Language of document : ECLI:EU:T:2018:826

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 novembre 2018 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Égypte – Gel des fonds – Objectifs – Critères d’inclusion des personnes visées – Prorogation de la désignation des requérants sur la liste des personnes visées – Base factuelle – Exception d’illégalité – Base juridique – Proportionnalité – Droit à un procès équitable – Présomption d’innocence – Principe de bonne administration – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans les affaires T‑274/16 et T‑275/16,

Suzanne Saleh Thabet, demeurant au Caire (Égypte), représentée par MM. B. Kennelly, QC, J. Pobjoy, barrister, G. Martin, Mme M. Rushton et M. C. Enderby Smith, solicitors,

partie requérante dans l’affaire T‑274/16,

Gamal Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, demeurant au Caire,

Alaa Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, demeurant au Caire,

Heidy Mahmoud Magdy Hussein Rasekh, demeurant au Caire,

Khadiga Mahmoud El Gammal, demeurant au Caire,

représentés par MM. Kennelly, Pobjoy, Martin, Mme Rushton et M. Enderby Smith,

parties requérantes dans l’affaire T‑275/16,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mmes S. Kyriakopoulou et M. Veiga, puis par Mme Kyriakopoulou et M. J. Kneale, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision (PESC) 2016/411 du Conseil, du 18 mars 2016, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2016, L 74, p. 40), deuxièmement, de la décision (PESC) 2017/496 du Conseil, du 21 mars 2017, modifiant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2017, L 76, p. 22), et, troisièmement, du règlement d’exécution (UE) 2017/491 du Conseil, du 21 mars 2017, mettant en œuvre le règlement (UE) no 270/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2017, L 76, p. 10), en ce que ces actes visent les requérants,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige et cadre factuel

1        À la suite des événements politiques survenus en Égypte à compter du mois de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 21 mars 2011, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/172/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2011, L 76, p. 63).

2        Les considérants 1 et 2 de la décision 2011/172 indiquent :

« (1)      Le 21 février 2011, l’Union européenne a déclaré être prête à soutenir une transition pacifique et sans heurts vers la formation d’un gouvernement civil et démocratique en Égypte reposant sur l’État de droit, dans le strict respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’à soutenir les efforts visant à créer une économie qui renforce la cohésion sociale et favorise la croissance.

(2)Dans ce contexte, des mesures restrictives devraient être adoptées à l’encontre de personnes reconnues comme responsables du détournement de fonds publics égyptiens, qui privent ainsi le peuple égyptien des avantages du développement durable de son économie et de sa société, et compromettent l’évolution démocratique du pays. »

3        L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel qu’amendé par le rectificatif à ladite décision (JO 2014, L. 203, p. 113), dispose :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à des personnes identifiées comme responsables du détournement de fonds publics égyptiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources qu’ils possèdent, détiennent ou contrôlent. »

4        L’article 5, deuxième alinéa, de la décision 2011/172, dans sa version initiale, prévoyait que cette décision était applicable jusqu’au 22 mars 2012. L’article 5, troisième alinéa, de cette même décision prévoit qu’elle fait l’objet d’un suivi constant et est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. En application de cette dernière disposition, ladite décision a été prorogée successivement par la décision 2012/159/PESC du Conseil, du 19 mars 2012 (JO 2012, L 80, p. 18), la décision 2013/144/PESC du Conseil, du 21 mars 2013 (JO 2013, L 82, p. 54), la décision 2014/153/PESC du Conseil, du 20 mars 2014 (JO 2014, L 85, p. 9), la décision (PESC) 2015/486 du Conseil, du 20 mars 2015 (JO 2015, L 77, p. 16), la décision (PESC) 2016/411 du Conseil, du 18 mars 2016 (JO 2016, L 74, p. 40), et la décision (PESC) 2017/496 du Conseil, du 21 mars 2017 (JO 2017, L. 76, p. 22).

5        Depuis l’adoption de la décision 2011/172, les requérants, à savoir, d’une part, la requérante dans l’affaire T‑274/16, Mme Suzanne Saleh Thabet, et, d’autre part, les requérants dans l’affaire T‑275/16, MM. Gamal Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, Alaa Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, Mmes Heidy Mahmoud Magdy Hussein Rasekh et Khadiga Mahmoud El Gammal, sont désignés, respectivement, aux deuxième, cinquième, troisième, quatrième et sixième lignes de la liste, annexée à cette décision.

6        Les informations d’identification relatives à chacun des requérants, qui figurent sur ladite liste, sont, en ce qui concerne la requérante dans l’affaire T‑274/16, « Épouse de M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 28.2.1941 – Femme », en ce qui concerne le premier requérant dans l’affaire T‑275/16, M. Gamal Moubarak, « Fils de M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 28.12.1963 – Homme », en ce qui concerne le deuxième requérant dans l’affaire T‑275/16, M. Alaa Moubarak, « Fils de M. Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 26.11.1960 – Homme », en ce qui concerne la troisième requérante dans l’affaire T‑275/16, Mme Rasekh, « Épouse de M. Alaa Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, fils de l’ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 5.10.1971 – Femme », et, en ce qui concerne la quatrième requérante dans l’affaire T‑275/16, Mme El Gammal, « Épouse de M. Gamal Mohamed Hosni Elsayed Moubarak, fils de l’ancien président de la République arabe d’Égypte – Date de naissance : 13.10.1982 – Femme ».

7        Le motif de désignation des requérants, tel qu’amendé par le rectificatif à la décision 2011/172, était initialement le suivant : « Personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire initiée par les autorités égyptiennes pour détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations Unies contre la corruption ». Ce motif de désignation a été maintenu en ce qui concerne les requérants lors des prorogations successives de la décision 2011/172, jusqu’à l’adoption de la décision 2017/496. Cette dernière décision a modifié ledit motif en ces termes : « Personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de recouvrement d’avoirs initiée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations Unies contre la corruption ».

8        Sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/172, le Conseil a adopté, le 21 mars 2011, le règlement (UE) no 270/2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2011, L 76, p. 4). Ce règlement reprend, en substance, les dispositions de la décision 2011/172 et la liste figurant à son annexe I est identique à celle annexée à cette décision, y compris en ce qui concerne les motifs de désignation des personnes qui y figurent et, notamment, des requérants. Le règlement d’exécution (UE) 2017/491 du Conseil, du 21 mars 2017, mettant en œuvre le règlement no 270/2011 (JO 2017, L 76, p. 10), a apporté des modifications à la liste figurant à l’annexe I dudit règlement, correspondant à celles introduites par la décision 2017/496.

II.    Procédure et conclusions des parties

9        Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 27 mai 2016, les requérants ont introduit les présents recours.

10      Le 14 septembre 2016, le Conseil a déposé le mémoire en défense dans chacune des présentes affaires.

11      Par décision du 3 octobre 2016, les présentes affaires ont été réattribuées à la cinquième chambre, à la suite de la modification de la composition des chambres du Tribunal.

12      Les répliques et les dupliques ont été déposées respectivement le 3 novembre 2016 et le 20 décembre 2016.

13      Le 12 janvier 2017, les requérants ont demandé la tenue d’une audience.

14      Le 31 mai 2017, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, les requérants ont déposé, dans chacune des présentes affaires, un mémoire en adaptation tendant à étendre les conclusions de la requête à la décision 2017/496 et au règlement d’exécution 2017/491.

15      Le 19 juillet 2017, le Conseil a présenté des observations sur ces mémoires en adaptation.

16      Par une mesure d’organisation de la procédure du 16 octobre 2017, le Tribunal a invité les requérants à présenter leurs observations concernant une éventuelle jonction des présentes affaires aux fins de la phase orale de la procédure et, le cas échéant, aux fins de la décision mettant fin à l’instance. Par courriers, respectivement, du 20 et du 30 octobre 2017, le Conseil, d’une part, et les requérants, d’autre part, ont présenté leurs observations à cet égard. Par décision du 7 novembre 2017, le Tribunal a décidé de joindre les présentes affaires aux fins de la phase orale de la procédure.

17      Par une mesure d’organisation de la procédure du 14 novembre 2017, le Tribunal a posé des questions aux parties et les a invitées à produire certains documents. Les requérants et le Conseil ont répondu au Tribunal par courriers, respectivement, du 28 et du 29 novembre 2017.

18      L’audience de plaidoiries s’est tenue le 25 janvier 2018. Lors de cette audience, les parties ont été invitées, par le Tribunal, à s’exprimer sur la question de la recevabilité des chefs de conclusions des requérants, tendant à l’annulation du règlement d’exécution 2017/491.

19      Par courrier du 13 mars 2018, la requérante dans l’affaire T‑274/16 a demandé la réouverture de la phase orale de la procédure sur le fondement de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure et, en annexe de ce courrier, a produit les documents étayant cette demande. Par courriers du greffe du 26 mars 2018, les parties dans l’affaire T‑274/16 ont été informées que la décision statuant sur cette demandé était réservée.

20      Par courriers du 3 avril 2018, les requérants ont présenté une demande de réouverture de la phase orale de la procédure en vue de déposer un mémoire en adaptation dans chacune des présentes affaires, visant la décision (PESC) 2018/466 du Conseil, du 21 mars 2018, modifiant la décision 2011/172 (JO 2018, L 78I, p. 3), et le règlement d’exécution (UE) 2018/465 du Conseil, du 21 mars 2018, mettant en œuvre le règlement n o 270/2011 (JO 2018, L 78I, p. 1), en tant que ces actes les concernaient. Cette demande a été rejetée par décision du président de la cinquième chambre du 9 avril 2018.

21      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions 2016/411 et 2017/496 et le règlement d’exécution 2017/491, en tant que ces actes s’appliquent à eux (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

22      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours dans leur intégralité ;

–        à titre subsidiaire, pour le cas où la décision 2017/496 et le règlement d’exécution 2017/491 seraient annulés en ce qui concerne les requérants, ordonner que les effets de ladite décision soient maintenus à l’égard de ces derniers jusqu’à ce que l’annulation dudit règlement soit effective ;

–        condamner les requérants aux dépens.

III. En droit

23      Les parties ayant été entendues à cet égard, le Tribunal décide de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

24      Dans leurs recours, les requérants demandent l’annulation des actes attaqués en tant que, par ces actes, le Conseil a maintenu leur désignation sur les listes annexées à la décision 2011/172 et au règlement no 270/2011.

25      Il convient d’examiner en premier lieu le recours dans l’affaire T‑274/16, puis, en second lieu, le recours dans l’affaire T‑275/16.

A.      Sur le recours dans l’affaire T274/16

1.      Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure du 13 mars 2018

26      En vertu de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure lorsqu’une partie principale le demande, en se fondant sur des faits de nature à exercer une influence décisive sur sa décision qu’elle n’avait pas pu faire valoir avant la clôture de ladite phase orale.

27      À l’appui de sa demande, la requérante fait valoir que sa position, selon laquelle elle n’a jamais été membre du conseil d’administration de l’autorité chargée de régir les organisations non gouvernementales en Égypte et encore moins présidente de ce conseil d’administration, est étayée par un mémorandum des autorités égyptiennes en date du 5 février 2018. Selon elle, ce document, qu’elle n’avait pas en sa possession au moment de l’audience, doit permettre de rectifier les déclarations erronées du Conseil à ce sujet, effectuées lors de celle-ci, et constitue donc un fait de nature à exercer une influence décisive sur la décision finale du Tribunal.

28      Selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union européenne doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée).

29      Ainsi qu’il a été rappelé au point 24 ci-dessus, le présent recours concerne le maintien de la désignation de la requérante par les actes attaqués. Or il n’est pas allégué que les informations contenues dans le mémorandum des autorités égyptiennes du 5 février 2018, qui a été joint à la demande de la requérante, étaient connues du Conseil au moment où il a adopté ces actes. Par ailleurs, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte du courrier de l’ambassade d’Égypte à Bruxelles (Belgique) transmettant ledit mémorandum, ce dernier répond à une note verbale du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 31 janvier 2018. Par conséquent, le contenu de ce document, dont le Conseil a pris connaissance à une date postérieure aux actes attaqués, ne constitue pas un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision finale du Tribunal sur le présent recours.

30      Dès lors, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

2.      Sur la recevabilité des conclusions visant à l’annulation du maintien, par le règlement d’exécution 2017/491, de la désignation de la requérante sur la liste annexée au règlement no 270/2011

31      Selon une jurisprudence constante, la recevabilité de conclusions à fin d’annulation constitue une question d’ordre public qu’il appartient aux juridictions de l’Union d’examiner à tout moment, même d’office (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 45 et jurisprudence citée).

32      En l’espèce, le Tribunal estime nécessaire de soulever, d’office, la question de la recevabilité des conclusions du mémoire en adaptation, par lesquelles la requérante demande l’annulation du maintien, par le règlement d’exécution 2017/491, de sa désignation sur la liste annexée au règlement no 270/2011. Lors de l’audience, les parties ont été invitées à prendre position sur cette question.

33      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, la partie requérante peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau.

34      Il résulte de ces dispositions que, dans le cadre d’un mémoire en adaptation, une partie requérante est recevable à demander l’annulation d’un acte remplaçant ou modifiant un autre acte seulement si l’annulation de ce dernier a été demandée dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, points 37 à 39 et jurisprudence citée).

35      En l’espèce, comme la requérante l’a, au demeurant, confirmé à l’audience, elle n’a pas entendu demander, dans la requête, l’annulation du règlement no 270/2011, en tant que cet acte la visait. Certes, dans le cadre, en particulier, du premier et du troisième moyen, elle se réfère aux critères de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 270/2011. Toutefois, il est constant que le présent recours ne conclut pas à l’annulation de sa désignation sur la liste annexée à ce dernier règlement. Dans ces conditions, la requérante n’est pas en droit de demander, au titre de l’adaptation de ses conclusions, l’annulation du règlement d’exécution 2017/491, en tant que ce dernier a maintenu cette désignation sur ladite liste. Les conclusions tendant à l’annulation du règlement d’exécution 2017/491 ne peuvent donc qu’être rejetées comme irrecevables.

3.      Sur le fond

36      À l’appui de son recours, la requérante soulève six moyens. Dans le cadre du premier moyen, elle invoque une exception d’illégalité de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2016/411 et 2017/496, et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011. Les deuxième, troisième, quatrième cinquième et sixième moyens sont tirés, respectivement, de la violation de l’article 6 TUE, en liaison avec les articles 2 et 3 TUE et les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que le Conseil a considéré que les procédures judiciaires en Égypte concernant la requérante respectait les droits fondamentaux, de la violation des critères généraux de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011, de la violation de l’obligation de motivation, de la violation des droits de la défense, du droit à une bonne administration et du droit à une protection juridictionnelle effective et de la limitation injustifiée et disproportionnée du droit de propriété et de la liberté d’entreprise.

a)      Sur le premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2016/411 et 2017/496, et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

37      Le présent moyen comporte deux branches, tirées, d’une part, du défaut de base juridique de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2016/411 et 2017/496, et de la violation, du fait de cette prorogation, du principe de proportionnalité et, d’autre part, du défaut de base juridique de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011.

1)      En ce qui concerne la première branche du premier moyen, tirée du défaut de base juridique de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2016/411 et 2017/496, et de la violation, du fait de cette prorogation, du principe de proportionnalité

38      Selon la requérante, même dans l’hypothèse où l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 aurait pu être fondé sur les objectifs visés au considérant 1 de cette décision à la date de l’adoption de celle-ci, tel n’était plus le cas à la date de l’adoption des décisions 2016/411 et 2017/496, en raison de l’évolution du contexte politique et judiciaire égyptien reflétée par les éléments transmis au Conseil avant ces décisions. Ainsi, la requérante fait valoir que cette disposition ne peut plus reposer sur un objectif de « soutien aux nouvelles autorités égyptiennes », en raison, premièrement, de la destitution de ces autorités intervenue postérieurement à l’adoption de la décision 2011/172, deuxièmement, de l’instabilité du contexte politique égyptien, marqué par des violations des droits fondamentaux et de l’État de droit, et, troisièmement, du fait que le Conseil avait pris connaissance d’informations établissant que les autorités égyptiennes ne garantiraient ni un traitement judiciaire de la requérante juste, impartial et indépendant, ni le respect de l’État de droit à son égard. Dans le mémoire en adaptation, la requérante soutient, en outre, que les éléments qu’elle a présentés pour établir le défaut de base juridique de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 démontrent également le caractère disproportionné de ces dispositions au regard des objectifs poursuivis par le Conseil.

39      Le Conseil rétorque que la question du caractère approprié de la base juridique de la décision 2011/172 a déjà été tranchée par le juge de l’Union dans l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), confirmé sur pourvoi par l’arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil (C‑220/14 P, EU:C:2015:147), ainsi que dans l’ordonnance du 15 février 2016, Ezz e.a./Conseil (T‑279/13, non publiée, EU:T:2016:78). Par ailleurs, le Conseil fait valoir que les décisions 2016/411 et 2017/496 s’inscrivent dans le cadre de la politique de l’Union de soutien aux autorités égyptiennes et répondent, de ce fait, aux objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Or, tant que le détournement de fonds publics visé par la décision 2011/172 persiste, il en résulterait une perte pour l’État égyptien.

40      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le grief tiré du défaut de base juridique de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2016/411 et 2017/496, et le grief tiré de la violation, par le Conseil, du principe de proportionnalité, du fait de ces prorogations, constituent deux griefs distincts qu’il convient d’examiner séparément.

i)      Sur le grief tiré du défaut de base juridique

41      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le contrôle de la base juridique d’un acte permet de vérifier si l’auteur de cet acte est compétent et si la procédure d’adoption de cet acte est entachée d’irrégularité. En outre, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte (voir arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 42 et jurisprudence citée ; ordonnance du 15 février 2016, Ezz e.a./Conseil, T‑279/13, non publiée, EU:T:2016:78, point 47).

42      Dans le cadre du présent grief, la requérante conteste, notamment, l’application, en l’espèce, du raisonnement par lequel le Tribunal, au point 47 de l’ordonnance du 15 février 2016, Ezz e.a./Conseil (T‑279/13, non publiée, EU:T:2016:78), a considéré que les « développements sociaux et juridiques » intervenus depuis la désignation initiale des parties requérantes dans cette affaire, dont elles se prévalaient dans le cadre d’un moyen tiré également du défaut de base juridique, ne sauraient avoir d’incidence que sur le bien-fondé des motifs des actes qui étaient attaqués et ne pouvaient être examinés dans le cadre du contrôle du choix de la base juridique desdits actes.

43      En effet, il résulterait, selon la requérante, de la jurisprudence que, lorsque le but et le contenu d’un acte reposent sur un contexte social et juridique particulier, le contrôle de sa base juridique devrait inclure nécessairement un examen de l’évolution de ce contexte.

44      Cependant, force est de constater que le raisonnement du Tribunal visé au point 42 ci-dessus est transposable en l’espèce.

45      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, celle-ci a pour objet de geler les avoirs de personnes identifiées comme responsables de détournement de fonds publics égyptiens et de personnes qui leur sont associées, dont les noms figurent en annexe à ladite décision. Ainsi qu’il résulte de son considérant 1, cette décision s’inscrit dans le cadre d’une politique de soutien à l’égard des autorités égyptiennes fondée, notamment, sur les objectifs de consolidation et de soutien de la démocratie, de l’État de droit, des droits de l’homme et des principes du droit international énoncés à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 44). Le Tribunal en a ainsi déduit que la décision 2011/172 pouvait légalement être fondée sur l’article 29 TUE, cette décision remplissant, par ailleurs, les autres conditions pour être adoptée sur ce fondement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 41 et 44 à 47).

46      Ainsi, selon la jurisprudence, il suffit que la décision 2011/172 poursuive des objectifs qui se rattachent à ceux énoncés à l’article 21 TUE pour que cette décision soit considérée comme relevant de la PESC. En outre, comme la Cour l’a jugé, eu égard à la vaste portée des buts et des objectifs de la PESC, tels qu’exprimés à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21 TUE ainsi qu’aux dispositions spécifiques relatives à la PESC, et notamment les articles 23 et 24 TUE, la contestation du bien-fondé d’un acte au regard des objectifs définis à l’article 21 TUE n’est pas de nature à établir un défaut de base juridique de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, points 45 et 46).

47      Le même raisonnement est applicable dans le contexte des décisions 2016/411 et 2017/496, qui se sont bornées à proroger la décision 2011/172 et s’inscrivent dans le cadre de la même politique visant, comme cela est indiqué au considérant 1 de cette dernière décision, à soutenir le processus de stabilisation politique et économique de l’Égypte, dans le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux.

48      Même à supposer que la situation en Égypte au regard de laquelle le Conseil a adopté la décision 2011/172 ait évolué, y compris dans un sens contraire au processus de démocratisation que vise à soutenir la politique dans le cadre de laquelle cette décision s’inscrit, cette circonstance ne peut, en tout état de cause, avoir eu pour effet d’affecter la compétence de cette institution pour proroger cette décision sur le fondement de l’article 29 TFUE. En effet, nonobstant cette circonstance, les finalités poursuivies par les décisions 2016/411 et 2017/496 et les règles dont elles prorogent la validité n’en continueraient pas moins à relever du domaine de la PESC, ce qui suffit à écarter, en l’espèce, le grief de la requérante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 juin 2016, Parlement/Conseil, C‑263/14, EU:C:2016:435, points 45 à 54).

49      La jurisprudence citée par la requérante ne saurait remettre en cause ces considérations.

50      S’agissant, en premier lieu, de l’arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a. (C‑58/08, EU:C:2010:321), il suffit de relever que la Cour n’y a pas examiné la question de savoir si une disposition du traité UE relevant de la PESC constituait une base juridique appropriée, mais celle de savoir si tel était le cas s’agissant de l’article 95, paragraphe 1, CE, ce qui impliquait un examen du contexte général et des circonstances spécifiques du domaine harmonisé par l’acte adopté sur ce fondement tels qu’ils se présentaient au moment de son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, points 32 à 35 et 39 à 47). Le raisonnement de la Cour dans cet arrêt n’est donc pas transposable en l’espèce.

51      S’agissant, en deuxième lieu, des points 191 à 193 de l’arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil (T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207), ils sont relatifs à l’examen par le Tribunal d’un moyen tiré du défaut de motivation, et non d’un moyen tiré du défaut de base juridique. Ils ne sont donc pas pertinents.

52      S’agissant, en troisième lieu, du point 110 de l’arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission (T‑190/12, EU:T:2015:222), il y a lieu de relever qu’il doit être lu dans le contexte du raisonnement du Tribunal dans lequel il s’inscrit. Par ce raisonnement, le Tribunal n’a pas cherché à contrôler le bien-fondé des appréciations portées par le Conseil sur l’évolution de la situation au Zimbabwe et sur la nécessité de maintenir les mesures restrictives adoptées au regard de cette évolution, mais seulement à vérifier si, par ces mesures, le Conseil avait entendu poursuivre des finalités relevant de la PESC (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, points 93 à 111).

53      Ainsi, le grief tiré du défaut de base juridique ne peut qu’être rejeté.

ii)    Sur le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité

54      À titre liminaire, il convient de rappeler que le Conseil dispose, de manière générale, d’un large pouvoir d’appréciation pour adopter des actes dans le cadre de la PESC, qui constitue un domaine impliquant de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 120 et jurisprudence citée,). De même, la jurisprudence reconnaît au Conseil une large marge d’appréciation pour la définition des critères généraux délimitant le cercle des personnes susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives, au regard des objectifs sur lesquels ces mesures reposent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 48). Une marge d’appréciation de même portée doit donc lui être reconnue s’agissant de la prorogation de l’application de ces critères.

55      Ainsi, d’une part, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer, dans le cadre du présent recours, sur le bien-fondé de la politique du Conseil de soutien du processus de stabilisation politique en Égypte, visée au considérant 1 de la décision 2011/172, dans le cadre de laquelle cette dernière décision et les décisions subséquentes s’inscrivent.

56      D’autre part, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle du Conseil quant au contexte géographique ou politique auquel la décision 2011/172 se rapporte et à la nécessité de la proroger au regard de ce contexte.

57      Cependant, dans la mesure où la décision 2011/172 s’inscrit dans le cadre d’une politique de soutien aux autorités égyptiennes fondée, notamment, sur les objectifs de consolidation et de soutien de la démocratie, de l’État de droit, des droits de l’homme et des principes du droit international, l’hypothèse que cette décision soit manifestement inappropriée au regard de ces objectifs en raison de l’existence de violations graves et systématiques des droits fondamentaux ne peut être exclue.

58      En outre, il convient de rappeler que le gel d’avoirs édicté par la décision 2011/172 a pour objet de faciliter la constatation par les autorités égyptiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de ces détournements. Il revêt donc, de ce fait, une nature purement conservatoire et est dépourvu de connotation pénale (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 77, 78 et 206, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 62 et 64).

59      Or cet objet est dénué de pertinence, au regard des objectifs de la politique dans le cadre de laquelle la décision 2011/172 s’inscrit, si la constatation, par les autorités égyptiennes, des détournements de fonds publics commis est entachée d’un déni de justice et a fortiori d’arbitraire.

60      Il appartient donc au Tribunal d’examiner si, pour évaluer la nécessité de proroger la décision 2011/172, le Conseil n’a pas manifestement méconnu l’importance et la gravité des éléments relatifs au contexte politique et judiciaire égyptien invoqués par la requérante, au regard des autres informations à sa disposition et des objectifs de cette décision, et, le cas échéant, s’il était dans l’obligation de procéder, au vu de ces éléments, à des vérifications complémentaires.

61      C’est au regard de ces considérations qu’il convient de se prononcer sur les différents arguments de la requérante au soutien du présent grief.

–       Sur le premier argument, tiré de la destitution des « nouvelles autorités égyptiennes » soutenues par le Conseil

62      Il convient de rappeler que, au point 44 de l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), le Tribunal a considéré que la décision 2011/172 s’inscrivait dans le cadre d’une « politique de soutien aux nouvelles autorités égyptiennes ». Dans le cadre du premier argument, la requérante se fonde sur ce point pour soutenir que la prorogation de cette décision ne peut plus reposer sur cet objectif en raison du renversement de ces « nouvelles autorités ». Cependant cet argument repose sur une prémisse erronée.

63      En effet, d’une part, il résulte du point 44 de l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), que, par l’expression « politique de soutien aux nouvelles autorités égyptiennes », le Tribunal a entendu désigner la « [politique de soutien à] une transition pacifique et sans heurts vers la formation d’un gouvernement civil et démocratique en Égypte reposant sur l’État de droit, dans le strict respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales », qui est visée au considérant 1 de la décision 2011/172. Il est vrai que, ainsi qu’il résulte des documents produits par la requérante, le président de la République élu en Égypte en juin 2012 dans le cadre du processus de transition démocratique, M. Morsi, a été démis de ses fonctions en juin 2013. Cependant, contrairement au postulat sur lequel repose son argument, les termes du considérant 1 de la décision 2011/172 ne suggèrent pas que la politique de soutien de ce processus était limitée au soutien du gouvernement formé par ce dirigeant, qui était le premier gouvernement civil issu d’élections à la suite du départ de l’ancien président de la République, M. Mubarak, en février 2011. En tout état de cause, conformément aux indications du point 55 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si cette politique conservait sa pertinence postérieurement à la cessation des fonctions de M. Morsi.

64      D’autre part, au regard de l’objet des mesures restrictives édictées dans le cadre de la décision 2011/172, rappelé au point 58 ci-dessus, ces mesures doivent, en principe, être maintenues jusqu’à l’aboutissement des procédures judiciaires en Égypte pour conserver leur effet utile. Par conséquent, leur prorogation ne saurait dépendre des changements successifs de gouvernement, intervenus dans le cadre du processus de transition politique que la politique dans le cadre de laquelle la décision 2011/172 s’inscrit a pour objet de soutenir.

65      Le premier argument doit donc être rejeté.

–       Sur le deuxième argument, tiré des risques causés par l’instabilité du contexte politique égyptien et de violations alléguées de l’État de droit et des droits fondamentaux

66      En premier lieu, il convient de relever que, au soutien des conclusions à fin d’annulation de la décision 2016/411, la requérante a présenté un certain nombre de documents publics attestant, selon elle, de l’instabilité du contexte politique égyptien et des violations de l’État de droit et des droits fondamentaux qui étaient survenues dans ce contexte depuis les événements de 2011. Parmi ces documents figurent, d’une part, des rapports d’organisations non gouvernementales et des articles de presse et, d’autre part, des déclarations des autorités de l’Union ou effectuées au nom de l’Union qui condamnent ces violations.

67      Cependant, ces rapports et ces déclarations ne sont pas de nature à démontrer que la prorogation, par la décision 2016/411, de la décision 2011/172 était manifestement contraire aux objectifs visés au considérant 1 de cette dernière décision.

68      À cet égard, il y a lieu de relever que ces documents ne permettent pas de parvenir à la conclusion que l’instabilité politique et institutionnelle qui a caractérisé le contexte politique égyptien postérieurement aux événements de 2011 aurait eu pour effet de compromettre toute capacité du système judiciaire égyptien à garantir le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux et que le gel des avoirs édicté par la décision 2011/172 dans le cadre d’une politique visant, notamment, au respect de ces principes serait donc devenu manifestement inapproprié. Il en va de même des violations des droits fondamentaux et de l’État de droit qui sont mentionnées dans ces documents, notamment en ce qui concerne la répression des manifestants ou des opposants politiques et la restriction des libertés publiques.

