Language of document : ECLI:EU:C:2019:774

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 24 septembre 2019 (1)

Affaires jointes C515/17 P et C561/17 P

Uniwersytet Wrocławski

contre

Agence exécutive pour la recherche (REA) (C‑515/17 P)

et

République de Pologne

contre

Uniwersytet Wrocławski,

Agence exécutive pour la recherche (REA) (C‑561/17 P)

« Pourvoi – Article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Représentation des requérants non privilégiés dans les recours directs – Notion d’“avocat” – Notion autonome du droit de l’Union – Possibilité de remédier à un vice affectant la représentation en justice »






Table des matières


I. Introduction

II. Le cadre juridique

III. L’ordonnance attaquée

IV. La procédure devant la Cour

V. Appréciation

A. Genèse et problèmes actuels

1. L’évolution de la jurisprudence sur l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

a) Origines liées au droit de la concurrence

b) Comment la condition d’indépendance a été « transférée » à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

2. Les aspects problématiques du « transfert » et ses conséquences procédurales

a) Le contexte

b) Le caractère flou du critère

c) Les conséquences du nonrespect de l’exigence d’indépendance

B. Les options et les variables

1. Les options

a) L’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

b) L’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

2. L’objectif de la représentation en justice

C. Un critère modifié

1. Sur le plan matériel

a) Habilitation à exercer devant les juridictions nationales

b) Le statut de l’avocat – un tiers indépendant de la partie requérante

1) La qualité de tiers

2) L’indépendance

2. Sur le plan procédural

D. La présente affaire

VI. Sur les dépens

VII. Conclusion

I.      Introduction

1.        Qui a le droit de représenter un requérant non privilégié dans le cadre d’un recours direct devant la Cour de justice de l’Union européenne ? Qu’est-ce qu’un « avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre », pour reprendre les termes de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ?

2.        Le processus de vérification des qualifications formelles d’un avocat, des certificats requis et de son pouvoir d’agir au nom d’un requérant est un sujet qui, traditionnellement, se retrouve rarement sous les feux de l’actualité (jurisprudentielle). Ce processus de vérification, à la fois discret et banal, constituait une tâche routinière des greffes, les débats sur ce sujet étant réservés aux connaisseurs et aux aficionados de la procédure propre aux juridictions de l’Union européenne. La situation aurait pu en rester là si le processus de vérification, qui constitue normalement une formalité, n’avait pas évolué progressivement vers quelque chose d’assez différent.

3.        L’Uniwersytet Wrocławski (université de Wrocław, Pologne) a saisi le Tribunal d’un recours contre une décision adoptée par l’Agence exécutive pour la recherche (REA), ordonnant à cette université de rembourser certains fonds qui lui avaient été octroyés.

4.        Ce recours a été déclaré irrecevable pour non‑respect des conditions régissant la représentation en justice (2). Selon le Tribunal, le représentant de l’université de Wrocław ne satisfaisait pas à l’exigence d’indépendance qui s’attache à la notion d’« avocat » au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Bien qu’ayant la qualité d’avocat au sens du droit polonais et exerçant dans un cabinet, ce représentant dispensait également des cours, en tant qu’enseignant extérieur, à l’université de Wrocław, sur la base d’un contrat de droit civil conclu à cet effet avec cette université. Selon le Tribunal, l’existence de ce contrat signifiait que l’exigence d’indépendance de l’avocat n’était pas respectée.

5.        Dans le contexte du présent pourvoi contre cette ordonnance, je souhaiterais inviter la Cour à reconsidérer, sur deux points, la jurisprudence et la pratique du Tribunal dans ce domaine. Premièrement, sur le fond, il convient de replacer l’interprétation de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dans un cadre raisonnable et prévisible. Deuxièmement, ce qui est peut-être plus important, une irrégularité potentielle affectant la représentation en justice devrait être considérée comme une irrégularité procédurale affectant le recours, dont il convient d’informer dûment le requérant, en lui donnant la possibilité d’y remédier.

II.    Le cadre juridique

6.        L’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose :

« Les États membres ainsi que les institutions de l’Union sont représentés devant la Cour de justice par un agent nommé pour chaque affaire ; l’agent peut être assisté d’un conseil ou d’un avocat.

Les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen [, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3)], autres que les États membres, ainsi que l’Autorité de surveillance AELE visée par ledit accord, sont représentés de la même manière.

Les autres parties doivent être représentées par un avocat.

Seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut représenter ou assister une partie devant la Cour.

Les agents, conseils et avocats comparaissant devant la Cour jouissent des droits et garanties nécessaires à l’exercice indépendant de leurs fonctions, dans les conditions qui seront déterminées par le règlement de procédure.

La Cour jouit à l’égard des conseils et avocats qui se présentent devant elle des pouvoirs normalement reconnus en la matière aux cours et tribunaux, dans les conditions qui seront déterminées par le même règlement. […] »

7.        Aux termes de l’article 53 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, « [l]a procédure devant le Tribunal est régie par le titre III […] ». Ce titre inclut l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

8.        L’article 51 du règlement de procédure du Tribunal concerne l’« Obligation de représentation » dans les recours directs et dispose :

« 1.      Les parties doivent être représentées par un agent ou un avocat dans les conditions prévues à l’article 19 du statut [de la Cour de justice de l’Union européenne].

2.      L’avocat représentant ou assistant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord [sur l’Espace économique européen].

3.      Les avocats sont tenus, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe un mandat délivré par cette dernière.

4.      Si les documents visés aux paragraphes 2 et 3 ne sont pas déposés, le greffier fixe à la partie concernée un délai raisonnable pour les produire. À défaut de cette production dans le délai imparti, le Tribunal décide si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête ou du mémoire. »

III. L’ordonnance attaquée

9.        Le 25 mars 2016, l’université de Wrocław a saisi le Tribunal d’un recours en vue, premièrement, de l’annulation des décisions de la REA de résilier une convention de subvention et d’obliger la requérante à rembourser les sommes de 36 508,37 euros, de 58 031,38 euros et de 6 286,68 euros, ainsi qu’à payer des dommages et intérêts d’un montant de 5 803,14 euros et, deuxièmement, de la restitution par la REA des sommes correspondantes avec les intérêts dus.

10.      Dans son mémoire en défense, la REA a d’abord soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur cinq moyens. Le premier moyen portait sur le fait que l’avocat représentant l’université de Wrocław ne satisfaisait pas à la condition d’indépendance requise par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure du Tribunal. En effet, selon la REA, le représentant de l’université de Wrocław était salarié de l’un des centres de recherche de cette université.

11.      Dans l’ordonnance attaquée (3), le Tribunal a tout d’abord rappelé que les représentants de requérants non privilégiés devant les juridictions de l’Union doivent remplir deux conditions. La première condition impose que ce représentant soit un « avocat ». La seconde condition précise que cet avocat doit être « habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre […] ». Si la seconde condition renvoie au droit national, la première ne comporte aucun renvoi exprès et doit être interprétée, dans la mesure du possible, de manière autonome, sans faire référence au droit national (4).

12.      Le Tribunal a par la suite précisé que la conception du rôle de l’avocat dans l’ordre juridique de l’Union, qui émane des traditions juridiques communes aux États membres et sur laquelle l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne se fonde, est celle d’un collaborateur de la justice appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle‑ci, l’assistance légale dont le client a besoin (5). La notion d’« indépendance de l’avocat » est définie non seulement de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’est‑à‑dire par l’absence d’un rapport d’emploi (6).

13.      Se référant à l’arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej/Commission (7), le Tribunal a jugé que, même si l’absence d’un lien de subordination entre l’avocat et la requérante impliquait que la relation d’emploi créée par ce contrat de droit civil pouvait être considérée comme formellement absente, il existait néanmoins un risque que l’opinion professionnelle de l’avocat soit, à tout le moins en partie, influencée par son environnement professionnel (8).

14.      Sur la base de ces arguments, le Tribunal a déclaré le recours manifestement irrecevable, en fondant sa décision sur l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et sur l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal (9).

IV.    La procédure devant la Cour

15.      L’ordonnance attaquée a fait l’objet d’un pourvoi de l’université de Wrocław (C‑515/17 P) et de la République de Pologne (C‑561/17 P).

16.      Par une décision du 24 novembre 2017, le président de la Cour a joint les deux pourvois.

17.      Le pourvoi de l’université de Wrocław est fondé sur deux moyens. Elle invoque, premièrement, une violation de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, deuxièmement, une violation de l’article 119 du règlement de procédure du Tribunal. S’agissant du premier moyen, l’université de Wrocław conteste l’interprétation de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle l’existence d’un contrat entre l’université de Wrocław et son représentant signifie que l’exigence d’indépendance ne peut être respectée. Même si la notion d’« indépendance » doit, en principe, être interprétée de manière autonome, il est selon elle nécessaire de se référer au droit national en l’espèce. Le contrat litigieux n’est pas un contrat de travail et, en vertu du droit polonais, il ne s’en rapproche pas. Un contrat de droit civil, tel que celui en cause en l’espèce, se caractérise par l’égalité des parties et l’absence de lien de subordination. S’agissant du second moyen, l’université de Wrocław conteste le caractère abstrait de certaines constatations de l’ordonnance attaquée, sans référence aux faits de l’affaire. L’université de Wrocław demande à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée, de constater que le recours devant le Tribunal a été régulièrement introduit et de condamner la REA aux dépens.

18.      Le pourvoi de la République de Pologne s’articule en trois moyens. Cet État membre considère que l’ordonnance attaquée viole, premièrement, l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, deuxièmement, le principe de sécurité juridique et, troisièmement, l’obligation de motivation. Plus précisément, la République de Pologne laisse entendre que la jurisprudence selon laquelle l’existence d’une relation d’emploi signifie que l’avocat ne peut satisfaire à l’exigence d’indépendance est fondamentalement erronée. De plus, l’ordonnance attaquée va selon elle au-delà des limites de cette jurisprudence en l’appliquant au contrat litigieux. La République de Pologne demande à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal. Elle demande également à la Cour de condamner les parties à la procédure C‑561/17 P à supporter leurs propres dépens.

19.      En application de l’article 40, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la République tchèque est intervenue au soutien des conclusions des requérantes aux pourvois tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée.

20.      Par ordonnance du président de la Cour du 5 juillet 2018, la Krajowa Izba Radców Prawnych (Chambre nationale des conseils juridiques, Pologne) a été autorisée à intervenir au soutien des conclusions de la République de Pologne, à savoir l’annulation de l’ordonnance attaquée.

21.      Dans son mémoire en réponse, la REA conteste les deux pourvois. Ses griefs concernent le caractère factuel, répétitif, imprécis ou nouveau de certaines des allégations des requérantes. Elle rappelle que la notion d’« avocat » au sens du droit de l’Union est de nature autonome. Le représentant en justice de l’université de Wrocław dans la procédure à l’origine de l’ordonnance attaquée est dépendant de cette université, si ce n’est sur le plan financier, en tout cas du point de vue de son statut professionnel.

22.      Dans son mémoire en réplique, l’université de Wrocław dément que son argumentation soit d’ordre factuel et relève que ses arguments se concentrent sur l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle fait valoir une nouvelle fois que la jurisprudence antérieure a été appliquée de façon excessivement large en l’espèce. Le fait de lier la condition d’indépendance à l’absence de relation d’emploi est, selon elle, contraire à l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle estime que l’indépendance de son représentant était assurée de deux façons : par les règles déontologiques applicables et par son statut d’enseignant universitaire.

23.      Dans son mémoire en réplique, la République de Pologne conteste l’allégation de la REA quant au caractère factuel de ses arguments. La République de Pologne fait également valoir que l’interprétation de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ne saurait faire abstraction des traditions communes aux États membres, qui n’excluent pas qu’un avocat lié par un rapport d’emploi puisse être indépendant. Si la notion d’« avocat » n’a pas à être interprétée en référence au seul droit national, elle estime néanmoins que le droit national et les garanties d’indépendance qu’il prévoit doivent être pris en compte au motif que le droit de l’Union ne contient à cet égard aucune règle. Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal n’a nullement affirmé que le représentant de la requérante n’était pas un tiers par rapport à celle‑ci. Il a simplement conclu qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence d’indépendance. S’agissant de l’argument de la REA quant aux avantages dont il bénéficierait en qualité d’enseignant universitaire, il s’agit, selon elle, de spéculations purement abstraites sans lien avec les constatations de fait ou de droit de l’affaire.

