Language of document : ECLI:EU:T:2019:480

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

3 juillet 2019 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par l’Espagne – Contrôles clés – Critères de reconnaissance des organisations de producteurs – Approbation des programmes opérationnels – Report des investissements au sein du même programme opérationnel – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑602/17,

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. M. Sampol Pucurull et Mme A. Gavela Llopis, puis par Mme Gavela Llopis et enfin par M. S. Jiménez García, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, W. Farrell et Mme M. Morales Puerta, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2017/1144 de la Commission, du 26 juin 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 165, p. 37), en tant qu’elle exclut dudit financement à l’égard du Royaume d’Espagne la somme de 7 097 397,27 euros,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur) et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En application des programmes opérationnels du secteur des fruits et légumes en Andalousie des années 2011 à 2013, le Royaume d’Espagne a engagé différentes dépenses financées par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) au titre des exercices financiers 2012 à 2014.

2        européenne no 

3        

4        

5        Par lettre du 3 février 2016, la Commission a communiqué aux autorités espagnoles les conclusions auxquelles elle était parvenue sur la base des informations reçues dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité.

6        

7        Par lettre du 3 janvier 2017, la Commission a notifié au Royaume d’Espagne sa position définitive, présentant les résultats de l’enquête FV/2014/001 ainsi que sa position concernant les de l’organe de conciliation.

8        

9        étdu montant étaient

10      européenne

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 septembre 2017, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

12      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 21 novembre 2017.

13      Le Royaume d’Espagne a déposé la réplique le 25 janvier 2018 et la Commission a déposé la duplique le 15 mars 2018.

14      Le 23 novembre 2018, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, les parties ont été invitées à se prononcer par écrit sur certains aspects du litige. En outre, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous d), dudit règlement, le Tribunal a invité le Royaume d’Espagne à produire la demande de modification du programme opérationnel concernée. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

15      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant qu’elle exclut du financement de l’Union, à l’égard du Royaume d’Espagne, la somme de 7 097 397,27 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le Royaume d'Espagne aux dépens.

 En droit

17      À l’appui du recours, le Royaume d’Espagne soulève quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 26, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 (UE) de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), lu conjointement avec les articles 103 et 106 de ce règlement d’exécution, ainsi que du principe de protection de la confiance légitime, le deuxième, de la violation de l’article 104, paragraphe 2, sous d), dudit règlement d’exécution ainsi que du principe de protection de la confiance légitime, le troisième, de la violation de l’article 59, sous e), iv), de l’article 60, paragraphes 2 et 5, et de l’article 65 du même règlement d’exécution ainsi que du principe de protection de la confiance légitime et, le quatrième, de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), ainsi que du document no VI/5330/97, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », adopté par la Commission le 23 décembre 1997 (ci-après le « document no VI/5530/97 »).

 Considérations générales

18      Il y a lieu de rappeler que le FEAGA et le (Feader) (ci-après, pris ensemble, les « fonds agricoles ») ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, EU:C:2003:251, point 45, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 32).

19      En outre, il ressort de la jurisprudence que la responsabilité du contrôle des dépenses des fonds agricoles incombe en premier lieu aux États membres et que la Commission doit vérifier les conditions dans lesquelles les paiements et les contrôles ont été effectués (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2014, Pays-Bas/Commission, C‑610/13 P, non publié, EU:C:2014:2349, point 57). À cet égard, il y a lieu de préciser que les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que les contrôles à effectuer ne laissent subsister aucun doute quant à la régularité des dépenses mises à la charge des fonds agricoles. Ils doivent donc faire en sorte que la qualité des contrôles effectués soit d’un niveau tel qu’elle ne puisse faire l’objet de critiques (voir, en ce sens, arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, C‑157/00, EU:C:2003:5, point 12).

20      En vertu d’une jurisprudence constante, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allègement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes des fonds agricoles et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, points 7 à 9 et jurisprudence citée, et du 14 avril 2005, Portugal/Commission, C‑335/03, EU:C:2005:231, point 68 et jurisprudence citée).

21      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêts du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 35 et jurisprudence citée, et du 3 décembre 2015, Italie/Commission, C‑280/14 P, EU:C:2015:792, point 64 et jurisprudence citée).

22      Enfin, il convient de rappeler que la Commission a l’obligation de procéder à une correction financière si les dépenses dont le financement est demandé n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union. Une telle correction financière tend à éviter la mise à charge des fonds agricoles de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue donc pas une sanction (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, point 14 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Grèce/Commission, T‑376/12, EU:T:2014:623, point 163 et jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 26, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, lu conjointement avec les articles 103 et 106 du même règlement d’exécution, ainsi que du principe de protection de la confiance légitime

23      Le premier moyen est relatif aux lacunes identifiées par la Commission en ce qui concerne le contrôle de la reconnaissance des organisations de producteurs. Il se divise en deux branches, tirées, la première, d’une violation de l’article 26, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, lu conjointement avec les articles 103 et 106 du même règlement d’exécution, et, la seconde, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 26, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, lu conjointement avec les articles 103 et 106 du même règlement d’exécution

24      Le Royaume d’Espagne soutient que c’est à tort que la Commission a conclu à l’absence de contrôle du critère de l’activité principale des organisations de producteurs. En effet, le respect de ce critère serait garanti par le contrôle approprié de la valeur de la production commercialisée (ci-après la « VPC »).

25      D’une part, en ce qui concerne le respect de l’article 103, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission, dans sa position définitive, n’a pas fait état de l’omission de l’un des éléments devant figurer dans les rapports de suivi des contrôles.

26      D’autre part, en ce qui concerne le respect des articles 26 et 106 du règlement d’exécution no 543/2001, le Royaume d’Espagne rappelle que les autorités espagnoles avaient procédé à plusieurs contrôles administratifs et sur place de la VPC, sans que les inspecteurs nationaux ne décèlent des lacunes en la matière.

