Language of document : ECLI:EU:C:2012:782

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 11 décembre 2012 (1)

Affaires jointes C‑274/11 et C‑295/11

Royaume d’Espagne (C‑274/11),

République italienne (C‑295/11)

contre

Conseil de l’Union européenne

«Recours en annulation – Autorisation d’une coopération renforcée au titre des articles 20 TUE et 329 TFUE, en vue de l’établissement d’un ‘brevet unitaire’ – Recours en annulation pour incompétence, détournement de pouvoir et violation des traités – Création de titres européens de propriété intellectuelle – Article 118 TFUE – Compétence exclusive ou partagée»





1.        Par leur requête, le Royaume d’Espagne (affaire C‑274/11) et la République italienne (affaire C‑295/11) demandent l’annulation de la décision 2011/167/UE du Conseil, du 10 mars 2011, autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire (2).

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit primaire

1.      Le traité sur l’Union européenne

2.        L’article 20, paragraphes 1 et 2, TUE dispose:

«1.      Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l’Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci et exercer ces compétences en appliquant les dispositions appropriées des traités, dans les limites et selon les modalités prévues au présent article, ainsi qu’aux articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d’intégration. Elles sont ouvertes à tout moment à tous les États membres, conformément à l’article 328 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

2.      La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble, et à condition qu’au moins neuf États membres y participent. Le Conseil statue conformément à la procédure prévue à l’article 329 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.»

2.      Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

3.        L’article 3, paragraphe 1, TFUE prévoit:

«L’Union dispose d’une compétence exclusive dans les domaines suivants:

a)      l’union douanière;

b)      l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur;

c)      la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l’euro;

d)      la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche;

e)      la politique commerciale commune.»

4.        Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, TFUE:

«1.      L’Union dispose d’une compétence partagée avec les États membres lorsque les traités lui attribuent une compétence qui ne relève pas des domaines visés aux articles 3 et 6.

2.      Les compétences partagées entre l’Union et les États membres s’appliquent aux principaux domaines suivants:

a)      le marché intérieur;

[…]»

5.        La décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 329, paragraphe 1, TFUE. Cette disposition prévoit:

«Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans l’un des domaines visés par les traités, à l’exception des domaines de compétence exclusive et de la politique étrangère et de sécurité commune, adressent une demande à la Commission en précisant le champ d’application et les objectifs poursuivis par la coopération renforcée envisagée. La Commission peut soumettre au Conseil une proposition en ce sens. Si elle ne soumet pas de proposition, la Commission en communique les raisons aux États membres concernés.

L’autorisation de procéder à une coopération renforcée visée au premier alinéa est accordée par le Conseil, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen.»

6.        En vertu de l’article 326 TFUE, les coopérations renforcées respectent les traités et le droit de l’Union. Elles ne peuvent porter atteinte ni au marché intérieur ni à la cohésion économique, sociale et territoriale. Elles ne peuvent constituer ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les États membres, ni provoquer de distorsions de concurrence entre ceux-ci.

7.        Aux termes de l’article 327 TFUE:

«Les coopérations renforcées respectent les compétences, droits et obligations des États membres qui n’y participent pas. Ceux-ci n’entravent pas leur mise en œuvre par les États membres qui y participent.»

8.        Par ailleurs, l’article 330 TFUE, toujours en ce qui concerne les coopérations renforcées, prévoit:

«Tous les membres du Conseil peuvent participer à ses délibérations, mais seuls les membres du Conseil représentant les États membres participant à une coopération renforcée prennent part au vote.

L’unanimité est constituée par les voix des seuls représentants des États membres participants.

La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3.»

B –    La décision attaquée

9.        La décision attaquée autorise l’instauration d’une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire entre 25 des 27 États membres de l’Union, le Royaume d’Espagne et la République italienne ayant refusé d’y participer.

10.      Le considérant 4 de la décision attaquée énonce ce qui suit:

«Lors de la session du Conseil du 10 novembre 2010, il a été pris acte de l’absence d’unanimité concernant la proposition de règlement sur les dispositions relatives à la traduction. Le 10 décembre 2010, l’existence de difficultés insurmontables rendant impossible l’unanimité à cette date et dans un proche avenir a été confirmée. Étant donné qu’un accord sur la proposition de règlement sur les dispositions relatives à la traduction est nécessaire pour parvenir à un accord final sur la création d’une protection par brevet unitaire dans l’Union, il a été établi que l’objectif consistant à créer une protection par brevet unitaire ne pourra pas être atteint dans un délai raisonnable en appliquant les dispositions pertinentes des traités.»

11.      Aux termes des considérants 6 à 16 de la décision attaquée:

«(6)      La coopération renforcée devrait fournir le cadre juridique nécessaire pour la création d’une protection par brevet unitaire dans les États membres participants et permettre aux entreprises de toute l’Union d’améliorer leur compétitivité en ayant la possibilité d’obtenir une protection uniforme par brevet dans les États membres participants et de contribuer ainsi au progrès scientifique et technique.

(7)      L’objectif de la coopération renforcée devrait être la création d’un brevet unitaire, qui confère une protection uniforme sur le territoire de tous les États membres participants, qui serait délivré pour l’ensemble de ces États membres par l’Office européen des brevets (ci-après […] [l’]‘OEB’). En tant qu’élément nécessaire du brevet unitaire, les modalités de traduction devraient être simples, présenter un bon rapport coût-efficacité et correspondre à celles prévues dans la proposition de règlement [(UE)] du Conseil sur les dispositions relatives à la traduction pour le brevet de l’Union européenne, présentée par la Commission le 30 juin 2010 (3), et aux éléments de compromis proposés par la présidence en novembre 2010 et largement soutenus par le Conseil. Ces modalités de traduction maintiendraient la possibilité de déposer une demande de brevet auprès de l’OEB dans n’importe quelle langue de l’Union et assureraient le remboursement des coûts liés à la traduction des demandes déposées dans une langue autre que l’une des langues officielles de l’OEB. Le brevet unitaire ne devrait être délivré que dans l’une des langues officielles de l’OEB conformément à la convention sur la délivrance de brevets européens [(4)] […]. Aucune autre traduction ne serait exigée, sans préjudice de dispositions transitoires qui seraient proportionnées et exigeraient des traductions supplémentaires à titre temporaire, sans effet juridique et à des fins purement informatives. En toute hypothèse, ces dispositions transitoires prendraient fin dès que des traductions automatiques de grande qualité seraient disponibles, sous réserve de leur évaluation qualitative objective. En cas de litige, les obligations de traduction devraient s’appliquer au titulaire du brevet.

(8)      Les conditions fixées à l’article 20 […] TUE et aux articles 326 [TFUE] et 329 […] TFUE sont remplies.

(9)      Le domaine dans lequel s’exercerait la coopération renforcée, l’établissement de mesures relatives à la création d’un brevet unitaire assurant une protection dans l’ensemble de l’Union et la mise en place de régimes d’autorisation, de coordination et de contrôle centralisés au niveau de l’Union, est identifié par l’article 118 […] TFUE comme l’un des domaines visés par les traités.

(10)      Il a été noté lors de la session du Conseil du 10 novembre 2010 puis confirmé le 10 décembre 2010 que l’objectif consistant à établir une protection par brevet unitaire au sein de l’Union ne pouvait pas être atteint dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble; par conséquent, la condition prévue par l’article 20, paragraphe 2, […] TUE, selon laquelle la décision autorisant une coopération renforcée est adoptée uniquement en dernier ressort, est remplie.

(11)      La coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire vise à stimuler le progrès scientifique et technique ainsi que le fonctionnement du marché intérieur. La création d’une protection par brevet unitaire pour tout un groupe d’États membres améliorerait le niveau de protection en donnant la possibilité d’obtenir une protection uniforme sur le territoire de tous les États membres participants et éliminerait les coûts et la complexité pour ces territoires. Ainsi, elle contribue à la réalisation des objectifs de l’Union, protège ses intérêts et renforce son processus d’intégration conformément à l’article 20, paragraphe 1, […] TUE.

(12)      La création d’une protection par brevet unitaire ne figure pas dans la liste des domaines de compétence exclusive de l’Union énoncés à l’article 3, paragraphe 1, […] TFUE. La base juridique pour la création de droits de propriété intellectuelle européens est l’article 118 […] TFUE, qui fait partie, sous le titre VII (les règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations), du chapitre 3 (le rapprochement des législations), et fait spécifiquement référence à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur, qui constitue l’une des compétences partagées de l’Union conformément à l’article 4 […] TFUE. La création d’une protection par brevet unitaire, en ce compris la définition de ses modalités de traduction, s’inscrivent donc dans le cadre des compétences non exclusives de l’Union.

(13)      La coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire respecte les traités et le droit de l’Union et ne porte atteinte ni au marché intérieur ni à la cohésion économique, sociale ou territoriale. Elle ne constitue ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les États membres et ne provoque pas de distorsions de concurrence entre ceux-ci.

(14)      La coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire respecte les compétences, les droits et les obligations des États membres non participants. La possibilité d’obtenir une protection par brevet unitaire sur le territoire des États membres participants n’affecte pas l’existence ou les conditions de la protection par brevet sur le territoire des États membres non participants. En outre, les entreprises des États membres non participants devraient avoir la possibilité d’obtenir la protection par brevet unitaire sur le territoire des États membres participants dans les mêmes conditions que les entreprises des États membres participants. Les règles existantes d’États membres non participants qui régissent les conditions d’obtention d’une protection par brevet sur leur territoire restent inchangées.

(15)      La coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire serait conforme notamment au droit de l’Union sur les brevets puisque la coopération renforcée respecterait l’acquis préexistant.

(16)      Sous réserve du respect des conditions de participation fixées par la présente décision, la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire est ouverte à tout moment à tous les États membres disposés à se conformer aux actes déjà adoptés dans ce cadre conformément à l’article 328 […] TFUE».

II – Les conclusions des parties

A –    Dans l’affaire C‑274/11

12.      Le Royaume d’Espagne conclut à ce que la Cour:

–        annule la décision attaquée, et

–        condamne le Conseil aux dépens.

13.      Le Conseil conclut à ce que la Cour:

–        rejette le recours, et

–        condamne le Royaume d’Espagne aux dépens.

B –    Dans l’affaire C‑295/11

14.      La République italienne conclut à ce que la Cour:

–        annule la décision attaquée, et

–        condamne le Conseil aux dépens.

15.      Le Conseil conclut à ce que la Cour:

–        rejette le recours, et

–        condamne la République italienne aux dépens.