69      En effet, il ne ressort pas des éléments figurant dans lesdits documents que ce contexte ait pu avoir une influence sur les procédures judiciaires au regard desquelles a été établie la liste des personnes faisant l’objet du gel d’avoirs édicté par la décision 2011/172, annexée à cette décision.

70      En particulier, il y a lieu de relever que les déclarations effectuées par des autorités de l’Union ou au nom de l’Union, dont la requérante se prévaut, ne concernent pas les procédures judiciaires sur lesquelles le Conseil s’est fondé dans le cadre de la décision 2011/172. Par ailleurs, le fait que des autorités de l’Union expriment leurs préoccupations concernant des violations des droits fondamentaux et des atteintes à l’État de droit commises en Égypte ou demandent aux autorités égyptiennes de s’abstenir, y compris dans le contexte judiciaire, de telles violations ou atteintes ne s’oppose pas, par lui-même, à ce que le Conseil porte assistance aux autorités égyptiennes dans le cadre de procédures judiciaires. En particulier, il convient de relever que, dans le cadre d’une politique visant, notamment, au respect de l’État de droit et des droits fondamentaux en Égypte, l’assistance aux autorités égyptiennes en vue de la lutte contre le détournement de fonds publics n’est pas contradictoire avec l’expression de préoccupations ou de demandes tendant au respect de ces principes par ces autorités elles-mêmes, mais en constitue, au contraire, le complément. Cette analyse est confirmée par le fait que plusieurs des déclarations invoquées par la requérante s’accompagnent de références à la politique de coopération entre l’Union et la République arabe d’Égypte.

71      Les documents fournis dans le cadre du mémoire en adaptation ne remettent pas en cause cette analyse.

72      Tout d’abord, en ce qui concerne le rapport de la commission internationale de juristes (CIJ), de septembre 2016, intitulé « Egypt’s Judiciary: A Tool of Repression – Lack of Effective Guarantees of Independence and Accountability » (le système judiciaire égyptien : un outil de répression dépourvu de garanties effectives d’indépendance et de responsabilité), la requérante a confirmé à l’audience qu’elle ne l’avait pas communiqué au Conseil antérieurement à l’adoption de la décision 2017/496. Il ne saurait donc être reproché au Conseil d’avoir omis de tenir compte des constats opérés dans ce rapport pour déterminer si la prorogation de la décision 2011/172 était conforme ou non aux objectifs de la politique dans le cadre de laquelle elle s’inscrit. En tout état de cause, ce rapport se concentre sur le comportement des autorités judiciaires à l’égard des opposants au pouvoir politique ou des personnes considérées comme telles. Il ne concerne pas, en revanche, leur comportement dans le cadre de procédures judiciaires pour des faits de détournement de fonds publics telles qu’en l’espèce. Par ailleurs, il ne peut en être déduit que la capacité des autorités judiciaires égyptiennes à assurer une protection juridictionnelle effective serait systématiquement compromise, y compris dans le cadre desdites procédures judiciaires.

73      Ensuite, la requérante s’est référée à deux déclarations publiques de l’organisation non gouvernementale Amnesty International, respectivement du 19 et du 27 avril 2017, et intitulées, d’une part, « New draconian amendments in the name of counter-terrorism: Another nail in the coffin of fair trial standards in Egypt » (de nouvelles mesures draconiennes au nom de la lutte contre le terrorisme : encore un clou planté dans le cercueil des critères du procès équitable en Égypte), et, d’autre part, « New legislation threatens judicial independence in Egypt » (une nouvelle législation menace l’indépendance juridictionnelle en Égypte). Cependant, il suffit de relever que ces déclarations se rapportent à des modifications du droit égyptien postérieures à l’adoption de la décision 2017/496 et ne sauraient donc, en tout état de cause, constituer des éléments pertinents pour apprécier la légalité de cette décision.

74      En second lieu, il convient de souligner que, pour apprécier la nécessité de proroger la décision 2011/172, il appartient au Conseil d’effectuer une mise en balance des différents éléments pertinents, lesquels comportent, en particulier, la prise en compte, d’une part, de l’objet de cette décision et, d’autre part, des objectifs de la politique dans le cadre de laquelle elle s’inscrit, à savoir le soutien du processus de stabilisation politique et économique de l’Égypte dans le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux.

75      À cet égard, dans la mesure où le régime de mesures restrictives édicté par la décision 2011/172 a pour seul objet de faciliter la constatation par les autorités égyptiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de ces détournements, il ne peut être exclu que la prorogation de ce régime conserve sa pertinence, y compris dans l’hypothèse d’évolutions politiques et judiciaires défavorables au regard des progrès de la démocratie, de l’État de droit ou du respect des droits fondamentaux. Ainsi, il appartenait au Conseil d’apprécier si, au regard des éléments dont il disposait, il pouvait raisonnablement considérer que la poursuite de l’assistance aux autorités égyptiennes dans la lutte contre le détournement de fonds publics demeurait, y compris dans un tel contexte, un moyen approprié de favoriser la stabilité politique et le respect de l’État de droit dans ce pays.

76      Or, d’une part, ainsi qu’il a été constaté aux points 68 à 73 ci-dessus, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas, à eux seuls, de conclure que la capacité des autorités judiciaires égyptiennes à garantir le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux dans le cadre des procédures judiciaires sur lesquelles repose la décision 2011/172 serait définitivement compromise par les évolutions politiques et judiciaires susmentionnées.

77      D’autre part, le Conseil pouvait prendre en considération l’existence de garanties offertes par le cadre légal égyptien. Ainsi, il ressort des indications du mémorandum du bureau du procureur général d’Égypte du 2 janvier 2016, versé au dossier par le Conseil à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure, que les procédures pénales sur lesquelles repose la décision 2011/172 s’inscrivent dans un cadre juridique offrant des garanties quant à la protection juridictionnelle effective des personnes visées, en particulier la possibilité de recours devant la Cour de cassation égyptienne. Au demeurant, il ressort de l’état actualisé des procédures judiciaires en cause, également fourni par les autorités égyptiennes en vue de l’adoption des décisions 2016/411 et 2017/496, que certaines des personnes désignées à l’annexe de la décision 2011/172 ont obtenu l’annulation de leur condamnation à la suite d’un pourvoi devant la juridiction susmentionnée.

78      Dès lors, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il avait suffisamment d’éléments à sa disposition concernant le contexte politique et judiciaire égyptien pour poursuivre la coopération avec les autorités égyptiennes entreprise dans le cadre de la décision 2011/172 et que les éléments produits par la requérante ne justifiaient pas de procéder, avant la prorogation de cette décision, à des vérifications complémentaires. Le deuxième argument doit donc être rejeté.

–       Sur le troisième argument, tiré du risque que le droit à un procès équitable de la requérante ne soit pas respecté dans le cadre des procédures pénales dont elle fait l’objet en Égypte

79      S’agissant du présent argument, il convient de relever que, même dans l’hypothèse où les éléments produits par la requérante indiqueraient un risque que les autorités égyptiennes ne lui garantissent pas le respect de son droit à un procès équitable, cette circonstance ne serait pas susceptible d’affecter la légalité, dans son ensemble, de la prorogation du régime de gel de fonds prévu par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172.

80      En effet, les critères énoncés par cette disposition prévoient, de manière générale et abstraite, la désignation des personnes responsables de détournement de fonds publics égyptiens et des personnes qui leur sont associées. Ces critères n’impliquent pas l’existence d’un lien entre la désignation de ces personnes et les procédures judiciaires dont la requérante et les membres de sa famille font spécifiquement l’objet. Par ailleurs, en ce qui concerne les arguments relatifs à la violation du droit à un procès équitable de l’ancien président de la République, il suffit de constater que ni ces critères ni les motifs de désignation des personnes figurant sur la liste annexée à la décision 2011/172 ne subordonnent le gel de leurs avoirs et sa prorogation à leur relation avec ce dirigeant politique. En outre, le risque de violations du droit à un procès équitable de ce dernier ne saurait constituer, à lui seul, l’indice de violations systématiques de ce droit susceptibles d’affecter les droits de l’ensemble des personnes désignées à l’annexe de la décision 2011/172.

81      Par conséquent, en tant qu’il vient au soutien d’une exception d’illégalité de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par la décision 2015/486, le présent argument est inopérant. Cet argument ne peut être pertinent que dans le cadre du deuxième moyen, tiré de la violation, par les décisions 2016/411 et 2017/496, de l’obligation de respecter les droits fondamentaux de la requérante, et il conviendra donc de procéder à son examen dans ce cadre.

82      Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas démontré le caractère manifestement inapproprié de la prorogation, par les décisions 2016/411 et 2017/496, de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 au regard de la situation en Égypte et, par voie de conséquence, l’existence d’une violation du principe de proportionnalité. La première branche du présent moyen doit donc être rejetée dans son ensemble.

2)      Sur la seconde branche, tirée du défaut de base juridique de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

83      Par la seconde branche, la requérante invoque le défaut de base juridique du règlement no 270/2011, qui, selon elle, ne peut reposer sur l’article 215, paragraphe 3, TUE, faute d’une décision valide.

84      À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il résulte des points 41 à 82 ci-dessus, la première branche du présent moyen, qui vise l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2016/411 et 2017/496, doit être rejetée. Ainsi, la présente branche, qui repose sur la prémisse que cette décision est illégale, est dénuée de fondement et, sans qu’il soit besoin d’examiner sa recevabilité, doit être rejetée.

85      Dès lors, il convient de rejeter la présente branche et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 6 TUE, en liaison avec les articles 2 et 3 TUE et les articles 47 et 48 de la la Charte

86      Le deuxième moyen comporte deux branches.

87      Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que, en vertu de l’article 6 TUE, en liaison avec l’article 2 et l’article 3, paragraphe 5, TUE, le Conseil a l’obligation de promouvoir les droits fondamentaux. En l’espèce, selon elle, le Conseil, d’une part, a omis de s’assurer que ses droits fondamentaux avaient été respectés et, d’autre part, s’est fondé sur une présomption irréfragable que les autorités égyptiennes observeraient un tel respect, contrairement aux exigences de la jurisprudence (arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a., C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 105 et 106, et du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 139). Ces exigences seraient confirmées par les conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2016:723, points 65, 66 et 71). Or la requérante affirme, d’une part, que ses liens avec l’ancien chef d’État égyptien l’exposent, tout particulièrement, à des poursuites à caractère politique et à des violations de son droit à un procès équitable, consacré par les articles 47 et 48 de la Charte, et, d’autre part, que ce droit a été violé dans le cadre des procédures judiciaires dont elle fait l’objet en Égypte. Interrogée dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure du 14 novembre 2017 sur l’incidence, pour la présente affaire, de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), dans lequel la Cour a examiné le pourvoi du Conseil à l’encontre de l’arrêt du Tribunal susmentionné, la requérante soutient que cet arrêt confirme le bien-fondé de son argumentation à l’appui du présent moyen.

88      Par ailleurs, comme il a été indiqué au point 81 ci-dessus, se rattache également au présent moyen l’argument soulevé par la requérante dans le cadre de la première branche du premier moyen, tiré de ce que les objectifs de la décision 2011/172 visés au considérant 1 de celle-ci s’opposent à la prorogation de sa désignation, compte tenu du risque, indiqué par les éléments qu’elle a fournis au Conseil, que les autorités égyptiennes ne lui garantissent pas le respect du droit à un procès équitable. Cet argument, qui repose sur un fondement distinct de l’argumentation de la requérante qui vient à l’appui de la première branche du présent moyen, doit être considéré comme formant la seconde branche de ce moyen.

89      En défense, le Conseil rétorque que les principes issus de la jurisprudence citée par la requérante ne sont pas pertinents en l’espèce. En premier lieu, selon le Conseil, il n’a pas appliqué une présomption irréfragable telle que celle examinée par la Cour dans l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), rendu dans le contexte du transfert de demandeurs d’asile vers un État membre où ils encouraient un risque de traitements inhumains et dégradants. En outre, dans le cas d’espèce, contrairement à la situation examinée par la Cour dans cet arrêt, les décisions 2016/411 et 2017/496 ne présenteraient pas de lien de causalité avec la violation alléguée des droits fondamentaux de la requérante. En deuxième lieu, il fait valoir que, d’une part, le gel des avoirs de la requérante ne constitue pas une sanction pénale et que, d’autre part, il n’a pas abouti à une violation de la présomption d’innocence. En troisième lieu, selon le Conseil, la décision 2011/172 et les décisions subséquentes sont des mesures autonomes qui ne reposent pas sur une demande des autorités égyptiennes et qui ne sont donc pas comparables avec le mécanisme instauré par la position commune 2001/931/PESC du Conseil, du 27 décembre 2001, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93), qui est en cause dans l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885). Interrogé dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure du 14 novembre 2017, le Conseil soutient que le raisonnement sous-jacent à l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), n’est pas transposable en l’espèce.

1)      Considérations liminaires

90      Tout d’abord, il convient de relever que le débat entre les parties, dans le cadre du présent moyen, ne porte pas, comme dans le cadre de la première branche du premier moyen, sur la question de savoir si l’omission du Conseil de procéder à des vérifications concernant le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux en Égypte a affecté, dans son ensemble, la légalité de la prorogation du régime de mesures restrictives adoptées dans le cadre de la décision 2011/172. Il porte sur la question de savoir si la méconnaissance alléguée, par le Conseil, des violations du droit à un procès équitable de la requérante dans le cadre des procédures judiciaires dont elle fait l’objet, ou, du moins, le risque que ce droit soit méconnu, a affecté la légalité des décisions 2016/411 et 2017/496.

91      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que l’article 2 et l’article 3, paragraphe 5, TUE font obligation aux institutions de l’Union de promouvoir, notamment dans le cadre des relations internationales, les valeurs et les principes sur lesquels celle-ci est fondée, à savoir, en particulier, le respect de la dignité humaine, de l’État de droit et des droits fondamentaux.

92      En deuxième lieu, comme la Cour l’a rappelé, le respect de ces principes s’impose à toute action de l’Union, y compris dans le domaine de la PESC, ainsi qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 3, et de l’article 23 TUE (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Parlement/Conseil, C‑263/14, EU:C:2016:435, point 47).

93      En particulier, l’article 21, paragraphe 1, TUE dispose que l’action de l’Union sur la scène internationale vise à promouvoir dans le reste du monde, notamment, l’État de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et le respect du droit international.

94      En troisième lieu, s’agissant plus particulièrement du droit à un procès équitable et au respect de la présomption d’innocence, dont la violation est, en l’espèce, alléguée, il importe de rappeler que, selon les termes de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), le droit à un procès équitable, consacré à l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, auquel correspondent, dans l’ordre juridique de l’Union, les articles 47 et 48 de la Charte, occupe, notamment en matière pénale, une place éminente dans une société démocratique (Cour EDH, 7 juillet 1989, Soering c. Royaume-Uni, CE:ECHR:1989:0707JUD001403888, point 113).

95      De même, il y a lieu de souligner que les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective constituent des normes essentielles au respect de l’État de droit, lequel forme lui-même une des valeurs premières sur lesquelles repose l’Union, ainsi qu’il résulte de l’article 2 TUE, des préambules du traité UE et de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, points 87 et 88).

96      En quatrième et dernier lieu, ainsi que la Cour EDH l’a exposé en substance, les exigences découlant du droit à un procès équitable et au respect de la présomption d’innocence visent, notamment en matière pénale, à garantir que la décision par laquelle il sera définitivement statué sur le bien-fondé des accusations dirigées contre la personne en cause soit fiable et à éviter qu’elle ne soit entachée d’un déni de justice, voire d’arbitraire, ce qui constituerait la négation même de l’État de droit [voir, en ce sens et par analogie, Cour EDH, 17 janvier 2012, Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2012:0117JUD000813909, point 260, et 21 juin 2016, Al-Dulimi et Montana Management Inc. c. Suisse, CE:ECHR:2016:0621JUD000580908, points 145 et 146].

97      En l’espèce, il ne saurait être déduit de la jurisprudence que les caractéristiques du régime instauré par la décision 2011/172 justifient une exception à l’obligation générale du Conseil, lorsqu’il adopte des mesures restrictives, de respecter les droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 25 et jurisprudence citée), laquelle exception aurait pour conséquence de l’exonérer de toute vérification de la protection des droits fondamentaux assurée en Égypte aux personnes visées par les mesures en cause.

98      À cet égard, certes, il résulte de la jurisprudence que l’existence de procédures judiciaires en cours en Égypte constitue, en principe, une base factuelle suffisamment solide pour la désignation des personnes sur la liste annexée à la décision 2011/172 ainsi que pour la prorogation de cette décision (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 156, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 65 et 68 et jurisprudence citée). Toutefois, tel ne peut être le cas que si le Conseil peut raisonnablement présumer que la décision prise à l’issue de ces procédures sera fiable, d’autant plus qu’il ne lui appartient pas, en principe, d’apprécier lui-même l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels ces procédures sont fondées.

99      Par ailleurs, il convient de constater que, dans le cadre d’une affaire relative à des mesures restrictives adoptées au regard de la situation en Tunisie, analogues aux décisions 2016/411 et 2017/496, le Tribunal a considéré qu’il ne pouvait pas être exclu que le Conseil procédât aux vérifications nécessaires en présence d’éléments objectifs, fiables, précis et concordants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le respect du droit de la partie requérante dans cette affaire d’être jugée dans un délai raisonnable dans le cadre de l’enquête judiciaire en cours en Tunisie, qui servait de fondement au gel de ses avoirs dans l’Union. En effet, le Tribunal a relevé, en particulier, que le principe du délai raisonnable de jugement était une composante du droit à un procès équitable protégée par les dispositions de plusieurs instruments de droit international juridiquement contraignants, telles que les dispositions de l’article 14, paragraphe 3, sous c), du pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966 (arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, points 64 et 65). Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur cet arrêt dans le cadre de leurs observations orales à l’audience.

100    Ainsi, à la lumière de l’arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T‑175/15, EU:T:2017:694, points 64 et 65), il ne peut être exclu que, dans le contexte de la décision 2011/172, le Conseil soit tenu de procéder à des vérifications au regard d’allégations concernant, de manière plus générale, des violations du droit à un procès équitable et de nature à susciter à cet égard des interrogations légitimes. En particulier, il convient de relever que l’article 14, paragraphe 3, du pacte international relatif aux droits civils et politiques protège le droit à un procès équitable dans toutes ses composantes, y compris le principe de la présomption d’innocence, et que la République arabe d’Égypte est partie à ce traité international.

101    Au demeurant, nonobstant son caractère conservatoire, le gel des avoirs édicté dans le cadre du régime de la décision 2011/172 a, sur les libertés et les droits des personnes visées, une incidence négative importante, de sorte que, pour assurer un juste équilibre entre les objectifs de ce gel des avoirs et la protection de ces droits et libertés, il est indispensable que le Conseil puisse, le cas échéant, évaluer de manière appropriée, sous le contrôle du juge de l’Union, le risque que de telles violations de leurs droits fondamentaux surviennent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 131 et 132).

102    Cette analyse n’est pas remise en cause par les éléments mis en avant par le Conseil dans le cadre du présent moyen.

103    En premier lieu, l’argumentation du Conseil tendant à démontrer qu’il ne lui appartient pas de vérifier si des garanties équivalentes à celles offertes par le droit de l’Union en matière de droits fondamentaux sont assurées dans le cadre des procédures judiciaires égyptiennes n’est pas pertinente dans le cadre du présent moyen. En effet, comme la requérante l’a, au demeurant, confirmé à l’audience, elle ne soutient pas, dans le cadre du présent moyen, que le Conseil devrait vérifier si le niveau de protection du droit à un procès équitable en Égypte est équivalent à celui offert par le droit de l’Union. Elle soutient seulement que les éléments qu’elle a fournis au Conseil concernant la violation de ce droit à son égard justifiaient que le Conseil procédât à des vérifications. Pour les mêmes raisons, la référence du Conseil au point 175 de l’arrêt du 7 juillet 2017, Azarov/Conseil (T‑215/15, sous pourvoi, EU:T:2017:479), doit être rejetée. En effet, ce point visait, ainsi qu’il résulte du point 166 du même arrêt, à écarter un argument de la partie requérante dans cette affaire tiré de ce qu’il incombait au Conseil, avant d’adopter la décision attaquée, de vérifier si l’ordre juridique ukrainien garantissait une protection des droits fondamentaux au moins équivalente à celle garantie dans l’Union.

104    En deuxième lieu, le Conseil ne saurait se borner à alléguer que la jurisprudence invoquée par la requérante est inapplicable à la présente espèce, compte tenu de la différence de contexte factuel et juridique.

105    En effet, tout d’abord, ainsi qu’il a été rappelé aux points 91 à 93 ci-dessus, l’obligation, pour le Conseil, de veiller au respect de l’État de droit et des droits fondamentaux et de promouvoir ce respect, à l’égard du reste du monde, s’impose dans le cadre de toute action menée dans le domaine de la PESC. Au demeurant, la décision 2011/172 a été adoptée dans le cadre d’une politique visant à assurer une telle promotion.

106    Ensuite, le fait que, contrairement à la position commune 2001/931, la décision 2011/172 ne prévoit pas que la désignation d’une personne sur la liste annexée à cette décision repose obligatoirement sur l’existence d’une décision adoptée à l’égard de celle-ci par les autorités égyptiennes n’est pas déterminant pour la question de savoir si le Conseil doit s’assurer du respect de ses droits fondamentaux par lesdites autorités.

107    À cet égard, le Tribunal a constaté au point 98 ci-dessus que l’existence de procédures judiciaires en cours en Égypte ne pouvait pas constituer une base factuelle suffisamment solide pour la prorogation de la désignation des personnes sur la liste annexée à la décision 2011/172 si le Conseil ne pouvait raisonnablement présumer que la décision prise à l’issue de ces procédures serait fiable, c’est-à-dire, en particulier, s’il était raisonnable de craindre que cette décision serait entachée d’un déni de justice en raison de la violation du droit à un procès équitable et au respect de la présomption d’innocence.

108    Au demeurant, il convient de relever que la Cour a considéré que l’exigence prévue à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, selon laquelle l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste litigieuse doit être fondée sur une décision adoptée par une autorité compétente, visait à protéger les personnes ou les entités concernées, en assurant que leur inscription initiale sur cette liste n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide. Or, selon la Cour, cet objectif ne peut être atteint que si les décisions des États tiers sur lesquelles le Conseil fonde les inscriptions initiales de personnes ou d’entités sur ladite liste sont adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 25 et 26).

109    Ainsi, force est de constater que, nonobstant les différences entre l’objectif de la position commune 2001/931, qui est la lutte contre le terrorisme, et celui de la décision 2011/172, l’exigence d’une base factuelle suffisamment solide pour procéder à la désignation des personnes ou des entités visées est commune aux deux actes.

110    En troisième et dernier lieu, le fait que, comme le soutient le Conseil, il a adopté la décision 2011/172 et les décisions subséquentes au titre du pouvoir autonome dont il dispose dans le cadre de la PESC, et plus précisément de l’article 29 TUE, confirme l’analyse du Tribunal. En effet, en vertu du principe de bonne administration, il appartient précisément au Conseil, dans le cadre de l’exercice de ce pouvoir autonome, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent les allégations de la requérante relatives à des violations des droits fondamentaux affectant les procédures judiciaires qui forment la base factuelle de sa désignation sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/172 (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 114, 115 et 119).

111    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen.

2)      Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de ce que le Conseil a omis de s’assurer que les droits fondamentaux de la requérante avaient été respectés et a appliqué une présomption irréfragable de respect, par les autorités égyptiennes, de ces droits fondamentaux

112    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige un contrôle, en principe, complet de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire le nom d’une personne sur la liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives. En particulier, le juge de l’Union doit s’assurer que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 49 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, comme il a été relevé aux points 98 et 107 ci-dessus, tel ne peut pas être le cas s’il est raisonnable de craindre que les procédures judiciaires qui constituent cette base factuelle aboutissent à une décision adoptée en violation du droit à un procès équitable et au respect de la présomption d’innocence.

113    Il incombe donc au Tribunal d’exercer un contrôle, en principe, entier sur la question de savoir si le Conseil a satisfait à son devoir d’examen soigneux et impartial en s’assurant qu’il pouvait considérer comme fiables les procédures judiciaires visant la requérante sur la base des informations à sa disposition ou s’il était nécessaire, pour satisfaire à cette exigence, qu’il procédât à des vérifications auprès des autorités égyptiennes.

114    Certes, le Conseil ne pouvait être tenu de solliciter auprès des autorités égyptiennes des informations complémentaires en l’absence d’éléments concrets de nature à étayer les allégations de la requérante relatives à la violation de ses droits fondamentaux. Toutefois, il ne disposait d’aucune marge d’appréciation pour déterminer si les éléments fournis par la requérante nécessitaient qu’il procédât à ces démarches (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 68 à 73).

115    En l’espèce, la requérante se prévaut de documents relatifs à la situation des droits fondamentaux en Égypte ainsi que de documents relatifs à une procédure judiciaire concernant l’ancien chef d’État égyptien et portant sur des faits de meurtre de manifestants, laquelle procédure est entachée, selon elle, d’une violation des droits fondamentaux et de détournement de pouvoir à des fins politiques.

116    En ce qui concerne la première catégorie de documents, il y a lieu de relever qu’elle se compose, d’une part, de déclarations émanant des institutions de l’Union ou prononcées en son nom et, d’autre part, de rapports d’organisations non gouvernementales et de coupures de presse.

117    À cet égard, indépendamment de la question de savoir si le Conseil pouvait être considéré comme ayant eu connaissance des informations contenues dans ces documents, il suffit de relever que, pour l’essentiel, ces documents se rapportent à la situation générale des droits fondamentaux et de l’État de droit en Égypte au cours des années 2013 à 2016.

118    En outre, lorsque ces documents s’appuient sur des exemples concrets, ces derniers ne présentent aucun lien apparent avec la situation de la requérante, à l’exception de la résolution du Parlement européen, du 15 janvier 2015, sur la situation en Égypte [2014/3017(RSP)] (JO 2016, C 300, p. 34), quimentionne deux des procédures judicaires concernant l’ancien chef d’État égyptien, la seconde concernant également ses fils. Cependant, il résulte du contenu de cette dernière résolution que cette mention vise à illustrer non la violation des droits fondamentaux dont les proches de la requérante feraient l’objet, mais au contraire la différence de traitement entre, d’une part, ces derniers, qui font l’objet de procédures judiciaires dont l’issue leur est favorable à la suite d’erreurs procédurales, et, d’autre part, les membres et les partisans de certains groupes politiques, qui font l’objet de condamnations et de mesures d’emprisonnement particulièrement sévères dans un contexte de procès de masse violant les droits fondamentaux.

119    En ce qui concerne le rapport de la CIJ et les déclarations d’Amnesty International invoqués dans le mémoire en adaptation, pour les raisons exposées aux points 72 et 73 ci-dessus, dans le cadre de l’examen de la première branche du premier moyen, ces documents ne sauraient être pris en compte s’agissant du risque de violations du droit à un procès équitable dans le cadre des procédures judiciaires sur lesquelles repose la désignation des personnes sur la liste annexée à la décision 2011/172.

120    Dès lors, il ne saurait être conclu de ces documents un caractère systémique des atteintes au droit à un procès équitable par les autorités judiciaires égyptiennes tel que le risque que ces atteintes affectent les procédures judiciaires dont la requérante fait l’objet devrait être considéré par le Conseil comme plausible (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 73).

121    En ce qui concerne la seconde catégorie de documents, ils portent sur l’évolution de la procédure judiciaire dans l’affaire no 3642 de 2011. Les documents en question sont une traduction de l’arrêt de la Cour de cassation égyptienne du 13 janvier 2013,une traduction de l’arrêt du tribunal pénal du Caire-Nord (Égypte), du 29 novembre 2014, rendu dans le cadre du procès en révision ayant suivi l’arrêt de la Cour de cassation égyptienne susmentionné ainsi que différents documents concernant la procédure de révision devant cette dernière juridiction menée postérieurement à l’arrêt du tribunal pénal du Caire-Nord.

122    La requérante, à cet égard, s’appuie sur ces documents pour soutenir que les autorités égyptiennes ont manipulé la procédure à des fins purement politiques dans le cadre du premier chef de poursuites visant l’ancien chef d’État égyptien et l’associant au meurtre de manifestants.

123    Tout d’abord, il convient de relever que la requérante a admis, à l’audience, que les documents en cause n’avaient pas été communiqués au Conseil antérieurement à l’adoption de la décision 2016/411. Dès lors, ce dernier ne pouvait les prendre en compte dans le cadre du réexamen de la désignation de la requérante antérieurement à l’adoption de cette décision, mais seulement, le cas échéant, dans le cadre du réexamen similaire effectué en vue de l’adoption de la décision 2017/496, le Tribunal lui ayant communiqué ces documents avec la requête dans le cadre du présent litige.