27      La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

28      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans le rapport de synthèse, la Commission a estimé que le contrôle du critère de l’activité principale des organisations de producteurs n’était pas effectué par les autorités espagnoles au cours de contrôles sur place. En effet, des rapports de suivi dressés par les inspecteurs nationaux seraient entachés de défauts, car ils ne mentionneraient pas les résultats relatifs aux contrôles du critère de l’activité principale. Par conséquent, le système de contrôle des critères de reconnaissance des organisations de producteurs ne serait pas conforme aux articles 26, 103 et 106 du règlement d’exécution no 543/2011.

29      L’appréciation du bien-fondé de la première branche du premier moyen implique, au préalable, de déterminer si, comme le soutient le Royaume d’Espagne, le contrôle approprié du respect de l’un des critères de reconnaissance d’une organisation de producteurs, à savoir celui de la VPC, est suffisant pour établir le respect d’un autre critère de reconnaissance de cette organisation de producteurs, à savoir celui de l’activité principale d’une telle organisation.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 125 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1), les États membres reconnaissent comme organisation de producteurs dans le secteur des fruits et légumes toute entité juridique ou toute partie clairement définie d’une entité juridique qui en fait la demande à condition qu’elle réunisse un nombre minimal de membres et couvre un volume ou une valeur minimale de production commercialisable à déterminer par les États membres et apporte à cette fin la preuve correspondante.

31      En outre, les dispositions de l’article 125 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007 ont été mises en œuvre par les dispositions figurant sous la section 2 du règlement d’exécution no 543/2011, intitulée « Exigences applicables aux organisations de producteurs ». Comme le relève la Commission, cette section régissait de manière séparée, d’une part, l’exigence relative à la VPC, qui fait l’objet de l’article 24 dudit règlement d’exécution, et, d’autre part, l’exigence relative à l’activité principale de l’organisation, qui fait l’objet de l’article 26 du même règlement d’exécution.

32      L’article 24, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011 prévoyait, en substance, que, aux fins de l’article 125 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007, la valeur et le volume de la production commercialisable étaient calculés sur la même base que la VPC prévue aux articles 50 et 51 dudit règlement d’exécution.

33      L’article 26, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011 prévoyait, pour sa part, que l’activité principale d’une organisation de producteurs concernait la concentration de l’offre et la mise sur le marché des produits de ses membres pour lesquels elle était reconnue. Le paragraphe 2 de cet article énonce qu’une organisation de producteurs peut vendre des produits de producteurs qui ne sont membres ni d’une organisation de producteurs ni d’une association de producteurs lorsqu’elle est reconnue pour ces produits et pour autant que la valeur économique de cette activité soit inférieure à la valeur de sa production commercialisée conformément à l’article 50 dudit règlement d’exécution.

34      Par ailleurs, il ressort de l’article 103, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011 que chaque contrôle sur place devait faire l’objet d’un rapport de suivi rendant compte avec précision des différents éléments du contrôle. Ce rapport devait indiquer, notamment, le régime d’aide et la demande contrôlée, les personnes présentes, les actions, les mesures et les documents vérifiés, et les résultats du contrôle. L’article 106, paragraphe 1, sous a), du même règlement d’exécution obligeait les États membres à procéder aux contrôles sur place du respect des critères de reconnaissance des organisations de producteurs pour l’année considérée.

35      Il résulte des dispositions mentionnées aux points 32 et 33 ci-dessus que, comme le soutient le Royaume d’Espagne, il existait effectivement un lien entre le critère de la VPC et le critère de l’activité principale, en ce sens que la VPC constituait la limite qui ne pouvait être dépassée lorsqu’une organisation de producteurs procédait à la vente des produits provenant des producteurs qui n’étaient pas ses membres.

36      Il n’en reste pas moins que, comme le soutient la Commission, le contrôle du critère de la VPC prévu par l’article 24 du règlement d’exécution no 543/2011 avait un objectif différent de celui du contrôle du critère de l’activité principale. Le contrôle du critère de la VPC visait notamment à vérifier si le calcul de la VPC avait été effectué correctement et si l’organisation de producteurs respectait la valeur minimale de production commercialisable mentionnée à l’article 125 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007 et déterminée par l’État membre concerné. En revanche, le contrôle relatif à l’activité principale avait pour but d’assurer le respect des dispositions de l’article 26 du règlement d’exécution no 543/2011, en ce qui concerne l’activité principale de l’organisation de producteurs pour lesquels celle-ci était reconnue. Pour ce faire, il convenait essentiellement de vérifier si la valeur économique d’une éventuelle vente de produits provenant de producteurs tiers était inférieure à la valeur de vente des produits provenant des membres de l’organisation de producteurs concernée.

37      La spécificité de l’objectif du contrôle du critère de l’activité principale est bien illustrée par les exemples évoqués par la Commission et concernant des cas d’anomalies de rendement constatées au cours des contrôles effectués par les inspecteurs nationaux, contrôles dont la qualité a été remise en cause dans le cadre de l’enquête FV/2014/001. En particulier, la Commission relève qu’un rapport de suivi établi par les inspecteurs nationaux à la suite d’un contrôle mentionnait notamment le cas d’un producteur qui avait déclaré une production de 55,48 tonnes d’oranges, alors que le rendement moyen maximal dans sa région était de 25,31 tonnes, faisant valoir que certaines plantations avaient eu des rendements moyens allant jusqu’à 60 tonnes. Elle indique que les inspecteurs nationaux n’ont pas analysé les raisons avancées par ce producteur. Selon elle, dans ces circonstances, il était impossible de déterminer sur la base du rapport de suivi si des plantations d’orangers de producteurs de la même organisation de producteurs avaient réellement eu un rendement qui dépassait de plus de deux fois le rendement moyen.

