Language of document : ECLI:EU:F:2013:196

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (assemblée plénière)

11 décembre 2013 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pensions – Transfert des droits à pension acquis dans un régime de pension national – Règlement adaptant le taux de la contribution au régime de pension de l’Union – Adaptation des valeurs actuarielles – Nécessité d’adopter des dispositions générales d’exécution – Application dans le temps des nouvelles dispositions générales d’exécution »

Dans l’affaire F‑117/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Catherine Teughels, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Eppegem (Belgique), représentée par Me L. Vogel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Martin et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(assemblée plénière),

composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme M. I. Rofes i Pujol, président de chambre, M. E. Perillo (rapporteur), M. R. Barents et M. K. Bradley, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 8 novembre 2011, Mme Teughels a introduit le présent recours tendant, en substance, à l’annulation, d’une part, de la décision de la Commission européenne du 24 mai 2011, fixant le nombre d’annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union en cas de transfert de ses droits à pension nationaux, et, d’autre part, de la décision du 28 juillet 2011 par laquelle la Commission a rejeté sa réclamation dirigée contre la décision de la Commission C(2011) 1278, du 3 mars 2011, relative aux dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») relatifs au transfert de droits à pension (ci-après les « DGE 2011 »).

 Cadre juridique

2        L’article 83 bis du statut est libellé comme suit :

« 1.      L’équilibre du régime de pensio[n] est assuré selon les modalités prévues à l’annexe XII [du statut].

[…]

3.      Lors de l’évaluation actuarielle quinquennale effectuée conformément à l’annexe XII [du statut], et afin d’assurer l’équilibre du régime [de pension], le Conseil [de l’Union européenne] décide du taux de la contribution et de la modification éventuelle de l’âge de la retraite.

4.      La Commission présente chaque année au Conseil une version actualisée de l’évaluation actuarielle, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe XII [du statut]. Lorsqu’il y est démontré un écart d’au moins 0,25 point entre le taux de contribution en vigueur et le taux nécessaire au maintien de l’équilibre actuariel, le Conseil examine s’il y a lieu d’adapter le taux, conformément aux modalités fixées à l’annexe XII [du statut].

[…] »

3        L’article 84 du statut dispose :

« Les modalités du régime de pensio[n] prévu ci-dessus sont fixées à l’annexe VIII [du statut]. »

4        L’article 110, paragraphe 1, du statut prévoit :

« Les dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut. […] »

5        L’article 8 de l’annexe VIII du statut, avant l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) no 1324/2008 du Conseil, du 18 décembre 2008, adaptant, à partir du 1er juillet 2008, le taux de la contribution au régime de pension des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (JO L 345, p. 17), prévoyait ce qui suit :

« L’équivalent actuariel de la pension d’ancienneté est défini comme étant égal à la valeur en capital de la prestation revenant au fonctionnaire, calculée d’après la table de mortalité mentionnée à l’article 9 de l’annexe XII [du statut] et sur la base du taux d’intérêt de 3,5 % l’an qui peut être révisé selon les modalités prévues à l’article 10 de l’annexe XII [du statut]. »

6        L’article 2 du règlement no 1324/2008 établit à cet égard :

« Avec effet au 1er janvier 2009, le taux indiqué à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 8 de l’annexe VIII du statut […] est fixé à 3,1 %. »

7        En vertu de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut :

« Le fonctionnaire qui cesse ses fonctions pour :

–        entrer au service d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale ayant conclu un accord avec l’Union,

[…]

a le droit de faire transférer l’équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, de ses droits à pension d’ancienneté, qu’il a acquis auprès de l’Union, à la caisse de pension de cette administration [ou] de cette organisation […]. »

8        À l’inverse, en vertu du paragraphe 2 de l’article 11 de l’annexe VIII du statut :

« Le fonctionnaire qui entre au service de l’Union après avoir :

–        cessé ses activité auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

[…]

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté […], de faire verser à l’Union le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension de l’Union au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

De cette faculté le fonctionnaire ne pourra faire usage qu’une seule fois par État membre et par fonds de pension. »

9        L’article 26, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut prévoit :

« Dans les cas prévus aux paragraphes 2 et 3 du présent article, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine le nombre d’annuités à prendre en compte d’après son propre régime conformément aux dispositions générales d’[exécution] arrêtées au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII [du statut], et tenant compte des dispositions de la présente annexe […] »

10      Par décision C(2004) 1588 du 28 avril 2004, publiée aux Informations administratives no 60 du 9 juin 2004, la Commission a adopté les dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut, relatifs au transfert de droits à pension (ci-après les « DGE 2004 »). Les DGE 2004 renvoient à deux tables de valeurs actuarielles qui font l’objet de deux annexes, l’annexe 1 qui concerne les valeurs actuarielles (V1) pour le calcul du montant de l’équivalent actuariel transférable en application de l’article 11, paragraphe 1, et de l’article 12 de l’annexe VIII du statut, et l’annexe 2, qui concerne les valeurs actuarielles (V2) pour le calcul du nombre d’annuités à bonifier en application de l’article 11, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VIII du statut.

11      Les valeurs actuarielles V1 et V2, calculées en fonction de l’âge à la date de la demande et sur la base des paramètres prévus à l’annexe XII du statut, sont identiques.

12      Par décision du 3 mars 2011, la Commission a abrogé les DGE 2004 et adopté les DGE 2011, publiées aux Informations administratives no 17 du 28 mars 2011.

13      Les DGE 2011 sont entrées en vigueur le 1er avril 2011 et précisent en leur article 9 ce qui suit :

« Les présentes dispositions générales d’exécution […] entrent en vigueur le premier jour du mois qui suit la date à laquelle elles sont publiées aux [Informations administratives].

Elles abrogent et remplacent les [DGE 2004].

Toutefois [les DGE 2004] restent applicables pour les transferts au titre de l’article 11, paragraphe 1, et de l’article 12 de l’annexe VIII du statut dans les cas où la cessation des fonctions a eu lieu avant le [1er janvier] 2009. Elles restent aussi applicables aux dossiers des agents dont la demande de transfert au titre de l’article 11, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VIII du statut a été enregistrée avant le [1er janvier] 2009.