124    Ensuite, il convient de relever que l’argumentation de la requérante se rapporte seulement à une procédure judiciaire qui concerne l’ancien chef d’État égyptien, mais qui ne la concerne pas elle-même. Or, ainsi qu’il résulte des motifs de désignation de la requérante, le gel de ses avoirs n’est pas fondé sur ses liens avec cette personne. Par ailleurs, le chef de poursuite qui a abouti aux violations alléguées concerne des faits de complicité dans le meurtre de manifestants et ne présente aucun lien apparent avec des faits de détournement de fonds publics tels que ceux visés dans les motifs de désignation de la requérante. Cette dernière désignation ne saurait donc être fondée sur ce chef de poursuite ou sur une éventuelle procédure judiciaire connexe à celui-ci qui concernerait la requérante. Dès lors, les violations du droit à un procès équitable de l’ancien chef d’État égyptien supposées être intervenues dans le cadre de la procédure fondée sur ce chef de poursuite ne sauraient, par elles-mêmes, avoir une incidence sur l’issue des procédures judiciaires sur lesquelles repose cette désignation.

125    Par ailleurs, dans la mesure où l’argumentation de la requérante vise à démontrer que, en tant que membre de la famille de l’ancien chef d’État égyptien, elle court le risque d’être exposée à des poursuites motivées par des raisons politiques et à des violations du droit à un procès équitable analogues à celles présumées affecter la situation de son époux dans l’affaire no 3642 de 2011, elle appelle les considérations suivantes.

126    D’une part, le fait que les procédures judiciaires dont les personnes désignées sur la liste annexée à la décision 2011/172 font l’objet en Égypte revêtent une importance politique en raison de leurs liens avec l’ancien chef d’État égyptien ne saurait, par lui-même, être propre à susciter des interrogations légitimes quant au respect de leur droit à un procès équitable dans le cadre de ces procédures. Ainsi ce n’est qu’en présence d’éléments suffisamment précis, concrets et concordants de nature à rendre plausible l’altération grave du caractère équitable, impartial et indépendant de ces procédures par des considérations purement politiques que de telles interrogations légitimes pourraient exister.

127    D’autre part, même à la supposer établie, l’existence de violations du droit à un procès équitable dans le cadre de la procédure judiciaire visée au point 122 ci-dessus ou, du moins, la très forte probabilité de leur survenance ne permet pas, par elle-même, de conclure au risque que de telles violations surviennent dans le cadre des procédures judiciaires auxquelles la requérante est associée. En particulier, en l’espèce, dans la procédure judiciaire en cause, il était reproché, en substance, à M. Mubarak de ne pas avoir respecté les obligations de protection de la population qui lui incombaient en tant que chef de l’État égyptien en ne prenant pas les mesures nécessaires pour éviter la mort de manifestants causée par les forces de l’ordre. Ces faits étaient donc relatifs à une infraction pénale supposée qui aurait été commise par cette personne dans le cadre de ses fonctions officielles et sans rapport apparent avec sa vie privée et familiale.

128    En tout état de cause, les éléments mis en avant par la requérante en ce qui concerne l’existence de violations du droit à un procès équitable de son époux dans le cadre du chef de poursuites relatif aux faits de meurtre de manifestants n’étaient pas de nature à susciter des interrogations légitimes à ce sujet de la part du Conseil.

129    À cet égard, s’agissant des éléments présentés par la requérante en vue de contester la prorogation de sa désignation en 2016, il ressort des pièces du dossier que, d’une part, dans l’arrêt du 13 janvier 2013, la Cour de cassation égyptienne a accueilli le pourvoi de son époux à l’encontre des condamnations prononcées contre lui par le juge du fond et que, d’autre part, à la suite du renvoi prononcé dans ledit arrêt, le tribunal pénal du Caire-Nord, dans son arrêt du 29 novembre 2014, a rejeté comme irrecevable le chef de poursuites relatif à l’implication présumée de M. Mubarak dans le meurtre de manifestants. En outre, il ressort des éléments que la requérante a présentés dans le cadre du mémoire en adaptation que l’acquittement de M. Mubarak a été confirmé par l’arrêt du 2 mars 2017 de la Cour de cassation égyptienne.

130    Par conséquent, même à supposer que les condamnations prononcées initialement à l’encontre de M. Mubarak aient été altérées par des violations de son droit à un procès équitable et au respect de la présomption d’innocence, cette circonstance n’a pas eu d’incidence sur la détermination, par une décision juridictionnelle définitive, de sa responsabilité dans les faits faisant l’objet du chef de poursuites susmentionné.

131    Les mêmes considérations sont applicables aux éléments produits par la requérante en vue de démontrer que les autorités égyptiennes se seraient livrées à des manœuvres dilatoires en vue de retarder l’ouverture du procès en révision de l’ancien chef d’État égyptien devant la Cour de cassation égyptienne, à la suite du prononcé de l’arrêt du 29 novembre 2014. En outre, à supposer que, par ces éléments, la requérante entende faire valoir une violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable subie par son époux, il suffit de relever que, si l’ouverture du procès en révision devant la Cour de cassation égyptienne paraît avoir connu un retard certain, la durée totale de la procédure, ouverte en 2011, n’apparaît pas, en tout état de cause, de nature à susciter des interrogations légitimes à cet égard, compte tenu de la complexité de l’affaire, de son importance et des différentes étapes procédurales intervenues.

132    Dès lors, aucun des éléments relatifs à la violation alléguée du droit à un procès équitable de M. Mubarak mis en avant par la requérante n’était de nature à suggérer un risque que les procédures judiciaires dont elle faisait l’objet soient elles-mêmes altérées par de telles violations. Le Conseil n’était donc pas tenu, au regard de ces éléments, de procéder à des vérifications complémentaires, de sorte que la première branche du présent moyen doit être rejetée.

3)      Sur la seconde branche, tirée de ce que la prorogation de la désignation de la requérante est contraire aux objectifs visés au considérant 1 de la décision 2011/172

133    À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 59 ci-dessus, l’objet de la décision 2011/172, à savoir faciliter la constatation par les autorités égyptiennes des détournements de fonds publics commis et préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de ces détournements, est dépourvu de pertinence, au regard, notamment, des objectifs de promotion de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme visés au considérant 1 de cette décision, auxquels ce gel d’avoirs contribue, s’il y a des raisons de craindre que ladite constatation et ledit recouvrement seront entachés de déni de justice et, a fortiori, d’arbitraire.

134    En effet, un tel gel d’avoirs ne serait, à l’évidence, ni à même de contribuer à la lutte des autorités égyptiennes contre le détournement de fonds publics, ni à même, a fortiori, de contribuer aux objectifs de la politique de promotion de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme dans le cadre de laquelle la décision 2011/172 s’inscrit et serait donc manifestement disproportionné au regard de ces objectifs.

135    Cependant, dans le cadre de la présente branche, la requérante soutient que les éléments qu’elle a soumis au Conseil démontrent que ce dernier devait s’attendre à ce que les autorités égyptiennes ne lui offrent pas un traitement équitable, indépendant et impartial dans le cadre des procédures pénales dont elle fait l’objet. Par conséquent, pour que cette argumentation soit accueillie, il est nécessaire que les éléments fournis par la requérante se réfèrent, de manière manifeste, à des violations suffisamment graves du droit à un procès équitable et au respect de la présomption d’innocence pour conduire à la conclusion qu’il risque d’en résulter pour elle un préjudice irréversible dans le cadre des procédures judiciaires dont elle fait l’objet et que leur issue risque de se traduire par un déni de justice. Ces éléments devaient donc être suffisamment concluants pour convaincre le Conseil, au vu de leur seul examen, qu’il ne pouvait plus proroger davantage le gel des avoirs de la requérante, sauf à adopter une décision manifestement inappropriée au regard de ses objectifs.

136    Or, au regard des considérations énoncées aux points 115 à 132 ci-dessus dans le cadre de la première branche du présent moyen, force est de constater que les éléments produits par la requérante ne sauraient satisfaire aux exigences définies au point 135 ci-dessus.

137    En effet, dans le cadre de ces considérations, le Tribunal a exercé un contrôle entier sur la question de savoir si les éléments soumis par la requérante soulevaient des interrogations légitimes de nature à justifier que le Conseil procédât à des vérifications auprès des autorités égyptiennes et a constaté que tel n’était pas le cas. Dans ces conditions, ces mêmes éléments ne pouvaient, à plus forte raison, être de nature à convaincre le Conseil, au vu de leur seul examen, que la prorogation de la désignation de la requérante était manifestement contraire aux objectifs de la politique dans le cadre de laquelle s’inscrivait cette décision.

138    Dès lors, il convient de rejeter la seconde branche du présent moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.

c)      Sur le troisième moyen, tiré de la violation des critères généraux de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

139    Selon la requérante, le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que les éléments de preuve dont il disposait pour proroger sa désignation, à savoir deux courriers du bureau du procureur général d’Égypte des 2 janvier et 22 février 2016, respectaient les critères d’inscription. En effet, selon elle, elle ne faisait l’objet d’aucune procédure judiciaire dans les trois affaires mentionnées dans le courrier du 2 janvier 2016, qui lui avait été communiqué le 25 février 2016. Par ailleurs, le Conseil n’aurait apporté aucune preuve qu’elle faisait l’objet d’une des ordonnances de gel de fonds auxquelles il était fait référence dans le courrier du 22 février 2016. La requérante aurait apporté des éléments solides et pertinents pour remettre en cause les allégations des autorités égyptiennes, qui auraient dû être pris en compte par le Conseil, d’autant plus que les courriers de ces autorités seraient entachés d’erreurs manifestes et qu’il existait alors en Égypte des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme.

140    Dans la réplique, la requérante soutient que la lettre du 22 février 2016 ne lui a été communiquée que postérieurement à l’adoption de la décision 2016/411. Par ailleurs, elle n’aurait pris connaissance que dans le cadre du présent recours des éléments invoqués par le Conseil dans le mémoire en défense et qui figurent dans le tableau complet des affaires concernant les différents membres de la famille de l’ancien chef d’État égyptien, annexé au courrier du bureau du procureur général d’Égypte du 2 janvier 2016 (ci-après le « tableau des affaires du 2 janvier 2016 »). En se fondant sur ces éléments, le Conseil ne respecterait pas le principe selon lequel la légalité des actes des institutions doit être appréciée à la lumière des éléments de fait et de droit sur la base desquels ils ont été adoptés et violerait les droits de la défense de la requérante. En tout état de cause, les affaires invoquées par le Conseil dans le cadre du mémoire en défense (affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013) ne répondraient pas non plus aux critères d’inscription en ce qui concerne la requérante.

141    Dans le cadre du mémoire en adaptation, la requérante invoque les mêmes griefs et présente de nouveaux éléments factuels à l’appui de son argumentation. Elle ajoute que, contrairement à ce qu’indique le motif de sa désignation, tel que modifié par la décision 2017/496, elle ne fait pas l’objet d’une procédure de recouvrement d’avoirs engagée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive.

142    En défense, le Conseil fait, tout d’abord, observer que, loin d’avoir entériné les allégations des autorités égyptiennes, il a examiné les observations de la requérante et a, par la suite, demandé à ces autorités une actualisation des informations concernant la situation précise de cette personne. Par ailleurs, le Conseil conteste être dans l’obligation de vérifier le bien-fondé des procédures judiciaires visant la requérante en Égypte ou de mener sa propre enquête « indépendante » sur les faits faisant l’objet de ces procédures. Selon le Conseil, il résulte du mémorandum du bureau du procureur général d’Égypte du 22 février 2016 que l’ordonnance de saisie du 28 février 2011, qui concerne la requérante, est toujours en vigueur. Le Conseil soutient, par ailleurs, que la requérante fait l’objet d’investigations pour des faits qualifiés de détournement de fonds publics dans cinq affaires actuellement en cours.

1)      Considérations liminaires

143    En premier lieu, il convient de relever que, en tant qu’il porte sur la méconnaissance des critères énoncés à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011, le présent moyen est inopérant. En effet, l’objet du présent litige concerne seulement la prorogation de la désignation de la requérante sur la liste annexée à la décision 2011/172, et non le maintien de sa désignation sur la liste figurant à l’annexe I du règlement no 270/2011. Ces critères ne sont donc pas applicables en l’espèce. Ainsi, il convient d’examiner sur le fond le présent moyen seulement en tant qu’il porte sur la méconnaissance des critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et prorogés par les décisions 2016/411 et 2017/496.

144    En deuxième lieu, s’agissant de la notion de détournement de fonds publics égyptiens, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, il convient de retenir une interprétation large des dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, qui déterminent le cercle des personnes visées par le gel d’avoirs édicté par cette décision, en privilégiant l’interprétation qui est de nature à sauvegarder l’effet utile de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 67 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 82 et 85). À cet égard, il y a lieu de considérer que la notion de détournement de fonds publics égyptiens englobe toute utilisation illicite de ressources qui appartiennent aux collectivités publiques égyptiennes ou qui sont placées sous leur contrôle à des fins contraires à celles prévues pour ces ressources, en particulier à des fins privées et dont il résulte pour ces collectivités un préjudice financier (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 98).

145    Par ailleurs, il importe de relever que, si cette définition doit recevoir une interprétation autonome, elle vise, à tout le moins, des agissements susceptibles de recevoir la qualification, en droit pénal égyptien, de détournement de fonds publics, dans la mesure où elle permet ainsi d’inclure dans le champ d’application de la décision 2011/172 des personnes qui font l’objet d’enquêtes judiciaires de la part des autorités égyptiennes en raison d’agissements qualifiés par elles de détournement de fonds publics (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 95).

146    En troisième lieu, il convient de rappeler que ce qu’il importait, en l’espèce, au Conseil de vérifier, c’était si les éléments de preuve dont il disposait permettaient d’établir, d’une part, que, comme l’indiquaient les motifs de désignation de la requérante, cette dernière faisait l’objet d’une ou de plusieurs procédures judiciaires en cours liées à des poursuites pénales pour des faits susceptibles de relever du détournement de fonds publics et, d’autre part, que les faits sur lesquels portaient ces procédures permettaient de la qualifier, conformément aux critères fixés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, soit de personne responsable d’un tel détournement, soit de personne associée (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 156, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 65).

147    En effet, dans le cadre de la coopération avec les autorités égyptiennes régie par la décision 2011/172, il n’appartient pas, en principe, au Conseil d’examiner et d’apprécier lui-même l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels sont fondées les procédures pénales visant les requérants. C’est donc aux autorités égyptiennes qu’il appartient, dans le cadre desdites procédures, de vérifier les éléments sur lesquels elles se fondent et d’en tirer les conséquences en ce qui concerne l’issue à donner à ces procédures (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 158, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 66). En outre, il convient de relever que, au point 77 de son arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil (C‑220/14 P, EU:C:2015:147), la Cour a confirmé cette interprétation en jugeant, dans des circonstances semblables à celles de la présente affaire, qu’il appartenait au Conseil ou au Tribunal de vérifier non pas le bien-fondé des enquêtes dont les parties requérantes dans cette affaire faisaient l’objet, mais uniquement le bien-fondé de la décision de gel des fonds au regard de la demande d’entraide des autorités égyptiennes.

148    Certes, il résulte également de la jurisprudence qu’il appartient au Conseil d’évaluer la nécessité d’obtenir ou non la communication d’informations ou d’éléments de preuve additionnels de la part des autorités compétentes, en vue de s’acquitter de son devoir d’examen soigneux et impartial, au regard, en particulier, d’éventuels éléments à décharge présentés par la partie requérante. En particulier, il ne peut être exclu que cette institution soit tenue de solliciter des éclaircissements concernant le stade auquel se trouvent les procédures pénales en Égypte et les éléments sur lesquels elles sont fondées (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 115, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 68). Toutefois, une obligation de vérification ne peut exister pour le Conseil en l’absence d’éléments concrets de nature à susciter, de sa part, des interrogations légitimes concernant l’existence ou le fondement des procédures judiciaires en cause.

149    En quatrième lieu, ainsi qu’il a été indiqué au point 7 ci-dessus, dans le cadre de la décision 2017/496, le motif initial de désignation de la requérante, relatif à l’existence d’une procédure judiciaire la visant, engagée par les autorités égyptiennes pour détournement de fonds publics, sur la base de la convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée le 31 octobre 2003 par l’Assemblée générale des Nations unies (ci-après la « CNUCC »), a été complété par un second motif relatif à l’existence d’une procédure de recouvrement d’avoirs engagée par les autorités égyptiennes à la suite d’une décision de justice définitive concernant le détournement de fonds publics.

150    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, ainsi que l’indique la conjonction de coordination « ou » qui relie les deux motifs de désignation de la requérante sur la liste annexée à la décision 2011/172, telle que modifiée par la décision 2017/496, ces motifs sont alternatifs, de sorte que chacun d’eux suffit, en soi, pour fonder cette désignation. Par conséquent, conformément à la jurisprudence, il suffit qu’un seul de ces motifs soit étayé (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

151    Ensuite, comme le Conseil l’a exposé, en substance, lors de l’audience, l’ajout du second de ces motifs dans le cadre de la décision 2017/496 vise à tenir compte du fait que, dans le cadre de certaines des procédures engagées par les autorités égyptiennes, une décision juridictionnelle statuant définitivement sur la responsabilité de la requérante ou des personnes qui lui étaient associées a été adoptée et que, sur le fondement d’une telle décision, ces personnes sont visées par une procédure de recouvrement des avoirs détournés en cours.

152    Cela étant, il convient de relever que, comme le Conseil l’a admis à l’audience, le fait que des personnes soient désignées à l’annexe de la décision 2011/172 au motif qu’elles font l’objet d’une procédure de recouvrement des avoirs détournés dans une affaire particulière n’exclut pas qu’elles puissent également être désignées au motif qu’elles continuent à faire l’objet, dans le cadre de la même affaire, d’une procédure judiciaire.

153    En effet, d’une part, il convient de relever que la notion de procédure judiciaire n’est pas nécessairement limitée, dans son acception courante, à la phase précédant une décision judiciaire statuant de manière définitive sur les demandes des parties. En effet, cette notion peut inclure également la phase postérieure à cette décision visant à son exécution, laquelle phase est susceptible, au demeurant, de nécessiter l’intervention de nouvelles décisions judiciaires ayant pour objet ladite exécution.

154    D’autre part, le fait que, selon la jurisprudence, les critères définis à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 incluent tant des personnes poursuivies pénalement au titre de leur implication, à des degrés divers, dans des faits de détournement de fonds publics égyptiens que des personnes associées, qui font l’objet de procédures connexes à ces poursuites, ne veut pas dire que le champ d’application de ces dispositions soit limité à ces deux cercles de personnes. Au contraire, comme le Tribunal, confirmé sur pourvoi par la Cour, l’a retenu, le premier et le deuxième cercle de personnes visées par ces critères sont formés, respectivement, de personnes qui, à l’issue d’une procédure judiciaire, ont été jugées coupables de détournement de fonds publics égyptiens et de personnes ayant été reconnues, par une juridiction pénale, comme étant leurs complices (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 67, confirmé sur pourvoi par arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, points 71 et 72).

155    Au demeurant, il y a lieu de relever que, même dans l’hypothèse où une interprétation stricte de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 aurait prévalu, une lecture littérale de ces dispositions qui se réfèrent au gel des avoirs, notamment, des « personnes identifiées comme responsables du détournement de fonds publics égyptiens » et des « personnes physiques […] qui leur sont associé[e]s », aurait, en tout état de cause, conduit le Tribunal à considérer que les deux cercles de personnes susmentionnés étaient visés.

156    Or, comme le Tribunal l’a jugé, le motif pour lequel les personnes dont le nom figure sur la liste annexée la décision 2011/172 ont été soumises à un gel de leurs avoirs doit faire l’objet d’une interprétation, si possible, conforme aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 91).

157    Ainsi, il y a lieu de considérer qu’une personne désignée sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/172 qui a été jugée responsable de détournement de fonds publics ou complice de tels faits par une décision définitive des juridictions égyptiennes doit être considérée comme faisant l’objet d’une procédure judiciaire, dès lors que l’exécution de cette décision est toujours en cours. Il en va de même des personnes qui ne sont pas visées par une telle décision, mais qui font l’objet d’une procédure judiciaire connexe en lien avec son exécution, telle qu’un gel ou une saisie conservatoire de leurs avoirs.

158    Cette interprétation est confirmée par la nécessité de conserver son effet utile au gel d’avoirs édicté par la décision 2011/172. En effet, au regard de l’objet de cette décision rappelé au point 58 ci-dessus, une interprétation contraire ne permettrait pas, à l’évidence, d’assurer un tel effet utile, dans la mesure où des personnes qui ont été jugées responsables d’infractions relatives à des faits de détournement de fonds publics ou des personnes qui leur sont associées, mais pour lesquelles il ne peut être établi qu’une procédure de recouvrement des avoirs détournés ait d’ores et déjà été engagée par les autorités égyptiennes, pourraient, dans l’intervalle, disposer du temps nécessaire pour transférer lesdits avoirs en dehors de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 66).

159    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante et les éléments factuels qu’elle a produits à l’appui de ces arguments.

2)      Sur l’argument tiré de la communication tardive par le Conseil des éléments fournis par les autorités égyptiennes

160    Dans le cadre du présent moyen, il convient d’examiner le grief de la requérante tiré de ce que le Conseil ne lui a communiqué que tardivement les documents émanant des autorités égyptiennes sur lesquels il se fonde pour considérer qu’il y a lieu de proroger sa désignation, en tant que ce grief vise à remettre en cause la possibilité pour le Conseil de se fonder sur lesdits documents.

161    Tout d’abord, en ce qui concerne la partie du tableau des affaires du 2 janvier 2016 qui concerne spécifiquement la requérante, il y a lieu de relever que cette dernière indique elle-même qu’elle lui a été communiquée le 25 février 2016. La requérante disposait donc, en tout état de cause, d’un délai suffisant jusqu’à l’adoption de la décision 2016/411, intervenue le 18 mars 2016, pour présenter ses observations, ce qu’elle a, au demeurant, fait par courriers du 29 février 2016 et du 10 mars 2016.

162    Ensuite, en ce qui concerne le courrier du bureau du procureur général d’Égypte du 22 février 2016, il y a lieu de relever que, au regard de la date de ce courrier, le Conseil a été en mesure de prendre en compte les informations qu’il contient en vue de la prorogation de la désignation de la requérante en 2016 et en 2017.

163    Certes, il résulte des pièces du dossier que ce document a été communiqué par le Conseil à la requérante en annexe de son courrier du 21 mars 2016 répondant à ses observations du 29 février 2016 et l’informant des motifs de sa décision de proroger sa désignation. Il n’a donc pas été en mesure d’apprécier si ces observations étaient de nature à remettre en cause les informations fournies par les autorités égyptiennes. Toutefois, cette circonstance ne saurait être prise en compte dans le cadre du présent moyen que dans la mesure où la requérante dans l’affaire T‑274/16 démontre le bien-fondé de ces observations, ce qu’il conviendra de vérifier dans le cadre particulier de l’examen de ses arguments relatifs auxdites informations (voir points 192 à 203 ci-après).

164    Enfin, en ce qui concerne l’ensemble du tableau des affaires du 2 janvier 2016, il ressort des pièces du dossier qu’il a été communiqué par le Conseil aux conseils de la requérante le 12 février 2016.

165    Il est vrai que, comme l’indique la requérante dans la réplique, ce dernier courrier s’adressait à ses avocats seulement en leur qualité de conseils des requérants dans l’affaire T‑275/16, lesdits avocats n’ayant informé le Conseil qu’ils représentaient la requérante que dans leur courrier du 23 février 2016. Par ailleurs, il est également vrai que, dans son courrier du 25 février 2016, le Conseil a seulement transmis la partie du tableau des affaires du 2 janvier 2016 consacrée aux affaires concernant spécifiquement la requérante, enregistrée sous la référence MD/287/16/RELEX, et n’a pas mentionné les autres affaires figurant dans ce tableau.

166    Toutefois, les avocats de la requérante ne pouvaient ignorer que d’autres parties de ce tableau se rapportaient à des affaires dans lesquelles elle était expressément mentionnée, en particulier la partie consacrée aux affaires impliquant son époux. Leur courrier du 23 février 2016 mentionné au point 165 ci-dessus le confirme. En effet, dans celui-ci, les conseils de la requérante indiquent leur intention, en vue de traiter son cas, d’utiliser les documents en annexe du courrier du Conseil du 12 février 2016 adressé aux requérants dans l’affaire T‑275/16. En outre, dans son courrier du 21 mars 2016 mentionné au point 163 ci-dessus, le Conseil s’est référé expressément aux procédures concernant la requérante et son époux mentionnées dans le tableau des affaires du 2 janvier 2016, indiquant ainsi sans aucune ambiguïté qu’il ne s’était pas fondé seulement sur les procédures judiciaires concernant uniquement la requérante mentionnées dans l’extrait du tableau des affaires joint à son courrier du 25 février 2016.

167    En particulier, il y a lieu de considérer que, pour procéder à la prorogation de la désignation de la requérante en 2016 et en 2017, le Conseil s’est fondé sur les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013, auxquelles il se réfère dans le mémoire en défense. En effet, dans la description de ces affaires figurant dans la partie du tableau des affaires du 2 janvier 2016 consacrée à l’ancien chef d’État égyptien, les autorités égyptiennes se réfèrent expressément à l’implication de la requérante.

168    Dès lors, contrairement à ce que la requérante suggère dans la réplique, l’examen de la légalité de la décision 2016/411 au regard des affaires qui ne figurent pas dans la partie du tableau des affaires du 2 janvier 2016 transmise par le Conseil le 25 février 2016 n’est pas contraire à la jurisprudence selon laquelle la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels ils ont été adoptés. Il convient seulement de vérifier si les observations que la requérante présente dans la réplique concernant les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013 sont de nature à remettre en cause l’appréciation du Conseil selon laquelle les procédures judiciaires dans ces affaires constituaient une base factuelle suffisante (voir points 204 à 216 ci-après).

3)      Sur l’argument tiré de l’obligation, pour le Conseil, de vérifier si les procédures judiciaires visant la requérante concernent des faits susceptibles de porter atteinte à l’État de droit en Égypte

169    Ainsi que la requérante l’expose dans la réplique, une partie de l’argumentation du présent moyen repose sur le postulat selon lequel les critères de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 doivent être interprétés en ce sens qu’il incomberait au Conseil de vérifier si les faits de détournement de fonds publics qui sont en cause dans le cadre des procédures judiciaires la visant sont susceptibles, eu égard à leur montant, au type de fonds détournés ou au contexte dans lequel ces faits se sont produits, de porter atteinte à l’État de droit en Égypte.

170    Or ce postulat est erroné.

171    Premièrement, il ne résulte pas de la jurisprudence rappelée aux points 144 et 145 ci-dessus que la portée de la notion de détournement de fonds publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, devrait être limitée à des faits susceptibles, eu égard au montant des fonds détournés, au type dont relève ces fonds ou au contexte dans lequel les faits en cause se sont produits, de porter atteinte à l’État de droit en Égypte.

172    Deuxièmement, il convient de rappeler que dans une autre affaire soulevant la question des critères de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, le Tribunal a jugé que le Conseil avait pu, à bon droit, inscrire le nom des parties requérantes en cause sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/172, au seul motif qu’elles faisaient l’objet d’une procédure judiciaire en Égypte présentant un lien, quel qu’il soit, avec des investigations portant sur des faits de détournement de fonds publics (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 67 et 95 à 99). Par ailleurs, statuant sur pourvoi contre cet arrêt dans l’affaire C‑220/14 P, la Cour a confirmé le raisonnement du Tribunal (arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, points 71 à 73). Il doit donc en être déduit que les critères de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 sont susceptibles de s’appliquer à toute personne faisant l’objet d’une procédure judiciaire en Égypte présentant un lien avec des investigations portant sur des faits de détournement de fonds publics, indépendamment des circonstances particulières caractérisant lesdits faits.

173    Troisièmement, il convient de rappeler que, ainsi que le Tribunal l’a jugé, la décision 2011/172 procède pleinement de la PESC et répond aux objectifs mentionnés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et d), TUE (voir point 46 ci-dessus). Le Tribunal a également jugé que l’indication figurant au considérant 2 de la décision 2011/172, selon laquelle les personnes visées à l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision « privent ainsi le peuple égyptien des avantages du développement durable de son économie et de sa société et compromettent l’évolution démocratique du pays », ne constitue pas une condition supplémentaire qui devrait être respectée lors de la désignation d’une nouvelle personne sur la liste annexée à la décision 2011/172. Il s’agit uniquement d’une explicitation de l’objectif final poursuivi par cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 143). Ce raisonnement a été, en substance, validé par la Cour (arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, points 44 à 46 et 70).

174    Par ailleurs, la requérante ne saurait se référer à la jurisprudence du Tribunal relative aux mesures restrictives édictées dans le cadre des décisions adoptées par le Conseil au regard de la situation en Ukraine, dans la mesure où l’interprétation des critères généraux permettant de déterminer le cercle des personnes faisant l’objet de ces mesures a été effectuée par le Tribunal au regard du contexte juridique particulier de ces décisions, qui est distinct de celui de la décision 2011/172.