38      Or, comme le constate à juste titre la Commission, le fait que les raisons avancées par les producteurs pour expliquer les divergences entre leur rendement et les rendements moyens ont été acceptées sans examen ni vérification impliquait un risque que le critère de reconnaissance de l’activité principale prévu par l’article 26 du règlement d’exécution no 543/2011 ne soit pas respecté. En effet, ainsi que l’explique la Commission, des rendements anormalement élevés pourraient s’expliquer par le fait qu’un producteur déclare des produits acquis auprès d’un autre producteur non membre de l’organisation de producteurs comme étant les siens, en violation de l’exigence de mettre sur le marché les produits des membres de l’organisation de producteurs.

39      L’exemple évoqué au point 37 ci-dessus démontre que le critère de l’activité principale est un critère différent de celui de la VPC et qu’il exige des contrôles spécifiques. Il s’ensuit que la prémisse sur laquelle est fondée le premier moyen du recours, selon laquelle la vérification adéquate du critère de la VPC devrait être considérée comme suffisante pour conclure que le contrôle du critère de l’activité principale était également suffisant, est erronée.

40      En l’espèce, il convient de relever que le Royaume d’Espagne a semblé reconnaître le bien-fondé des reproches formulés par la Commission consécutivement à l’enquête FV/2014/001 en ce qui concerne les défauts des rapports de suivi dressés par les inspecteurs nationaux. En effet, comme le soutient la Commission, au cours de la procédure administrative, les autorités espagnoles lui ont fourni un nouveau modèle de rapport de suivi dans lequel avait été inséré un nouveau paragraphe portant sur la justification et sur l’évaluation des anomalies de rendement. Ce nouveau modèle de rapport de suivi serait envoyé aux autorités régionales responsables des contrôles, accompagné de nouvelles instructions allant en substance dans le sens des observations formulées par la Commission.

41      À la lumière de la jurisprudence citée aux points 20 et 21 ci-dessus, il y a lieu de considérer que les défauts des rapports de suivi relevés par la Commission lors de l’enquête FV/2014/001 sont suffisants pour constater que les contrôles des organisations de producteurs effectués par les inspecteurs nationaux n’ont pas permis d’assurer la vérification adéquate du respect du critère de l’activité principale prévu à l’article 26 du règlement d’exécution no 543/2011 et que, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, c’est à juste titre que la Commission a constaté que le système espagnol de contrôle des critères de reconnaissance ne satisfaisait pas aux exigences des articles 26, 103 et 106 dudit règlement d’exécution.

42      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée, en substance, de la violation du principe de protection de la confiance légitime

43      Le Royaume d’Espagne soutient, en substance, que, en écartant les conclusions de l’enquête portant sur les contrôles effectués par les autorités espagnoles au cours des exercices financiers 2009 à 2011 (ci-après l’« enquête FV/2010/004 ») comme dépourvues de pertinence dans le cadre de l’enquête FV/2014/001, la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime.

44      La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

45      Il convient de rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables [voir arrêts du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 81 et jurisprudence citée, et du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 77 et jurisprudence citée].

46      Il est de jurisprudence constante que ce principe peut être invoqué par un État membre (voir arrêt du 9 mars 2018, Portugal/Commission, T‑462/16, non publié, EU:T:2018:127, point 21 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 avril 2015, Pologne/Commission, T‑290/12, EU:T:2015:221, point 57 et jurisprudence citée).

47      Toutefois, dans le contexte de l’apurement des comptes des fonds agricoles, la Cour a dit pour droit qu’un État membre ne saurait tirer argument de ce que, dans le passé, la Commission n’aurait jamais contesté le système de contrôle en question. En effet, selon une jurisprudence constante, si la Commission a toléré des irrégularités pour des raisons d’équité, l’État membre concerné n’acquiert aucun droit à exiger la même attitude pour des irrégularités qui seraient commises lors de l’exercice suivant sur la base du principe de sécurité juridique ou du principe de protection de la confiance légitime (voir arrêt du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, EU:C:2005:548, point 68 et jurisprudence citée).

48      À cet égard, chaque année doit être appréciée séparément en vue de constater que l’État membre en question a, lors de la réalisation des opérations financées par un fonds agricole, respecté ou non les exigences découlant du droit de l’Union. Cela résulte de la règle, déjà mentionnée au point 18 ci-dessus, selon laquelle les fonds agricoles ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions de droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt du 26 novembre 2008, Grèce/Commission, T‑263/06, non publié, EU:T:2008:529, point 171 et jurisprudence citée).

49      Il résulte de la jurisprudence citée aux points 47 et 48 ci-dessus que le Royaume d’Espagne ne saurait utilement invoquer les conclusions formulées par la Commission dans le cadre de l’enquête portant sur les contrôles effectués par les autorités espagnoles au cours des exercices 2009 à 2011 pour reprocher à la Commission, sur la base du principe de protection de la confiance légitime, d’avoir constaté au cours d’une enquête ultérieure des irrégularités entachant des contrôles effectués par ces autorités au cours des exercices 2012 à 2014.

50      En tout état de cause, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, les conclusions de l’enquête FV/2010/004 ne portent pas sur le même aspect que les conclusions de l’enquête FV/2014/001. En effet, les lacunes relevées au cours de l’enquête FV/2010/004 concernaient les contrôles sur place de la VPC, alors que celles relevées au cours de l’enquête FV/2014/001 concernaient les contrôles sur place de l’activité principale des organisations de producteurs, en particulier dans le cas des anomalies de rendement. Or, comme cela ressort des observations présentées aux points 35 à 39 ci-dessus, il s’agit de critères de reconnaissance distincts qui nécessitent des contrôles spécifiques.

51      Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter la deuxième branche du premier moyen et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011 et du principe de protection de la confiance légitime

52      Le deuxième moyenest relatif aux lacunes identifiées par la Commission en ce qui concerne le contrôle préalable à l’approbation des programmes opérationnels. Il se divise en deux branches, tirées, la première, d’une violation de l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011 et, la seconde, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011

53      Le Royaume d’Espagne soutient, en substance, que c’est à tort que la Commission a constaté des lacunes dans le contrôle du critère de cohérence et de qualité technique des investissements liés aux demandes de modification du programme opérationnel.

