Language of document : ECLI:EU:F:2014:246

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

13 novembre 2014 (*)

« Fonction publique – Personnel du SEAE – Agent temporaire – Chef de délégation dans un pays tiers – Cessation anticipée des fonctions de chef de délégation – Transfert au siège du SEAE – Droits de la défense – Intérêt du service – Motivation »

Dans l’affaire F‑78/13,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Stéphane De Loecker, agent temporaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté initialement par Mes J.-N. Louis, A. Coolen et É. Marchal, avocats, puis par Me J.-N. Louis, avocat,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. S. Marquardt et Mme M. Silva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé, lors du délibéré, de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, MM. K. Bradley et J. Svenningsen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

vu l’accord des parties pour que le Tribunal statue sans audience,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 août 2013, M. De Loecker demande, en substance, l’annulation de la décision du 15 juillet 2013 par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a procédé, dans l’intérêt du service, à son transfert de son poste à Bujumbura (Burundi) sur un poste à Bruxelles (Belgique).

 Cadre juridique

2        L’article 2 du règlement applicable aux autres agents de l’Union européenne dans sa version applicable au litige (ci-après le « RAA ») dispose :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du [RAA] :

[…]

e)      le personnel détaché des services diplomatiques nationaux des États membres engagé pour occuper temporairement un poste permanent au SEAE. »

3        Le 18 janvier 2011, le requérant et le SEAE ont signé un contrat d’engagement. Conformément à l’article 1 dudit contrat :

« Le SEAE emploie M. Stéphane De Loecker en tant qu’agent temporaire, selon l’article 2, [sous] e, du [RAA], à partir du 1[er janvier] 2011.

À la signature du présent contrat, le membre du personnel est soumis au [RAA] ainsi qu’aux règles sur l’impôt communautaire. […] »

4        Selon l’article 2 du contrat d’engagement :

« Le membre du personnel est employé en tant que [c]hef de la [d]élégation de l’Union européenne au Burundi.

Le lieu d’affectation est Bujumbura – Burundi. »

 Faits à l’origine du litige

5        Le requérant, agent détaché des services diplomatiques belges, a été recruté par le SEAE dans le cadre d’un contrat de quatre ans en qualité d’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous e), du RAA, pour occuper, à compter du 1er janvier 2011, le poste de chef de la délégation de l’Union européenne à Bujumbura (ci-après la « délégation »).

6        Au cours de l’année 2012, suite à une plainte introduite, entre autres, par son assistante, une enquête administrative a été ouverte à l’encontre du requérant sur base d’allégations portant sur un harcèlement moral du requérant envers cette assistante, son comportement public et un manquement aux règles administratives (ci-après l’« enquête administrative de 2012 »).

7        Par note du 9 novembre 2012, le requérant a été informé par sa hiérarchie que l’enquête administrative de 2012 n’avait révélé aucun élément sérieux de nature à caractériser des faits de harcèlement moral, ni mis en évidence des actes ou des comportements susceptibles de porter atteinte à la dignité de sa fonction, à son indépendance ou à la défense des intérêts de l’Union.

8        Par une seconde note du même jour, le requérant a été informé par sa hiérarchie qu’elle avait décidé de ne pas adopter de sanction disciplinaire à son égard, mais qu’elle lui adressait néanmoins une mise en garde, conformément aux dispositions de l’article 3, sous b), de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne alors en vigueur (ci-après le « statut »). Par la même note, le requérant a été invité à prêter attention au respect des règles relatives à l’utilisation des véhicules de la délégation, ainsi qu’à celles relatives à la prévention des risques de conflits d’intérêts dans l’attribution des marchés publics.

9        Du 10 au 14 juin 2013, la délégation a fait l’objet d’une inspection par une mission d’appui et d’évaluation, dont le projet de rapport a notamment fait état de manquements graves dans la gestion de la délégation.

10      Le 24 juin 2013, le directeur général administratif (« chief operating officer ») du SEAE (ci-après le « directeur général administratif ») a téléphoné au requérant pour l’informer de son rappel en urgence au siège du SEAE à Bruxelles pour consultation (ci-après le « rappel au siège pour consultation »), afin de recueillir ses observations sur les conclusions du projet de rapport de la mission d’évaluation.

11      Le 27 juin 2013, un entretien a eu lieu entre le requérant et le directeur général administratif pendant lequel le requérant a reçu un extrait du projet de rapport de la mission d’évaluation contenant les principales conclusions le concernant (ci-après l’« entretien du 27 juin 2013 »). Aux dires du requérant, le directeur général administratif l’aurait informé au cours de cet entretien que le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant »), en sa qualité d’AHCC du SEAE, avait déjà pris la décision de le réaffecter au siège.

12      Le 1er juillet 2013, le requérant a reçu le projet de rapport de la mission d’évaluation.

13      Le 4 juillet 2013, une réunion s’est tenue entre le requérant et plusieurs membres du personnel du SEAE et de la direction générale (DG) « Développement et Coopération – Europeaid » de la Commission européenne (ci-après la « DG ‘Développement et coopération’»), afin de permettre au requérant de faire valoir ses commentaires sur le projet de rapport de la mission d’évaluation (ci-après la « réunion du 4 juillet 2013 » ou la « réunion du 4 juillet suivant »). À cette occasion, un délai de cinq jours ouvrables a été accordé au requérant pour formuler par écrit ses observations sur le projet de rapport susmentionné. Selon le requérant, il aurait été informé au début de la réunion du fait que « la décision de principe [était] déjà prise ».

14      Le 7 juillet 2013, le requérant a transmis ses commentaires sur le projet de rapport de la mission d’évaluation.

15      Par décision du haut représentant, agissant en qualité d’AHCC, du 15 juillet 2013, le requérant a été transféré, dans l’intérêt du service et avec effet immédiat, au siège du SEAE à Bruxelles sur un poste à la direction des ressources humaines de la direction générale de l’administration et des finances du SEAE (ci-après la « décision attaquée »).

