Language of document : ECLI:EU:F:2008:159

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

2 décembre 2008 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires et agents auxiliaires nommés fonctionnaires stagiaires – Article 10 de l’annexe VII du statut – Droit à l’indemnité journalière après perception d’une partie de l’indemnité d’installation »

Dans l’affaire F‑131/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Barbora Baniel-Kubinova, demeurant à Alzingen (Luxembourg), et treize autres fonctionnaires du Parlement européen dont les noms figurent en annexe au présent arrêt, représentés par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes R. Ignătescu et S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Tagaras (rapporteur), faisant fonction de président, Mme I. Boruta et M. S. Gervasoni, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 octobre 2007, les requérants ont introduit le présent recours tendant à l’annulation des décisions du Parlement européen de ne pas leur accorder l’indemnité journalière prévue à l’article 10 de l’annexe VII du statut.

 Cadre juridique

2        L’article 20 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« Le fonctionnaire est tenu de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions. Il informe l’autorité investie du pouvoir de nomination de son adresse et l’avise immédiatement de tout changement de celle-ci. »

3        L’article 71 du statut est rédigé comme suit :

« Dans les conditions fixées à l’annexe VII, le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu’il a exposés à l’occasion de son entrée en fonctions, de sa mutation ou de la cessation de ses fonctions, ainsi que des frais qu’il a exposés dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. »

4        L’article 5 de l’annexe VII du statut prévoit :

« 1. Une indemnité d’installation égale à deux mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer, ou égale à un mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire n’ayant pas droit à cette allocation, est due au fonctionnaire titulaire qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.

[…]

2. Une indemnité d’installation d’un même montant est versée lors d’une affectation à un nouveau lieu de service, au fonctionnaire qui est appelé à transférer sa résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.

3. L’indemnité d’installation est calculée d’après l’état civil et le traitement du fonctionnaire, soit à la date d’effet de la titularisation, soit à celle de l’affectation à un nouveau lieu de service.

L’indemnité d’installation est versée sur production de documents justifiant de l’installation du fonctionnaire au lieu de son affectation, ainsi que de celle de sa famille, si le fonctionnaire a droit à l’allocation de foyer.

[…] »

5        L’article 10 de l’annexe VII du statut est libellé comme suit :

« 1. Le fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut, a droit, pour une durée déterminée au paragraphe 2, à une indemnité journalière dont le montant est fixé comme suit :

Fonctionnaire ayant droit à l’allocation de foyer : 34,31 euros.

Fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer : 27,67 euros.

[…]

2. La durée d’octroi de l’indemnité journalière est déterminée comme suit :

a)      pour le fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer : 120 jours ;

b)      pour le fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer : à 180 jours ou – si le fonctionnaire intéressé a la qualité de fonctionnaire stagiaire – à la durée du stage augmentée d’un mois.

[…]

En aucun cas, l’indemnité journalière n’est octroyée au-delà de la date à laquelle le fonctionnaire a effectué son déménagement en vue de satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut. »

6        L’article 24, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents (ci-après le « RAA ») dispose :

« L’agent temporaire qui est engagé pour une durée déterminée d’au moins un an ou qui est considéré […] comme devant accomplir une période de service équivalente, s’il est titulaire d’un contrat de durée indéterminée, bénéficie, dans les conditions prévues à l’article 5 de l’annexe VII du statut, d’une indemnité d’installation dont le montant est fixé, pour une durée prévisible de service :

–        égale ou supérieure à un an mais inférieure à deux ans : à 1/3 [du taux fixé à l’article 5 de l’annexe VII au statut]

–        égale ou supérieure à deux ans mais inférieure à trois ans : à 2/3 [du taux fixé à l’article 5 de l’annexe VII au statut]

–        égale ou supérieure à trois ans : à 3/3 [du taux fixé à l’article 5 de l’annexe VII au statut]. »

7        L’article 25 du RAA prévoit que les agents temporaires bénéficient de l’indemnité journalière prévue à l’article 10 de l’annexe VII du statut. Il en va de même pour les agents auxiliaires en vertu de l’article 69 du RAA.