16.      En ce qui concerne l’affaire C‑274/11, par une première ordonnance du président de la Cour du 27 octobre 2011, la République italienne a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Royaume d’Espagne et la République polonaise au soutien des conclusions du Conseil. Par une seconde ordonnance du président de la Cour à la même date, la République de Lettonie, l’Irlande, la Commission, la République fédérale d’Allemagne, le Parlement, le Royaume de Belgique, le Royaume de Suède, le Royaume des Pays-Bas, la République tchèque, la Hongrie, la République française ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

17.      En ce qui concerne l’affaire C‑295/11, par ordonnance du président de la Cour du 13 octobre 2011, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne et la République de Lettonie, l’Irlande, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Belgique, le Royaume de Suède, le Parlement, la Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la République de Pologne ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

18.      Par ordonnance du président de la Cour du 10 juillet 2012, les affaires C‑274/11 et C‑295/11 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

III – Sur les recours

19.      Selon nous, le Royaume d’Espagne et la République italienne soulèvent six moyens à l’appui de leur recours.

20.      Par un premier moyen, le Royaume d’Espagne et la République italienne font valoir que le Conseil n’était pas compétent pour instaurer une coopération renforcée. Selon eux, cette compétence appartiendrait exclusivement à l’Union. Dès lors, en adoptant la décision attaquée, il y aurait eu une violation de l’article 20, paragraphe 1, TUE, qui prévoit la possibilité d’instaurer une coopération renforcée uniquement dans les matières relevant d’une compétence non exclusive de l’Union.

21.      Par un deuxième moyen, le Royaume d’Espagne et la République italienne estiment que l’adoption de la décision autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire est constitutive d’un détournement de pouvoir. Ils estiment que, contrairement à ce que prévoit l’article 20 TUE, le vrai objectif de cette décision était non pas de parvenir à l’intégration de l’ensemble des États membres au moyen d’une intégration à plusieurs vitesses, mais d’exclure le Royaume d’Espagne et la République italienne des négociations sur la question du régime linguistique de ce brevet.

22.      Par un troisième moyen, le Royaume d’Espagne reproche au Conseil d’avoir méconnu le système juridictionnel de l’Union en ne précisant pas, dans la décision attaquée, le régime juridictionnel envisagé en matière de brevet unitaire.

23.      Par un quatrième moyen, le Royaume d’Espagne et la République italienne font valoir que, en adoptant la décision attaquée, le Conseil aurait méconnu la condition du dernier ressort requise à l’article 20, paragraphe 2, TUE.

24.      Un cinquième moyen est tiré de la violation des articles 118, premier alinéa, TFUE et 326 TFUE et de l’article 20, paragraphe 1, premier alinéa, TUE. En particulier, le Royaume d’Espagne et la République italienne soutiennent que la décision attaquée viole l’article 326 TFUE, dans la mesure où elle porterait atteinte au marché intérieur ainsi qu’à la cohésion économique, sociale et territoriale, où elle constituerait une entrave et une discrimination aux échanges entre les États membres et où elle provoquerait des distorsions de concurrence entre ceux-ci.

25.      Enfin, par un sixième moyen, le Royaume d’Espagne estime que la décision attaquée ne respecterait pas les articles 327 TFUE et 328 TFUE. En effet, d’une part, cette décision l’obligerait à renoncer au droit que lui accorde l’article 65 de la CBE d’exiger une traduction du fascicule du brevet en espagnol pour qu’il produise des effets juridiques en Espagne et, d’autre part, la condition d’ouverture de la coopération renforcée aux États membres non participants, prévue à l’article 328 TFUE, ne serait pas respectée, dans la mesure où cette coopération prévoit un régime linguistique qu’il ne saurait accepter.

A –    Observations liminaires

26.      Pour la première fois depuis la création du mécanisme de la coopération renforcée par le traité d’Amsterdam, la Cour est appelée à examiner la légalité de la décision d’autorisation d’une telle coopération. À cet effet, elle sera amenée à définir les contours du contrôle du respect des conditions d’autorisation, afin de vérifier la légalité de cette coopération.

27.      Selon nous, ce contrôle doit être un contrôle restreint. En effet, comme l’avait relevé l’avocat général Jacobs, «il est important de garder à l’esprit les limites du pouvoir de contrôle de la Cour sur les mesures législatives adoptées par le Conseil. Ces limites résultent du principe fondamental de la séparation des pouvoirs au sein des Communautés. Dans les cas où le traité a conféré des pouvoirs législatifs étendus au Conseil, il n’appartient pas à la Cour de substituer, à celle du Conseil, sa propre appréciation de la situation économique ou encore de la nécessité ou de l’opportunité des mesures adoptées. En agissant ainsi, elle usurperait le rôle législatif du Conseil en imposant ses propres vues sur les politiques économiques devant être suivies par les Communautés» (5).

28.      En l’occurrence, le choix d’instaurer une coopération renforcée revient au Conseil, qui accorde l’autorisation sur la base d’une proposition de la Commission et après approbation du Parlement (6). Dans le cadre de cette procédure, ces institutions sont amenées à apprécier les effets de la coopération renforcée sur la base de nombreux éléments, à mettre en balance les différents intérêts en jeu et à opérer des choix politiques qui relèvent de leur responsabilité propre. C’est au regard de ces éléments que le Conseil va apprécier si une coopération renforcée est la mesure adéquate pour, conformément à l’article 20, paragraphe 1, second alinéa, TUE, favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, préserver les intérêts de celle-ci et renforcer son processus d’intégration.

29.      La Cour, à cet égard, a toujours reconnu au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation quant à la nature et à la portée des mesures à prendre dans les domaines d’action de l’Union. Elle se limite, alors, à contrôler si, dans l’exercice de cette liberté de choix, celui-ci n’a pas commis d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou s’il n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (7).

30.      C’est donc à la lumière de ces considérations que la Cour devra, à notre avis, opérer son contrôle de légalité de la décision attaquée.

B –    Sur le moyen tiré d’une incompétence pour instaurer une coopération renforcée en vue de la création du brevet unitaire

1.      Les arguments des parties

31.      Le Royaume d’Espagne et la République italienne estiment que la décision attaquée méconnaît l’article 20, paragraphe 1, TUE. Ils considèrent, en effet, que le domaine dans lequel s’exercerait la coopération renforcée, et qui est identifié, conformément au considérant 9 de la décision attaquée, par l’article 118 TFUE, relève non pas des compétences partagées entre l’Union et les États membres telles qu’énoncées à l’article 4 TFUE, mais des compétences exclusives de l’Union, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE, à savoir l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur. Par conséquent, l’article 20, paragraphe 1, TUE excluant toute coopération renforcée dans le domaine des compétences exclusives de l’Union, il ne serait pas possible de mettre en place une coopération renforcée portant sur la création d’un brevet unitaire.

32.      Selon la République italienne, les articles 3 TFUE à 6 TFUE ne dressent qu’une classification indicative des domaines de compétence de l’Union. La portée effective de chaque compétence devrait être déterminée à la lumière des dispositions des traités relatifs à chaque domaine, ainsi que le préciserait l’article 2, paragraphe 6, TFUE.

33.      Ensuite, le Royaume d’Espagne et la République italienne soutiennent que l’article 118 TFUE, bien que faisant référence à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur et bien qu’étant inséré, sous le titre VII de la troisième partie – relatif aux règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations –, dans le chapitre 3 qui concerne le rapprochement des législations, ne confère pas à l’Union un pouvoir général d’harmonisation en matière de titres de propriété intellectuelle aux fins d’en assurer une protection uniforme dans le marché intérieur, mais une compétence spécifique pour mettre en place ces titres et des régimes d’autorisation, de coordination et de contrôle centralisés au niveau de l’Union. La matière visée à l’article 118 TFUE constituerait donc une règle de concurrence nécessaire au fonctionnement du marché intérieur et relèverait, ainsi, de la compétence exclusive de l’Union énoncée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE.

34.      Le Royaume d’Espagne ajoute que, eu égard à leur nature de droits d’exclusivité et d’exclusion, les brevets donnent à leur titulaire un monopole et restreignent, de ce fait, la libre concurrence et la libre circulation des produits et des services. Cela tendrait donc à démontrer que la création d’un brevet unitaire a trait à l’établissement de règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur.

35.      Enfin, pour la République italienne, la création d’une nouvelle forme juridique au niveau de l’Union, ainsi que le prévoit l’article 118 TFUE, ne relève pas de la compétence des États membres. À l’appui de cet argument, elle explique que, si l’on considérait qu’une coopération renforcée pouvait être mise en place sur la base de l’article 118 TFUE, cela reviendrait à admettre la possibilité de coexistence, sur le territoire de l’Union, de plusieurs titres européens. Cette disposition, dont l’objectif est d’assurer l’existence d’un titre unique à même de garantir une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union, serait, dès lors, privée de tout effet utile. Cette analyse démontrerait que la matière visée à l’article 118 TFUE appartient bien à un domaine de compétence exclusive de l’Union.

36.      Le Conseil fait remarquer que les règles relatives à la protection des droits de propriété intellectuelle relèvent du marché intérieur et que, dans ce domaine, l’Union a une compétence partagée, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous a), TFUE. Or, l’article 118 TFUE faisant expressément mention de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur, la matière faisant l’objet de la coopération renforcée, en vertu de la décision attaquée, relève donc de la compétence partagée entre l’Union et les États membres.

37.      Par ailleurs, le Conseil estime que ce n’est pas la nature des mesures prises par l’Union, à savoir une mesure d’harmonisation, la création d’un titre européen ou encore la conclusion d’un accord international, qui détermine la compétence exclusive de celle-ci, mais le domaine duquel relèvent ces mesures.

38.      En outre, le Conseil fait remarquer que le titre VII de la troisième partie du traité FUE, intitulé «Les règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations», contient trois chapitres, à savoir le chapitre 1, intitulé «Les règles de concurrence», le chapitre 2, intitulé «Dispositions fiscales», et le chapitre 3, intitulé «Le rapprochement des législations», l’article 118 TFUE s’insérant dans ce dernier chapitre. En outre, le Conseil constate que le chapitre 1, intitulé «Les règles de concurrence», ne contient aucune base juridique pour l’établissement de titres de propriété intellectuelle. Dès lors, la création de ces titres, ainsi que le prévoit la coopération renforcée, relèverait bien du seul marché intérieur, domaine de compétence partagée entre l’Union et ses États membres.

39.      Les intervenants au soutien du Conseil partagent pleinement les arguments de ce dernier. La Commission et le Royaume-Uni estiment, en particulier, que la République italienne confond la nature des compétences conférées à l’Union et les instruments prévus pour l’exercice de ces compétences. La Commission estime, à cet égard, que le fait qu’une mesure, telle que le brevet unitaire, ne puisse être adoptée que par l’Union n’implique pas, nécessairement, une compétence exclusive. Il s’agirait uniquement de savoir si, dans un domaine donné, les États membres ont conservé des pouvoirs d’action ou bien s’ils ont conféré à l’Union seule le pouvoir de légiférer et d’adopter des actes contraignants.