Les coefficients de conversion […] prévus à l’annexe 1 s’appliquent avec effet au [1er janvier] 2009. Ces coefficients de conversion seront de plein droit modifiés par la prise d’effet d’une adaptation du taux d’intérêt indiqué à l’article 8 de l’annexe VIII du statut. »

14      À la différence des DGE 2004, l’annexe 1 des DGE 2011 comporte une seule table dans laquelle figurent des valeurs actuarielles, appelées désormais « coefficients de conversion », valables tant pour le calcul du montant de l’équivalent actuariel transférable que pour le calcul du nombre d’annuités à bonifier. Ces coefficients de conversion, également calculés en fonction de l’âge à la date de la demande et sur la base des paramètres prévus à l’annexe XII du statut, sont supérieurs aux valeurs actuarielles V1 et V2 figurant dans les annexes 1 et 2 des DGE 2004.

 Faits à l’origine du litige

15      La requérante, fonctionnaire de la Commission, a demandé, le 3 novembre 2009, le transfert des droits à pension qu’elle avait acquis auprès de l’Office national des pensions belge avant d’entrer au service de la Commission (ci-après la « demande de transfert »).

16      Par note du 29 juin 2010 adressée à la requérante (ci-après la « première proposition de bonification d’annuités »), le service compétent de la Commission, en l’occurrence le secteur « Transferts » de l’unité « Pensions » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) (ci-après le « PMO 4 ») a fixé à 22 ans, 1 mois et 6 jours le nombre d’annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union et résultant du transfert des droits acquis par la requérante en Belgique. L’excédent du capital, représentant la somme de 12 531,41 euros, ne pouvant pas faire l’objet d’une conversion en annuités de pension statutaire, devait être versé à la requérante en cas de transfert définitif de ses droits à pension. La première proposition de bonification d’annuités précisait également que, en cas de modification des dispositions générales d’exécution de l’article 11 de l’annexe VIII du statut, le nombre d’annuités accordé ne serait pas modifié. La requérante disposait d’un délai de deux mois pour accepter ou refuser la première proposition de bonification d’annuités.

17      La requérante a demandé des précisions au sujet de la première proposition de bonification d’annuités. Des échanges de courriels ont suivi.

18      Entre-temps, par une communication au personnel du 5 mai 2010 (ci-après la « communication du 5 mai 2010 »), les services de la Commission avaient précisé que « les [dispositions générales d’exécution] actualisées entrer[aient] en vigueur le premier jour du mois [suivant] leur publication aux Informations administratives » et que « toutes les demandes de transfert enregistrées avant la date d’entrée en vigueur [des nouvelles dispositions générales d’exécution] ser[aient] traitées sous les [DGE 2004] ».

19      Par ailleurs, le directeur général de la direction générale « Ressources humaines et sécurité » de la Commission, par note du 25 mai 2010 adressée au secrétaire général de la Commission ainsi qu’à trois directeurs généraux de l’institution, avait indiqué qu’« en vue d’assurer une meilleure transparence du système de transfert de[s] droits à pension ainsi qu’une plus grande sécurité juridique, [il avait] décidé d’accepter une version modifiée des [dispositions générales d’exécution] qui ne prévoit plus d’effet rétroactif ».

20      De même, dans une note au personnel publiée aux Informations administratives du 30 juillet 2010 (ci-après la « communication du 30 juillet 2010 »), la Commission a indiqué que « [l]es [dispositions générales d’exécution] actualisées entrer[aient] en vigueur le premier jour du mois [suivant] leur publication aux Informations administratives » et que « toutes les demandes de transfert enregistrées avant la date d’entrée en vigueur [des futures dispositions générales d’exécution] ser[aient] traitées sous les [DGE 2004] ». La communication du 30 juillet 2010 précisait que la modification des DGE 2004 concernerait le transfert de droits acquis auprès de l’Union vers un régime national de pension et le transfert vers le régime de pension de l’Union de droits acquis auprès d’un État membre.

21      Par courriel du 20 août 2010 et à la demande de la requérante, le PMO 4 a prorogé jusqu’au 30 septembre 2010 le délai pour que la requérante prenne position sur la première proposition de bonification d’annuités. La requérante n’a ni accepté ni refusé formellement la première proposition de bonification d’annuités.

22      Dans une note au personnel du 17 septembre 2010 (ci-après la « communication du 17 septembre 2010 »), la Commission a constaté que, « en anticipation de l’adoption par la Commission de nouvelles dispositions générales d’exécution […] des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du [s]tatut », de « nombreux » fonctionnaires avaient introduit des demandes de transfert de leurs droits à pension et que « plus de 10 000 demandes » avaient ainsi été enregistrées par le PMO 4 depuis le 1er janvier 2010. La communication du 17 septembre 2010 précisait cependant que, « malgré une communication malheureuse de la part, entre autres, de l’administration au mois de mai 2010, la mise en œuvre des nouvelles [dispositions générales d’exécution], et en particulier des nouvelles valeurs actuarielles, d[evait] suivre les règles prescrites par le statut et notamment le règlement […] no 1324/2008 […]. Par conséquent, [les nouvelles dispositions générales d’exécution] d[evaient] nécessairement s’appliquer à tous les transferts [de droits acquis auprès d’un État membre vers le régime de pension de l’Union] dont la demande a[vait] été introduite à partir du 1er janvier 2009 et à tous les transferts [vers un régime national de pension du capital des droits à pension acquis par un fonctionnaire au sein de l’Union] pour des départs à partir de cette date ». Enfin, selon la communication du 17 septembre 2010, « [l]e petit nombre de transferts qui [avaient] déjà fait l’objet d’une proposition de transfert ou d’un versement du capital par la caisse d’origine fer[aient] l’objet d’un traitement approprié. Les collègues concernés ser[aient] avertis personnellement de la suite qui sera[it] donnée à leur transfert par lettre dans les meilleurs délais ».

23      À la suite de la communication du 17 septembre 2010, le PMO 4 a informé la requérante, par un courriel du 28 septembre 2010, que la Commission « [était] tenu[e] de revoir la proposition qui [lui] a[vait] été faite » afin d’appliquer les futures dispositions générales d’exécution « qui entrer[aient] rétroactivement en vigueur le 1er janvier 2009 ».

24      Le 17 décembre 2010, la requérante a présenté une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dirigée contre la communication du 17 septembre 2010. Cette réclamation a été rejetée le 12 avril 2011 au motif que la communication du 17 septembre 2010 ne contenait pas d’acte faisant grief.