16      Le 18 juillet 2013, la décision attaquée a été notifiée au requérant.

17      Après la publication fin juillet et début août 2013, sur un site internet burundais, d’articles virulents à l’encontre du requérant, celui-ci, par courrier du 2 août 2013 adressé au directeur général administratif, a fait une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut et a demandé le retrait de la décision attaquée. Dans ce courrier, le requérant a déclaré s’engager « dès à présent et irrévocablement à accepter d’être relevé de ses fonctions à Bujumbura dès la fin de [la conférence internationale sur les questions de coopération qui devait s’y tenir en octobre], après avoir accompli les démarches diplomatiques d’usage en fin de mandat, à prendre ses congés restants, à procéder sans délai à son déménagement et à rejoindre le service diplomatique belge le 1er janvier 2014 ». Le courrier précisait que cette « solution permettrait […] de rétablir l’honneur et la dignité [du requérant] envers les autorités du pays […] et […] les institutions de l’Union ».

18      Par courrier du 7 août 2013, le directeur de la direction des ressources humaines du SEAE a fait savoir au requérant, en réponse à son courrier du 2 août précédent, que la décision attaquée était irrévocable, y compris dans sa date d’effet, qu’il avait été convenu qu’il retourne au plus vite à Bujumbura pour organiser son déménagement et qu’un « report au-delà du 1er septembre serait en contradiction avec les arrangements convenus ».

19      Le 10 août 2013, le requérant a introduit une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision attaquée.

20      Le 12 août 2013, la réclamation a été enregistrée par les services compétents de la Commission, avec laquelle le SEAE a conclu un arrangement administratif concernant le traitement des réclamations au titre de l’article 90 du statut.

21      Par requêtes séparées parvenues au greffe du Tribunal le 23 août 2013, le requérant a saisi le Tribunal, d’une part, du présent recours et, d’autre part, par voie de référé, d’une demande de sursis immédiat à exécution de la décision attaquée ainsi que de suspension de son exécution jusqu’au 15 novembre 2013. La demande en référé a été rejetée par ordonnance du 12 septembre 2013 (De Loecker/SEAE, F‑78/13 R, EU:F:2013:134).

22      Par lettre du 2 octobre 2013, le Tribunal a demandé aux parties si elles étaient disposées à entamer des négociations en vue d’un éventuel règlement amiable du litige. Les parties n’ayant pas réussi à se mettre d’accord, le Tribunal a constaté l’échec de la tentative de règlement amiable, ce dont les parties ont été informées par lettre du greffe du 21 novembre 2013.

23      Par décision de l’AHCC du 12 décembre 2013, la réclamation du requérant a été rejetée.

 Conclusions des parties et procédure

24      Dans la requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        constater que, en adoptant la décision attaquée, le SEAE a commis une succession de fautes de service engageant la responsabilité de l’Union ;

–        constater que la décision attaquée a causé au requérant et à son épouse un préjudice grave ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

25      Dans son mémoire en défense, le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête comme non fondée en ce qui concerne la demande d’annulation de la décision attaquée ;

–        rejeter la requête comme irrecevable en ce qui concerne la demande de constater des fautes de service engageant la responsabilité de l’Union et portant préjudice grave au requérant et à son épouse ; à titre subsidiaire, rejeter cette demande comme non fondée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

26      Un double échange de mémoires a eu lieu. Dans sa réplique, le requérant a, outre ses conclusions formulées dans la requête, demandé au Tribunal de condamner le SEAE au paiement de un euro symbolique à titre de réparation du dommage moral et de procéder, à titre de mesure d’instruction, à l’audition de plusieurs témoins. Dans sa duplique, le SEAE a conclu à ce que le Tribunal rejette la demande de paiement d’une compensation symbolique comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée.

27      Le Tribunal s’estimant alors en mesure de statuer sans procédure orale, les parties ont été invitées, par courrier du greffe du 11 septembre 2014, à faire part au Tribunal de leur accord, ou désaccord, sur la proposition de statuer sans audience, sur le fondement de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure alors en vigueur. Les parties ont exprimé leur accord sur la proposition du Tribunal de statuer sans audience.

 En droit

A –  Sur les conclusions en annulation

28      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 2 du contrat d’engagement et de l’article 2, sous e), du RAA, le deuxième, de la violation de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 (ci-après la « convention de Vienne ») et des pratiques diplomatiques en vigueur au Burundi, le troisième, de l’erreur manifeste d’appréciation, d’un détournement de la procédure et de la violation de l’article 26 du statut, des droits de la défense, du devoir de sollicitude et des principes de proportionnalité et de bonne administration et, le quatrième, d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

29      Le Tribunal examinera successivement et dans cet ordre les troisième, quatrième, premier et deuxième moyens.

1.     Sur le troisième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, d’un détournement de la procédure et de la violation de l’article 26 du statut, des droits de la défense, du devoir de sollicitude et des principes de proportionnalité et de bonne administration

a)     Sur la première branche, tirée de la violation des droits de la défense

 Arguments des parties

30      Le requérant fait valoir que ses droits de la défense, et notamment son droit d’être entendu avant l’adoption de toute décision lui faisant grief, ont été violés. Il affirme que la décision attaquée était déjà arrêtée avant son rappel au siège pour consultation, et donc avant l’entretien du 27 juin 2013, avant qu’il ait pu prendre connaissance du projet de rapport de la mission d’évaluation, avant son audition au cours de la réunion du 4 juillet suivant et avant d’avoir pu faire par écrit ses commentaires sur ce projet de rapport. De plus, avant l’adoption de la décision attaquée, il n’aurait jamais été formellement informé de ce que l’AHCC envisageait de le réaffecter au siège.

31      Dans sa réplique, le requérant ajoute que le haut représentant ne l’aurait pas entendu avant d’adopter la décision attaquée, malgré sa demande expresse en ce sens.