175    À cet égard, il convient de rappeler que les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil (T‑340/14, EU:T:2016:496), et du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil (T‑348/14, EU:T:2016:508), cités par la requérante, étaient relatives à la décision 2014/119/PESC du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26). En particulier, il y a lieu de constater que le considérant 2 de cette décision indique :

« Le Conseil a convenu d’axer les mesures restrictives sur le gel et la récupération des avoirs des personnes identifiées comme étant responsables du détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien, et des personnes responsables de violations des droits de l’homme, en vue de renforcer et de soutenir l’État de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine. »

176    Le renforcement et le soutien de l’État de droit et du respect des droits de l’homme en Ukraine constitue donc l’objet du gel des avoirs des personnes notamment identifiées comme étant responsables de détournement de fonds publics. C’est dans ce contexte que le Tribunal a pu considérer que le critère d’inscription édicté par la décision 2014/119 devait être interprété en ce sens qu’il ne visait pas, de façon abstraite, tout acte de détournement de fonds publics, mais qu’il visait plutôt des faits de détournement de fonds ou d’avoirs publics qui, eu égard au montant, au type de fonds ou d’avoirs détournés ou au contexte dans lequel ces faits s’étaient produits, étaient, à tout le moins, susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques de l’Ukraine, notamment aux principes de légalité, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif et d’égalité devant la loi et au droit à une protection juridictionnelle effective, et, en dernier ressort, de porter atteinte au respect de l’État de droit dans ce pays (arrêts du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 91, et du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑348/14, EU:T:2016:508, point 102).

177    En revanche, en l’espèce, ainsi qu’il résulte, en particulier, de la jurisprudence rappelée au point 45 ci-dessus, l’objet de la décision 2011/172 est de contribuer à la lutte des autorités égyptiennes contre le détournement de fonds publics, le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux ne constituant qu’un des objectifs généraux de la politique de soutien du Conseil à l’égard de ces autorités dans son ensemble, dans le contexte de laquelle s’inscrit, notamment, ladite décision. En outre, en contribuant à cette lutte, le gel des avoirs des personnes responsables de détournement de fonds publics ou des personnes associées visées à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 est présumé cohérent avec lesdits objectifs généraux. Les principes énoncés par le Tribunal dans les arrêts mentionnés aux points 175 et 176 ci-dessus ne sont donc pas transposables en l’espèce. Les arguments à l’appui du présent moyen reposant sur ces principes, énoncés en ce qui concerne les différentes procédures judiciaires visant la requérante, doivent donc, d’emblée, être rejetés.

4)      Sur les arguments relatifs à chacune des procédures sur lesquelles repose la prorogation de la désignation de la requérante

178    S’agissant des arguments de la requérante spécifiques à chacune des procédures sur lesquelles repose la prorogation de sa désignation en 2016 et en 2017, il y a lieu de constater que, dans le cadre de sa correspondance avec cette personne, le Conseil n’a pas explicitement indiqué s’il entendait se fonder sur l’ensemble des procédures dans lesquelles elle était impliquée ou seulement sur certaines d’entre elles. Cependant, à l’audience, le Conseil a expliqué que, conformément à la jurisprudence, il se fondait seulement sur les procédures judiciaires en cours et non sur celles dont les autorités égyptiennes avaient mentionné la clôture ou le classement. En tout état de cause, il résulte de la jurisprudence que l’existence d’une seule procédure judiciaire en cours relative à des faits qualifiables de détournement de fonds publics peut constituer une base factuelle suffisante pour la prorogation de la désignation de la requérante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 49 et 100).

179    Il convient d’examiner, de manière distincte, les arguments et les éléments de fait présentés par la requérante au soutien de ses conclusions à fin d’annulation de la décision 2016/411 et ceux présentés au soutien de ses conclusions à fin d’annulation de la décision 2017/496.

i)      En ce qui concerne les éléments relatifs aux procédures judiciaires en cours ayant servi de fondement à la prorogation de la désignation de la requérante par la décision 2016/411

180    Il convient d’examiner, en premier lieu, les arguments de la requérante relatifs aux affaires n° 552 et no 1021 de 2011, en deuxième lieu, ceux concernant les procédures judiciaires mentionnées dans le courrier du bureau du procureur général d’Égypte du 22 février 2016 et, en troisième lieu, ceux qui portent sur les procédures judiciaires dans les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013.

–       En ce qui concerne les arguments relatifs aux procédures judiciaires dans les affaires nos 552 et 1021 de 2011

181    La requérante fait valoir qu’elle ne fait plus l’objet d’aucune procédure judiciaire dans les affaires no 1021 de 2011 et no 552 de 2011, celles-ci ayant été classées respectivement le 21 février 2016 et le 26 février 2015, comme l’attesteraient des certificats délivrés par le bureau du procureur général d’Égypte.

182    À cet égard, s’agissant de la prorogation de la désignation de la requérante en 2016, il y a lieu de relever que les affaires nos 552 et 1021 de 2011 figurent tant dans le tableau des affaires du 2 janvier 2016, communiqué aux conseils de la requérante le 12 février 2016, que dans l’extrait de ce document la concernant spécifiquement, communiqué à ces mêmes conseils le 25 février 2016. Les informations concernant ces deux affaires font état d’investigations en cours concernant des faits de détournement de fonds publics impliquant la requérante dans le cadre de projets éducatifs et culturels.

183    Cependant, comme la requérante l’a indiqué, elle a versé au dossier la traduction certifiée de deux certificats émanant du bureau du procureur général d’Égypte ainsi que les originaux, portant les dates du 24 et du 25 février 2016 et dont il paraît ressortir que les accusations d’atteinte aux fonds publics à l’encontre de la requérante ont été levées et que les affaires en cause ont été classées. Il n’est pas contesté que ces documents ont bien été transmis au Conseil en annexe du courrier de la requérante du 29 février 2016, qui s’y réfère expressément et les mentionne comme pièces jointes. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, si, dans le mémoire en défense, le Conseil a fait valoir des arguments tendant au rejet du troisième moyen, il n’a pas contesté les éléments présentés par la requérante en ce qui concerne les deux affaires en cause.

184    En particulier, le Conseil n’a pas produit d’éléments tendant à démontrer qu’il avait obtenu des autorités égyptiennes, à une date ultérieure, des informations de nature à établir, nonobstant le contenu des documents que la requérante lui avait transmis, que les procédures en cause étaient toujours en cours ou, à tout le moins, qu’il avait procédé à des vérifications en ce sens.

185    Or les documents transmis par la requérante étaient, à tout le moins, de nature à susciter des doutes sérieux concernant le fait que les procédures judiciaires dans les deux affaires en cause fussent toujours en cours.

186    Par conséquent, au regard du contenu de ces documents, les informations fournies par les autorités égyptiennes dans le tableau des affaires du 2 janvier 2016 n’étaient pas suffisantes pour permettre au Conseil de se fonder sur ces deux procédures judiciaires en vue de procéder à la prorogation de la désignation de la requérante par la décision 2016/411.

–       En ce qui concerne les arguments relatifs à la procédure judiciaire dans l’affaire no 144 de 2012

187    En ce qui concerne l’affaire no 144 de 2012, dans le cadre de la requête, la requérante soutient qu’elle n’a jamais eu connaissance d’éléments relatifs à cette affaire et qu’aucune procédure judiciaire n’a jamais été engagée contre elle. En tout état de cause, les allégations relatives à cette affaire ne concerneraient pas le détournement de fonds publics égyptiens.

188    Tout d’abord, il convient de relever que les seules circonstances que la requérante n’aurait pas eu connaissance auparavant des investigations dans cette affaire et qu’elle n’aurait pas été interrogée à ce sujet par les autorités égyptiennes, à les supposer établies, ne sauraient suffire à mettre en doute l’existence desdites investigations. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 est susceptible de s’appliquer non seulement à des personnes jugées responsables de faits de détournement de fonds publics par une décision juridictionnelle mettant fin à une procédure pénale, mais également à des personnes pour lesquelles les investigations menées par les autorités judiciaires en vue d’établir leur responsabilité, dans le cadre d’une telle procédure, sont toujours en cours (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 67, confirmé sur pourvoi par arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 72 ; voir également, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 86). Par conséquent, le fait que les investigations menées dans cette affaire ne soient pas parvenues à un stade où la requérante aurait été interrogée ou se serait vu signifier l’engagement de poursuites contre elle ne saurait être pris en compte.

189    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante entend remettre en cause l’existence d’une procédure judiciaire dans l’affaire en cause, au motif que les investigations y afférentes ne seraient pas placées sous l’autorité d’un juge ou n’auraient pas été validées par celui-ci, il suffit de relever qu’elle ne conteste pas que ces investigations sont placées sous l’autorité du procureur général d’Égypte, qui doit être considéré comme un organe judiciaire (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 81).

190    S’agissant de la question de savoir si les investigations en cause sont relatives à des faits de détournement de fonds publics, il y a lieu de relever que le descriptif de cette affaire figurant dans le tableau des affaires du 2 janvier 2016 indique qu’il est reproché à la requérante, d’une part, le détournement de fonds détenus par des organisations non gouvernementales alors qu’elle exerçait les fonctions de présidente du conseil d’administration de l’autorité chargée de réglementer lesdites organisations et, d’autre part, d’avoir procédé au blanchiment du produit de ce détournement en vue d’en dissimuler l’origine.

191    Or rien n’indique, dans ledit descriptif, que, en l’espèce, les fonds en question auraient une origine publique ou que la nature du contrôle exercé par l’autorité susmentionnée sur les organisations non gouvernementales ou sur leurs fonds serait susceptible d’entraîner, au regard du droit pénal égyptien, la qualification desdits fonds de fonds publics. Par conséquent, les informations relatives à l’affaire en cause dans le tableau des affaires du 2 janvier 2016 ne pouvaient, à elles seules, constituer une base factuelle suffisante pour la prorogation de la désignation de la requérante.

–       En ce qui concerne les arguments relatifs aux procédures judiciaires mentionnées dans le courrier du bureau du procureur général d’Égypte du 22 février 2016

192    La requérante soutient qu’aucune des procédures de gel d’avoirs mentionnées dans le courrier du procureur général d’Égypte du 22 février 2016 ne se réfère aux investigations judiciaires mentionnées dans le courrier de la même autorité du 2 janvier 2016. Par ailleurs, d’une part, en vertu de l’article 208 bis (B) du code de procédure pénale égyptien, l’acquittement définitif de l’ancien chef d’État égyptien et des deux premiers requérants dans l’affaire T‑275/16, prononcée dans le cadre de l’affaire n° 3642 de 2011, rendrait caduque l’ordonnance de gel d’avoirs édictée dans le cadre de cette affaire. D’autre part, dans l’affaire no 10427 de 2012, l’ordonnance de gel des avoirs en cause aurait été annulée par la juridiction pénale. En outre, rien n’indiquerait que les ordonnances de gel d’avoirs adoptées dans le cadre des affaires no 70 de 2014 et no 22 de 2011 s’appliqueraient à la requérante. Enfin, le Conseil n’aurait apporté aucune preuve concrète de l’existence de la première de ces ordonnances et du lien de la seconde avec des investigations relatives à des faits de détournement de fonds publics.

193    Le Conseil rétorque qu’il dispose d’informations fournies par les autorités égyptiennes indiquant que les ordonnances de gel d’avoirs visant la requérante et sa famille sont toujours en vigueur et n’ont pas été contestées, ce qui constitue une base factuelle suffisante.

194    À cet égard, tout d’abord, il ressort du courrier du bureau du procureur général d’Égypte du 22 février 2016 que l’article 208 bis (A) du code de procédure pénale égyptien permet au procureur général de geler les avoirs des prévenus, de leurs épouses et de leurs descendants, s’il existe des doutes quant au fait que ces avoirs soient le fruit des infractions commises par lesdits prévenus. Ensuite, ce courrier indique qu’il existe trois ordonnances de gel d’avoirs en vigueur édictées à l’encontre de l’ancien chef d’État égyptien et des membres de sa famille, contre lesquelles ces personnes n’ont pas présenté de recours. Selon ce courrier, la première de ces ordonnances concerne les investigations enregistrées sous le numéro 1 de l’année 2011, ayant abouti à deux procédures distinctes, d’une part, dans l’affaire no 3642 de 2011 et, d’autre part, dans l’affaire no 10427 de 2012, et cette ordonnance a été validée par le tribunal compétent le 8 mars 2011. Toujours selon ce courrier, la deuxième ordonnance de gel d’avoirs a été rendue à l’encontre de l’ancien chef d’État égyptien, de ses deux fils et des épouses de ces derniers dans l’affaire no 70 de 2014, qui concerne des investigations relatives au blanchiment d’argent. Enfin, ce courrier mentionne l’existence d’une troisième ordonnance de gel d’avoirs, visant l’ensemble des membres de la famille de la requérante et qui est relative aux investigations dans l’affaire no 22 de 2011, qui portent sur des faits de profits illicites. Il indique que cette ordonnance a été validée par la juridiction compétente le 27 octobre 2011.

195    En ce qui concerne la première de ces ordonnances, il y a lieu de relever que les affirmations de la requérante ne sont pas de nature à susciter des doutes sur son existence.

196    En effet, d’une part, les pièces du dossier ne permettent pas de remettre en cause l’affirmation du procureur général d’Égypte dans son courrier du 22 février 2016 selon laquelle cette ordonnance avait été rendue dans le cadre d’investigations qui concernaient initialement les faits qui avaient fait l’objet, par la suite, des affaires no 3642 de 2011 et no 10427 de 2012.

197    À cet égard, le fait que, dans l’affaire no 10427 de 2012, une autre ordonnance de gel d’avoirs, édictée postérieurement à cette ordonnance, a été annulée par la juridiction compétente n’est pas déterminant. En particulier, à la lumière du jugement de cette juridiction, dont une traduction a été jointe à la requête, il y a lieu de remarquer que le champ d’application des deux ordonnances en cause ne se recoupe que très partiellement, celle mentionnée dans le courrier du 22 février 2016 visant l’ensemble des membres de la famille de la requérante tandis que la seconde vise l’ensemble des prévenus dans l’affaire no 10427 de 2012.

198     Par ailleurs, la requérante soutient que, en vertu de l’article 208 bis (B) du code de procédure pénale égyptien, une décision de gel d’avoirs devient automatiquement caduque lorsqu’un acquittement définitif est prononcé dans le cadre de la procédure pénale à laquelle cette décision se réfère. Or cette interprétation ne ressort pas de manière évidente du texte des dispositions invoquées, dont une traduction est annexée à la requête. Par conséquent, elle n’est pas de nature à priver de plausibilité l’affirmation des autorités égyptiennes selon laquelle l’ordonnance rendue dans le cadre des investigations concernant initialement les faits qui ont fait l’objet, par la suite, des affaires no 3642 de 2011 et no 10427 de 2012 est toujours en vigueur, alors même que l’époux et les fils de la requérante ont été acquittés dans la première de ces affaires.

199    D’autre part, la requérante ne conteste pas que, comme le soutient le Conseil, l’ordonnance en cause n’a pas fait l’objet d’un recours devant les juridictions égyptiennes, ni de sa part ni de la part des autres personnes concernées. Or la question de savoir si ladite ordonnance peut être maintenue à son égard en lien avec les procédures pénales dans les affaires no 3642 de 2011 et no 10427 de 2012, que soulève en l’espèce son argumentation, ressortit à la compétence des juridictions égyptiennes, qu’il lui appartient de saisir, si elle s’y croit fondée. Dès lors, nonobstant l’existence de cette question, le Conseil était en droit de se fonder sur l’existence de ladite ordonnance pour procéder à la prorogation de la désignation de la requérante.

200    En ce qui concerne l’ordonnance liée à la procédure pénale dans l’affaire no 70 de 2014, il y a lieu de relever que le courrier du bureau du procureur général d’Égypte du 22 février 2016 n’indique pas que le champ d’application de cette ordonnance inclut les avoirs de la requérante. En effet, il y est seulement fait mention, à cet égard, de l’ancien chef d’État égyptien, de ses fils et des épouses de ces derniers. Ces informations ne permettaient donc pas au Conseil de considérer que la requérante était visée par cette ordonnance.

201    Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’il est seulement indiqué dans le courrier du 22 février 2016 que cette ordonnance se rapporte à des faits de blanchiment d’argent sans autre précision. Il n’est donc pas certain qu’elle se rapporte à une procédure pénale liée à des faits qualifiables de détournement de fonds publics (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 mai 2013, Al Matri/Conseil, T‑200/11, non publié, EU:T:2013:275, points 48 et 49).

202    En ce qui concerne l’ordonnance liée à la procédure pénale dans l’affaire no 22 de 2011, les mêmes considérations qu’au point 201 ci-dessus sont applicables. En effet, il y a lieu de relever que, dans les documents émanant des autorités égyptiennes, il est seulement fait référence, s’agissant de cette procédure pénale, à des investigations relatives à des faits de profits illicites et à des avoirs à l’étranger non déclarés. Le lien avec des faits qualifiables de détournement de fonds publics n’est donc pas établi.

203    Dès lors, il y a lieu de considérer que, si le Conseil ne disposait pas d’informations suffisantes en ce qui concerne les ordonnances liées aux procédures pénales dans les affaires no 70 de 2014 et no 22 de 2011, il était, à tout le moins, en droit de se fonder, en vue de la prorogation de la désignation de la requérante en 2016, sur l’ordonnance de gel d’avoirs qui concerne les investigations enregistrées sous le numéro 1 de l’année 2011.

–       En ce qui concerne les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013

204    S’agissant de l’affaire no 756 de 2012, la requérante soutient que les pièces du dossier n’indiquent pas qu’elle y soit impliquée. Par ailleurs, le fait qu’elle fasse l’objet d’une simple enquête du ministère public égyptien dans cette affaire ne suffirait pas à considérer qu’elle fait l’objet d’une procédure judiciaire. Une telle interprétation aurait, selon elle, pour effet de la priver des garanties de l’aval et de l’intervention judiciaires, ce qui serait contraire aux objectifs de la décision 2011/172 et de l’article 21 TUE. En outre, les faits mentionnés ne correspondraient pas à des faits qualifiables de détournement de fonds publics au sens de la jurisprudence. Enfin, l’ordonnance de saisie des biens dans cette affaire aurait été annulée au motif que la valeur totale des cadeaux allégués aurait été remboursée. La requérante invoque des arguments similaires en ce qui concerne l’affaire no 53 de 2013, à l’exception de celui relatif au remboursement des sommes alléguées.

205    Pour sa part, le Conseil fait valoir que les faits sur lesquels portent les investigations dans ces deux affaires sont constitutifs de détournements de fonds publics.

206    S’agissant, tout d’abord, de l’implication de la requérante dans l’affaire no 756 de 2012, elle ressort des documents émanant du bureau du procureur général d’Égypte annexés au mémoire en défense, à savoir, d’une part, le tableau des affaires du 2 janvier 2016 et, d’autre part, le mémorandum du même jour en réponse aux demandes d’information concernant les affaires dans lesquelles les membres de la famille de l’ancien président de la République sont impliqués, enregistré sous la référence MD/294/16/RELEX.

207    Selon ces documents, l’ancien chef d’État égyptien, ses principaux collaborateurs, la requérante et les requérants dans l’affaire T‑275/16 auraient bénéficié, entre 2006 et 2011, de cadeaux luxueux achetés de manière irrégulière par le journal Al-Ahram, dont l’État est propriétaire, et ces faits seraient susceptibles d’être qualifiés de détournement de fonds publics, la détention desdits cadeaux étant constitutive d’une atteinte aux fonds publics et d’un profit abusif des fonctions publiques par les personnes mises en cause. Ces documents indiquent également que l’affaire a été transmise à un magistrat instructeur et est toujours en cours d’investigation. Force est de constater que ces informations pouvaient constituer une base factuelle suffisante permettant au Conseil de considérer, d’une part, que la requérante faisait l’objet d’une procédure judiciaire engagée par les autorités égyptiennes pour détournement de fonds publics, selon les termes du motif de sa désignation, et, d’autre part, qu’elle pouvait être qualifiée de personne responsable de détournement de fonds publics ou, à tout le moins, de personne associée à une telle personne responsable, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172.

208    Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause ce constat.

209    En premier lieu, la requérante fait valoir que l’affaire no 756 de 2012 n’est pas mentionnée dans la partie du tableau des affaires du 2 janvier 2016 que le Conseil a transmise par courrier du 25 février 2016. Cependant, cette circonstance est sans incidence. En effet, la partie en question dudit tableau est consacrée aux procédures judiciaires dans lesquelles seule la requérante est impliquée, mais non les autres membres de sa famille. Or l’affaire no 756 de 2012 ne concerne pas seulement la requérante, mais aussi ces derniers. En outre, la circonstance alléguée par la requérante qu’elle n’a pas été interrogée dans cette affaire ne saurait remettre en cause son implication.

210    En deuxième lieu, la requérante tente de démontrer que la procédure dont elle ferait l’objet, en l’espèce, ne constituerait pas une procédure judiciaire, mais une simple enquête qui ne serait pas menée dans un cadre judiciaire, c’est-à-dire qui ne bénéficierait pas de l’« aval judiciaire ». Or il ressort des informations fournies par les autorités égyptiennes, rappelées au point 207 ci-dessus, que l’affaire en cause a été transmise à un magistrat instructeur et est toujours en cours d’investigation. Par conséquent, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 188 et 189 ci-dessus, cette argumentation est dénuée de fondement.

211    En troisième lieu, la requérante tente de remettre en cause la qualification de détournement de fonds publics que le procureur général d’Égypte a conférée aux faits sur lesquels porte l’affaire no 756 de 2012.

212    Cependant, il résulte des principes énoncés aux points 146 et 147 ci-dessus que, dès lors que les faits sur lesquels portent les investigations des autorités égyptiennes ont reçu de leur part une qualification pénale correspondant à la notion de détournement de fonds public, le Conseil est en droit de se fonder sur ces investigations. En revanche, il ne lui incombe pas d’examiner l’exactitude et la pertinence de cette qualification, cette tâche relevant de la compétence des juridictions égyptiennes.

213    En l’espèce, la requérante ne conteste pas que les faits sur lesquels portent les investigations dans l’affaire en cause puissent être qualifiés de détournements de fonds publics au regard du droit pénal égyptien. À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la mesure où les faits portent sur l’achat de biens de consommation de luxe par une entité détenue par l’État égyptien, dont les fonds sont donc susceptibles d’être contrôlés par ce dernier, en vue de les offrir à des hauts responsables de cet État, en particulier à l’ancien chef d’État égyptien et à sa famille, le lien avec la notion de détournement de fonds publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, apparaît suffisamment clair et ne nécessite pas de précisions supplémentaires de la part des autorités égyptiennes. Par ailleurs, pour les mêmes raisons, le Conseil n’était pas tenu de rapporter la preuve que, en l’espèce, les autorités égyptiennes avaient subi un préjudice financier quantifiable, dès lors que la possibilité qu’un tel préjudice ait pu résulter de l’achat des cadeaux en cause ressort suffisamment clairement de la description de l’affaire par les autorités égyptiennes. En outre, pour les raisons exposées aux points 171 à 177 ci-dessus, le Conseil ne saurait, en tout état de cause, être tenu d’établir que le comportement présumé de la requérante, mis en cause dans cette affaire, avait sapé les fondements juridiques et institutionnels de l’Égypte.

214    En quatrième et dernier lieu, la circonstance que, dans cette affaire, l’ordonnance de gel des avoirs a été abrogée par une juridiction pénale, notamment en ce qui concerne la requérante, au motif que la valeur totale des cadeaux allégués avait été remboursée, ne fait pas obstacle à ce que le Conseil puisse se fonder sur la procédure pénale en cours dans ladite affaire. En effet, cette décision d’abrogation, qui concerne seulement une mesure conservatoire adoptée dans le cadre de ladite affaire, ne préjuge pas de l’appréciation des faits qui sera portée dans la décision finale rendue à l’issue de la procédure et des conséquences éventuelles qui pourront en résulter concernant la responsabilité pénale de la requérante.

215    En ce qui concerne l’affaire no 53 de 2013, la requérante invoque des arguments similaires à ceux concernant l’affaire no 756 de 2012 sans mentionner, toutefois, un remboursement des sommes alléguées.

216    À cet égard, il y a lieu de constater que cette affaire concerne également des faits de distribution de cadeaux à des personnes haut placées par un journal détenu par l’État égyptien, Al-Tahrīr, et que les documents émanant du bureau du procureur général d’Égypte, en date du 2 janvier 2016, mentionnent que l’enquête est toujours en cours. Dans le mémorandum enregistré sous la référence MD/294/16/RELEX, il est indiqué que l’ancien chef d’État égyptien, la requérante elle-même, les requérants dans l’affaire T‑275/16 ainsi que des collaborateurs de haut niveau ont été interrogés dans le cadre de cette affaire. Par ailleurs, dans la mesure où ces faits concernent l’achat illicite de cadeaux sur le budget d’un organisme contrôlé par l’État au profit de hauts responsables, ils sont qualifiables de détournement de fonds publics. Ces éléments suffisent donc pour considérer que la requérante fait l’objet d’investigations relatives à des faits susceptibles de recevoir cette qualification. Le fait que le tableau des affaires enregistré sous la référence MD/286/16/RELEX ne mentionne, concernant cette affaire, que le montant des cadeaux dont a bénéficié l’époux de la requérante est sans incidence. Certes, la requérante conteste avoir été interrogée dans le cadre de ladite affaire. Toutefois, dans le mémoire en adaptation, elle a indiqué avoir procédé au remboursement des cadeaux versés dans le cadre des investigations en cours dans cette affaire. En outre, les arguments relatifs à la prétendue absence de procédure judiciaire en l’espèce et à l’absence de lien avec un détournement de fonds publics égyptiens ne peuvent être qu’écartés pour les mêmes raisons que celles invoquées aux points 210 à 213 ci-dessus.

217    En conclusion, le Conseil était en droit de considérer que trois des procédures judiciaires mentionnées dans les documents que lui avaient fournis les autorités égyptiennes avant l’adoption de la décision 2016/411, à savoir l’ordonnance de gel d’avoirs qui concerne les investigations enregistrées sous le numéro 1 de l’année 2011 et les investigations dans les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013, constituaient une base factuelle suffisante pour procéder à la prorogation de la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2016/411. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments de la requérante concernant les autres procédures judiciaires dont elle a fait l’objet en Égypte, le troisième moyen doit donc être rejeté en tant qu’il vise cette décision.

ii)    En ce qui concerne les éléments relatifs aux procédures judiciaires en cours ayant servi de fondement à la prorogation de la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2017/496

218    En premier lieu, s’agissant des procédures judiciaires dans les affaires nos 552 et 1021 de 2011, il suffit de relever que le tableau des affaires du 6 janvier 2017, joint au mémoire en adaptation, mentionne, pour la première fois, la clôture des deux affaires en cause et confirme, de ce fait, que le Conseil n’était pas en mesure de se fonder sur celles-ci pour la prorogation de la désignation de la requérante

219    En deuxième lieu, s’agissant de la procédure judiciaire dans l’affaire no 144 de 2012, la requérante, dans le cadre du mémoire en adaptation, ajoute aux arguments de la requête que, contrairement à ce que les éléments produits par les autorités égyptiennes indiquent, elle n’a jamais été membre du conseil d’administration de l’autorité chargée de réglementer les organisations non gouvernementales, et encore moins présidente de ce conseil d’administration. Par ailleurs, elle fait valoir que ces éléments ne permettent pas de déterminer l’existence d’un préjudice quantifiable pour les autorités égyptiennes, ni que les faits reprochés porteraient atteinte à l’État de droit ou aux fondements institutionnels de l’État égyptien. Enfin, les autorités égyptiennes reconnaîtraient elles-mêmes que ce sont des fonds privés qui sont en cause en l’espèce et le procureur général d’Égypte n’aurait même pas cherché à évaluer les montants en cause.

220    Dans les observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil rétorque, en particulier, qu’il ressort des éléments produits par les autorités égyptiennes que les fonds ont été considérés comme publics, en vertu du droit égyptien, du fait que l’autorité publique en cause était en possession de ces fonds.

221    À cet égard, il convient de vérifier si les éléments nouveaux dont le Conseil a eu connaissance avant l’adoption de la décision 2017/496 sont susceptibles de remettre en cause la conclusion selon laquelle cette affaire ne pouvait constituer, à elle seule, une base factuelle suffisante pour la prorogation de la désignation de la requérante.

222    À cet égard, il résulte du mémorandum des autorités égyptiennes enregistré sous la référence WK 1216/2017 EXT 3 et transmis à la requérante le 29 janvier 2017 que, dans cette affaire, il lui est reproché d’avoir détourné les fonds qui étaient destinés à financer les activités des organisations non gouvernementales en Égypte, alors qu’elle était à la tête de l’autorité qui réglemente et surveille ces activités. Ces fonds, alors qu’ils étaient détenus et placés sous le contrôle de cette autorité, n’auraient pas été versés auxdites organisations. Il est également reproché à la requérante d’avoir blanchi le produit de ces détournements sur ses comptes bancaires et ceux de ses fils. Les autorités égyptiennes précisent que ces faits sont punis, notamment, par les articles 112 et 113 du code pénal égyptien et que, dans la mesure où les fonds détournés étaient en possession de l’autorité susmentionnée, les fonds sont considérés comme publics au regard du droit égyptien. Elles ajoutent que les investigations sont toujours en cours, dans l’attente des rapports des comités pertinents visant à déterminer en détail les violations commises, le montant détourné et la méthode de blanchiment de ces fonds.