25      À la suite de l’adoption des DGE 2011, le PMO 4 a transmis à la requérante, le 24 mai 2011, une seconde proposition de bonification d’annuités, accompagnée d’une note expliquant que la nouvelle proposition « annul[ait] et rempla[çait] » la première proposition de bonification d’annuités (ci-après la « seconde proposition de bonification d’annuités »). Selon la seconde proposition de bonification d’annuités, les coefficients de conversion retenus dans la première proposition de bonification d’annuités étaient « obsolètes » et « manquaient de base légale à partir du 1er janvier 2009 » en raison de l’entrée en vigueur, à cette même date, du taux d’intérêt défini par le règlement no 1324/2008. Ce taux d’intérêt aurait été l’un des éléments entrant dans le calcul des coefficients de conversion à utiliser lors de la conversion des droits à pension acquis auparavant en nombre d’annuités de pension statutaire à bonifier. Par conséquent, la première proposition de bonification d’annuités devait « être considéré[e] comme null[e] et non avenu[e] ». En application des coefficients de conversion fixés par les DGE 2011, le nombre d’annuités à bonifier ainsi recalculé était de 17 ans et 7 mois.

26      Le 3 juin 2011, la requérante a présenté une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre des DGE 2011 et plus particulièrement de leur article 9, estimant que cette disposition portait atteinte au principe de non-rétroactivité.

27      Par décision du 28 juillet 2011, communiquée au conseil de la requérante le 29 juillet 2011, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), après avoir précisé que, « [i]ndépendamment de la question de savoir si les DGE [2011] p[ouvaient] être qualifiées [d]’acte faisant grief, la [seconde] proposition de [bonification d’annuités] […] [était] analysée comme un acte faisant grief » et que, par conséquent, c’était la seconde proposition de bonification d’annuités qui « f[aisait] l’objet de la présente décision », a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

28      Par acte séparé, parvenu au greffe du Tribunal le 4 janvier 2012, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal et demandé au Tribunal de statuer sans engager le débat au fond.

29      Par acte parvenu au greffe du Tribunal le 27 janvier 2012, la requérante a présenté des observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

30      Par lettre du 25 mai 2012, le greffe du Tribunal a informé les parties que le Tribunal avait décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        pour autant que nécessaire, annuler la seconde proposition de bonification d’annuités ;

–        « au besoin en application de l’article 277 [TFUE] », annuler les DGE 2011, et plus particulièrement leur article 9 ;

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable et en toute hypothèse non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

33      Par lettre du 28 janvier 2013, le Tribunal a demandé aux parties, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, d’apporter des précisions sur certains points de leurs écritures et de produire divers documents. Les parties ont déféré à ces mesures conformément aux instructions du Tribunal.

34      L’affaire, initialement attribuée à la troisième chambre du Tribunal, a été renvoyée à l’assemblée plénière du Tribunal, ce dont les parties ont été informées par lettre du greffe du 7 février 2013 portant convocation à l’audience et communication du rapport préparatoire d’audience.

 En droit

 Sur l’objet du recours

35      Par le premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision de rejet de la réclamation.

36      À cet égard, il y a lieu de rappeler que des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8).

37      En l’espèce, la réclamation du 3 juin 2011, bien que dirigée contre les DGE 2011, a été interprétée par l’AIPN comme étant dirigée uniquement contre la seconde proposition de bonification d’annuités, ce que la requérante n’a pas contesté devant le Tribunal.

38      Or, la décision de rejet de la réclamation confirme la seconde proposition de bonification d’annuités. Par suite, il y a lieu de regarder les conclusions dirigées contre la décision de rejet de la réclamation comme étant dirigées contre la seconde proposition de bonification d’annuités, laquelle fait d’ailleurs l’objet du deuxième chef de conclusions.

39      Par le troisième chef de conclusions, la requérante demande l’annulation, « pour autant qu’il soit nécessaire, […] au besoin en application de l’article 277 [TFUE] », des DGE 2011, et plus particulièrement de leur article 9.

40      Il ressort de la référence à l’article 277 TFUE et des développements de la requête que la requérante, par son troisième chef de conclusions, soulève, en réalité, l’exception d’illégalité de l’article 9 de l’acte à portée générale que sont les DGE 2011, exception qui, à la supposer fondée, ne saurait aboutir, en l’espèce, qu’à l’annulation de la seconde proposition de bonification d’annuités, faisant précisément l’objet du deuxième chef de conclusions.

41      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’examiner uniquement les conclusions en annulation de la seconde proposition de bonification d’annuités.

 Sur l’exception d’irrecevabilité

 Arguments des parties

42      La Commission soutient que le recours est irrecevable, car dirigé contre la seconde proposition de bonification d’annuités, laquelle ne serait pas un acte faisant grief.

43      Selon la Commission, la procédure administrative concernant le traitement des demandes de transfert de droits à pension acquis dans un régime de pension national comporterait plusieurs étapes. Or, la proposition de bonification d’annuités ne serait que l’une des étapes de cette procédure.

44      La bonification d’annuités figurant dans la proposition adressée à l’intéressé ne deviendrait définitive qu’après que les sommes correspondant au capital actualisé des droits à pension ont été effectivement versées sur le compte bancaire de la Commission par les caisses de retraite nationales ou internationales concernées, de telle sorte que la décision de bonification notifiée au fonctionnaire après l’encaissement du capital transféré serait le seul acte faisant grief au fonctionnaire ayant introduit une demande de transfert.

45      Dans ces conditions, la seconde proposition de bonification d’annuités serait un acte préparatoire, dont l’objectif serait uniquement de préparer la décision finale de bonification.

46      Au cours de l’audience, la Commission a également fait valoir que les droits à pension du fonctionnaire ne sont pas cristallisés par la proposition de bonification d’annuités, a fortiori lorsque celle-ci n’a pas été acceptée par l’intéressé, et que, entre l’adoption de cette proposition et celle de la décision clôturant la procédure, le montant du capital transféré et, par voie de conséquence, le nombre d’annuités à prendre en compte seraient susceptibles d’évoluer. La Commission se fonde à cet égard sur l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, qui dispose que l’institution concernée détermine « sur la base du capital transféré » le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension de l’Union au titre de la période de service antérieure.

47      La requérante estime, en revanche, que, selon la jurisprudence, une proposition de bonification d’annuités est un acte faisant grief, indépendamment de son acceptation ou non par le fonctionnaire concerné.

 Appréciation du Tribunal

48      Il convient tout d’abord de rappeler que le système de transfert des droits à pension, tel que prévu à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, en permettant une coordination entre les régimes nationaux et le régime de pension de l’Union, vise à faciliter le passage des emplois nationaux, publics ou privés, et aussi internationaux à l’administration de l’Union et à garantir ainsi à l’Union les meilleures possibilités de choix d’un personnel qualifié déjà doté d’une expérience professionnelle appropriée (ordonnance de la Cour du 9 juillet 2010, Ricci, C‑286/09 et C‑287/09, point 28, et la jurisprudence citée).