32      Le SEAE estime que la première branche du moyen n’est pas fondée.

 Appréciation du Tribunal

33      Il y lieu de rappeler que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union. Il découle de ce principe que l’intéressé doit être mis en mesure, préalablement à l’édiction de la décision qui l’affecte négativement, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur la base desquels cette décision a été adoptée (arrêt Delcroix/SEAE, F‑11/13, EU:F:2014:91, point 35, et la jurisprudence citée).

34      La condition du respect des droits de la défense consistant à mettre l’intéressé en mesure de faire connaître son point de vue avant l’adoption d’une décision ne peut être considérée remplie que si le fonctionnaire a été expressément informé d’un projet de décision et invité à faire valoir ses observations (voir arrêt Marcuccio/Commission, C‑59/06 P, EU:C:2007:756, points 57 et 58). À cet égard, il y a lieu de comprendre que le droit reconnu à l’intéressé ne se résume pas à la simple possibilité de manifester son opposition, en tant que telle, à la décision envisagée proprement dite, mais qu’il implique la possibilité de faire valoir des observations de nature à influer sur le contenu de la décision envisagée (voir, en ce sens, arrêt Marcuccio/Commission, T‑236/02, EU:T:2011:465, point 116).

35      Le principe des droits de la défense a été repris par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui reconnaît « le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre », cette disposition étant d’application générale (arrêt Delcroix/SEAE, EU:F:2014:91, point 36).

36      En l’espèce, il ressort du dernier considérant de la décision attaquée que celle-ci a été adoptée à la lumière des « conclusions issues de plusieurs missions à la délégation […] en 2012 et en 2013, y compris d’une mission d’appui et d’évaluation de la délégation en 2013, qui ont révélé de sérieux manquements dans la gestion de la délégation, avec, entre autres, le risque d’affecter négativement la mise en œuvre de politiques de l’Union européenne de coopération pour le développement ». La décision attaquée se base donc sur des difficultés de gestion de la délégation constatées à l’issue de missions en 2012 et en 2013. Dans la mesure où de telles appréciations négatives à l’égard de la gestion de la délégation par le requérant sont de nature à entacher sérieusement la réputation de ce dernier, il y a lieu de relever que la décision attaquée est susceptible d’avoir une incidence sur ses perspectives de carrière. De même, la décision attaquée, visant à mettre prématurément fin à l’affectation du requérant en tant que chef de délégation, est susceptible, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle est intervenue, de porter atteinte à l’image du requérant vis-à-vis du pays tiers dans lequel il était accrédité (arrêt Delcroix/SEAE, EU:F:2014:91, point 37).

37      Force est donc de constater que la décision attaquée constitue une mesure qui affecte défavorablement le requérant et que, partant, en application de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, il incombait au SEAE d’entendre dûment le requérant avant l’adoption de celle-ci. À cet égard, il convient de relever qu’il appartient au SEAE d’apporter la preuve selon laquelle le requérant a pu utilement faire connaître son point de vue tant sur une éventuelle décision de réaffectation immédiate au siège que sur les motifs sous-jacents à cette décision (voir, en ce sens, arrêt Marcuccio/Commission, EU:C:2007:756, points 57, 58 et 70).

38      Le requérant fait valoir que la décision attaquée a été prise avant son rappel au siège pour consultation et avant l’entretien du 27 juin 2013 et la réunion du 4 juillet suivant. Or, dans sa requête, le requérant reconnaît lui-même que, au cours de cet entretien et de cette réunion, il a été informé du fait que l’AHCC avait déjà pris la décision de le réaffecter au siège et que, lors de la réunion du 4 juillet 2013, il a été entendu sur le projet de rapport de la mission d’évaluation. Dans la mesure où le requérant a été invité à formuler des observations sur le projet de rapport de la mission d’évaluation lors de la réunion du 4 juillet 2013 et où la décision attaquée a été adoptée le 15 juillet suivant, il y a lieu de comprendre que, lors de l’entretien du 27 juin 2013 et de la réunion du 4 juillet suivant, le requérant a été expressément informé de la décision envisagée par l’AHCC de le réaffecter au siège en raison, notamment, des conclusions contenues dans le projet de rapport de la mission d’évaluation.

39      Il ressort de ce qui précède que, s’il est vrai que le requérant n’a pas été informé par écrit des intentions de l’AHCC de le réaffecter au siège, il n’en demeure pas moins qu’il en a été informé de manière expresse oralement, conformément à la jurisprudence citée au point 34 du présent arrêt, au plus tard lors de l’entretien du 27 juin 2013. Par conséquent, lorsque le requérant a été convoqué à la réunion du 4 juillet suivant pour présenter ses commentaires sur le projet de rapport de la mission d’évaluation, il savait que, s’il voulait s’opposer à l’adoption d’une décision de réaffectation au siège, il fallait qu’il présente ses observations non seulement sur le projet de rapport de la mission d’évaluation, mais aussi sur une telle décision.

40      À cet égard, le Tribunal estime que, sept jours calendaires s’étant écoulés entre l’entretien du 27 juin 2013 et la réunion du 4 juillet suivant, le requérant a été mis en mesure, lors de cette réunion, de faire connaître utilement son point de vue oralement afin d’influer sur le sens de la décision envisagée (voir, en ce qui concerne la longueur du délai, arrêt Tzikas/AFE, F‑120/13, EU:F:2014:197, point 59).

41      En outre, le Tribunal observe que le requérant a transmis, le 7 juillet 2013, ses observations écrites sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et que la décision attaquée a été adoptée le 15 juillet suivant. Dès lors, c’est également par écrit que le requérant a été en mesure de faire valoir ses droits de la défense.