54      Le Royaume d’Espagne fait valoir que l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011 n’exige pas de contrôler la stratégie commerciale de l’organisation de producteurs au regard des objectifs fixés.

55      Le Royaume d’Espagne soutient qu’il était suffisant pour les autorités nationales concernées de vérifier si le rapport qualité-prix proposé par l’organisation de producteurs en cause était satisfaisant et si le nombre de tracteurs ainsi que le nombre d’heures de travail par an prévues pour chaque tracteur étaient cohérents au regard de la surface cultivée par l’organisation de producteurs dans son ensemble et au regard du nombre total de membres bénéficiaires.

56      La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

57      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011, l’autorité compétente de l’État membre vérifie par tous les moyens utiles, y compris les contrôles sur place, le programme opérationnel soumis pour approbation et, le cas échéant, les demandes de modification de ce programme. Ces contrôles portent, en particulier, sur la cohérence et la qualité technique du programme, le sérieux des estimations, la solidité du plan de financement ainsi que la programmation de sa mise en œuvre. Les contrôles permettent de vérifier si des objectifs quantifiables ont été fixés pour qu’il soit possible de contrôler leur bonne réalisation et si les objectifs fixés peuvent être atteints grâce à la mise en œuvre des actions proposées.

58      Il en résulte que l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011 impose aux autorités nationales de contrôler l’adéquation d’un investissement aux objectifs du programme opérationnel et aux besoins de l’organisation de producteurs concernée.

59      En l’espèce, pour démontrer l’insuffisance de contrôles préalables des programmes opérationnels au regard de l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011, la Commission s’est fondée sur une modification introduite au programme opérationnel réalisé par l’organisation de producteurs SCA. Santa Maria de la Rábida (CORA) et consistant à ajouter à ce programme, au cours de l’année 2012, l’achat de vingt nouveaux tracteurs. Il ressort de la réponse apportée par le Royaume d’Espagne à des questions écrites du Tribunal que cet achat représentait un coût d’investissement de 749 698,58 euros.

60      Il ressort du dossier que l’organisation de producteurs concernée avait déclaré qu’elle avait comme objectif la programmation optimale de la production par le biais de moyens techniques. Lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a précisé qu’il s’agissait d’assurer la programmation d’une production et son adaptation tant qualitative que quantitative à la demande, d’optimiser les coûts de production, de stabiliser les prix de production et d’améliorer la qualité des produits et la planification de la production.

61      Partant, en l’espèce, compte tenu notamment du montant élevé de l’investissement que souhaitait réaliser l’organisation de producteurs concernée, l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011 imposait aux autorités nationales de vérifier la cohérence et la qualité technique du programme opérationnel modifié, en particulier en s’assurant, d’une part, des besoins réels de l’organisation de producteurs concernée s’agissant du parc de tracteurs et, d’autre part, de l’adéquation de l’investissement en cause aux objectifs fixés.

62      En l’espèce, la vérification effectuée par les autorités espagnoles ne met pas en rapport, d’une part, l’investissement et, d’autre part, les objectifs que s’est fixés l’organisation de producteurs. En effet, comme l’a relevé à juste titre la Commission, elle ne comporte pas d’évaluation concernant l’état du parc existant des tracteurs à disposition de l’organisation de producteurs concernée et de ses membres, ni d’évaluation concernant l’opportunité d’agrandir ou de moderniser ce parc, au moyen de l’achat de vingt tracteurs, en vue de la réalisation des objectifs fixés.

63      Il en résulte que c’est à bon droit que la Commission a constaté des lacunes dans le contrôle du critère de cohérence et de qualité technique des investissements liés aux demandes de modification du programme opérationnel.

64      Cette conclusion ne peut pas être remise en cause par l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011 n’exige pas de contrôler la stratégie commerciale de l’organisation de producteurs au regard des objectifs fixés. En effet, s’il est vrai que, en l’espèce, ladite disposition n’imposait pas aux autorités espagnoles de contrôler la stratégie commerciale de l’organisation de producteurs au regard des objectifs fixés, elle leur imposait néanmoins de vérifier l’adéquation de l’investissement en cause aux objectifs de l’organisation de producteurs.

65      Dans ces conditions, il convient d’écarter la première branche du deuxième moyen.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime

66      Le Royaume d’Espagne reproche à la Commission une violation du principe de protection de la confiance légitime. Il relève que l’enquête FV/2014/001 et l’enquête FV/2010/004 portaient toutes deux sur le respect de l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011 et sur le critère de la cohérence et de la qualité technique des investissements. Ainsi, les conclusions tirées lors de la première enquête seraient de nature à générer pour les autorités espagnoles la certitude que ce critère faisait l’objet d’un contrôle approprié.

67      La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

68      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence citée aux points 47 et 48 ci-dessus qu’un État membre ne saurait utilement invoquer des conclusions formulées par la Commission dans le cadre d’une enquête précédente pour reprocher à la Commission, sur la base du principe de protection de la confiance légitime, d’avoir constaté au cours d’une enquête ultérieure des irrégularités entachant des contrôles effectués par lesdites autorités au cours d’exercices postérieurs distincts.

69      Dans ces conditions, il convient d’écarter la deuxième branche du deuxième moyen et, par conséquent, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 59, sous e), iv), de l’article 60, paragraphes 2 et 5, et de l’article 65 du règlement d’exécution no 543/2011 ainsi que du principe de protection de la confiance légitime

70      Le troisième moyen est relatif aux lacunes identifiées par la Commission en ce qui concerne le système de contrôle du calcul du montant de l’assistance financière. Il se divise en deux branches, tirées, la première, d’une violation de l’article 59, sous e), iv), de l’article 60, paragraphes 2 et 5, et de l’article 65 du règlement d’exécution no 543/2011 et, la seconde, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 59, sous e), iv), de l’article 60, paragraphes 2 et 5, et de l’article 65 du règlement d’exécution no 543/2011

71      Le Royaume d’Espagne soutient, en substance, que c’est à tort que la Commission a constaté des lacunes dans le contrôle du calcul du montant de l’assistance financière en ce qui concerne le report des investissements.