 Faits à l’origine du litige

8        Les requérants, au nombre de quatorze, sont tous entrés en fonctions au Parlement en tant qu’agents temporaires et/ou auxiliaires avant d’être nommés fonctionnaires stagiaires au cours d’une période allant du 1er septembre 2006 au 1er février 2007.

9        À leur entrée en fonctions en tant qu’agents temporaires et/ou auxiliaires, l’indemnité journalière leur a été versée en application des articles 25 et/ou 69 du RAA. Ils auraient également tous reçu, en leur qualité d’agents temporaires, une partie de l’indemnité d’installation (un tiers ou deux tiers), en vertu de l’article 24 du RAA.

10      Lors de leur nomination en tant que fonctionnaires stagiaires, le Parlement a, par décisions individuelles fixant les droits à l’entrée en fonctions, refusé de leur accorder le bénéfice de l’indemnité journalière prévue à l’article 10 de l’annexe VII du statut (ci-après les « décisions attaquées »). Ces décisions ont été adoptées en date du 6 octobre 2006 pour M. Brehovsky, du 16 novembre 2006 pour Mme Pavlovska, du 21 novembre 2006 pour Mme Celmina, du 4 janvier 2007 pour Mmes Baniel-Kubinova et Brumovska, du 8 janvier 2007 pour Mme Adamska, du 9 janvier 2007 pour Mmes Galubickaite et Holomkova, du 12 janvier 2007 pour Mme Zalakeviciute, du 15 janvier 2007 pour Mme Franck, du 16 janvier 2007 pour Mme Szabo, du 17 janvier 2007 pour M. Kampis, du 19 janvier 2007 pour Mme Rudolf et du 13 mars 2007 pour Mme Mladenova.

11      Les 13 février, 28 mars et 5 avril 2007, les requérants ont introduit des réclamations contre les décisions attaquées, en invoquant, notamment, la violation de l’article 10 de l’annexe VII du statut.

12      Par lettres des 25 juillet, 8 août, 11 septembre, 12 septembre, 14 septembre et 18 septembre 2007, le Parlement a rejeté ces réclamations et a fait valoir, notamment, que l’administration était en droit de ne pas leur accorder l’indemnité journalière, dans la mesure où les requérants avaient, de leur propre initiative, quelques mois auparavant, introduit une demande d’indemnité d’installation, en déclarant sur l’honneur avoir établi leur « résidence permanente » au Luxembourg et en joignant à cet effet des pièces justificatives.

 Conclusions des parties

13      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner la partie défenderesse à l’ensemble des dépens.

14      La partie défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Arguments des parties

15      Les requérants soulèvent un moyen unique, tiré de la violation de l’article 71 du statut et de l’article 10 de l’annexe VII du statut. En se référant à ces dispositions, ainsi qu’à la jurisprudence communautaire, ils soutiennent que la simple circonstance qu’ils aient déclaré résider au Luxembourg et le fait qu’une partie de l’indemnité d’installation leur ait été versée ne sont pas de nature à démontrer qu’ils ont déplacé leur centre d’intérêts au Luxembourg ou qu’ils n’ont pas continué à maintenir leur résidence antérieure, « habituelle », dans un autre État, l’indemnité d’installation étant d’ailleurs versée dans le but de ne pas inciter les intéressés à procéder à un déménagement. Ils disposeraient ainsi d’une résidence au Luxembourg à des fins seulement professionnelles et n’y établiraient leur résidence « principale » qu’à l’issue de leur période de stage, la précarité de leur rapport d’emploi étant maintenu jusqu’à leur titularisation, ce qui se refléterait d’ailleurs dans la circonstance qu’ils n’avaient reçu qu’une partie de l’indemnité d’installation. Enfin, les requérants allèguent que les décisions attaquées méconnaîtraient une jurisprudence constante selon laquelle la modification de la situation administrative d’un membre du personnel (agent auxiliaire, puis agent temporaire et enfin fonctionnaire stagiaire) n’empêche pas le maintien du droit à l’indemnité journalière jusqu’à la titularisation.