42      Certes, le requérant affirme qu’en raison de son rappel au siège pour consultation dans l’urgence il ne disposait d’aucun dossier lui permettant de faire des observations sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et de répondre aux questions qui lui ont été posées lors de la réunion du 4 juillet 2013. À cet égard, il suffit de constater que, s’il est vrai qu’il incombe au SEAE de prouver que le droit du requérant d’être entendu a été respecté, il n’en demeure pas moins qu’il appartenait au requérant, s’il s’estimait incapable de se défendre utilement lors de la réunion du 4 juillet 2013 ou de rédiger ses observations sur le projet de rapport de la mission d’évaluation dans le délai imparti de cinq jours ouvrables parce qu’il ne disposait pas à Bruxelles de certains documents, de demander au SEAE de lui faciliter l’accès à ces documents, de reporter la date de la réunion ou de prolonger le délai imparti pour les commentaires écrits. Le requérant n’ayant pas fourni de preuves selon lesquelles il aurait fait des démarches en ce sens auprès du SEAE ni même allégué qu’il en aurait faites, il y a lieu de conclure qu’il s’estimait en mesure de rédiger dans le délai imparti ses commentaires sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et de faire valoir utilement ses observations, au cours de la réunion du 4 juillet 2013, sur ce projet de rapport et sur sa réaffectation envisagée.

43      Pour ce qui est de l’argument du requérant selon lequel le haut représentant ne l’aurait pas entendu avant d’adopter la décision attaquée, il suffit de constater que le requérant n’apporte aucun élément de preuve, ni même d’indice, selon lequel il aurait, comme il le prétend, demandé expressément à être entendu par celui-ci.

44      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la première branche, tirée de la violation des droits de la défense, du troisième moyen doit être rejetée comme non fondée.

b)     Sur la deuxième branche, tirée d’un détournement de la procédure et de la violation de l’article 26 du statut

 Arguments des parties

45      Le requérant affirme que, pour adopter la décision attaquée, le SEAE s’est basé sur le rapport final de l’enquête administrative de 2012 et sur le rapport final de la mission d’évaluation. Or, ces deux rapports ne lui auraient jamais été communiqués et il n’aurait donc pas été en mesure de faire valoir ses commentaires. Par conséquent, la décision attaquée aurait été prise en violation de l’article 26 du statut et constituerait un détournement de la procédure.

46      Le SEAE estime que la deuxième branche du moyen n’est pas fondée.

 Appréciation du Tribunal

47      Le Tribunal constate que, dans ses écrits, le requérant ne développe pas d’arguments au soutien du grief tiré du détournement de la procédure. Ce grief, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure en vigueur à la date d’introduction du présent recours, doit donc être déclaré irrecevable.

48      S’agissant du grief pris de la violation de l’article 26 du statut, il convient de rappeler que cette disposition prévoit la constitution, pour chaque fonctionnaire, d’un dossier individuel contenant toutes les pièces touchant sa situation administrative et tous les rapports concernant ses compétences, son rendement ou son comportement, de même que les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces. L’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces si elles ne lui ont pas été communiquées avant leur classement dans son dossier. Selon la jurisprudence, ces dispositions ont pour but de garantir les droits de la défense du fonctionnaire (arrêt Possanzini/Frontex, F‑124/11, EU:F:2013:137, point 59, et la jurisprudence citée).

49      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que celle-ci a été adoptée au vu des difficultés du requérant pour gérer la délégation, constatées à l’issue de missions diligentées par sa hiérarchie en 2012 et en 2013 (voir point 36 du présent arrêt).

50      S’agissant du rapport final de l’enquête administrative de 2012, le Tribunal observe que, contrairement à ce que semble soutenir le requérant, il ne ressort pas de l’article 26 du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du RAA, que l’administration est tenue de classer dans le dossier individuel d’un fonctionnaire, après communication, le rapport d’une enquête administrative dont ce dernier a fait l’objet.

51      Par ailleurs, les dispositions régissant les enquêtes administratives, figurant à l’annexe IX du statut, intitulée « Procédure disciplinaire » et applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 50 bis du RAA, ne prévoient pas non plus l’obligation de communiquer la totalité du rapport d’enquête à l’intéressé. En effet, d’une part, conformément à l’article 1, paragraphe 3, et à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, c’est la décision de classer sans suite une enquête administrative qui peut être incluse dans le dossier personnel de l’intéressé, pourvu que ce dernier en fasse la demande expresse. D’autre part, l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe IX du statut dispose que l’administration informe l’intéressé de la fin de l’enquête et qu’elle lui communique uniquement les conclusions du rapport d’enquête. Cette disposition prévoit également que l’administration doit lui communiquer, à sa demande et sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre.

52      Le Tribunal observe que le requérant n’apporte pas de preuves selon lesquelles il n’aurait pas reçu les documents relatifs à l’enquête administrative de 2012 auxquels il aurait demandé l’accès. Il ne précise pas non plus en vertu de quelle disposition, autre que l’article 26 du statut, le SEAE aurait été tenu d’inclure dans son dossier personnel, après communication, le rapport final de l’enquête administrative de 2012.

53      Pour ce qui est du rapport final de la mission d’évaluation, le requérant reconnaît qu’il a émis des observations orales et écrites sur le projet de rapport, respectivement, les 4 et 7 juillet 2013. Étant donné que le rapport final ne pouvait contenir que le projet de rapport accompagné desdites observations, le Tribunal estime que le SEAE n’était pas tenu, au titre de l’article 26 du statut, de transmettre au requérant le rapport final de la mission d’évaluation pour lui permettre de faire des commentaires supplémentaires.

54      Par ailleurs, à supposer que le requérant se plaigne de ce que la décision attaquée a été prise sur la base de documents classés dans son dossier personnel sans lui avoir été communiqués, il convient d’ajouter que le requérant n’apporte pas de preuves selon lesquelles le rapport final de l’enquête administrative de 2012 et le rapport final de la mission d’évaluation auraient été effectivement classés dans son dossier personnel.

55      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le requérant ne saurait valablement soutenir que le SEAE a violé l’article 26 du statut en ayant adopté la décision attaquée sans lui avoir fourni au préalable une copie du rapport final de l’enquête administrative de 2012 et du rapport final de la mission d’évaluation.