223    Force est de constater que, sur la base de ces explications, le Conseil disposait de suffisamment d’éléments permettant de considérer que les investigations dans l’affaire en cause portaient sur des faits qualifiables de détournement de fonds publics. En effet, il résulte du libellé des articles 112 et 113 du code pénal égyptien, dont les autorités égyptiennes ont fourni le texte conjointement avec le mémorandum mentionné au point 222 ci-dessus, qu’ils répriment le fait pour un agent public, d’une part, de détourner des fonds qu’il détient à raison des fonctions qu’il occupe et, d’autre part, de s’emparer illégalement de fonds ou de documents ou autres appartenant aux autorités mentionnées à l’article 119 du même code pénal ou de faciliter la commission d’une telle infraction. Il convient de relever que, ainsi qu’il résulte du texte de cet article joint à la requête dans l’affaire T‑275/16, celui-ci vise les cas dans lesquels des fonds sont considérés comme des fonds publics aux fins de constater une des infractions mentionnées dans la même partie dudit code. Ainsi ces dispositions s’appliquent notamment à la sanction de détournement de fonds publics. Par ailleurs, les faits reprochés à la requérante dans l’affaire T‑274/16 peuvent, compte tenu des précisions apportées par les autorités égyptiennes, correspondre à la notion de détournement de fonds publics au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, dès lors qu’ils visent le détournement de fonds placés sous le contrôle d’un organisme chargé de prérogatives de puissance publique par une personne occupant des fonctions au sein de cet organisme.

224    Les arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette analyse.

225    Premièrement, le fait que lesdits fonds puissent être qualifiés de fonds privés, dans la mesure où les organisations non gouvernementales en sont, in fine, les destinataires, n’est pas déterminant, dès lors qu’il résulte du mémorandum des autorités égyptiennes qu’elles ont considéré que les fonds, étant placés sous le contrôle d’une autorité publique, étaient qualifiables de fonds publics au sens du code pénal égyptien. En effet, il résulte des principes énoncés aux points 146 et 147 ci-dessus que, dès lors que les faits sur lesquels portent les investigations des autorités égyptiennes ont reçu de leur part une qualification pénale correspondant à la notion de détournement de fonds public, le Conseil est en droit de se fonder sur ces investigations. En revanche, il ne lui incombe pas d’examiner l’exactitude et la pertinence de cette qualification, cette tâche relevant de la compétence des juridictions égyptiennes.

226    Deuxièmement, le fait que les fonds contrôlés par une autorité publique et destinés à être versés à des organisations non gouvernementales soient détournés à des fins personnelles entraîne nécessairement un préjudice pour cette autorité correspondant au montant des sommes détournées. L’existence d’un tel préjudice en l’espèce peut donc être inférée de manière suffisamment claire des précisions apportées par les autorités égyptiennes.

227    Troisièmement, pour les raisons exposées aux points 171 à 177 ci-dessus, il n’appartient pas au Conseil de vérifier si les faits de détournement de fonds publics reprochés à la requérante sont de nature à porter atteinte à l’État de droit et aux fondements institutionnels de l’Égypte.

228    Quatrièmement, s’agissant d’investigations en cours, il ne saurait être exigé des autorités égyptiennes qu’elles aient d’ores et déjà déterminé le montant des sommes détournées.

229    Cinquièmement, l’affirmation de la requérante selon laquelle elle n’aurait jamais été membre du conseil d’administration de l’autorité chargée de réglementer les organisations non gouvernementales ni, a fortiori, présidente de ce conseil d’administration tend seulement à remettre en cause l’exactitude des éléments de fait sur lesquels repose la procédure judiciaire en cause. Or c’est, en principe, aux juridictions égyptiennes qu’il appartient de vérifier, dans le cadre de l’examen du bien-fondé des accusations portées à l’encontre de la requérante si elle a exercé les fonctions dans le cadre desquelles elle aurait commis les faits de détournement de fonds publics qui lui sont reprochés. Certes, ainsi qu’il a été rappelé au point 148 ci-dessus, il ne peut être exclu que le Conseil soit tenu de solliciter des éclaircissements concernant le fondement d’une procédure judiciaire en présence d’éléments concrets de nature à susciter des interrogations légitimes. Toutefois, en l’espèce, à l’appui de son affirmation, la requérante n’a présenté aucun élément concret permettant d’en apprécier la plausibilité. Ainsi, au regard de cette affirmation, le Conseil n’était pas tenu de procéder à des vérifications.

230    Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que le Conseil pouvait se fonder sur les éléments relatifs à la procédure judiciaire dans l’affaire no 144 de 2012 pour proroger la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2017/496.

231    En troisième lieu, la requérante a présenté de nouveaux éléments en vue de démontrer que la clôture de la procédure dans l’affaire no 3642 de 2011 devrait entraîner, en application du droit égyptien, la caducité de la première ordonnance de gel de fonds mentionnée dans le courrier du procureur général d’Égypte du 22 février 2016 (voir points 192 et 194 ci-dessus), en particulier des avis d’experts en droit égyptien. Cependant, aux points 195 à 199 ci-dessus, il a été constaté, tout d’abord, que les pièces du dossier ne permettaient pas de mettre en doute l’affirmation des autorités égyptiennes selon laquelle cette ordonnance avait été rendue dans le cadre d’une enquête qui concernait initialement des faits ayant donné lieu non seulement à l’affaire no 3642 de 2011, mais également à l’affaire no 10427 de 2012. Ensuite, il a été relevé que la requérante ne contestait pas que ladite ordonnance était toujours en vigueur et n’avait pas fait l’objet d’un recours devant les juridictions égyptiennes. Enfin, il a été relevé que c’était aux juridictions égyptiennes qu’il appartenait d’examiner la question de savoir si ladite ordonnance pouvait être maintenue à l’égard de la requérante au regard des procédures pénales dans les affaires no 3642 de 2011 et no 10427 de 2012. Ces considérations n’étant pas remises en cause par les nouveaux éléments produits par la requérante, il y a lieu de considérer que le Conseil pouvait continuer à se fonder sur l’ordonnance de gel de fonds en cause.

232    En quatrième lieu, dans son mémoire en adaptation, la requérante indique qu’elle n’entend pas traiter de l’affaire no 756 de 2012 (voir points 204 à 214 ci-dessus), au motif qu’il ne serait fait aucune référence à cette affaire, ni dans les courriers du Conseil des 27 janvier et 22 mars 2017, ni dans les éléments émanant des autorités égyptiennes transmis par le Conseil les 27 janvier et 6 février 2017. La requérante a confirmé cette position à l’audience. Cependant, le Conseil, toujours lors de l’audience, a confirmé qu’il entendait se fonder sur cette affaire au motif que les informations actualisées relatives à cette affaire, qui figurent dans le mémorandum des autorités égyptiennes transmis à la requérante le 6 février 2017, démontraient que la procédure judiciaire dans cette affaire était en cours.

233    À cet égard, il ressort du mémorandum susmentionné que l’affaire no 756 de 2012 a été transmise à un magistrat enquêteur qui a adopté récemment une ordonnance rejetant les charges à l’encontre des prévenus et classant l’affaire, laquelle ordonnance a fait l’objet d’un recours du procureur général devant la juridiction compétente. Par conséquent, dans la mesure où, comme le Conseil l’a confirmé à l’audience, ces informations étaient les plus récentes dont il disposait à la date d’adoption de la décision 2017/496, il y a lieu de considérer qu’il était en droit de continuer à se fonder sur cette affaire pour maintenir la désignation de la requérante. En effet, dans la mesure où la décision de classement de cette affaire fait l’objet d’un recours, la procédure doit être considérée comme étant toujours en cours, à tout le moins jusqu’à l’issue dudit recours.

234    En cinquième lieu, s’agissant de l’affaire no 53 de 2013, la requérante ajoute aux arguments de la requête qu’elle a remboursé le montant des sommes qu’il lui est reproché d’avoir détournées. En attesterait le procès-verbal de l’enquête du 18 février 2017. Ces faits auraient été portés à la connaissance du Conseil dans le courrier du 24 février 2017. Cependant, la requérante n’allègue pas que les autorités égyptiennes, tirant les conséquences de ce remboursement, l’ont exonérée de toute responsabilité pénale ou ont clôturé l’affaire. Dans ces conditions, nonobstant ces informations, le Conseil pouvait continuer à se fonder sur la procédure judiciaire en cause pour la prorogation de la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2017/496.

235    En sixième et dernier lieu, le grief de la requérante selon lequel il n’existerait aucune base factuelle pour considérer qu’elle fait l’objet d’une procédure de recouvrement d’avoirs engagée par les autorités égyptiennes ne peut qu’être rejeté comme inopérant. En effet, ainsi qu’il résulte du point 150 ci-dessus, il n’est pas nécessaire que ce motif soit étayé, dès lors que tel est le cas du motif tiré de l’existence d’une procédure judiciaire en cours visant la requérante, qui suffit, à lui seul, pour justifier la prorogation de sa désignation, ces deux motifs étant alternatifs. Or, au regard des considérations qui précèdent, il apparaît que le Conseil pouvait estimer, à la date de l’adoption de la décision 2017/496, que plusieurs procédures judiciaires visant la requérante et relatives à des faits de détournement de fonds publics étaient en cours, à savoir l’ordonnance de gel d’avoirs qui concerne les investigations enregistrées sous le numéro 1 de l’année 2011 et les procédures pénales en cours dans les affaires nos 144 et 756 de 2012 et no 53 de 2013.

236    Il résulte de tout ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré de l’insuffisance de motivation des décisions 2016/411 et 2017/496

237    La requérante soutient que les motifs de sa désignation sur la liste annexée à la décision 2011/172 présentent un caractère général et stéréotypé et n’identifient pas les raisons concrètes de la prorogation de cette désignation. Ces motifs ne lui permettraient pas d’exercer ses droits de la défense. S’agissant d’une prorogation de la décision initiale et compte tenu du délai important écoulé depuis cette dernière, aucune circonstance ne justifierait une motivation aussi succincte.

238    Le Conseil rétorque que le contexte et les circonstances, en particulier la correspondance abondante qu’il a entretenue avec les conseils de la requérante dans le cadre de l’adoption de la décision 2016/411, ont permis de compléter les motifs étayant la prorogation de sa désignation, de manière à lui permettre d’en comprendre les raisons spécifiques et concrètes. Ainsi, cette motivation serait conforme à la jurisprudence.

239    Selon une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Par ailleurs, la motivation d’une mesure de gel d’avoirs ne saurait, en principe, consister seulement en une formulation générale et stéréotypée. Une telle mesure doit, au contraire, indiquer les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère que la réglementation pertinente est applicable à l’intéressé (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 145 et 146 et jurisprudence citée).

240    En l’espèce, s’agissant tout d’abord de la prorogation de la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2016/411, il y a lieu de constater, d’une part, qu’il ressort de la décision 2011/172 que la requérante a été désignée à l’annexe de cette décision au regard de la situation en Égypte, au motif qu’elle faisait l’objet d’une procédure judiciaire engagée par les autorités égyptiennes pour détournement de fonds publics, sur la base de la CNUCC. Ainsi qu’il a été indiqué, ce motif n’a pas été modifié, y compris lors de l’adoption de la décision 2016/411. Or ces considérations de fait exposent de manière suffisamment claire et non équivoque les raisons pour lesquelles le Conseil a considéré qu’elle devait faire l’objet du gel d’avoirs prévu par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172. Par ailleurs, bien que, comme la requérante le fait valoir, cette motivation soit identique pour l’ensemble des personnes inscrites à l’annexe de cette décision, elle n’en présente pas, pour autant, un caractère général et stéréotypé, dans la mesure où elle ne reproduit pas une disposition générale, mais vise à décrire la situation spécifique et concrète de chacune de ces personnes, notamment de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 114 et 115, confirmé sur pourvoi par arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 93).

241    D’autre part, comme le Conseil le souligne à bon droit, il convient, pour apprécier le caractère suffisant de cette motivation, de tenir compte du contexte dans lequel les décisions 2016/411 et 2017/496 sont intervenues, en particulier des courriers que cette institution a adressés aux conseils de la requérante en vue de leur fournir des informations relatives aux éléments concrets transmis par les autorités égyptiennes et de répondre à leurs observations.

242    En particulier, tout d’abord, il convient de souligner que, dans son courrier du 25 février 2016, le Conseil a transmis l’extrait du tableau des affaires du 2 janvier 2016 relatif spécifiquement aux procédures dans lesquelles seule la requérante était impliquée, tout en rappelant que ledit tableau avait également été transmis, dans son intégralité, aux conseils de cette dernière en annexe du courrier du 12 février 2016 concernant les requérants dans l’affaire T‑275/16. Par ailleurs, comme il a été indiqué au point 166 ci-dessus, les conseils de la requérante étaient conscients du fait que les documents qui leur avaient été transmis le 12 février 2016 étaient pertinents également pour elle. Ainsi qu’il résulte de l’examen du troisième moyen, l’ensemble de ces documents contiennent des informations précises, circonstanciées et concrètes sur le déroulement des procédures judiciaires concernant la requérante et les faits faisant l’objet de ces procédures. Enfin, dans son courrier du 21 mars 2016, notifiant à la requérante la décision 2016/411, le Conseil a répondu aux observations qu’elle avait présentées dans ses courriers antérieurs et a indiqué, en se référant aux informations transmises dans les courriers des 12 et 25 février 2016, qu’il considérait que cette personne continuait à faire l’objet de procédures judiciaires en Égypte pour des faits de détournement de fonds publics. Par ailleurs, il s’est référé au courrier du 22 février 2016 du bureau du procureur général d’Égypte, concernant les ordonnances de gel d’avoirs prises à l’encontre des membres de la famille de l’ancien président de la République et a joint ledit courrier.

243    Dans ces conditions, la requérante était en mesure, d’une part, de comprendre les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil avait considéré qu’elle continuait de satisfaire au critère fixé à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et, d’autre part, de contester utilement, dans le cadre des présents recours, ces raisons, notamment en présentant ses observations sur les informations fournies par les autorités égyptiennes au Conseil, le cas échéant, sur la base d’éléments à décharge appropriés.

244    Ces considérations sont applicables en ce qui concerne la prorogation de la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2017/496. En effet, il y a lieu de relever que le Conseil a transmis, par courriers des 27 janvier et 6 février 2017, les éléments fournis par les autorités égyptiennes en vue d’actualiser les informations relatives aux procédures judiciaires concernant la requérante ainsi que les explications de ces autorités visant à répondre aux interrogations du Conseil concernant certaines procédures judiciaires. En outre, le courrier du 22 mars 2017, dans lequel le Conseil expose les raisons pour lesquelles il a décidé de proroger la désignation de la requérante jusqu’au 22 mars 2018 est motivé de manière analogue à son courrier du 21 mars 2016.

245    Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

e)      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit à une bonne administration et du droit à une protection juridictionnelle effective

246    Dans le cadre du présent moyen, la requérante soulève trois griefs. Premièrement, nonobstant le délai écoulé depuis l’adoption de la décision initiale, la requérante ne se serait vu communiquer aucun élément de preuve sérieux et crédible ni aucun élément de preuve concret au soutien des griefs justifiant les mesures restrictives à son égard. Deuxièmement, le Conseil n’aurait pas préalablement informé la requérante des motifs réels retenus contre elle et ne l’aurait pas mis en mesure de faire valoir son point de vue préalablement à l’adoption de la décision 2016/411. En particulier, le Conseil se serait borné à transmettre un courrier des autorités égyptiennes sans préciser sur quelles affaires mentionnées dans ce courrier il se fondait. Par ailleurs, la requérante fait valoir que le Conseil n’a communiqué le courrier du 22 février 2016 que postérieurement à l’adoption de la décision 2016/411, de sorte qu’elle n’a pas pu répondre aux éléments figurant dans ce courrier. Troisièmement, il n’y aurait aucune preuve que le Conseil aurait examiné le bien-fondé des motifs allégués avec soin et impartialité en l’absence de réponse de sa part aux éléments à décharge présentés par la requérante antérieurement à la décision 2016/411 et compte tenu du rejet sommaire de ses arguments dans le courrier du 21 mars 2016.

247    Dans le cadre du mémoire en adaptation, au soutien du deuxième grief, la requérante reproche au Conseil de n’avoir pas indiqué quelle était la base factuelle sur laquelle reposait la modification du motif de désignation introduite par la décision 2017/496. De plus, au soutien du troisième grief, la requérante fait valoir que le groupe Mashreq/Maghreb, qui est l’instance préparatoire compétente au sein du Conseil pour traiter des questions liées à l’Égypte, a formulé sa proposition de prorogation de sa désignation de la requérante le 20 février 2017, antérieurement aux courriers de la requérante des 28 février et 8 mars 2017.

248    En défense, le Conseil rétorque qu’il a exposé les raisons pour lesquelles il envisageait de maintenir l’inscription du nom de la requérante à l’annexe de la décision 2016/411 et qu’il a pris en compte ses observations, auxquelles il a répondu dans son courrier du 21 mars 2016.Il se prévaut, en substance, d’arguments analogues dans le cadre de ses observations sur le mémoire en adaptation.

249    Selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent assurer, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, ce qui comprend notamment le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 326, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 97 et 98).

250    En particulier, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision de désigner une personne sur une liste de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés ou de la décision de proroger cette désignation, le respect des droits de la défense exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont dispose cette autorité à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, et ce afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. En outre, lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard. Enfin, lorsqu’il s’agit d’une décision consistant à maintenir le nom de la personne concernée sur une telle liste, le respect de cette double obligation procédurale doit, contrairement à ce qui est le cas pour une inscription initiale, précéder l’adoption de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 à 113 et jurisprudence citée). En revanche, il résulte de la jurisprudence que, lorsque ladite décision se borne à proroger la désignation de la personne concernée sur une telle liste sans modifier les motifs justifiant ce maintien, le respect de cette double obligation procédurale ne saurait être exigé du Conseil (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, points 26 et 27).

251    Cela étant, le respect du droit d’être entendu suppose que la personne concernée conserve en permanence le droit de présenter des observations, a fortiori lors des réexamens périodiques des mesures restrictives la visant (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point  28). Le droit d’être entendu implique également que, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci, l’obligation de motiver sa décision en identifiant les raisons individuelles, spécifiques et concrètes, pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que la personne concernée doit faire l’objet de mesures restrictives constituant le corollaire de ce droit (arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 88, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 114 et 116).

252    En outre, il convient de tenir compte du fait que l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102).

253    En premier lieu, il convient d’examiner les griefs de la requérante en tant qu’ils visent la décision de prorogation de sa désignation par la décision 2016/411.

254    En ce qui concerne le premier grief, en tant qu’il vise l’absence de communication de preuves en lien tant avec l’adoption de la décision 2011/172 qu’avec l’adoption de la décision 2016/411, il a été rappelé au point 242 ci-dessus que le Conseil a communiqué aux conseils de la requérante, antérieurement à l’adoption de la décision 2016/411, les documents du 2 janvier 2016, qui contiennent un état actualisé des procédures judiciaires en cours dont elle fait l’objet en Égypte. Ainsi qu’il résulte de l’examen du troisième moyen, son nom est mentionné dans ces documents, en lien avec, à tout le moins, plusieurs des procédures judiciaires qui y sont énumérées. Par conséquent, indépendamment de la question de savoir si le Conseil était tenu de lui fournir des éléments actualisés relatifs au maintien du gel de ses avoirs dans le cadre de la décision 2016/411 différents de ceux dont il disposait pour la décision initiale, il y a lieu de constater, en tout état de cause, que le présent grief manque en fait.

255    En tant que ce grief vise l’absence d’indices sérieux ou de preuves crédibles de nature à étayer la prorogation de la désignation de la requérante, il doit être rejeté comme inopérant dans le cadre du présent moyen. En effet, il s’agit là d’une question qui a trait au bien-fondé de cette prorogation, déjà traitée, au demeurant, dans le cadre du troisième moyen, et qui est par conséquent distincte de la question de savoir si les droits de la défense de la requérante ont été violés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 134).

256    En ce qui concerne le deuxième grief, il y a lieu de constater que, nonobstant la communication des documents du 2 janvier 2016 dans le cadre des courriers des 12 et 25 février 2016, le Conseil a communiqué à la requérante le courrier des autorités égyptiennes du 22 février 2016 seulement en annexe de son courrier du 21 mars 2016, notifiant l’adoption de la décision 2016/411. Par conséquent, la requérante n’a pas pu présenter ses observations sur les informations fournies par les autorités égyptiennes dans ce courrier, antérieurement à l’adoption de cette décision, et le Conseil n’a pas été en mesure d’en tenir compte. Par ailleurs, comme il a été indiqué au point 165 ci-dessus, antérieurement au mémoire en défense, le Conseil n’avait pas expressément indiqué à la requérante qu’il était susceptible de se fonder non seulement sur les procédures judiciaires dont elle faisait spécifiquement l’objet et qui figuraient dans le document que le Conseil lui a communiqué le 25 février 2016, mais encore sur les autres procédures judiciaires la concernant, qui étaient mentionnées dans les documents du 2 janvier 2016 transmis à ses conseils le 12 février 2016.

257    Cependant, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour que l’existence d’une irrégularité se rapportant aux droits de la défense conduise à l’annulation de l’acte litigieux, il est nécessaire que, en raison de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense du demandeur (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 81, et du 18 septembre 2017, Uganda Commercial Impex/Conseil, T‑107/15 et T‑347/15, non publié, EU:T:2017:628, point 105).

258    Or, en l’espèce, d’une part, comme il a été indiqué au point 166 ci-dessus, les conseils de la requérante dans l’affaire T‑274/16 ne pouvaient ignorer que le Conseil était susceptible de se fonder sur l’ensemble des procédures judiciaires l’impliquant qui étaient mentionnées dans les documents du 2 janvier 2016, transmis à ces avocats le 12 février 2016. Il leur appartenait, s’ils s’y croyaient fondés, de présenter, au nom de leur cliente, des éléments à décharge concernant non seulement les procédures mentionnées dans le document joint au courrier du Conseil du 25 février 2016, mais aussi les autres procédures l’impliquant.

259    Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument selon lequel le Conseil n’a pas précisé sur quelles affaires mentionnées dans les documents des autorités égyptiennes transmis dans son courrier du 25 février 2016 il entendait se fonder, il y a lieu de relever que la requérante ne démontre pas quelle incidence concrète cette prétendue omission a pu avoir sur ses droits de la défense. En effet, la seule circonstance que, en l’absence d’une telle indication, elle a dû présenter des observations sur l’ensemble des procédures judiciaires mentionnées dans ce courrier ne saurait, à l’évidence, porter atteinte à ses droits de la défense, dès lors qu’elle a été en mesure de faire connaître utilement son point de vue à cet égard.

260    D’autre part, la requérante n’a pas démontré, dans le cadre de son recours, qu’elle aurait été en mesure de remettre en cause la pertinence des informations fournies par les autorités égyptiennes en ce qui concerne l’ensemble des procédures judiciaires sur lesquelles elle n’a pas présenté d’observations antérieurement à l’adoption de la décision 2016/411. En effet, il ressort des points 194 à 217 ci-dessus que les éléments qu’elle a présentés dans le cadre de son recours ne sont pas de nature à établir que le Conseil aurait dû nourrir des doutes légitimes s’agissant de la possibilité de se fonder sur l’ordonnance de gel d’avoirs concernant les investigations enregistrées sous le numéro 1 de l’année 2011 ainsi que sur les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013 pour la prorogation de sa désignation. Le deuxième grief doit donc être rejeté.

261    En ce qui concerne le troisième grief, il suffit de relever que la circonstance que le Conseil n’a pas répondu en détail à l’ensemble des arguments que la requérante a fait valoir dans ses courriers antérieurs à l’adoption de la décision 2016/411 ne signifie pas qu’il ne les a pas examinés à suffisance de droit. Au demeurant, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’examen du quatrième moyen (voir points 240 à 243 ci-dessus), la décision 2016/411 est suffisamment motivée.

262    Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté en tant qu’il vise la prorogation de la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2016/411.

263    En second lieu, s’agissant de la prorogation de la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2017/496, il y a lieu de rappeler que, comme il a été relevé au point 244 ci-dessus, elle s’est vu, en tout état de cause, communiquer les informations fournies par les autorités égyptiennes sur lesquelles le Conseil s’est fondé, à une date lui permettant de présenter des observations avant l’adoption de la décision 2017/496. Par ailleurs, les considérations énoncées au point 259 ci-dessus sont applicables s’agissant du fait que le Conseil n’a pas indiqué explicitement quelles procédures judiciaires, parmi celles mentionnées dans les documents des autorités égyptiennes transmis à la requérante, étaient susceptibles de servir de base factuelle à la prorogation de sa désignation dans le cadre de la décision 2017/496.

264    En ce qui concerne l’argument tiré de ce que le Conseil n’a pas indiqué sur quelle base factuelle il avait procédé à l’ajout d’un nouveau motif de désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2017/496, il est inopérant pour les raisons exposées au point 235 ci-dessus.

265    En ce qui concerne l’argument tiré de la date à laquelle la proposition de prorogation de la désignation de la requérante a été présentée par le groupe de travail Mashreq/Maghreb, il est également dénué de pertinence. En effet, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, cette proposition constitue un simple acte préparatoire qui ne préjugeait pas de la possibilité, pour le Conseil, de prendre en compte les observations ultérieures de la requérante dans sa décision finale. C’est pourquoi, au demeurant, dans son courrier du 27 janvier 2017, le Conseil lui a indiqué qu’il envisageait la prorogation de sa désignation et l’a invitée à présenter des observations à cet égard. En tout état de cause, elle a présenté des observations par courriers du 15 décembre 2016 et du 10 février 2017 et a pu, en particulier dans ce dernier courrier, présenter des observations sur les éléments transmis par le Conseil dans ses courriers des 27 janvier et 6 février 2017. Ces observations ont donc pu être prises en compte par les différentes instances compétentes du Conseil, en particulier par le groupe de travail Mashreq/Maghreb, en vue de sa proposition du 20 février 2017.

266    Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

f)      Sur le sixième moyen, tiré d’une limitation injustifiée et disproportionnée du droit de propriété de la requérante et d’une atteinte à sa réputation

267    À titre subsidiaire, pour le cas où le Conseil serait en mesure d’étayer les motifs invoqués pour le maintien de l’inscription de son nom à l’annexe de la décision 2011/172, la requérante invoque, dans le cadre du sixième moyen, une restriction injustifiée et disproportionnée de ses droits fondamentaux. Elle mentionne, à cet égard, l’article 16 et l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, qui consacrent respectivement la liberté d’entreprise et le droit de propriété.

268    Selon la requérante, le gel de ses avoirs dans l’Union ne respecterait aucune des deux conditions fixées par la jurisprudence concernant la légalité des mesures restrictives, à savoir qu’elles doivent, d’une part, poursuivre un objectif d’intérêt général et, d’autre part, être nécessaires et proportionnelles à l’objectif visé.

269    S’agissant de la première condition, l’objectif de soutien de l’État de droit en Égypte ne pourrait pas constituer un objectif crédible du gel des avoirs de la requérante, dès lors que les autorités égyptiennes n’auraient entrepris aucune démarche depuis l’année 2011 pour recouvrer ses avoirs dans l’Union, contrairement à ce qu’elles annonçaient dans leur courrier du 22 février 2011, et que le régime égyptien actuel porterait atteinte à la démocratie, à l’État de droit, aux droits de l’homme et aux principes du droit international.

270    En ce qui concerne la seconde condition, le gel d’avoirs édicté par le Conseil ne serait pas nécessaire, dans la mesure où, dans son courrier du 21 février 2011, le gouvernement égyptien avait demandé aux autorités judiciaires de certains États membres de geler les avoirs de l’ancien chef de l’État égyptien et des membres de sa famille. Or les États membres seraient davantage à même d’aider les autorités égyptiennes et, du fait de l’intervention des autorités judiciaires de ces États, l’atteinte aux droits fondamentaux de la requérante serait moins importante. Par ailleurs, il n’y aurait aucune référence à un transfert des avoirs de la requérante vers les États membres de l’Union dans les procédures judiciaires invoquées par le Conseil. En outre, le Conseil n’aurait pas examiné si le gel de tous les avoirs de la requérante dans l’Union était la mesure la moins contraignante. En particulier, il n’aurait pas examiné si un gel des avoirs ne dépassant pas le montant réclamé à la requérante serait suffisant, ou si celle-ci disposait d’avoirs en Égypte lui permettant de satisfaire à toute réclamation éventuelle. Enfin, faute d’avoir entrepris des investigations pour déterminer le montant des fonds détournés depuis l’année 2011, le Conseil ne pourrait plus se fonder sur les considérations du Tribunal énoncées au point 208 de l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), selon lesquelles, en l’absence de décision juridictionnelle, il ne pouvait être exigé du Conseil de déterminer la nature et le quantum des éventuels détournements de fonds publics égyptiens en cause.

271    Dans le cadre du mémoire en adaptation, la requérante invoque, en outre, au soutien du présent moyen, la durée du gel de ses avoirs, qui est prorogé depuis six ans, ce qu’elle considère comme excessif.