72      Le Royaume d’Espagne soutient qu’aucune violation de l’article 59, sous e), iv), du règlement d’exécution nº 543/2011 ne peut lui être reprochée, dès lors que la Commission n’a pas présenté d’indices permettant d’affirmer que les programmes opérationnels contrôlés ne comportaient pas le budget et le calendrier d’exécution des opérations pour chaque année de mise en œuvre du programme.

73      Le Royaume d’Espagne fait valoir que les reports des investissements ne sont pas interdits par le règlement d’exécution no 543/2011. Au contraire, l’article 60, paragraphe 5, de ce règlement d’exécution prévoirait une possibilité de reporter des investissements d’un programme opérationnel à l’autre. Un tel report des investissements serait également autorisé au sein du même programme opérationnel, en application de l’article 60, paragraphe 2, et de l’article 65 dudit règlement d’exécution.

74      Le Royaume d’Espagne relève que l’article 65 du règlement d’exécution no 543/2011 prévoit seulement que les demandes de modification du programme opérationnel doivent être accompagnées de pièces justificatives précisant le motif, la nature et les implications des modifications proposées. Il n’exigerait pas, en revanche, contrairement à l’article 60, paragraphe 5, du même règlement d’exécution, que les modifications consistant en un report des investissements aient lieu pour des raisons économiques dûment justifiées.

75      En outre, le règlement d’exécution no 543/2011, en particulier son considérant 40, autoriserait une certaine flexibilité ainsi que l’optimisation de l’allocation des ressources financières des fonds agricoles et prévoirait explicitement la possibilité de modifier annuellement les programmes opérationnels.

76      La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

77      Il y a lieu de relever que, selon l’article 103 quinquies, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1234/2007, l’aide financière de l’Union était égale au montant des contributions financières effectivement versées par les membres de l’organisation de producteurs ou par l’organisation de producteurs elle-même et était limitée à 50 % du montant des dépenses réelles effectuées. En outre, cette aide était plafonnée à 4,1 % de la VPC de chaque organisation de producteurs.

78      Il convient également de rappeler que la jurisprudence a dégagé l’exigence d’une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses par les fonds agricoles déterminées par les dispositions des règlements successifs régissant le financement de la politique agricole commune (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 115 et jurisprudence citée).

79      En l’espèce, il est constant entre les parties que l’article 60, paragraphe 5, du règlement d’exécution nº 543/2011, portant sur le report des investissements d’un programme opérationnel à un autre, n’est pas pertinent, dès lors que la lacune constatée par la Commission concerne les reports des investissements au sein d’un même programme opérationnel, et non un report des investissements entre deux programmes opérationnels distincts.

80      En ce qui concerne l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission a erronément admis que le règlement d’exécution no 543/2011 excluait le report des investissements d’une année à une autre au sein du même programme opérationnel, il y a lieu de constater qu’il est fondé sur une lecture erronée des lettres adressées par ladite institution aux autorités espagnoles au cours de la procédure administrative. En effet, la Commission n’a pas soutenu dans ces lettres, et ne soutient pas non plus devant le Tribunal, que la lacune constatée dans les contrôles qui est reprochée au Royaume d’Espagne consistait en ce que les autorités espagnoles auraient autorisé de tels reports. Il ressort, en revanche, de ces lettres que la lacune identifiée par la Commission était due au fait que les reports des dépenses d’investissement auraient été autorisés « automatiquement », « de façon généreuse » ou encore « à la carte ». Il en ressort également que ces reports auraient été « sélectifs », qu’ils concerneraient des « montants variables », qu’ils ne correspondraient pas à des remboursements ou à des dépréciations des actifs et qu’ils auraient été effectués alors que les modifications de programmes opérationnels sur lesquels portaient ces reports n’auraient pas été dûment justifiées.

81      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’article 59, sous e), iv), du règlement d’exécution nº 543/2011 disposait que les programmes opérationnels comportaient, notamment, une description des aspects financiers, tels que le budget et le calendrier d’exécution des opérations pour chaque année de mise en œuvre du programme. Ensuite, l’article 60, paragraphe 2, dudit règlement d’exécution disposait que les dépenses engagées au titre des programmes opérationnels admissibles au bénéfice d’une aide étaient limitées aux coûts réellement supportés. Enfin, l’article 65, paragraphe 1, de ce règlement d’exécution autorisait les organisations de producteurs à demander des modifications des programmes opérationnels et l’article 65, paragraphe 2, du même règlement d’exécution exigeait que toute demande de modifications des programmes opérationnels soit accompagnée de pièces justificatives précisant le motif, la nature et les implications des modifications proposées.

82      En l’espèce, il résulte des lettres échangées entre la Commission et les autorités espagnoles au cours de la procédure administrative que, selon la Commission, les conditions fixées par les dispositions citées au point 81 ci-dessus n’ont pas été respectées, dans la mesure où, en dépit des exigences découlant de l’article 59, sous e), iv), du règlement d’exécution nº 543/2011, les dépenses d’investissement étaient reportées d’une année sur l’autre, sans que ce report ait eu aucun lien avec la dépréciation ou l’amortissement réel de l’actif et sans qu’il ait suivi un plan d’amortissement. Afin de pouvoir reporter des dépenses d’investissement en dehors d’un calendrier préétabli, les organisations de producteurs demandaient des modifications de leurs programmes opérationnels. Les montants des dépenses reportées variaient en fonction du montant de l’aide financière disponible au titre des autres années du programme dans le cadre du plafond de 4,1 % de la VPC, découlant de l’article 103 quinquies, paragraphe 2, du règlement nº 1290/2005.