2.      Notre appréciation

40.      Le Royaume d’Espagne et la République italienne excipent de l’absence de compétences partagées entre l’Union et les États membres pour mettre en place une coopération renforcée dans le domaine du brevet unitaire. Ils estiment, en substance, que la création d’un tel brevet relève des compétences exclusives de l’Union, dans la mesure où elle ferait partie des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur.

41.      Nous ne partageons pas cette analyse, et ce pour les raisons suivantes.

42.      Avant le traité de Lisbonne, les rédacteurs des traités antérieurs ne s’étaient pas attachés à la question de la répartition des compétences entre l’Union et les États membres. Tout au plus était-il indiqué que la Communauté agissait dans la limite des compétences qui lui étaient attribuées et des objectifs qui lui étaient assignés par les traités et que, dans les domaines ne relevant pas de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervenait, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne pouvaient pas être réalisés de manière suffisante par les États membres.

43.      Lors des Conseils européens de Nice, en 2000, et de Laeken, en 2001, les États membres ont fait clairement part de leur souhait de voir clarifier la répartition des compétences entre l’Union et les États membres (8). Ainsi, dans la déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Union européenne (9), le Conseil européen, faisant de ce thème l’un des quatre grands thèmes de discussion, a estimé qu’il fallait rendre plus claire la répartition des compétences entre l’Union et les États membres, la simplifier et l’ajuster à la lumière des nouveaux défis auxquels l’Union est confrontée. Il a poursuivi en indiquant qu’une première série de questions à poser concernait la manière de rendre cette répartition plus transparente. À cet effet, il a posé la question de savoir s’il était possible d’établir une distinction plus claire entre trois types de compétences, à savoir les compétences exclusives de l’Union, les compétences des États membres et les compétences partagées entre l’Union et ces États (10).

44.      Cette volonté se concrétisera, par la suite, dans le traité de Lisbonne, qui instaure une véritable catégorisation des compétences, répartissant clairement ces dernières entre l’Union et les États membres (11), conformément au principe d’attribution (12). Ainsi, l’article 1er TFUE indique que «[ce traité] organise le fonctionnement de l’Union et détermine les domaines, la délimitation et les modalités d’exercice de ses compétences». À cet égard, le titre I de la première partie dudit traité est dépourvu de toute ambiguïté, puisqu’il est intitulé «Catégories et domaines de compétences de l’Union». Sous ce titre, l’article 2, paragraphe 1, TFUE prévoit que, «[l]orsque les traités attribuent à l’Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l’Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants».

45.      Ces domaines sont énumérés à l’article 3, paragraphe 1, TFUE, disposition de laquelle relève, notamment, l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur.

46.      Toujours sous le titre I de la première partie du traité FUE, l’article 4, paragraphe 2, de ce traité indique les principaux domaines pour lesquels l’Union et les États membres disposent de compétences partagées. Le marché intérieur fait partie de ces domaines, en vertu du point a) de cette disposition.

47.      Au vu de ces éléments, il est clair que le caractère exclusif ou partagé des compétences dépend non pas, au contraire de ce qu’affirment le Royaume d’Espagne et la République italienne, de la question de savoir si l’Union est la seule à pouvoir adopter une mesure ayant un effet sur tout le territoire de l’Union, mais bien du domaine auquel appartient la mesure envisagée.

48.      À cet égard, contrairement à ce que soutiennent le Royaume d’Espagne et la République italienne, nous estimons que le traité FUE établit une liste exhaustive et non simplement indicative des domaines relevant de la compétence exclusive de l’Union.

49.      En effet, confrontée à celle de l’article 4, paragraphe 2, TFUE, la rédaction de l’article 3, paragraphe 1, TFUE démontre que seuls les domaines qui y sont énumérés relèvent de la compétence exclusive de l’Union. Ainsi, cette dernière disposition indique que «[l]’Union dispose d’une compétence exclusive dans les domaines suivants [(13)]» et l’article 4, paragraphe 2, TFUE, qui traite des domaines dans lesquels l’Union et les États membres ont des compétences partagées, indique que «[l]es compétences partagées entre l’Union et les États membres s’appliquent aux principaux domaines suivants [(14)]». Il ressort de cette dernière phrase que les rédacteurs du traité FUE n’ont pas inclus, dans la liste de l’article 4, paragraphe 2, TFUE, tous les domaines concernés, mais qu’ils se sont concentrés sur les principaux domaines. Une telle intention n’apparaît pas dans l’article 3, paragraphe 1, TFUE.

50.      L’article 4, paragraphe 1, TFUE confirme, également, cette analyse dans la mesure où il prévoit que «[l]’Union dispose d’une compétence partagée avec les États membres lorsque les traités lui attribuent une compétence qui ne relève pas des domaines visés aux articles 3 [TFUE] et 6 [TFUE]». Les compétences partagées pouvant être caractérisées comme telles dès lors qu’elles ne sont pas des compétences exclusives, ces dernières doivent être déterminées de manière claire.

51.      Par ailleurs, le caractère exhaustif de la liste des domaines pour lesquels l’Union bénéficie d’une compétence exclusive nous semble conforme au principe d’attribution énoncé à l’article 5 TUE. En vertu de ce principe, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités et toute compétence non attribuée à l’Union appartient aux États membres.

52.      Cette analyse va, en outre, dans le sens de la volonté des rédacteurs des traités de clarifier la répartition des compétences entre l’Union et les États membres, ainsi que nous l’avons exposé aux points 42 à 44 des présentes conclusions.

53.      Eu égard aux éléments susmentionnés, afin de déterminer si la création du brevet unitaire, telle que prévue à l’article 118 TFUE, relève de la compétence exclusive de l’Union ou de la compétence partagée entre l’Union et les États membres, il convient de rechercher le domaine auquel appartient la création d’un tel titre.

54.      À la simple lecture de cette disposition, il ne fait pas de doute, à notre avis, que la création d’un titre européen de propriété intellectuelle relève du marché intérieur. En effet, la rédaction de ladite disposition nous paraît sans équivoque, puisqu’elle prévoit que c’est «[d]ans le cadre de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur» que ce titre doit être créé.

55.      Ensuite, il est constant que l’uniformisation de la propriété intellectuelle joue un rôle important sur le respect des principes de base du marché intérieur. Il est manifeste, d’ailleurs, que le législateur de l’Union, en adoptant les actes relatifs à la propriété intellectuelle, a toujours eu pour objectif la réalisation et le bon fonctionnement du marché intérieur (15). À cet égard, la Cour, dans un arrêt ayant pour contexte factuel la brevetabilité des inventions utilisant des cellules souches embryonnaires, a mis en avant le fait que les disparités concernant la définition de la notion auraient pour conséquence d’attenter au bon fonctionnement du marché intérieur, qui est le but de la directive 98/44 (16).

56.      La mise en place d’un brevet unitaire vise donc bien, selon nous, à atteindre les objectifs des traités tels qu’énoncés aux articles 3, paragraphe 3, TUE et 26 TFUE, à savoir la réalisation et le bon fonctionnement du marché intérieur.

57.      Toutefois, le Royaume d’Espagne et la République italienne affirment que, si la création d’un tel brevet est, effectivement, nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, il n’en reste pas moins qu’elle relèverait, en réalité, de l’établissement des règles de concurrence et appartiendrait donc à la compétence exclusive de l’Union, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE. Nous ne pouvons pas nous rallier à un tel argument.

58.      Conformément à l’article 2, paragraphe 6, TFUE, l’étendue et les modalités d’exercice des compétences de l’Union sont déterminées par les dispositions des traités relatives à chaque domaine. Afin de déterminer le contenu exact d’un domaine, il convient donc de se référer aux dispositions pertinentes du traité FUE. En ce qui concerne les règles de concurrence telles qu’énoncées à l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE, il s’agit des articles 101 TFUE à 109 TFUE.

59.      Ces règles sont définies dans le traité FUE. En effet, le titre VII de la troisième partie de ce traité est consacré aux règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations. Le chapitre 1 de ce titre, intitulé «Les règles de concurrence», est lui-même divisé en deux sections, la première portant sur les règles applicables aux entreprises et la seconde sur les aides accordées par les États. Relèvent donc des règles de concurrence les règles entre entreprises et les règles visant le comportement des États membres favorisant ces entreprises au moyen d’aides d’État. Force est de constater que les articles 101 TFUE à 109 TFUE ne font aucune mention de la création d’un titre de propriété intellectuelle.

60.      Nous ne contestons pas le fait, avancé par le Royaume d’Espagne, que la propriété intellectuelle, en général, et le brevet, en particulier, compte tenu de leur nature, donnent à leur titulaire un monopole qui affecte la concurrence. La Cour a d’ailleurs admis, à propos de la marque communautaire, qu’elle joue un rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité FUE entend établir (17). Il est vrai que les droits qui découlent de la propriété d’un brevet sont de nature à affecter les échanges de biens et de services ainsi que les rapports de concurrence au sein du marché intérieur. Cependant, le fait qu’un titre juridique, tel que le brevet unitaire, puisse avoir un impact sur le marché intérieur ne suffit pas à en faire un titre relevant des règles de concurrence au sens du droit primaire et, plus particulièrement, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE.

61.      Enfin, selon la République italienne, la création d’un brevet unitaire constituerait non pas une harmonisation ou un rapprochement des législations nationales comme le laisserait croire le chapitre duquel relève l’article 118 TFUE, mais une création d’un nouveau titre juridique européen qui vient s’ajouter aux titres nationaux existants. Ainsi, l’Union étant la seule, véritablement, à pouvoir adopter des mesures relatives à la création d’un brevet unitaire produisant des effets sur l’ensemble du territoire des États membres, une telle création relèverait forcément de la compétence exclusive de l’Union.

62.      À notre avis, cet élément n’est pas pertinent aux fins de la détermination de la compétence de l’Union. L’article 5, paragraphe 3, TUE prévoit, en vertu du principe de subsidiarité, que, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive – dès lors, dans les domaines relevant de la compétence partagée –, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent l’être mieux au niveau de l’Union. Ce n’est donc pas parce que les objectifs visés ne peuvent pas être atteints par les États membres qu’il s’agit d’une compétence exclusive.

63.      Certes, il pourrait nous être opposé l’arrêt du 2 mai 2006, Parlement/Conseil (18), par lequel la Cour a reconnu que la création d’une forme juridique nouvelle au niveau de l’Union ne constitue pas un rapprochement des législations nationales, mais se superpose à ces législations, excluant ainsi le recours à l’article 114 TFUE comme base juridique (19).