272    Le Conseil rétorque que la position de la requérante quant au caractère non nécessaire et disproportionné du gel de ses avoirs dans l’Union est infirmée par les considérations du Tribunal aux points 202 à 204 et 206 à 209 de l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), confirmées par la Cour au point 113 de l’arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil (C‑220/14 P, EU:C:2015:147). Dans la duplique, le Conseil ajoute que, dans la mesure où les juridictions égyptiennes n’ont pas statué sur le fond, il ne peut déterminer de manière claire quels sont les avoirs détournés par la requérante. Par ailleurs, une limitation du gel de ses avoirs dans l’Union ne serait pas efficace, compte tenu du caractère immédiatement applicable de ce gel d’avoirs dans l’ensemble des États membres et, par conséquent, de l’impossibilité, dans cette hypothèse, pour les opérateurs compétents, de déterminer, dans un premier temps, le montant des avoirs déjà gelés.

273    À titre liminaire, il convient de relever que, si, dans l’intitulé du sixième moyen, la requérante se réfère à une atteinte à sa réputation, elle invoque seulement, dans le cadre de son argumentation, une violation de l’article 16 de la Charte, qui consacre la liberté d’entreprise, et de l’article 17, qui consacre le droit de propriété. En tout état de cause, les conditions fixées par la jurisprudence pour qu’une atteinte à la réputation soit licite sont analogues à celles régissant la légalité d’une atteinte à la liberté d’entreprise et au droit de propriété.

274    À cet égard, il convient de rappeler que, au regard du large pouvoir d’appréciation du Conseil en l’espèce, seul le caractère manifestement inapproprié de mesures restrictives, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter leur légalité. Ce large pouvoir d’appréciation doit être reconnu au Conseil, y compris pour la détermination de la nature et de la portée de ces mesures. Par ailleurs, il y a lieu également de rappeler que le droit de propriété et la liberté d’entreprise constituent des droits fondamentaux qui ne sont cependant pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au droit d’exercer librement une activité professionnelle, tout comme à l’usage du droit de propriété, en particulier dans le cadre d’une décision ou d’un règlement du Conseil prévoyant des mesures restrictives, à la condition que ces restrictions répondent effectivement aux objectifs d’intérêt général poursuivis et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 154 à 156 et jurisprudence citée). Le même raisonnement s’applique, mutatis mutandis, à son droit à la réputation (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115).

275    En l’espèce, tout d’abord, la requérante conteste le fait que le maintien du gel de ses avoirs dans l’Union, par l’effet des décisions 2016/411 et 2017/496, réponde à l’objectif de soutien de l’État de droit en Égypte.

276    À cet égard, il importe, à titre liminaire, de rappeler que, comme il est exposé au point 173 ci-dessus, l’objectif de soutien de l’État de droit en Égypte constitue, certes, l’objectif final de la politique dans le cadre de laquelle s’inscrit la décision 2011/172, mais non une condition supplémentaire de légalité du gel d’avoirs édictée par cette décision. Ledit gel vise, plus spécifiquement, ainsi qu’il a été rappelé à plusieurs reprises, à aider les autorités égyptiennes à lutter contre le détournement de fonds publics égyptiens en facilitant la constatation, par ces autorités, des détournements commis et en préservant la possibilité, pour elles, d’en recouvrer le produit.

277    En ce qui concerne, d’une part, l’argument tiré de ce que les autorités égyptiennes n’auraient entrepris, depuis 2011, aucune démarche pour recouvrer les sommes détournées par la requérante, il suffit de constater que ces démarches supposent que les procédures judiciaires dont elle a fait l’objet aient abouti à une décision définitive du juge compétent constatant lesdits détournements. C’est seulement sur cette base que les autorités égyptiennes peuvent accomplir les étapes procédurales nécessaires en vue de solliciter auprès des États concernés le recouvrement desdits fonds.

278    Or il résulte des documents du 2 janvier 2016 que les procédures judiciaires sur lesquelles le Conseil pouvait, en l’espèce, se fonder n’avaient pas abouti à une décision statuant définitivement sur la responsabilité de la requérante concernant les faits de détournement de fonds publics en cause.

279    En ce qui concerne, d’autre part, l’argument de la requérante tiré de la situation politique actuelle en Égypte, il suffit de relever que, comme cela est exposé aux points 66 à 78 ci-dessus, la requérante n’a pas établi que le Conseil aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de cette situation politique et dans sa mise en balance avec d’autres facteurs, tels que l’objet du gel d’avoirs litigieux, en considérant que ce dernier devait être prorogé. De même, il résulte des points 115 à 132 ci-dessus que la requérante n’est pas parvenue à établir que le Conseil aurait dû nourrir des interrogations légitimes quant au risque que, dans le cadre des procédures judiciaires dont elle fait l’objet en Égypte, elle subisse des violations de son droit à un procès équitable. Par conséquent, les considérations de la requérante selon lesquelles la prorogation du gel de ses avoirs ne serait pas propre à réaliser l’objectif de soutien de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux en Égypte ne peuvent qu’être rejetées.

280    Ensuite, s’agissant de la nécessité du gel d’avoirs, il convient de rappeler, en premier lieu, que le gel des fonds de la requérante, qui a été adopté sur le fondement de l’article 29 TUE, constitue une mesure autonome visant à réaliser les objectifs de la PESC, et non une mesure visant à répondre à une demande d’assistance judiciaire des autorités égyptiennes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 146).

281    Par conséquent, pour apprécier si le gel des avoirs de la requérante était nécessaire ou non au regard de ses objectifs, lesquels sont propres à la PESC, la question de savoir si des mesures prises par des autorités judiciaires d’États membres seraient mieux à même de répondre à la demande d’assistance des autorités égyptiennes et de mieux protéger les droits fondamentaux de la requérante est dénuée de pertinence.

282    En tout état de cause, d’une part, il convient de relever que la requérante ne saurait affirmer que les autorités judiciaires des États membres sont mieux à même d’apporter leur soutien aux autorités égyptiennes que le Conseil. En effet, indépendamment de la question de savoir si le gel des avoirs de la requérante dans l’Union édicté en vertu de la décision 2011/172 peut être assimilé à une décision d’une autorité judiciaire d’un État membre d’effet équivalent (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 64), il suffit de relever que, en ce qu’il s’applique à l’ensemble du territoire du l’Union, cette mesure est, à l’évidence, mieux à même de garantir l’intégrité des avoirs visés que des décisions prises par des autorités des États membres, dont la portée est limitée, pour chacune d’entre elles, au territoire de l’État membre en cause.

283    D’autre part, il y a lieu de rappeler que le gel des avoirs de la requérante présente, par nature, un caractère temporaire et réversible et fait l’objet de certaines limitations et dérogations, en vertu de l’article 1er, paragraphes 3 à 5, de la décision 2011/172, de sorte qu’il ne porte pas atteinte à la substance de son droit de propriété et de sa liberté d’entreprise (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 163 et jurisprudence citée). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent assurer, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, notamment le droit à une bonne administration, qui comprend le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier, ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, points 127 et 128 et jurisprudence citée).

284    Dans ces conditions, la requérante n’établit pas que ses droits fondamentaux bénéficieraient d’une protection insuffisante dans le cadre de la procédure devant le Conseil et devant les juridictions de l’Union. Dès lors, elle n’établit pas qu’il serait nécessaire, pour assurer cette protection, que le gel de ses avoirs résulte de l’intervention d’une autorité judiciaire d’un État membre.

285    En deuxième lieu, le Tribunal a déjà jugé, dans des circonstances analogues à la présente affaire, qu’était dénuée d’incidence la circonstance que les procédures judiciaires dont la partie requérante faisait l’objet en Tunisie ne se référaient pas à des faits de détention d’avoirs illicites dans l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 57 et jurisprudence citée). Ce raisonnement est applicable, en l’espèce, à l’argument de la requérante tiré de ce que les motifs de sa désignation ne mentionnent pas qu’elle aurait transféré le produit des détournements en cause vers l’Union. En effet, le fait que la requérante fasse l’objet en Égypte de procédures judiciaires en cours liées à des faits de détournement de fonds publics constituait, en soi, un élément suffisant pour que les fonds dans l’Union soient gelés. En tout état de cause, il résulte des considérations énoncées au point 158 ci-dessus que l’effet utile du gel d’avoirs serait compromis si sa légalité était conditionnée à l’existence d’éléments permettant d’établir que la requérante avait transféré le produit de détournements de fonds publics vers l’Union.

286    En troisième lieu, s’agissant du caractère disproportionné du gel d’avoirs litigieux, il convient de rappeler qu’il a été itérativement jugé qu’un gel partiel des avoirs d’une personne faisant l’objet de mesures restrictives de la nature de celles édictées dans le cadre de la décision 2011/172 ne permettrait pas de répondre à l’objectif visé. Il n’existe donc pas de mesure moins contraignante qu’un gel de l’ensemble des avoirs de la requérante détenus dans l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 233, et du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 161).

287    Par ailleurs, ainsi qu’il a été indiqué au point 283 ci-dessus, le gel des avoirs de la requérante ne porte pas atteinte à la substance de son droit de propriété et de sa liberté d’entreprise.

288    S’agissant du droit à la réputation, il suffit de constater, d’une part, que les motifs de la désignation de la requérante à l’annexe de la décision 2011/172 et du règlement n° 270/2011 ne mentionnent pas les circonstances concrètes des faits qui font l’objet des procédures judiciaires ou des procédures de recouvrement d’avoirs visant la requérante, mais se bornent à mentionner la qualification pénale de ces faits retenue par les autorités égyptiennes. D’autre part, le Conseil s’est limité à mentionner l’existence de telles procédures sans se prononcer sur la question de savoir la culpabilité de la requérante était établie ou non (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 juillet 2018, Klyuyev/Conseil, T‑240/16, non publié, EU:T:2018:433, point 182). L’atteinte à la réputation de la requérante n’excède donc pas ce qui est strictement nécessaire aux fins du respect de l’obligation de motivation.

289    Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel, en substance, le Tribunal ne pourrait plus se fonder sur le raisonnement adopté au point 208 de l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), il n’est, en tout état de cause, pas fondé. En effet, dans ce point, le Tribunal a considéré que, à la date d’adoption de la décision 2011/172 et du règlement no 270/2011, le Conseil ne pouvait pas connaître le montant des éventuels détournements de fonds publics commis par le premier requérant dans cette affaire. Or il suffit de constater que, pour les raisons exposées au point 278 ci-dessus, le Conseil, à la date d’adoption de la décision 2016/411, n’était pas davantage en mesure de déterminer un tel montant en ce qui concerne la requérante.

290    En ce qui concerne l’argument tiré de la durée du gel d’avoirs depuis la désignation initiale de la requérante, qui est énoncé dans le cadre du mémoire en adaptation, il convient de rappeler que la longueur de la période pendant laquelle une mesure telle que la mesure litigieuse est appliquée constitue un des éléments dont le juge de l’Union doit tenir compte aux fins de l’examen de la proportionnalité de ladite mesure (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, CW/Conseil, T‑516/13, non publié, EU:T:2016:377, point 172).

291    Cependant, en l’espèce, au regard de toutes les circonstances pertinentes examinées aux points 277 à 289 ci-dessus, ce seul élément ne saurait, à lui seul suffire pour établir le caractère disproportionné du gel des avoirs de la requérante. À cet égard, d’une part, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 64 ci-dessus, au regard de l’objet de la décision 2011/172, les mesures restrictives édictées dans ce cadre doivent, en principe, être maintenues jusqu’à l’aboutissement des procédures judiciaires en Égypte pour conserver leur effet utile. Or il a été établi que, à la date de la prorogation de la désignation de la requérante en 2017, des procédures judiciaires la visant liées à des faits de détournement de fonds publics étaient toujours en cours. Par ailleurs, il y a lieu de constater que ces procédures, à tout le moins certaines d’entre elles, sont liées à des faits complexes et ont connu un certain nombre d’évolutions. Les pièces du dossier ne font donc pas apparaître le caractère manifestement excessif de la durée de ces procédures. Le présent argument doit donc être rejeté.

292    Il résulte de tout ce qui précède que le sixième moyen doit être rejeté.

B.      Sur le recours dans l’affaire T275/16

293    À titre liminaire, pour les raisons invoquées aux points 31 à 35 ci-dessus, il y a lieu de constater, d’office, l’irrecevabilité des conclusions visant à l’annulation du maintien, par le règlement d’exécution 2017/491, de la désignation des requérants sur la liste annexée au règlement no 270/2011, les parties ayant été entendues sur cette question lors de l’audience.

294    Au soutien de leur recours, les requérants invoquent les mêmes moyens que ceux soulevés à l’appui du recours dans l’affaire T‑274/16.

1.      Sur le premier moyen

295    En tant que le présent moyen repose sur les mêmes branches, griefs et arguments que le premier moyen du recours dans l’affaire T‑274/16, il doit être rejeté pour les motifs exposés aux points 41 à 84 ci-dessus. En ce qui concerne la référence des requérants aux violations du droit à un procès équitable alléguées dans le cadre du deuxième moyen, qui seraient intervenues dans le cadre des procédures pénales dont les deux premiers requérants font l’objet, elle est, pour les raisons énoncées au point 80 ci-dessus, inopérante dans le cadre du présent moyen. Il convient donc de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

2.      Sur le deuxième moyen

296    Le deuxième moyen comporte les mêmes branches que le moyen correspondant au soutien du recours dans l’affaire T‑274/16 (voir points 86 à 88 ci-dessus). En défense, le Conseil présente une argumentation analogue à celle qu’il a fait valoir dans le cadre dudit recours. Les arguments et les éléments factuels invoqués par les requérants doivent donc être examinés à la lumière des considérations générales énoncées aux points 90 à 110 ci-dessus.

a)      Sur la première branche

297    D’une part, les requérants font valoir une argumentation, en substance, analogue à celle de la requérante dans l’affaire T‑274/16 et se fondent, notamment, sur les mêmes documents publics relatifs à la situation des droits fondamentaux en Égypte et à la procédure judiciaire relative à des faits de complicité de meurtre de manifestants dont l’ancien chef d’État égyptien a fait l’objet. Par conséquent, en tant qu’elle se rapporte à ces documents, l’argumentation des requérants doit être, pour les raisons exposées aux points 117 à 132 ci-dessus, rejetée.

298    D’autre part, les requérants se prévalent également, au soutien du présent moyen, de violations alléguées du droit à un procès équitable dans le cadre des procédures judiciaires dont ils font eux-mêmes l’objet. En particulier, en se référant à deux griefs exposés dans le cadre du troisième moyen, ils invoquent le caractère sélectif des poursuites et du traitement des deux premiers requérants dans une affaire relative à la banque Al Watany Bank of Egypt (ci-après la « banque Al Watany »), à savoir l’affaire no 10427 de 2012, ainsi que la violation « flagrante » de leur droit à un procès équitable dans une affaire relative à la rénovation de résidences privées (affaire no 8897 de 2013).

299    À titre liminaire, il convient de relever que les requérants ne font pas référence à des violations du droit au procès équitable et au respect de la présomption d’innocence des troisième et quatrième requérantes dans le cadre des procédures judiciaires dont elles font l’objet. Il doit donc en être déduit que les requérants considèrent que l’illégalité de la désignation de ces dernières résulte, par voie de conséquence, des violations des droits fondamentaux des deux premiers requérants, en tant que personnes associées à ces derniers.

1)      S’agissant de la procédure pénale dans l’affaire no 10427 de 2012

300    Il convient d’examiner, tout d’abord, les éléments présentés dans la requête, au soutien des conclusions visant à l’annulation de la prorogation de la désignation des requérants dans le cadre de la décision 2016/411.

301    En ce qui concerne le caractère sélectif des poursuites et du traitement des deux premiers requérants dans l’affaire no 10427 de 2012, les requérants font valoir, premièrement, que le deuxième requérant est le seul investisseur particulier à avoir été mis en cause dans cette affaire, en contradiction, selon eux, avec une déclaration du ministère public lors de l’audience du 7 octobre 2012. Deuxièmement, parmi les personnes mises en cause, seuls les deux premiers requérants auraient été maintenus en détention préventive, laquelle aurait duré 18 mois. Troisièmement, les requérants soutiennent qu’il existe des éléments permettant d’accréditer la thèse d’une manipulation du rapport d’expertise élaboré par l’autorité égyptienne de supervision financière (ci-après l’« EFSA ») dans un sens défavorable aux deux premiers requérants. Quatrièmement, les requérants soutiennent que les retards procéduraux dans cette affaire, qui seraient, selon eux, délibérés, les auraient empêchés de présenter leurs arguments devant la juridiction compétente. Or le Conseil, qui aurait pris connaissance de ces éléments, ne les aurait pas examinés. Ainsi, en substance, les requérants considèrent que la procédure pénale en cause est entachée d’un défaut d’impartialité et d’indépendance des autorités judiciaires ainsi que d’une violation de leurs droits de la défense et de leur droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Selon les requérants, ces violations alléguées auraient dû conduire le Conseil à procéder à des vérifications.

302    À titre liminaire, il convient de relever que les griefs susmentionnés ont été exposés par les requérants dans leur courrier au Conseil du 11 février 2016, auquel ont été joints les documents étayant ces griefs qui figurent en annexe de la requête. Le Conseil a donc pu prendre connaissance de ces griefs et de ces documents avant l’adoption de la décision 2016/411.

303    S’agissant de l’objet de la procédure pénale en cause, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la traduction de l’ordonnance de renvoi dans l’affaire no 10427 de 2012 (affaire no 2 dans le tableau des affaires du 2 janvier 2016), qu’il est reproché au premier requérant, dans cette affaire, des faits de complicité dans l’acquisition de profits illicites au moyen de l’achat d’actions de la banque Al Watany par l’intermédiaire du fonds d’investissement Horus II, avec l’intention dissimulée d’acquérir une participation majoritaire au capital de cette banque et de la céder à un investisseur stratégique, en violation des règles applicables. Quant au deuxième requérant, il lui est reproché des faits de même nature.

304    En premier lieu, il ne résulte pas de la traduction des minutes de l’audience du 7 octobre 2012 que, comme le soutiennent les requérants, le représentant du ministère public ait déclaré, à cette audience, que rien ne permettait d’engager des poursuites contre les investisseurs privés en raison de l’absence d’intention criminelle dans les faits reprochés. En tout état de cause, la circonstance que le deuxième requérant était le seul investisseur particulier de la banque Al Watany à avoir fait l’objet de poursuites dans cette affaire ne saurait constituer, à elle seule, un indice de ce que ces poursuites présenteraient un caractère « sélectif », à savoir qu’elles traduiraient, de la part des autorités égyptiennes, un biais défavorable à l’égard du requérant en cause et seraient ainsi entachées d’un défaut d’impartialité.

305    En deuxième lieu, la circonstance que les deux premiers requérants ont été incarcérés plus de 18 mois en détention préventive, alors que les autres prévenus ont été libérés sous caution, n’est pas non plus, à elle seule, de nature à étayer la thèse d’un traitement partial de l’affaire, à leur détriment, de la part des autorités égyptiennes, ni celle d’une intention de ces mêmes autorités d’exercer à leur égard une forme de pression politique.

306    En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que, à l’issue de l’audience du 11 juin 2013, les deux premiers requérants ont été libérés alors que la procédure pénale dans l’affaire no 10427 de 2012 était toujours pendante, la période de détention provisoire ayant atteint sa durée maximale.

307    En troisième lieu, les requérants font valoir que les conclusions du rapport d’expertise élaboré par l’EFSA dans le cadre de la procédure pénale en cause ont été modifiées en vue de supprimer les éléments à décharge en leur faveur. En outre, des mesures auraient été prises pour retirer le rapport original du dossier de l’affaire.

308    À cet égard, il y a lieu de constater que les requérants ont produit deux traductions du rapport litigieux, correspondant à deux versions différentes de ce rapport.

309    Il convient de relever que la comparaison des deux versions de ce rapport est de nature à étayer les allégations des requérants selon lesquelles le contenu de ce rapport aurait été modifié à la demande des instances dirigeantes de l’EFSA et que c’est sa version modifiée qui a servi de base aux procédures pénales engagées contre les deux premiers requérants.

310    En revanche, force est de constater que la même comparaison ne permet pas d’étayer l’affirmation des requérants selon laquelle ces modifications témoigneraient de pressions d’ordre politique conduisant les autorités en charge des investigations dans l’affaire de la banque Al Watany à cibler les deux premiers requérants. Cette comparaison permet davantage d’étayer l’hypothèse que les conclusions du rapport initial ont fait l’objet d’un réexamen général qui ne concernait pas seulement les deux premiers requérants et leurs proches, mais qui a abouti à la reformulation de ces conclusions en ce qui concerne l’ensemble des personnes impliquées, laquelle reformulation a eu pour conséquence de laisser au procureur général d’Égypte, davantage que leur formulation initiale, le soin de trancher définitivement la question de savoir si chacune des personnes mentionnées dans ledit rapport avait utilisé, de manière illicite, une information privilégiée.

311    Par ailleurs, les requérants ont également produit la traduction d’un procès-verbal (custody minutes) du 17 avril 2013 émanant du service central de conformité de l’EFSA et relatif au dépôt pour conservation, à la demande du directeur de l’EFSA, de tous les documents originaux et des documents de suivi concernant l’affaire de la banque Al Watany.

312    Force est de constater que ce procès-verbal ne permet pas de rendre plausibles les allégations des requérants suggérant une intention des autorités égyptiennes de soustraire à l’appréciation du juge compétent la version initiale du rapport d’expertise en cause. En effet, il résulte uniquement de ce document que la décision a été prise au sein de l’EFSA de rassembler l’ensemble des documents originaux se rapportant aux investigations relatives à la banque Al Watany pour leur conservation et leur protection et de les placer dans une enveloppe sur laquelle serait apposé un sceau officiel et serait portée la signature des membres du comité institué à cet effet. Ainsi, loin de rendre vraisemblable l’hypothèse d’une intention dissimulatrice de la part des autorités égyptiennes, ce procès-verbal, dont l’existence même est, au demeurant, peu compatible avec une telle intention, traduit davantage une volonté de protéger lesdits documents de toute altération.

313    En tout état de cause, il résulte d’une mention manuscrite figurant au début de la traduction du rapport d’expertise initial produite par les requérants que ces derniers détiennent ledit rapport à la suite de sa transmission autorisée par le tribunal de première instance de Gizeh Nord (Égypte) dans le cadre de l’affaire en cause. Par conséquent, il doit en être déduit que le rapport d’expertise initial faisait partie du dossier de l’affaire détenu par les juridictions compétentes. Par ailleurs, il n’est pas allégué que les deux premiers requérants n’auraient pas été mis en mesure de présenter auprès des juridictions compétentes leurs observations concernant les deux versions dudit rapport d’expertise ainsi que le procès-verbal du 17 octobre 2013. Enfin, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, la cour d’appel du Caire a ordonné, le 9 octobre 2012, une reprise des investigations en vue de réexaminer l’ensemble des faits sur lesquels étaient fondées les accusations à l’encontre, en particulier, des deux premiers requérants. Il peut donc être raisonnablement présumé que les conclusions ultérieures de la juridiction compétente auront été ou seront fondées sur ces nouvelles investigations et non sur les investigations initiales.

314    En quatrième et dernier lieu, les requérants invoquent les retards procéduraux intervenus dans l’affaire no 10427 de 2012. Ainsi, ils font valoir que l’instruction de cette affaire a débuté en mars 2011 et qu’un tribunal a été saisi le 30 mai 2012. En outre, les deux premiers requérants n’auraient toujours pas été mis en mesure de présenter leurs arguments devant la juridiction compétente. Ce retard présenterait un caractère abusif et répondrait à des motivations politiques.

315    À cet égard, ainsi qu’il a déjà été relevé, la cour d’appel du Caire a, le 9 octobre 2012, ordonné de nouvelles investigations. En outre, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de l’audience du 11 juin 2013, la procédure a été suspendue dans l’attente du résultat de nouvelles investigations. En outre, selon ce document, il était prévu que la procédure reprît le 19 mars 2016, ce qui n’est pas contesté par les requérants. Dans ces conditions, et eu égard à la complexité de l’affaire et au nombre de personnes impliquées, il n’apparaît pas, au regard des documents fournis au Conseil avant l’adoption de la décision 2016/411, que les délais de procédure dans l’affaire en cause présentent un caractère manifestement excessif et encore moins qu’ils répondent à des objectifs politiques. Ces documents ne soulevaient donc pas d’interrogations légitimes concernant le respect du droit des deux premiers requérants d’être jugés dans un délai raisonnable et de leurs droits de la défense et encore moins concernant l’impartialité et l’indépendance des juridictions égyptiennes.

316    Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que, antérieurement à l’adoption de la décision 2016/411, les requérants n’ont pas présenté d’éléments de nature à susciter des interrogations légitimes concernant la violation du droit à un procès équitable des deux premiers requérants dans le cadre de l’affaire no 10427 de 2012.

317    En ce qui concerne les éléments présentés par les requérants dans leur mémoire en adaptation, au soutien de leurs conclusions visant à l’annulation de la prorogation de leur désignation par la décision 2017/496, ils fournissent, en outre, un tableau chronologique détaillé des faits et de l’évolution de la procédure dans cette affaire destiné à illustrer le caractère prétendument délibéré des retards procéduraux dans l’affaire no 10427 de 2012.

318    Cependant, il y a lieu de relever que, à l’audience, les requérants, interrogés par le Tribunal à ce sujet, ont indiqué qu’ils n’avaient pas communiqué le tableau en cause au Conseil antérieurement à l’adoption de la décision 2017/496. Ils ne sauraient donc, en tout état de cause, se prévaloir de ce document pour soutenir que le Conseil aurait dû, à la lumière de celui-ci, mettre fin à la prorogation de leur désignation ou procéder à des vérifications.

319    Il résulte de tout ce qui précède que les éléments relatifs à la procédure pénale dans l’affaire no 10427 de 2012 présentés par les requérants avant l’adoption des décisions 2016/411 et 2017/496 n’étaient pas de nature à susciter des interrogations légitimes quant à la violation du droit à un procès équitable des premier et deuxième requérants.

2)      S’agissant de la procédure pénale dans l’affaire no 8897 de 2013

320    Dans le cadre de la requête, les requérants soutiennent que le droit des deux premiers requérants à un procès équitable a été violé, de manière « flagrante », par la Cour de cassation égyptienne dans l’arrêt du 9 janvier 2016 rejetant leur pourvoi dans le cadre de l’affaire no 8897 de 2013. À cet égard, les requérants soutiennent que cette juridiction a totalement ignoré quatre des moyens du pourvoi et a rejeté le dernier en le dénaturant complètement. La Cour de cassation égyptienne aurait ainsi violé le droit des deux premiers requérants à une procédure régulière. Les requérants ont présenté ces griefs au Conseil dans leur courrier du 29 février 2016 et ont joint un certain nombre de documents à l’appui de ces griefs, en particulier une traduction des extraits de la requête en pourvoi des deux premiers requérants correspondant aux moyens litigieux.

321    À titre liminaire, il convient de relever que, dans le cadre du troisième moyen, les requérants n’ont invoqué la violation du droit à un procès équitable des deux premiers requérants par la Cour de cassation égyptienne qu’à titre subsidiaire, pour le cas où serait écartée leur argumentation tendant à démontrer qu’ils ne feraient plus l’objet d’une procédure judiciaire dans cette affaire à la suite de l’accord conclu avec les autorités égyptiennes. Or, pour les motifs énoncés aux points 371 à 384 ci-après, cette dernière argumentation doit être rejetée, de sorte qu’il y a lieu d’examiner le présent grief, et ce dans le cadre du présent moyen, ce grief se rapportant à l’absence de prise en compte, par le Conseil, des allégations des requérants relatives à la violation du droit à un procès équitable dont serait entaché l’arrêt du 9 janvier 2016 de la Cour de cassation égyptienne.

322    À cet égard, il ressort des pièces du dossier que, dans l’affaire no 8897 de 2013, il est reproché à l’ancien chef d’État égyptien et aux deux premiers requérants des faits de détournement de fonds publics consistant à avoir illégalement utilisé des fonds alloués à la rénovation des centres de communication de la présidence de la république pour des travaux dans leurs résidences privées. Après que, dans son arrêt du 13 janvier 2015, la Cour de cassation égyptienne a cassé le premier arrêt du juge du fond, ce dernier, dans un second arrêt du 9 mai 2015, a reconnu coupables les personnes en cause et les a condamnées à des peines d’emprisonnement, à la restitution des sommes détournées (21 197 018,53 livres égyptiennes, soit 1 018 136,64 euros) ainsi qu’au paiement d’une amende (125 779 237,53 livres égyptiennes, soit 6 039 306,19 euros). Dans son arrêt définitif du 9 janvier 2016, la Cour de cassation égyptienne a rejeté le pourvoi des deux premiers requérants contre ce second arrêt.

323    Ainsi qu’il ressort clairement de l’arrêt du 9 janvier 2016 de la Cour de cassation égyptienne, celle-ci a statué uniquement sur l’application du droit par le juge du fond et a refusé de se prononcer sur l’appréciation portée par ce dernier sur les faits de l’espèce, pour laquelle elle a considéré qu’il disposait d’un pouvoir d’appréciation souverain. C’est notamment pour ce motif qu’elle a écarté les moyens de pourvoi nos 11 et 15 à 18 des deux premiers requérants mentionnés dans leur courrier au Conseil du 29 février 2016.