83      Il résulte de ce qui précède que les autorités espagnoles ont autorisé l’application, par les organisations de producteurs, d’un mécanisme par le biais duquel ces dernières, au lieu d’encadrer les reports de dépenses liées à des investissements réalisés dans le cadre des programmes opérationnels dans des calendriers et budget préétablis, ont utilisé la possibilité de modifier les programmes opérationnels afin d’adapter les montants des dépenses reportées aux montants de l’aide financière encore disponible dans ce programme dans la limite du plafond de 4,1 % de la VPC, en vue d’augmenter les montants d’aide financière obtenus des fonds agricoles.

84      La pratique autorisée par les autorités espagnoles a été, à juste titre, dénoncée par la Commission comme étant non conforme aux dispositions du règlement d’exécution no 543/2011.

85      Tout d’abord, l’interprétation des dispositions du règlement d’exécution no 543/2011 sur laquelle se sont fondées les autorités espagnoles afin d’autoriser ce mécanisme est contraire à l’exigence d’une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses par les fonds agricoles, dégagée par la jurisprudence rappelée au point 78 ci-dessus.

86      En effet, l’interprétation défendue par le Royaume d’Espagne, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, aboutit à un détournement, d’une part, de l’article 59, sous e), iv), du règlement d’exécution no 543/2011 et, d’autre part, de l’article 65, paragraphes 1 et 2, dudit règlement d’exécution, dans la mesure où elle permet de modifier le programme opérationnel, notamment le calendrier préétabli d’exécution des opérations que ce programme doit contenir, en ajoutant chaque année à ce calendrier un coût variable, dans le seul but d’utiliser l’aide financière de l’Union encore disponible dans le programme et de maximiser ainsi le montant de l’aide obtenue des fonds agricoles tout au long du même programme opérationnel.

87      À cet égard, dans la mesure où le Royaume d’Espagne invoque un argument tiré notamment du considérant 40 du règlement d’exécution no 543/2011, il convient d’ajouter que ce considérant précise que les procédures de modification des programmes opérationnels ont été prévues dans ce règlement d’exécution notamment afin de pouvoir adapter ces programmes à des nouvelles conditions qui étaient imprévisibles au moment de la présentation initiale des programmes. Or, le fait qu’un montant d’aide financière de l’Union reste disponible au titre du programme dans la limite du plafond de 4,1 % de la VPC ne saurait être considéré comme une nouvelle condition imprévisible justifiant la modification du programme opérationnel. De même, la possibilité de remanier les mesures et les montants des fonds opérationnels au cours de chaque année d’exécution d’un programme opérationnel, évoquée audit considérant, ne peut être interprétée comme un encouragement à l’application de pratiques ayant pour seul objectif d’augmenter les montants de l’aide financière retirée des fonds agricoles.

88      Ensuite, la Commission soutient, à juste titre, qu’il résultait de l’article 65, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 que l’obligation à la charge de l’organisation de producteurs de motiver toute demande de modification du programme opérationnel impliquait aussi une obligation pour les autorités nationales d’évaluer le bien-fondé de cette motivation ainsi que la nature et les implications de cette modification. Lorsque, comme en l’espèce, la modification du programme opérationnel consistait en un report des dépenses, ce contrôle devait porter, notamment, sur la question de savoir si les dépenses reportées correspondaient à des coûts réellement supportés au cours des années du programme. Ce contrôle ne pouvait donc pas être limité, comme c’était le cas en l’espèce, à un contrôle formel de l’existence de pièces justificatives.

89      Enfin, en ce qui concerne l’article 60, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, il importe peu que, comme le soutient le Royaume d’Espagne, les dépenses engagées aient toujours été limitées aux coûts réellement supportés. En effet, comme le relève la Commission, dans la mesure où les demandes d’aide sont annuelles, la disposition susvisée doit être interprétée en ce sens que les dépenses engagées au titre des programmes opérationnels admissibles au bénéfice d’une aide doivent être limitées aux coûts réellement supportés au cours de l’année concernée. Or, le mécanisme autorisé par les autorités espagnoles aboutissait à ce que les dépenses étaient étalées de façon sélective et artificielle sur plusieurs années, alors même que, faute de suivre un calendrier préétabli d’amortissement, elles étaient, en réalité, supportées en une seule année.

90      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a considéré que le système espagnol de contrôle de calcul du montant de l’assistance financière ne permettait pas d’assurer le respect de l’article 59, sous e), iv), de l’article 60, paragraphe 2, et de l’article 65, paragraphes 1 et 2, du règlement d’exécution no 543/2011.

91      Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter la première branche du troisième moyen.

 Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime

92      Le Royaume d’Espagne invoque la lettre du directeur général de la direction générale de l’agriculture de la Commission, datée du 19 novembre 2013 et envoyée en réponse à la demande des autorités espagnoles (ci-après la « lettre du 19 novembre 2013 »), dans laquelle la Commission aurait confirmé la possibilité de reporter des investissements d’une année à une autre dans le cadre du même programme opérationnel. Cette lettre expliquerait que la volonté d’optimiser les possibilités de financement au moyen de fonds de l’Union constitue un motif légitime et admis par la réglementation de l’Union. Cette lettre aurait ainsi fait naître chez les autorités espagnoles une confiance légitime quant à la conformité avec le droit de l’Union d’un report des investissements sur des années ultérieures, indépendamment du fait que ces investissements avaient été réalisés en une seule année. En fondant la correction financière sur une interprétation du règlement d’exécution no 543/2011 excluant le report des investissements dans le cadre du même programme opérationnel, la Commission aurait violé le principe de protection de la confiance légitime.

93      La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

94      À cet égard, d’une part, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la lettre du 19 novembre 2013 a été envoyée aux autorités espagnoles en réponse à une question relative à l’interprétation de l’article 60, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 543/2011. Or, il est constant que cette disposition n’est pas d’application dans le cas d’espèce.

