Language of document : ECLI:EU:C:2018:611

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 25 juillet 2018 (1)

Affaire C621/16 P

Commission européenne

contre

République italienne

« Pourvoi – Régime linguistique des institutions de l’Union – Avis de concours généraux – Limitation de la deuxième langue de concours et de la langue de communication entre les candidats et l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) à l’anglais, au français et à l’allemand – Règlement no 1 – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Recrutement des fonctionnaires – Discrimination fondée sur la langue – Justifications »






I.      Introduction

1.        En 2014, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié deux avis de concours général. Ces avis ne permettaient aux candidats de choisir qu’entre l’anglais, le français ou l’allemand comme deuxième langue de concours. En outre, ils n’autorisaient l’emploi que de ces trois langues pour les communications entre les candidats et l’EPSO.

2.        Par recours introduit devant le Tribunal de l’Union européenne, la République italienne a contesté la légalité de cette double limitation à ces trois langues. Par son arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495), le Tribunal a annulé les deux avis.

3.        Par le présent pourvoi, la Commission attaque l’arrêt du Tribunal et invite donc une fois de plus (2) la Cour à prendre position sur les limites légales des restrictions concernant les langues que l’EPSO peut imposer aux candidats souhaitant prendre part aux concours généraux.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit primaire

1.      Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

4.        Conformément à l’article 24, quatrième alinéa, TFUE : « Tout citoyen de l’Union peut écrire à toute institution ou organe visé au présent article ou à l’article 13 du traité sur l’Union européenne dans l’une des langues visées à l’article 55, paragraphe 1, dudit traité et recevoir une réponse rédigée dans la même langue. »

5.        L’article 342 TFUE énonce : « Le régime linguistique des institutions de l’Union est fixé, sans préjudice des dispositions prévues par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par le Conseil statuant à l’unanimité par voie de règlements. »

2.      La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

6.        L’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « charte ») dispose qu’« [e]st interdite, toute discrimination fondée notamment sur […] la langue ».

7.        L’article 41, paragraphe 4, de la charte est libellé de la façon suivante : « Toute personne peut s’adresser aux institutions de l’Union dans une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même langue. »

B.      Le droit dérivé

1.      Le règlement no 1

8.        Les articles 1er, 2, 5 et 6 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (3), tel que modifié par le règlement (UE) no 517/2013 du Conseil, du 13 mai 2013 (4) (ci‑après le « règlement no 1 »), disposent :

« Article 1er

Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque.

Article 2

Les textes adressés aux institutions par un État membre ou par une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés au choix de l’expéditeur dans l’une des langues officielles. La réponse est rédigée dans la même langue.

[…]

Article 5

Le Journal officiel de l’Union européenne paraît dans les langues officielles.

Article 6

Les institutions peuvent déterminer les modalités d’application de ce régime linguistique dans leurs règlements intérieurs. »

2.      Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne

9.        L’article 1er quinquies du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (5), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) n o 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (6), modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci‑après le « statut ») est formulé de la façon suivante :

« 1.      Dans l’application du présent statut est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur […] la langue […]

6.      Dans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel […] »

10.      Le titre III du statut est intitulé « De la carrière du fonctionnaire ». Son chapitre premier est intitulé « Recrutement » et comporte les articles 27 à 34.

11.      Aux termes de l’article 27, premier alinéa, du statut : « Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union. Aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé. »

12.      L’article 28 du statut dispose :

« Nul ne peut être nommé fonctionnaire :

a)      s’il n’est ressortissant d’un des États membres de l’Union, sauf dérogation accordée par l’autorité investie du pouvoir de nomination, et s’il ne jouit de ses droits civiques ;

b)      s’il ne se trouve en situation régulière au regard des lois de recrutement qui lui sont applicables en matière militaire ;

c)      s’il n’offre les garanties de moralité requises pour l’exercice de ses fonctions ;

d)      s’il n’a satisfait, sous réserve des dispositions de l’article 29, paragraphe 2, à un concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves dans les conditions prévues à l’annexe III ;

e)      s’il ne remplit les conditions d’aptitude physique requises pour l’exercice de ses fonctions ;

f)      s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer. »

13.      L’article 30 du statut prévoit :

« Pour chaque concours, un jury est nommé par l’autorité investie du pouvoir de nomination. Le jury établit la liste d’aptitude des candidats.

L’autorité investie du pouvoir de nomination choisit sur cette liste le ou les candidats qu’elle nomme aux postes vacants.

[…] »

14.      L’annexe III du statut est intitulée « Procédure de concours ». Son article 1er, paragraphe 1, dispose :

« L’avis de concours est arrêté par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après consultation de la commission paritaire.

Il doit spécifier :

[…]

f)      éventuellement, les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir ;

[…] »

15.      L’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’annexe III du statut précise :

« 1.      Les institutions, après consultation du comité du statut, confient à l’Office européen de sélection du personnel, ci‑après dénommé “Office”, la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application de normes uniformes dans les procédures de sélection des fonctionnaires de l’Union et dans les procédures d’évaluation et d’examen visées aux article 45 et 45 bis du statut.

2.      Les tâches de l’Office sont les suivantes :

a)      à la demande d’une institution, organiser des concours généraux ;

[…] »

3.      La décision 2002/620

16.      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2002/620/CE (7) établissant l’EPSO :

« L’Office exerce les pouvoirs de sélection dévolus par l’article 30, premier alinéa, du statut et par l’annexe III du statut aux autorités investies du pouvoir de nomination des institutions signataires de la présente décision. Seulement dans des cas exceptionnels et avec l’accord de l’Office, les institutions peuvent organiser leurs propres concours généraux pour des besoins spécifiques et hautement spécialisés. »

17.      Aux termes de l’article 4 de la décision 2002/620 :

« En application de l’article 91 bis du statut, les demandes et les réclamations relatives à l’exercice des pouvoirs dévolus en vertu de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la présente décision sont introduites auprès de l’Office. Tout recours dans ces domaines est dirigé contre la Commission. »

III. Faits et procédure

18.      Le 13 mars 2014, l’EPSO a publié l’avis de concours général EPSO/AD/276/14 – administrateurs (AD5), pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (8) (ci‑après l’« avis de concours général »).

19.      Le 6 novembre 2014, l’EPSO a publié l’avis de concours général EPSO/AD/294/14 – administrateurs (AD6), pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs dans le domaine de la protection des données destinée au Contrôleur européen de la protection des données (9) (ci‑après l’« avis de concours dans le domaine de la protection des données »).

20.      Il est indiqué dans la partie introductive de l’avis de concours général et de l’avis de concours dans le domaine de la protection des données (ci‑après, pris ensemble les « avis attaqués ») que les dispositions générales applicables aux concours généraux (ci‑après les « dispositions générales ») (10) en font « partie intégrante ».

21.      Les dispositions générales ont été publiées par l’EPSO au Journal officiel de l’Union européenne. Leur en‑tête précise : « Les présentes dispositions générales font partie intégrante de l’avis de concours et constituent, avec l’avis, le cadre contraignant de la procédure de concours. »

22.      Dans une section intitulée « Connaissances linguistiques », après avoir indiqué que, « [s]auf spécification contraire dans l’avis de concours, le choix de la deuxième langue sera normalement limité à l’anglais, au français ou à l’allemand », les dispositions générales motivent la limitation de la deuxième langue. Cette section des dispositions générales renvoie en outre à l’Orientation générale du collège des chefs d’administration sur l’utilisation des langues dans les concours EPSO, adoptée le 15 mai 2013 (ci‑après l’« orientation générale »). L’orientation générale figure en annexe des dispositions générales et justifie de façon plus spécifique la limitation du choix de la deuxième langue à l’anglais, au français ou à l’allemand.

23.      Dans chacun des avis attaqués, la section III relative aux « conditions d’admission » prévoit des conditions générales ainsi que des conditions spécifiques. Les conditions spécifiques exigent la connaissance de deux langues : une connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union, définie comme la « langue principale » ou la « langue 1 », et une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français, définies comme la « deuxième langue » ou la « langue 2 ». Cette langue est obligatoirement différente de la langue 1.

24.      En ce qui concerne la limitation du choix de la deuxième langue, le point 2.3 de l’avis de concours général énonce :

« Au vu de l’arrêt [du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752)], les institutions de l’Union souhaitent, dans le cadre du présent concours, motiver la limitation du choix de la deuxième langue à un nombre restreint de langues officielles de l’Union.

Les candidats sont donc informés que les deuxièmes langues retenues aux fins du présent concours ont été définies conformément à l’intérêt des services, qui exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien. Le fonctionnement effectif des institutions risquerait autrement d’être gravement entravé.

Eu égard à la longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne, et compte tenu des besoins des services en matière de communication externe et de traitement des dossiers, l’anglais, le français et l’allemand demeurent les langues les plus largement employées. En outre, l’anglais, le français et l’allemand sont les deuxièmes langues les plus répandues dans l’Union et les plus étudiées en tant que deuxièmes langues. Cela confirme le niveau d’études et les compétences professionnelles qui peuvent être actuellement attendus des candidats à des postes au sein des institutions de l’Union, à savoir la maîtrise d’au moins l’une de ces langues. Par conséquent, dans la mise en balance de l’intérêt du service et des aptitudes des candidats, compte tenu du domaine particulier du présent concours, il est justifié d’organiser des épreuves dans ces trois langues afin de garantir que, quelle que soit leur première langue officielle, tous les candidats maîtriseront au moins l’une de ces trois langues officielles au niveau d’une langue de travail. L’appréciation des compétences spécifiques permet ainsi aux institutions de l’Union d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler.

Pour les mêmes raisons, il est indiqué de limiter la langue de communication entre les candidats et l’institution, y inclus la langue dans laquelle les actes de candidature doivent être rédigés. D’ailleurs, cette exigence assure l’homogénéité de la comparaison et le contrôle des candidats sur leurs propres actes de candidature.

En outre, dans un souci d’égalité de traitement, tout candidat, même s’il a l’une de ces trois langues comme première langue officielle, est tenu de passer certaines épreuves dans sa deuxième langue, à choisir parmi ces trois langues.

Ces dispositions ne portent pas atteinte à l’apprentissage ultérieur d’une troisième langue de travail conformément à l’article 45, paragraphe 2, du statut. »

25.      Le point 2.3 de l’avis de concours dans le domaine de la protection des données est essentiellement rédigé dans les mêmes termes.

26.      Les deux avis attaqués limitent donc la langue que les candidats peuvent utiliser pour communiquer avec l’EPSO et dans laquelle les candidatures doivent être rédigées à la langue choisie en tant que deuxième langue par chaque candidat : l’anglais, le français ou l’allemand.

27.      Les avis attaqués établissent également des règles quant à la langue à utiliser, à savoir la langue principale ou la deuxième langue, pour chacun des tests et des exercices des concours. Les deux concours consistaient en plusieurs tests effectués sur ordinateur et en plusieurs exercices à effectuer en centre d’évaluation. L’avis de concours général établissait que les candidats devaient passer l’un des tests effectués sur ordinateur (le test de jugement situationnel) et tous les exercices du centre d’évaluation dans la deuxième langue choisie. Quant à l’avis de concours dans le domaine de la protection des données, il établissait que les candidats devaient passer tous les exercices non effectués sur ordinateur dans la deuxième langue choisie.

IV.    L’arrêt attaqué et la procédure devant la Cour

28.      Le 23 mai 2014, la République italienne a introduit un recours en annulation de l’avis de concours général devant le Tribunal (affaire T‑353/14).

29.      Le 15 janvier 2015, la République italienne a introduit un autre recours devant le Tribunal en vue de l’annulation de l’avis de concours dans le domaine de la protection des données (affaire T‑17/15). La République de Lituanie a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne.