49      Dans ce contexte, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a en particulier été amené à considérer que les propositions de bonification d’annuités transmises pour accord au fonctionnaire sont des « décisions » qui ont un double effet : d’une part, celui de conserver, au profit du fonctionnaire concerné et dans l’ordre juridique d’origine, le montant des droits à pension qu’il a acquis dans le régime de pension correspondant et, d’autre part, celui d’assurer dans l’ordre juridique de l’Union, et sous réserve de la réalisation de certaines conditions supplémentaires, la prise en compte de ces droits dans le régime de pension de l’Union (arrêt du Tribunal de première instance du 18 décembre 2008, Belgique et Commission/Genette, T‑90/07 P et T‑99/07 P, point 91, et la jurisprudence citée).

50      Le Tribunal avait quant à lui également déjà jugé que les propositions de bonification d’annuités constituent des actes à caractère unilatéral, n’appelant aucune autre mesure de la part de l’institution compétente et faisant grief au fonctionnaire intéressé. Dans le cas contraire, de tels actes seraient, en tant que tels, insusceptibles de contestation contentieuse ou, à tout le moins, ne pourraient faire l’objet d’une réclamation et d’un recours qu’à la suite de l’adoption d’une décision postérieure, à une date indéterminée et émanant d’une autorité autre que l’AIPN. Cette analyse ne serait respectueuse ni du droit des fonctionnaires à une protection juridictionnelle effective ni des exigences de sécurité juridique inhérentes aux règles de délai énoncées par le statut (ordonnance du Tribunal du 10 octobre 2007, Pouzol/Cour des comptes, F‑17/07, points 52 et 53).

51      Enfin, cette ligne jurisprudentielle a été également confirmée par l’arrêt du Tribunal du 11 décembre 2012, Cocchi et Falcione/Commission (F‑122/10, faisant l’objet d’un pourvoi actuellement pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑103/13 P, points 37 à 39), dans lequel le Tribunal a jugé que la proposition de bonification d’annuités était un acte faisant grief au fonctionnaire concerné.

52      Il ressort en définitive de la jurisprudence citée aux points 49 à 51 du présent arrêt que la proposition de bonification d’annuités que les services compétents de la Commission soumettent à l’accord du fonctionnaire, dans le cadre de la procédure administrative de transfert des droits à pension à plusieurs étapes décrite ci-dessus, est un acte unilatéral, détachable du cadre procédural dans lequel il intervient, adopté en vertu d’une compétence liée, attribuée ex lege à l’institution, car découlant directement du droit individuel que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut confère expressément aux fonctionnaires et aux agents lors de leur entrée en service auprès de l’Union.

53      En effet, l’exercice de cette compétence liée oblige la Commission à établir une proposition de bonification d’annuités qui soit fondée sur toutes les données pertinentes qu’elle est tenue d’obtenir de la part des autorités nationales ou internationales concernées, précisément dans le cadre d’une coordination étroite et d’une coopération loyale entre ces dernières et ses services. Une telle proposition de bonification d’annuités, par conséquent, ne saurait être considérée comme la manifestation d’une « simple intention » des services de l’institution de renseigner le fonctionnaire concerné, dans l’attente de recevoir effectivement son accord ainsi que, ensuite, d’encaisser le capital permettant de procéder à la bonification. Au contraire, une telle proposition constitue l’engagement nécessaire de la part de l’institution de procéder correctement à la mise en œuvre effective du droit au transfert des droits à pension du fonctionnaire que celui-ci a exercé en soumettant sa demande de transfert. Le transfert du capital actualisé au régime de pension de l’Union constitue, quant à lui, l’exécution d’une obligation distincte incombant aux autorités nationales ou internationales et qui est nécessaire pour compléter l’ensemble de la procédure de transfert des droits à pension vers les caisses du régime de pension de l’Union.

54      Aussi, l’exercice de la compétence liée aux fins de la mise en œuvre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut oblige-t-il la Commission à employer toute la diligence nécessaire afin de permettre au fonctionnaire qui a fait une demande de mise en œuvre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut de pouvoir donner son accord sur la proposition de bonification d’annuités en pleine connaissance de cause, tant en ce qui concerne les éléments nécessaires au calcul portant sur la détermination du nombre d’annuités de pension statutaire à prendre en compte qu’en ce qui concerne les règles régissant, « à la date de la demande de transfert », les modalités de ce calcul, comme le précise la lettre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Cette disposition prévoit en effet que l’institution où le fonctionnaire est en service « détermine », par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, « le nombre d’annuités » qu’elle prend en compte.

55      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’une proposition de bonification d’annuités est un acte faisant grief au fonctionnaire qui a fait une demande de transfert de ses droits à pension.

56      Cette conclusion est confirmée aussi par les considérations exposées ci-après.

57      En premier lieu, entérinant une pratique antérieure qui était exprimée dans des clauses figurant dans les propositions de bonification d’annuités, les DGE 2011 prévoient désormais expressément en leur article 8 que l’accord que le fonctionnaire est invité à donner à la proposition de bonification d’annuités, une fois donné, est « irrévocable ». Or, le caractère irrévocable de l’accord du fonctionnaire une fois donné ne se justifie que si la Commission a, pour sa part, fourni à l’intéressé une proposition dont le contenu a été calculé et avancé avec toute la diligence requise et qui lie la Commission, en ce sens qu’elle l’oblige à poursuivre, sur cette base, la procédure de transfert, en cas d’accord de l’intéressé.

58      En deuxième lieu, la proposition de bonification d’annuités est faite, en principe, sur la base d’un mode de calcul qui est le même que celui qui est appliqué au moment où le régime de pension de l’Union reçoit l’intégralité du capital définitivement transféré par les caisses de retraite nationales ou internationales d’origine.

59      Ce qui pourrait tout au plus changer, le cas échéant, entre la date de la proposition de bonification d’annuités et celle de l’encaissement définitif du capital serait le montant de la somme dont il s’agit, le montant du capital transférable actualisé à la date de la demande de transfert pouvant être différent du montant du capital à la date où il est effectivement transféré, en fonction, par exemple, des variations des taux de change. Même dans ce dernier cas, qui par ailleurs ne peut concerner que les transferts de capitaux exprimés dans des devises autres que l’euro, le mode de calcul appliqué à ces deux valeurs est effectivement le même.