24.      Dans sa duplique répondant aux deux mémoires en réplique, la REA maintient qu’un certain nombre de faits exposés dans le pourvoi de l’université de Wrocław sont nouveaux, tels que les détails concernant la carrière antérieure de son représentant, le fait que celui‑ci n’a jamais fourni d’avis juridique sur le financement litigieux et le fait que la représentation en justice de l’université de Wrocław a été assurée sur le fondement d’un contrat conclu avec le cabinet dans lequel le représentant est associé. La REA soutient que l’université de Wrocław suggère de façon erronée d’interpréter l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne sur le fondement des règles de droit national. S’agissant de la réplique de la République de Pologne, la REA maintient que certaines de ses allégations sont de nature factuelle et que l’ordonnance attaquée a été correctement motivée par le Tribunal. En ce qui concerne l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la République de Pologne n’explique pas, selon la REA, en quoi l’approche consistant à tenir compte, dans ce contexte, du droit national différerait d’une interprétation fondée sur ce droit.

25.      La REA affirme également, en réponse aux deux mémoires en intervention, que leurs arguments sont irrecevables, inopérants ou infondés.

26.      L’université de Wrocław, la REA, la République de Pologne, la Chambre nationale des conseils juridiques et la République tchèque ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 11 juin 2019.

V.      Appréciation

27.      Le premier moyen de pourvoi dans l’affaire C‑515/17 P et le premier moyen de pourvoi dans l’affaire C‑561/17 P sont tirés, en substance, de l’interprétation erronée de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

28.      Pour les raisons que j’exposerai dans les présentes conclusions, je considère ces moyens comme fondés. Il conviendra donc d’annuler l’ordonnance attaquée.

29.      Compte tenu de ma position sur le premier moyen des deux pourvois, il ne me semble pas nécessaire d’examiner les autres moyens de pourvoi invoqués par les requérantes, à savoir la violation de l’obligation de motivation et (s’agissant de la République de Pologne) du principe de sécurité juridique. À mon sens, ces moyens concernent pour l’essentiel le même problème que celui identifié par le premier moyen des deux pourvois. Ils mettent simplement l’accent sur certains de ses éléments ou conséquences. En effet, si le critère qui permet d’évaluer l’indépendance d’un avocat est difficilement prévisible, l’évaluation de cette indépendance dans un cas concret soulèvera nécessairement des questions de sécurité juridique. Dans le même ordre d’idées, si le critère est exagérément compliqué, il est peu probable que l’obligation de motivation soit respectée dans l’application de celui‑ci et que le requérant non privilégié puisse comprendre pourquoi son avocat ne peut être considéré comme indépendant et ne peut donc pas le représenter devant les juridictions de l’Union. Compte tenu de ces éléments, c’est dans le contexte du premier moyen que l’allégation tirée du caractère incertain de la formulation et de l’application du critère d’indépendance sera discutée plus précisément dans les présentes conclusions.

30.      L’analyse du premier moyen des deux pourvois adoptera la structure suivante : je commencerai par examiner la genèse de l’actuelle interprétation de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, puis j’exposerai les problèmes qu’elle suscite (A). Je présenterai ensuite les options qui permettraient d’adapter l’interprétation de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, tout en rappelant la logique qui sous-tend le régime de la représentation en justice et qui devrait guider cette interprétation (B). Je proposerai alors de modifier le critère utilisé aux fins de l’application de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en l’adaptant tant en ce qui concerne le contenu matériel de ces dispositions, mais également les conséquences procédurales de leur non‑respect (C). Enfin, l’application de cette analyse de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne à l’espèce permettra de conclure que le Tribunal a effectivement retenu une interprétation erronée de ces dispositions (D).

A.      Genèse et problèmes actuels

31.      La notion d’« avocat » dans la jurisprudence relative à l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas été élaborée spécialement aux fins de l’interprétation de cette disposition. Elle résulte plutôt du « transfert » d’une jurisprudence concernant un domaine différent du droit de l’Union et un contexte différent (1). Progressivement, ce « transfert » de jurisprudence, conjugué au manque de clarté des conditions à appliquer et à la sévérité des conséquences du non‑respect de celles‑ci, a suscité un certain nombre de difficultés (2).

1.      L’évolution de la jurisprudence sur  l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

32.      L’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit que les requérants non privilégiés doivent être représentés, devant les juridictions de l’Union, par un « avocat » (troisième alinéa) et précise que seul « un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre […] peut représenter ou assister une partie devant la Cour » (quatrième alinéa).

33.      La signification du quatrième alinéa n’a pas posé de problèmes particuliers. Il a ainsi été jugé, sans surprise, que des représentants qui n’étaient pas membres d’un barreau national et n’étaient donc pas habilités à exercer dans un État membre ne remplissaient pas cette condition (10).

34.      En revanche, la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne se distingue par sa complexité.

35.      La notion d’« avocat » au sens de cet alinéa a été considérée comme une notion autonome de droit de l’Union, dont le trait caractéristique et principal, selon cette jurisprudence, est son « indépendance ». L’« indépendance » est donc apparue comme une condition qui, bien qu’étant peut-être une composante de la définition classique de la profession d’avocat (11), n’est pas mentionnée, et encore moins explicitée, dans les règles de procédure des juridictions de l’Union.

36.      Le contenu de la notion d’« indépendance » a d’abord été développé par la Cour pour les besoins de l’identification des documents protégés par le principe de confidentialité (« legal privilege ») dans le cadre des enquêtes menées en matière de concurrence (a). Ce n’est que plus tard qu’il a été « transféré » pour justifier une interprétation particulière de la notion d’« avocat » aux fins de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette interprétation a ensuite été appliquée à un éventail relativement large de configurations factuelles. Au cours de ce processus, le lien entre la justification et la finalité initiales de la notion d’« indépendance » a été perdu (b).

a)      Origines liées au droit de la concurrence

37.      Dans son arrêt AM & S Europe/Commission (12), la Cour a constaté la nullité de la disposition pertinente d’une décision de la Commission européenne en ce qu’elle exigeait du requérant la production de certains documents couverts par le secret professionnel. Interprétant la portée des pouvoirs d’enquête de la Commission aux termes du règlement no 17 (13), la Cour a jugé, en substance, que celui‑ci doit être interprété en ce sens qu’il protège la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients, « pour autant, d’une part, qu’il s’agisse de correspondance échangée dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client et, d’autre part, qu’elle émane d’avocats indépendants, c’est‑à‑dire d’avocats non liés au client par un rapport d’emploi » (14).

38.      La seconde de ces conditions et la distinction qui en résulte entre l’avocat interne (salarié) et externe (« indépendant ») « procède d’une conception du rôle de l’avocat, considéré comme collaborateur de la justice et appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle‑ci, l’assistance légale dont le client a besoin. Cette protection a pour contrepartie la discipline professionnelle, imposée et contrôlée dans l’intérêt général par les institutions habilitées à cette fin ». La Cour a ajouté que cette conception « répond aux traditions juridiques communes aux États membres et se retrouve également dans l’ordre juridique communautaire, ainsi qu’il résulte de l’article 17 du statut de la Cour CEE et CEEA ainsi que de l’article 20 du statut de la Cour CECA » (15).

39.      Le même raisonnement a ensuite été suivi dans l’arrêt Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (16), une autre affaire de droit de la concurrence qui concernait, notamment, la question de savoir si deux courriers électroniques échangés entre l’entreprise concernée et un avocat membre de son service juridique étaient couverts par la confidentialité des communications entre avocats et clients. Examinant une nouvelle fois la question de l’indépendance des avocats afin de définir la portée de cette confidentialité, la Cour a distingué les aspects positifs et négatifs de l’indépendance de l’avocat, en affirmant que cette notion « est définie non seulement de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’estàdire par l’absence d’un rapport d’emploi. Un avocat interne, en dépit de son inscription au barreau et de la soumission aux règles professionnelles, ne jouit pas à l’égard de son employeur du même degré d’indépendance qu’un avocat exerçant ses activités dans un cabinet externe à l’égard de son client. Dans ces circonstances, il est plus difficile pour un avocat interne que pour un avocat externe de remédier à d’éventuelles tensions entre les obligations professionnelles et les objectifs poursuivis par son client » (17).

40.      Lorsqu’elle est apparue pour la première fois dans les arrêts AM & S Europe et Akzo Nobel, l’exigence relative à l’indépendance de l’avocat a donc servi à déterminer la nature des documents couverts par la confidentialité. C’est à cet effet que la distinction entre avocats internes et externes a été introduite, mettant ainsi au premier plan la question des contrats de travail et du lien de subordination qui les caractérise. Cette jurisprudence avait pour objet d’encadrer les pouvoirs d’enquête de la Commission et de trouver un équilibre entre ces pouvoirs et la nécessité de sauvegarder les droits des entreprises dans le contexte de procédures relevant du droit de la concurrence.

b)      Comment la condition d’indépendance a été « transférée »  à l’article 19, troisième alinéa,  du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

41.      Progressivement, les conditions posées dans les arrêts AM & S Europe et Akzo Nobel ont commencé à être citées et reprises pour l’interprétation de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Bien que la jurisprudence relative à cette disposition soit plutôt casuistique, il semble que l’on puisse en dégager trois grandes catégories de cas.

42.      Premièrement, l’obligation faite aux requérants non privilégiés d’être représentés s’oppose à ce qu’ils se représentent eux‑mêmes (18).

43.      Deuxièmement, cette impossibilité de se représenter soi-même a également été confirmée pour les personnes morales dans différentes situations caractérisées par les liens spécifiques existant entre le requérant et la personne assurant sa représentation en justice. En raison de ces liens, les représentants concernés ont été considérés comme ne satisfaisant pas à la condition d’avoir la qualité de tiers par rapport au requérant. Ces liens concernaient les postes de gérant (19), directeur (20), administrateur (21), président du comité exécutif (22), d’autres fonctions à un « niveau exécutif élevé » (23), et le fait de détenir 10 % du capital (24) de la société requérante.

44.      Troisièmement, la représentation en justice n’a pas été considérée comme valable lorsqu’elle était assurée par des personnes employées par le requérant.

45.      Plus spécialement, dans son arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, renvoyant notamment à la jurisprudence AM & S Europe et Akzo Nobel, le Tribunal a affirmé que « l’existence d’un lien de subordination » entre une partie liée au requérant et le représentant de celui‑ci « implique un degré d’indépendance moindre que celui d’un conseil juridique ou d’un avocat exerçant ses activités dans un cabinet externe à l’égard de son client » (25).

46.      Sur pourvoi, la Cour a confirmé la décision du Tribunal. Dans ce contexte, la question de savoir si la notion d’« avocat » devait être interprétée en tant que notion autonome de droit de l’Union ou en référence au droit national (compte tenu du renvoi au droit national qui figure à l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne) a été débattue. La Cour a rejeté cette dernière option et expliqué qu’en prévoyant que seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre peut représenter une partie devant la Cour, l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne impose une condition nécessaire, qui n’est cependant pas suffisante. Il n’y a pas de corrélation automatique entre l’habilitation à exercer devant une juridiction d’un État membre et l’admission à exercer devant les juridictions de l’Union. La notion d’« avocat » au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne fait « l’objet d’une mise en œuvre objective, qui est nécessairement indépendante des ordres juridiques nationaux (26) ».

47.      Dans la lignée de la jurisprudence Akzo Nobel, dans l’arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, la Cour a examiné la question de l’incompatibilité entre une relation d’emploi et la possibilité d’exercer en tant qu’avocat devant les juridictions de l’Union au regard de l’exigence d’indépendance de l’avocat (27).

48.      Dans une affaire ultérieure, le Tribunal a jugé qu’un avocat coassocié d’un cabinet d’avocats ne pouvait pas être représenté par un autre avocat de ce même cabinet (28). Le Tribunal a expressément rejeté l’allégation d’une prétendue « autoreprésentation » au motif que le requérant et son représentant étaient tout simplement deux personnes différentes (29). L’impossibilité pour l’avocat de le représenter devant le Tribunal résultait plutôt de son absence d’indépendance et, plus spécialement, du fait que le requérant exerçait un contrôle effectif sur le cabinet dont faisait partie l’avocat.

49.      En définitive, la présente affaire semble correspondre principalement à la troisième catégorie d’affaires, qui concerne les avocats employés par la partie requérante. Cependant, il est clair qu’elle pousse encore plus loin la logique qui les sous-tend.

50.      En effet, en l’espèce, le représentant ne donnait pas de conseils juridiques à l’université de Wrocław en tant qu’employé. Le contrat le liant à cette université avait un objet différent, à savoir l’enseignement. Néanmoins, le Tribunal a conclu qu’il existait un risque que l’opinion professionnelle de l’avocat soit, à tout le moins en partie, influencée par son environnement professionnel, même en l’absence de contrat de travail ayant pour objet la prestation de services juridiques (30).