16      Le Parlement admet, tout d’abord, que le changement de régime statutaire « autorise la réouverture » du droit à l’indemnité journalière. En revanche, cette réouverture ne saurait être automatique, la pratique administrative consistant à vérifier de nouveau, afin d’octroyer cette indemnité, si l’intéressé « a effectivement changé de résidence », pour se conformer à l’article 20 du statut. En ce sens, l’administration rechercherait si l’intéressé a maintenu le centre de ses intérêts là où se situait son ancienne résidence ou s’il l’a effectivement déplacé vers son lieu d’affectation. Or, les requérants auraient effectué, de leur propre initiative, une déclaration sur l’honneur d’établissement de leur résidence « permanente » au Luxembourg et auraient demandé à bénéficier de l’indemnité d’installation. Il serait donc contradictoire, selon le Parlement, que les requérants affirment par la suite avoir maintenu leur résidence « principale » dans un autre pays que leur pays d’affectation, ce dans le but de recevoir l’indemnité journalière. De plus, s’appuyant sur l’arrêt du Tribunal du 16 janvier 2007, Borbély/Commission (F‑126/05, non encore publié au Recueil, point 45), selon lequel « rien ne s’oppose à ce que, en dépit du caractère provisoire de son affectation en un lieu déterminé, une personne fasse de ce lieu le centre de ses intérêts », le Parlement considère que l’argument des requérants, fondé sur le caractère précaire de leur séjour et le caractère temporaire de la relation de travail les liant au Parlement, ne saurait prospérer. Par conséquent, il pourrait être déduit, du seul fait que les requérants avaient reçu une partie de l’indemnité d’installation, que le centre de leurs intérêts avait été déplacé au Luxembourg.

 Appréciation du Tribunal

17      Il convient de commencer par indiquer que la finalité de l’indemnité journalière prévue à l’article 10 de l’annexe VII du statut est de compenser les frais et inconvénients liés à l’entrée en fonctions auprès des institutions de l’Union européenne, en raison de la précarité du rapport d’emploi (arrêt de la Cour du 11 août 1995, Parlement/Vienne, C‑43/94 P, Rec. p. I‑2441, point 21 ; arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Mozzaglia/Commission, T‑137/95, RecFP p. I‑A‑619 et II‑1657, points 40 et 46) ou de la nécessité de se déplacer ou de s’installer provisoirement au lieu d’affectation, tout en gardant, également à titre provisoire, une résidence au lieu du recrutement ou de l’affectation antérieure (arrêt de la Cour du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148/73, Rec. p. 81, point 25 ; arrêts du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 35, et du 15 juillet 2004, Gouvras/Commission, T‑180/02 et T‑113/03, RecFP p. I‑A‑225 et II‑987, point 163).

18      S’agissant de la finalité de l’article 5 de l’annexe VII du statut, qui prévoit l’indemnité d’installation, il est de jurisprudence constante que l’objectif de ladite indemnité est de compenser les charges liées à la situation d’un fonctionnaire dûment titularisé, qui passe d’un statut précaire à un statut définitif et doit dès lors se mettre en mesure de résider et de s’intégrer à son lieu d’affectation d’une façon permanente et durable pour une durée indéterminée mais substantielle (voir arrêts Mozzaglia/Commission, précité, point 56 ; du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Monteiro da Silva/Commission, T‑74/95, RecFP p. I‑A‑583 et II‑1559, point 63, et du 27 septembre 2000, Lemaître/Commission, T‑317/99, RecFP p. I‑A‑191 et II‑867, point 66).

19      La jurisprudence reprise au point précédent, développée au sujet de fonctionnaires titularisés, doit également s’appliquer aux agents temporaires, malgré le fait que, en raison des dispositions statutaires applicables, la durée prévisible du rapport de travail de ceux-ci avec les institutions de l’Union européenne et, partant, de leur séjour au lieu d’affectation, est moins longue que celle des fonctionnaires titularisés, ces derniers étant en principe censés pouvoir, sauf circonstances particulières, rester en service dans leur lieu d’affectation initiale durant de très nombreuses années, voire jusqu’à leur admission à la retraite.