64.      Toutefois, il nous semble qu’il faut se replacer dans le contexte de cet arrêt. Dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, il s’agissait de déterminer la base juridique appropriée sur le fondement de laquelle la création d’une forme nouvelle de société coopérative européenne pouvait être adoptée, aucune disposition du traité ne conférant une base juridique spécifique à cet effet. La Cour a rappelé que, dans l’avis 1/94, du 15 novembre 1994 (20), elle a admis la possibilité d’avoir recours à l’article 352 TFUE pour créer des titres nouveaux de propriété intellectuelle, l’article 114 TFUE n’étant pas la disposition adéquate, étant donné qu’il vise au rapprochement des législations et suppose, dès lors, non pas la création d’un nouveau titre de propriété intellectuelle, mais une harmonisation (21). Elle en a déduit que l’article 114 TFUE ne pouvait constituer une base juridique appropriée pour l’adoption du règlement créant une forme juridique nouvelle de société coopérative européenne, qui a été adopté à bon droit sur le fondement de l’article 352 TFUE, dans la mesure où ce règlement, qui laisse inchangés les différents droits nationaux existants, ne saurait être regardé comme ayant pour objet de rapprocher les droits des États membres applicables aux sociétés coopératives, mais a pour objet de créer une forme nouvelle de société coopérative qui se superpose aux formes nationales.

65.      À notre avis, nous ne pouvons pas déduire de l’arrêt Parlement/Conseil, précité, que la création de titres de propriété intellectuelle ne relève pas de la compétence partagée entre l’Union et les États membres. En effet, il s’agissait, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, de déterminer quelle était, en l’absence de base spécifique, la base juridique adéquate, entre les articles 114 TFUE et 352 TFUE, pour la création d’une société coopérative européenne.

66.      Or, tel n’est pas le cas dans les affaires qui nous sont aujourd’hui soumises. Depuis le traité de Lisbonne, l’article 118 TFUE confère une base juridique appropriée pour la création de titres de propriété intellectuelle et cette disposition vise expressément l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, domaine relevant de la compétence partagée entre l’Union et les États membres.

67.      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de rejeter le moyen tiré d’une incompétence pour instaurer une coopération renforcée en vue de la création du brevet unitaire comme étant non fondé.

C –    Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir

1.      Les arguments des parties

68.      Le Royaume d’Espagne et la République italienne estiment que la coopération renforcée autorisée par la décision attaquée a été décidée afin de les exclure et de mettre fin aux négociations portant sur le brevet unitaire et sur le régime linguistique de celui-ci. Ils considèrent que, loin de parvenir à une intégration, objectif vers lequel doit tendre le mécanisme de la coopération renforcée, le Conseil a choisi une solution d’exclusion.

69.      La République italienne soutient, en outre, que la décision attaquée a été adoptée afin de contourner la règle de l’unanimité énoncée à l’article 118, second alinéa, TFUE, relative aux régimes linguistiques des titres de propriété intellectuelle européens. La coopération renforcée autorisée dans cette décision a donc pour effet soit d’exclure la possibilité de créer un brevet européen uniforme, ce brevet n’ayant d’effet que sur le territoire des États membres participants, soit de forcer le Royaume d’Espagne et la République italienne à opter pour un régime linguistique dont ils ne veulent pas. De plus, la République italienne affirme que, par l’effet de l’excès de pouvoir dénoncé, l’esprit de l’article 118, second alinéa, TFUE n’a pas été respecté, ce qui constitue une violation de l’article 326, premier alinéa, TFUE, qui dispose que les coopérations renforcées respectent les traités et le droit de l’Union.

70.      Par ailleurs, le Royaume d’Espagne explique que, en ce qui le concerne, il n’existe ni une préparation insuffisante pour assumer les obligations et les compétences qu’implique le régime du brevet unitaire, ni de défaut de volonté politique de les assumer. Seul le régime linguistique était, pour lui, une difficulté insurmontable, puisqu’il n’était pas prêt à accepter celui proposé par la Commission. La décision attaquée n’aurait donc d’autre effet que celui d’exclure le Royaume d’Espagne des négociations sur le sujet et de contourner cette difficulté.

71.      Enfin, le Royaume d’Espagne considère que la coopération renforcée autorisée par la décision attaquée est, en réalité, un accord particulier au sens de l’article 142 de la CBE. En vertu de cette disposition, «[t]out groupe d’États contractants qui, dans un accord particulier, a disposé que les brevets européens délivrés pour ces États auront un caractère unitaire sur l’ensemble de leurs territoires, peut prévoir que les brevets européens ne pourront être délivrés que conjointement pour tous ces États». Selon le Royaume d’Espagne, un mécanisme prévu par le droit international, en l’occurrence par la CBE, est introduit dans le droit de l’Union et est présenté comme une coopération renforcée. Dès lors, celle-ci aurait été utilisée à des fins autres que celles prévues par les traités.

72.      Le Conseil considère, tout d’abord, que la non-participation du Royaume d’Espagne à la coopération renforcée n’est rien d’autre que la conséquence de sa propre décision et qu’il n’y a eu aucune volonté, de sa part, d’exclure le Royaume d’Espagne et la République italienne de cette coopération. Il précise que ladite coopération reste ouverte à ces deux États membres à tout moment, conformément au considérant 16 de la décision attaquée.

73.      Le Conseil observe, ensuite, qu’une coopération renforcée est justement mise en place lorsqu’il n’est pas possible de trouver un accord avec tous les États membres. Son objectif n’est donc pas d’exclure certains États membres. Par ailleurs, il souligne que l’instauration d’une coopération renforcée n’est aucunement soumise à l’accord de tous les États membres, sauf exception expressément prévue par les traités, notamment lorsque la coopération renforcée concerne le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune, conformément à l’article 329, paragraphe 2, TFUE.

74.      À propos de l’argument selon lequel la décision attaquée a pour effet de contourner la règle de l’unanimité prévue à l’article 118, second alinéa, TFUE, le Conseil considère que le fait que seule l’unanimité des États membres participant à la coopération renforcée soit requise est la conséquence nécessaire prévue par les traités lors de l’établissement d’une telle coopération, et notamment l’article 330 TFUE, qui prévoit que l’unanimité est constituée par les voix des seuls représentants des États membres participants.

75.      En ce qui concerne l’argument selon lequel la décision attaquée aurait pour effet de contourner les dispositions de l’article 142 de la CBE, le Conseil fait tout d’abord remarquer que cette décision ne mentionne pas cette disposition. Dès lors, la validité de ladite décision ne peut pas être remise en cause par cet argument. En tout état de cause, le Conseil estime qu’aucun indice ne permet de constater que la décision attaquée ait été adoptée dans le but exclusif ou, à tout le moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées, au sens de la jurisprudence de la Cour concernant le détournement de pouvoir.

76.      Les États membres ainsi que la Commission et le Parlement, intervenant au soutien du Conseil, se rallient également à ces arguments. En particulier, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Suède rappellent la longueur et l’échec des négociations pour aboutir à un accord final sur le brevet unitaire. Dès lors qu’il s’est avéré impossible de parvenir à un tel accord, le recours à la coopération renforcée a été envisagé. Il y aurait donc eu volonté non pas d’exclure le Royaume d’Espagne et la République italienne, mais d’avancer dans l’intégration dans ce domaine.

77.      En outre, la République française observe que la possibilité de mettre en place une coopération renforcée dans un domaine où le Conseil statue à l’unanimité ressort clairement de l’article 333, paragraphe 1, TFUE, qui indique que, «[l]orsqu’une disposition des traités susceptible d’être appliquée dans le cadre d’une coopération renforcée prévoit que le Conseil statue à l’unanimité, le Conseil, statuant à l’unanimité conformément aux modalités prévues à l’article 330, peut adopter une décision prévoyant qu’il statuera à la majorité qualifiée».

78.      De plus, la République tchèque insiste sur le fait que la coopération renforcée permet aux États membres intéressés de coopérer dans un domaine concret, en dépit d’une minorité de blocage. Elle est, selon cet État membre, une solution équilibrée au problème de l’impossibilité de parvenir à un accord dans un domaine précis. À cet égard, le Royaume des Pays-Bas explique que la finalité du mécanisme de la coopération renforcée est non pas de parvenir, in fine, à une coopération entre tous les États membres, mais de mettre en œuvre une intégration et une coopération plus approfondies entre les États membres qui le souhaitent.

79.      Enfin, répondant à l’argument de la République italienne selon lequel la coopération renforcée ne pourrait pas être instaurée lorsque les États membres qui décident de ne pas y prendre part sont, en principe, intéressés et désireux de participer au processus législatif dans le domaine visé, la Commission estime que, si de simples déclarations de volonté de participer à un projet d’intégration étaient jugées suffisantes pour bloquer le recours à une coopération renforcée, cela reviendrait, en substance, à reconnaître un droit de veto à tous les États membres.

2.      Notre appréciation

80.      Selon une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles excipées ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité FUE pour parer aux circonstances de l’espèce (22).

81.      Comme le Conseil ainsi que les États membres, la Commission et le Parlement intervenant à son soutien, nous ne pensons pas que la décision attaquée soit constitutive d’un détournement de pouvoir.

82.      Conformément à l’article 20, paragraphe 1, second alinéa, TUE, les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d’intégration. La mise en place d’un mécanisme de coopération renforcée a été motivée par une hétérogénéité croissante des États membres et par leurs intérêts ou leurs besoins spécifiques (23). Ce mécanisme vise à permettre et à inciter un groupe d’États membres à coopérer dans le cadre de l’Union, plutôt qu’en dehors de celui-ci (24), lorsqu’il est établi que les objectifs visés par cette coopération ne pourront pas être atteints par l’Union dans son ensemble. En d’autres termes, les coopérations renforcées sont un moyen pour un groupe d’États membres, désireux d’aller de l’avant dans une matière déterminée, de faire face à un blocage tout en restant dans le cadre institutionnel de l’Union, et ce dans le respect des conditions prévues par les traités.

83.      Dès lors, la circonstance même que, par l’instauration de la coopération renforcée dans le domaine de la création d’un brevet unitaire, certains États membres soient «exclus» parce qu’ils n’ont pas souhaité participer à cette coopération n’est pas de nature à démontrer que le Conseil a commis un détournement de pouvoir en autorisant ladite coopération. Il s’agit là, précisément, du propre du mécanisme de la coopération renforcée, cette «exclusion» n’étant pas, pour autant, irréversible, puisque, en vertu de l’article 328, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE, les coopérations renforcées sont ouvertes à tous les États membres à tout moment et doivent même recueillir la participation du plus grand nombre possible d’États membres (25).

84.      Par ailleurs, nous ne pensons pas, non plus, que le Conseil aurait eu, par l’instauration d’une coopération renforcée, pour but de contourner la règle de l’unanimité prévue à l’article 118, second alinéa, TFUE.