30.      Les deux affaires T‑353/14 et T‑17/15 ont été jointes devant le Tribunal aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision finale.

31.      En substance, par ses recours, la République italienne contestait la légalité de deux aspects des règles linguistiques prévues par les avis attaqués. Le premier de ces aspects est lié au fait que les candidats ne pouvaient choisir qu’entre l’anglais, le français ou l’allemand comme deuxième langue de concours. Le deuxième aspect attaqué était la limitation de la langue de communication entre les candidats et l’EPSO à ces trois langues.

32.      Par l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (ci‑après l’« arrêt attaqué ») (11), le Tribunal a annulé les avis attaqués.

33.      Par le présent recours, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour annuler l’arrêt du Tribunal. Si la Cour estime que le litige est en état d’être jugé, la Commission demande à la Cour de rejeter le recours en première instance comme étant non fondé, de condamner la République italienne aux dépens de la procédure en première instance et en pourvoi, et de condamner la République de Lituanie à ses propres dépens.

34.      À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque quatre moyens. Par son premier moyen, elle attaque la recevabilité des recours introduits devant le Tribunal. Les deuxième et troisième moyens portent sur la légalité de la limitation du choix de la deuxième langue à l’anglais, au français et à l’allemand dans les avis attaqués. Le quatrième moyen porte sur la limitation du choix de la langue de communication entre les candidats et l’EPSO à ces trois langues.

35.      La République italienne conclut à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le pourvoi et condamner la Commission aux dépens.

36.      Par décision du président de la Cour du 30 mars 2017, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne.

37.      Le Royaume d’Espagne, la République italienne et la Commission ont présenté des observations écrites. Toutes ces parties intéressées ont formulé des observations orales à l’audience qui s’est tenue le 25 avril 2018.

V.      Appréciation

38.      Dans les présentes conclusions, j’examinerai tour à tour chacun des moyens de pourvoi soulevés par la Commission (figurant respectivement aux sections A, B, C et D). Cela m’amènera à proposer à la Cour de rejeter le présent pourvoi. Je ne souscris pas nécessairement à toutes les appréciations juridiques formulées par le Tribunal, en particulier avec celles qui portent sur le quatrième moyen de pourvoi. J’adhère toutefois à l’annulation des avis attaqués par le Tribunal et donc au règlement de l’affaire dans son ensemble.

39.      Le minimalisme judiciaire est une vertu. Je me demande cependant à quel point une telle considération reste valable lorsque la grande chambre est appelée une nouvelle fois, en l’espace de quelques années seulement, à s’occuper du problème de la limitation du choix de la deuxième langue dans les avis de concours. Il existe également au moins une dizaine d’affaires similaires qui soit sont pendantes, soit ont récemment été tranchées par le Tribunal (12), leur thème récurrent étant la question plus vaste du régime linguistique des institutions (13). Dans ces circonstances, compte tenu également du fait que des vies, des attentes et des carrières individuelles sont en jeu, il pourrait être souhaitable de donner au moins quelques indications quant à ce que les institutions sont en droit de faire lorsqu’elles établissent des limites concernant l’utilisation des langues de travail sur le fondement de l’intérêt du service (section E).

A.      Sur le premier moyen de pourvoi : la recevabilité des recours introduits devant le Tribunal

40.      Le premier moyen de pourvoi de la Commission s’articule en quatre branches. Par la première branche de ce moyen, la Commission prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de la nature juridique des dispositions générales, aux points 45 à 52 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il n’a pas reconnu leur caractère contraignant.

41.      Similairement, par la troisième branche du premier moyen de pourvoi, la Commission allègue qu’au point 58 de l’arrêt attaqué le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que « les dispositions générales et l’orientation générale doivent être interprétées comme constituant, tout au plus, des communications, au sens du point 91 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), qui annoncent des critères selon lesquels l’EPSO envisage de procéder au choix du régime linguistique des concours qu’il est chargé d’organiser ».

42.      Par la quatrième branche du premier moyen de pourvoi, la Commission prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 65 à 71 de l’arrêt attaqué, où il a examiné la nature juridique des avis attaqués. La Commission soutient que le Tribunal a enfreint son obligation de motivation en ce qu’il n’a pas vérifié si les avis attaqués constituaient des actes confirmatifs.

43.      Enfin, par la deuxième branche du premier moyen de pourvoi, la Commission invoque une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe III du statut. Elle conteste les appréciations du Tribunal figurant aux points 53 à 57 de l’arrêt attaqué, en vertu desquelles cet article « ne permet que de confier à l’EPSO la responsabilité de prendre des mesures d’application de normes uniformes et non celle d’adopter des normes contraignantes générales et abstraites ».

44.      Selon moi, les différentes branches du premier moyen soulèvent essentiellement deux problèmes. Le premier porte sur la question de la nature juridique des dispositions générales (première et troisième branches) et des avis attaqués (quatrième branche). Le deuxième problème est de savoir si l’EPSO avait le pouvoir d’adopter les dispositions générales (deuxième branche).

45.      Cependant, je pense que, pour se prononcer sur le premier moyen, la Cour n’a pas besoin d’aborder toutes ces branches. La question déterminante réside dans la quatrième branche de ce moyen, qui porte sur la nature juridique des avis attaqués. Ces avis sont, selon moi, clairement contraignants en eux-mêmes, indépendamment de la nature juridique des dispositions générales (point 1). Si la Cour parvient à la même conclusion concernant la nature juridique de ces avis, le reste des arguments avancés par la Commission dans le premier moyen de pourvoi devient tout simplement inopérant (points 2 et 3).

1.      Sur la quatrième branche du premier moyen : la nature juridique des avis attaqués

46.      La Commission allègue que le Tribunal a enfreint son devoir de motivation dans son arrêt parce qu’il n’a pas déterminé si les avis attaqués constituaient des actes confirmatifs. La Commission reproche au Tribunal de ne pas avoir comparé la teneur des avis attaqués avec celle des dispositions générales qui étaient identiques en ce qui concerne le régime linguistique. S’il avait procédé de la sorte, le Tribunal aurait dû conclure que les avis attaqués étaient une mesure qui ne faisait que confirmer des mesures juridiquement contraignantes, à savoir les dispositions générales.

47.      Selon moi, il est clair que les avis attaqués sont en eux-mêmes juridiquement contraignants.

48.      Premièrement, d’un point de vue littéral, l’argument de la Commission selon lequel les avis attaqués n’ont pas d’effet contraignant semble contredit par les dispositions générales elles-mêmes, leur en‑tête déclarant que « [l]es présentes dispositions générales font partie intégrante de l’avis de concours et constituent, avec l’avis, le cadre contraignant de la procédure de concours » (mise en italique par mes soins).

49.      Deuxièmement, une analyse du fonctionnement du système montre que le régime linguistique de chaque concours comportait deux niveaux : un niveau général constitué par les dispositions générales et un niveau spécial constitué par chaque avis de concours. Le régime linguistique était donc déterminé dans chaque cas particulier soit i) par l’avis de concours pertinent, soit ii) par l’avis de concours pertinent, lu en combinaison avec les dispositions générales.

50.      Par conséquent, quelque lecture que l’on en fasse, dans ce système, les avis avaient toujours trait à la constitution du régime linguistique d’un concours donné. Un requérant potentiel (14) qui voudrait contester la légalité du choix de langues imposé par un avis de concours devrait attaquer, en tant que mesure contraignante, soit l’avis, soit l’avis conjointement aux dispositions générales. En d’autres termes, s’il souhaitait contester les conditions d’un concours particulier, ce requérant ne pourrait pas attaquer uniquement les dispositions générales. En effet, les dispositions générales prévoient précisément que « [s]auf spécification contraire dans l’avis de concours, le choix de la deuxième langue sera normalement limité à l’anglais, au français ou à l’allemand » (mise en italique par mes soins).

51.      Par conséquent, étant donné que chaque avis de concours pouvait s’écarter des deuxièmes langues établies par défaut dans les dispositions générales (15), il me semble clair que l’on ne peut considérer les exigences relatives aux langues de chaque concours comme entièrement définies tant que l’avis de concours n’est pas publié. Cela est en outre confirmé par l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut, qui énumère les mentions que doivent comporter les avis de concours. Aux termes de cette disposition, sous f), les avis de concours doivent spécifier « [é]ventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir ».

52.      Enfin, j’ajouterai que, portée à ses conséquences logiques ultimes, la thèse de la Commission selon laquelle les avis attaqués ne sont que des mesures qui confirment les dispositions générales aboutit à plusieurs résultats absurdes.

53.      Premièrement, en des termes pratiques, les requérants individuels (non privilégiés) n’auraient pas qualité pour contester quoi que ce soit dans un concours. D’une part, il serait plutôt difficile, voire presque impossible, pour eux de prouver que les dispositions générales les « concernent directement et individuellement », comme cela est requis à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. D’autre part, ils ne pourraient pas non plus contester l’avis particulier parce qu’il s’agirait uniquement d’un acte « confirmatif ». Dès lors, la protection des personnes tomberait dans un vide, puisque celles‑ci ne seraient pas en mesure de contester quoi que ce soit.

54.      Deuxièmement, le délai de deux mois pour former un recours en annulation prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE serait impossible à respecter dans la plupart des cas car on peut raisonnablement supposer que la plupart des avis de concours seraient publiés après échéance de ce délai. Les problèmes, à la fois en termes de qualité pour agir et de délais, sont en outre exacerbés par le fait que, lorsque les dispositions générales sont publiées, on ne peut guère attendre d’un particulier qu’il sache s’il souhaitera participer à un concours organisé des mois, voire des années, plus tard.

55.      Troisièmement, l’approche préconisée par la Commission ne permettrait pas d’effectuer des prévisions. La possibilité de contester les dispositions générales dépendrait du choix de langues proposé par l’EPSO pour chaque avis de concours subséquent. En effet, cette approche signifierait en pratique que, si un avis de concours donné limitait la deuxième langue à l’anglais, au français ou à l’allemand, il serait inattaquable car il ne serait qu’un acte confirmatif de la règle par défaut établie dans les dispositions générales. Cependant, si un avis de concours établissait un autre choix de deuxièmes langues, il pourrait être attaqué, étant donné qu’il ne serait pas considéré comme un acte confirmatif (16).

56.      Selon moi, ces arguments montrent assez clairement que chaque avis de concours particulier est un acte attaquable en soi, indépendamment du fait que les exigences relatives à la deuxième langue qu’il établit s’écartent ou non du système prévu par défaut dans les dispositions générales. Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en concluant, au point 70 de l’arrêt attaqué, que « les avis attaqués constituent des actes qui comportent des effets juridiques obligatoires quant au régime linguistique des concours en cause et constituent, ainsi, des actes attaquables ».

57.      Dès lors, la quatrième branche du premier moyen de pourvoi est infondée.

58.      Comme je l’ai déjà indiqué au point 45 ci‑dessus, au vu de cette conclusion, les arguments avancés par la Commission dans les autres branches du premier moyen de pourvoi deviennent donc inopérants : puisque les avis de concours particuliers pouvaient en toute hypothèse être attaqués indépendamment, la question relative à la nature juridique des dispositions générales et au point de savoir si elles pouvaient ou non être attaquées isolément perd toute pertinence aux fins du présent pourvoi.

59.      Je propose donc à la Cour de n’aborder aucune des autres branches du premier moyen de pourvoi. Toutefois, par souci d’exhaustivité et afin d’assister pleinement la Cour, si elle devait parvenir à une conclusion différente quant à la nature juridique des avis, j’examinerai à présent brièvement les trois autres branches du premier moyen.