60      En troisième lieu, la thèse de la Commission, selon laquelle seule la décision de bonification adoptée après l’encaissement définitif du capital dont il s’agit ferait grief au fonctionnaire concerné, va clairement à l’encontre du but de la procédure administrative de transfert des droits à pension. Cette procédure a précisément pour finalité de permettre au fonctionnaire concerné de décider, en pleine connaissance de cause et avant que le capital correspondant à l’ensemble de ses cotisations ne soit définitivement transféré au régime de pension de l’Union s’il est pour lui plus avantageux de cumuler ses précédents droits à pension avec ceux qu’il acquiert en tant que fonctionnaire de l’Union ou, au contraire, de conserver ces droits dans l’ordre juridique national (voir arrêt Belgique et Commission/Genette, précité, point 91). En effet, la thèse de la Commission obligerait le fonctionnaire concerné à contester le mode par lequel les services de la Commission ont calculé le nombre d’annuités de bonification auxquelles il a droit seulement après que les caisses de retraite nationales ou internationales d’origine ont définitivement transféré le capital à la Commission, ce qui anéantirait en pratique la substance même du droit conféré au fonctionnaire par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut de choisir de procéder au transfert de ses droits à pension ou de les conserver dans les caisses de retraite nationales ou internationales d’origine.

61      Enfin, en quatrième lieu, il ne saurait être soutenu, comme le fait la Commission, que les propositions de bonification d’annuités ne sont que des actes préparatoires au motif que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut impose que le nombre d’annuités soit calculé « sur la base du capital transféré ».

62      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler qu’il ressort du libellé de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut que l’institution concernée « détermine » le nombre d’annuités d’abord « par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert », et qu’elle prend ensuite en compte le nombre d’annuités, ainsi déterminé, d’après le régime de pension de l’Union « sur la base du capital transféré ».

63      Ce libellé est confirmé par celui de l’article 7 des DGE 2004 et de l’article 7 des DGE 2011. Les libellés de ces articles disposent en effet tous les deux, en leur paragraphe 1, que le nombre d’annuités à prendre en compte est calculé « sur la base du montant transférable représentant les droits acquis […], déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date d’enregistrement de la demande de transfert et la date de transfert effectif ».

64      Le paragraphe 2 des articles 7 des DGE 2004 et 2011 précise en revanche que le nombre d’annuités à prendre en compte « est ensuite calculé […] sur la base du montant transféré », conformément à la formule mathématique figurant au premier tiret du même paragraphe.

65      Il ressort donc des dispositions susmentionnées que les propositions de bonification d’annuités sont calculées sur la base du montant transférable à la date d’enregistrement de la demande, tel que communiqué par les autorités nationales ou internationales compétentes aux services de la Commission, déduction faite, le cas échéant, du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date d’enregistrement de la demande et celle du transfert effectif, cette différence pécuniaire ne devant, en effet, pas être supportée par le régime de pension de l’Union.

66      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la seconde proposition de bonification d’annuités est un acte faisant grief et que les conclusions en annulation sont donc recevables. Partant, il y a lieu d’écarter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Sur le fond

67      À l’appui de ses conclusions en annulation dirigées contre la seconde proposition de bonification d’annuités, la requérante soulève un moyen unique, tiré de « la violation de l’article 11[,] paragraphe 2[,] de l’annexe VIII du [s]tatut [et] de l’article 26[,] paragraphe 4[,] de l’annexe XIII du [s]tatut, de la méconnaissance des droits acquis ainsi que de la violation des principes de sécurité juridique et de non[-]rétroactivité [et] de l’erreur manifeste d’appréciation ».

 Arguments des parties

68      La requérante soutient que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut impose à la Commission l’obligation, si elle souhaite modifier les valeurs actuarielles applicables aux demandes de transfert de droits à pension acquis auprès d’un État membre vers le régime de pension de l’Union (ci-après le « transfert ‘in’ »), d’adopter préalablement de nouvelles dispositions générales d’exécution. Or, la Commission n’aurait adopté de nouvelles dispositions générales d’exécution que le 3 mars 2011. Les DGE 2004, en vigueur avant cette date, seraient donc les seules applicables à la demande de transfert.

69      L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2009, du règlement no 1324/2008 serait sans incidence sur les taux à appliquer au calcul du nombre d’annuités à bonifier. En effet, ce règlement aurait modifié le taux d’intérêt prévu à l’article 8 de l’annexe VIII du statut, lequel serait exclusivement utilisé en cas de transfert vers un régime national de pension de l’équivalent actuariel, à savoir le capital des droits à pension acquis par un fonctionnaire au sein de l’Union (ci-après le « transfert ‘out’ »), et ne serait donc pas applicable en cas de transfert « in ».

70      Par ailleurs, aucune disposition ni du statut ni du règlement no 1324/2008 n’imposerait l’application immédiate, de plein droit, du taux d’intérêt fixé par le règlement no 1324/2008 s’agissant du calcul du nombre d’annuités à bonifier en cas de transfert « in ».

71      Selon la requérante, en application de l’évaluation actuarielle quinquennale au titre de l’article 83 bis, paragraphe 3, du statut, le règlement no 1324/2008 ne pouvait adapter, de manière limitative, que le taux de la contribution au régime de pension de l’Union et le taux d’intérêt prévu par les dispositions visées à l’article 2 du même règlement. Par ces mesures, le Conseil aurait par conséquent « épuisé » l’ensemble des prérogatives que l’article 83 bis du statut lui confère. Le Conseil n’aurait pas été habilité à prendre quelque décision que ce soit qui influe sur le calcul visé à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

72      En outre, la modification du taux d’intérêt décidée par le Conseil ne pourrait pas être obligatoirement applicable de manière simultanée à tous les calculs actuariels.

73      La requérante fait également valoir que ses droits se sont cristallisés à la date de la demande de transfert, c’est-à-dire le 3 novembre 2009, et auraient donc dû être définis en application des DGE 2004, seules en vigueur à cette date.

74      Enfin, la requérante considère que l’application rétroactive des DGE 2011 était « inattendue ». La note du directeur général de la direction générale « Ressources humaines et sécurité » du 25 mai 2010 et la communication du 30 juillet 2010 annonçaient que les nouvelles règles ne seraient pas appliquées de manière rétroactive.

75      La Commission rétorque, quant à elle, que, si le règlement no 1324/2008 ne pouvait modifier l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, cette disposition ne mentionnant pas le taux d’intérêt à utiliser pour calculer l’équivalent actuariel, les dispositions générales d’exécution de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut font en revanche usage de coefficients de conversion qui seraient « directement fonction du taux figurant à l’article 8 de l’annexe VIII [du statut] ».

