Language of document : ECLI:EU:F:2011:186

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

28 novembre 2011 (*)

«Confidentialité – Contestation par les parties intervenantes – Article 94 du règlement de procédure du Tribunal – Remboursement des frais de l’élaboration par le greffe du Tribunal de la version non confidentielle d’un écrit de procédure et de ses annexes»

Dans l’affaire F‑105/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE ainsi que de l’article 41 du règlement du personnel de la Banque européenne d’investissement,

Eberhard Bömcke, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Athus (Belgique), représenté par Me D. Lagasse, avocat,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement, représentée par MM. C. Gómez de la Cruz et T. Gilliams, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Jean-Pierre Bodson, Evangelos Kourgias, Manuel Sutil et Patrick Vanhoudt, représentés par Mes G. J. Wilson et A. Senes, avocats,

parties intervenantes,

LE PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE,

vu l’article 110, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal,

rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal en télécopie le 22 octobre 2010 (le dépôt de l’original étant intervenu le 25 octobre suivant) et enregistrée sous la référence F‑105/10, M. Bömcke demande, à titre principal, l’annulation de la décision de la Banque européenne d’investissement (BEI), du 12 octobre 2010, de le démettre d’office de ses fonctions de représentant du personnel.

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 mars 2011, le collège des représentants du personnel de la BEI et MM. Bodson, Kourgias, Sutil et Vanhoudt ont demandé à intervenir dans l’affaire F‑105/10 à l’appui des conclusions de la BEI, partie défenderesse.

3        Par lettres des 21 et 31 mars 2011, le requérant et la BEI ont, respectivement, demandé que, par application de l’article 109, paragraphe 5, du règlement de procédure, certains éléments secrets ou confidentiels du dossier soient exclus de la communication des écrits de procédure et des pièces aux parties qui seraient admises à intervenir et ont produit chacun, aux fins de cette communication, une version non confidentielle des requête, mémoires et pièces en question.

4        Il a été constaté par le Tribunal que les demandes de confidentialité introduites par le requérant et la BEI divergeaient quant aux pièces à l’égard desquelles était demandé un traitement confidentiel. En effet, le traitement confidentiel de l’annexe C.9 était demandé seulement par le requérant, tandis que le traitement confidentiel des annexes A.29, A.30, A.31, A.42 et B.2 était uniquement demandé par la BEI.

5        À titre conservatoire et dans l’attente de la décision sur les parties admises à intervenir ainsi que sur les demandes de confidentialité, le Tribunal a considéré que tout écrit de procédure ou annexe ayant fait l’objet, pour tout ou partie, d’une demande de confidentialité de la part du requérant ou de la BEI, devait être considéré comme confidentiel et ne pas être communiqué aux parties qui seraient admises à intervenir. Par suite, le requérant et la BEI ont été invités, par lettres du greffe du 1er juillet 2011, à communiquer au Tribunal une version non confidentielle de leurs écrits, à savoir pour le requérant, une version non confidentielle de sa requête, et notamment sans les annexes A.14, A.16, A.18, A.20, A.22, A.29, A.30, A.31, A.32, A.33, A.34, A.36, A.37, A.40, A.42, A.43, et une version non confidentielle du mémoire en réplique, et notamment sans les annexes C.1, C.2, C.4, C.5, C.6, C.7, C.8, C.9, C.13 et, pour la BEI, une version non confidentielle du mémoire en défense, et notamment sans l’annexe B.2.

6        Par lettre enregistrée le 6 juillet 2011, la BEI a déposé une version non confidentielle de son mémoire en défense ne contenant pas l’annexe B.2.

7        Par lettre enregistrée le 8 juillet 2011, le requérant a fait savoir au Tribunal qu’il refusait de se conformer à la décision du Tribunal du 1er juillet 2011 au motif qu’il avait déjà transmis le 21 mars 2011 une version non confidentielle de ses écrits qui était conforme à sa propre demande de confidentialité et qu’il revenait à la BEI d’établir la version non confidentielle demandée par le Tribunal dès lors que cette dernière ne divergeait de la version non confidentielle établie par lui-même que pour les annexes dont la confidentialité avait été demandée par la BEI, à savoir les annexes A.29, A.30, A.31, A.40 et A.42.