95      D’autre part, force est de constater que, dans la lettre du 19 novembre 2013, la Commission s’est bornée à confirmer la possibilité de répartir les dépenses d’investissement au sein du même programme opérationnel, sans se prononcer sur les conditions auxquelles devrait répondre une telle répartition et sans mentionner la possibilité de reporter les dépenses d’investissement sur une autre année au moyen d’une modification du programme opérationnel.

96      Dans ces conditions, la lettre du 19 novembre 2013 ne comportait pas d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes de nature à faire naître une attente légitime chez les autorités espagnoles. Partant, la Commission n’a pas violé le principe de protection de la confiance légitime.

97      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter la deuxième branche du troisième moyen et, par conséquent, le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et du document no VI/5330/97

98      Le quatrième moyen du recours est tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et du document no VI/5330/97. Par ce moyen, le Royaume d’Espagne soutient que la correction forfaitaire imposée est inappropriée en raison de l’absence de lacunes dans les contrôles. En outre, il fait valoir que la correction est disproportionnée et qu’il conviendrait, le cas échéant, de n’imposer aucune correction ou, en dernier recours, d’appliquer une correction à hauteur de 2 %.

 Règles générales

99      Il y a lieu de rappeler que la Commission tire sa compétence pour adopter des actes excluant du financement de l’Union les dépenses qui n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union de l’article 52, paragraphe 1, du règlement nº 1306/2013. Conformément au paragraphe 2 de cet article, la Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union.

100    La jurisprudence a confirmé que, lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer, à partir d’une extrapolation des pertes déterminées, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables, les pertes subies par l’Union par suite d’une carence de contrôle, une correction financière calculée sur une base forfaitaire, en fonction de l’ampleur du risque de perte pour les fonds, peut être envisagée [arrêt du 26 février 2015, Lituanie/Commission, T‑365/13, EU:T:2015:113, point 53 (non publié)].

101    S’agissant du document no VI/5330/97, tout d’abord, il précise en son annexe II, dans sa partie intitulée « Orientations pour l’application de corrections forfaitaires », que « [d]es corrections forfaitaires peuvent être envisagées lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas au contrôleur d’évaluer la perte à partir d’une extrapolation des pertes déterminées, par des moyens statistiques, ou par référence à d’autres données vérifiables, mais qu’elles lui permettent néanmoins de conclure que l’État membre a manqué à son obligation de vérifier de manière appropriée l’éligibilité de certaines demandes satisfaites ».

102    L’annexe II du document no VI/5330/97 classe les contrôles en deux catégories : les contrôles clés et les contrôles secondaires. Les contrôles clés sont définis comme « des vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récolte, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par recoupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux ». Les contrôles secondaires sont définis comme « des opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes en doublon pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des producteurs ».

103    Ensuite, l’annexe II du document no VI/5330/97 énonce :

« Lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, car il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque plus faible de perte pour le FEOGA et de la gravité moindre de l’infraction. »

104    Enfin, dans la partie de l’annexe II intitulée « Cas limites », le document no VI/5330/97 précise :

« Le fait que des mesures correctives soient prises immédiatement après la notification des déficiences à l’État membre ne peut influencer le taux de correction, sauf en cas de doute quant au pourcentage à appliquer. Lorsque les carences proviennent de difficultés d’interprétation [du droit de l’Union], sauf dans les cas où il est raisonnablement permis de penser que l’État membre soulèvera ces difficultés avec la Commission, et lorsque les autorités nationales ont fait le nécessaire pour remédier aux carences dès que celles-ci ont été décelées, ces facteurs de pondération peuvent être pris en compte et donner lieu à l’application d’un taux plus bas ou à l’absence de correction. »

105    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, s’il appartient à la Commission de démontrer l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer de la violation des règles de l’Union (voir arrêts du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, EU:C:2005:426, point 38 et jurisprudence citée, et du 19 juin 2015, Italie/Commission, T‑358/11, EU:T:2015:394, point 198 et jurisprudence citée). Il appartient à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres afin de démontrer que les doutes de la Commission n’étaient pas fondés (voir arrêt du 7 juin 2013, Portugal/Commission, T‑2/11, EU:T:2013:307, point 133 et jurisprudence citée).

106    C’est au regard de ces règles générales qu’il convient d’apprécier les arguments du Royaume d’Espagne.

 Sur le défaut de motivation et l’erreur commise par la Commission dans l’évaluation de la nature de l’infraction

107    Le Royaume d’Espagne soutient que la Commission n’a pas évalué correctement l’importance de la non-conformité au regard de la nature de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé et qu’elle a entaché sa décision d’un défaut de motivation en se limitant à relever que, une lacune ayant été constatée dans un contrôle clé, il y avait lieu d’appliquer une correction de 5 %.

108    La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

109    En premier lieu, il convient de rappeler qu’il resulte d’une jurisrudence constante que, en matière d’apurement des comptes des fonds agricoles, les décisions sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné. Dans ces conditions, la motivation de telles décisions doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration desdites décisions et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre la somme litigieuse à la charge des fonds européens (voir arrêt du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C‑130/99, EU:C:2002:192, point 126 et juriprudence citée ; arrêt du 14 avril 2005, Portugal/Commission, C‑335/03, EU:C:2005:231, point 84).

110    En l’espèce, d’une part, il ressort du dossier, sans que le Royaume d’Espagne le conteste, que les autorités espagnoles ont été associées au processus d’élaboration de la décision attaquée.

111    D’autre part, il convient de relever que, dans les documents envoyés au Royaume d’Espagne, dans la partie finale de l’appréciation des lacunes constatées, la Commission a systématiquement évalué la nature de ces lacunes en indiquant que, selon son appréciation, il s’agissait de lacunes dans les contrôles clés.