76      De l’avis de la Commission, la modification du taux d’intérêt prévu à l’article 8 de l’annexe VIII du statut, déterminée au 1er janvier 2009 par l’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008, aurait donc entraîné « nécessairement », à la même date, la modification desdits coefficients de conversion. Les coefficients de conversion prévus par les DGE 2004 seraient ainsi devenus « obsolètes » et dépourvus de base légale au 1er janvier 2009, et ceci indépendamment de toute abrogation formelle et contextuelle des DGE 2004.

 Appréciation du Tribunal

77      À titre liminaire, il convient de constater que le grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation n’est nullement étayé, aucun argument n’étant invoqué à son soutien. Il y a donc lieu de le rejeter sur le fondement de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure.

78      Dans le cadre de son moyen unique, la requérante soulève l’exception d’illégalité de l’article 9, troisième alinéa, dernière phrase, ainsi que de l’article 9, quatrième alinéa, première phrase, des DGE 2011. Selon la requérante, ces dispositions des DGE 2011 prévoient que les coefficients de conversion figurant à l’annexe 1 des DGE 2011, établis conformément au règlement no 1324/2008, s’appliquent à partir du 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur dudit règlement, alors qu’à cette date l’annexe 2 des DGE 2004, qui prévoyait des coefficients de conversion différents et applicables à compter du 1er mai 2004, n’avait fait l’objet d’aucune modification formelle. La requérante soutient qu’une telle modification formelle s’imposait, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, et que l’application avec effet rétroactif au 1er janvier 2009 des nouveaux coefficients de conversion prévus à l’annexe 1 des DGE 2011, y compris aux dossiers des fonctionnaires et agents dont la demande de transfert « in » avait été introduite avant cette date, méconnaît les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité.

79      Pour justifier en droit l’article 9, troisième et quatrième alinéas, des DGE 2011, la Commission soutient, en substance, que l’article 2 du règlement no 1324/2008 a rendu caduques et automatiquement dépourvues de base légale les DGE 2004 en ce qui concerne le mode de calcul du nombre d’annuités à prendre en compte.

–       Sur l’incidence du règlement no 1324/2008 sur les DGE 2004

80      Il ressort du libellé de l’article 2 du règlement no 1324/2008 que celui-ci n’a, s’agissant des fonctionnaires et autres agents de l’Union, que deux objets.

81      Le premier concerne la détermination, par l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, du taux applicable au calcul des droits à pension d’un fonctionnaire qui reprend du service au sein de l’Union après y avoir accompli une précédente période. Cet objet apparaît d’emblée dépourvu de pertinence en l’espèce.

82      Le second concerne la fixation du taux à utiliser pour la définition de l’« équivalent actuariel » de la pension d’ancienneté. Or, force est de constater que cette notion est utilisée à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut pour les transferts « out » et non à l’article 11, paragraphe 2, de la même annexe pour les transferts « in ».

83      Il convient, en effet, de rappeler que l’article 11 de l’annexe VIII du statut établit une distinction claire entre, d’une part, au paragraphe 1, le transfert « out » et, d’autre part, au paragraphe 2, le transfert « in ».

84      En cas de transfert « out », l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut dispose que le fonctionnaire concerné a le droit de faire transférer « l’équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, de[s] droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis auprès de l’Union ». En revanche, en cas de transfert « in », le paragraphe 2 de la même disposition prévoit que le fonctionnaire concerné a la faculté de faire verser à l’Union « le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis [auprès du régime national ou international auquel il était jusque-là affilié] ». Dans l’hypothèse du transfert « out », la somme d’argent transférée est l’« équivalent actuariel » des droits acquis auprès de l’Union ; dans l’hypothèse du transfert « in », la somme d’argent transférée est le « capital actualisé », à savoir une somme d’argent qui représente matériellement les droits à pension acquis au titre des activités antérieures du fonctionnaire concerné auprès du régime national ou international de pension dont il s’agit, tel qu’actualisé en vertu de l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut, à la date du transfert effectif (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 décembre 2013, Časta, C‑166/12, point 26).

85      Or, l’« équivalent actuariel » visé au paragraphe 1 de l’article 11 de l’annexe VIII du statut et le« capital actualisé » visé au paragraphe 2 du même article sont deux notions juridiques distinctes, relevant chacune de régimes indépendants l’un de l’autre.

86      L’« équivalent actuariel » se présente en effet, dans le droit du statut, comme une notion autonome, propre au système du régime de pension de l’Union. Il est défini, à l’article 8 de l’annexe VIII du statut, « comme étant égal à la valeur en capital de la prestation [de la pension d’ancienneté] revenant au fonctionnaire, calculée d’après la table de mortalité mentionnée à l’article 9 de l’annexe XII [du statut] et sur la base du taux d’intérêt de 3,1 % l’an qui peut être révisé selon les modalités prévues à l’article 10 de l’annexe XII [du statut] ». La dernière révision du taux d’intérêt visé à l’article 8 de l’annexe VIII du statut a été opérée, en vertu de l’article 10 de l’annexe XII du statut, précisément par le règlement no 1324/2008, qui a baissé le taux d’intérêt de 3,5 % à 3,1 %.

87      Le « capital actualisé », en revanche, n’est pas défini par le statut, qui n’indique pas non plus sa méthode de calcul, et ce en raison du fait que son calcul et les modalités de contrôle de ce calcul relèvent, comme le précise de manière constante la jurisprudence, exclusivement de la compétence des autorités nationales ou internationales concernées (arrêt Belgique et Commission/Genette, précité, points 56 et 57, et la jurisprudence citée).

88      La Commission maintient néanmoins que l’équivalent actuariel serait également une « méthode de calcul » qui, en tant que telle, devrait être utilisée non seulement en cas de transfert « out », lorsque des sommes sortent des caisses du régime de pension de l’Union pour entrer dans celle d’un régime de pension d’un État membre ou d’une organisation internationale, mais aussi en cas de transfert « in », lorsque, à l’inverse, des sommes d’argent entrent dans les caisses du régime de pension de l’Union.

89      En tant que méthode de calcul, l’équivalent actuariel s’appliquerait donc, d’après la Commission, à l’un comme à l’autre des deux cas de transfert de droits à pension d’ancienneté. La Commission souligne, à cet égard, que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut prévoit, depuis la réforme statutaire de 2004, une nouvelle condition à la charge des autorités nationales concernées, à savoir que le capital correspondant à l’ensemble des cotisations versées par le fonctionnaire qui vient d’entrer au service de l’Union soit « actualisé jusqu’à la date du transfert effectif ». Selon la Commission, cette nouvelle condition, dans la mesure où elle figure dans le statut, créerait à charge des autorités nationales concernées l’obligation d’actualiser le capital selon les paramètres indiqués dans le statut, parmi lesquels le taux d’intérêt, tel que modifié en dernier lieu par le règlement no 1324/2008.