2.      Les aspects problématiques du  « transfert »  et ses conséquences procédurales

51.      Il est exact que tant la jurisprudence relative à la confidentialité que celle concernant l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne examinent la notion d’« indépendance ». Le problème est que, dans chacune de ces branches jurisprudentielles, la notion d’« indépendance » est utilisée dans des contextes tout à fait différents avec des finalités et objets différents. Par conséquent, le processus consistant simplement à transférer textuellement cette notion d’une branche à l’autre se révèle problématique (a). Le critère permettant d’évaluer l’indépendance d’un avocat ainsi que les conditions de la représentation en justice des requérants, qui résultent de ce transfert ne sont pas, selon moi, un modèle de clarté (b). Ce manque de clarté est d’autant plus grave au vu des conséquences lourdes qu’entraîne, pour les requérants non privilégiés, le non‑respect de ces critères par ailleurs flous (c).

a)      Le contexte

52.      Le droit de l’Union n’est pas le seul à se développer par « transferts de jurisprudence ». Une idée ou notion initialement interprétée dans un contexte juridique ou législatif particulier peut être importée dans un autre contexte. Rien ne s’oppose à un tel transfert, bien au contraire : cela favorise la prévisibilité et la cohérence d’ensemble du système juridique concerné.

53.      Encore faut-il cependant qu’un tel transfert ait tout son sens dans le nouvel environnement. Il ne suffira pas d’importer textuellement et de façon automatique une jurisprudence, par une série de citations d’une affaire à une autre, sans égard pour la nouveauté de son contexte ou de son objet. Il est probable qu’un tel exercice apportera plus de problèmes que de solutions.

54.      Dans ces conditions, je dois avouer qu’il me semble problématique de se référer à la jurisprudence AM & S Europe et Akzo Nobel comme élément clé de l’interprétation de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

55.      Comme je l’ai déjà souligné (31), la jurisprudence AM & S Europe et Akzo Nobel concernait la portée du principe de confidentialité en matière d’enquêtes dans le domaine du droit de la concurrence de l’Union. Dans ce contexte particulier, la question de l’opposition d’un conseil juridique d’origine interne ou externe s’est posée, ce qui a conduit à s’interroger sur les contrats de travail conclus avec des avocats et sur l’indépendance de ces derniers, le but étant de préserver dans une certaine mesure la confidentialité des communications à l’égard de la Commission. Un équilibre a été trouvé entre, d’une part, la nécessité de protéger les droits des entreprises à l’égard de la Commission et de ses pouvoirs d’enquête et, d’autre part, la nécessité pour la Commission d’être en mesure de protéger et de renforcer la concurrence au sein de l’Union. Cette approche a conduit à retenir une certaine définition de l’« indépendance » de l’avocat, adaptée à ce contexte législatif et à cette finalité.

56.      Cependant, l’équilibre ainsi posé dans ce contexte spécifique peut-il offrir un critère général permettant d’évaluer l’indépendance d’un avocat dans un contexte différent, avec des acteurs différents et des intérêts en jeu différents, ce critère servant en définitive non pas à préserver une certaine confidentialité des communications, mais à priver de fait des requérants non privilégiés de la possibilité d’avoir accès aux juridictions de l’Union ?

57.      Je ne le pense pas. À       l’évidence, le terme « indépendance » ne figure même pas à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il y a toutefois un problème plus profond, structurel : la notion d’« indépendance », dans la jurisprudence AM & S Europe et Akzo Nobel, porte tout simplement sur un autre objet que celui de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. L’ampleur des questions ayant trait à la représentation en justice au sens de cet article est sans commune mesure avec la simple question du rapport d’emploi d’un avocat interne. L’interprétation de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne devrait en toute logique découler de l’objectif qui sous-tend la représentation en justice en tant que telle et des considérations plus larges caractérisant la profession d’avocat. Le comportement d’un avocat, et notamment la décision de représenter une partie bien qu’ayant avec celle‑ci des liens spécifiques, ne saurait aller à l’encontre des obligations de cet avocat à l’égard de la partie qu’il représente et dont il sert les intérêts, mais également à l’égard des juridictions devant lesquelles il se présente, ainsi qu’à l’égard de ses confrères (32).

58.      De plus, l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne peut difficilement être interprété de façon isolée. Ces dispositions sont complétées par des règles de déontologie définies par la législation nationale et par les instances d’autorégulation de la profession. Bien que de telles règles n’existent pas au sein de l’Union, ainsi que la République de Pologne l’a souligné à juste titre, les juridictions de l’Union doivent être en mesure d’assurer (de même que toute juridiction) que les standards qui s’imposent sont respectés dans les procédures dont elles sont saisies, en cas de problème sur ce point.

b)      Le caractère flou du critère

59.      Le manque de clarté du critère actuel, tel qu’il est appliqué par le Tribunal, s’explique en partie par le décalage conceptuel généré par ce transfert de jurisprudence d’un contexte à un autre. Il est difficile de greffer des affirmations précises, concernant la situation de conseillers juridiques internes dans le contexte d’enquêtes en matière de concurrence, sur une situation relevant de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, dont la portée est plus large et dont la finalité est différente.

60.      Pour commencer, la jurisprudence actuelle interprète le terme d’« avocat », à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne au regard de la notion d’« indépendance ». Cependant, la signification de cette notion ainsi que les critères permettant de l’examiner restent flous. Cela est d’autant plus vrai qu’il semble que plusieurs aspects sont regroupés sous le terme d’« indépendance », dont celui de la qualité de tiers à l’égard du requérant (33). Par opposition, une question qui relèverait traditionnellement de la notion d’« indépendance », à savoir l’absence de pression extérieure, est pratiquement absente de la jurisprudence.

61.      La définition de ces différentes catégories est également caractérisée par son manque de clarté. Par exemple, des affaires dans lesquelles les représentants occupaient différents postes de la société concernée ont été considérées comme soulevant la question de l’« autoreprésentation » alors que la situation des avocats salariés a été dissociée, dans une certaine mesure voire totalement, de la question de l’« autoreprésentation » et examinée sous l’angle de l’indépendance, qui n’a pas été reconnue à un tel avocat en raison de l’influence de son environnement professionnel sur son opinion professionnelle.

62.      Même en admettant que, du point de vue conceptuel, toutes ces questions puissent être valablement traitées sous l’angle de l’« indépendance », cerner avec exactitude les règles actuelles sur la base d’un examen des différentes affaires peut se révéler difficile. Impossible de déterminer avec certitude, par exemple, si, dans le cas de personnes morales, l’exclusion de la qualité d’« avocat » peut résulter d’une quelconque participation dans la structure organisationnelle de la partie requérante ou uniquement de sa participation aux organes ayant le contrôle (ou une autre forme d’influence) sur le requérant. De plus, s’agissant des relations d’emploi, les principes directeurs permettant de différencier la relation entre un avocat salarié et son employeur de la relation entre un avocat et son client (qui peut être son principal ou unique client) restent flous.

63.      L’absence de critères clairs permettant de déterminer si un représentant respecte l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne se traduit, pour les requérants non privilégiés (et ceux qui les représentent en justice), par un manque de prévisibilité (34) quant à la façon dont cette disposition sera interprétée lorsque des liens existent entre le requérant et son avocat.

64.      Je conviens volontiers que les juridictions de l’Union sont inévitablement amenées à traiter une grande variété de situations factuelles s’agissant des liens qui peuvent exister concrètement entre un requérant et son représentant. À cet égard, le Tribunal insiste à juste titre sur le fait que l’indépendance des représentants doit être examinée au cas par cas (35).

65.      On ne saurait cependant affirmer qu’en raison de la variété des situations factuelles potentielles, il est impossible de formuler un critère qui garantirait aux requérants la prévisibilité des éventuelles conséquences du choix de la personne qui va les représenter.

66.      Un autre élément venant confirmer le manque de prévisibilité, du point de vue des requérants, du critère et de ses modalités d’application, tient au fait que ni l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ni les autres dispositions du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ni le règlement de procédure du Tribunal ne contiennent d’indications sur la façon dont il convient d’interpréter la notion d’« avocat ». A fortiori, ces règles de procédure ne disent rien sur les conditions de son indépendance. Comme l’a relevé à juste titre la République de Pologne lors de l’audience, ces exigences et conditions ne figurent même pas dans les instructions pratiques aux parties, relatives aux affaires portées devant la Cour (36).

67.      S’il ne reste plus, à ce stade, qu’à suggérer qu’un avocat souhaitant représenter un client devant les juridictions de l’Union doit d’abord consulter une série d’ordonnances non publiées, disponibles uniquement dans un nombre limité de langues, pour déterminer ce que pourrait actuellement recouvrir la notion d’« indépendance », je ne peux effectivement que partager l’analyse de la République de Pologne sur ce problème de prévisibilité.

c)      Les conséquences du nonrespect de l’exigence d’indépendance

68.      Un dernier aspect à examiner, et peut-être s’agit-il du plus frappant, en tout cas de mon point de vue, est celui des conséquences que le Tribunal attache au non‑respect des exigences relatives à l’indépendance du représentant au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Le Tribunal considère, ainsi qu’il en a jugé dans la présente affaire, que le problème posé par la représentation du requérant est un vice de fond affectant le recours, qui ne peut être régularisé et qui entraîne nécessairement le rejet du recours comme manifestement irrecevable.

69.      En vertu de l’article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, « [l]’avocat représentant ou assistant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord [sur l’Espace économique européen] ».

70.      À défaut du dépôt d’un tel document, l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal prévoit une possibilité de régularisation. En effet, cette disposition précise que « le greffier fixe à la partie concernée un délai raisonnable pour […] produire [ce document]. À défaut de cette production dans le délai imparti, le Tribunal décide si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête ou du mémoire ».

71.      Il semblerait que, selon le Tribunal, l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal ouvre uniquement une possibilité de rectification au titre de la condition visée à l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne en ce qui concerne l’habilitation de l’avocat à exercer devant les juridictions nationales (37). En d’autres termes, cette disposition semble être interprétée comme autorisant le requérant à apporter la preuve que son avocat est bien inscrit à un barreau national lorsque le certificat correspondant n’a pas été produit. Elle ne semble pas être interprétée comme autorisant le requérant à être informé d’un problème concernant sa représentation ou à changer de représentant, si le Tribunal devait conclure que le représentant choisi ne peut être considéré comme un « avocat » au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

72.      Je dois admettre que cette interprétation me laisse quelque peu perplexe. Je n’aborderai pas pour le moment la question de savoir si un problème concernant le représentant d’une partie peut être considéré comme un vice de fond affectant un recours et ne pouvant être régularisé (38), ce qui se traduit automatiquement par une sanction qui affecte en fait le requérant lui‑même (plutôt que, dans un deuxième temps, l’avocat qui n’aurait peut-être pas respecté les règles déontologiques). En revanche, il convient d’évoquer la question de cette interprétation du règlement de procédure du Tribunal tellement « favorable » aux requérants.

73.      En règle générale, les codes de procédure (judiciaire) contiennent une liste de vices de fond graves, susceptibles d’affecter un recours (par exemple, le caractère totalement incompréhensible du recours, le défaut d’objet, l’absence d’indication de la nature de la demande, l’absence de preuves basiques à l’appui des prétentions, etc.), qui ne peuvent être régularisés et qui auraient effectivement pour conséquence de rendre le recours irrecevable. Par opposition, tout autre problème affectant un recours, qui n’est pas suffisamment grave pour figurer sur cette liste, et typiquement concernant des questions d’ordre procédural (le texte de la requête ou ses annexes qui ne seraient pas présentés sous une forme ou un format donné, l’absence de preuve du paiement des frais de justice, des aspects concernant la représentation en justice, etc.) serait alors considéré comme étant d’ordre procédural et susceptible d’être régularisé après que la partie en a été informée par la juridiction concernée.

74.      Si l’accès aux juridictions doit être un droit et pas simplement un slogan, la règle d’interprétation qui permettra de séparer ces deux types de défauts serait vraisemblablement la suivante : s’il ne s’agit pas d’un vice de fond figurant sur la liste des « fautes irréparables », une régularisation doit être possible. Si une telle liste n’existe pas, il conviendrait alors de retenir une interprétation restrictive du vice de fond non régularisable, comme visant uniquement les problèmes graves qui font effectivement obstacle à ce que le recours puisse être compris ou traité correctement.

75.      Il semble que l’interprétation retenue par le Tribunal part de la thèse opposée : seuls les éléments mentionnés à l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal et interprétés de façon étroite peuvent être corrigés, tout autre élément ayant trait à la représentation ne l’est apparemment pas. De façon encore plus curieuse, l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal concerne les exigences qui ressortent de l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, et sont clairement énoncées dans le statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Cela signifie qu’il est possible de régulariser un manquement à des exigences énoncées de façon relativement claire. À l’inverse, le manquement à une exigence qui n’est pas établie de façon explicite dans les dispositions procédurales, à savoir la condition de l’« indépendance » de l’avocat au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, entraîne l’irrecevabilité du recours, le Tribunal insistant sur le fait que l’absence d’indépendance d’un représentant constitue une fin de non‑recevoir d’ordre public (39).