2.      Sur les première et troisième branches du premier moyen : la nature juridique des dispositions générales

60.      Par les première et troisième branches de son premier moyen de pourvoi, la Commission prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son interprétation de la nature juridique des dispositions générales. La Commission considère que les dispositions générales produisaient des effets contraignants dans la mesure où elles établissaient le cadre juridique applicable aux concours en matière linguistique, que les avis de concours ne faisaient que confirmer.

61.      Force m’est d’adhérer à la première partie de la thèse de la Commission : les dispositions générales sont un acte juridique attaquable en soi. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec la deuxième partie de sa thèse et, pour les raisons que j’ai exposées ci‑dessus, dans la section précédente des présentes conclusions, selon moi, cette considération ne porte nullement préjudice au fait que les avis de concours particuliers sont également attaquables.

62.      Si l’on prend en considération la jurisprudence constante de la Cour, il apparaît que les dispositions générales pourraient en effet être considérées comme produisant des effets juridiques contraignants. La Cour a considéré de manière constante que sont considérées comme des « actes attaquables », au sens de l’article 263 TFUE, toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (17). Pour déterminer si l’acte attaqué produit des effets de droit obligatoires, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier lesdits effets au regard de critères objectifs, tels que le contenu de ce même acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur (18).

63.      Premièrement, en ce qui concerne leur libellé, les dispositions générales sont intitulées « dispositions » et non « principes », ou « cadre » ou tout autre terme dénotant une simple recommandation. Elles sont formulées en des termes assurément impératifs (19) et sont donc clairement plus que de simples invitations ou suggestions. Deuxièmement, en ce qui concerne leur teneur, l’en‑tête des dispositions générales énonce expressément qu’elles constituent (avec l’avis de concours) « le cadre contraignant de la procédure de concours ».

64.      Troisièmement, sur un plan systémique, le caractère contraignant des dispositions générales peut également être déduit du fait qu’en pratique elles créent pour le moins des obligations à la charge de l’EPSO. En effet, les dispositions générales imposent à l’EPSO ou, le cas échéant, à une institution spécifique qui organise un concours général, une obligation de motivation en cas d’écart par rapport aux règles du régime prévu par défaut en ce qui concerne le choix de la deuxième langue. Ce devoir de déroger ou de s’écarter expressément des dispositions générales dans un avis de concours particulier en vue d’établir un choix de langues différent implique nécessairement que les dispositions générales sont contraignantes. Si elles ne l’étaient pas, aucune obligation de motivation en cas d’écart par rapport aux dispositions générales ne saurait être imposée.

65.      En outre, on ne saurait nier que cette dimension institutionnelle, dans laquelle la nature contraignante des dispositions générales établit une obligation de motiver tout écart par rapport à ces règles, a des répercussions plus larges. En établissant ce régime par défaut dans les dispositions générales, l’EPSO a créé chez les candidats une confiance légitime concernant les règles qui sont censées être suivies non seulement par les candidats, mais également par l’EPSO même. Tout instrument de cette nature adopté par une institution ou un organe de l’Union peut dès lors raisonnablement être perçu comme une (auto)limitation de l’exercice de son propre pouvoir d’appréciation à l’avenir (20), ce qui renforce manifestement la portée normative de tout document de ce type.

66.      En somme, la lettre et le contenu des dispositions générales ainsi que leur contexte et l’intention de l’EPSO au moment de leur rédaction sont autant d’éléments qui amènent à reconnaître leurs effets juridiques contraignants, en tant que régime qui sera appliqué par défaut à tous les concours, sauf si l’EPSO s’en écarte clairement et précisément, ce qui exigerait une motivation dans chaque cas particulier.

67.      Cette conclusion n’est nullement remise en cause par le fait que, comme je l’ai précisé ci‑dessus aux points 53 et 54, former un recours en annulation directement et uniquement contre les dispositions générales poserait probablement des problèmes en termes de qualité pour agir et de délais. En effet, sur le plan individuel, il serait assez difficile, pour un futur candidat d’un concours à venir, de démontrer qu’il est directement et individuellement concerné par les dispositions générales afin de former un tel recours, comme le requiert l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Toutefois, un État membre, comme la partie requérante en l’espèce, ou un autre requérant privilégié n’est pas tenu de démontrer un tel intérêt (21).

68.      Cependant, même si le Tribunal a commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas les effets contraignants des dispositions générales, les première et troisième branches du premier moyen de pourvoi sont inopérantes. En effet, puisque le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que les avis attaqués avaient des effets contraignants et a donc autorisé à bon droit le contrôle juridictionnel les concernant, le fait qu’il n’ait pas également reconnu le caractère juridiquement contraignant des dispositions générales n’a pas eu d’incidence sur le dispositif de l’arrêt.

3.      Sur la deuxième branche du premier moyen : les compétences de l’EPSO

69.      Enfin, par la deuxième branche de son premier moyen, la Commission invoque une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe III du statut, qui établit les compétences de l’EPSO, en ce que le Tribunal a nié la compétence de l’EPSO pour adopter des « normes contraignantes générales et abstraites ».

70.      Dans ce cas, également, je ne pense pas qu’il soit nécessaire que la Cour se prononce sur cette branche du premier moyen de pourvoi. En effet, étant donné que les motifs déterminants pour lesquels le Tribunal a annulé les avis attaqués étaient d’une autre nature, je ne vois pas en quoi le fait de contester une remarque accessoire du Tribunal pourrait amener à annuler l’arrêt attaqué. Cette branche du premier moyen de pourvoi est donc inopérante.

71.      Néanmoins, je souhaite souligner que, si un tel argument devait être examiné, il conviendrait d’en discuter de façon bien plus détaillée pour interpréter correctement l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe III du statut et pour apprécier le rôle des dispositions générales à la lumière des compétences conférées à l’EPSO par cet article.

72.      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, l’EPSO se voit confier la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application de normes uniformes dans les procédures de sélection des fonctionnaires de l’Union.

73.      Lorsque je lis le texte dans son contexte et sa logique, je ne suis pas d’accord, d’une part, avec la conclusion quelque peu générale et catégorique du Tribunal, au point 56 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’article 7, paragraphe 1, ne saurait permettre à l’EPSO d’adopter des « des normes contraignantes générales et abstraites ». Si l’EPSO doit faire en sorte que des normes uniformes soient appliquées dans les procédures de sélection, à savoir dans tous les concours, cela implique nécessairement qu’il doit avoir la compétence pour adopter des dispositions générales applicables aux concours à venir, comme la Commission l’a indiqué à juste titre dans ses observations écrites.

74.      Cependant, d’autre part, et contrairement à la Commission, je pense que la portée matérielle des compétences conférées à l’EPSO par cette disposition est bien moins claire. L’EPSO peut certainement adopter des « normes contraignantes générales et abstraites » ou, selon les termes de l’article 7, paragraphe 1, des « normes uniformes » concernant l’organisation technique des concours, par exemple une décision générale applicable à l’avenir concernant le type de tests et de questions à employer, l’utilisation (ou non) des ordinateurs, le temps imparti pour effectuer les tests, etc.

75.      Toutefois, l’EPSO serait‑il, de la même manière, compétent pour décider en pratique de l’avenir du régime linguistique dans les institutions ? Est‑il véritablement possible de soutenir que le choix des langues de concours, qui aura indéniablement une incidence sur les langues utilisées subséquemment dans les institutions, n’est qu’une règle technique ou organisationnelle d’une procédure de sélection de fonctionnaires, qui relève de la notion de « normes uniformes » au sens de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe III du statut ?

76.      Sans laisser entendre que cela soit intentionnel, je pense que permettre une telle possibilité se rapprocherait dangereusement d’un contournement du règlement no 1 et de l’article 342 TFUE, qui prévoit que le régime linguistique des institutions de l’Union est fixé, sans préjudice des dispositions prévues par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne (22), par le Conseil statuant à l’unanimité par voie de règlements. Cette question a également une dimension temporelle très importante. S’écarter, même temporairement, des règles linguistiques qui devraient être (correctement) appliquées aux concours entraînerait probablement des effets durables sur l’équilibre linguistique futur au sein des institutions. Le présent modèle l’avenir et cet avenir ainsi modelé commencera bientôt à définir les besoins présents et objectifs des institutions en termes de langues.

77.      Par conséquent, même si elle a bien contesté cette considération accessoire du Tribunal, je serais plutôt surpris si la Commission souhaitait véritablement aborder cette question (constitutionnelle) importante dans le cadre du présent pourvoi. Quoi qu’il en soit, je propose que la Cour rejette cette branche du premier moyen de pourvoi en concluant simplement qu’aux fins des prétentions de la Commission dans le présent pourvoi cette branche du premier moyen est inopérante.

B.      Sur le deuxième moyen de pourvoi

78.      Par la première branche du deuxième moyen, la Commission prétend qu’aux points 91 et 92 de l’arrêt attaqué le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 1er quinquies du statut. Selon la Commission, le Tribunal a considéré à tort, sur le fondement du point 102 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (ci‑après l’« arrêt Italie/Commission I ») (23), que la limitation du choix de la seconde langue constituait de ce seul fait une discrimination en raison de la langue. La Commission prétend que ce point se référait à l’obligation de publier les avis de concours au Journal officiel de l’Union européenne dans toutes les langues officielles. La Commission affirme également que le Tribunal a commis une erreur en considérant, au point 92 de l’arrêt attaqué, que l’article 1er quinquies du statut interdit les discriminations fondées sur la langue. Selon la Commission, cette disposition permet de prévoir des disparités de traitement sous certaines conditions.

79.      Selon moi, cette branche du deuxième moyen est dénuée de fondement.

80.      Premièrement, le renvoi à l’arrêt Italie/Commission I effectué par le Tribunal au point 91 de l’arrêt attaqué était un renvoi ajouté en conclusion d’une argumentation et introduit par l’expression « voir, en ce sens ». Cette citation ne constituait manifestement pas la base sur laquelle le Tribunal a conclu, dans ce paragraphe, que la limitation du choix de la deuxième langue constituait une discrimination fondée sur la langue. Cette conclusion est motivée aux paragraphes qui précèdent le renvoi litigieux du point 91. Par cet argument, la Commission semble une fois de plus attaquer une remarque accessoire mais non les raisons substantielles derrière une considération du Tribunal.

81.      Deuxièmement, en constatant, au point 92 de l’arrêt attaqué, que l’article 1er quinquies du statut interdit les discriminations fondées sur la langue, le Tribunal n’entendait pas nécessairement exclure la possibilité de justifier une telle discrimination sous certaines conditions. En effet, au point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expressément observé que l’article 1er quinquies autorise des limitations au principe de non‑discrimination.

82.      Je considère donc qu’au point 92 de l’arrêt attaqué le Tribunal a simplement rappelé que le principe général de l’article 1er quinquies est l’interdiction des discriminations quel que soit leur fondement, notamment la langue. Cependant, lorsque l’on lit intégralement cette section du raisonnement du Tribunal, on ne saurait déduire de cette considération que celui‑ci ait conclu que l’article 1er quinquies n’autorise pas à justifier une telle discrimination sous certaines conditions.

83.      Par la deuxième branche du deuxième moyen, la Commission soutient que les points 98 à 104 de l’arrêt attaqué comportent une motivation erronée, car le Tribunal n’a pas déterminé si les dispositions générales étaient des « communications » ou « d’autres actes » au sens du point 91 de l’arrêt Italie/Commission I. La Commission affirme également que la motivation de l’arrêt attaqué est insuffisante parce que le Tribunal n’a examiné que la motivation du choix de la deuxième langue figurant dans les avis attaqués, mais pas sa motivation figurant dans les dispositions générales.