8        Par ordonnance du Tribunal du 19 juillet 2011 (ci-après l’«ordonnance du 19 juillet 2011»), la demande en intervention du collège des représentants du personnel de la BEI a été rejetée au motif que ledit collège est dépourvu de la capacité d’ester en justice. En revanche, MM. Bodson, Kourgias, Sutil et Vanhoudt ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la BEI. S’agissant des demandes de traitement confidentiel formulées par le requérant et par la BEI, le Tribunal les a acceptées à titre provisoire.

9        En raison du refus du requérant de donner suite à la décision conservatoire du Tribunal du 1er juillet 2011, confirmée par l’ordonnance du 19 juillet 2011, le greffe a préparé les versions non confidentielles des écrits de procédure du requérant, parmi lesquelles la version non confidentielle de la requête transmise par le requérant le 21 mars 2011, et notamment sans les annexes A.14, A.16, A.18, A.20 A.22, A.29, A.30, A.31, A.32 A.33, A.34, A.36, A.37, A.40, A.42 et A.43.

10      Les versions non confidentielles des écrits du requérant et de la BEI ont été notifiées aux parties intervenantes le 20 juillet 2011. Le requérant et la BEI en ont été informés le même jour.

11      Dans leur mémoire en intervention déposé au greffe le 14 septembre 2011, les parties intervenantes ont contesté les demandes de traitement confidentiel formulées par le requérant et la BEI.

 Sur les demandes de traitement confidentiel

 Objets des demandes et observations des parties

12       La demande de traitement confidentiel formulée par le requérant porte sur les éléments du dossier indiqués ci-après et est motivée comme suit:

dans les annexes à la requête:

–        les pièces A.14, A.22 et A.34, au motif qu’il s’agit de certificats médicaux concernant le requérant contenant par nature des données à caractère personnel;

–        les pièces A.16, A.18 et A.20, A.32 et A.43, au motif qu’il s’agit de cinq courriels échangés dans le cadre d’une procédure de harcèlement moral (intitulée «Dignity at work») concernant le requérant, procédure qui est de nature confidentielle;

–        la pièce A.33, au motif qu’il s’agit d’une lettre concernant la situation professionnelle du requérant au sein de la BEI et qu’en outre l’auteur de cette lettre en a fait précéder le contenu de la mention «Personnel et confidentiel»;

–        les annexes 4 et 5 de la lettre constituant la pièce A.36, au motif qu’elles contiennent une copie des annexes A.32 et A.34 dont la confidentialité est également demandée;

–        les passages du courrier constituant la pièce A.37, concernant des membres du personnel de la BEI autres que le requérant, ainsi que les annexes 1 et 2 de ce courrier, au motif qu’il s’agit de donnés à caractère personnel;

dans les annexes à la réplique:

–        la pièce C.1, au motif qu’il s’agit de l’appréciation portée en 2006 sur la performance du requérant, appréciation qui constitue une donnée à caractère personnel;

–        les pièces C.2, C.4, C.5, C.6, C.7, C.8 et C.13, au motif que ces pièces concernent la situation professionnelle du requérant au sein de la BEI et contiennent sur ce point des données à caractère personnel;

–        la pièce C.9, au motif qu’il s’agit d’un courrier de nature confidentielle.

13      La demande de traitement confidentiel formulée par la BEI, porte sur les éléments du dossier indiqués ci-après et est motivée comme suit:

dans les annexes à la requête:

–        les pièces A.14, A.22 et A.34, au motif qu’il s’agit de certificats médicaux, contenant par nature des données strictement privées couvertes par le secret médical;

–        les pièces A.16, A.18, A.20, A.29, A.30 et A.31, au motif qu’il s’agit de courriels couverts par le secret de la correspondance;

–        les pièces A.32 et A.33, au motif qu’il s’agit de courriels contenant des informations relatives à la carrière du requérant;

–        la pièce A.36, au motif, en substance, qu’il s’agit d’un courriel qui tombe sous le secret de la correspondance et qu’en outre certaines annexes à cette pièce contiennent des données médicales;

–        les pièces A.37, A.40 et A.42, au motif qu’il s’agit de lettres contenant des données personnelles;

dans les annexes au mémoire en défense:

–        la pièce B.2, au motif qu’il s’agit d’une lettre contenant des données personnelles;

dans les annexes à la réplique:

–        la pièce C.1, au motif qu’il s’agit de l’appréciation portée en 2006, sur la performance du requérant, appréciation qui constitue une donnée à caractère personnel;

–        les pièces C.2, C.4, C.5, C.6, C.7, C.8 et C.13, au motif qu’il s’agit de courriels contenant des données personnelles relatives à la carrière du requérant;

14      Les parties intervenantes contestent que les informations et documents susmentionnés aient un caractère confidentiel. En effet, elles estiment que la confidentialité desdites pièces les empêcherait de se faire une idée précise du litige et qu’en tout état de cause, la confidentialité ne serait pas nécessaires car elles seraient elles-mêmes soumises à un devoir de discrétion et à une obligation de confidentialité.

 Appréciation du président

15      L’article 110, paragraphe 2, du règlement de procédure prévoit:

«L’intervenant reçoit communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties. Le président peut cependant, à la demande d’une partie, exclure de cette communication des pièces secrètes ou confidentielles.»

16      Pour apprécier les conditions dans lesquelles un traitement confidentiel peut être accordé à certains éléments du dossier, il importe de mettre en balance, pour chaque pièce ou passage de pièce de procédure pour lequel un traitement confidentiel est demandé, le motif avancé par l’auteur de la demande susceptible de justifier un traitement confidentiel et l’intérêt légitime des parties intervenantes de disposer des informations nécessaires aux fins d’être pleinement en mesure de faire valoir leurs droits et d’exposer leur thèse devant le juge de l’Union (voir, par exemple, ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal de première instance du 1er mars 2007, SBS TV et SBS Danish Television/Commission, T‑336/04, point 41, et la jurisprudence citée).

17      En l’espèce, force est de constater que les demandes de traitement confidentiel ont été amplement motivées par le requérant et par la BEI dans leurs demandes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 21 et 31 mars 2011. Le requérant et la BEI ont en effet exposé, pour chaque élément sur lequel portait leurs demandes respectives de traitement confidentiel, les motifs justifiant qu’ils ne soient pas divulgués à des tiers. Dans ces conditions, pour que le président de la deuxième chambre du Tribunal, attributaire de la présente affaire, puisse effectuer la mise en balance dont il est fait état au point précédent, les parties intervenantes auraient dû justifier leur contestation de la confidentialité en indiquant pour chaque élément visé et ayant été occulté les motifs pour lesquels la confidentialité dudit élément devait être refusée (voir, par exemple, ordonnance SBS TV et SBS Danish Television/Commission, précitée, point 45).

18      Or, en l’espèce, les parties intervenantes se sont bornées, pour demander que la confidentialité des pièces susmentionnées soit levée, à soutenir que cette confidentialité les empêcherait de se faire une idée précise du litige et qu’en tout état de cause, la confidentialité ne serait pas nécessaire, car elles seraient elles-mêmes soumises à un devoir de discrétion et à une obligation de confidentialité. Par suite, il doit être constaté que, compte tenu du caractère succinct et formulé en termes généraux de la contestation de la confidentialité formulée par les parties intervenantes et à la jurisprudence précitée, le président de la deuxième chambre du Tribunal n’est pas à même d’effectuer la mise en balance entre, d’une part, le motif susceptible de justifier un traitement confidentiel et, d’autre part, l’intérêt légitime des parties intervenantes à disposer des informations nécessaires aux fins d’être pleinement en mesure de faire valoir leurs droits et d’exposer leur thèse devant le juge de l’Union.

19      Dans ces conditions, les demandes de traitement confidentiel du requérant et de la BEI doivent être intégralement accueillies.

 Sur les conséquences du refus du requérant d’exécuter la décision conservatoire du Tribunal, du 1er juillet 2011, confirmée par l’ordonnance du 19 juillet 2011

20      L’article 94 du règlement de procédure dispose:

«La procédure devant le Tribunal est gratuite, sous réserve des dispositions suivantes:

a) si le Tribunal a exposé des frais qui auraient pu être évités, notamment si le recours a un caractère manifestement abusif, il peut condamner la partie qui les a provoqués à les rembourser intégralement ou en partie, sans que le montant de ce remboursement puisse excéder la somme de 2 000 euros;

b) les frais de tout travail de copie et de traduction effectué la demande d’une partie, considérés par le greffier comme extraordinaires, sont remboursés par cette partie sur la base du tarif en vigueur visé à l’article 20.»

