Language of document : ECLI:EU:C:2018:586

Affaire C216/18 PPU

LM

[demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court (Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision‑cadre 2002/584/JAI – Article 1er, paragraphe 3 – Procédures de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit d’accès à un tribunal indépendant et impartial »

Sommaire – Arrêt de la Cour (grande chambre) du 25 juillet 2018

1.        Questions préjudicielles – Procédure préjudicielle d’urgence – Conditions – Personne privée de liberté – Solution du litige susceptible d’avoir une incidence sur cette privation de liberté

(Statut de la Cour de justice, art. 23 bis ; règlement de procédure de la Cour, art. 107)

2.        Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres – Remise des personnes condamnées ou soupçonnées aux autorités judiciaires d’émission – Obligation de respecter les droits et principes juridiques fondamentaux – Portée – Limites

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; décision-cadre du Conseil 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, art. 1er, § 3)

3.        États membres – Obligations – Établissement des voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective – Portée

(Art. 2 TUE et 19 TUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47, al. 2)

4.        Droit de l’Union européenne – Principes – Droit à une protection juridictionnelle effective – Principe de l’indépendance des juges – Portée

(Art. 19, § 2, al. 3, TUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47, al. 2)

5.        Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres – Remise des personnes condamnées ou soupçonnées aux autorités judiciaires d’émission – Obligation de respecter les droits et principes juridiques fondamentaux – Conséquences de la constatation du risque de violation du droit d’accès à un tribunal indépendant

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47, al. 2 ; décision-cadre du Conseil 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, art. 1er, § 3)

6.        Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres – Remise des personnes condamnées ou soupçonnées aux autorités judiciaires d’émission – Obligation de respecter les droits et principes juridiques fondamentaux – Droit d’accès à un tribunal indépendant et impartial – Risque de violation dudit droit en raison de défaillances systémiques ou généralisées concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission – Vérification par l’autorité judiciaire d’exécution – Portée – Conséquences

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47, al. 2 ; décision-cadre du Conseil 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, art. 1er, § 3, et 15, § 2)

1.      Voir le texte de la décision.

(voir points 28-31)

2.      Voir le texte de la décision.

(voir points 41-45)

3.      Voir le texte de la décision.

(voir points 48-52)

4.      Voir le texte de la décision.

(voir points 53, 54, 63-67)

5.      Le degré de confiance élevé entre les États membres sur lequel repose le mécanisme du mandat d’arrêt européen se fonde, ainsi, sur la prémisse selon laquelle les juridictions pénales des autres États membres, qui, à la suite de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, devront mener la procédure pénale de poursuite ou d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté ainsi que la procédure pénale au fond répondent aux exigences d’une protection juridictionnelle effective, au nombre desquelles figurent, notamment, l’indépendance et l’impartialité desdites juridictions. Il y a, dès lors, lieu de considérer que l’existence d’un risque réel que la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen subisse, en cas de remise à l’autorité judiciaire d’émission, une violation de son droit fondamental à un tribunal indépendant et, partant, du contenu essentiel de son droit fondamental à un procès équitable, garanti par l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, est susceptible de permettre à l’autorité judiciaire d’exécution de s’abstenir, à titre exceptionnel, de donner suite à ce mandat d’arrêt européen, sur le fondement de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584.

(voir points 58, 59)

6.      L’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité judiciaire d’exécution appelée à décider de la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exercice de poursuites pénales dispose d’éléments, tels que ceux figurant dans une proposition motivée de la Commission européenne, adoptée en application de l’article 7, paragraphe 1, TUE, tendant à démontrer l’existence d’un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable garanti par l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en raison de défaillances systémiques ou généralisées en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission, ladite autorité doit vérifier, de manière concrète et précise, si, eu égard à la situation personnelle de cette personne, ainsi qu’à la nature de l’infraction pour laquelle elle est poursuivie et au contexte factuel qui sont à la base du mandat d’arrêt européen, et compte tenu des informations fournies par l’État membre d’émission en application de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, telle que modifiée, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que ladite personne courra un tel risque, en cas de remise à ce dernier État.

Par ailleurs, l’autorité judiciaire d’exécution doit, en application de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, solliciter, auprès de l’autorité judiciaire d’émission, toute information complémentaire qu’elle juge nécessaire pour l’évaluation de l’existence d’un tel risque. Dans l’hypothèse où les informations que l’autorité judiciaire d’émission, après avoir, au besoin, requis l’assistance de l’autorité centrale ou de l’une des autorités centrales de l’État membre d’émission, au sens de l’article 7 de la décision-cadre 2002/584 (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 97), a communiquées à l’autorité judiciaire d’exécution ne conduisent pas cette dernière à écarter l’existence d’un risque réel que la personne concernée subisse, dans ledit État membre, une violation de son droit fondamental à un tribunal indépendant et, partant, du contenu essentiel de son droit fondamental à un procès équitable, l’autorité judiciaire d’exécution doit s’abstenir de donner suite au mandat d’arrêt européen dont cette personne fait l’objet.

(voir points 76, 78, 79 et disp.)