85.      En effet, d’une part, nous rappelons que le mécanisme de la coopération renforcée a été instauré afin de permettre à un groupe d’États membres de faire face à un blocage dans une matière déterminée. Or, il va de soi que ce blocage est particulièrement susceptible d’apparaître dans les matières qui requièrent l’unanimité au sein du Conseil. Dès lors, en constatant, dans un premier temps, l’absence d’unanimité en ce qui concerne le régime linguistique du brevet unitaire et en décidant, dans un second temps, de faire face à ce blocage en instaurant une coopération renforcée, le Conseil n’a fait que recourir à un outil dont il dispose, conformément aux dispositions des traités.

86.      D’autre part, il convient de préciser que le traité FUE prévoit expressément que les règles relatives au vote sont transférées et s’appliquent à l’ensemble des États membres participant à la coopération renforcée. Ainsi, l’article 330, premier et deuxième alinéas, TFUE indique que tous les membres du Conseil peuvent participer à ses délibérations, mais seuls les membres du Conseil représentant les États membres participant à une coopération renforcée prennent part au vote et que l’unanimité est constituée par les voix des seuls représentants des États membres participants. Le processus décisionnel et les règles de vote dépendront donc de la matière concernée par la coopération renforcée. En l’occurrence, le régime linguistique du brevet unitaire devra, conformément à l’article 118, second alinéa, TFUE, être déterminé par un vote à l’unanimité des États membres participants (26).

87.      Enfin, le Royaume d’Espagne estime que la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir au motif que le recours à la coopération renforcée viserait, en réalité, à adopter, sous la forme d’un acte de l’Union, un instrument qui relève du droit international, la décision attaquée ayant, selon cet État membre, pour effet de contourner les dispositions de l’article 142 de la CBE. À ce titre, il cite l’article 1er de la proposition de règlement de la Commission, du 13 avril 2011, mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire qui prévoit que ce règlement constitue un accord particulier au sens de l’article 142 de la CBE.

88.      Ainsi que l’a relevé la République française, cet argument vise, en réalité, à mettre en doute la légalité du futur règlement mettant en œuvre la coopération renforcée et non la légalité de la décision attaquée.

89.      En tout état de cause, nous ne voyons pas en quoi ledit argument démontrerait que le Conseil a poursuivi des objectifs autres que ceux mentionnés dans la décision attaquée.

90.      Eu égard aux considérations qui précèdent, nous sommes d’avis qu’il n’existe pas d’indices objectifs, pertinents et concordants qui prouvent que la décision attaquée a été adoptée à des fins autres que celles excipées ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par les traités.

91.      Par conséquent, nous estimons que le moyen tiré d’un détournement de pouvoir doit être rejeté comme étant non fondé.

D –    Sur le moyen tiré d’une violation du système juridictionnel de l’Union

1.      Les arguments des parties

92.      Le Royaume d’Espagne estime que la décision attaquée aurait dû prévoir la création d’un régime juridictionnel auquel le brevet unitaire doit être soumis. Il observe, à cet égard, que la Cour a rappelé, dans son avis 1/09, du 8 mars 2011 (27), que le système juridictionnel de l’Union est constitué par un ensemble complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions (28). Dès lors, le Royaume d’Espagne considère que la mise en place de nouveaux instruments dans le cadre du droit de l’Union, sans que les voies de recours et les procédures garantissant le contrôle de la légalité de ces instruments soient prévues, est contraire au système juridictionnel de l’Union tel qu’il a été conçu par les auteurs des traités et tel qu’il ressort de la jurisprudence.

93.      Le Conseil, dans un premier temps, convient que des voies de recours et des procédures assurant le contrôle de la légalité des titres de propriété intellectuelle devront effectivement exister, et ce conformément, notamment, à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à la jurisprudence de la Cour.

94.      Cependant, dans un second temps, il observe qu’il n’est pas nécessaire de créer un système juridictionnel propre ou des dispositions spécifiques pour le contrôle juridictionnel de tout acte de droit secondaire et qu’il est prématuré d’imposer l’obligation de prévoir, dans la décision attaquée, un cadre juridictionnel spécifique devant lequel pourrait se voir mise en cause la légalité de certains actes qui n’ont pas encore été établis.

95.      En tout état de cause, le Conseil indique que l’absence de telles dispositions ne signifie pas l’absence de contrôle juridictionnel, étant donné qu’il incombera aux autorités nationales d’organiser ce contrôle pour tous les litiges dont la Cour ne s’est pas vu attribuer la compétence pour en connaître.

96.      Les États membres ainsi que la Commission et le Parlement, intervenant au soutien du Conseil, se rallient aux arguments de ce dernier. La Commission, en particulier, ajoute que la question du règlement des litiges en matière de brevet unitaire sera réglée au moment de l’adoption des actes mettant en œuvre la coopération renforcée prévue dans la décision attaquée et le Royaume de Suède estime que l’absence de dispositions relatives à un contrôle juridictionnel ne conditionne pas la validité de la décision attaquée.

2.      Notre appréciation

97.      Le Royaume d’Espagne a introduit son recours, sur le fondement de l’article 263 TFUE, à l’encontre d’une décision adoptée par le Conseil autorisant une coopération renforcée sur la base de l’article 329 TFUE.

98.      La Cour doit donc déterminer si les conditions qui déterminent la validité de la coopération renforcée ont été respectées. Dès lors, son contrôle doit se limiter, ici, à la question de savoir si cette décision du Conseil remplit les conditions requises pour la mise en œuvre d’une coopération renforcée, conformément aux articles 20 TUE ainsi que 326 TFUE et suivants.

99.      À cet égard, la question de la création d’un système juridictionnel propre aux brevets unitaires ne fait pas partie des conditions requises par les articles pertinents des traités pour la mise en œuvre d’une coopération renforcée. L’autorisation délivrée par le Conseil pour la mise en place d’une coopération renforcée n’est que la prémisse de l’adoption d’autres actes législatifs qui devront, alors, mettre concrètement en œuvre cette coopération renforcée. D’ailleurs, la Commission, dans sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire, du 13 avril 2011 (29), a abordé la question de la protection juridictionnelle de ce brevet (30).

100. Dès lors, au vu de ce qui précède, nous estimons que le moyen tiré d’une violation du système juridictionnel de l’Union doit être rejeté comme étant irrecevable.

E –    Sur le moyen tiré de la violation de la condition de dernier ressort

1.      Les arguments des parties

101. Le Royaume d’Espagne et la République italienne estiment que, en autorisant la coopération renforcée par l’adoption de la décision attaquée, le Conseil a violé la condition de dernier ressort requise à l’article 20, paragraphe 2, TUE. Nous rappelons que, en vertu de cette disposition, la décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble.

102. En particulier, le Royaume d’Espagne estime que, si la notion de dernier ressort n’est, certes, pas définie, elle doit, néanmoins, faire l’objet d’une interprétation stricte. À cet égard, cette notion sous-entendrait, en l’espèce, que la proposition législative qui fait l’objet de discussions ait été raisonnable et non abusive ni discriminatoire, à défaut de quoi le désaccord entre les États membres serait inévitable.

103. La République italienne admet, à cet égard, que la constatation du respect de la condition du dernier ressort ne peut être contrôlée par la Cour que de manière limitée, dès lors qu’elle est l’objet d’une appréciation discrétionnaire réservée au Conseil, le rôle du juge de l’Union étant alors limité à la constatation d’une erreur manifeste d’appréciation. Cependant, l’erreur serait, ici, manifeste compte tenu du fait que le paquet législatif sur le brevet européen était d’ores et déjà largement incomplet et compte tenu, également, de la brièveté des négociations consacrées au régime linguistique.

104. À cet égard, le Royaume d’Espagne et la République italienne soutiennent que toutes les possibilités de négociation entre les 27 États membres n’ont pas été épuisées et que d’autres solutions concernant le régime linguistique auraient pu être proposées. Selon eux, le temps qui s’est écoulé entre la proposition de règlement du Conseil, susmentionnée, relative au régime linguistique et présentée par la Commission le 30 juin 2010, et la proposition de coopération renforcée également présentée par cette dernière, le 14 décembre 2010 (31), n’est pas suffisant pour considérer que cette coopération intervient en dernier ressort et que les objectifs recherchés ne peuvent pas être atteints dans un délai raisonnable. Le Royaume d’Espagne et la République italienne estiment que cette période de six mois n’a pas pu garantir de débats sereins et ouverts sur les différentes options possibles de régime linguistique. À titre de comparaison avec la coopération renforcée instaurée dans le cadre de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, ils notent que quatre années se sont écoulées avant la présentation d’une proposition législative de la Commission et que, deux années après cette proposition, a eu lieu le premier débat sur la possibilité d’instaurer une coopération renforcée.

105. Selon le Conseil, le contrôle de la Cour doit, ici, se limiter à examiner si la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, celui-ci serait particulièrement bien placé pour apprécier s’il est prévisible ou non de parvenir à un accord sur le brevet de l’Union dans un délai raisonnable. À cet égard, il observe que les dispositions des traités n’imposent pas qu’un laps de temps déterminé s’écoule entre la date de présentation d’une proposition et la date d’autorisation de la coopération renforcée. Les éléments importants à prendre en compte, afin de déterminer s’il est probable ou non que les objectifs recherchés seront réalisés dans un délai raisonnable, seraient l’intensité et le contenu des négociations, et non leur durée.

106. Le Conseil note que, en tout état de cause, entre la présentation de la proposition de règlement sur le brevet de l’Union, susmentionnée, et l’adoption de la décision attaquée, plus de dix années se sont écoulées.

107. Les États membres ainsi que la Commission et le Parlement, intervenant au soutien du Conseil, s’accordent sur le fait que les négociations sur le régime linguistique étaient arrivées à une situation d’impasse. La Commission, en particulier, ajoute que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une partie soutient que l’institution compétente a commis une erreur manifeste d’appréciation, le juge de l’Union doit évaluer si cette institution a examiné, avec soin et de manière impartiale, tous les éléments de l’espèce sur lesquels sont fondées les conclusions qu’elle en tire (32). La Commission observe que le Royaume d’Espagne et la République italienne n’expliquent pas quels éléments de fait ou de fond le Conseil aurait manqué de prendre en considération ou aurait examinés sans la précision et l’impartialité requises.

2.      Notre appréciation

108. Nous l’avons vu, la coopération renforcée est un outil mis à la disposition d’un groupe d’États membres qui souhaitent aller de l’avant lorsqu’une action ne peut pas aboutir avec la participation de l’Union dans son ensemble. En aucun cas cet outil ne doit être utilisé afin d’éviter le compromis, qui doit être recherché avant tout. C’est, à notre sens, la raison pour laquelle la coopération doit intervenir en dernier ressort et lorsqu’il est établi que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble.