21      En l’espèce, après avoir constaté que les demandes de confidentialité respectives du requérant et de la BEI divergeaient quant aux pièces concernées (voir point 4 de la présente ordonnance), le Tribunal a décidé, à titre conservatoire, que tout écrit de procédure ou toute annexe ayant fait l’objet, pour tout ou partie, d’une demande de confidentialité de la part du requérant ou de la BEI devait être considéré comme confidentiel et ne pas être communiqué aux parties intervenantes. Par suite, le greffe du Tribunal a invité le requérant et la BEI à communiquer chacun au Tribunal une version non confidentielle de ses écrits, à savoir, pour le requérant, une version non confidentielle de sa requête, et notamment sans les annexes A.14, A.16, A.18, A.20, A.22, A.29, A.30, A.31, A.32, A.33, A.34, A.36, A.37, A.40, A.42, A.43, et une version non confidentielle du mémoire en réplique, et notamment sans les annexes C.1, C.2., C.4, C.5, C.6, C.7, C.8, C.9, C.13 et, pour la BEI, une version non confidentielle du mémoire en défense, et notamment sans l’annexe B.2 (voir point 5 de la présente ordonnance).

22      Par lettre enregistrée le 8 juillet 2011, le requérant a fait savoir au Tribunal qu’il refusait de se conformer à la décision conservatoire du Tribunal du 1er juillet 2011 au motif qu’il avait déjà transmis une version non confidentielle de ses écrits, conforme à sa demande de confidentialité, et qu’il revenait à la BEI d’établir la version non confidentielle demandée par le Tribunal dès lors que cette dernière ne divergeait de la version non confidentielle établie par lui-même que pour les annexes dont la confidentialité avait été demandée par la BEI, à savoir les annexes A.29, A.30, A.31, A.40 et A.42 (voir point 7 de la présente ordonnance).

23      Cependant, il doit être rappelé que toute partie à un litige, qu’elle soit partie principale ou partie intervenante, est responsable du préjudice éventuel que pourrait causer à un tiers la communication aux autres parties au litige de ses écrits et pièces de procédure. Par conséquent, il revient à la partie qui produit un écrit ou une pièce de procédure de s’assurer que cet écrit ou cette pièce de procédure n’est pas susceptible de révéler des informations confidentielles ou personnelles concernant des tiers. Aussi, bien que le requérant n’ait pas demandé la confidentialité des pièces de procédure figurant aux annexes A.29, A.30, A.31, A.42 à sa requête, il lui revenait néanmoins, en l’absence de preuve d’une quelconque manœuvre dolosive de la part de la BEI, de rendre confidentielles ces pièces, ainsi qu’en avait décidé le Tribunal à la demande de la BEI.

24      Le refus du requérant de se conformer à la décision, prise à titre conservatoire par le Tribunal le 1er juillet 2011, et confirmée par l’ordonnance du 19 juillet 2011, a eu pour conséquence que le Tribunal a dû donner instruction au greffe de préparer aux lieu et place du requérant une version non confidentielle de la requête ainsi que de ses annexes, frais qui auraient pu être évités si le requérant avait exécuté ladite décision. Par conséquent, il y a lieu de mettre à la charge du requérant les frais de constitution par le greffe de la version non confidentielle de la requête et de ses annexes.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

ordonne:

1)      Il est fait droit aux demandes de traitement confidentiel présentées par M. Bömcke et par la Banque européenne d’investissement concernant notamment les annexes A.14, A.16, A.18, A.20, A.22, A.29, A.30, A.31, A.32, A.33, A.34, A.36, A.37, A.40, A.42, A.43, B.2, C.1, C.2, C.4, C.5, C.6, C.7, C.8, C.9 et C.13.

2)      M. Bömcke est condamné à payer au Tribunal la somme de 200 euros au titre des frais de l’élaboration par le greffe du Tribunal de la version non confidentielle de la requête et de ses annexes.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 28 novembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure: le français.