324    Or cette approche des moyens de pourvoi des deux premiers requérants, qui est comparable à l’approche de juridictions suprêmes d’États membres ou de pays tiers, également désignées par la dénomination « cour de cassation », n’est pas, par elle-même, constitutive d’une violation du droit à un procès équitable. Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH que la spécificité du rôle joué par une cour de cassation, dont le contrôle est limité au respect du droit, n’est pas, par elle-même, contraire au droit d’accès à un tribunal, les conditions de recevabilité d’un pourvoi pouvant être plus rigoureuses que pour un appel (voir, en ce sens, Cour EDH, 17 janvier 2008, Vasilakis c. Grèce, CE:ECHR:2008:0117JUD002514505, point 25). Ainsi, il n’apparaît pas que, dans l’arrêt en cause, la Cour de cassation égyptienne ait délibérément fait abstraction des moyens des deux premiers requérants. Il apparaît, en revanche, qu’elle a considéré qu’il n’était pas de sa compétence de contrôler les appréciations de fait du juge du fond critiquées dans ces moyens. Au demeurant, le mémorandum du bureau du procureur général d’Égypte du 2 janvier 2016, dont le contenu n’est pas contesté par les requérants, confirme que le contrôle juridictionnel de la Cour de cassation égyptienne, qui lui est dévolu par le droit national égyptien, est limité aux questions de droit.

325    En ce qui concerne le moyen de pourvoi no 11, tiré de ce que les conseils des deux premiers requérants n’avaient pas été conviés aux réunions du comité d’experts ayant élaboré le rapport sur la base duquel ils ont été reconnus coupables, les requérants ne remettent pas en cause le fait que les dispositions applicables du code de procédure pénale égyptien n’imposent pas la présence des justiciables dans le cadre du déroulement des investigations des experts mandatés par le procureur général d’Égypte. Par conséquent, il n’apparaît pas évident que, en écartant ce moyen de pourvoi sur la base de ces dispositions, la Cour de cassation égyptienne ait violé leurs droits de la défense ou leur droit à une protection juridictionnelle effective.

326    Les éléments présentés dans le cadre de la requête n’étaient donc pas de nature à susciter des interrogations légitimes concernant la violation du droit à un procès équitable des deux premiers requérants par la Cour de cassation égyptienne.

327    En ce qui concerne les éléments présentés dans le cadre du mémoire en adaptation, il convient de relever que la seule circonstance que le procureur général d’Égypte considère que le paiement opéré par les deux premiers requérants dans le cadre de l’affaire en cause n’est pas conforme au droit applicable et que ce paiement ne saurait avoir pour conséquence de mettre fin à la procédure judiciaire ne saurait être interprétée, à elle seule, comme une violation du droit à un procès équitable. En particulier, les motifs sur lesquels se fonde cette autorité, tels qu’ils sont exposés dans le mémorandum du comité national pour le recouvrement des avoirs à l’étranger (ci-après le « NCRAA »), reposent sur une application du droit pénal égyptien, qu’il n’appartenait pas au Conseil de remettre en cause. Au demeurant, cette interprétation n’apparaît pas manifestement incohérente ou dépourvue de tout fondement au regard du libellé des dispositions en cause. Il ne peut donc en être déduit, comme le suggèrent les requérants, que le procureur général d’Égypte ferait délibérément obstruction à leur droit d’accès à une procédure équitable et impartiale.

328    Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que les requérants n’ont présenté aucun élément relatif aux procédures judiciaires visant les deux premiers requérants de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le risque que le droit à un procès équitable de ces derniers fût violé dans le cadre de ces procédures. Il ne saurait, par conséquent, être reproché au Conseil ne de pas avoir procédé, au regard des éléments qui lui ont été soumis, à des vérifications complémentaires, de sorte que la première branche du présent moyen doit être rejetée en ce qui concerne les conclusions à fin d’annulation dans l’affaire T‑275/16.

b)      Sur la seconde branche

329    Le raisonnement exposé par le Tribunal aux points 136 et 137 ci-dessus s’agissant de la seconde branche du deuxième moyen du recours dans l’affaire T‑274/16 est, en l’espèce, transposable. À cet égard, il suffit de relever que, au vu des considérations énoncées aux points 297 à 327 ci-dessus dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, le Tribunal, au point 328 ci-dessus, a conclu que les éléments produits par les requérants ne soulevaient pas d’interrogations légitimes concernant la violation du droit à un procès équitable des deux premiers requérants de nature à justifier que le Conseil procédât à des vérifications auprès des autorités égyptiennes. Dès lors, à plus forte raison, ces éléments ne sauraient être suffisamment concluants pour convaincre le Conseil, au vu de leur seul examen, qu’il ne pouvait plus proroger davantage le gel de leurs avoirs, sauf à adopter une décision manifestement inappropriée au regard des objectifs de la politique dans le cadre de laquelle la décision 2011/172 a été édictée.

330    Il convient donc de rejeter la seconde branche du deuxième moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.

3.      Sur le troisième moyen

331    Les requérants présentent une argumentation, en substance, analogue à celle de la requérante dans l’affaire T‑274/16. Ils contestent le fait que les dix affaires à propos desquelles leur nom est mentionné à l’annexe du courrier du 2 janvier du 2016 du bureau du procureur général d’Égypte puissent servir de base à leur désignation. Tout d’abord, ils relèvent qu’il n’est fait état d’aucune procédure judiciaire à l’encontre des troisième et quatrième requérantes. En ce qui concerne les deux premiers requérants, ils soutiennent qu’aucune de ces procédures judiciaires ne satisfait au critère d’inscription. En réplique, les requérants répondent en détail aux arguments du Conseil concernant les affaires mentionnées dans le mémoire en défense. Ils font valoir, en outre, que le Conseil ne peut pas se fonder sur les informations contenues dans le mémorandum du procureur général d’Égypte d’août 2016.

332    Le Conseil fait valoir des arguments analogues à ceux présentés dans le cadre de l’affaire T‑274/16. Il soutient, en particulier, que les requérants font toujours l’objet de procédures judiciaires en cours liées à des faits qualifiables de détournement de fonds publics.

333    À titre liminaire, il convient de relever que les arguments des requérants doivent être examinés à la lumière des considérations générales exposées aux points 143 à 158 ci-dessus, dans le cadre de l’examen du troisième moyen du recours dans l’affaire T‑274/16.

334    En premier lieu, les requérants font grief au Conseil de ne pas indiquer clairement sur quelles procédures judiciaires, parmi celles mentionnées dans les documents fournis par les autorités égyptiennes, il s’est fondé pour proroger leur désignation.

335    À cet égard, il y a lieu de relever que ce grief ne saurait être examiné que dans le cadre du quatrième et du cinquième moyen, tirés, pour l’un, du défaut de motivation et, pour l’autre, de la violation des droits de la défense (voir points 410 et 411 à 416 ci-après). En effet, pour répondre au présent moyen, il suffit, pour le Tribunal, d’examiner si l’une des procédures judiciaires susmentionnées fournit ou non une base factuelle suffisante pour la prorogation de la désignation des requérants, d’une part, par la décision 2016/411 et, d’autre part, par la décision 2017/496. Au demeurant, il convient de relever que, à l’audience, le Conseil, à l’invitation du Tribunal, a précisé qu’il s’était fondé sur les procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes comme étant en cours, mais non sur celles mentionnées comme ayant été clôturées. Le présent grief doit donc être rejeté comme inopérant.

336    En deuxième lieu, indépendamment de la question de savoir si les informations fournies par les autorités égyptiennes constituent une base factuelle suffisante pour considérer que les requérants font l’objet d’une procédure judiciaire portant sur des faits de détournement de fonds publics, il ne ressort pas de ces informations, contrairement à ce que les requérants soutiennent, une intention délibérée des autorités égyptiennes de transmettre des éléments inexacts, incomplets ou trompeurs.

337    En particulier, comme le Conseil l’a exposé à l’audience, le fait que les autorités égyptiennes mentionnent dans ces documents des procédures déjà clôturées ne saurait être interprété autrement que comme le reflet de la volonté de ces autorités de fournir une information exhaustive et actualisée sur l’évolution de l’ensemble des procédures judiciaires ouvertes à l’encontre des requérants depuis 2011 et qui ont justifié leur désignation initiale ou le maintien de celle-ci lors des précédentes prorogations de la décision 2011/172. Au demeurant, c’est au Conseil qu’il appartenait d’apprécier, le cas échéant, à la lumière des observations des requérants, si l’ensemble de ces procédures permettaient la prorogation de cette désignation par la décision 2016/411 ou seulement certaines d’entre elles. Par ailleurs, le Conseil n’était pas tenu de geler les avoirs des requérants au seul motif qu’il était fait mention de procédures judiciaires les concernant dans les documents transmis par les autorités égyptiennes (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 151).

338    En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 161 à 168 ci-dessus, le grief tiré de ce que le Conseil n’a communiqué que tardivement les documents des autorités égyptiennes sur lesquels il s’est fondé doit être rejeté comme inopérant dans le cadre du présent moyen et devra être examiné dans le cadre des quatrième et cinquième moyens, en tant qu’il vise un défaut de motivation et une violation des droits de la défense (voir points 410 et 411 à 416 ci-après).

339    En tout état de cause, il a déjà été relevé aux points 164 et 165 ci-dessus que la lettre du bureau du procureur général d’Égypte en date du 2 janvier 2016, qui mentionne un certain nombre de procédures judiciaires visant les premier et deuxième requérants ou les requérants dans leur ensemble, leur a été communiquée le 12 février 2016. Ces derniers ont donc disposé d’un délai suffisant pour présenter leurs observations sur lesdites procédures judiciaires. En ce qui concerne le courrier de la même autorité du 22 février 2016, relatif aux ordonnances de gel d’avoirs visant les membres de la famille des requérants, qui a été joint au courrier du Conseil du 21 mars 2016 les informant de sa décision de proroger leur désignation, il appartiendra au Tribunal, comme il a été indiqué au point 168 ci-dessus, de vérifier si les observations qu’ils ont présentées concernant lesdites ordonnances dans le cadre du présent recours sont de nature à remettre en cause la possibilité, pour le Conseil, de se fonder sur celles-ci.

340    Par ailleurs, conformément au principe selon lequel la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté, en tant que le présent grief vise à remettre en cause la possibilité pour le Conseil de se fonder sur les informations fournies dans les courriers des autorités égyptiennes des 2 janvier et 22 février 2016, il ne peut qu’être rejeté comme non fondé, le Conseil ayant été en mesure d’en tenir compte pour la prorogation de la désignation des requérants par la décision 2016/411.

341    En revanche, toujours au regard du même principe, c’est à bon droit que les requérants soutiennent, en substance, que la légalité de la prorogation de leur désignation par la décision 2016/411 ne saurait être, en l’espèce, examinée au regard du mémorandum complémentaire du procureur général d’Égypte du 18 août 2016, invoqué par le Conseil dans le mémoire en défense.

342    En quatrième lieu, pour les raisons exposées aux points 171 à 177 ci-dessus, il convient de ne pas retenir le postulat des requérants selon lequel les critères de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 doivent être interprétés en ce sens qu’il incomberait au Conseil de vérifier si les faits de détournement de fonds publics qui sont en cause dans le cadre des procédures judiciaires les visant sont susceptibles, eu égard à leur montant ou au type de fonds détournés ou au contexte dans lequel ils se sont produits, de porter atteinte à l’État de droit en Égypte.

343    En cinquième lieu, les requérants soutiennent que les troisième et quatrième requérantes ne sont pas mentionnées dans le tableau des affaires du 2 janvier 2016 fourni par les autorités égyptiennes.

344    À cet égard, d’une part, il suffit de relever que ces personnes sont mentionnées expressément dans ce document et dans le mémorandum qui l’accompagne comme faisant l’objet ou ayant fait l’objet d’investigations dans trois des affaires qui y sont énumérées. D’autre part, ces personnes sont également visées dans le courrier du 22 février 2016 susmentionné comme faisant l’objet des trois ordonnances de gel d’avoirs qui y sont décrites. Ce grief doit donc être rejeté, la question de savoir si chacune de ces procédures judiciaires pouvait constituer une base factuelle suffisante pour le maintien de la désignation de ces personnes devant être examinée de manière distincte.

345    En sixième et dernier lieu, il convient d’examiner en détail les arguments des requérants relatifs à chacune des procédures judiciaires sur lesquelles le Conseil était susceptible de se fonder pour proroger leur désignation, d’une part, par la décision 2016/411 et, d’autre part, par la décision 2017/496.

a)      En ce qui concerne les arguments visant à remettre en cause la possibilité, pour le Conseil, de se fonder sur les procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes dans le cadre de la décision 2016/411

346    Il convient d’examiner, en premier lieu, les arguments des requérants relatifs à l’affaire no 10427 de 2012, en deuxième lieu, ceux concernant les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013 et, en troisième lieu, ceux portant sur l’affaire no 8897 de 2013.

1)      S’agissant des procédures judiciaires en cours dans le cadre de l’affaire no 10427 de 2012

347    En premier lieu, les requérants soutiennent que les faits qui font l’objet de cette procédure judiciaire ne sauraient être qualifiés de détournement de fonds publics, tant au regard des « normes européennes » que des critères de la CNUCC et du droit international « général ». En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les allégations factuelles à l’encontre des deux premiers requérants ne reposent sur aucun fondement objectif. Ainsi, la procédure judiciaire en cause serait uniquement motivée par des fins politiques. En troisième lieu, contrairement à ce que le courrier du 22 février 2016 indique, il n’existerait pas d’ordonnance de gel d’avoirs dans l’affaire en cause qui concernerait les troisième et quatrième requérantes. En réplique, les requérants ajoutent que les vérifications opérées par le Conseil postérieurement à l’adoption de la décision 2016/411, relatives à l’affaire en cause, démontreraient que, à la date de ladite adoption, il ne disposait pas de toutes les informations nécessaires. En outre, il ne serait pas démontré que les faits allégués porteraient atteintes aux fondements institutionnels et juridiques de l’État égyptien.

348    Les faits faisant l’objet de la procédure judiciaire dans l’affaire no 10427 de 2012 sont résumés au point 303 ci-dessus. Ainsi qu’il a été relevé au point 315 ci-dessus, après que la cour d’appel du Caire a ordonné de nouvelles investigations, la procédure dans cette affaire a été suspendue et le procès devait reprendre le 19 mars 2016.

349    Par conséquent, il apparaît que la procédure judiciaire, à la date de l’adoption de la décision 2016/411, était toujours en cours, ce que les requérants ne contestent pas.

350    Dès lors, conformément aux considérations énoncées aux points 144 à 147 ci-dessus, il appartenait seulement au Conseil de vérifier si la procédure judiciaire en cause était relative à des faits ayant été qualifiés pénalement par les autorités égyptiennes, au regard du droit pénal applicable, en des termes correspondant à la notion de détournement de fonds publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172. Il appartient aux requérants de démontrer que le Conseil avait eu connaissance d’éléments concrets de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le fondement de cette procédure judiciaire et justifiant qu’il procédât à des vérifications complémentaires.

351    Ainsi, contrairement à la prémisse sur laquelle repose l’argumentation des requérants, il n’appartient pas, en principe, au Conseil de se prononcer sur l’exactitude et la pertinence de la qualification pénale retenue par le procureur général d’Égypte dans l’affaire en cause.

352    En l’espèce, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte du tableau des affaires du 2 janvier 2016, les deux premiers requérants ont été déférés devant un tribunal dans l’affaire en cause pour des faits de profit illicite liés à une atteinte délibérée à la propriété publique. Comme le soulignent les requérants, le descriptif des faits reprochés dans ledit tableau mentionne à tort des transactions illégales s’agissant des actions majoritaires de la banque nationale d’Égypte. Cela étant, le mémorandum accompagnant ce tableau contient une description détaillée des faits reprochés que les requérants ne contestent pas et qui correspond aux éléments qu’ils ont produits eux-mêmes, à savoir, comme cela est indiqué au point 303 ci-dessus, une description de faits de complicité dans l’acquisition de profits illicites réalisés dans le cadre de transactions sur les actions de la banque Al Watany.

353    Par ailleurs, il résulte de l’ordonnance de renvoi du 12 juin 2012 dans cette affaire, transmise par les requérants au Conseil avant l’adoption de la décision 2016/411, qu’il leur est reproché d’être complices de faits de profits illicites commis par d’autres personnes dans le cadre de leurs fonctions, en tant que, d’une part, président du conseil d’administration de la banque Al Watany et, d’autre part, membres du conseil d’administration de cette banque, dont l’État égyptien est actionnaire et qui est soumis au contrôle et à la supervision de la banque centrale d’Égypte.

354    Il ressort donc de l’ensemble des documents susmentionnés que le procureur général d’Égypte a considéré que les faits en cause avaient été commis par des personnes dans le cadre de fonctions devant être considérées comme étant des fonctions publiques, que ces faits avaient porté préjudice à la propriété publique, que les deux premiers requérants en étaient complices et que l’ensemble de ces personnes avaient retiré des profits illicites de ces faits. La qualification retenue correspond donc à la notion de détournement de fonds publics au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, visée au point 144 ci-dessus. En effet, cette qualification vise l’utilisation illicite de fonds détenus, du moins en partie, par des entités publiques et, en tout état de cause, placés sous le contrôle de ces entités, à des fins contraires à celles autorisées par les règles applicables et ayant porté préjudice à l’État égyptien.

355    Cette analyse est confirmée par le fait que l’ordonnance de renvoi du 12 juin 2012 se réfère, notamment, à l’article 119, sous h), et à l’article 119 bis, paragraphe 1, sous e), du code pénal égyptien, dont le texte a été annexé à la requête. Or la première de ces dispositions prévoit que, aux fins de l’application des dispositions de ce code pénal relatives au détournement de fonds publics, la notion de fonds publics désigne tout ou partie des fonds et des biens détenus par ou soumis à la gestion et à la supervision de toute entité ou autorité autre que celles désignées expressément au même article, dont les fonds ou biens sont qualifiés légalement de fonds publics. La seconde de ces dispositions prévoit, quant à elle, que la notion d’agent public, aux fins de l’application des mêmes dispositions du code pénal relatives au détournement de fonds publics, vise les membres d’un conseil d’administration, les directeurs et l’ensemble du personnel des entités dont les fonds et les biens sont considérés comme publics en vertu de l’article 119 du même code. Les requérants, qui contestent la validité de ces notions au regard de la CNUCC, se fondent précisément sur la prémisse que les autorités égyptiennes y ont eu recours en l’espèce.

356    Dans ces conditions, le Conseil pouvait, à bon droit, considérer que la procédure judiciaire en cause se rapportait à des faits correspondant à la notion de détournement de fonds publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172.

357    Les arguments énoncés par les requérants ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

358    En premier lieu, il résulte du point 354 ci-dessus qu’il ne saurait être soutenu, comme le font les requérants, que cette qualification ne correspond pas à la notion de détournement de fonds publics en droit de l’Union.

359    Les références des requérants à la jurisprudence du Tribunal et de la Cour EDH, invoquées à cet égard, ne sont pas pertinentes.

360    D’une part, une partie de cette jurisprudence n’est pas pertinente pour l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172.

361    D’autre part, s’agissant de la jurisprudence applicable à ces dispositions, contrairement à ce que les requérants soutiennent, aux points 94 et 95 de l’arrêt du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil (T‑187/11, EU:T:2013:273), et aux points 45 à 49 de l’arrêt du 28 mai 2013, Al Matri/Conseil (T‑200/11, non publié, EU:T:2013:275), le Tribunal n’a pas considéré que la notion de détournement de fonds publics ne couvrait pas tous les agissements illicites susceptibles de s’accompagner d’une perte de deniers publics ou d’entraîner celle-ci. En revanche, dans un contexte où le gel des avoirs des parties requérantes dans ces affaires reposait sur des procédures judiciaires pour des faits de blanchiment d’argent, le Tribunal a considéré, d’une part, que la notion de détournement de fonds publics tunisiens ne couvrait pas tout acte relevant de la délinquance et de la criminalité économique, mais était limitée à des agissements susceptibles d’avoir obéré le bon fonctionnement des collectivités publiques tunisiennes et, d’autre part, que la notion de blanchiment d’argent ne correspondait pas aux seuls agissements permettant de dissimuler l’origine illicite d’avoirs issus de détournements de fonds publics (voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil, T‑187/11, EU:T:2013:273, points 91, 92 et 95, et du 28 mai 2013, Al Matri/Conseil, T‑200/11, non publié, EU:T:2013:275, points 45, 46 et 49).

362    En deuxième lieu, contrairement à ce que les requérants soutiennent, il n’est pas pertinent, pour apprécier la légalité de la prorogation de leur désignation, de vérifier si la qualification pénale retenue par les autorités égyptiennes est conforme ou non aux dispositions de la CNUCC. En effet, la notion de détournement de fonds publics est une notion du droit de l’Union, qui doit recevoir une interprétation autonome (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 84). Par ailleurs, la mention de cette convention dans les motifs d’inscription du nom des requérants à l’annexe de la décision 2011/172 signifie seulement que ce sont les autorités égyptiennes qui ont entendu se référer à ses dispositions dans le cadre des procédures judiciaires en cause, et non que le Conseil aurait entendu se fonder sur ces dispositions pour procéder à la désignation des requérants.

363    En tout état de cause, les dispositions de l’article 2, sous a), iii, de la CNUCC, qui sont citées par les requérants, prévoient que peut être défini comme agent public « [toute] personne définie comme “agent public” dans le droit interne d’un État partie ». Or il ne résulte pas de cette définition qu’elle s’oppose à ce que soit reconnu comme agent public le membre du personnel d’une société, telle que, en l’espèce, la banque Al Watany, dans laquelle l’État détient une participation, fût-elle minoritaire, et qui est placée sous le contrôle ou la supervision d’organismes publics. Par conséquent, il ne résulte pas des éléments produits par les requérants eux-mêmes que les autorités égyptiennes auraient qualifié les membres du conseil d’administration de ladite banque en violation de l’article 2, sous a), iii, de la CNUCC.

364    Par ailleurs, les principes du droit international « général » applicables à la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, qui sont invoqués en l’espèce, ne sont pas davantage pertinents pour apprécier la qualification de faits illicites aux fins de l’application du droit pénal égyptien.

365    En troisième lieu, c’est aux juridictions égyptiennes, et non au Conseil et au Tribunal, qu’il appartient d’examiner le fondement factuel de la procédure judiciaire en cause. Les requérants ne sauraient donc se prévaloir d’erreurs factuelles prétendument commises par le procureur général d’Égypte en ce qui concerne les faits sur lesquels porte l’affaire en cause, ni des conclusions à tirer des témoignages des experts devant lesdites juridictions en ce qui concerne leur responsabilité pénale. Par ailleurs, les éléments qu’ils ont présentés à l’appui de leurs allégations à cet égard n’étaient pas de nature à susciter des interrogations légitimes concernant le fondement de la procédure judiciaire en cause. Le fait que, postérieurement à l’adoption de la décision 2016/411, le Conseil ait jugé utile de procéder à des vérifications concernant ladite procédure n’est pas déterminant à cet égard, au regard de la marge d’appréciation importante dont le Conseil dispose pour effectuer, de sa propre initiative, s’il l’estime nécessaire et à tout moment, des vérifications auprès des autorités égyptiennes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, points 165 et 166). En tout état de cause, ainsi qu’il a été relevé au point 315 ci-dessus, la procédure a été suspendue dans cette affaire à la suite de l’audience du 11 juin 2013 dans l’attente du résultat de nouvelles investigations. Par conséquent, même dans l’hypothèse où les éléments sur lesquels reposait initialement la procédure judiciaire en cause auraient été de nature à susciter des interrogations légitimes, le Conseil pouvait, à bon droit, considérer qu’il ne lui appartenait pas de préjuger de l’appréciation de la juridiction compétente sur le résultat de ces nouvelles investigations.

366    En quatrième lieu, il a été exposé aux points 300 à 316 ci-dessus, dans le cadre du deuxième moyen, que les éléments présentés par les requérants en ce qui concerne la présente affaire en vue de démontrer que les deux premiers requérants avaient fait l’objet de violations de leur droit à un procès équitable n’étaient pas de nature à susciter des interrogations légitimes à cet égard. Pour les mêmes raisons, ces éléments ne sauraient étayer leurs affirmations selon lesquelles la procédure judiciaire en cause aurait été manipulée par le procureur à des fins purement politiques.

367    En cinquième et dernier lieu, s’agissant de la situation des troisième et quatrième requérantes, les éléments présentés par les requérants ne permettent pas de remettre en cause l’analyse exposée aux points 195 à 199 ci-dessus, dans le cadre de l’affaire T‑274/16, selon laquelle il existait, lors de l’adoption de la décision 2016/411, une ordonnance de gel de fonds en vigueur rendue dans le cadre des investigations qui concernaient initialement les faits ayant par la suite fait l’objet des affaires no 3642 de 2011 et no 10427 de 2012. Par ailleurs, comme cela est relevé au point 194 ci-dessus, l’ordonnance en cause concerne les membres de la famille de l’ancien président de la République égyptienne, y compris les troisième et quatrième requérantes. Les arguments des requérants à cet égard doivent donc être rejetés.

368    Dès lors, il y a lieu de considérer que le Conseil pouvait se fonder sur la procédure judiciaire dans l’affaire no 10427 de 2012 et sur la première ordonnance de gel de fonds mentionnée dans le courrier du 22 janvier 2016 pour considérer que les requérants faisaient l’objet de procédures judiciaires liées à des faits de détournement de fonds publics en cours lors de l’adoption de la décision 2016/411.

2)      S’agissant des affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013

369    S’agissant de ces deux affaires, les requérants présentent des arguments similaires à ceux de la requérante dans l’affaire T‑274/16, tout en reconnaissant, à la différence de celle-ci, qu’ils ont été interrogés dans le cadre de l’affaire no 756 de 2012.

370    Pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 210 à 214 et 216 ci-dessus, ces arguments doivent donc être rejetés. Par conséquent, il y a lieu de considérer que le Conseil pouvait également se fonder sur les procédures judiciaires dans ces affaires en vue de la prorogation de la désignation des requérants dans le cadre de la décision 2016/411.

3)      S’agissant de la procédure judiciaire dans l’affaire no 8897 de 2013

371    Les requérants soutiennent que les deux premiers requérants ont conclu un accord avec les autorités égyptiennes, ratifié par le conseil des ministres le 9 mars 2016, aux termes duquel ils ont remboursé toutes les sommes détournées et qu’ils en ont informé le Conseil. Selon les requérants, le règlement de la somme en cause (23 210 734,53 livres égyptiennes, soit 1 111 382,42 euros) libère les deux premiers requérants de toute obligation envers l’État égyptien. Ainsi, la prorogation des mesures restrictives à l’encontre de ces derniers serait dépourvue de « base juridique », à la suite de l’abandon des procédures judiciaires dans l’affaire en cause et au regard de l’objet de ces mesures, qui est de permettre le recouvrement des fonds détournés par les autorités égyptiennes. À titre subsidiaire, les requérants affirment que le droit à un procès équitable des deux premiers requérants a été violé par l’arrêt de la Cour de cassation égyptienne du 9 janvier 2016. Dans la réplique, les requérants font valoir, notamment, que les sanctions financières infligées par le juge égyptien ne sont pas visées par le gel d’avoirs édicté en vertu de la décision 2011/172, qui n’a pas un caractère pénal. En outre, selon eux, le Conseil n’a procédé aux vérifications requises que postérieurement à l’adoption de la décision 2016/411, à savoir le 29 juillet 2016.

372    Le Conseil répond aux arguments des requérants en se fondant sur les éléments présentés par les autorités égyptiennes dans leur mémorandum du 18 août 2016, selon lesquels, d’une part, leurs allégations relatives à la portée de l’accord conclu avec ces autorités en droit égyptien sont inexactes et, d’autre part, l’arrêt du 9 mai 2015 du juge du fond est définitif et exécutoire, notamment en ce qui concerne les sanctions financières retenues.

373    Les faits sur lesquels porte la procédure judiciaire en cause sont rappelés au point 322 ci-dessus. Il a également été rappelé au même point que, dans son arrêt du 9 janvier 2016, qui a mis définitivement fin à la procédure, la Cour de cassation égyptienne a rejeté le pourvoi des deux premiers requérants contre l’arrêt du juge du fond du 9 mai 2015 condamnant ces derniers et leur père à des peines d’emprisonnement, à la restitution des sommes détournées et au paiement d’une amende.

374    À titre liminaire, il convient de relever que les parties s’accordent pour considérer que, à la suite de l’arrêt du 9 janvier 2016 de la Cour de cassation égyptienne, l’arrêt du juge du fond statuant sur le bien-fondé des accusations portées à l’encontre des premier et deuxième requérants dans l’affaire en cause est devenu définitif. Cette analyse est confirmée par le mémorandum du bureau du procureur général d’Égypte du 2 janvier 2016, relatif au cadre juridique des procédures sur lesquelles repose la décision 2011/172, dont il ressort, notamment, que, lorsque la Cour de cassation égyptienne a, dans le cadre d’un premier pourvoi, annulé une décision du juge du fond en matière criminelle et renvoyé à ce dernier l’affaire afin qu’il y statue de nouveau, sa décision rendue dans le cadre d’un second pourvoi met fin au litige.

375    Cependant, au regard de l’interprétation de la notion de procédure judiciaire retenue au point 157 ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que, à la date d’adoption de la décision 2016/411, le Conseil ne disposait pas d’informations indiquant, comme le suggèrent les requérants, que les autorités égyptiennes avaient mis fin à la procédure judiciaire dans l’affaire en cause à la suite de la conclusion d’un règlement amiable du litige.