20      En effet, le législateur communautaire prévoit le paiement de l’indemnité d’installation aux agents temporaires en partant de la prémisse que, même sans la sécurité de l’emploi du fonctionnaire titulaire, les agents temporaires dont la durée prévisible de travail est d’au moins un an, peuvent souhaiter s’intégrer à leur lieu d’affectation d’une façon permanente et durable. C’est pour faire face aux frais résultant de l’effort consenti en vue d’une telle intégration, que l’indemnité d’installation est versée aux agents temporaires, ne fût-ce que partiellement dans les cas d’une durée prévisible de travail inférieure à trois années.

21      En outre, si la jurisprudence citée au point 18 du présent arrêt se réfère à une durée de service « substantielle », cette référence est à interpréter dans le contexte des règles régissant l’indemnité d’installation. Or, il résulte du paragraphe 5 de l’article 5 de l’annexe VII du statut, que l’octroi de l’indemnité d’installation aux fonctionnaires titularisés n’est pas soumis à la condition que l’intéressé conserve la qualité de fonctionnaire durant de nombreuses années ; en effet, une durée totale de deux années de service (c’est-à-dire une durée inférieure à quinze mois à compter de la titularisation et du paiement effectif de l’indemnité en question) est de nature à justifier la perception par le fonctionnaire de l’intégralité du montant de l’indemnité d’installation. De même, en vertu de l’article 24 du RAA, les agents temporaires perçoivent le montant intégral de l’indemnité d’installation si la durée prévisible de leur service est de trois années (ou s’ils sont considérés comme devant accomplir une période service équivalente) ; ils peuvent même recevoir une fraction substantielle de l’indemnité en question si la durée prévisible de leur service est inférieure à trois ans (ou s’ils sont considérés comme devant accomplir une période de service équivalente).

22      Au surplus, si l’article 24 du RAA comporte une disposition spéciale prévoyant le paiement fractionné de l’indemnité d’installation en fonction de la durée prévisible du service, il renvoie pour le reste, notamment pour les « conditions » et pour le « taux », à l’article pertinent du statut, à savoir à l’article 5 de l’annexe VII de celui-ci.

23      Doit ainsi être écartée la position exprimée par les requérants lors de l’audience, selon laquelle, s’agissant des agents temporaires, la finalité de l’indemnité d’installation, telle que précisée par la jurisprudence citée au point 18 du présent arrêt, ne vaudrait que pour les agents recrutés pour une durée prévisible de service de trois ans au moins (cas dans lequel l’indemnité est versée dans son intégralité) et qu’en revanche, cette finalité, en cas de paiement du tiers ou des deux tiers de l’indemnité, serait différente, l’indemnité visant alors à procurer « un certain confort » aux agents dont la durée prévisible de travail est inférieure à trois ans.

24      S’agissant, en outre, des conditions d’octroi des indemnités prévues aux articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, il convient de rappeler que, aux termes même des dispositions dudit article 10, l’indemnité journalière est payée au fonctionnaire qui justifie « être » tenu de changer de résidence, tandis qu’en vertu des dispositions de l’article 5, susmentionné, l’indemnité d’installation est versée au fonctionnaire qui justifie « avoir été tenu » de changer de résidence. Il en résulte que le droit à l’indemnité journalière naît avant même que l’intéressé ait déplacé sa résidence vers son lieu d’affectation, tandis que le droit à l’indemnité d’installation n’est reconnu qu’après un tel déplacement.

25      Doit ainsi également être écarté l’argument des requérants tiré de la méconnaissance de la jurisprudence selon laquelle la modification de la situation administrative d’un membre du personnel (agent auxiliaire, puis agent temporaire et enfin fonctionnaire stagiaire) n’empêche pas le maintien du droit à l’indemnité journalière jusqu’à la titularisation (voir, en ce sens, arrêt Vienne/Parlement, précité, point 34). En effet, en l’espèce, le Tribunal observe que le Parlement ne s’est pas écarté de la jurisprudence susmentionnée, mais a simplement précisé que la « réouverture » du droit à l’indemnité journalière, en cas de changement de régime statutaire, ne saurait être automatique mais est subordonnée à la condition, laquelle fait l’objet d’une nouvelle vérification, que l’intéressé soit effectivement tenu de changer de résidence, pour se conformer à l’article 20 du statut.