56      Par conséquent, il convient de conclure que la deuxième branche, tirée du détournement de procédure et de la violation de l’article 26 du statut, du troisième moyen est en partie irrecevable et en partie non fondée.

c)     Sur la troisième branche, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

57      Le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation puisque, en réalité, il aurait effectué un excellent travail, comme par ailleurs l’aurait reconnu le chef de la mission d’évaluation au cours d’une réunion. Le rapport de la mission effectuée en 2013 par le membre de la Commission en charge du développement et le rapport sur la gestion de l’aide extérieure pour 2012 de la DG « Développement et coopération » contrediraient également les arguments du SEAE selon lesquels sa gestion de la délégation aurait été défaillante. Le requérant affirme qu’il a dû gérer la délégation dans des conditions difficiles puisque le SEAE se serait abstenu de prendre, en violation de son devoir de sollicitude, les mesures de nature à rétablir sa réputation et sa crédibilité professionnelles à l’issue de l’enquête administrative de 2012 et aurait ainsi permis que l’ensemble du personnel de la délégation constate l’impunité dont bénéficiait une personne qui s’était rendue coupable d’accusations calomnieuses à son encontre. Le requérant ajoute que, dans son nouveau poste, il a été laissé sans responsabilités et sans tâches appropriées à son expérience.

58      Le SEAE conclut au rejet de la troisième branche du moyen comme non fondée.

 Appréciation du Tribunal

59      Conformément à l’article 10, premier alinéa, du RAA, l’article 7 du statut est applicable par analogie aux agents temporaires. Même si le statut, en particulier son article 7, ne prévoit pas explicitement la possibilité de « réaffecter » un fonctionnaire, il ressort d’une jurisprudence constante que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation, d’une part, se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, respecte l’équivalence des emplois (arrêt de Albuquerque/Commission, F‑55/06, EU:F:2007:15, point 55, et la jurisprudence citée).

60      En l’espèce, il convient d’examiner si la décision attaquée a satisfait aux deux conditions précitées.

–       Sur l’intérêt du service

61      Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, compte tenu du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’AHCC s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêt Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, point 53).

62      À cet égard, selon une jurisprudence constante, des difficultés relationnelles internes, lorsqu’elles causent des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service, peuvent justifier, dans l’intérêt du service, le transfert d’un fonctionnaire, afin de mettre fin à une situation administrative devenue intenable (voir, en ce sens, arrêts Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, EU:C:1990:98, point 22, et Ojha/Commission, C‑294/95 P, EU:C:1996:434, point 41). En outre, une réaffectation décidée dans l’intérêt du service ne requiert pas le consentement du fonctionnaire concerné (arrêt Plasa/Commission, F‑52/08, EU:F:2009:54, point 77).

63      La Cour de justice de l’Union européenne a également jugé que le propre des fonctions diplomatiques est de prévenir toute tension et d’apaiser celles qui pourraient néanmoins survenir et qu’elles requièrent impérativement la confiance des interlocuteurs. Selon la Cour, dès que cette confiance est ébranlée, pour quelque raison que ce soit, le fonctionnaire impliqué n’est plus en mesure d’assurer de telles fonctions et, afin que les reproches qui lui sont faits ne s’étendent pas à l’ensemble du service concerné, il est de bonne administration que l’institution prenne à son égard, dans les meilleurs délais, une mesure d’éloignement (Ojha/Commission, EU:C:1996:434, point 42).

64      La jurisprudence citée aux deux points précédents trouve également à s’appliquer lorsque sont constatés des manquements dans la gestion du service de la part du chef d’un service investi de missions diplomatiques, comme le requérant en tant que chef de la délégation. En effet, il ne peut être nié que de tels manquements, s’ils sont avérés, nuisent au bon fonctionnement de la délégation.

65      En l’espèce, ainsi qu’il a été dit, la décision attaquée était basée sur des difficultés de gestion de la délégation, qui avaient été constatées à l’issue de missions en 2012 et en 2013, et dont la réalité est contestée par le requérant. Toutefois, le Tribunal rappelle que le requérant a été en mesure de faire utilement valoir ses observations sur le projet de rapport de la mission d’évaluation (voir points 39 et 41 du présent arrêt). De même, le SEAE affirme que, après juin 2012, de nombreux échanges ont eu lieu par écrit entre le SEAE et le requérant au sujet des difficultés persistantes dans la gestion de la délégation, ce que le requérant n’a pas contesté.

66      Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il existe des indices fiables selon lesquels le SEAE avait à tout le moins perdu confiance dans la gestion de la délégation par le requérant. Par conséquent, à supposer même que le rapport de la mission effectuée en 2013 par le membre de la Commission en charge du développement et le rapport sur la gestion de l’aide extérieure pour 2012 de la DG « Développement et coopération » aient contenu des commentaires positifs sur la gestion de la délégation par le requérant, il y a lieu de conclure que le SEAE, compte tenu de sa perte de confiance à l’égard du requérant, n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que l’intérêt du service justifiait la réaffectation de ce dernier au siège.

67      Certes, le requérant rétorque que le SEAE lui-même, en violation du devoir de sollicitude, a contribué aux difficultés qu’il a éprouvées pour gérer la délégation en s’étant abstenu d’adopter les mesures nécessaires pour rétablir sa réputation et sa crédibilité professionnelles à l’issue de l’enquête administrative de 2012. À cet égard, il suffit toutefois de constater que le requérant n’a pas suivi la procédure administrative préalable prévue aux articles 90 et 91 du statut, applicables aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du RAA, pour contester la prétendue abstention du SEAE de prendre lesdites mesures et qu’il ne saurait donc, dans le cadre du présent recours, tirer argument d’un tel manquement dans la mesure où il ne l’a pas contesté par les voies de recours qui lui étaient ouvertes.

–       Sur l’équivalence des emplois

68      Il importe de rappeler que, en cas de modification des fonctions attribuées à un fonctionnaire, la règle de correspondance entre le grade et l’emploi, énoncée en particulier par l’article 7 du statut, implique une comparaison entre le grade et les fonctions actuels du fonctionnaire et non pas une comparaison entre ses fonctions actuelles et ses fonctions antérieures (voir arrêt Kerstens/Commission, F‑119/06, EU:F:2008:54, point 96).