76.      Le résultat de cette interprétation tient à la fois d’un roman kafkaïen et d’une étrange paraphrase d’une prière au dieu Noyé de Game of Thrones. La régularisation d’un manquement à des exigences (procédurales) qui sont énoncées de façon claire (et qu’un avocat raisonnablement diligent devrait donc être en mesure de respecter) est possible, une telle régularisation étant en revanche exclue pour des exigences (également procédurales) qui ne sont pas énoncées clairement (de sorte que l’on peut plus difficilement compter sur leur respect, y compris par des avocats raisonnablement diligents). En effet, ce qui est caché ne saurait être régularisé.

77.      J’ajoute pour finir que, dans ce dernier cas de figure, le requérant ne reçoit aucun avis ou avertissement avant que son recours ne soit déclaré irrecevable. Il n’a donc aucune possibilité de régulariser la situation. Sur le plan pratique, le requérant – dont l’avocat, se fondant sur les règles nationales applicables à son rôle de représentant, compte tenu de l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, pouvait raisonnablement partir du principe qu’il était effectivement habilité à représenter son client – reçoit simplement, des mois voire des années après l’expiration de tous les délais, une ordonnance déclarant le recours manifestement irrecevable, ce qui lui interdit naturellement de façon définitive de faire valoir ses prétentions sur le fond.

78.      Au vu d’un tel résultat, je ne peux que souscrire à l’analyse des deux parties intervenantes qui suggèrent qu’un tel scénario s’accorde mal avec l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») et le droit d’accès à un tribunal consacré par cette disposition. Je suis donc d’avis qu’il convient de revoir en profondeur la façon d’appréhender et d’interpréter l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

B.      Les options et les variables

79.      Avant de proposer comment il conviendrait, selon moi, de (ré)interpréter l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, deux autres questions préliminaires doivent d’abord être clarifiées. Premièrement, quelle doit être l’origine des exigences relatives au statut de l’avocat qui représente un requérant non privilégié devant les juridictions de l’Union : le droit national, le droit de l’Union ou ces deux systèmes juridiques ? (1) Ensuite, pour trouver l’équilibre adéquat entre les intérêts en cause dans l’interprétation de ces dispositions, il y aura lieu de rappeler la logique qui sous-tend les règles et exigences afférentes à la représentation en justice (2).

1.      Les options

80.      Deux catégories de questions doivent être traitées par les juridictions de l’Union lorsqu’elles sont amenées à déterminer si un représentant satisfait aux conditions de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

81.      Premièrement, elles doivent vérifier le respect de l’exigence plutôt formelle et générale qui ressort du quatrième alinéa de cette disposition, à savoir l’habilitation à exercer devant une juridiction d’un État membre (ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen). Le représentant en question est-il habilité à représenter ses clients dans ce type d’affaires en vertu du droit national ?

82.      Deuxièmement, il y aura lieu de vérifier que ce représentant, habilité de façon générale à représenter ses clients en justice en vertu du droit national, est également habilité à représenter ce client en particulier dans cette affaire en particulier. Il s’agit d’une appréciation différente, qui se concentre sur les circonstances de l’affaire. Y a-t-il des points qui posent problème dans le contexte de l’affaire en question au vu non seulement de l’identité du représentant et de son client et de leurs relations mutuelles, mais également de leurs relations à l’égard d’autres parties ou de l’objet du litige ?

83.      Dans quel ordre juridique trouver les règles applicables à ces deux types d’évaluations ? Il existe trois options théoriquement possibles.

84.      La première option pourrait considérer que les règles concernant les aspects généraux et particuliers de l’habilitation d’un avocat à représenter un requérant sont celles de l’État membre concerné. Dans ce cas de figure, il conviendrait de lire l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne comme un tout, le renvoi au droit national, au quatrième alinéa, devant être interprété comme clarifiant la notion d’« avocat » figurant au troisième alinéa.

85.      La deuxième option pourrait être de traiter ces deux ensembles de règles comme relevant de notions autonomes du droit de l’Union. Après tout, dans le contexte des recours directs, ces règles concernent des procédures devant les juridictions de l’Union, et non devant les juridictions nationales. Il conviendrait alors d’interpréter l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de façon très stricte, en ce sens qu’il renvoie uniquement aux attestations et preuves adéquates devant être produites pour démontrer qu’un représentant en particulier est autorisé à exercer devant les juridictions nationales. En revanche, toutes les autres règles applicables, notamment les règles professionnelles, seraient exclusivement tirées du droit de l’Union.

86.      Selon une troisième option, l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne pourrait être interprété à la lumière des règles nationales et des règles de droit de l’Union. L’article 19, quatrième alinéa, de ce statut serait interprété comme un renvoi au droit national. Le troisième alinéa constituerait alors une garantie autonome du droit de l’Union, qui resterait toutefois assez minimaliste, permettant de s’assurer du caractère approprié de la représentation dans l’affaire en cause.

a)      L’article 19, quatrième alinéa, du  statut  de la Cour de justice de l’Union européenne

87.      Sauf à priver de tout contenu l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui renvoie sans ambiguïté à l’habilitation à exercer devant une juridiction d’un État membre, la deuxième option qui vient d’être exposée ne peut tout simplement être retenue. Il est clair que l’article 19, quatrième alinéa, de ce statut renvoie au droit national, ce qui n’est pas contesté en l’espèce. Ainsi, l’habilitation générale d’un représentant à représenter une partie devant les juridictions doit être examinée au regard des règles applicables dans l’État membre concerné.

88.      Cette constatation amène immédiatement à s’interroger sur l’application des règles professionnelles.

89.      Je suis d’avis que les règles nationales et professionnelles pertinentes continuent naturellement à s’appliquer même dans les procédures devant les juridictions de l’Union. Les avocats admis au barreau d’un État membre n’échappent pas à l’application de telles règles nationales du simple fait qu’ils plaident devant les juridictions de l’Union. Cependant, le (non-)respect de ces règles est une question qui devra en définitive, dans un second temps, être examinée par les instances nationales (professionnelles) compétentes, en cas de difficulté sur ce point.

90.      La deuxième option étant exclue, quid des première et troisième options ? Il est nécessaire, pour répondre à cette question, de se pencher sur le texte et la logique de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un aspect qui se révèle plus complexe.

b)      L’article 19, troisième alinéa,  du statut de la Cour de justice de l’Union européenne

91.      Selon la première option, le renvoi au droit national, à l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, emporte également l’application des règles professionnelles nationales pertinentes, que le droit de l’Union ne peut remplacer, ou en tout cas sans lesquelles les limites issues du droit de l’Union ne peuvent être interprétées. Il convient dès lors, pour déterminer qui peut être habilité à représenter les requérants non privilégiés devant les juridictions de l’Union, de se référer aux règles du droit national.

92.      Si l’on va jusqu’au bout de la logique d’une telle proposition, cela signifierait que tant le troisième que le quatrième alinéa de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne seraient interprétés comme renvoyant exclusivement aux règles et pratiques nationales. J’admets qu’à première vue, cette solution est à la fois élégante et simple. À y regarder de plus près cependant, elle soulève un certain nombre de problèmes d’ordre structurel.

93.      Premièrement, l’obligation d’être représenté est régie différemment d’un État membre à l’autre. De plus, même au sein d’un seul État membre, les règles peuvent varier en fonction du niveau de l’instance judiciaire. La législation ou la jurisprudence nationales peuvent prévoir des dérogations. L’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne fait simplement référence à « une juridiction d’un État membre », sans préciser quelle « instance » devrait constituer le critère correct : la juridiction suprême nationale ? Ou bien toute juridiction, y compris celles de première instance, pour lesquelles il n’existe parfois même pas d’obligation de représentation (40) ?

94.      Ce manque de précision sur ce qu’il convient d’entendre par « juridiction d’un État membre » ne pose pas problème en matière préjudicielle puisque, en application de l’article 97, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour de justice, le niveau de la juridiction ainsi que les règles applicables sont définis par la juridiction de renvoi. De même, ce qui contraste également avec la procédure préjudicielle, pour statuer sur le recours direct d’un requérant non privilégié, les juridictions de l’Union n’ont pas la possibilité de vérifier, avec une juridiction nationale, si les règles professionnelles applicables à un avocat ont été respectées. Il n’existe pas non plus de procédure de coopération qui permettrait aux juridictions de l’Union de consulter le barreau national compétent.

95.      Deuxièmement, un renvoi pur et simple aux règles nationales dans les recours directs signifierait également que les règles nationales s’appliqueraient en ce qui concerne la représentation de divers organismes et instances de l’État membre considérés comme des requérants non privilégiés. Cependant, une telle solution pourrait se heurter à toute la logique de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, et en particulier à son premier alinéa. Il ressort clairement de cette disposition qu’une distinction devait être opérée entre les requérants privilégiés (les États membres et les institutions de l’Union) qui peuvent désigner l’agent de leur choix, et tous les autres requérants non privilégiés, qui ne peuvent faire de même et doivent être représentés par un tiers. En cas de renvoi général, aux fins de l’application de l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, aux règles des États membres en matière de représentation, pourrait-on admettre que d’autres requérants non privilégiés qui sont des personnes morales et peuvent, en vertu du droit national, se représenter elles‑mêmes, puissent le faire dans le cadre des recours directs devant les juridictions de l’Union ?

96.      La réponse est bien évidemment négative, puisque cela aurait pour effet de faire disparaître la distinction que le législateur de l’Union a souhaité introduire entre les requérants privilégiés et les requérants non privilégiés. De ce point de vue, la question de savoir si, dans le cas d’un requérant non privilégié, le représentant choisi est un tiers par rapport au requérant reste pertinente. Néanmoins, cette distinction ne découle pas des arrêts AM & S Europe et Akzo Nobel (41), mais plutôt du contraste entre les premier et troisième alinéas de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

97.      Troisièmement, appliquer des standards différents à des requérants qui introduisent des recours identiques ou similaires en fonction de l’« origine » nationale de leurs avocats aurait pour effet d’appliquer à ces requérants des conditions et un traitement différents. Gérer un système regroupant 28 régimes différents (et même sans doute plus, compte tenu de l’existence de multiples barreaux avec leurs propres règles dans un certain nombre d’États membres) serait non seulement un défi pour les juridictions de l’Union, mais serait surtout problématique pour l’égalité des requérants.

98.      Quatrièmement, un renvoi pur et simple aux règles et pratiques nationales signifierait que non seulement les juridictions de l’Union devraient connaître et examiner les règles de tous les systèmes nationaux, mais qu’elles seraient également liées par leur contenu. Cela aurait-il également pour conséquence de priver les juridictions de l’Union de toute possibilité, même résiduelle, de contrôler le contenu de ces règles et leur application, y compris dans le cadre des recours directs dont elles seraient saisies, et alors que les juridictions nationales n’ont en fait nullement à connaître de l’affaire en question ? Que faire si les règles nationales sont trop exigeantes (en excluant par exemple, pour une raison quelconque, qu’un avocat qui, selon l’interprétation raisonnable des règles professionnelles, devrait normalement être habilité à exercer puisse représenter une partie dans un État membre donné), ou au contraire pas assez ?

99.      Cinquièmement, pour finir, cela m’amène à évoquer (le caractère inapproprié de) l’analogie avec les règles applicables à la représentation dans le contexte de la procédure préjudicielle. Il est exact que l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne s’applique à toute procédure devant la Cour. Il est également exact que l’article 97, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour prévoit un régime qui est clairement fondé sur un renvoi général aux règles de représentation applicables dans la procédure nationale devant la juridiction de renvoi.

100. Au vu de ces éléments, cependant, en raison des différences systémiques et structurelles évidentes entre la procédure préjudicielle et les recours directs devant les juridictions de l’Union, les dispositions spécialement applicables à la procédure préjudicielle sont pertinentes tout au plus par opposition plutôt que par analogie. Par opposition à la procédure préjudicielle, pour laquelle les règles et pratiques applicables à la représentation sont du ressort de la juridiction nationale, dans un recours direct, la juridiction de l’Union doit être en mesure d’exercer un contrôle résiduel du caractère adéquat de la représentation en justice dans l’affaire dont elle a été directement saisie, s’agissant en particulier de la question des conflits d’intérêts potentiels.

101. Toutes ces considérations m’amènent à conclure que l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne doit être interprété de façon à combiner les deux niveaux de régulation : il convient en effet d’examiner l’habilitation générale à exercer au regard des règles et pratiques nationales, tandis que l’absence d’éléments susceptibles d’affecter la qualité de la représentation dans le contexte d’une affaire en particulier devrait être examinée au regard de ce que recouvre, en droit de l’Union, la notion autonome de « représentation par un avocat ».