109. Ni la condition du dernier ressort ni la notion de délai raisonnable n’ont été définies dans le texte des traités.

110. Concernant la notion de dernier ressort, il convient de noter, à la suite de l’adoption du traité d’Amsterdam, que l’article 43, paragraphe 1, sous c), UE, dans sa version antérieure au traité de Lisbonne, prévoyait que la coopération renforcée ne pouvait être mise en place uniquement que «lorsque les objectifs [des] traités [n’auraient pu] être atteints en appliquant les procédures pertinentes qui y [étaient] prévues». Cette rédaction tendait à démontrer que le Conseil devait aller jusqu’au bout du processus législatif et que ce n’était que si la mesure proposée était rejetée que la coopération renforcée pouvait être envisagée (33).

111. Avec le traité de Nice et, surtout, le traité de Lisbonne, il semblerait que la volonté des rédacteurs des traités ait été d’assouplir cette condition, puisqu’il n’est plus fait référence aux «procédures pertinentes [prévues par les traités]». Il ressort, d’ailleurs, des négociations portant sur le traité de Nice que la condition du dernier ressort était vue comme un obstacle majeur à l’instauration d’une coopération renforcée (34). Dès lors, il apparaît que cette condition n’est pas forcément le constat du rejet, par vote, d’une proposition de loi, mais le constat de l’existence d’un véritable blocage qui pourrait survenir à tous les niveaux du processus législatif et qui atteste de l’impossibilité d’aboutir à un compromis (35). La coopération renforcée serait donc l’outil utilisé en ultime recours, lorsqu’il est avéré qu’aucun compromis ne pourra être trouvé par le biais de la procédure législative habituelle. À cet égard, le Parlement a utilisé l’expression d’«ultime issue d’une situation politique critique» pour définir la coopération renforcée (36).

112. Bien entendu, afin de préserver et d’encourager les solutions de compromis, le Conseil doit s’assurer qu’il est manifeste que ce compromis ne pourra pas être trouvé dans un délai raisonnable.

113. Le traité UE ne définit pas, non plus, la notion de délai raisonnable. Nous relevons, toutefois, que l’article 20, paragraphe 2, TUE précise qu’il appartient au Conseil d’établir si les objectifs recherchés par la coopération ne peuvent pas effectivement être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble. Cela s’explique par le fait, selon nous, que le Conseil reste le mieux placé pour apprécier si, à terme, un accord était susceptible d’aboutir en son sein. Il est le seul à connaître tous les tenants et les aboutissants du processus législatif, la teneur des débats engagés et les situations d’impasse auxquelles il est susceptible d’être confronté.

114. Au vu de ces éléments, ainsi que de ceux rappelés aux points 27 à 29 des présentes conclusions, nous pensons que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si la coopération renforcée est bien adoptée en dernier ressort et pour établir que les objectifs recherchés par elle ne peuvent pas être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble.

115. Du reste, cette volonté des rédacteurs des traités de laisser un large pouvoir au Conseil en ce qui concerne l’appréciation du dernier ressort et du délai raisonnable est confirmée, selon nous, par le fait que ceux-ci ont, en revanche, pris soin d’instaurer des délais dans les procédures spécifiques de coopérations renforcées pour l’institution d’un parquet européen et en matière de coopération policière. En effet, pour ce qui concerne la première, l’article 86, paragraphe 1, deuxième et dernier alinéas, TFUE prévoit que, en l’absence d’unanimité concernant l’institution d’un parquet européen, un groupe composé d’au moins neuf États membres peut demander que le Conseil européen soit saisi du projet de règlement. Dans un délai de quatre mois, en cas de désaccord, et si au moins neuf États membres souhaitent instaurer une coopération renforcée sur la base de ce projet, ils en informent le Parlement, le Conseil et la Commission. Dans un tel cas, l’autorisation de procéder à une coopération renforcée est réputée accordée. La même procédure s’applique en ce qui concerne la coopération policière (37).

116. Par conséquent, le Conseil disposant d’un large pouvoir pour apprécier si les objectifs recherchés par la coopération renforcée ne peuvent pas être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble, au sens de l’article 20, paragraphe 2, TUE, le contrôle de la Cour doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si le Conseil n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (38).

117. En particulier, le juge de l’Union doit contrôler si le Conseil a examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, éléments qui appuient les conclusions qui en sont tirées (39).

118. D’emblée, nous indiquons que, au vu des éléments pertinents exposés par le Royaume d’Espagne et la République italienne, par le Conseil ainsi que par les parties intervenant au soutien de ce dernier et au vu des différents actes qui ont mené, in fine, à la décision attaquée, le Conseil n’a pas, à notre avis, commis d’erreur manifeste d’appréciation.

119. En effet, dans sa proposition de décision du Conseil du 14 décembre 2010, susmentionnée, la Commission expose les étapes successives du processus législatif engagé à cet effet, étapes que l’on retrouve décrites de manière plus succincte aux considérants 3 et 4 de la décision attaquée et qui justifient le recours à une coopération renforcée.

120. Ainsi, une première proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire a été présentée par la Commission le 1er août 2000 (40). Cette proposition avait pour objectif, notamment, de proposer des modalités de traduction simples et peu coûteuses, en permettant la délivrance du brevet dans l’une des langues officielles de l’OEB et la traduction des revendications dans les deux autres langues. Cependant, il ressort d’un communiqué de presse du 26 novembre 2001 que «[l]e Conseil a tenu un long débat sur des aspects différents du projet du brevet communautaire, notamment le régime linguistique et le rôle des offices nationaux de brevet par rapport à [l’OEB, mais que, malgré] tous les efforts déployés, il n’a pas été possible d’arriver à un accord à cette session du Conseil» (41).

121. Il ressort, en outre, d’un communiqué de presse du 20 décembre 2001 que le Conseil a poursuivi le débat concernant la création d’un brevet communautaire en portant une attention toute particulière notamment au régime linguistique, sans toutefois parvenir à un accord unanime (42). Les débats ont continué jusqu’au 11 mars 2004 (43), date à laquelle le Conseil a conclu qu’il était impossible de parvenir à un accord politique, en raison de la question du régime linguistique (44).

122. Les discussions ont, ensuite, repris en 2008 sous la présidence slovène. En particulier, cette dernière a présenté une proposition révisée de règlement du Conseil sur le brevet communautaire, le 23 mai 2008 (45). La Commission explique, dans sa proposition de décision du Conseil du 14 décembre 2010, susmentionnée, que cette proposition révisée de règlement a été longuement débattue au sein du Conseil sous les présidences successives de 2008 et de 2009 (46).

123. Finalement, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et la nouvelle base juridique pour la création d’un titre de propriété intellectuelle, à savoir l’article 118 TFUE, la Commission a adopté, le 30 juin 2010, la proposition de règlement du Conseil sur les dispositions relatives à la traduction pour le brevet de l’Union européenne, susmentionnée. Cette proposition a fait l’objet de nombreuses discussions (47) et c’est finalement lors de la session du Conseil du 10 novembre 2010 qu’il a été pris acte de l’absence d’unanimité concernant ladite proposition (48). Le 10 décembre 2010, le Conseil a confirmé l’existence de difficultés insurmontables rendant impossible l’unanimité, à cette date et dans un proche avenir (49).

124. À notre avis, sur la base des circonstances de l’espèce, le Conseil est arrivé, à juste titre, à la conclusion selon laquelle, après des années de débats, toujours soldés par un échec, il était dans l’incapacité de rassembler l’unanimité des voix et, dès lors, d’aboutir à une action avec la participation de tous les États membres.

125. Il n’apparaît donc pas que le Conseil ait commis d’erreur manifeste dans l’appréciation globale de la situation. Aucun outil de la procédure législative habituelle ne permettait, à l’évidence, de lever le blocage à ce moment et pour l’avenir. La coopération renforcée apparaissait donc être l’ultime recours pour réaliser les objectifs recherchés.

126. Par conséquent, eu égard aux considérations qui précèdent, nous estimons que le moyen tiré de la violation de la condition de dernier ressort doit être rejeté comme étant non fondé.

F –    Sur le moyen tiré de la violation des articles 118, premier alinéa, TFUE et 326 TFUE ainsi que de l’article 20, paragraphe 1, premier alinéa, TUE

1.      Les arguments des parties

127. Selon le Royaume d’Espagne et la République italienne, la décision attaquée violerait l’article 326 TFUE, en vertu duquel les coopérations renforcées ne peuvent porter atteinte ni au marché intérieur ni à la cohésion économique, sociale et territoriale et ne peuvent constituer ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les États membres, ni provoquer de distorsions de concurrence entre ceux-ci.

128. Le Royaume d’Espagne et la République italienne soutiennent, en effet, que la coopération renforcée autorisée par cette décision favoriserait une absorption de l’activité économique et commerciale relative aux produits innovateurs au détriment des États membres non participants. En outre, ils estiment que cette coopération renforcée porte atteinte au marché intérieur, à la libre concurrence et à la libre circulation des marchandises dans la mesure où les brevets unitaires ne produisent des effets que sur une partie du territoire de l’Union.

129. Le Royaume d’Espagne et la République italienne affirment que la décision attaquée ferait naître une discrimination entre entreprises dans la mesure où les échanges commerciaux de produits innovateurs seront, selon le régime linguistique prévu au considérant 7 de cette décision, favorisés pour les entreprises qui travaillent en langues allemande, anglaise ou française, alors que ceux des entreprises qui n’emploient pas ces langues seront limités. Cela constituerait également une violation de l’article 326 TFUE.

130. La République italienne ajoute que, conformément à l’article 118, premier alinéa, TFUE, soit le titre européen relatif aux droits de propriété intellectuelle est uniforme en produisant des effets sur l’ensemble du territoire de l’Union, soit il n’est pas réalisable. Or, en l’espèce, la coopération renforcée ne remplirait pas cette obligation, car elle aurait pour conséquence de fragmenter le marché intérieur.

131. Par ailleurs, ladite coopération renforcée empêcherait le développement cohérent de la politique industrielle et contribuerait à accroître les différences entre les États membres du point de vue technologique, portant ainsi atteinte à la cohésion économique, sociale et territoriale. En effet, le système de brevets a pour objectif de définir clairement les limites des droits de propriété sur une innovation, de soutenir les incitations aux investissements dans la recherche et le développement et de créer le fondement d’un marché des technologies. Dès lors, le système mis en place par la coopération renforcée procurerait un avantage important pour les États membres participants au détriment des États membres non participants. Le Royaume d’Espagne ajoute que le régime linguistique que souhaite mettre en place le Conseil limitera de manière décisive le transfert de connaissances et donc la création ainsi que le développement économique et technologique de certains États membres, étant donné que les entreprises des États membres qui maîtrisent les langues officielles du brevet unitaire accéderont plus directement aux connaissances contenues dans les documents des brevets. Les États membres concernés seront, dès lors, plus enclins à générer des innovations et à avoir une croissance économique plus importante et plus rapide par rapport aux autres États membres qui se verront limiter ou refuser l’accès à ces informations.