69      Dès lors, la règle de correspondance entre le grade et l’emploi ne s’oppose pas à ce qu’une décision entraîne l’attribution de nouvelles fonctions qui, si elles diffèrent de celles précédemment exercées et sont perçues par l’intéressé comme comportant une réduction de ses attributions, sont néanmoins conformes à l’emploi correspondant à son grade. Ainsi, une diminution effective des attributions d’un fonctionnaire n’enfreint la règle de correspondance entre le grade et l’emploi que si ses nouvelles attributions sont, dans leur ensemble, nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur (arrêt BN/Parlement, F‑24/12, EU:F:2014:165, point 58).

70      Enfin, si le statut vise à garantir aux fonctionnaires le grade obtenu ainsi qu’un emploi correspondant à ce grade, le statut n’accorde aux fonctionnaires aucun droit à un emploi déterminé, mais laisse au contraire à l’autorité investie du pouvoir de nomination la compétence d’affecter les fonctionnaires, dans l’intérêt du service, aux différents emplois correspondant à leur grade. Par ailleurs, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en fonction de leurs aptitudes spécifiques et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques ou de refuser toute autre fonction de leur emploi type (arrêt Kerstens/Commission, EU:F:2008:54, point 98, et la jurisprudence citée).

71      En l’espèce, il est constant que, conformément à la décision attaquée, le requérant a été transféré, avec maintien de grade et d’échelon, sur un poste à la direction des ressources de la direction générale de l’administration et des finances du SEAE. Le requérant fait observer que, pendant le mois d’août 2013, il a été laissé sans emploi effectif, car sa seule tâche, sans visibilité ni responsabilité et sans correspondance avec les tâches d’un agent temporaire de grade AD 12, échelon 3, a été d’organiser son déménagement de Bujumbura à Bruxelles. Or, il y a lieu de constater que la période durant laquelle le requérant s’est trouvé sans tâche effective, à l’exception de l’organisation de son déménagement, a été réduite dans le temps, car limitée au mois d’août 2013, et que l’absence de tâche effective, hormis l’organisation du déménagement, peut s’expliquer par la prise en compte du besoin du requérant de prendre les mesures nécessaires pour organiser son retour à Bruxelles. Pour ce qui est de la période postérieure au mois d’août 2013, le requérant se limite à se plaindre du fait que, le 15 octobre 2013, il s’est vu assigner la rédaction, dans un délai de seulement six semaines, d’une étude sur le rôle des organisations non gouvernementales dans les questions de gouvernance en Afrique. Or, cet argument ne permet pas de constater que les nouvelles fonctions attribuées au requérant à partir du mois de septembre 2013 ne correspondaient pas à ses grade et échelon.

72      Dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à prétendre que la décision attaquée aurait méconnu l’équivalence des emplois.

73      Il ressort de ce qui précède que la troisième branche, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation, du troisième moyen doit être écartée.

d)     Sur la quatrième branche, tirée de la violation du devoir de sollicitude et des principes de proportionnalité et de bonne administration

 Arguments des parties

74      Le requérant prétend que l’AHCC aurait manqué à son devoir de sollicitude et aux principes de bonne administration et de proportionnalité, car elle aurait adopté la décision attaquée sans prendre en considération ses intérêts personnels et sa situation personnelle particulière, son épouse et sa belle-famille étant des ressortissants burundais résidant au Burundi. Le requérant ajoute que la décision attaquée ne serait pas non plus proportionnée par comparaison avec les mesures prises à l’encontre des autres membres de la délégation mis en cause dans le projet de rapport de la mission d’évaluation qui, eux, n’auraient pas été réaffectés au siège.

75      Le SEAE conclut au rejet de la quatrième branche du moyen comme non fondée.

 Appréciation du Tribunal

76      Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents, qui reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, et le principe de bonne administration se rejoignent pour imposer à l’autorité hiérarchique, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, de tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt Sequeira Wandschneider/Commission, T‑110/04, EU:T:2007:78, points 184 et 185).

77      Ainsi, il a été jugé qu’une décision de réaffectation d’un fonctionnaire qui entraîne son déménagement dans un autre lieu d’affectation, contre sa volonté, doit être adoptée avec la diligence nécessaire et un soin particulier, notamment en prenant en considération l’intérêt personnel du fonctionnaire concerné (arrêts Ojha/Commission, EU:C:1996:434, point 47, et Marcuccio/Commission, EU:T:2011:465, point 113).

78      Toutefois, selon une jurisprudence constante, les exigences du devoir de sollicitude ne sauraient empêcher l’autorité hiérarchique d’adopter les mesures qu’elle estime nécessaires dans l’intérêt du service, puisque le pourvoi de chaque emploi doit se fonder en premier lieu sur l’intérêt du service. Compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions pour évaluer l’intérêt du service pour l’affectation du personnel qui se trouve à leur disposition, le Tribunal doit se limiter à vérifier si l’institution s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée. À cet égard, un fonctionnaire ne saurait opposer son intérêt personnel aux mesures prises par l’autorité hiérarchique en vue de l’organisation ou de la rationalisation des services et reconnues conformes à l’intérêt du service (arrêts W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, EU:T:1998:112, point 116, et Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, points 105 et 106).

79      Le principe de proportionnalité, quant à lui, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêt Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, EU:T:1993:89, point 111). Or, au vu du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions pour organiser leurs services et affecter le personnel qui se trouve à leur disposition, le Tribunal doit se limiter à vérifier si la mesure arrêtée n’a pas un caractère manifestement inapproprié par rapport à l’objectif poursuivi.

80      En l’espèce, si le requérant prétend que le fait d’avoir une épouse et une belle-famille de nationalité burundaise et résidant au Burundi aurait dû faire obstacle à ce qu’il soit réaffecté de manière immédiate au siège, il suffit de rappeler qu’il a été jugé au point 66 du présent arrêt que la décision attaquée a été prise dans l’intérêt du service. Par conséquent, malgré les inconvénients et les contraintes, d’ordre personnel ou familial, que la décision attaquée a pu entraîner pour le requérant, ce dernier ne saurait opposer son intérêt personnel à ladite décision. L’argument tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration n’est donc pas fondé.