90      La thèse de la Commission n’est cependant pas justifiée en droit.

91      En effet, il ressort de la jurisprudence que le système de transfert « in » comporte deux phases administratives distinctes. La première phase consiste en l’établissement du capital actualisé par les autorités nationales ou internationales qui administrent le régime de pension auquel l’intéressé a été affilié jusqu’à son entrée au service de l’Union. L’intégralité de cette phase relève de la compétence exclusive des autorités nationales ou internationales compétentes. La seconde phase, en revanche, consiste en la conversion, par l’institution de l’Union concernée, du capital actualisé, ainsi déterminé par les autorités nationales ou internationales d’origine, en annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union, et ceci sur la base des règles propres au régime de pension de l’Union, y compris les règles figurant dans les dispositions générales d’exécution que chaque institution est tenue d’adopter pour les transferts « in » (voir, en ce sens, arrêt Belgique et Commission/Genette, précité, points 56 et 57).

92      Les deux décisions relatives, la première, à la détermination du capital actualisé et, la seconde, à la conversion de ces actifs en annuités se situent par conséquent dans deux ordres juridiques distincts et relèvent chacune de contrôles juridictionnels propres à chacun de ces deux ordres juridiques (arrêt du Tribunal de première instance du 18 mars 2004, Lindorfer/Conseil, T‑204/01, points 28 à 31).

93      La circonstance que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut prévoit, depuis la réforme statutaire de 2004, que les autorités nationales ou internationales doivent actualiser, jusqu’à la date du transfert effectif, le capital correspondant à l’ensemble des cotisations versées par le fonctionnaire ou agent qui vient d’entrer au service de l’Union emporte, certes, une obligation à la charge desdites autorités, mais n’implique pas pour autant, à défaut de disposition expresse en ce sens, que cette actualisation devrait s’effectuer selon la manière fixée pour les transferts « out ». En revanche, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Časta, précité, points 25 et 26, les États membres sont libres d’appliquer soit la méthode dite « de l’équivalent actuariel », soit la méthode dite « du forfait de rachat », soit encore d’autres méthodes.

94      Par conséquent, s’agissant, en premier lieu, du calcul par les autorités nationales ou internationales compétentes, en vue du transfert « in », du capital actualisé, ce capital est déterminé sur le fondement du droit national applicable et selon les modalités définies par ce droit ou, s’agissant d’une organisation internationale, par ses propres règles, et non pas sur le fondement de l’article 8 de l’annexe VIII du statut et selon le taux d’intérêt fixé par cette disposition. C’est d’ailleurs ce que le Tribunal de première instance a jugé, au point 57 de l’arrêt Belgique et Commission/Genette, précité, lorsqu’il a précisé qu’en cas de transfert « in », la décision relative au calcul du montant des droits à pension à transférer se situe dans l’ordre juridique national compétent et relève du contrôle du seul juge national (voir, en ce sens, arrêt Časta, précité, point 24).

95      Il s’ensuit que l’article 2 du règlement no 1324/2008 ne doit pas entrer en ligne de compte en tant qu’élément de la méthode de calcul du capital correspondant aux droits à pension acquis par le fonctionnaire ou l’agent avant son entrée au service de l’Union et qu’il ne doit pas être pris obligatoirement en compte par les autorités nationales ou internationales concernées lorsqu’elles procèdent à l’actualisation dudit capital qu’elles sont tenues de transférer.

96      En second lieu, s’agissant du calcul par les services de l’institution concernée du nombre d’annuités de bonification à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union, qui est un calcul distinct de celui du capital actualisé, comme il ressort des points 91 à 93 du présent arrêt, il convient de constater que ni l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut relatif aux transferts « in » ni aucune autre disposition statutaire ne prévoient expressément l’obligation d’appliquer au calcul du nombre d’annuités de bonification dans le régime de pension de l’Union le taux d’intérêt visé à l’article 8 de cette même annexe. Il s’ensuit que l’affirmation de la Commission selon laquelle les coefficients de conversion, en cas de transfert « in », seraient « directement fonction » du taux d’intérêt figurant à l’article 8 de l’annexe VIII du statut ne repose sur aucune disposition statutaire.

97      En outre, le Conseil ne saurait, par la voie d’un règlement d’exécution adopté sur la base de l’article 83 bis du statut, réduire la portée de l’article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VIII du statut en remettant en cause l’autonomie que le législateur de l’Union a reconnu, dans cette disposition, aux institutions en leur conférant le pouvoir de déterminer, par le biais de dispositions générales d’exécution, le nombre d’annuités de bonification, en cas de transfert « in ».

98      Certes, l’article 7, paragraphe 2, des DGE 2004 renvoie, aux fins du calcul du nombre d’annuités à prendre en compte sur la base du capital effectivement transféré au régime de pension de l’Union, aux valeurs actuarielles V2 prévues à la table de l’annexe 2 des DGE 2004, lesquelles sont à leur tour, en vertu de ladite annexe 2, « calculées sur la base des paramètres prévus à l’annexe XII du statut ». Or, parmi ces paramètres, figure le taux fixé à l’article 8 de l’annexe VIII du statut.

99      Toutefois, l’annexe 2 des DGE 2004 énonce les valeurs actuarielles telles que calculées sur la base, notamment, du taux de 3,5 % prévu à l’article 8 de l’annexe VIII du statut avant sa modification par le règlement no 1324/2008. Ce sont précisément ces valeurs qui ont été prises en considération par la Commission pour l’établissement de la première proposition de bonification d’annuités, alors même que l’article 8 de l’annexe VIII du statut avait été entre-temps modifié par le règlement no 1324/2008.

100    Dans ces conditions, dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et, en particulier, aux fins de l’actualisation des coefficients de conversion en cas de transfert « in », au regard du nouveau taux de 3,1 % prévu à l’article 8 de l’annexe VIII du statut, suite à l’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008, il incombait à la Commission, conformément audit article 11, paragraphe 2, lequel renvoie à des dispositions générales d’exécution pour sa mise en œuvre, et conformément également au principe de sécurité juridique, de modifier les DGE 2004 et d’établir une nouvelle table des valeurs actuarielles. C’est d’ailleurs précisément ce que la Commission a fait en adoptant les DGE 2011 comportant en annexe de nouvelles valeurs actuarielles, appelées dans ces dernières dispositions générales d’exécution « coefficients de conversion » aux fins du calcul des annuités de bonification.