132. Enfin, le Royaume d’Espagne soutient que la décision attaquée autorisant la coopération renforcée ne remplit pas l’objectif de renforcement du processus d’intégration de l’Union, en violation de l’article 20, paragraphe 1, second alinéa, TUE. Il estime que, loin de renforcer le processus d’intégration, cette coopération renforcée le freine, étant donné qu’elle n’a, en réalité, vocation qu’à exclure des États membres qui ont soulevé des problèmes sérieux concernant le régime linguistique proposé du brevet unitaire. En imposant un modèle linguistique déterminé, le Conseil impose un choix politique qui a un effet de division au sein de l’Union et qui est loin de présenter le caractère intégrateur que doit revêtir la méthode de la coopération renforcée.

133. Le Conseil ne voit pas en quoi la coopération renforcée, et notamment le régime linguistique qu’elle instaurera, porte atteinte à la cohésion économique, sociale et territoriale. Il considère qu’il n’existe aucune raison de supposer que les demandes de validation de brevets pour le Royaume d’Espagne et la République italienne seront moins nombreuses.

134. Le Conseil observe que, actuellement, les entreprises ont le choix entre demander un brevet européen dans tous les États membres ou demander une protection dans certains d’entre eux, ce qui crée une fragmentation du marché. La nouvelle protection conférée par le brevet unitaire constituerait une possibilité supplémentaire offerte aux entreprises, quelle que soit leur origine géographique, qui réduirait cette fragmentation du marché dans la mesure où ces entreprises pourront bénéficier d’une protection par brevet unitaire pour le territoire des 25 États membres participants. En réalité, ladite fragmentation à laquelle font allusion le Royaume d’Espagne et la République italienne ne trouverait pas son origine dans la décision attaquée, mais bien dans la situation actuelle.

135. Concernant l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la décision attaquée constituerait une discrimination en raison du régime linguistique qu’elle instaure, le Conseil considère que celui-ci est manifestement prématuré et irrecevable, dans la mesure où les modalités définitives de ce régime ne sont pas encore connues, puisque ledit régime n’a pas encore été adopté.

136. Les États membres ainsi que la Commission et le Parlement, intervenant au soutien du Conseil, partagent les arguments de ce dernier. En particulier, la Commission insiste sur le fait que la décision attaquée est une décision purement procédurale, qui définit le champ d’application et les objectifs d’une coopération renforcée qui doit encore prendre une forme définitive. L’atteinte au marché intérieur découlerait, le cas échéant, uniquement des dispositions de fond qui n’ont pas encore été approuvées, notamment celles relatives au régime linguistique. La Cour devrait examiner uniquement si la décision attaquée donne nécessairement lieu à une coopération renforcée qui enfreindrait les dispositions des traités. La Commission rappelle, à cet égard, l’arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a. (50), dans lequel il est indiqué que la Cour a reconnu au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale, et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (51).

2.      Notre appréciation

137. La décision d’autorisation de mise en place d’une coopération renforcée définit le cadre procédural au sein duquel d’autres actes seront adoptés par la suite, afin de mettre concrètement en œuvre cette coopération. Dès lors, le contrôle juridictionnel de la décision d’autorisation ne peut pas se confondre avec celui des actes adoptés, par la suite, au sein de la coopération renforcée.

138. Or, bien que le Conseil, dans la décision attaquée, ait effectivement évoqué ce que pourrait être le régime linguistique du brevet unitaire, la question de ce régime linguistique n’est pas une condition déterminant la validité de la décision d’autorisation d’une coopération renforcée. Cette question doit être abordée ultérieurement et faire l’objet d’un acte séparé adopté à l’unanimité des voix des États membres participants, conformément à la procédure prévue à l’article 118, second alinéa, TFUE. Ce n’est que dans le cadre d’un éventuel autre recours contre cet acte que la Cour pourra procéder au contrôle juridictionnel dudit acte.

139. Le contrôle de la Cour est limité à la question de savoir si la décision attaquée remplit les conditions requises pour la mise en œuvre d’une coopération renforcée, conformément aux articles 20 TUE ainsi que 326 TFUE et suivants (52).

140. Dès lors, nous pensons que l’argumentation du Royaume d’Espagne et de la République italienne relative au régime linguistique du brevet unitaire ainsi que celle relative à l’article 118, premier alinéa, TFUE doivent être écartées comme étant irrecevables.

141. Il convient donc, à présent, d’examiner si la décision attaquée remplit les conditions énoncées à l’article 326 TFUE. Le Royaume d’Espagne et la République italienne estiment, en effet, que la décision attaquée ne remplirait pas ces conditions dans la mesure où la coopération renforcée ainsi autorisée porterait atteinte au marché intérieur ainsi qu’à la cohésion économique, sociale et territoriale. Par ailleurs, cette coopération constituerait une entrave et une discrimination aux échanges entre les États membres et provoquerait des distorsions de concurrence.

142. Pour les raisons que nous évoquions aux points 27 à 29 des présentes conclusions, le contrôle de la Cour doit se limiter à examiner si le Conseil n’a pas manifestement commis une erreur d’appréciation. Plus précisément, la Cour doit vérifier si la mise en place d’une coopération renforcée dans le domaine de la création du brevet unitaire est manifestement inappropriée (53), dans la mesure où cette coopération porterait atteinte au marché intérieur ainsi qu’à la cohésion économique, sociale et territoriale, constituerait une entrave et une discrimination aux échanges entre les États membres et provoquerait des distorsions de concurrence.

143. Rien ne prouve, selon nous, que tel est le cas, bien au contraire.

144. La décision attaquée a été adoptée par le Conseil sur proposition de la Commission. Dans cette proposition, celle-ci s’est livrée à un examen afin de savoir si la coopération renforcée envisagée respectait les conditions requises par les dispositions pertinentes des traités. À cet effet, elle a rappelé la coexistence des différents systèmes nationaux de brevets et du système européen mis en place dans le cadre de la CBE. Une telle diversité des systèmes de brevets donne lieu, selon la Commission, à une fragmentation de la protection juridique des brevets (54). Elle s’est, notamment, basée sur une analyse d’impact, produite en 2010 (55), dans laquelle elle a étudié quels étaient les problèmes liés à la diversité des systèmes de brevets et quelles pourraient être les solutions à apporter. Elle a, notamment, constaté que, en pratique, les titulaires de brevets se contentent actuellement de faire protéger leurs inventions dans un nombre restreint d’États membres, en raison, notamment, des frais élevés et des complications, liés à la traduction, aux critères de validation, aux taxes officielles et à l’obligation de désigner un mandataire agréé (56).

145. Se basant, notamment, sur ladite proposition (57), le Conseil estime qu’une coopération renforcée sur le brevet unitaire vise à stimuler le progrès scientifique et technique ainsi que le fonctionnement du marché intérieur. La création d’une protection par un tel brevet pour tout un groupe d’États membres améliorerait le niveau de protection en donnant la possibilité d’obtenir une protection uniforme sur le territoire de tous les États membres participants et éliminerait les coûts et la complexité pour ces territoires (58).

146. Par ailleurs, le Conseil, au considérant 14 de la décision attaquée, précise que les entreprises des États membres non participants devraient avoir la possibilité d’obtenir la protection par brevet unitaire sur le territoire des États membres participants dans les mêmes conditions que les entreprises des États membres participants.

147. Nous ne pensons pas que l’appréciation du Conseil soit entachée d’une erreur manifeste.

148. En effet, il est constant qu’une différenciation de protection au sein de l’Union pour une même invention provoque une fragmentation du marché intérieur, notamment parce qu’une telle protection peut exister dans certains États membres, mais pas dans d’autres (59). Cela a pour conséquence directe le fait que les titulaires de brevets ont de grandes difficultés à empêcher l’entrée, sur le territoire des États membres dans lesquels ils n’ont pas enregistré lesdits brevets, de marchandises et de produits d’États tiers portant atteinte auxdits brevets.

149. Une coopération renforcée portant sur la création d’un brevet unitaire produisant des effets uniformes sur le territoire de plusieurs États membres, et en l’occurrence sur celui de 25 États membres, contribue nécessairement à améliorer le fonctionnement du marché intérieur et à réduire les entraves aux échanges ainsi que les distorsions de concurrence entre États membres. À ce sujet, la Cour a reconnu, dès 1968 (60), que les règles nationales relatives à la protection de la propriété industrielle n’ont pas encore fait l’objet d’unification dans le cadre de l’Union et que, à défaut d’une telle unification, le caractère national de la protection de la propriété industrielle et les divergences entre les législations relatives à cette matière sont susceptibles de créer des obstacles à la libre circulation des produits brevetés et au jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (61).

150. Par ailleurs, nous ne voyons pas en quoi l’instauration d’une telle coopération renforcée porterait atteinte à la cohésion économique, sociale et territoriale. En vertu de l’article 174 TFUE, afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale. Notamment, l’Union doit viser à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées. L’objectif est donc de garantir aux citoyens de l’Union une égalité des chances et des conditions de vie de qualité au sein de chaque territoire de l’Union.

151. En l’occurrence, il ne fait pas de doute qu’un mécanisme destiné à créer un brevet unitaire ayant pour effet une protection uniforme sur le territoire de plusieurs États membres contribue au développement harmonieux de l’ensemble de l’Union, étant donné qu’il a pour conséquence de réduire les disparités existant entre ces États membres. Par ailleurs, tous les opérateurs économiques pourraient jouir du bénéfice d’un tel brevet, dans la mesure où le lieu d’origine du demandeur de brevet unitaire est indifférent pour obtenir celui-ci (62).

152. Il ne nous apparaît pas, dès lors, que, en autorisant une coopération renforcée en vue de la création d’un brevet unitaire, le Conseil a manifestement commis une erreur d’appréciation.

153. Par conséquent, au vu de ce qui précède, nous estimons que le moyen tiré de la violation des articles 118, premier alinéa, TFUE et 326 TFUE ainsi que de l’article 20, paragraphe 1, second alinéa, TUE doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

G –    Sur le moyen tiré de la violation des articles 327 TFUE et 328 TFUE

1.      Les arguments des parties

154. Le Royaume d’Espagne rappelle que l’article 327 TFUE prévoit que les coopérations renforcées respectent les compétences, les droits et les obligations des États membres qui n’y participent pas. Or, le Conseil aurait adopté un régime linguistique qui l’obligerait à renoncer au droit que lui accorde l’article 65 de la CBE d’exiger une traduction du fascicule du brevet en langue espagnole pour qu’il produise des effets juridiques en Espagne. Il estime, en outre, que la décision attaquée ne respecterait pas le droit du Royaume d’Espagne de participer à l’avenir à la coopération renforcée, le Conseil ayant adopté un régime linguistique que cet État membre ne saurait accepter.