81      En ce qui concerne l’argument pris de la violation du principe de proportionnalité, le Tribunal observe que la décision attaquée est fondée notamment sur les manquements constatés dans l’accomplissement de ses fonctions par le requérant en tant que chef de la délégation. Dans ces circonstances, une mesure de réaffectation au siège, avec effet immédiat, n’a pas un caractère manifestement inapproprié par rapport à l’objectif de l’éloigner de la gestion de la délégation. L’argument pris de la violation du principe de proportionnalité ne peut donc être accueilli.

82      Par conséquent, la quatrième branche, tirée de la violation du devoir de sollicitude et des principes de bonne administration et de proportionnalité, du moyen doit être rejetée.

83      Toutes les branches du troisième moyen ayant été écartées, il y a lieu de rejeter ce moyen dans sa totalité comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

2.     Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée

a)     Arguments des parties

84      Le requérant fait valoir que l’AHCC était tenue de suivre la recommandation, figurant dans le rapport de la mission d’évaluation, de le rappeler au siège pour consultation et qu’elle ne pouvait s’en écarter qu’en indiquant les raisons précises qui l’y auraient poussée. Dans la décision attaquée, l’AHCC ne fournirait toutefois aucune explication sur les raisons pour lesquelles elle avait décidé de ne pas suivre cette recommandation et de le réaffecter au siège avec effet immédiat. En agissant de la sorte, l’AHCC aurait violé son obligation de motivation prévue à l’article 25 du statut, à l’article 296 TFUE et à l’article 41 de la Charte.

85      Le SEAE conclut au rejet du quatrième moyen comme non fondé.

b)     Appréciation du Tribunal

86      Selon une jurisprudence bien établie, l’obligation de motiver une décision faisant grief a pour but de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité (arrêt Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, EU:T:1995:16, point 31).

87      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’étendue de l’obligation de motivation formelle doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt Plasa/Commission, EU:F:2009:54, point 65, et la jurisprudence citée). En particulier, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts Ojha/Commission, EU:C:1996:434, point 35, et N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 70).

88      Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal de première instance des Communautés européennes, une décision est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné et, de ce fait, répond aux exigences de motivation de l’article 25 du statut lorsque les circonstances dans lesquelles l’acte en cause a été arrêté, ainsi que les notes de service et les autres communications l’accompagnant, permettent de connaître les éléments essentiels qui ont guidé l’administration dans sa décision (arrêts Ojha/Commission, EU:C:1996:434, points 35 à 37, et Sabbioni/Commission, T‑129/98, EU:T:1999:295, point 30). Le Tribunal de première instance a précisé que des entretiens avec l’administration permettaient également au fonctionnaire intéressé de connaître le contexte dans lequel la décision de réaffectation avait été prise (voir, en ce sens, arrêt Ojha/Commission, T‑36/93, EU:T:1995:129, point 61).

89      En l’espèce, le dernier considérant de la décision attaquée dispose qu’elle a été adoptée au vu des difficultés de gestion de la délégation constatées à l’issue de missions en 2012 et en 2013. La décision attaquée expose donc les motifs sur lesquels l’AHCC s’est basée aux fins de son adoption.

90      Par ailleurs, l’adoption de la décision attaquée a été précédée de l’entretien téléphonique du requérant avec le directeur général administratif, le 24 juin 2013, ainsi que de l’entretien du 27 juin 2013 et de la réunion du 4 juillet suivant. Il a été jugé au point 38 du présent arrêt qu’il y a lieu de comprendre que, au cours de ces entretiens et réunion, le requérant a été informé de sa possible réaffectation. En outre, il ressort du dossier que tant l’entretien téléphonique du 24 juin 2013 que l’entretien du 27 juin 2013 et la réunion du 4 juillet suivant ont porté sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et que, au cours de la réunion du 4 juillet 2013, le requérant a formulé des observations sur le projet de rapport.

91      Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal estime que le requérant a été mis en mesure d’apprécier la légalité et le bien-fondé de la décision attaquée et de décider de l’opportunité ou non de la soumettre au contrôle juridictionnel prévu par l’article 91 du statut. Il s’ensuit que la motivation donnée dans la décision attaquée est suffisante.

92      Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen, tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, doit être rejeté comme non fondé.

3.     Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2 du contrat d’engagement et de l’article 2, sous e), du RAA

a)     Arguments des parties

93      Le requérant fait valoir que, conformément à l’article 2 du contrat d’engagement, il a été engagé par le SEAE pour exercer les fonctions de chef de la délégation et que c’est exclusivement à cette fin qu’il a été détaché des services diplomatiques belges auprès du SEAE. À son avis, son affectation en tant que chef de la délégation constituerait une clause essentielle de son contrat. En décidant unilatéralement, et sans le consentement des autorités belges, de l’affecter au siège, l’AHCC aurait violé l’article 2 du contrat d’engagement.

94      Le requérant ajoute que, en vertu de la décision attaquée, il a été placé sur un poste « en surcharge », ce qui impliquerait que, contrairement à ce que dispose l’article 2, sous e), du RAA, il n’a pas été affecté à un poste permanent. Preuve en serait le fait qu’il ne se serait pas vu attribuer des tâches appropriées à son grade et à son expérience.

95      Le SEAE conclut au rejet du premier moyen comme non fondé.

b)     Appréciation du Tribunal

96      L’article 1 du contrat d’engagement dispose que le requérant a été engagé en tant qu’agent temporaire au titre de l’article 2, sous e), du RAA et qu’il est soumis au RAA dès la signature dudit contrat. L’article 2 du contrat d’engagement prévoit que le requérant a été engagé en tant que chef de la délégation. À cet égard, il y a lieu de relever que, s’il est vrai que l’article 2 du contrat d’engagement précise les fonctions attribuées au requérant et le lieu de son affectation, il n’en demeure pas moins que cette précision est sans incidence sur la soumission de l’engagement du requérant aux dispositions du RAA.

