen est condamné à verser la somme de 1 000 euros à M. Angelidis.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Parlement européen supporte ses propres dépens et le tiers des dépens de M. Angelidis.

4)      M. Angelidis supporte les deux tiers de ses propres dépens.

Tagaras

Van Raepenbusch

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 avril 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Tagaras


* Langue de procédure : le français.