26      Le Tribunal rappelle à cet égard la jurisprudence constante selon laquelle le terme de « résidence » employé dans les dispositions relatives aux conditions d’octroi des indemnités prévues par les articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut doit être compris comme désignant le centre des intérêts du fonctionnaire concerné (arrêt Borbély/Commission, précité, point 32 et la jurisprudence citée). Il a été en particulier jugé que ce terme vise le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts et qu’il implique en outre, indépendamment de la donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et de déroulement de rapports sociaux normaux (arrêt Borbély/Commission, précité, point 33).

27      Au vu des développements qui précèdent, il y a lieu de constater que la simple comparaison des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, tels qu’interprétés par la jurisprudence, s’oppose à ce qu’une personne ayant perçu l’indemnité d’installation en tant qu’agent temporaire, puisse revendiquer par la suite, lors de sa nomination en tant que fonctionnaire stagiaire, le bénéfice de l’indemnité journalière, et ce indépendamment d’un changement de régime statutaire. En effet, dans la mesure où l’octroi de l’indemnité d’installation est subordonné au déplacement de la résidence vers le lieu d’affectation de l’intéressé, celui-ci ne saurait valablement soutenir par la suite, aux fins d’obtenir un autre avantage pécuniaire, en l’espèce l’indemnité journalière, que son installation au lieu d’affectation est provisoire, par opposition à une « véritable » résidence qui se trouverait dans son pays d’origine.

28      Il a été en outre expressément jugé que lorsqu’un fonctionnaire est titularisé et se voit accorder l’indemnité d’installation, le versement éventuel de l’indemnité journalière prend fin (voir arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Commission/Lozano Palacios, C‑62/97 P, Rec. p. I‑3273, point 22). Il ne peut qu’en résulter que les fonctionnaires ou agents « installés », au sens de l’article 5 de l’annexe VII du statut et/ou de l’article 24 du RAA, dans leur lieu d’affectation, ne peuvent pas prétendre à l’indemnité journalière lorsque leur lieu d’affectation reste le même.

29      Les requérants reprochent cependant au Parlement d’avoir rejeté leurs réclamations sans examen individuel effectif et uniquement sur la base de leurs déclarations de « résidence habituelle » à Luxembourg, déclarations qu’ils avaient établies afin d’obtenir l’indemnité d’installation. Ces déclarations feraient seulement état de la résidence professionnelle des requérants, leur résidence au sens des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut se trouvant encore dans leurs pays d’origine.

30      Ce grief ne saurait être retenu. En effet, dans la mesure où les intéressés ont fait des déclarations sur l’honneur pour démontrer la localisation de leur résidence au Luxembourg, en joignant à ces déclarations, ainsi qu’ils l’ont d’ailleurs reconnu lors de l’audience, les pièces justificatives appropriées (contrats de bail, factures, etc.), ce afin d’obtenir l’avantage financier que représentait l’indemnité d’installation, le Parlement était en droit, pour des raisons ayant trait aux rapports de confiance qui doivent exister entre une institution et ses fonctionnaires ainsi que pour des raisons de saine gestion administrative, de ne pas procéder à un réexamen de la question tenant à la résidence des requérants lorsqu’ils ont demandé l’octroi de l’indemnité journalière, d’autant que ceux-ci n’accompagnaient pas cette demande d’une reconnaissance de l’erreur qu’ils auraient commise en déclarant auparavant avoir établi leur « résidence habituelle » au Luxembourg. Cette constatation s’impose d’autant plus que, ainsi qu’indiqué par le Parlement, lequel n’est pas contredit sur ce point par les requérants, c’est de leur propre initiative que ces derniers ont entamé les démarches nécessaires pour l’obtention de l’indemnité d’installation, démarches dans le cadre desquelles ils ont signé les déclarations sur l’honneur susmentionnées.