84.      J’estime que cette branche du deuxième moyen de pourvoi, également, est dépourvue de fondement.

85.      Il est vrai qu’au point 91 de l’arrêt Italie/Commission I, la Cour a observé, tout d’abord, que les institutions concernées par les concours en cause n’avaient jamais adopté de règles internes conformément à l’article 6 du règlement no 1. Elle a ensuite ajouté que la Commission n’avait pas « invoqué l’existence d’autres actes, tels que des communications stipulant les critères pour une limitation du choix d’une langue en tant que deuxième langue pour participer aux concours » (mise en italique par mes soins). Enfin, elle a observé que « les avis de concours litigieux ne cont[enaient] aucune motivation justifiant le choix des trois langues en cause ». Cette dernière phrase était en fait essentielle dans la motivation de la Cour, en ce qu’elle avait considéré, au point 90 de cet arrêt, que « des règles limitant le choix de la deuxième langue doivent prévoir des critères clairs, objectifs et prévisibles afin que les candidats puissent savoir, suffisamment à l’avance, quelles exigences linguistiques sont requises, et ce pour pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions ».

86.      Toutefois, je ne vois pas comment ce raisonnement particulier de la Cour pourrait avoir les conséquences que la Commission lui attribue apparemment. Il ne me semble pas qu’au point 91 de l’arrêt Italie/Commission I la Cour aurait établi des critères, quels qu’ils soient, sur le fondement desquels la nature juridique de ces communications devrait être appréciée, et moins encore qu’elle ait déclaré qu’une telle appréciation devrait en fait être menée pour « déclencher » ce qui a été établi au point 91. La référence à « d’autres actes, tels que les communications », signifiait simplement, selon moi, que l’institution doit adopter de tels actes (génériques et quelle qu’en soit la nature) pour que les candidats puissent savoir à l’avance ce que l’on attend d’eux. Par conséquent, le fait que le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, n’ait pas déterminé si les dispositions générales étaient de telles communications aux fins de la conclusion formulée par la Cour au point 91 ne nuit nullement à sa motivation.

87.      La Commission prétend également que le Tribunal n’a pas examiné la motivation du choix de la deuxième langue figurant dans les dispositions générales. Dans la mesure où ce raisonnement, comme la Commission même semble le reconnaître, ne coïncide pas avec les questions relatives à son premier moyen, qui ont été abordées dans ce cadre (24), il suffit d’observer que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a bien examiné la motivation figurant non seulement dans les avis attaqués, mais également dans les dispositions générales (point 115) et dans l’orientation générale (point 116).

88.      En conséquence, tous les arguments que la Commission fait valoir dans son deuxième moyen de pourvoi sont infondés.

C.      Sur le troisième moyen de pourvoi

89.      Le troisième moyen de pourvoi porte sur la légalité de la limitation du choix de la deuxième langue de concours au français, à l’anglais ou à l’allemand. La première branche de ce moyen porte sur l’interprétation de l’article 27 du statut et sur sa relation exacte avec l’article 28, sous f), du même texte (point 1). La deuxième et la troisième branche concernent les critères choisis par le Tribunal pour le contrôle de la légalité des avis de concours et l’intensité du contrôle effectué (point 2).

1.      Sur le troisième moyen, pris en sa première branche : la relation entre l’article 27 et l’article 28, sous f), du statut – la langue estelle une compétence ?

90.      Par la première branche du troisième moyen, la Commission prétend que le point 106 de l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur d’interprétation de l’article 28, sous f), du statut. Le Tribunal a considéré dans ce point que seul l’objectif consistant à disposer de candidats immédiatement opérationnels était capable de justifier, éventuellement, une discrimination fondée sur la langue. En revanche, il a observé qu’une telle discrimination n’était pas susceptible de faciliter le recrutement des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, ces qualités étant, manifestement, indépendantes des connaissances linguistiques.

91.      La Commission soutient qu’en vertu de l’article 28, sous f), du statut la connaissance des langues est une condition pour la nomination à un poste dans les institutions. Elle estime dès lors que ces connaissances relèvent de la condition de « compétence » au sens de l’article 27 du statut.

92.      Pour ce que cela vaut, d’un point de vue textuel, la notion d’ability, telle qu’utilisée dans la version en langue anglaise de l’article 27, peut être définie comme la « possession des moyens ou de l’aptitude à faire quelque chose » (possession of the means or skill to do something)(25) ou comme la « compétence pour faire quelque chose » (competence in doing something)(26). Cette idée de l’ability comme étant liée à la « compétence » ou à la capacité « de faire » quelque chose est également confirmée par les autres versions linguistiques du statut, qui emploient le terme « compétence » (27) (en langue française), Befähigung (28) (en langue allemande), competenza (29) (en langue italienne), competencia (30) (en langue espagnole) ou způsobilost (31) (en langue tchèque).

93.      La signification précise de la notion de « compétence » utilisée à l’article 27 pourrait également être appréciée de façon systématique, en référence à l’article 28 du statut. L’article 28 du statut établit les « conditions » de nomination d’un fonctionnaire, y compris, sous f), la condition que le candidat « justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer ».

94.      Toutefois, l’article 28 mêle plusieurs éléments différents. Certains d’entre eux pourraient être classés comme des conditions d’« admissibilité », comme la condition relative au fait d’être ressortissant de l’un des États membres et de jouir de ses droits civiques (point a), d’être en position régulière au regard des obligations du service militaire (point b) et d’être physiquement apte à exercer ses fonctions (point e). En revanche, d’autres éléments semblent être des conditions liées à la « compétence » du fonctionnaire, comme l’offre des garanties de moralité requises pour l’exercice de ses fonctions (point c) ou le fait d’avoir réussi un concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves (point d).

95.      Compte tenu de cette association de différents éléments, je considère que l’on ne saurait tirer que très peu de conclusions claires, voire aucune, d’un tel argument systématique et de la relation entre les articles 27 et 28 du statut aux fins de la discussion sur le point de savoir si la langue doit être considérée comme une « connaissance » ou comme une « compétence » au sens de l’article 27 du statut.

96.      En outre, le point 94 de l’arrêt Italie/Commission I, par lequel la Cour a considéré qu’il appartient aux institutions « de mettre en balance l’objectif légitime justifiant la limitation du nombre de langues des concours et l’objectif d’identifier les candidats ayant les plus hautes qualités de compétence » (32)n’apporte pas d’orientations claires sur ce point.

97.      Enfin, il est également clair que le sens de la notion de « compétence » en matière de connaissances linguistiques pourrait, dans une certaine mesure, dépendre du contexte, en particulier au regard du poste publié. En particulier, dans le cas d’un poste de traducteur, d’interprète ou de juriste linguiste, la connaissance linguistique relèverait plus clairement de la notion de « capacité » ou de « compétence » que dans celui d’autres postes, dépendant moins des langues (33).

98.      Personnellement, sur la base du sens ordinaire des mots employés, je ne verrais guère d’inconvénients à faire relever la connaissance des langues de la notion de « compétence » au sens de l’article 27 du statut (34). Cependant, j’ai légèrement plus de mal à voir en quoi un point si secondaire, dans le raisonnement du Tribunal, formulé au point 106 de l’arrêt attaqué, devrait avoir une grande importance dans le contexte du présent pourvoi. Selon moi, même si la Cour devait conclure que la connaissance d’une langue, telle qu’exigée par l’article 28, sous f), peut être considérée comme une « compétence » au sens de l’article 27 du statut, cela n’entraînerait toujours aucunement l’annulation de l’arrêt attaqué (35).

99.      En effet, les avis attaqués ont essentiellement été annulés au motif d’un défaut de motivation de la limitation du choix de la deuxième langue. Cependant, le point 106 de l’arrêt attaqué ne porte pas sur cette question. La première branche du troisième moyen de pourvoi paraît dès lors inopérante.

2.      Sur les deuxième et troisième branches du troisième moyen : la portée et l’intensité du contrôle de la légalité des avis de concours

100. Par les deuxième et troisième branches du troisième moyen de pourvoi, la Commission conteste les paramètres ou les critères employés par le Tribunal, aux points 107 à 117 de l’arrêt attaqué, pour contrôler la légalité des avis de concours. Elle prétend que l’arrêt est fondé sur une interprétation erronée de la portée du pouvoir d’appréciation dont jouit l’EPSO lorsque celui-ci détermine le critère de compétence auquel les candidats doivent satisfaire. La Commission souligne que la Cour a uniquement exigé, au point 90 de l’arrêt Italie/Commission I, que les « règles limitant le choix de la deuxième langue [prévoient] des critères clairs, objectifs et prévisibles afin que les candidats puissent savoir, suffisamment à l’avance, quelles exigences linguistiques sont requises, et ce pour pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions » (mise en italique par mes soins). Cela ne justifierait toutefois pas la conclusion du Tribunal figurant au point 152 de l’arrêt attaqué, en vertu de laquelle l’EPSO aurait dû produire des éléments « concrets et vérifiables ».

101. Par la troisième branche du troisième moyen de pourvoi, la Commission attaque également l’intensité du contrôle effectué par le Tribunal aux points 120 à 144 de l’arrêt attaqué. Elle considère que le Tribunal a outrepassé les limites de son contrôle juridictionnel et s’est substitué à l’administration lorsqu’il a apprécié les informations fournies par la Commission et en a conclu que ces informations n’étayaient pas les arguments à l’appui de la limitation de la deuxième langue.

102. Aussi bien par la deuxième que par la troisième branche du troisième moyen de pourvoi, la Commission allègue essentiellement que le Tribunal a outrepassé les limites de son contrôle juridictionnel et, de la même manière, qu’il a méconnu le large pouvoir d’appréciation dont l’EPSO jouit lorsqu’il définit, pour le compte des institutions, les critères de compétence (linguistique) auxquels les candidats doivent satisfaire.

103. Je ne suis pas d’accord.

104. Il y a lieu de rappeler d’emblée que le contrôle de première instance devant les juridictions de l’Union est un contrôle juridictionnel complet. En effet, il est de jurisprudence constante que le contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE est un contrôle à la fois du droit et des faits, ce qui signifie que la juridiction de l’Union compétente a le pouvoir, notamment, d’apprécier les éléments de preuve (36). Par conséquent, tous les faits invoqués par une institution à l’appui de sa décision peuvent être soumis à l’appréciation du Tribunal.

105. Il convient également de souligner le fait que la plupart des motifs invoqués à l’appui de la limitation de la deuxième langue dans les avis attaqués et dans les dispositions générales, à savoir les éléments de motivation choisis et donnés par l’EPSO à l’appui de sa décision, sont des considérations de fait.

106. Entre autres éléments, les avis attaqués invoquent (37) l’existence d’une longue pratique en vertu de laquelle « en ce qui concerne les langues de communication interne […] l’anglais, le français et l’allemand demeurent les langues les plus largement employées », précisent que, « compte tenu des besoins des services en matière de communication externe et de traitement des dossiers », ces langues sont « les plus largement employées » et ajoutent qu’il s’agit des « deuxièmes langues les plus répandues dans l’Union et [des] plus étudiées en tant que deuxièmes langues ». Selon les avis attaqués, la limitation des langues à utiliser aux centres d’évaluation, où les compétences spécifiques sont examinées, « permet aux institutions de l’Union d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler ».

107. Les dispositions générales, ainsi que l’orientation générale qui y est annexée, formulent essentiellement des justifications très similaires et également de nature factuelle. En outre, l’orientation générale présente d’autres éléments, comme l’argument en vertu duquel l’anglais, le français et l’allemand constituent traditionnellement les langues « des délibérations dans les réunions entre membres des institutions ». L’orientation générale affirme que le fait que ces langues « sont les langues véhiculaires utilisées le plus souvent pour la communication interne et externe [est confirmé par] les statistiques concernant les langues sources des textes traduits par les services de traduction des institutions ». De plus, ce choix de langues « se justifie par la nature des épreuves » qui sont « des méthodes d’évaluation fondées sur les compétences ». L’orientation générale précise également que ces trois langues sont les plus étudiées en tant que langues étrangères ainsi que « celles que la population européenne considère comme les plus utiles à apprendre ». Enfin, elle invoque également des statistiques en vertu desquelles ces langues étaient les deuxièmes langues les plus choisies parmi les candidats aux concours en 2005 ainsi qu’en 2010.