102. Avant d’aborder la question du contenu précis d’un tel examen, il est important de rappeler de façon concise ce que sont les finalités de ce contrôle résiduel de la « qualité » de la représentation en justice ainsi que les intérêts à prendre en compte.

2.      L’objectif de la représentation en justice

103. Il est vrai que, de manière générale, la représentation en justice joue un rôle crucial dans la bonne administration de la justice. À défaut de représentation adéquate, le requérant peut ne pas être en mesure d’exposer, et le juge ne pas être en mesure de connaître, la totalité des arguments essentiels en faveur du requérant (42).

104. Cependant, il ne s’agit pas de la seule finalité et des seuls intérêts que sert la représentation en justice d’un client. La finalité première de la représentation est de protéger et de défendre les intérêts du client, tout en restant bien évidemment dans les limites de la légalité et de la déontologie. Ainsi, l’objectif de la représentation en justice est d’assurer que les intérêts des requérants soient défendus au mieux et de leur permettre ainsi d’exercer leur droit à un recours juridictionnel effectif (43).

105. Je suis donc d’avis que l’intérêt premier poursuivi par la représentation en justice est naturellement un intérêt privé. La protection des intérêts de clients privés sert également l’intérêt public à une bonne administration de la justice.

106. L’ordonnance attaquée, en particulier son point 18, semble partir d’un présupposé différent. Le rôle de l’avocat y est décrit comme celui d’un collaborateur de la justice appelé à fournir, dans l’intérêt supérieur de celleci, l’assistance légale dont le client a besoin (44). À l’appui de cette vision des fonctions de la représentation en justice, le Tribunal invoque les traditions communes aux États membres. L’avocat est ainsi dépeint comme une personne agissant principalement dans l’intérêt public, général, de la justice, lequel prévaut sur l’intérêt privé.

107. Comme le relève à juste titre la République tchèque, le Tribunal a défini le rôle de l’avocat en dissociant ses intérêts de ceux de son client, ce qui ne correspond pas à la réalité. De plus, compte tenu de ce que je sais de la pratique des États membres, je doute sérieusement qu’une telle vision soit également le reflet de traditions communes aux États membres.

108. Bien que l’on ne puisse que souhaiter que les avocats soient des héros romantiques et désintéressés qui défendent les intérêts supérieurs de la justice, le cas échéant contre les intérêts de leurs clients et ceux du reste du monde, la réalité veut que la représentation en justice soit principalement un service. Si la prestation de ce service réglementé doit effectivement respecter un certain nombre de conditions et de standards, il ne s’agit pas pour autant d’un service rendu principalement dans l’intérêt supérieur de la justice, mais dans l’intérêt d’un client particulier.

109. De plus, une analyse comparative semble confirmer deux points. Premièrement, il semblerait qu’une variété de situations puisse justifier une ingérence dans la relation entre l’avocat et son client au nom de l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Néanmoins, sur un plan plus théorique, deux situations semblent particulièrement pertinentes dans ce contexte : l’absence de toute pression extérieure exercée sur le représentant et l’absence de facteurs internes susceptibles de créer un conflit d’intérêts entre l’avocat et son client (45). En cas de conflit, l’avocat ne pourra fournir ses services dans l’affaire en question (46).

110. Deuxièmement, la pratique des États membres révèle toutefois que, même dans de telles affaires, l’ingérence de la justice reste minimale et simplement accessoire (47). En effet, d’une part, il est de la responsabilité de chaque avocat de déterminer si son indépendance peut être sujette à caution dans le cadre de son activité de représentation d’une partie. Il est également de sa responsabilité de s’abstenir de fournir son assistance juridique si tel est le cas. D’autre part, la profession d’avocat est largement autorégulée et le non‑respect des règles de déontologie est une question qui relève des instances disciplinaires compétentes.

111. Ainsi, si un trait commun se dégage des éléments de la pratique des États membres dont j’ai connaissance (laquelle est naturellement limitée), il consiste à concevoir la représentation en justice comme une question relevant d’un choix privé et de la liberté contractuelle (des deux parties). Le client est libre de choisir son avocat, et l’avocat est libre, en principe, de choisir ses clients (48). Il s’agit d’une relation fondée sur la confiance. Toute ingérence dans cette relation devrait être fondée sur des motifs sérieux caractérisant une nécessité manifeste et impérieuse de « protéger le requérant de son avocat ». De plus, si des aspects problématiques sont identifiés, ils seront traités de façon plus adéquate par les instances de régulation concernées dans le cadre de procédures disciplinaires ou autres.

112. En somme, je suggère ici que la logique et l’équilibre des intérêts, qui devraient présider à l’interprétation des conditions découlant de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ne correspondent pas exactement à l’approche du Tribunal à cet égard. La représentation en justice n’est pas choisie et exercée principalement dans l’intérêt supérieur de la justice, dans le souci de satisfaire et de seconder une juridiction, mais dans l’intérêt du client et conformément au choix de celui‑ci. Par défaut, ce choix, même mauvais, doit par conséquent être respecté. Seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier de faire primer l’intérêt public sur cet intérêt privé par défaut.

113. S’il en était autrement, le contrôle de ces questions par le juge, normalement minimaliste – habituellement limité aux cas de vices manifestes affectant la représentation et dont la gravité est telle qu’elle risque de discréditer l’intégralité du processus judiciaire – serait remplacé par une forme de « paternalisme judiciaire » difficilement prévisible ou justifiable. Cela aurait pour conséquence une plus grande ingérence dans ce qui devrait relever principalement d’un choix privé, sans considération d’autres intérêts et valeurs tout aussi valables et qui constituent également des éléments de l’équation globale, comme la liberté de choisir son avocat, la continuité de la représentation en justice, ou les coûts qu’entraîne nécessairement un changement d’avocat, puisque le nouvel avocat aura besoin de temps supplémentaire pour se familiariser avec une affaire en cours.

C.      Un critère modifié

114. C’est en gardant à l’esprit ces considérations plus générales que je souhaite proposer de rééquilibrer les modalités d’interprétation et d’application de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, telles qu’elles ressortent de l’ordonnance attaquée. Cette réinterprétation s’opère sur deux plans : le plan matériel (1) et le plan procédural (2).

1.      Sur le plan matériel

115. L’aspect matériel porte sur les conditions requises pour représenter des parties devant une juridiction d’un État membre (a), ainsi que sur la double condition de l’indépendance et de la qualité de tiers de l’avocat, au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (b).

a)      Habilitation à exercer devant les juridictions nationales

116. La première étape de l’examen consiste à vérifier si le représentant est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre (ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen), c’est‑à‑dire s’il est membre d’un barreau national ou d’un autre organe professionnel et habilité à exercer. Comme je l’ai observé précédemment (49), cette vérification tient compte des lois nationales applicables et reste d’ordre formel (vérification du certificat produit).

117. Comme je l’ai également relevé, cette vérification du respect du droit national par les juridictions de l’Union ne devrait pas aller au-delà. Elle ne devrait pas porter sur le respect des règles nationales de déontologie. Cette tâche devrait être réservée aux autorités (professionnelles) nationales, en cas de problème concernant le respect de ces règles.

b)      Le statut  de l’avocat – un  tiers indépendant de la partie requérante

118. Dans une seconde étape, les juridictions de l’Union devraient vérifier si le représentant a la qualité de tiers par rapport au requérant (1) et s’il satisfait à l’exigence d’indépendance, ce qui revient à vérifier que le représentant ne semble pas exposé à des pressions extérieures et qu’il n’y a pas de risque de conflit d’intérêts (2).

1)      La qualité de tiers

119. S’agissant de la condition relative à la qualité de tiers du représentant par rapport au requérant, elle ressort de l’article 1, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, et doit être comprise comme excluant toute identité entre la personne du représentant et celle du requérant.

120. Dans le cas des personnes physiques, il n’est nul besoin d’explications pour comprendre cette condition. Elle s’oppose également à ce que des avocats dûment qualifiés et admis à exercer dans un barreau national puissent se représenter eux‑mêmes.

121. Le respect de cette condition est moins évident en ce qui concerne la représentation des personnes morales. Pour que cette condition relative à la qualité de tiers ait un sens dans ce contexte, et afin d’assurer une application uniforme des règles relatives à la représentation devant les juridictions de l’Union, elle doit à mon sens être comprise comme s’opposant à ce que des entités autres que celles visées à l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne puissent être représentées dans une affaire par leurs avocats salariés (50).

122. Il s’agit cependant d’une question distincte de la question de l’indépendance, telle qu’exposée dans l’arrêt Akzo Nobel ou, plus récemment, dans l’arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektroniczne. À la lumière du régime spécifique de la représentation en justice devant les juridictions de l’Union, la condition relative à la qualité de tiers devrait être comprise comme une condition a contrario découlant de la possibilité expressément reconnue aux requérants privilégiés de se représenter eux‑mêmes en application de l’article 19, premier et deuxième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (51).

123. J’admets que l’on pourrait également aborder la question des avocats salariés sous l’angle de l’indépendance de l’avocat. En effet, un avocat salarié pourrait être considéré comme lié par une relation de subordination affectant sa liberté de jugement et son activité de conseil juridique (52). La relation de l’avocat salarié à l’égard de la partie qu’il représente n’est pas fondée sur un contrat conclu pour les besoins de la procédure, mais sur un contrat de travail (ou contrat similaire) qui inclut également la représentation en justice. La relation n’est donc pas le résultat d’un choix de l’avocat de représenter cette partie dans la procédure, mais une conséquence de son contrat de travail.

124. Je vois cependant au moins deux bonnes raisons justifiant d’aborder la question des avocats salariés d’une personne morale sous le seul angle de la condition relative à la qualité de tiers plutôt qu’au regard de l’indépendance.

125. Premièrement, la question de savoir si une personne physique est salariée et donc membre d’une personne morale ou bien un tiers agissant au nom de celle‑ci est principalement une question d’ordre structurel et formel. À défaut, c’est‑à‑dire si l’appréciation de la qualité de tiers dépendait du degré d’indépendance effective dans le processus de décision, il ne s’agirait plus d’une question formelle puisqu’il faudrait au contraire examiner matériellement la question de l’(absence d’)indépendance. Elle perdrait également toute prévisibilité pour les tiers extérieurs, puisqu’il est peu probable qu’ils soient au courant de tous les arrangements (internes) entre l’avocat et le client, sans parler de la pratique suivie dans le cadre de ces arrangements. Ainsi, si certains avocats salariés peuvent disposer d’un degré d’indépendance considérable, de sorte qu’ils pourraient matériellement être qualifiés de tiers, certaines personnes (formellement) tierces, mais qui dépendent en réalité de la personne morale d’un point de vue économique ou autre seraient considérées comme faisant partie de cette personne morale.

126. Selon cette logique, les avocats salariés d’une société qui leur laisse une liberté totale dans leur activité de conseil et de représentation de ladite société deviendraient-ils soudain des « avocats indépendants » ? Un avocat libéral, dûment admis au barreau et exerçant en son nom propre, mais dont la clientèle se réduit à un seul client important dont il est, dans les faits, économiquement dépendant, cesserait-il d’être un « avocat indépendant » et devrait-il être considéré comme « salarié » ?

127. Tel est précisément le type de confusion entre l’examen formel du statut organisationnel (tiers) et l’examen matériel de l’existence d’un lien de subordination dans le cadre d’une relation de travail (indépendance) qui rend imprévisibles les critères appliqués dans le cadre de l’examen actuel de cette condition (53).

128. Deuxièmement, c’est peut-être également pourquoi, au niveau national, la question des avocats salariés est généralement (et, semble-t-il, principalement) abordée sous l’angle des incompatibilités structurelles avec la profession d’avocat plutôt que sous l’angle de l’absence d’indépendance dans une affaire spécifique.

129. Plusieurs régimes existent sur ce point dans les différents États membres. L’appréciation de l’incompatibilité entre la profession d’avocat et le salariat peut être examinée selon deux perspectives. Premièrement, elle peut concerner la question de savoir s’il est ou non possible de combiner l’exercice de la profession d’avocat (en tant que membre d’un barreau) avec une autre profession ou fonction publique (salariée). Deuxièmement, elle peut concerner la question de savoir si un avocat peut exercer sa profession (en tant que membre d’un barreau) uniquement en tant qu’indépendant (en libéral) ou s’il peut être avocat salarié (d’autres avocats, d’un cabinet ou d’autres formes d’associations d’avocats, ou de toute autre entité) sans être tenu de demander sa radiation du barreau (54).

130. À titre d’illustration de cette seconde perspective, on peut relever qu’en Pologne, la profession de conseil juridique (radca prawny) dont il est question dans la présente affaire peut être exercée dans le cadre d’un contrat de travail (55) ou sans contrat de travail (56). De plus, dans certains États membres, les rôles respectifs des avocats salariés et des avocats « indépendants » semblent évoluer et faire l’objet de débats (57).