97      Or, l’article 7 du statut est applicable aux agents temporaires et, conformément à une jurisprudence constante, l’AHCC peut, en vertu de cet article 7, réaffecter un agent temporaire à la condition, cependant, d’une part, que cette réaffectation se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, qu’elle respecte l’équivalence des emplois (voir point 59 du présent arrêt). En conséquence, dans la mesure où les agents des services diplomatiques nationaux engagés en tant qu’agents temporaires au titre de l’article 2, sous e), du RAA sont soumis au RAA, la possibilité qu’ils soient réaffectés est contenue implicitement dans le contrat d’engagement qu’ils ont souscrit avec l’institution et, dès lors que les deux conditions susmentionnées sont remplies, une telle réaffectation ne peut constituer une violation dudit contrat.

98      En l’espèce, il a été jugé aux points 66 et 72 du présent arrêt que l’intérêt du service justifiait la réaffectation du requérant au siège et respectait l’équivalence des emplois. Par conséquent, la décision attaquée ne constitue pas une violation de l’article 2 du contrat d’engagement.

99      Pour ce qui est du grief tiré de la violation de l’article 2, sous e), du RAA, il suffit de constater que le requérant n’apporte aucun élément de preuve de ce qu’il n’aurait pas été affecté à un poste permanent au siège. Par ailleurs, l’argument basé sur l’attribution de tâches qui ne correspondraient pas à son grade a été déclaré non fondé au point 72 du présent arrêt. Dès lors, le grief susmentionné doit être écarté.

100    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2 du contrat d’engagement et de l’article 2, sous e), du RAA, comme non fondé.

4.     Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la convention de Vienne et des pratiques diplomatiques en vigueur au Burundi

a)     Arguments des parties

101    Le requérant conteste le caractère immédiat de sa réaffectation. Il reproche au SEAE de ne pas l’avoir autorisé à entreprendre les démarches de courtoisie à l’occasion de son départ du Burundi et, notamment, à demander une audience auprès du président de la République du Burundi pour l’informer de la fin de son affectation. La décision attaquée serait ainsi contraire aux usages diplomatiques en vigueur au Burundi et violerait les articles 10 et 19, paragraphe 1, de la convention de Vienne.

102    Le SEAE rétorque que le deuxième moyen n’est pas fondé.

b)     Appréciation du Tribunal

103    Ainsi que le fait valoir à juste titre le SEAE, l’Union n’est pas partie contractante à la convention de Vienne. Toutefois, il ressort de l’article 221 TFUE et de l’article 5 de la décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du SEAE (JO L 201, p. 30) que les délégations assurent la représentation diplomatique de l’Union conformément à la convention de Vienne (arrêt Delcroix/SEAE, EU:F:2014:91, point 25).

104    Il y a lieu de relever que l’article 10, paragraphe 2, de la convention de Vienne dispose que le départ définitif des membres d’une mission diplomatique doit faire l’objet d’une notification préalable seulement « [t]outes les fois qu’il est possible » et que, en tout état de cause, l’article 10, paragraphe 1, et l’article 19, paragraphe 1, de cette convention prévoient uniquement que tout changement du personnel diplomatique est notifié au ministère des Affaires étrangères du pays accréditaire, ou à un autre ministère convenu, mais qu’ils ne prévoient pas une notification au chef d’État du pays accréditaire en personne ni une audience auprès de lui.

105    Le Tribunal constate que le requérant n’a pas non plus apporté de preuves selon lesquelles il serait d’usage au Burundi qu’un chef de délégation de l’Union demande une audience auprès du chef de l’État pour lui notifier son départ.

106    Par ailleurs, il ressort du dossier que le SEAE a notifié au ministère des Relations extérieures et de la coopération internationale du Burundi la cessation des fonctions du requérant et la nomination d’un chargé d’affaires jusqu’à la nomination d’un nouveau chef de délégation.

107    Il résulte des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

108    Tous les moyens ayant été rejetés, il convient de rejeter les conclusions en annulation de la décision attaquée comme étant en partie irrecevables et en partie non fondées, sans qu’il soit besoin d’adopter les mesures d’instruction demandées par le requérant.

B –  Sur les conclusions aux fins de constatation de fautes de service imputables au SEAE et d’un dommage dans le chef du requérant et de son épouse

1.     Arguments des parties

109    Le requérant demande au Tribunal de constater, d’une part, que le SEAE a commis, en adoptant la décision attaquée, une succession de fautes de service à son égard qui engagent la responsabilité de l’Union et, d’autre part, que la décision attaquée a porté gravement atteinte à sa réputation et à celle de son épouse, notamment à la suite de la publication d’articles virulents à l’encontre du requérant.

110    Le SEAE conclut au rejet de ces conclusions comme irrecevables.

2.     Appréciation du Tribunal

111    Il est de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au juge de l’Union de faire des constatations de principe ou d’adresser des injonctions à l’administration (voir, en ce sens, arrêts Magone/Commission, T‑73/05, EU:T:2006:127, point 15, et De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461, points 63 et 64).

112    Il s’ensuit que les conclusions aux fins de constatation susmentionnées sont irrecevables et doivent être rejetées.

C –  Sur les conclusions indemnitaires

1.     Arguments des parties

113    Dans sa réplique, le requérant demande au Tribunal de condamner le SEAE à lui payer un euro symbolique à titre d’indemnisation du préjudice moral qu’il estime avoir subi.

114    Le SEAE conclut au rejet de ces conclusions comme irrecevables.

2.     Appréciation du Tribunal

115    Conformément à l’article 35, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure en vigueur à la date d’introduction du recours, les conclusions de la partie requérante doivent figurer dans la requête. Les conclusions indemnitaires n’ayant été formulées qu’au stade de la réplique, il y a lieu de les déclarer irrecevables.

116    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 101, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

118    Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, le SEAE a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le SEAE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. De Loecker supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le Service européen pour l’action extérieure.

Rofes i Pujol

Bradley

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2014.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       K. Bradley


* Langue de procédure : le français.