108. Toutes ces assertions sont par nature des considérations de fait, qui peuvent à l’évidence être soumises à un contrôle juridictionnel si elles sont attaquées devant les juridictions de l’Union et qui doivent l’être lorsqu’elles sont invoquées à l’appui d’une certaine décision administrative. Je considère par conséquent que le Tribunal n’a certainement pas commis d’erreur de droit en soumettant à son appréciation ces considérations factuelles figurant dans les avis attaqués, dans les dispositions générales et dans l’orientation générale.

109. D’ailleurs, le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur de droit en contrôlant les éléments de preuve additionnels présentés par la Commission au cours de la procédure de première instance, et qui revêtaient une fois encore la forme de considérations de fait. Par ces considérations additionnelles, la Commission a avancé que l’anglais, le français et l’allemand sont : i) les trois langues les plus importantes dans les délibérations des institutions de l’Union ; ii) les langues dans lesquelles presque tous les documents sont traduits par sa direction générale de la traduction ; iii) les langues les plus parlées par ses fonctionnaires et ses agents ; et iv) les langues les plus fréquemment étudiées et parlées en tant que langues étrangères dans les États membres. Je réaffirme le fait qu’apprécier de telles considérations de fait à la lumière des éléments de preuve présentés par les parties est exactement ce que les juridictions de l’Union sont tenues de faire en première instance (38).

110. Il me semble que, dans l’interprétation qu’elle donne de la notion de « pouvoir d’appréciation », la Commission fait confluer deux questions différentes : le fait qu’une institution soit libre, dans les limites de la légalité, de choisir ce qu’elle souhaite faire, la manière de le réaliser, et les motifs de sa décision qu’elle souhaite invoquer et donner publiquement ne signifie certainement pas qu’une fois que ces choix ont été exercés les motifs invoqués sont exonérés du contrôle juridictionnel.

111. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, un (large) pouvoir d’appréciation suppose une certaine marge de manœuvre lors de l’appréciation des faits et des éléments qui peuvent en être déduits, en particulier si ces derniers sont très techniques ou politiques(39). Toutefois, comme la Cour l’a confirmé en ce qui concerne plusieurs domaines du droit matériel, comme le droit de la concurrence (40), les aides d’État (41) ou la politique étrangère et de sécurité commune (42), le fait que l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation n’abrite pas les considérations et les affirmations factuelles formulées lors de la prise d’une décision dans ces domaines d’un potentiel contrôle de la légalité, et n’empêche notamment pas le juge de vérifier si les faits sur lesquels une décision attaquée est fondée ont été décrits avec exactitude et permettent de tirer une telle conclusion. Enfin, il existe d’autres domaines, comme le transport (43) ou l’agriculture (44), dans lesquels le plus large pouvoir d’appréciation reconnu pourrait en effet signifier qu’il est sans doute possible de considérer l’intensité du contrôle comme plus faible. Dans ces domaines, le juge de l’Union vérifie uniquement si une erreur manifeste ou un détournement de pouvoir ont été commis dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, ou si l’institution a manifestement outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation. Toutefois, même dans ces cas, je rappelle que le contrôle n’est nullement exclu.

112. En somme, le pouvoir d’appréciation dont jouit l’administration en l’espèce lui permettait certainement de choisir si elle souhaitait limiter l’utilisation de la deuxième langue dans les concours et la manière de le faire. Il lui permettait également de choisir le type d’arguments à invoquer à l’appui de ce type de limitations potentielles (45). Toutefois, à partir du moment où l’EPSO a décidé de motiver un certain choix de deuxièmes langues sur le fondement d’un ensemble de considérations de fait relatives à la manière dont ces langues ont été et sont encore utilisées en Europe, à la fois au sein des institutions et à l’extérieur, ce type de considérations invoquées dans les avis attaqués, les dispositions générales et l’orientation générale deviennent entièrement susceptibles d’être soumises à un contrôle de la légalité par les juridictions de l’Union. En effectuant ce contrôle, le Tribunal n’a nullement substitué sa propre appréciation à celle de l’administration : il a simplement examiné les arguments présentés par l’administration aux fins de ce contrôle.

113. Je souligne que cela ne signifie pas forcément que j’adhère à toutes les considérations formulées par le Tribunal au cours de son appréciation solide et exhaustive des arguments présentés par la Commission. Après tout, cela n’est pas non plus nécessaire puisque l’appréciation des faits est en effet la tâche du Tribunal en première instance (46). Toutefois, je souscris tout à fait à l’issue générale de l’affaire au sens de l’annulation des avis attaqués.

114. J’ajoute, à titre subsidiaire, que le Tribunal parviendrait en fait également à la même conclusion si, comme le suggère la Commission, il devait procéder à un contrôle plus superficiel (ce qui n’est pas le cas). La simple vérité reste que, lorsqu’elles sont prises ensemble, les différentes considérations formulées par l’EPSO vont tout simplement dans des directions opposées. Elles sont donc incohérentes en ce qui concerne la limitation de la deuxième langue de concours précisément à l’anglais, au français et à l’allemand alors que, une fois encore, il s’agit de considérations de fait ciblant précisément toujours ces trois langues. Certains de ces arguments justifient le choix de l’une de ces langues (l’anglais), alors que d’autres justifient celui de plus d’une langue, mais pas toujours les mêmes.

115. Je considère donc que le Tribunal n’a pas outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation en considérant les faits au regard des preuves produites pour les étayer. Dès lors, la deuxième et la troisième branche du troisième moyen de pourvoi sont dépourvues de fondement.

D.      Sur le quatrième moyen de pourvoi : la limitation des langues de communication entre les candidats et l’EPSO – la relation entre le règlement no 1 et le statut

116. Par le quatrième moyen de pourvoi, la Commission prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 2 du règlement no 1 en ce qui concerne le point de savoir si la limitation des langues de communication entre les candidats et l’EPSO constitue une discrimination. La Commission critique l’interprétation de l’arrêt Italie/Commission I aux points 183 à 185 de l’arrêt attaqué. Plus précisément, la Commission considère que le Tribunal n’aurait pas dû déduire des points 68 et 69 de l’arrêt Italie/Commission I que le règlement no 1 est applicable aux candidats. Selon la Commission, ces points renvoyaient à l’obligation de publier les avis de concours au Journal officiel de l’Union européenne dans toutes les langues officielles. En l’espèce, l’article 1er quinquies du statut serait applicable et serait donc le fondement juridique de la limitation des langues de communication entre les candidats et l’EPSO.

117. Dès lors, ce moyen soulève essentiellement la question de savoir si le statut s’applique aux candidats à un concours et, si c’est le cas, à partir de quel moment. Pour répondre à cette question, toutefois, il convient d’aborder une question plus générale : quelle est la relation entre le règlement no 1 et le statut ?

118. Dans la présente section, j’examinerai tout d’abord les arguments des parties en ce qui concerne l’applicabilité de chacun de ces règlements aux candidats à un concours (point 1) avant de préciser la façon dont, selon moi, les points 68 et 69 de l’arrêt Italie/Commission I devraient être interprétés (point 2) ; je m’intéresserai ensuite au champ d’application du statut (point 3) et je soutiendrai que ce dernier s’applique aux candidats à compter du moment où ceux‑ci présentent une candidature à un concours particulier (point 4) ; néanmoins, en tant que cadre législatif général en matière linguistique, le règlement no 1 garde un certain rôle à jouer dans le cadre des concours et aussi par la suite (point 5). Ces considérations mènent à la conclusion selon laquelle le quatrième moyen de pourvoi de la Commission est bien fondé. Toutefois, puisque ce fait ne change rien à l’issue de l’affaire devant le Tribunal, je propose à la Cour de procéder à une substitution des motifs de l’arrêt attaqué (limitée par la portée du quatrième moyen) (point 6).

1.      Les arguments des parties en ce qui concerne les règles applicables aux candidats

119. La Commission a soutenu à l’audience le fait qu’au moment de la publication des avis de concours au Journal officiel le règlement no 1 et le statut sont applicables simultanément. Cela serait justifié par le fait que, d’une part, le statut prévoit que les avis de concours doivent être publiés au Journal officiel et que, d’autre part, le règlement no 1 dispose que le Journal officiel doit être publié dans (toutes) les langues officielles. Toutefois, la Commission a en outre allégué que, une fois qu’un candidat présente une candidature, le règlement no 1 cesse de s’appliquer pour ce candidat, lequel ne serait plus soumis qu’au statut.

120. En revanche, la République italienne et le Royaume d’Espagne ont soutenu que les concours ne sont régis que par le règlement no 1. Le statut deviendrait applicable à une date ultérieure que ces deux parties n’ont pas indiquée, mais en toute hypothèse il ne s’appliquerait pas aux candidats, qui ne seraient donc soumis qu’au règlement no 1. Partant, j’en déduirais logiquement que, selon cette approche, l’ensemble de la procédure de sélection devrait donc être régi par le règlement no 1 et que le statut ne deviendrait applicable qu’au moment où un fonctionnaire prendrait ses fonctions.

2.      L’arrêt Italie/Commission I

121. D’emblée, au vu des arguments avancés par la Commission à l’appui de ce moyen, il est important de préciser la signification et la portée des appréciations formulées par la Cour aux points 68 et 69 de l’arrêt Italie/Commission I. Au point 68, la Cour a considéré qu’en l’absence de dispositions spéciales, adoptées notamment en vertu de l’article 6 du règlement no 1, aucun texte « ne permet[tait] de conclure que les relations entre [les] institutions et leurs fonctionnaires et agents [étaient] totalement exclues du champ d’application du règlement no 1 ». Au point 69, la Cour a ajouté : « [a] fortiori en est‑il de même en ce qui concerne les relations entre des institutions et des candidats à un concours externe qui ne sont, en principe, ni fonctionnaires ni agents ».

122. Pour apprécier le sens et la portée de ces considérations, et en particulier du point 69, il est important de les replacer dans le contexte de la section pertinente du raisonnement de la Cour dans laquelle elles ont été formulées. Dans l’arrêt Italie/Commission I, la Cour a examiné l’obligation relative à la publication des avis de concours, dans le contexte d’une affaire dans laquelle les avis de concours attaqués avaient été publiés intégralement seulement dans les versions anglaise, française et allemande du Journal officiel. L’appréciation de la Cour en ce qui concerne l’applicabilité du règlement no 1 aux candidats à un concours externe a donc été formulée en lien avec l’obligation de publier les avis de concours, et non avec le choix de la deuxième langue, qui a été abordé dans une autre section de l’arrêt (les points 79 et suivants).

123. En outre, l’argument clé concernant ce problème juridique n’a selon moi pas été formulé au point 69 de cet arrêt, qui concerne l’inclusion de candidats à des concours externes dans le champ d’application du règlement no 1. L’argument décisif eu égard à la conclusion de la Cour relative à l’obligation de publier les avis de concours au Journal officiel (conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe III du statut) dans toutes les langues officielles (comme requis par l’article 5 du règlement no 1) figurait en revanche aux points 70 et 71 de l’arrêt Italie/Commission I.