131. J’observe que pour les avocats salariés d’États membres dans lesquels les statuts d’« indépendant » et de salarié sont considérés comme structurellement incompatibles, il est exclu de satisfaire à la condition de l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En ce qui concerne les avocats salariés exerçant dans des États membres qui ne connaissent pas cette incompatibilité, leur statut de salarié n’est pas considéré, logiquement, comme problématique devant les juridictions de leur pays.

132. Cependant, pour éviter les confusions sur ce point, ainsi qu’une ingérence injustifiée dans la conception nationale de la profession d’avocat (58), et dans un souci d’assurer l’égalité des conditions d’exercice devant les juridictions de l’Union, je propose d’aborder la question de l’avocat salarié sous l’angle de la condition relative à la qualité de « tiers ». Si les avocats salariés ne peuvent représenter des requérants non privilégiés, c’est parce qu’ils ne remplissent pas la condition autonome de droit de l’Union exigeant qu’ils aient la qualité de tiers par rapport à leur client, de sorte qu’ils ne peuvent « représenter » cette partie au sens de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

133. Par conséquent, un avocat salarié, qui assure la représentation en justice de son employeur sur le fondement d’un contrat de travail et qui se trouve donc dans un lien de subordination dans le cadre de la prestation de ces services juridiques, ne peut être considéré, aux fins de l’interprétation autonome de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, comme un tiers à l’égard de son client.

2)      L’indépendance

134. S’agissant de l’exigence d’indépendance, son aspect externe, à savoir l’absence de tout signe de pressions extérieures exercées sur l’avocat par toute autre partie, ne semble avoir été discuté ni dans la présente affaire ni dans aucune des affaires antérieures.

135. J’aborde donc directement la question de l’absence de pressions internes, c’est‑à‑dire l’absence de conflit d’intérêts.

136. Cette condition ne doit pas être interprétée, à mon sens, compte tenu une fois encore de la variété des solutions retenues au niveau national, comme interdisant aux avocats d’avoir un lien quelconque avec la partie requérante, mais uniquement des liens qui remettent manifestement en question la capacité de l’avocat à fournir des conseils pour servir exclusivement et au mieux les intérêts de son client.

137. Ces liens de nature à « discréditer » l’avocat doivent donc uniquement être d’une nature et d’un degré tels qu’il apparaît de façon évidente que l’avocat, bien qu’il soit formellement un tiers par rapport au requérant, a des liens économiques ou personnels soit avec l’objet du litige, soit avec l’une des parties, lesquels liens suscitent un doute raisonnable quant à sa capacité à défendre réellement son client et non lui‑même ou une autre personne.

138. J’admets bien volontiers qu’il existe une grande variété de configurations factuelles possibles, ce qui exclut de présenter une liste exhaustive des situations dans lesquelles ces possibilités théoriques de conflits peuvent se présenter. Cependant, ce qui est important à ce stade n’est pas quelles peuvent être ces situations, mais plutôt comment identifier ces conflits d’intérêts potentiels.

139. Les situations constitutives d’un conflit d’intérêts doivent être identifiées en partant d’une hypothèse raisonnable de conflit, sous réserve de s’en tenir aux cas de conflits évidents ou manifestes.

140. Le conflit d’intérêts doit apparaître comme une hypothèse raisonnable (mais dûment motivée), en fonction du type de relation (présente ou passée). En même temps, ce conflit doit être évident ou manifeste compte tenu du type de relation en question, c’est‑à‑dire qu’il y aura probablement un consensus pour considérer que les intérêts du client et de l’avocat sont nécessairement conflictuels dans ce type de relation ou de lien.

141. Cependant, conformément à l’argument général que j’ai exposé précédemment (59), mettant en garde contre l’ingérence excessive d’une juridiction dans la relation essentiellement privée qui lie l’avocat et son client, il n’appartient pas à une juridiction de se lancer dans des spéculations préventives pour chercher qui pourrait influencer qui et dans quelles circonstances. Soit le conflit est apparent et sa gravité est telle qu’il conduira n’importe quelle juridiction à écarter, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, l’avocat choisi à titre privé, soit il ne l’est pas, auquel cas les éventuels manquements devraient être examinés ultérieurement, soit dans le cadre d’une procédure disciplinaire visant l’avocat qui n’a pas respecté les règles déontologiques, soit dans le cadre d’une action civile en réparation du client contre son avocat.

142. Des arguments pratiques militent également en faveur de cette modalité d’interprétation et d’application de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Une approche extensive et préventive de l’exigence d’indépendance ne serait qu’un mauvais message favorisant des litiges dont la finalité pratique est douteuse (60). De plus, elle place également les représentants de requérants non privilégiés dans une position plutôt difficile : comment le représentant ou son client-requérant pourrait-il établir qu’il n’existe aucun risque de problèmes liés au fait qu’il a été choisi pour le représenter ? Comment prouver concrètement l’absence d’un événement futur ?

143. Toutes ces considérations m’amènent à proposer à la Cour de rééquilibrer la notion d’« indépendance de l’avocat » aux fins de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Premièrement, cette indépendance, tant externe qu’interne, diffère de la notion de « tiers ». Deuxièmement, la dimension interne de cette indépendance, c’est‑à‑dire l’absence de conflit d’intérêts dans une affaire donnée, devrait concerner uniquement les cas de conflits évidents et clairement perceptibles, qu’il conviendrait d’examiner au regard de l’expérience concernant certains types de relations qui sont nécessairement une source de conflits, et non sur le fondement d’une présomption préventive ou d’un examen approfondi.

144. En définitive, pour se conformer à l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la partie requérante doit être représentée par un avocat dûment habilité à exercer devant une juridiction nationale d’un État membre, habilitation attestée par le ou les certificats pertinents, ayant la qualité de tiers par rapport à la partie requérante. Il faut en outre que l’intervention de l’avocat, dans le contexte de l’affaire en question, ne soit pas exclue soit du fait de l’existence de pressions extérieures, soit en raison d’un autre conflit d’intérêts, que l’on peut considérer comme évident sur le fondement d’une hypothèse raisonnable au vu du type de relation (présente ou passée) entre l’avocat et la partie représentée.

2.      Sur le plan procédural

145. Enfin, j’aborde maintenant la question des conséquences procédurales des éventuelles irrégularités affectant la représentation en justice des requérants non privilégiés en vertu de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

146. Comme je l’ai déjà évoqué précédemment, selon la jurisprudence du Tribunal, le non‑respect de l’exigence d’indépendance de l’avocat aux termes de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, constitue un vice de fond du recours, non susceptible de régularisation, entraînant le rejet du recours comme étant manifestement irrecevable (61).

147. Je dois admettre que de tous les aspects du présent pourvoi, cette affirmation est celle qui me semble la plus problématique, pour deux raisons en particulier.

148. Premièrement, la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (ce qui inclut l’ordonnance attaquée) (62) comporte un certain nombre de références à des conditions régissant la représentation en justice des requérants non privilégiés, tirées des traditions communes aux États membres. Cependant, lorsqu’il s’agit des conséquences procédurales d’un manquement de l’avocat aux règles de déontologie, en particulier celles relatives aux conflits d’intérêts, les règles et pratiques nationales (à tout le moins celles dont j’ai connaissance) me semblent présenter un fort contraste avec les solutions qui sont censées en découler au sein de l’Union.

149. D’un côté, les vices affectant la représentation en justice sont en général considérés, dans les États membres, comme des vices de procédure, qui sont clairement régularisables (63). Ainsi, si un tel problème est constaté par la juridiction saisie, elle en avise le requérant en lui demandant de régulariser la situation, et l’informe des conséquences d’un défaut de régularisation.

150. D’un autre côté, il semble également qu’il y ait clairement une tendance, dans les États membres, à ne pas remettre en cause, au détriment du client, la validité des actes de procédure transmis à la juridiction lorsqu’il existe un conflit d’intérêts entre l’avocat et son client. Là encore, après en avoir été avisé par celle‑ci, l’avocat peut être invité à cesser de représenter le requérant, ou bien ce dernier peut être invité à désigner un nouvel avocat (64). En revanche, je n’ai pas trouvé, dans les ordres juridiques des États membres, d’éléments permettant d’élaborer une pratique permettant à la juridiction, en cas de manquements réels ou supposés à l’éthique professionnelle, non seulement de jouer le rôle de « chambre disciplinaire » en adoptant des sanctions immédiates, mais également d’imposer ces sanctions non pas à l’avocat, mais au requérant, en déclarant son recours manifestement irrecevable.

151. Deuxièmement, une telle interprétation et une telle pratique judiciaire sont à mon sens clairement incompatibles avec les garanties qui ressortent de l’article 47, premier alinéa, de la Charte et, plus spécialement, s’agissant de l’accès à la justice et du recours juridictionnel effectif (65).

152. Je ne peux donc partager l’interprétation et la pratique adoptées par le Tribunal, que la Cour a certes suivies (66), qui consistent à considérer qu’une irrégularité dans la représentation indépendante du requérant est un vice non régularisable affectant le recours.

153. Je suggérerais plutôt que les vices susceptibles d’affecter cette représentation soient considérés comme des manquements procéduraux affectant le recours et comme étant susceptibles d’être régularisés. De plus, lorsqu’une juridiction de l’Union identifie un vice concernant les conditions de la représentation, elle devrait en informer le requérant en conséquence afin de lui donner la possibilité de remédier à la situation. Je ne peux souscrire à la solution consistant à considérer que, dans une telle situation, les juridictions de l’Union peuvent tout simplement déclarer le recours manifestement irrecevable, mettant ainsi un terme définitif à l’affaire.

154. Cela signifierait, sur le plan pratique, que, lorsque le Tribunal identifie de possibles manquements aux exigences applicables au statut d’« avocat » au sens de l’article de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il a l’obligation d’en informer la partie requérante, conformément à l’article 51, paragraphe 4, de son règlement de procédure (67).

155. La « production [des documents requis] dans le délai imparti », dont il est question dans cette disposition, ne peut être interprétée comme se référant uniquement aux documents confirmant que l’avocat est membre d’un barreau national, tandis que les vrais points problématiques de la représentation de la partie concernée et les conséquences qui peuvent en découler en l’absence de régularisation ne seraient pas identifiés ni communiqués à cette partie, ne lui laissant d’autre choix que de deviner quel pourrait être concrètement le problème. Une telle interprétation serait non seulement très formelle pour ne pas dire formaliste, mais elle ignorerait en outre la logique de l’évolution des règles de procédure des juridictions de l’Union (68) et surtout la garantie fondamentale du droit d’accès effectif à un tribunal (69).

156. La demande adressée à une partie en vertu de l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal doit informer le requérant non seulement des documents supplémentaires requis, mais également des raisons justifiant que ces documents soient demandés, en précisant les doutes éventuels de la juridiction sur la représentation de cette partie. Elle doit informer le requérant, le cas échéant, de la nécessité de changer de représentant et de la raison qui le justifie, tout en énonçant clairement quelles seront les conséquences, du point de vue procédural, si aucune mesure n’est prise. De plus, comme le précise également cette disposition, le greffier devrait fixer au requérant un délai raisonnable pour qu’il puisse rectifier la situation. Bien évidemment, ce délai fixé par le greffier en application de l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal commence à courir et expire indépendamment du délai initial de recours.

157. Ce n’est que si la partie n’agit pas dans le délai imparti que le Tribunal pourra alors décider si le recours est de ce fait irrecevable en application de l’article 51, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure du Tribunal (70).

158. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler, par souci d’exhaustivité, que tout changement de représentant n’autorise pas la partie requérante à présenter de nouveaux mémoires. De même que dans le cas de la désignation d’un nouvel avocat après l’exclusion d’un agent, conseil ou avocat, dans le cadre d’une procédure en cours devant le Tribunal (71), le nouvel avocat doit reprendre le dossier en l’état, au même stade de la procédure.

D.      La présente affaire

159. Si j’applique à la présente affaire le critère que j’ai proposé précédemment (72), j’observe tout d’abord que le respect de la condition qui ressort de l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ne semble pas contesté. Le représentant de l’université de Wrocław dans la procédure à l’origine de l’ordonnance attaquée semble être dûment habilité à exercer devant les juridictions polonaises.

160. Deuxièmement, le requérant étant une personne morale, il est également constant que le représentant n’a pas agi, dans la procédure devant le Tribunal, en tant qu’avocat salarié de l’université de Wrocław. Il avait donc clairement la qualité de tiers à l’égard de son client. De plus, il n’est pas contesté que le contrat litigieux qui lie l’avocat et l’université de Wrocław concernait des tâches d’enseignement et non la prestation de services juridiques devant le Tribunal. Dès lors, indépendamment de la question de savoir si le contrat d’enseignement a placé le représentant dans une position de subordination ou de dépendance à l’égard de cette université, ce qui importe est que l’objet de ce contrat n’a tout simplement rien à voir avec l’activité de représentation en justice dans l’affaire en question.