101    Il convient d’ajouter que l’article 8 de l’annexe VIII du statut, tel que modifié à la suite de l’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008, ne pourrait être rendu applicable aux transferts « in » que par la voie des dispositions générales d’exécution qu’il incombe aux institutions d’adopter conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. L’applicabilité dudit article 8, en l’occurrence, découle de la référence aux « paramètres prévus à l’annexe XII du statut », lesquels figurent dans le titre de l’annexe 2 des DGE 2004, et ce dans la mesure où ladite annexe XII renvoie elle-même, par son article 1er, paragraphe 2, son article 10, paragraphe 2, et son article 12, au taux indiqué à l’article 8 de l’annexe VIII du statut. Or, le titre de l’annexe 2 des DGE 2004 a une valeur explicative de la méthode de calcul retenue par la Commission au titre de ses compétences d’exécution, conférées par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, susceptible seulement de servir à l’interprétation du dispositif normatif résidant dans la table des valeurs actuarielles (voir, s’agissant de la valeur normative du titre d’un article d’une directive, arrêt de la Cour du 3 avril 2003, Hoffmann, C‑144/00, points 37 à 40). De plus, de telles références en cascade, de surcroît largement hermétiques, ne sauraient prévaloir sur les données explicites figurant dans la table des valeurs actuarielles en question sans méconnaître le principe de sécurité juridique.

102    En conclusion, l’argument de la Commission visant à considérer que la méthode de calcul de l’équivalent actuariel, prévue à l’article 8 de l’annexe VIII du statut, devrait nécessairement être aussi utilisée lors de la détermination du capital actualisé, voire du nombre d’annuités de bonification, prévus par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, va à l’encontre du libellé de cette dernière disposition ainsi que de la volonté du législateur de l’Union qui a, en effet, voulu maintenir, dans le statut, une nette distinction entre les deux cas de transfert des droits à pension, « in » et « out » et par conséquent aussi entre les notions de capital actualisé et d’équivalent actuariel.

103    Au vu de ce qui précède, la thèse de la Commission selon laquelle le règlement no 1324/2008 a rendu caduques et automatiquement dépourvues de base légale les DGE 2004 en ce qui concerne le mode de calcul du nombre d’annuités de bonification est erronée en droit, la justification d’une telle thèse méconnaissant tant la portée dudit règlement que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

104    Il convient, dès lors, d’examiner la question de savoir si la Commission était en droit d’appliquer les nouveaux coefficients de conversion figurant à l’annexe 1 des DGE 2011 aux demandes de transfert introduites avant l’entrée en vigueur, le 1er avril 2011, des DGE 2011.

–       Sur l’application rétroactive des coefficients de conversion figurant à l’annexe 1 des DGE 2011

105    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon un principe généralement reconnu, et sauf dérogation, une règle nouvelle s’applique immédiatement aux situations à naître, ainsi qu’aux effets futurs des situations nées, sans être cependant entièrement constituées, sous l’empire de la règle ancienne (arrêt du Tribunal du 13 juin 2012, Guittet/Commission, F‑31/10, point 47, et la jurisprudence citée).

106    Par conséquent, il est nécessaire de vérifier si, au moment où les nouveaux coefficients de conversion prévus par les DGE 2011 sont devenus applicables, soit le 1er avril 2011, la requérante se trouvait dans une situation née et entièrement constituée sous l’empire des DGE 2004. Ce n’est que dans cette hypothèse qu’il pourrait effectivement être reconnu que les coefficients de conversion prévus par les DGE 2011 ont été appliqués de manière rétroactive à la requérante. Dans ce cas, il y aurait lieu d’examiner l’exception d’illégalité soulevée par la requérante et, plus particulièrement, la légalité de l’application rétroactive des coefficients de conversion prévus par les DGE 2011 au regard des principes de sécurité juridique et de respect de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt Guittet/Commission, précité, point 48).

107    En l’espèce, pour que la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent ayant fait une demande de transfert « in » ait été entièrement constituée sous l’empire des valeurs actuarielles V2 annexées aux DGE 2004, il doit être établi que, au plus tard à la fin du jour précédant la date d’entrée en vigueur des nouveaux coefficients de conversion prévus par les DGE 2011, soit le 31 mars 2011, l’intéressé avait accepté la proposition de bonification d’annuités qui lui avait été faite en vertu des DGE 2004.

108    Dans le cas présent, ainsi que rappelé au point 21 du présent arrêt, la requérante n’a ni accepté ni refusé formellement la première proposition de bonification d’annuités. Sa situation au regard de son droit au transfert « in », bien que née sous l’empire des DGE 2004, n’était donc pas entièrement constituée sous l’empire des DGE 2004 au moment de l’entrée en vigueur des DGE 2011, lesquelles n’ont donc pas été appliquées de manière rétroactive en l’espèce.

109    Dans ces conditions, la requérante ne saurait davantage se prévaloir d’un droit acquis ou du non-respect des conditions de retrait des actes administratifs (voir arrêt Cocchi et Falcione, précité, points 42 et 43).

110    Il découle de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter comme non fondées les conclusions tendant à l’annulation de la seconde proposition de bonification.

111    Partant, il y a lieu de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

112    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

113    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante a succombé en son recours. Toutefois, il y a lieu de relever que l’attitude de la Commission a pu susciter, chez la requérante, des interrogations et des hésitations tout à fait légitimes. En premier lieu, il convient de rappeler que, dans la décision de rejet de la réclamation, la Commission a admis, de son propre chef, que la seconde proposition de bonification d’annuités était analysée comme un acte faisant grief. Or, si, dans le cadre du présent recours, la Commission était en droit de soulever une exception d’irrecevabilité invitant le Tribunal à ne pas engager le débat au fond, il n’en reste pas moins qu’elle a soutenu, à l’inverse, que la proposition de bonification d’annuités n’était « manifestement » pas un acte faisant grief. En outre, la Commission a précisé à trois reprises, à savoir dans la première proposition de bonification d’annuités ainsi que dans les communications du 5 mai et du 30 juillet 2010, que les DGE 2004 seraient appliquées aux demandes de transfert enregistrées avant la date d’entrée en vigueur des DGE 2011. De surcroît, aucune mention de l’importance que pourrait avoir, dans un tel contexte, l’acceptation des propositions de bonification d’annuités par les fonctionnaires et les agents intéressés ne figure dans ces communications. Les circonstances de l’espèce justifient donc l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure et la condamnation de la Commission à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(assemblée plénière)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par Mme Teughels.

Van Raepenbusch

Rofes i Pujol

Perillo

Barents

 

      Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2013.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.