124. En conséquence, il découle de l’arrêt Italie/Commission I que les avis de concours doivent être publiés dans toutes les langues officielles. Il est également assez clair qu’à ce moment précis et en ce qui concerne la publication au Journal officiel le règlement no 1 est applicable. Toutefois, cet arrêt n’a selon moi pas apporté de réponse à la question de savoir si le statut s’applique ou non aux candidats à un concours.

3.      Le statut s’applique-t-il aux candidats ?

125. Pour appréhender la relation entre le règlement no 1 et le statut, il convient auparavant d’analyser le champ d’application de ces deux actes.

126. Il est très clair que le règlement no 1 est le régime général comportant le régime linguistique applicable par défaut aux institutions de l’Union. Sauf dérogation expresse, ce régime reste applicable.

127. Toutefois, le champ d’application du statut est un peu moins clair.

128. D’un côté, l’article 1er du statut, lu isolément, pourrait apporter une réponse assez directe. Il précise que le statut « s’applique aux fonctionnaires de l’Union ». L’article 1er bis, paragraphe 1, définit par la suite le « fonctionnaire de l’Union » comme « toute personne qui a été nommée […] dans un emploi permanent d’une des institutions de l’Union ».

129. D’un autre côté, d’autres dispositions du statut ainsi que plusieurs autres considérations systémiques semblent mener vers une conclusion différente, sans doute plus nuancée.

130. Premièrement, il existe de nombreux éléments textuels et de considérations systémiques à l’appui de la thèse selon laquelle, ratione materiae, le statut est applicable à la procédure de recrutement. Le statut contient un chapitre (entier) intitulé « recrutement », à savoir le chapitre 1er du titre III, comportant les articles 27 à 34. Ce chapitre non seulement aborde l’étape finale de la procédure de recrutement, à savoir la procédure administrative de nomination d’un fonctionnaire à un poste spécifique dans une institution, mais prévoit également, à l’article 30, que l’autorité investie du pouvoir de nomination doit nommer un jury pour chaque concours. En outre, l’annexe III du statut est intitulée « Procédures de concours » et contient un ensemble complet de règles en la matière. Celles‑ci portent sur la désignation de l’autorité chargée de rédiger l’avis de concours, la teneur de l’avis de concours ou l’obligation de publier les avis de concours au Journal officiel (article 1er) ; les obligations auxquelles les candidats sont soumis pour présenter une candidature (article 2) ; la composition des jurys (article 3) ; la procédure que les jurys doivent suivre pour dresser la liste de candidats adéquats (article 5), et ainsi de suite.

131. Deuxièmement, également dans le contexte des voies de recours, le statut semble applicable aux candidats. Pour ce que vaut cette conception (propre au texte), les candidats sont en droit d’adresser au directeur de l’EPSO, en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination, une lettre de réclamation en vertu du statut (47). En outre, les candidats ont également le droit de former un recours devant les juridictions de l’Union en vertu de l’article 270 TFUE (qui confère la compétence à la Cour de justice de l’Union européenne « pour statuer sur tout litige entre l’Union et ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut des fonctionnaires de l’Union ») et de l’article 91 du statut (48). Dans la mesure où le statut autorise le dépôt de ces réclamations et recours par « toute personne visée au présent statut », il semble raisonnable d’en déduire que les candidats relèvent du champ d’application du statut.

132. Troisièmement, ce qui est peut-être plus important, la jurisprudence de la Cour confirme que le statut ne s’applique pas exclusivement aux fonctionnaires de l’Union, ni exclusivement au personnel des institutions et autres organes. En particulier, en ce qui concerne la notion de « toute personne visée au présent statut » au sens des articles 90 et 91 du statut, la Cour a considéré que ces dispositions « ne permett[ai]ent pas, en tant que telles, d’établir une distinction selon que le recours est introduit par un fonctionnaire ou par toute autre personne visée à ce statut » et a conclu que « le Tribunal de la fonction publique [était] compétent ratione personae pour connaître non seulement des recours introduits par les fonctionnaires mais également des recours introduits par toute autre personne visée audit statut » (49).

133. Dans un esprit similaire, quoique institutionnellement obsolète à présent(50), la jurisprudence de la Cour relative à la compétence ratione personae du Tribunal de la fonction publique est toujours pertinente dans la mesure où elle confirme que les candidats à un concours peuvent former un recours devant le Tribunal sur le fondement des dispositions combinées de l’article 270 TFUE et des articles 90 et 91 du statut (51), plutôt que sur celui d’autres dispositions plus générales telles que les articles 263 ou 268 TFUE.

134. En somme, il existe, d’une part, l’énoncé assez isolé de l’article 1er du statut et, d’autre part, des arguments intrasystémiques de poids concernant d’autres dispositions du même statut, dont les prévisions sont quelque peu différentes, associés aux considérations systémiques plus générales.

135. Dans un tel contexte, je peux uniquement conclure que le statut s’applique aux candidats à un concours, bien entendu dans la mesure où il contient des dispositions qui peuvent être appliquées matériellement à la situation de ces candidats.

4.      À partir de quel moment le statut s’applique-t-il aux candidats ?

136. Ce qui précède soulève naturellement la question de savoir à quel moment précis le statut devient applicable aux candidats à un concours. Deux limites logiques situent ce moment dans le temps : d’une part, il ne peut guère se situer avant la publication de l’avis de concours. D’autre part, il doit se situer au plus tard au moment où le fonctionnaire est nommé conformément au statut.

137. Selon moi, aux fins de l’applicabilité potentielle des dispositions pertinentes du statut, le moment déterminant est celui où le candidat, par ses propres actions, se détache de l’ensemble du public et engage le processus de candidature. Il entre ainsi dans le champ d’application du statut. Métaphoriquement parlant, une personne devient un candidat parce qu’elle sort du grand public et entre dans le « tunnel » du concours à une extrémité, en espérant en sortir à l’autre en tant que fonctionnaire nommé. Comme cela est expliqué dans la section précédente, le statut ainsi que d’autres dispositions du droit de l’Union prévoient clairement leur propre applicabilité à ce « tunnel » dénommé « procédure de recrutement » dans son étendue.

138. Un membre du grand public devient un candidat à partir du moment où il présente une candidature à un concours donné, ce par quoi il déclare clairement et de manière univoque son intention de participer à ce concours et d’être traité comme un candidat. En principe, une candidature est considérée comme étant présentée lorsque le candidat l’a validée, parce qu’à partir de ce moment il n’est plus en mesure de la modifier (52).

139. En dehors du fait qu’il s’agit du moment le plus raisonnable, la même interprétation est en outre étayée par deux dispositions de l’annexe III du statut. Premièrement, l’annexe III, article 2, du statut dispose que « [l]es candidats doivent remplir un formulaire dont les termes sont arrêtés par l’autorité investie du pouvoir de nomination. Ils peuvent être requis de fournir tous documents ou renseignements complémentaires ». Cette disposition renvoie donc au formulaire que les candidats potentiels doivent compléter pour présenter leur candidature. Deuxièmement, l’annexe III, article 4, du statut prévoit que « [l]’autorité investie du pouvoir de nomination arrête la liste des candidats qui remplissent les conditions prévues aux alinéas a), b) et c) de l’article 28 du statut et la transmet au président du jury accompagnée des dossiers de candidature ». Dès lors, le candidat à un concours qui a déjà présenté et validé une candidature (mais qui n’a pas encore été évalué par un jury) peut en effet être considéré comme une « personne visée au […] statut » au sens de la jurisprudence de la Cour et, par conséquent, comme une personne à laquelle le statut s’applique.

140. La conclusion selon laquelle un candidat entre dans le champ d’application du statut à partir du moment où il présente et valide sa candidature à un concours donné semble également raisonnable lorsque l’on prend en considération les étapes subséquentes de la procédure de sélection et, plus encore, les langues qui seront utilisées une fois que le candidat sera recruté. Je ne pense pas qu’il serait logique de séparer, d’une part, les langues qui peuvent être utilisées pendant toute la procédure de sélection et, d’autre part, les langues qui seront employées par la suite, après que le candidat aura réussi le concours (53). Bien entendu, cela ne serait le cas que s’il était possible, en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, du statut (ou, le cas échéant, en mettant en œuvre des dérogations sur le fondement de l’article 6 du règlement no 1), de limiter l’utilisation des langues. En admettant (sans en préjuger aucunement) que cela est possible, alors comment ou à quel autre moment la connaissance linguistique des candidats devrait-elle, et même pourrait-elle, être testée ?

5.      L’applicabilité du règlement no 1 aux candidats (et aux fonctionnaires)

141. Il a été avancé que le statut devient applicable aux candidats d’un concours au moment où ceux‑ci s’engagent dans un concours donné. Toutefois, en tant que régime général par défaut, le règlement no 1 est également applicable à ces candidats (54).

142. D’une part, il est utile de rappeler que le règlement no 1 établit le cadre linguistique général (55) applicable aux institutions et à leurs relations avec les États membres et les personnes relevant de la juridiction d’un État membre. Son article 2 prévoit que les textes adressés aux institutions sont rédigés au choix de l’expéditeur dans l’une des langues officielles et que la réponse est rédigée dans la même langue. L’article 6 du règlement no 1 prévoit une possibilité limitée de déroger à ce principe en disposant que les institutions peuvent déterminer quelles langues employer dans une situation donnée dans leurs règlements intérieurs (56).

143. D’autre part, l’article 1er quinquies du statut interdit, à son paragraphe 1, toute discrimination fondée notamment sur la langue. Néanmoins, le paragraphe 6 de cette disposition autorise une limitation de l’application des principes de non‑discrimination et de proportionnalité lorsque celle‑ci est « objectivement et raisonnablement justifiée » et lorsqu’elle « répond à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel ».

144. Conformément au principe lex specialis derogat legi generali, les dispositions spéciales prévalent sur les règles générales dans les situations qu’elles visent spécifiquement à régir (57). Lorsque deux règles en conflit visent à régir la même situation, ce principe permet de choisir quelle règle doit s’appliquer sur la base du champ d’application de chaque règle. La disposition spéciale prévaut donc sur la disposition générale.

145. En ce qui concerne le régime linguistique, le règlement no 1 est indubitablement la disposition générale alors que le statut a un champ d’application plus spécifique. Le statut fonctionnerait donc effectivement, du moment où il devient applicable aux candidats, comme une lex specialis qui prévaut sur le règlement no 1.

146. Étant donné que le statut énonce clairement qu’il est la réglementation applicable à la procédure de recrutement, à partir du moment où une personne entre dans son champ d’application en choisissant de devenir un candidat, c’est ce régime linguistique spécifique qui lui devient applicable aux fins et dans le cadre de cette procédure de recrutement.

147. Cela étant, j’ajouterai, pour conclure, deux éclaircissements quant à la pertinence étendue dans le temps du règlement no 1 pour les candidats à un concours, indépendamment de l’applicabilité du statut en tant que lex specialis.

148. Premièrement, le fait qu’à partir d’un certain moment le statut devient une lex specialis en ce qui concerne la langue de communication entre les institutions et les candidats est à double tranchant : d’une part, cela autorise un écart par rapport au droit commun. D’autre part, comme avec toute autre exception, écart ou dérogation, le règlement no 1 reste néanmoins pertinent en tant que cadre général ou par défaut dont on s’est écarté. Il sert donc de critère permettant de vérifier si l’écart et la dérogation sont bornés à ce qui était effectivement nécessaire, proportionné et raisonnable.