161. Troisièmement, s’agissant de l’exigence d’indépendance, je relève que nul n’a suggéré que le représentant ait fait l’objet d’une forme quelconque de pressions extérieures. S’agissant d’un possible conflit d’intérêts, on peut comprendre que le Tribunal ait présumé qu’un tel conflit existait lorsqu’il a affirmé que le contrat de droit civil entre le représentant et l’université de Wrocław créait un risque que son opinion professionnelle soit influencée au moins en partie par son environnement professionnel (73).

162. Compte tenu de mes propositions, aux points 139 et 140 des présentes conclusions, quant à la façon dont il conviendrait d’aborder les conflits d’intérêts, je ne peux partager cette analyse. Le contrat litigieux portait (apparemment à temps partiel) sur des prestations d’enseignement de droit international privé. Au-delà de l’existence de ce contrat, et de ses relations antérieures avec cette université (à la fois en tant qu’étudiant, puis plus tard comme chargé de cours), aucun lien financier ou autre entre l’université de Wrocław et le représentant n’a été mis au jour, qui aurait pu susciter des doutes raisonnables sur la question de savoir si le représentant poursuivait d’autres intérêts que ceux de l’université de Wrocław.

163. Dans ces conditions, le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant la notion d’« avocat » visée à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, par voie de conséquence, à l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, en ce sens qu’un tel lien pouvait remettre en cause l’indépendance de cet avocat.

164. À la lumière des considérations qui précèdent, je conclus que le premier moyen de pourvoi dans l’affaire C‑515/17 P et le premier moyen de pourvoi dans l’affaire C‑561/17 P sont fondés et qu’il convient d’annuler l’ordonnance attaquée.

VI.    Sur les dépens

165. Dans la mesure où je propose de renvoyer au Tribunal l’affaire faisant l’objet du pourvoi C‑515/17 P, il convient de réserver la décision sur les dépens.

166. S’agissant de l’affaire faisant l’objet du pourvoi C‑561/17 P, et compte tenu de l’article 184, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, je propose à la Cour de condamner les parties à supporter leurs propres dépens.

167. Conformément à l’article 140, paragraphes 1 et 3, de ce règlement de procédure, lus conjointement avec son article 184, paragraphe 1, la République tchèque et la Chambre nationale des conseils juridiques devraient supporter leurs propres dépens.

VII. Conclusion

168. Je propose à la Cour de statuer de la manière suivante :

–        annuler l’ordonnance du 13 juin 2017, Uniwersytet Wrocławski/REA (T‑137/16, non publiée, EU:T:2017:407) ;

–        renvoyer l’affaire C‑515/17 P au Tribunal et ordonner que les dépens des parties dans cette affaire soient réservés ;

–        condamner les parties dans l’affaire C‑561/17 P à supporter leurs propres dépens ;

–        condamner la République tchèque et la Krajowa Izba Radców Prawnych (Chambre nationale des conseils juridiques, Pologne) à supporter leurs propres dépens.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Ordonnance du 13 juin 2017, Uniwersytet Wrocławski/REA (T‑137/16, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2017:407).


3      Note sans objet pour la version de langue française des présentes conclusions.


4      Ordonnance attaquée, points 16 et 17.


5      Ordonnance attaquée, point 18.


6      Ordonnance attaquée, point 19.


7      Arrêt du 6 septembre 2012 (C‑422/11 P et C‑423/11 P, ci-après l’« arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej », EU:C:2012:553).


8      Ordonnance attaquée, point 20.


9      Ordonnance attaquée, points 21 et 22.


10      Voir, notamment, ordonnance de la Cour du 20 février 2008, Comunidad Autónoma de Valencia – Generalidad Valenciana/Commission (C‑363/06 P, non publiée, EU:C:2008:99), et ordonnances du Tribunal du 9 septembre 2004, Alto de Casablanca/OHMIBodegas Chivite (VERAMONTE) (T‑14/04, EU:T:2004:258, point 11), et du 5 juillet 2006, Comunidad Autónoma de Valencia – Generalidad Valenciana/Commission (T‑357/05, EU:T:2006:188). Voir, également, ordonnances du Tribunal du 9 décembre 2013, Brown Brothers Harriman/OHMI (TRUST IN PARTNERSHIP) (T‑389/13, non publiée, EU:T:2013:691, point 14), et du 14 novembre 2016, Neonart svetlobni in reklamni napisi Krevh/EUIPO (neonart) (T‑221/16, non publiée, EU:T:2016:673, point 8).


11      Voir, notamment, Charte des principes essentiels de l’avocat européen & Code de déontologie des avocats européens, Conseil des barreaux européens (CCBE), 2019. L’article 2 concerne des principes généraux qui sont l’expression de la base « commune à toutes les règles nationales et internationales qui régissent la déontologie des avocats européens » (voir p. 1 et 6). L’indépendance est mentionnée comme le premier de ces principes.


12      Arrêt du 18 mai 1982 (155/79, ci-après l’« arrêt AM & S Europe », EU:C:1982:157).


13      Règlement du Conseil du 6 février 1962 : premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).


14      Arrêt AM & S Europe, points 21 et 22.


15      Arrêt AM & S Europe, point 24. Il s’agit des dispositions antérieures à l’actuel article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Elles étaient libellées en des termes légèrement différents, la représentation en justice des requérants non privilégiés devant la Cour pouvant être assurée par un avocat défini simplement comme « un avocat inscrit à un barreau de l’un des États membres ».


16      Arrêt du 14 septembre 2010 (C‑550/07 P, ci-après l’« arrêt Akzo Nobel », EU:C:2010:512, point 28).


17      Arrêt Akzo Nobel, points 42, 43 et 45. Mise en italique par mes soins.


18      Voir, notamment, ordonnances du 5 décembre 1996, Lopes/Cour de justice (C‑174/96 P, EU:C:1996:473) ; du 5 décembre 2013, Martínez Ferríz/Espagne (T‑564/13, non publiée, EU:T:2013:650) ; du 8 mai 2018, Spieker/EUIPO (Science for a better skin) (T‑92/18, non publiée, EU:T:2018:289), faisant actuellement l’objet d’un pourvoi dans l’affaire C‑455/18 P, et du 27 septembre 2018, Sógor/Conseil e.a. (T‑302/18, non publiée, EU:T:2018:621).


19      Ordonnance du 4 décembre 2017, Nap Innova Hoteles/CRU (T‑522/17, non publiée, EU:T:2017:881, point 8).


20      Ordonnances du 8 décembre 1999, Euro-Lex/OHMI (EU-LEX) (T‑79/99, EU:T:1999:312, points 28 et 29) ; du 19 novembre 2009, EREF/Commission (T‑94/07, non publiée, EU:T:2009:451, point 17), et du 21 mars 2011, Milux/OHMI (REFLUXCONTROL) (T‑139/10, T‑280/10 à T‑285/10 et T‑349/10 à T‑352/10, non publiée, EU:T:2011:98, point 22).


21      Ordonnances du 6 septembre 2011, ClientEarth/Conseil (T‑452/10, non publiée, EU:T:2011:420), et du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil (C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564).


22      Ordonnance du 31 mai 2013, Codacons/Commission (T‑120/13, non publiée, EU:T:2013:287, point 11).


23      Ordonnance du 18 novembre 2014, Justice & Environment/Commission (T‑221/14, non publiée, EU:T:2014:1002, points 10 à 14).


24      Ordonnance du 20 novembre 2017, BikeWorld/Commission (T‑702/15, EU:T:2017:834).


25      Ordonnance du 23 mai 2011, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej/Commission (T‑226/10, EU:T:2011:234, point 21).


26      Arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, points 33 et 34. Voir, dans le même sens, ordonnances du 18 novembre 2014, Justice & Environment/Commission (T‑221/14, non publiée, EU:T:2014:1002) ; du 14 novembre 2016, Dimos Athinaion/Commission (T‑360/16, non publiée, EU:T:2016:694), et du 8 avril 2019, Electroquimica Onubense/ECHA (T‑481/18, EU:T:2019:227).


27      Arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, points 24 et 25 ainsi que jurisprudence citée. Voir, enfin, ordonnance du 23 mai 2011, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej/Commission (T‑226/10, EU:T:2011:234, points 16, 17 et 21).


28      Ordonnance du 30 mai 2018, PJ/EUIPO – Erdmann & Rossi (Erdmann & Rossi) (T‑664/16, EU:T:2018:517), faisant actuellement l’objet de deux pourvois dans les affaires PJ/EUIPO (C‑529/18 P) et PC/EUIPO (C‑531/18 P).


29      Ordonnance du 30 mai 2018, PJ/EUIPO – Erdmann & Rossi (Erdmann & Rossi) (T‑664/16, EU:T:2018:517, point 59).


30      Ordonnance attaquée, point 20.


31      Voir points 37 à 40 des présentes conclusions.


32      Voir, notamment, Charte des principes essentiels de l’avocat européen & Code de déontologie des avocats européens, op. cit., note 11, p. 7 (point 6) et p. 9 [principes h) et i) concernant, respectivement, le respect de la confraternité et le respect de l’État de droit et la contribution à une bonne administration de la justice].


33      Voir, pour comparaison, en particulier, arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, points 24 et 25 et jurisprudence citée, et ordonnances du 23 mai 2011, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej/Commission (T‑226/10, EU:T:2011:234, points 16, 17 et 21), et du 30 mai 2018, PJ/EUIPO – Erdmann & Rossi (Erdmann & Rossi) (T‑664/16, EU:T:2018:517).


34      Ainsi que je l’ai déjà relevé (point 29 des présentes conclusions), ce problème se rapporte aux autres moyens des deux pourvois, à savoir au deuxième moyen de pourvoi de l’université de Wrocław et aux deuxième et troisième moyens de pourvoi de la République de Pologne.


35      Voir, notamment, ordonnance du 20 novembre 2017, BikeWorld/Commission (T‑702/15, EU:T:2017:834, point 35).


36      Instructions pratiques aux parties, relatives aux affaires portées devant la Cour (JO 2014, L 31, p. 1). Voir, spécialement, dans la section I, « Dispositions générales », le chapitre 2, intitulé « La représentation des parties devant la Cour ». Reproduisant en substance le texte de l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le point 2 de cette section énonce simplement que les requérants non privilégiés doivent être représentés par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre et que « [l]a preuve de cette qualité doit pouvoir être rapportée, sur simple demande, à tout stade de la procédure ».


37      Voir, notamment, ordonnances du Tribunal du 14 octobre 2010, Varga et Haliu/Conseil (T‑296/10, non publiée, EU:T:2010:435), et du 13 novembre 2012, Hârsulescu/Roumanie (T‑400/12, non publiée, EU:T:2012:595).


38      J’aborderai cette question plus loin, aux points 149 à 153 des présentes conclusions.


39      Voir, notamment, ordonnance du 20 novembre 2017, BikeWorld/Commission (T‑702/15, EU:T:2017:834, point 30). Cela étant dit, cette pratique semble admettre des exceptions, comme le montre l’ordonnance de la Cour du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil (C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564, points 21 et 22). Le Tribunal avait précédemment déclaré le recours irrecevable au motif que le représentant de la requérante était l’un de ses sept « trustees ». Sur pourvoi, la Cour a confirmé cette conclusion, tout en relevant que le Tribunal n’avait pas tenu compte du fait que le représentant avait informé le Tribunal d’un changement de représentant. Cette omission n’a cependant pas affecté la conclusion principale de la Cour, bien qu’« un tel changement [ait] d’apparence été qualifié, dans les ordonnances du Tribunal du 9 novembre 2011, ClientEarth e.a./Commission (T‑120/10), ainsi que ClientEarth e.a./Commission (T‑449/10), de manière implicite, de régularisation au sens de l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal », cette disposition constituant la disposition antérieure à l’article 51 du règlement de procédure du Tribunal.


40      De plus, si l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne devait être interprété de façon littérale, comme un renvoi pur et simple aux règles et pratiques nationales, sans référence à la notion de « représentation » par un tiers formulée de façon plus claire à l’article 19, troisième alinéa, de ce statut, le fait qu’un avocat puisse, par exemple, se représenter lui‑même devant les juridictions d’un État membre serait-il également suffisant pour l’autoriser à se représenter lui‑même devant les juridictions de l’Union ?


41      Voir points 37 à 40 des présentes conclusions.


42      Voir, en ce sens, Charte des principes essentiels de l’avocat européen & Code de déontologie des avocats européens, op. cit., note 11, p. 7, point 6, où l’avocat est notamment décrit comme « un acteur indispensable à la bonne administration de la justice ». Voir, également, p. 9, principe (i), « le respect de l’État de droit et la contribution à une bonne administration de la justice ».