155. Le Conseil considère, à cet égard, que la non-participation du Royaume d’Espagne à la coopération renforcée est le fait de la seule volonté de ce dernier. Il ajoute qu’il est évident et raisonnable, lorsque les institutions de l’Union établissent des règles communes dans une matière, que les États membres ne soient pas libres de décider ce qu’ils veulent dans ladite matière.

156. Par ailleurs, le Conseil et les intervenants à son soutien observent que ce moyen est fondé sur la fausse prémisse selon laquelle il serait matériellement ou juridiquement impossible, pour le Royaume d’Espagne ou la République italienne, de participer à cette coopération renforcée.

2.      Notre appréciation

157. Nous comprenons que, par un tel moyen, le Royaume d’Espagne estime, d’une part, que la décision attaquée l’obligerait à renoncer au droit que lui accorde l’article 65 de la CBE d’exiger une traduction du fascicule du brevet en langue espagnole pour qu’il produise des effets juridiques en Espagne, en violation de l’article 327 TFUE et, d’autre part, que la condition d’ouverture de la coopération renforcée aux États membres non participants, prévue à l’article 328 TFUE, n’est pas respectée, dans la mesure où cette coopération prévoit un régime linguistique que le Royaume d’Espagne ne saurait accepter.

158. Nous estimons que ce moyen est irrecevable.

159. En effet, dans le cadre dudit moyen, le Royaume d’Espagne appuie son argumentation sur le régime linguistique du brevet unitaire et, en particulier, sur la proposition de règlement du Conseil mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction, du 13 avril 2011 (63).

160. Or, ainsi que nous l’avons vu aux points 138 et 139 des présentes conclusions, la question de ce régime linguistique n’est pas une condition déterminant la validité de la décision d’autorisation d’une coopération renforcée.

161. Le Royaume d’Espagne vise, en réalité, à contester la légalité du futur règlement du Conseil mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction.

162. Par conséquent, nous sommes d’avis que ce moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

IV – Conclusion

163. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour:

1)      de rejeter les recours.

2)      de condamner le Royaume d’Espagne (affaire C‑274/11) et la République italienne (affaire C‑295/11) à leurs propres dépens, le Conseil de l’Union européenne et les parties intervenantes supportant leurs propres dépens.


1 –      Langue originale: le français.


2 –      JO L 76, p. 53, ci-après la «décision attaquée».


3 –      COM(2010) 350 final.


4 –      Convention signée à Munich le 5 octobre 1973 et entrée en vigueur le 7 octobre 1977 (ci-après la «CBE»).


5 –      Voir point 23 des conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 juillet 1997, SAM Schiffahrt et Stapf (C‑248/95 et C‑249/95, Rec. p. I‑4475).


6 –      Voir article 329, paragraphe 1, second alinéa, TFUE.


7 –      Voir, notamment, arrêts du 18 mars 1975, Deuka (78/74, Rec. p. 421, point 9); du 17 mai 1988, Erpelding (84/87, Rec. p. 2647, point 27); du 12 septembre 1996, Fattoria autonoma tabacchi e.a. (C‑254/94, C‑255/94 et C‑269/94, Rec. p. I‑4235, point 56); du 17 juillet 1997, National Farmers’ Union e.a. (C‑354/95, Rec. p. I‑4559, point 50), et du 14 décembre 2004, Swedish Match (C‑210/03, Rec. p. I‑11893, point 48 et jurisprudence citée). Voir également, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe) (C‑425/08, Rec. p. I‑10035, point 47 et jurisprudence citée).


8 –      Voir, à ce sujet, note de transmission du Praesidium du 15 mai 2002, sur la délimitation des compétences entre l’Union européenne et les États membres – Système actuel, problématique et voies à explorer (CONV 47/02). En particulier, la question de la délimitation de ces compétences devait répondre aux critiques formulées par les États membres eux-mêmes qui considéraient que l’Union devait moins agir dans certains domaines et plus dans d’autres (point 1).


9 –      Déclaration adoptée le 15 décembre 2001.


10 –      Voir, également, déclaration no 23 relative à l’avenir de l’Union, annexée au traité de Nice.


11 –      Voir, à ce sujet, Blanquet, M., «Compétences de l’Union», Jurisclasseur Europe, fascicule 170.


12 –      Voir article 5, paragraphe 1, TUE.


13 –      Nous soulignons.


14 –      Idem.


15 –      Voir, notamment, considérant 5 de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (JO L 213, p. 13); considérant 4 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), ainsi que considérants 1 et 3 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10).


16 –      Voir arrêt du 18 octobre 2011, Brüstle (C‑34/10, Rec. p. I‑9821, points 27 et 28).


17 –      Voir arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI (C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 54), et du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI (C‑48/09 P, Rec. p. I‑8403, point 38).


18 –      C‑436/03, Rec. p. I‑3733.


19 –      Points 36 à 44.


20 –      Rec. p. I‑5267.


21 –      Point 59.


22 –      Voir, notamment, arrêts du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil (C‑310/04, Rec. p. I‑7285, point 69 et jurisprudence citée), ainsi que du 15 mai 2008, Espagne/Conseil (C‑442/04, Rec. p. I‑3517, point 49 et jurisprudence citée).


23 –      Voir p. 10 de la note de transmission du Praesidium du 14 mai 2003, sur les coopérations renforcées (CONV 723/03), disponible à l’adresse Internet suivante: http://www.europarl.europa.eu/meetdocs_all/committees/conv/20030520/723000fr.pdf.


24 –      Idem.


25 –      Article 328, paragraphe 1, second alinéa, TFUE.


26 –      Du reste, l’argument qu’oppose la République italienne au Conseil est assez surprenant, dans la mesure où il ne semble pas que l’unanimité ait posé un problème lors de l’autorisation de la coopération renforcée dans le cadre de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, à laquelle participent, notamment, cet État membre et le Royaume d’Espagne, alors que l’une des matières concernées par cette coopération est celle visée à l’article 81, paragraphe 3, TFUE, qui requiert également l’unanimité au sein du Conseil [voir considérant 8 de la décision 2010/405/UE du Conseil, du 12 juillet 2010, autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (JO L 189, p. 12)].


27 –      Rec. p. I‑1137.


28 –      Point 70.


29 –      COM(2011) 215 final.


30 –      Voir article 10 de cette proposition (p. 8).


31 –      Proposition de décision du Conseil autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire par brevet [COM(2010) 790 final].


32 –      Voir, notamment, arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission (C‑326/05 P, Rec. p. I‑6557, point 77 et jurisprudence citée).


33 –      Voir, à ce sujet, Bribosia, H., «Les coopérations renforcées: quel modèle d’intégration différenciée pour l’Union européenne? – Analyse comparative du mécanisme général de la coopération renforcée, du projet de coopération structure permanente en matière de défense, et de la pratique d’autres coopérations renforcées ‘prédéterminées’ en matière sociale, au sein de l’Espace de liberté, sécurité et justice, et dans l’Union économique et monétaire», thèse du 26 juin 2007, Institut universitaire européen, Florence, p. 97.


34 –      Voir conférence des représentants des gouvernements de États membres concernant le document de synthèse de l’Allemagne et de l’Italie, du 4 octobre 2000 (CONFER 4783/00), p. 4.


35 –      Voir, en ce sens, p. 18 de la note de transmission citée à la note en bas de page 23.


36 –      Voir point 10 de la résolution sur la mise en œuvre du traité d’Amsterdam: implications des coopérations renforcées (JO 1998, C 292, p. 143).


37 –      Voir article 87, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, TFUE.


38 –      Voir, notamment, arrêt Enviro Tech (Europe), précité (point 47 et jurisprudence citée).


39 –      Voir arrêt Industrias Químicas del Vallés/Commission, précité (point 77 et jurisprudence citée).


40 –      COM(2000) 412 final.


41 –      Voir p. 19 du communiqué de presse 14400/01 (Presse 440) sur la 2389e session du Conseil – marché intérieur, consommateurs et tourisme, disponible à l’adresse Internet suivante: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/01/st14/st14400.fr01.pdf.


42 –      Voir p. 4 du communiqué de presse 15489/01 (Presse 489) sur la 2403e session du Conseil – marché intérieur, consommateurs et tourisme, disponible à l’adresse Internet suivante: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/01/st15/st15489.fr01.pdf.


43 –      Voir p. 15 du communiqué de presse 6874/03 (Presse 59) sur la 2490e session du Conseil – Compétitivité (marché intérieur, industrie et recherche), du 3 mars 2003, disponible à l’adresse Internet suivante: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/03/st06/st06874.fr03.pdf, et p. 11 du communiqué de presse 15141/03 (Presse 337) sur la 2547e session du Conseil – Compétitivité (marché intérieur, industrie et recherche), des 26 et 27 novembre 2003, disponible à l’adresse Internet suivante: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/03/st15/st15141.fr03.pdf.


44 –      Voir p. 15 du communiqué de presse 6648/04 (Presse 62) sur la 2570e session du Conseil – Compétitivité (marché intérieur, industrie et recherche), du 11 mars 2004, disponible à l’adresse Internet suivante: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/04/st06/st06648.fr04.pdf.


45 –      Proposition disponible sur le site Internet du Conseil sous la cote 9465/08.


46 –      Page 4.


47 –      Voir, notamment, documents du Conseil sous les cotes 13031/10, 14377/10 et 15395/10.


48 –      Voir communiqué de presse 16041/10 (Presse 297) sur la session extraordinaire du Conseil – Compétitivité (marché intérieur, industrie, recherche et espace), du 10 novembre 2010.


49 –      Voir considérant 4 de la décision attaquée.


50 –      C‑58/08, Rec. p. I‑4999.


51 –      Point 52 de cet arrêt.


52 –      Voir point 98 des présentes conclusions.


53 –      Voir, en ce sens, arrêts Swedish Match, précité (point 48 et jurisprudence citée), ainsi que du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 80 et jurisprudence citée).


54 –      Voir p. 9 et 10 de la proposition de la Commission, susmentionnée.


55 –      Voir travaux préparatoires de la Commission, document d’accompagnement de la proposition de règlement du Conseil sur les dispositions relatives à la traduction pour le brevet de l’Union européenne, du 30 juin 2010 [SEC(2010) 796]. Ce document est disponible en langue anglaise.


56 –      Pages 9 à 12.


57 –      Voir considérants 3 et 7 de la décision attaquée.


58 –      Voir considérant 11 de cette décision.


59–      Voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1995, Espagne/Conseil (C‑350/92, Rec. p. I‑1985, points 34 à 36).


60 –      Arrêt du 29 février 1968, Parke et Davis (24/67, Rec. p. 81).


61 –      Page 109.


62 –      Voir considérant 14 de la décision attaquée.


63 –      COM(2011) 216 final.