149. En d’autres termes, le fait qu’en tant que lex specialis, le statut permette de s’écarter du règlement no 1 ne devrait pas être interprété comme impliquant une alternative binaire dans laquelle l’application de la règle spéciale exclut totalement l’applicabilité de la règle générale. Il devrait s’agir d’un écart raisonnable et proportionné. Pour en revenir à la métaphore du « tunnel du recrutement » susmentionnée, lorsque l’on entre dans un tunnel (certes, ouvert), l’intensité de la lumière non plus n’est pas binaire et l’on ne passe pas brusquement de la lumière à l’obscurité totale. Il existe plutôt un obscurcissement progressif, qui s’approfondit à chaque pas en avant dans le tunnel. Dans un esprit similaire, toute dérogation potentielle au règlement no 1 doit également être mise en œuvre de manière raisonnable et proportionnée. Si nécessaire, une diminution judicieuse et graduelle du nombre de langues disponibles pourrait être recherchée, plutôt qu’un saut bipolaire de 24 langues officielles à, notamment, une seule.

150. Deuxièmement, il est aussi assez clair que l’article 2 du règlement no 1 continuerait à s’appliquer à toute communication du candidat qui n’est pas liée au concours et, d’ailleurs, à toute communication faite par un fonctionnaire ou un autre agent d’une institution en dehors du champ de sa relation de subordination. L’existence d’une telle relation et les règles applicables à la communication dans ce cadre ou, par extension, celles qui se déploient dans le « tunnel » qui conduit à ce statut sont, après tout, les éléments qui définissent le type de communication permettant le déclenchement de la règle de la lex specialis (délimitant dès lors son champ d’application).

151. Par conséquent, toute communication qui intervient avant ce moment (comme dans le cas d’une personne qui envisage de présenter une candidature après la publication d’un avis de concours mais avant de présenter une candidature et/ou qui demande des informations supplémentaires) ou, d’ailleurs, toute situation se présentant par la suite mais non liée à cette relation de subordination (comme, notamment, celle d’un fonctionnaire du Parlement écrivant à la Commission une lettre en sa qualité de citoyen de l’Union) restera entièrement soumise au régime prévu au règlement no 1.

6.      Conclusion intermédiaire du quatrième moyen

152. Selon moi, le Tribunal a commis une erreur de droit en s’intéressant exclusivement aux obligations découlant de l’article 2 du règlement no 1, tout en méconnaissant la relation systémique entre le statut et le règlement no 1. Toutefois, je considère que les avis attaqués ont été correctement annulés au motif que l’EPSO n’avait pas correctement motivé la limitation de la deuxième langue. Par conséquent, étant donné que cette erreur de droit commise par le Tribunal n’a nulle incidence sur le dispositif de l’arrêt attaqué, je propose qu’en ce qui concerne ce moyen de pourvoi la Cour procède à une substitution partielle des motifs de l’arrêt attaqué.

E.      Post-scriptum

153. La présente affaire appartient à une liste désormais assez longue d’affaires pendantes ou closes qui ont soulevé (au moins partiellement) les mêmes questions. Le Tribunal a récemment rendu plusieurs arrêts par lesquels il a annulé des avis de concours sur des fondements liés au régime linguistique (58). En outre, d’autres affaires similaires sont actuellement pendantes devant le Tribunal (59). Quant à la Cour, c’est la deuxième fois depuis le prononcé de l’arrêt dans l’affaire presque homonyme Italie/Commission I (60) que la grande chambre est appelée à trancher essentiellement les mêmes questions (61).

154. Malheureusement, malgré toutes ces affaires, et même après avoir examiné les questions soulevées par le présent pourvoi, le nœud du problème semble loin d’être tranché. Dans l’arrêt Italie/Commission I,le problème (en un mot) était qu’aucune motivation n’avait été apportée pour justifier la limitation des langues de concours. Le problème de la présente affaire est, toujours en résumé, que trop de motifs contradictoires ont été apportés.

155. Un optimiste concevant la procédure judiciaire comme un processus dialectique et progressif d’essai-erreur pourrait trouver une consolation dans le fait que, dans la prochaine affaire, le nombre de motifs invoqués se situera probablement entre ces deux extrêmes. Un réaliste légèrement moins optimiste pourrait quelque peu s’inquiéter du fait que les questions véritablement cruciales, comme le type de motivation qu’il convient d’invoquer et le point de savoir si une telle limitation est admissible dans l’absolu, n’ont été abordées dans aucune des affaires, y compris dans le présent pourvoi. Un affreux cynique pourrait insinuer que ce n’était pas un accident si aucune de ces deux questions cruciales n’a véritablement été abordée dans aucune de ces deux affaires.

156. Selon moi, pour intéressantes que l’étude du processus judiciaire, sa psychologie et les politiques interinstitutionnelles puissent être, le véritable problème posé par ces affaires est celui du (ou des) coûts humains qu’elles représentent : les attentes, les rêves et les carrières des personnes impliquées dans toutes ces affaires pendant des années. En l’absence d’une réponse claire à la question des limites linguistiques dans le travail des institutions, avec les changements répétitifs affectant la manière d’organiser les concours, il pourrait être assez difficile de planifier et de préparer une carrière dans une institution, pour celui qui souhaiterait le faire.

157. Le problème humain pourrait être encore exaspéré bientôt si, en ce qui concerne les voies de recours, la politique judiciaire devait passer, pour le dire franchement, d’une position dans laquelle « il y a une erreur, mais, pour des raisons de confiance légitime, les résultats ne seront pas annulés » à une position dans laquelle « il y a une erreur et tout sera annulé, y compris les différentes listes, les nominations ou les contrats de travail ». À cet égard, je partage totalement les préoccupations exprimées par mon éminente collègue l’avocat général Sharpston dans ses conclusions dans l’affaire (parallèle) Espagne/Parlement, où elle propose à la Cour d’annuler non seulement l’appel à manifestation d’intérêt attaqué mais également la base de données de candidats potentiels établie sur la base de cet appel (62). En effet, ce point est pertinent : si une institution continue à ignorer les décisions de la Cour, des mesures plus contraignantes s’imposent. On pourrait ajouter que la nécessité d’adopter une telle ligne d’action serait encore plus grande si, de manière purement hypothétique, une institution tentait de modifier le régime actuel en ignorant délibérément la loi actuelle afin d’apporter des changements factuels pour l’avenir, lesquels devraient par la suite être acceptés comme la nouvelle norme. Ex injuria jus non oritur.

158. Toutes ces considérations m’amènent à inviter la Cour à donner au moins quelques indications quant au problème véritable qui sous‑tend le présent pourvoi : est‑il possible de limiter les langues de travail internes des institutions et, si cela est le cas, comment le faire ? Les derniers points des présentes conclusions apportent quelques propositions à cet égard.

159. Pour commencer, je pense qu’il serait important d’effectuer une distinction entre langue(s) (de travail) externe(s) et interne(s) d’une institution.

160. Par langues de travail « internes », je me réfère aux langues employées pour les communications orales et écrites qui ne sont pas censées quitter la sphère interne d’une institution (ou, le cas échéant, de deux institutions ou plus, notamment dans le cadre de réunions ou de discussions écrites interinstitutionnelles). En outre, par réunions internes ou interinstitutionnelles ou événements d’un type similaire, j’entends signifier qu’il s’agit uniquement des réunions auxquels aucun membre du grand public n’est présent. Cela exclurait des événements comme des auditions ou des sessions se tenant au Parlement, de même que les audiences publiques devant le Tribunal ou la Cour, qui sont « externes » par nature.

161. Par langues de travail « externes », je me réfère aux langues employées pour tout type de communication orale ou écrite avec des particuliers non liés aux institutions, y compris les fonctionnaires et autres agents des institutions, dans la mesure où ils entament une communication orale ou écrite avec une institution à titre privé (63).

162. Pour les communications externes, les règles actuelles sur le multilinguisme doivent rester entièrement applicables sans compromis ni dérogations. Comme la Cour l’a déjà indiqué, l’Union est attachée à la préservation du multilinguisme, dont l’importance est rappelée à l’article 3, paragraphe 3, quatrième alinéa, TUE et à l’article 22 de la charte (64). L’obligation pour l’Union de respecter sa diversité linguistique, qui découle de ces dispositions, démontre l’importance du multilinguisme en tant que l’une des valeurs fondatrices de l’Union. Certes, l’obligation du multilinguisme n’est pas absolue et illimitée, étant donné qu’il n’existe pas de principe de droit de l’Union assurant « à chaque citoyen le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances » (65). Toutefois, de mon avis, on ne saurait toucher au noyau dur de cette obligation. Ce noyau dur comprend en particulier tous les actes contraignants qui doivent être appliqués aux personnes physiques et morales d’un État membre (66), ainsi que d’autres documents non contraignants, dans la mesure où ils imposent, directement ou indirectement, des obligations aux particuliers (67).

163. En vertu de l’article 41, paragraphe 4, de la charte, de l’article 20, paragraphe 2, sous d), et de l’article 24 TFUE ainsi que de l’article 2 du règlement no 1, l’obligation de respecter le multilinguisme s’applique strictement aussi à chaque fois qu’un particulier écrit aux institutions ou s’adresse à elles de toute autre manière, ce qui crée par la suite le droit de recevoir une réponse dans la langue employée par le particulier.

164. À l’inverse, en ce qui concerne les communications internes, le choix des langues disponibles et, plus généralement, les règles linguistiques applicables dans les institutions ou entre elles devraient être plus flexibles. Cette flexibilité et le potentiel de limitation ne découleraient pas nécessairement de considérations budgétaires (68) mais plutôt de l’impératif de maintenir un fonctionnement raisonnable au sein des institutions. Il s’agit d’un motif valable qui, selon moi, pourrait être invoqué en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, du statut et qui pourrait être considéré comme objectivement justifié s’il était appliqué de manière raisonnable et proportionnée, comme le requiert la Cour au point 88 de l’arrêt Italie/Commission I.

165. Tout choix de ce type serait en effet intrinsèquement discrétionnaire et politique à deux égards : certainement afin de savoir si et comment ce choix devrait être fait, mais également, une fois que ce choix est fait, au regard des motifs précis qu’il y a lieu d’invoquer pour le justifier. En conséquence, à ces deux égards, les institutions disposeraient d’une ample marge d’appréciation. J’apporterai toutefois une double clarification sur ce point précis.

166. Premièrement, la motivation du régime linguistique devrait-elle être générale et globale ou plutôt individuelle et établie au cas par cas ? La République italienne et le Royaume d’Espagne ont insisté sur la nécessité de justifier toute discrimination fondée sur la langue sur une base individuelle, non seulement dans le cadre de chaque concours mais également, si nécessaire, en ce qui concerne chaque poste à pourvoir.

167. Toutefois, il me semblerait que la prévisibilité et la possibilité pour les candidats de se préparer à l’avance aux concours milite plutôt en faveur d’une politique plus générale. Je rappelle encore qu’au point 90 de l’arrêt Italie/Commission I la Cour a observé que « des règles limitant le choix de la deuxième langue doivent prévoir des critères clairs, objectifs et prévisibles afin que les candidats puissent savoir, suffisamment à l’avance, quelles exigences linguistiques sont requises, et ce pour pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions ».

168. Je ne vois pas exactement comment cette exigence pourrait être satisfaite en obligeant l’EPSO ou, le cas échéant, une autorité investie du pouvoir de nomination donnée, à faire page blanche pour apporter une motivation nouvelle dans chaque cas individuel. Cet arrêt exige plutôt l’apport d’une réponse structurée pour permettre aux candidats de prévoir les règles linguistiques qui seront probablement appliquées à l’avenir, non seulement dans un avenir proche, mais également à moyen terme. Enfin, en des termes pratiques, insister sur l’apport d’une motivation nouvelle dans chaque cas individuel (sans qu’il existe réellement de facteurs permettant de distinguer ces cas) aboutirait uniquement à une répétition formelle de la même motivation, qui serait en toute probabilité le fruit d’un simple « copier-coller » des dispositions générales dans chaque avis de concours particulier, sans qu’il existe une véritable justification individuelle.