376    Certes, les éléments mis en avant par les requérants, dont certains ont été présentés au Conseil seulement dans le cadre de leur courrier du 13 mars 2016, indiquent l’existence d’un processus de conciliation avec les autorités égyptiennes. Toutefois, ces éléments tendent également à indiquer que ce processus n’était pas encore achevé et que les peines prononcées à l’encontre des deux premiers requérants par l’arrêt du 9 mai 2015 étaient toujours susceptibles d’être exécutées.

377    À cet égard, il résulte du libellé de l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien, dont les requérants ont annexé une traduction à la requête, que la procédure de conciliation pénale prévue par ce code comporte trois phases. La première consiste en la conclusion d’un règlement amiable entre un comité d’experts institué par décret et les accusés concernés. La deuxième consiste en la ratification du procès-verbal du règlement amiable par le conseil des ministres. Dans le cadre de la troisième phase, lorsque la conciliation est intervenue après le prononcé d’un jugement définitif et que les accusés ont été placés en détention en exécution de ce jugement, la Cour de cassation égyptienne prononce, à leur demande, transmise par le procureur général, le sursis à exécution de toutes les peines encourues, si cette juridiction a pu s’assurer que le règlement amiable a été conclu dans le respect des conditions requises.

378    En l’espèce, dans leur courrier du 13 mars 2016, les requérants se sont référés seulement à l’accomplissement des deux premières phases de la procédure de conciliation mentionnées au point 377 ci-dessus et n’ont fourni aucun élément fiable de nature à indiquer, de manière plausible, que la troisième et dernière phase de cette procédure était, à la date de ce courrier, en cours, et encore moins qu’elle était achevée. En particulier, s’ils ont affirmé que le règlement amiable avait été ratifié en conseil des ministres et qu’ils avaient réglé la somme afférente, ils n’ont pas indiqué que ce règlement amiable aurait été soumis au parquet en vue de mettre fin à ladite procédure judiciaire, ni qu’il y aurait été effectivement mis fin. Au contraire, ils se sont bornés à indiquer que cette troisième phase de la procédure de conciliation était « purement procédural[e] », admettant ainsi implicitement qu’elle n’était pas parvenue à son terme. Cette lecture des pièces du dossier est confirmée par les déclarations des requérants à l’audience.

379    Par ailleurs, comme il a été indiqué au point 374 ci-dessus, l’arrêt du 9 mai 2015 est définitif et, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, il prévoit des peines de prison à l’encontre des deux premiers requérants. Le Conseil pouvait donc, à bon droit, en déduire, à la lumière du texte de l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien, que les requérants avaient joint à leur courrier du 13 mars 2016, que la procédure de conciliation devait être soumise à la Cour de cassation égyptienne en vue de mettre fin à la procédure pénale dans l’affaire en cause.

380    Il résulte de tout ce qui précède que les éléments présentés par les requérants antérieurement à l’adoption de la décision 2016/411 en ce qui concerne l’affaire no 8897 de 2013 n’indiquent pas qu’il aurait été mis fin à la procédure judiciaire dans cette affaire. Dans ces conditions, même à supposer que ces éléments indiquent qu’une procédure de conciliation entre les deux premiers requérants et les autorités égyptiennes était alors en cours et était susceptible de déboucher ultérieurement sur la clôture de cette procédure judiciaire, cette circonstance ne peut pas affecter la légalité de la décision 2016/411.

381    En effet, il suffisait, pour que le Conseil pût proroger la désignation des deux premiers requérants, qu’il se soit assuré que ces derniers faisaient toujours l’objet, à la date d’adoption de la décision 2016/411, d’une procédure judiciaire en cours relative à des faits de détournement de fonds publics. Or les requérants ne contestant pas que la procédure judiciaire en cause présentait un lien avec de tels faits, la prorogation de la désignation des deux premiers requérants dans le cadre de cette décision pouvait donc être fondée sur ladite procédure.

382    Certes, au regard de la marge d’appréciation dont il dispose à cet égard, rappelée au point 365 ci-dessus, il était loisible au Conseil, au regard des éléments fournis par les requérants, de procéder à des vérifications auprès des autorités égyptiennes, dans le cadre du suivi constant dont la décision 2011/172, en vertu de son article 5, fait l’objet.

383     Toutefois, pour les raisons exposées aux points 380 et 381 ci-dessus, il ne saurait être reproché au Conseil de ne pas avoir procédé à ces vérifications avant l’adoption de la décision 2016/411. Au demeurant, c’est aux autorités égyptiennes et non au Conseil qu’il appartient de tirer les conséquences, le cas échéant, d’un règlement amiable en ce qui concerne l’issue de la procédure judiciaire en cause. Dans le cas contraire, il pourrait exister des situations où le Conseil pourrait être amené à tirer des conclusions prématurées, avec comme résultat paradoxal que, au moment où les autorités égyptiennes chercheraient à recouvrer le produit du détournement constaté par le juge compétent, il n’existerait plus de gel des avoirs de la personne concernée dans l’Union. L’effet utile de la décision 2011/172 ne serait, à l’évidence, pas assuré (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil, T‑175/15, EU:T:2017:694, point 46 et jurisprudence citée).

384    S’agissant de la référence des requérants au retrait du nom d’une personne de la liste annexée à une décision du Conseil édictant des mesures restrictives au regard de la situation en Ukraine en raison du remboursement des fonds qu’elle était accusée d’avoir détournés et nonobstant le maintien de poursuites pénales à son égard, il suffit de relever que, en l’espèce, les requérants n’ont pas établi que le processus de conciliation avec les autorités égyptiennes, dont ils se prévalent, serait arrivé à son terme. Cette référence n’est donc pas pertinente. En tout état de cause, il ressort expressément du document du Foreign and Commonwealth Office (FCO) (ministère des affaires étrangères et du Commonwealth, Royaume-Uni) sur lequel les requérants s’appuient à cet égard que le retrait du nom de la personne en cause a été considéré comme cohérent avec l’objectif des mesures restrictives en cause, qui est de modifier le comportement des personnes visées. Or, en l’espèce, les mesures restrictives ne comportent pas de visée incitative ou dissuasive (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 62), leur seul objet étant, comme il a été rappelé à plusieurs reprises, de faciliter la constatation par les autorités égyptiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de ces détournements.

385    Dès lors, les arguments des requérants relatifs au règlement amiable intervenu dans la présente affaire ne peuvent qu’être rejetés.

386    L’argumentation présentée à titre subsidiaire par les requérants et relative aux prétendues violations du droit à un procès équitable dont serait entaché l’arrêt du 9 janvier 2016 de la Cour de cassation égyptienne doit être également, pour les motifs exposés aux points 322 à 325 ci-dessus, rejetée.

387    En conclusion, il résulte des points 348 à 386 ci-dessus qu’il existait, à la date d’adoption de la décision 2016/411, des procédures judiciaires en cours concernant les deux premiers requérants, relatives à des faits qualifiables de détournement de fonds publics, lesquelles procédures judiciaires constituaient une base factuelle suffisante pour la prorogation de la désignation de ces personnes. S’agissant des troisième et quatrième requérantes, il convient de relever que, si elles ne font pas l’objet de certaines de ces mêmes procédures judiciaires, elles sont, à tout le moins, concernées par la première ordonnance de gel de fonds mentionnée dans le courrier du 22 février 2016 et les procédures judiciaires dans les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013. Par conséquent, le fait que les requérants ne fassent pas ou ne fassent plus l’objet de procédures judiciaires dans d’autres affaires mentionnées par les autorités égyptiennes dans les documents transmis au Conseil est sans incidence et les arguments des requérants à cet égard sont donc inopérants. Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner ces arguments, il convient de rejeter le troisième moyen en tant qu’il vise la prorogation de la désignation des requérants dans le cadre de la décision 2016/411.

b)      En ce qui concerne les arguments visant à remettre en cause la possibilité, pour le Conseil, de se fonder sur les procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes dans le cadre de la décision 2017/496

388    En premier lieu, en ce qui concerne l’affaire no 10427 de 2012 (voir points 348 à 368 ci-dessus), les requérants ont présenté, pour l’essentiel, deux éléments nouveaux dans le mémoire en adaptation. D’une part, au soutien de leurs arguments relatifs à l’absence de faits qualifiables de détournement de fonds publics (voir point 347 ci-dessus), ils font valoir que l’ordonnance de renvoi du procureur général dans cette affaire se réfère à l’article 115 du code pénal égyptien, lequel porterait sur une infraction différente du détournement de fonds publics. D’autre part, ils fournissent une chronologie détaillée des faits et de l’évolution de la procédure dans cette affaire, qui vise à étayer leur argument selon lequel la procédure judiciaire aurait été manipulée à des fins politiques.

389    En défense, le Conseil, d’une part, se fonde sur le mémorandum complémentaire du procureur général d’Égypte du 18 août 2016 pour relever, en particulier, que les fonds d’une société par actions telle que la banque Al Watany sont considérés comme des fonds publics et, d’autre part, observe que la chronologie fournie par les requérants est un document établi par eux seuls aux fins de la présente procédure et n’est corroboré par aucun élément de preuve provenant d’une source externe ou d’un document officiel.

390    À cet égard, s’agissant du premier élément mis en avant par les requérants, il a déjà été relevé au point 355 ci-dessus que l’ordonnance de renvoi du procureur général d’Égypte du 12 juin 2012 renvoyait, en particulier, à l’article 119, sous h), et à l’article 119 bis, paragraphe 1, sous e), du code pénal égyptien, lesquels se réfèrent respectivement à la notion de fonds publics et à celle d’agent public. Cet élément ne peut donc qu’être écarté.

391    S’agissant du second élément, qui a déjà été analysé dans le cadre du deuxième moyen, il a été constaté au point 318 ci-dessus que, selon les déclarations des requérants à l’audience, le document en cause n’avait pas été communiqué au Conseil antérieurement à la décision 2017/496 et ne saurait, par conséquent, être pris en compte par le Tribunal.

392    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’affaire no 756 de 2012, les requérants ne présentent pas d’arguments différents de ceux déjà exposés dans la requête, lesquels doivent être rejetés pour les raisons mentionnées aux points 210 à 214 et 216 ci-dessus. Par ailleurs, s’agissant de l’allégation selon laquelle le Conseil n’aurait pas entendu se fonder sur la procédure judiciaire dans cette affaire, il suffit de relever que cette affaire est mentionnée dans le mémorandum du procureur général d’Égypte du 5 décembre 2016, qui a été annexé aux courriers du Conseil adressés à chacun des requérants le 27 janvier 2017, ainsi que dans le mémorandum du NCRAA, annexé au courrier du 6 février 2017. Cette analyse est confirmée par les déclarations du Conseil à l’audience, qui a indiqué que, dans la mesure où la procédure en cause était toujours en cours, il l’a considéré comme constituant une base factuelle suffisante pour la prorogation de la désignation des requérants.

393    En troisième lieu, en ce qui concerne l’affaire no 8897 de 2013, en complément des éléments que les requérants ont fournis en annexe de la requête en vue de démontrer qu’ils avaient remboursé les fonds détournés et que les autorités égyptiennes avaient agréé ce remboursement, ils fournissent une traduction de l’arrangement amiable ratifié en conseil des ministres. Les affirmations du procureur général d’Égypte dans le mémorandum du 6 février 2017, visant à démontrer l’absence d’incidence dudit remboursement sur l’issue de l’affaire en cause, seraient manifestement erronées. Elles ne seraient pas fiables et illustreraient le fait que le traitement des requérants obéissait à des desseins politiques et ne respectait pas le droit à un procès équitable.

394    Force est de constater que les éléments apportés par les requérants ne sont pas de nature à remettre en cause l’analyse exposée aux points 374 à 384 ci-dessus. En effet, ces éléments ne démontrent pas que, dans cette affaire, il aurait été mis fin à la procédure judiciaire à la suite de la restitution des sommes détournées, mais, au contraire, confirment que tel n’est pas le cas.

395    Tout d’abord, s’agissant de la copie du règlement amiable que les deux premiers requérants auraient conclu avec les autorités publiques égyptiennes, dont une traduction a été versée au dossier, il suffit de constater que, comme les autres documents relatifs audit règlement amiable qui ont été annexés à la requête, le document en question se réfère, tout au plus, à l’accomplissement de la deuxième phase de la procédure de règlement amiable prévue par l’article 18 bis, sous b), du code de procédure pénale égyptien, mais non à sa troisième et dernière phase, qui nécessite que la Cour de cassation égyptienne prononce, à la demande des deux premiers requérants, le sursis à exécution de toutes les peines encourues (voir points 377 et 378 ci-dessus). Au demeurant, il y a lieu de relever que, comme les requérants l’ont eux-mêmes indiqué, ce document n’a été obtenu qu’en mai 2017, de sorte que le Conseil n’a pas pu en prendre connaissance en vue de la prorogation de la désignation des deux premiers requérants dans le cadre de la décision 2017/496.

396    Ensuite, contrairement à ce que les requérants tentent de démontrer, le Conseil était en droit de se fonder sur les explications contenues dans le mémorandum des autorités égyptiennes du 6 février 2017 pour les raisons suivantes.

397    Premièrement, il convient de relever que ce mémorandum émane du NCRAA, qui est un organisme rattaché au procureur général d’Égypte, et donc d’une autorité publique, en principe, compétente pour fournir au Conseil des explications sur les modalités de recouvrement des fonds dont le détournement a été constaté dans l’affaire en cause. Le Conseil n’était donc pas tenu, comme le suggèrent les requérants, de prendre contact avec d’autres autorités publiques égyptiennes, telles que le ministre de la justice d’Égypte.

398    Deuxièmement, il n’appartient ni au Conseil ni au Tribunal de prendre position sur la question de savoir s’il est exact ou non que, comme le NCRAA l’expose dans son mémorandum, les deux premiers requérants se sont adressés à un comité incompétent pour connaître de leur demande de règlement amiable, au regard des dispositions applicables, et que, en vertu de la loi no 28 de 2015, ils auraient dû s’adresser au NCRAA lui-même. Il suffit de relever que cette position concernant la portée dudit règlement amiable est celle des autorités égyptiennes compétentes et qu’il doit en être déduit que ces autorités considèrent ce règlement amiable comme sans influence sur la procédure judiciaire en cause.

399    Le fait que cette position est celle des autorités égyptiennes compétentes est confirmé par le courrier du 16 janvier 2017 des avocats égyptiens des deux premiers requérants, joint au mémoire en adaptation. En effet, dans ce courrier, lesdits avocats s’adressent au procureur général d’Égypte en vue d’exposer les raisons pour lesquelles ils contestent ladite position et invitent cette autorité à reconsidérer sa décision d’archiver la demande qu’ils lui ont adressée en vue de sa transmission à la Cour de cassation égyptienne, dans le cadre de la troisième et dernière phase de la procédure de conciliation visée au point 377 ci-dessus. Il apparaît, en effet, que, au motif que le comité auquel les deux premiers requérants se sont adressés est incompétent, le procureur général d’Égypte a décidé d’archiver leur demande tendant à soumettre à la Cour de cassation égyptienne ledit règlement amiable.

400    En tout état de cause, les requérants n’ont pas fait valoir que la décision du procureur général d’Égypte de ne pas transmettre le règlement amiable en cause à la Cour de cassation égyptienne n’était pas une décision susceptible de recours devant les juridictions égyptiennes. Le Conseil était donc en droit de présumer que les deux premiers requérants avaient la faculté de saisir de cette décision les juridictions compétentes, selon les voies de recours appropriées.

401    Au demeurant, le caractère erroné de l’interprétation des dispositions applicables retenue par le procureur général d’Égypte dans cette décision ne ressort pas de manière manifeste du mémorandum du 6 février 2017 ni du courrier du 16 janvier 2017 des avocats égyptiens des deux premiers requérants .

402    Troisièmement, même à supposer que l’affirmation du NCRAA selon laquelle le conseil des ministres a refusé de valider la demande de règlement amiable des deux premiers requérants soit démentie par la copie du règlement amiable jointe au mémoire en adaptation, ce qui n’est pas absolument évident, cette circonstance serait sans incidence au regard des considérations exposées aux points 395 à 400 ci-dessus.

403    Quatrièmement, les requérants admettent que les éléments produits dans le mémorandum du NCRAA démontrent qu’il n’a pas encore été définitivement mis fin à la procédure judiciaire dans cette affaire, ce qui suffit, comme cela est indiqué au point 380 ci-dessus, pour que le Conseil puisse continuer à se fonder sur la procédure en cause.

404    Cinquièmement, pour les mêmes raisons, les éléments produits par les requérants en vue de contester l’affirmation contenue dans le mémorandum du NCRAA selon laquelle le procureur général d’Égypte n’a pas affecté (earmarked) la somme payée par les deux premiers requérants à la restitution des fonds détournés sont sans incidence, dès lors qu’il est constant que ladite restitution n’a pas, à ce stade, mis fin à la procédure judiciaire en cause.

405    Enfin, il résulte de ce qui précède que le Conseil pouvait considérer, à bon droit, que la restitution à l’État égyptien, par les deux premiers requérants, des sommes détournées dans l’affaire no 8897 de 2013 n’était pas effective, en l’absence de clôture de la procédure de règlement amiable. Il pouvait donc logiquement en déduire que l’exécution en cours de la décision prononçant la condamnation des deux premiers requérants comprenait toujours, non seulement le paiement des amendes prévues par cette décision, mais aussi la restitution des montants détournés qu’elle avait ordonnée. Par conséquent, la question de savoir si, comme l’affirment les requérants, le gel de leurs fonds dans l’Union pourrait reposer ou non uniquement sur l’absence de paiement aux autorités égyptiennes de l’amende qui leur a été infligée par le jugement du 13 janvier 2015, confirmé par la Cour de cassation égyptienne, en sus de la condamnation à la restitution des sommes détournées (voir point 322 ci-dessus), est sans incidence en l’espèce.

406    S’agissant des arguments des requérants tendant à remettre en cause la faculté, pour le Conseil, de se fonder sur le motif tiré de ce que les premier et deuxième requérants faisaient l’objet d’une procédure de recouvrement d’avoirs dans le cadre de l’affaire no 8897 de 2013, ils sont inopérants. En effet, il résulte des points 394 à 405 ci-dessus que le Conseil pouvait, à bon droit, continuer à se fonder sur le motif tiré de ce que ces derniers faisaient l’objet d’une procédure judiciaire en cours, lequel motif suffisait pour procéder à la prorogation de leur désignation dans le cadre de la décision 2017/496.

407    En quatrième lieu, s’agissant de l’affaire no 53 de 2013, les requérants n’invoquent pas des arguments différents de ceux de la requérante dans l’affaire T‑274/16. Pour les raisons invoquées au point 234 ci-dessus, ces arguments doivent être rejetés.

408    En cinquième lieu, en ce qui concerne les troisième et quatrième requérantes, les arguments présentés par les requérants ne sont pas susceptibles de remettre en cause le constat, effectué au point 387 ci-dessus, selon lequel elles étaient concernées par trois procédures judiciaires en cours, à savoir une procédure de gel de fonds mentionnée dans le courrier du 22 février 2016 et les procédures pénales dans les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013. S’agissant de la première de ces procédures, il y a lieu de relever que, comme le Conseil le fait valoir dans ses observations sur le mémoire en adaptation, le procureur général d’Égypte, dans un mémorandum complémentaire du 1er janvier 2017 communiqué aux requérants, a indiqué que l’ordonnance de gel des avoirs en cause était toujours en vigueur, ce qui n’est pas contesté par les requérants.

409    Dès lors, il résulte de tout ce qui précède que, en vue de la prorogation de la désignation des requérants dans le cadre de la décision 2017/496, le Conseil pouvait continuer à se fonder sur les procédures judiciaires examinées aux points 388 à 408 ci-dessus. Il convient donc de rejeter le troisième moyen dans son ensemble.

4.      Sur le quatrième moyen

410    Le présent moyen repose sur la même argumentation que le quatrième moyen du recours dans l’affaire T‑274/16. Par ailleurs, les motifs de prorogation de la désignation des requérants et de la requérante dans l’affaire T‑274/16 sont les mêmes. En outre, avant l’adoption de la décision 2016/411 et celle de la décision 2017/496, comme la requérante dans l’affaire T‑274/16, les requérants se sont vu communiquer par le Conseil les informations fournies par les autorités égyptiennes en ce qui concerne les procédures judiciaires les visant (voir courriers du 12 février 2016 et des 27 janvier et 6 février 2017) et, par courriers du 21 mars 2016 et du 22 février 2017, au contenu, en substance, analogue à celui des courriers transmis à la même date à la requérante dans l’affaire T‑274/16, le Conseil a répondu à certains arguments des requérants et a exposé, à suffisance de droit, les raisons pour lesquelles il continuait à considérer que leur désignation sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/172 devait être maintenue. Dès lors, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 239 à 244 ci-dessus, le quatrième moyen doit être rejeté.

5.      Sur le cinquième moyen

411    Dans le cadre du cinquième moyen, les requérants présentent trois griefs, en substance, analogues à ceux exposés dans le cadre du moyen correspondant du recours dans l’affaire T‑274/16.

412    En ce qui concerne le premier grief, il doit être rejeté pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 254 et 255 ci-dessus.

413    En ce qui concerne le deuxième grief, il résulte des points 347 à 387 ci-dessus que le Conseil était susceptible de se fonder sur un certain nombre de procédures mentionnées dans le courrier du 2 janvier 2016 pour maintenir le gel des avoirs de l’ensemble des personnes désignées, procédures sur lesquelles ils ont pu présenter des observations antérieurement à l’adoption de la décision 2016/411. Par conséquent, le fait que le courrier des autorités égyptiennes du 22 février 2016 ne leur a été communiqué que postérieurement à l’adoption de la décision 2016/411 n’a pas affecté concrètement leurs droits de la défense. En effet, même dans l’hypothèse où ils auraient été en mesure de présenter en temps utile des observations en ce qui concerne les ordonnances de gel d’avoirs mentionnées dans ce courrier, cette circonstance n’aurait pu aboutir à un résultat différent. Tel est le cas, en particulier, des éléments qu’ils ont présentés devant le Tribunal au sujet de l’ordonnance de gel d’avoirs concernant les investigations enregistrées sous le no 1 de l’année 2011 (voir point 367 ci-dessus).

414    S’agissant du troisième grief, même si, dans son courrier du 21 mars 2016, le Conseil n’a pas apporté de réponse spécifique aux observations des requérants concernant chacune des procédures judiciaires, mais y a répondu de manière générale, les requérants ne démontrent pas, en tout état de cause, que leurs droits de la défense et leur droit à une protection juridictionnelle effective ont été violés de ce fait. Par conséquent, le troisième grief doit être également rejeté et donc le présent moyen, en tant qu’il vise la décision 2016/411.

415    Dans le cadre de leur mémoire en adaptation, les requérants ont présenté les mêmes arguments que ceux examinés par le Tribunal dans le cadre de l’affaire T‑274/16 aux points 263 à 264 ci-dessus. Pour les mêmes raisons que celles exposées à ces points, ces arguments doivent être rejetés.

416    Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

6.      Sur le sixième moyen

417    En tant que le présent moyen repose sur une argumentation, en substance, identique à celle venant à l’appui du sixième moyen du recours dans l’affaire T‑274/16, il doit être rejeté pour les motifs exposés aux points 273 à 291 ci-dessus.

418    Par ailleurs, s’agissant des arguments des requérants relatifs à la prétendue absence de mesures de la part des autorités égyptiennes en vue de recouvrer les avoirs détournés, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne l’affaire no 8897 de 2013, les requérants ne contestent pas que les autorités égyptiennes ont effectué des démarches en vue d’obtenir, à titre conservatoire, le gel de leurs avoirs auprès de plusieurs autres États et fournissent, au demeurant, des éléments de preuve de l’existence de ces démarches. En tout état de cause, l’absence, à ce stade, de telles démarches ne saurait remettre en cause la possibilité, pour le gel de ces avoirs dans l’Union, d’atteindre son objectif. En effet, il résulte, notamment, des considérations énoncées au point 158 ci-dessus que, si la légalité du gel des avoirs des requérants dans l’Union dépendait de l’existence d’une procédure de recouvrement de ces avoirs, l’effet utile pourrait en être sérieusement compromis, puisque, dans une telle hypothèse, les requérants pourraient, dans l’intervalle entre le prononcé de leur condamnation en Égypte et le début de la mise en œuvre de cette procédure, transférer leurs avoirs en dehors de l’Union.

419    Il y a donc lieu de rejeter le sixième moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

420    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

421    En l’espèce, les requérants ayant succombé, il convient de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T274/16 et T275/16 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Mme Suzanne Saleh Thabet, MM. Gamal Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, Alaa Mohamed Hosni Elsayed Mubarak, Mmes Heidy Mahmoud Magdy Hussein Rasekh et Khadiga Mahmoud El Gammal sont condamnés aux dépens.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2018.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige et cadre factuel

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le recours dans l’affaire T274/16

1. Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure du 13 mars 2018

2. Sur la recevabilité des conclusions visant à l’annulation du maintien, par le règlement d’exécution 2017/491, de la désignation de la requérante sur la liste annexée au règlement no 270/2011

3. Sur le fond

a) Sur le premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2016/411 et 2017/496, et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

1) En ce qui concerne la première branche du premier moyen, tirée du défaut de base juridique de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172, tel que prorogé par les décisions 2016/411 et 2017/496, et de la violation, du fait de cette prorogation, du principe de proportionnalité

i) Sur le grief tiré du défaut de base juridique

ii) Sur le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité

– Sur le premier argument, tiré de la destitution des « nouvelles autorités égyptiennes » soutenues par le Conseil

– Sur le deuxième argument, tiré des risques causés par l’instabilité du contexte politique égyptien et de violations alléguées de l’État de droit et des droits fondamentaux

– Sur le troisième argument, tiré du risque que le droit à un procès équitable de la requérante ne soit pas respecté dans le cadre des procédures pénales dont elle fait l’objet en Égypte

2) Sur la seconde branche, tirée du défaut de base juridique de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

b) Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 6 TUE, en liaison avec les articles 2 et 3 TUE et les articles 47 et 48 de la la Charte

1) Considérations liminaires

2) Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de ce que le Conseil a omis de s’assurer que les droits fondamentaux de la requérante avaient été respectés et a appliqué une présomption irréfragable de respect, par les autorités égyptiennes, de ces droits fondamentaux

3) Sur la seconde branche, tirée de ce que la prorogation de la désignation de la requérante est contraire aux objectifs visés au considérant 1 de la décision 2011/172

c) Sur le troisième moyen, tiré de la violation des critères généraux de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172 et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 270/2011

1) Considérations liminaires

2) Sur l’argument tiré de la communication tardive par le Conseil des éléments fournis par les autorités égyptiennes

3) Sur l’argument tiré de l’obligation, pour le Conseil, de vérifier si les procédures judiciaires visant la requérante concernent des faits susceptibles de porter atteinte à l’État de droit en Égypte

4) Sur les arguments relatifs à chacune des procédures sur lesquelles repose la prorogation de la désignation de la requérante

i) En ce qui concerne les éléments relatifs aux procédures judiciaires en cours ayant servi de fondement à la prorogation de la désignation de la requérante par la décision 2016/411

– En ce qui concerne les arguments relatifs aux procédures judiciaires dans les affaires nos 552 et 1021 de 2011

– En ce qui concerne les arguments relatifs à la procédure judiciaire dans l’affaire no 144 de 2012

– En ce qui concerne les arguments relatifs aux procédures judiciaires mentionnées dans le courrier du bureau du procureur général d’Égypte du 22 février 2016

– En ce qui concerne les affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013

ii) En ce qui concerne les éléments relatifs aux procédures judiciaires en cours ayant servi de fondement à la prorogation de la désignation de la requérante dans le cadre de la décision 2017/496

d) Sur le quatrième moyen, tiré de l’insuffisance de motivation des décisions 2016/411 et 2017/496

e) Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit à une bonne administration et du droit à une protection juridictionnelle effective

f) Sur le sixième moyen, tiré d’une limitation injustifiée et disproportionnée du droit de propriété de la requérante et d’une atteinte à sa réputation

B. Sur le recours dans l’affaire T275/16

1. Sur le premier moyen

2. Sur le deuxième moyen

a) Sur la première branche

1) S’agissant de la procédure pénale dans l’affaire no 10427 de 2012

2) S’agissant de la procédure pénale dans l’affaire no 8897 de 2013

b) Sur la seconde branche

3. Sur le troisième moyen

a) En ce qui concerne les arguments visant à remettre en cause la possibilité, pour le Conseil, de se fonder sur les procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes dans le cadre de la décision 2016/411

1) S’agissant des procédures judiciaires en cours dans le cadre de l’affaire no 10427 de 2012

2) S’agissant des affaires no 756 de 2012 et no 53 de 2013

3) S’agissant de la procédure judiciaire dans l’affaire no 8897 de 2013

b) En ce qui concerne les arguments visant à remettre en cause la possibilité, pour le Conseil, de se fonder sur les procédures judiciaires mentionnées par les autorités égyptiennes dans le cadre de la décision 2017/496

4. Sur le quatrième moyen

5. Sur le cinquième moyen

6. Sur le sixième moyen

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.