31      À titre surabondant, le Tribunal relève que les éléments invoqués dans la requête afin de démontrer le maintien de la résidence des requérants dans leurs pays d’origine se limitent à des résumés individuels de la situation personnelle de chacun d’entre eux, résumés parfois très succincts et non étayés par des pièces justificatives attestant leur véracité ou leur pertinence, en ce qui concerne par exemple le niveau des consommations domestiques d’un appartement que les intéressés auraient conservé dans leur pays d’origine. Ainsi, les requérants n’établissent pas la réalité des faits qu’ils invoquent au soutien de leurs allégations et n’offrent pas de preuves suffisantes justifiant le maintien de leur résidence dans leur pays d’origine. Par conséquent, et à supposer même que le Tribunal partage, ce qui n’est pas le cas, l’argumentation juridique des requérants, il se trouverait dans l’impossibilité de leur donner gain de cause et d’annuler les décisions attaquées. En toute hypothèse, à supposer établis les éléments invoqués dans la requête, ils permettraient seulement d’établir l’existence du lien que tout fonctionnaire ou agent est susceptible de conserver avec son pays d’origine, et non d’apporter la preuve d’une « résidence », au sens de la jurisprudence, dans ce pays ; la situation des requérants se distingue ainsi nettement de celle ayant donné lieu à l’arrêt Borbély/Commission, précité, qu’ils ont abondamment invoqué à l’appui de leurs arguments, en ce que, notamment, l’intéressée dans ladite affaire, Borbély/Commission, était fonctionnaire national détaché à la représentation permanente à Bruxelles et que, durant sa période de détachement, elle continuait à verser les loyers de l’habitation qu’elle avait conservée dans son pays d’origine, où, par la suite, elle avait acquis un nouvel appartement en vue de sa réinstallation à l’issue de la fin de son détachement à Bruxelles (voir arrêt Borbély/Commission, points 55, 56 et 58). Par ailleurs, et eu égard précisément à la jurisprudence susmentionnée (notamment au point 26 du présent arrêt), force est de constater que les allégations des requérants en ce qui concerne la localisation de leur résidence sont contredites non seulement au regard de la « donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays », mais également au regard de la notion plus subjective de « résidence » ; en effet, leurs efforts successifs pour acquérir la qualité d’agent, puis de fonctionnaire, démontrent que ce n’était pas dans leur pays d’origine qu’ils avaient l’« intention » d’avoir une « habitude de vie » et des « rapports sociaux normaux ».

32      Il convient enfin de rappeler la jurisprudence suivant laquelle les dispositions ouvrant droit à des prestations financières, comme c’est le cas de l’espèce, doivent être interprétées strictement (voir arrêt du Tribunal de première instance du 15 juillet 2004, Valenzuela Marzo/Commission, T‑384/02, RecFP p. I‑A‑235 et II‑1035, point 104 et la jurisprudence citée) et de relever, dans ce contexte, que, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, les requérants ont admis que l’accueil de leur recours, au motif que leur résidence au sens des articles 10 et 5 de l’annexe VII du statut se trouverait encore dans leur pays d’origine, aurait comme conséquence de leur reconnaître, au moment de leur titularisation, le droit à l’intégralité de l’indemnité d’installation, bien qu’ils en ont déjà reçu un tiers ou deux tiers.

33      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conclusions en annulation des requérants doivent être rejetées.

 Sur les dépens

34      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement relatives aux dépens et aux frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

35      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

36      Les requérants ayant succombé en leurs moyens dans la présente instance, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Tagaras

Boruta

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu

ANNEXE

ADAMSKA Ida, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

BREHOVSKY Miroslav, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

BRUMOVSKA Eva, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

CELMINA Ieva, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

FRANCK Honorata, demeurant à Welfrange (Luxembourg),

GALUBICKAITE Milda, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

HOLOMKOVA Bozena, demeurant à Bertrange (Luxembourg),

KAMPIS Kristof, demeurant à Roodt‑sur‑Syre (Luxembourg),

MLADENOVA Albena, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

PAVLOVSKA Elita, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

RUDOLF Bozena, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

SZABO Kinga, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

ZALAKEVICIUTE Anastasia, demeurant à Luxembourg (Luxembourg).


* Langue de procédure : le français.