43      Voir, également, l’article 47, deuxième alinéa, seconde phrase, de la Charte : « Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. »


44      En se fondant sur l’arrêt AM & S Europe et la jurisprudence ultérieure.


45      Voire un conflit entre plusieurs clients du même avocat. Voir l’exemple polonais cité par l’université de Wrocław, la République de Pologne et la Chambre nationale des conseils juridiques, à savoir l’article 7, paragraphe 2, du Kodeks Etyki Radcy Prawnego (code d’éthique du conseil juridique) : « Le conseil juridique, dans l’exercice de ses activités professionnelles, doit être libre de toute influence découlant de ses intérêts personnels, de pressions extérieures et d’ingérences de la part d’une quelconque des parties ou pour une raison quelconque. Les instructions formulées par quelque personne que ce soit, les suggestions ou directives limitant l’indépendance, ne peuvent pas influencer sur l’opinion qu’il exprime dans une affaire. » Voir également, notamment, Charte des principes essentiels de l’avocat européen & Code de déontologie des avocats européens, op. cit., note 11, spécialement article 2.1. Voir, également, Thomas de Carranza Méndez de Vigo, S., « Principios fundamentales en el ejercicio de la profesión de abogado », dans Vila Ramos, B. (coord.), Deontología profesional del abogado, Dykinson, Madrid, 2013, p. 35 à 50, p. 37 et 38, ou Sánchez Stewart, N., Manual de Deontología para Abogados, La Ley, Madrid, 2012.


46      L’article 30, paragraphe 1, du code d’éthique du conseil juridique dispose : « Un conseil juridique ne peut pas fournir d’assistance juridique à un client lorsque, dans l’affaire en question ou dans une affaire connexe, il existe un conflit d’intérêts entre le client et le conseil juridique ou un risque qu’un tel conflit se produise, ou lorsque les activités professionnelles concernent la personne ou les biens du conseil juridique ou de son entourage proche, à moins que ces activités concernent des recours, des actions ou des intérêts communs avec le client. »


47      En France, par exemple, si aucune procédure disciplinaire n’a été engagée à l’égard d’un avocat en particulier, il peut être demandé au juge d’enjoindre à l’avocat de cesser de représenter son client dans une affaire donnée (Cour de cassation, France, arrêt du 27 mars 2001, no 98-16.508). En Espagne, le juge peut aviser l’avocat qu’il serait approprié qu’il cesse de représenter son client [Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), arrêt du 18 novembre 2013, no 841/2013, RJ 2014/3061].


48      Voir, également, Charte des principes essentiels de l’avocat européen & Code de déontologie des avocats européens, op. cit., note 11, spécialement p. 8.


49      Voir point 87 des présentes conclusions.


50      Bien qu’il ne s’agisse clairement pas de l’objet de la présente affaire, j’observe qu’une approche restrictive a été retenue en ce qui concerne la nature des entités visées à l’article 19, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette disposition fait référence aux « États membres », sans autre précision ou définition. Le Tribunal, suivi par la Cour, interprète la notion d’« État membre » de façon très restrictive, en excluant que des entités publiques telles que les organes centraux indépendants, mais également les municipalités ou les régions, puissent désigner un de leurs agents dans une affaire. Voir, notamment, ordonnances du 5 juillet 2006, Comunidad Autónoma de Valencia – Generalidad Valenciana/Commission (T‑357/05, EU:T:2006:188), et du 20 février 2008, Comunidad Autónoma de Valencia – Generalidad Valenciana/Commission (C‑363/06 P, non publiée, EU:C:2008:99). Voir, également, ordonnances du 18 novembre 2014, Justice & Environment/Commission (T‑221/14, non publiée, EU:T:2014:1002), et du 14 novembre 2016, Dimos Athinaion/Commission (T‑360/16, non publiée, EU:T:2016:694). Je dois admettre que je suis sceptique sur l’intérêt pratique d’une interprétation aussi étroite. Il est probable que bon nombre d’organismes publics disposent de personnel administratif qualifié ou de services juridiques en mesure, de même que dans les ministères, de représenter cette autorité publique en faisant l’économie de coûts supplémentaires inutiles pour les budgets publics liés au recours à des avocats externes. De plus, une question plus générale se pose également : le droit de l’Union n’hésite pas à adopter une définition extrêmement large de la notion d’« État membre » lorsqu’il s’agit d’imposer des droits et obligations issues du droit de l’Union, comme on peut le constater notamment s’agissant de la notion d’« émanation de l’État » [voir arrêts du 12 juillet 1990, Foster e.a. (C‑188/89, EU:C:1990:313, points 17 à 20 et jurisprudence citée) ; du 10 octobre 2017, Farrell (C‑413/15, EU:C:2017:745, points 24 à 29 et jurisprudence citée), et du 7 août 2018, Smith (C‑122/17, EU:C:2018:631, point 45 et jurisprudence citée)] ou des organes, autres que les États au sens strict, dont la responsabilité peut être engagée pour violation du droit de l’Union [voir arrêt du 4 juillet 2000, Haim (C‑424/97, EU:C:2000:357, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée)], mais s’en tient à une approche étonnamment étroite de cette acception lorsqu’il est question des avantages et privilèges potentiels reconnus aux « États membres » par le droit de l’Union. Il est vrai que les domaines matériel et institutionnel du droit de l’Union se distinguent de l’interprétation de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Y a-t-il pour autant une finalité spécifique derrière une telle différenciation ? Comme le montre ce pourvoi dans son ensemble, les approches et définitions jurisprudentielles peuvent par ailleurs circuler assez facilement entre les différents domaines de droit de l’Union.


51      Voir, également, point 96 des présentes conclusions.


52      Arrêt Akzo Nobel, points 47 et 48.


53      Voir points 59 à 67 des présentes conclusions.


54      Il semble que les pratiques des États membres varient largement sur la question de l’habilitation des avocats salariés à exercer une activité juridique réglementée, à représenter leur employeur en justice, à rester membre d’un barreau national, ou à se prévaloir de la protection de la confidentialité. Voir, notamment, Marchandise, P., Jammaers, C., Macours, K. et Vandoorne, L., Déontologie et organisation générale de la profession de juriste d’entreprise. Théorie et cas pratiques de réflexion, Institut des juristes d’entreprise, Bruxelles, juin 2018, p. 85, qui présente un aperçu du système des 28 États membres, p. 86 à 94.


55      Voir arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, points 10 à 12.


56      Telle était, semble-t-il, la situation du représentant de l’université de Wrocław dans la procédure à l’origine de l’ordonnance attaquée. Cette même possibilité d’exercice selon ces deux modalités semble également exister notamment en Irlande, pour les solicitors, qui doivent respecter le Guide to Good Professional Conduct for Solicitors (guide des bonnes pratiques professionnelles du solicitor) et dont la profession est régulée par le Solicitors Acts 1954-2015 (loi sur les solicitors).


57      Voir, notamment, en ce qui concerne la France, arrêt de la Cour de cassation no 1497 du 16 septembre 2015 (14-17.842), ou, pour l’Irlande, l’article 212 du Legal Services Regulation Act 2015 (loi sur la régulation des services juridiques) qui, lorsqu’il s’appliquera, permettra à un barrister salarié dont le nom figure sur la liste des barristers en exercice de fournir des services juridiques à son employeur, y compris en le représentant devant une cour, un tribunal ou une instance d’arbitrage.


58      Je ne peux que reconnaître la complexité du débat sur la nature du rôle et la profession des avocats externes, d’une part, et des juristes internes salariés, d’autre part. Voir, notamment, Haeri, K., L’avenir de la profession d’avocat. Rapport confié par Monsieur Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, à Monsieur Kami Haeri, Avocat au Barreau de Paris, février 2017, p. 72 et 73.


59      Voir points 103 à 113 des présentes conclusions.


60      Par défaut, la stratégie rationnelle d’une institution ou agence de l’Union l’amènera probablement à commencer sa défense, dans la mesure du possible, par une remise en cause de l’« indépendance » de l’avocat d’un requérant non privilégié en utilisant toutes les informations disponibles. En conséquence, de plus en plus de cas seraient examinés sous cet angle, ce qui élargirait les hypothèses de « manque d’indépendance » à de nouvelles configurations factuelles, contribuerait naturellement à alimenter le recours à de telles exceptions d’irrecevabilité, puis amènerait la juridiction à examiner en détail des faits et questions qui ne relèvent pas vraiment de son activité principale, remplaçant ainsi progressivement tout système de contrôle juridictionnel au fond par un examen de la recevabilité tenant véritablement de l’Ouroboros.


61      Voir points 68 à 78 des présentes conclusions.


62      Ordonnance attaquée, point 18.


63      Voir, notamment, arrêts du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne) 199/2001 du 4 octobre (ES:TC:2001:199), et 213/1990, du 20 décembre (ES:TC:1990:213), ainsi que décision de l’Ústavní soud (Cour constitutionnelle, République tchèque) Pl. ÚS-st. 42/15 du 8 octobre 2015 (ECLI:CZ:US:2015:Pl.US-st.42.15.1). Voir, également, IV. ÚS 3638/15 du 28 février 2018 (ECLI:CZ:US:2017:4.US.3638.15.1).


64      Voir, notamment, exemples susmentionnés en France ou en Espagne, note 47 des présentes conclusions.


65      Voir, également, points 72 à 78 des présentes conclusions. Dans ce contexte, il ne me semble pas nécessaire d’analyser les possibles limitations qu’impliquerait l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, puisqu’une telle pratique réduit tout simplement à néant l’essence même du recours juridictionnel effectif. Je note également que la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH ») a jugé qu’une interprétation excessivement stricte des règles procédurales nationales sur la représentation obligatoire constituait une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et en particulier du droit à un tribunal lorsque le recours du requérant – un avocat en exercice – a été considéré comme irrecevable, privant ainsi le requérant d’un examen complet au fond de ses allégations. Voir Cour EDH, 11 février 2014, Maširević c. Serbie (CE:ECHR:2014:0211JUD003067108, § 47 à 51).


66      Voir ordonnance de la Cour du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil (C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564), ainsi que nos commentaires à la note 39 des présentes conclusions.


67      Une obligation similaire s’appliquerait mutatis mutandis à la Cour sur le fondement de l’article 119 de son règlement de procédure.


68      Cela a pour effet de rendre la logique interprétative que nous avons déjà exposée précédemment (aux points 72 à 78 des présentes conclusions) encore plus surprenante et dangereuse. Là encore, n’est-il pas plutôt logique que les règles ne prévoient aucune possibilité de régulariser le non‑respect de critères qui ne sont tout simplement pas spécifiés dans les règles applicables ?


69      Tout en s’écartant également de façon significative de l’approche consistant à faire primer le fond sur la forme, qui est l’approche habituellement retenue par la Cour lorsqu’elle interprète l’article 47 de la Charte ou le principe de protection juridictionnelle effective tel qu’appliqué aux juridictions d’un État membre, en demandant à celles‑ci d’interpréter les règles procédurales nationales applicables de façon à préserver et non à refuser ce droit d’accès. Voir, notamment, arrêts du 12 juin 2014, Peftiev e.a. (C‑314/13, EU:C:2014:1645, point 29) ; du 15 septembre 2016, Star Storage e.a. (C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, points 49 à 63), et du 27 septembre 2017, Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:725, point 76). Pour sa part, la Cour EDH rappelle qu’un « “formalisme excessif” peut nuire à la garantie d’un droit “concret et effectif” d’accès à un tribunal découlant de l’article 6 § 1 de la [CEDH]. Pareil formalisme peut résulter d’une interprétation particulièrement rigoureuse d’une règle procédurale, qui empêche l’examen au fond de l’action d’un requérant et constitue un élément de nature à emporter violation du droit à une protection effective par les cours et tribunaux ». Cour EDH, 5 avril 2018, Zubac c. Croatie (CE:ECHR:2018:0405JUD004016012, § 97 à 99 et jurisprudence citée).


70      Voir, dans le même sens, article 119, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour.


71      En application de l’article 55, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. On pourrait cependant ajouter que l’ensemble de l’article 55 du règlement de procédure du Tribunal, qui prévoit la possibilité d’exclure un agent, conseil, ou avocat de la procédure, offre une confirmation supplémentaire du caractère problématique de l’interprétation de l’article 51, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal. S’il est possible de remplacer un avocat exclu, à un stade quelconque de la procédure, pourquoi serait-il théoriquement impossible de remplacer un représentant lorsqu’il s’avère qu’il ne répond pas aux critères de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ab initio (c’est‑à‑dire au moment où le recours a été introduit) ?


72      Voir point 144 des présentes conclusions.


73      Ordonnance attaquée, point 20.