112    Il s’ensuit que le grief concernant le défaut de motivation de la décision attaquée n’est pas fondé.

113    En second lieu, en ce qui concerne le grief concernant l’erreur commise par la Commission dans l’évaluation de la nature de l’irrégularité, force est de constater que le Royaume d’Espagne n’avance aucun argument pour contester la qualification des lacunes identifiées par la Commission comme lacunes dans les contrôles clés. Cette qualification n’apparaît pas, en tout état de cause, erronée, dès lors que les lacunes en cause portaient sur les vérifications physiques et administratives requises pour vérifier au fond des éléments tels que les critères de reconnaissance des organisations de producteurs, l’approbation des programmes opérationnels et le calcul de l’assistance financière, tous éléments relevant de contrôles clés, ainsi qu’il a été relevé au point 102 ci-dessus.

114    Par ailleurs, le Royaume d’Espagne ne conteste pas l’affirmation, faite par la Commission dans le rapport de synthèse, selon laquelle les autorités espagnoles n’ont fourni aucune information supplémentaire permettant d’évaluer précisément le risque de perte pour le FEAGA.

115    Dans ces circonstances, la Commission a pu conclure, à bon droit, qu’il convenait d’appliquer une correction forfaitaire de 5 %.

 Sur l’absence d’application de facteurs de pondération

116    Le Royaume d’Espagne fait valoir qu’il ressort du document no VI/5330/97 que, d’une part, le fait que les lacunes proviennent de difficultés d’interprétation des textes de droit de l’Union et, d’autre part, le fait que les autorités nationales ont fait le nécessaire pour remédier aux lacunes dès que celles-ci ont été décelées doivent être pris en considération en tant que facteurs de pondération et, par conséquent, donner lieu à l’application d’un taux plus bas ou à l’absence de correction. En l’espèce, la Commission aurait omis de tenir compte de tels facteurs de pondération.

117    Le Royaume d’Espagne affirme avoir démontré également que les autorités espagnoles ont agi en étant persuadées de réaliser correctement les contrôles, étant donné que les mêmes contrôles (celui de la VPC et celui de la cohérence et de la qualité technique des programmes) avaient été approuvés par la Commission dans le cadre de l’enquête FV/2010/004. De plus, en ce qui concerne le contrôle du report des investissements au sein du même programme opérationnel, une demande aurait été spécialement formulée au sujet de l’interprétation de l’article 60, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 543/2011.

118    La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

119    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’annexe II du document no VI/5330/97, citée au point 104 ci-dessus, que le fait que les carences proviennent de difficultés d’interprétation du droit de l’Union constitue un facteur de pondération. Ce facteur est pris en considération à condition que l’État membre ait adopté des mesures correctives qui garantissent le respect de la réglementation à l’avenir.

120    Or, d’abord, s’agissant des lacunes dans le contrôle de la reconnaissance des organisations de producteurs, il convient de relever que les dispositions des articles 24 et 26 du règlement d’exécution no 543/2001 ne posaient pas de difficultés d’interprétation. En outre, il découle des points 49 et 50 ci-dessus que le Royaume d’Espagne ne saurait fonder des attentes légitimes relatives à l’interprétation et à l’application des dispositions susmentionnées en ce qui concerne l’enquête FV/2010/004.

121    Ensuite, s’agissant des lacunes constatées dans le contrôle préalable à l’approbation des programmes opérationnels, il convient de relever que les dispositions de l’article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement d’exécution no 543/2011, analysées à l’occasion de l’examen du deuxième moyen du recours, ne posaient pas de difficultés d’interprétation. En outre, il découle du point 68 ci-dessus que le Royaume d’Espagne ne saurait fonder des attentes légitimes relatives à l’interprétation et à l’application des dispositions susvisées en ce qui concerne l’enquête FV/2010/004.

122    Enfin, s’agissant des lacunes constatées dans le contrôle du calcul du montant de l’assistance financière, l’interprétation des dispositions de l’article 59, sous e), iv), de l’article 60, paragraphes 2 et 5, et de l’article 65 du règlement d’exécution no 543/2011, analysées dans le cadre de l’examen du troisième moyen, ne présentait pas de difficultés particulières. De plus, il ressort des points 94 à 96 ci-dessus que la lettre du 19 novembre 2013 ne saurait être considérée comme une source d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes confirmant l’interprétation de l’article 65 dudit règlement d’exécution retenue par les autorités espagnoles.

123    Dans ces conditions, le Royaume d’Espagne n’est pas fondé à soutenir que, en application de l’annexe II du document no VI/5330/97, la Commission aurait dû appliquer un facteur de pondération, et ce quand bien même les autorités espagnoles auraient adopté des mesures correctrices, telles que, en particulier, un nouveau modèle de rapport de suivi.

 Sur la proportionnalité de la correction forfaitaire

124    À titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne fait valoir que la correction est disproportionnée et qu’il conviendrait, le cas échéant, de n’imposer aucune correction ou, en dernier recours, d’imposer une correction à hauteur de 2 % seulement.

125    À cet égard, il suffit d’observer que, en l’absence de toute explication apportée par le Royaume d’Espagne au soutien de cet argument, ce dernier n’est pas assorti des précisions qui permettraient d’en apprécier le bien-fondé.

126    En tout état de cause, au vu de la nature et de l’importance des lacunes constatées telles qu’exposées aux points 36, 41, 58, 61, 83, 86 et 113 ci-dessus et de l’absence de difficultés d’interprétation du droit de l’Union, et eu égard aux objectifs de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et aux orientations figurant dans le document no VI/5330/97, le taux de correction de 5 % appliqué n’apparaît pas disproportionné. Par ailleurs, à cet égard, la jurisprudence a reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations permettaient à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées [voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T-384/14, EU:T:2016:298, point 57 (non publié) et jurisprudence citée].

127    Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter le quatrième moyen et, par conséquent, de rejeter le recours.

 Sur les dépens

128    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

129    Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.