169. Partant, dans cette optique, je dois admettre qu’une approche combinée consistant à établir un ensemble de lignes directrices générales dont il est possible de s’écarter dans des cas individuels lorsque cela est justifié par le cas particulier me semble une manière assez raisonnable de prévoir les règles linguistiques pour les besoins des concours (69).

170. Deuxièmement, la motivation des règles linguistiques devrait-elle être rétrospective et factuelle ou plutôt prospective et normative ? La question la plus importante soulevée par la présente affaire semble précisément celle‑ci : quel type de motivation faut‑il fournir pour limiter les (deuxièmes) langues que les candidats à un concours peuvent choisir ? Cette question déterminante n’est abordée que très indirectement dans le contexte des deuxième et troisième branches du troisième moyen, masquée au sein de la question des limites et de l’intensité du contrôle mené par le Tribunal : qu’est-ce que le Tribunal était censé contrôler, et comment était‑il censé exercer ce contrôle ?

171. Or, c’est précisément en posant cette question pertinente que la confusion des idées et des attentes relatives à ce que signifie disposer d’une marge d’appréciation devient assez évidente. Ce que l’EPSO ou, probablement, les institutions représentées dans le conseil d’administration de l’EPSO, souhaitaient apparemment réaliser était un certain choix (politique) concernant les langues qui devraient être utilisées pour les besoins du fonctionnement interne des institutions, en choisissant plusieurs langues dont elles estimaient qu’elles leur permettaient raisonnablement de fonctionner en interne. Il s’agit d’un choix normatif et prospectif, ou orienté vers l’avenir. Cependant, puisqu’il apparaîtrait qu’un tel choix ne pouvait être fait ouvertement (ou qu’en toute hypothèse les institutions ne souhaitaient pas le faire ouvertement, pour quelque raison que ce soit), les considérations réellement présentées en tant qu’arguments à l’appui de ce choix étaient rétrospectives et concernaient des faits (statistiques et autres) ainsi que certains usages et pratiques internes aux institutions.

172. Naturellement, cela aboutit à une inadéquation entre les motifs (factuels et rétrospectifs) invoqués par l’EPSO pour justifier le choix de langues et les motifs (normatifs et prospectifs) que ce choix laisse transparaître. Cette inadéquation a clairement émergé lors de l’audience lorsque certains des arguments invoqués par la Commission se caractérisaient par une logique circulaire à la Retour vers le futur IV : une certaine perception du passé doit déterminer l’avenir pour toujours, tels sont le passé et le présent qui doivent exister car tel est l’avenir désiré, et puisque l’on ne peut pas modifier le passé, alors on ne saurait modifier l’avenir non plus.

173. Par conséquent, en vue d’éviter la récurrence d’un tel phénomène dans une affaire « Italie/Commission III »,l’EPSO, et donc les institutions qui sont représentées dans son conseil d’administration, devraient décider clairement de la façon de procéder en matière de choix de langues et de justifier toute limitation potentielle : au moyen soit de motifs factuels et rétrospectifs, soit de motifs normatifs et prospectifs. On pourrait s’attendre à ce que des assertions factuelles fondées sur le passé et le présent soient encore soumises à un contrôle juridictionnel complet. En revanche, des choix normatifs, orientés vers l’avenir, concernant le régime linguistique des institutions, pourraient l’être moins, sous réserve qu’ils restent compatibles avec le cadre législatif valable, parce qu’en effet il est probable que ces choix revêtent une nature politique intrinsèque. Cependant, avant tout, une fois que ce choix sera fait, les institutions en question devraient avancer les justifications qui le sous-tendent de manière transparente et cohérente.

174. Enfin, quel que soit le choix de langues final, il existe selon moi deux autres limites à la manière dont il devrait être réalisé en pratique, lors de sa transposition dans un cadre procédural.

175. Premièrement, le choix des langues disponibles devrait être clair, objectif et prévisible pour les candidats, comme cela est requis par la Cour au point 90 de l’arrêt Italie/Commission I. Une personne qui envisage une carrière dans les institutions de l’Union doit être en mesure de se préparer pour les futurs concours. Cela suppose inévitablement un certain degré de stabilité : les langues qu’elle sera autorisée à choisir ne devraient pas changer chaque année. Par conséquent, une approche flexible, dans laquelle les langues requises pourraient être adaptées assez souvent pour faire face à la demande des candidats ne répondrait guère à l’exigence de prévisibilité, qui, selon les termes de la Cour, permet aux candidats de « savoir, suffisamment à l’avance, quelles exigences linguistiques sont requises, et ce pour pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions ».

176. Deuxièmement, quel que soit le choix effectué, il est impératif de garantir que les concours se déroulent de la manière la plus égale et la plus neutre possible. Soit, dit plus simplement : si tous ne peuvent pas concourir dans des conditions également bonnes (ce qui signifierait que chacun pourrait passer les épreuves dans la langue de son choix), alors tous doivent concourir dans des conditions également mauvaises (chacun doit concourir avec le même handicap). En pratique, au moins deux cas d’application de cette règle me viennent à l’esprit.

177. D’une part, si plus d’une langue est disponible en tant que deuxième langue, qui est celle dans laquelle il apparaît que la partie décisive des concours se déroule en pratique, il devrait (dans la mesure du possible) être garanti que tous les candidats sont obligés de choisir une langue autre que leur langue maternelle comme deuxième langue. On ne saurait permettre aux candidats d’obtenir un avantage sur ceux dont la langue maternelle ne figure pas parmi les langues sélectionnées, en déclarant stratégiquement leur langue maternelle comme deuxième langue.

178. D’autre part, dans la même logique, tous les candidats devraient toujours être tenus de communiquer avec l’EPSO sur un même pied d’égalité, y compris pour remplir le formulaire de candidature et pour présenter les documents pertinents. Tout avantage indirect doit également être évité à cet égard. Dès lors, notamment, si toutes les langues officielles ne sont pas disponibles pour communiquer avec l’EPSO et lui présenter des candidatures ou autres documents, ainsi que pour les autres communications au cours de la procédure de sélection subséquente, alors les candidats dont la langue maternelle est l’une des langues disponibles ne devraient pas être autorisés à l’utiliser. Ainsi, une fois encore, ils n’obtiendraient pas d’avantage indirect en ayant la possibilité de présenter une documentation pertinente et cruciale aux fins de la procédure de sélection dans leur langue maternelle.

179. En somme, quel que soit le choix effectué, le système doit être conçu de telle manière que le fait qu’une certaine langue soit disponible ne puisse apporter aux locuteurs natifs de cette langue (et donc, dans la grande majorité des cas, aux ressortissants d’un État membre donné) aucun avantage direct ou indirect dans la procédure de sélection.

VI.    Conclusion

180. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner la Commission européenne à supporter ses dépens et ceux de la République italienne ;

–        condamner le Royaume d’Espagne et la République de Lituanie à supporter leurs propres dépens.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Voir arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752).


3      JO 1958, 17, p. 385.


4      Règlement (UE) n o 517/2013 du Conseil, du 13 mai 2013, portant adaptation de certains règlements et décisions adoptés dans les domaines de la libre circulation des marchandises, de la libre circulation des personnes, du droit des sociétés, de la politique de la concurrence, de l’agriculture, de la sécurité sanitaire des aliments, de la politique vétérinaire et phytosanitaire, de la politique des transports, de l’énergie, de la fiscalité, des statistiques, des réseaux transeuropéens, du pouvoir judiciaire et des droits fondamentaux, de la justice, de la liberté et de la sécurité, de l’environnement, de l’union douanière, des relations extérieures, de la politique étrangère, de sécurité et de défense et des institutions, du fait de l’adhésion de la République de Croatie (JO 2013, L 158, p. 1).


5      Règlement n o 31 (C.E.E), 11 (C.E.E.A.) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385).


6      JO 2013, L 287, p. 15.


7      Décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur du 25 juillet 2002 portant création de l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes – Déclaration du Bureau du Parlement européen (JO 2002, L 197, p. 53).


8      JO 2014, C 74 A, p. 4.


9      JO 2014, C 391 A, p. 1.


10      JO 2014, C 60 A, p. 1.


11      T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495.


12      Mentionnées aux notes 58 et 59 ci-dessous.


13      En dehors des affaires mentionnées ci-dessous dans les présentes conclusions, je renvoie à une affaire parallèle, également pendante devant la grande chambre, qui porte sur des questions très semblables, à savoir l’affaire Espagne/Parlement (C‑377/16). Les conclusions éclairantes élaborées dans cette affaire par mon éminente collègue l’avocat général Sharpston, dont j’ai eu le privilège de lire le projet, seront rendues à la même date que les présentes.


14      Par ce terme, je me réfère à tous les requérants, qu’il s’agisse de particuliers ou d’États membres. La Commission paraît sous-entendre que, puisque la République italienne est un État membre, qui serait un requérant privilégié en vertu de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, et qu’elle aurait probablement eu qualité pour attaquer directement les dispositions générales, elle aurait dû le faire et n’aurait pas dû « attendre » que celles-ci soient « mises en œuvre » par un avis de concours particulier. Toutefois, il suffira de préciser que la République italienne a choisi d’attaquer non pas les dispositions générales, mais plutôt les concours particuliers tels que ceux-ci ressortent des avis pertinents.


15      C’est le cas non seulement des concours prévoyant des exigences linguistiques spécifiques, comme les concours de juristes linguistes, mais également, par exemple, des concours pour des agences spécifiques de l’Union ayant un nombre limité de langues de travail. Cela pourrait également être le cas des concours pour les agences ou autres organes situés dans un État membre dont la langue officielle n’est pas l’une des trois langues par défaut, si la connaissance de cette langue était nécessaire pour exécuter les tâches de l’agence ou de l’organe.


16      À titre de contexte, sans en tirer de conclusions aux fins de la présente affaire, on observera que l’EPSO semble avoir abandonné la pratique de publier les dispositions générales séparément et de s’y référer dans chaque avis de concours. Les dispositions générales semblent à présent systématiquement intégrées à chaque avis de concours sous la forme d’une annexe. Voir, par exemple, l’avis de concours général EPSO/AD/338/17 en vue de la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 5) (JO 2017, C 99 A, p. 1), les avis de concours général EPSO/AD/354/17 en vue de la constitution d’une liste de réserve de juristes linguistes de langue lettone (AD 7) et EPSO/AD/355/17 en vue de la constitution d’une liste de réserve de juristes linguistes de langue maltaise (AD 7) (JO 2017, C 418 A, p. 1), ou l’avis de concours général EPSO/AD/356/18 en vue de la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 5) (JO 2018, C 88 A, p. 1) (ci-après « l’avis de concours général de 2018 »).


17      Voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission (C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 31 et jurisprudence citée).


18      Voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission (C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32 et jurisprudence citée).


19      Les dispositions générales énoncent que, « [s]auf spécification contraire dans l’avis de concours, le choix de la deuxième langue sera normalement limité à l’anglais, au français ou à l’allemand » et préviennent subséquemment que tous les candidats « doivent passer certains tests dans leur deuxième langue, choisie parmi ces trois langues » (mise en italique par mes soins). L’orientation générale commence par établir qu’« [e]n règle générale, l’utilisation des langues dans le cadre des concours EPSO est confirmée comme suit », et ajoute ensuite que « les épreuves des centres d’évaluation seront organisées uniquement dans la deuxième langue des candidats au choix parmi l’anglais, le français et l’allemand » (mise en italique par mes soins).


20      Voir, en particulier, arrêt du 13 décembre 2012, Expedia (C‑226/11, EU:C:2012:795, point 28 et jurisprudence citée).


21      Voir, par exemple, arrêt du 5 septembre 2012, Parlement/Conseil (C‑355/10, EU:C:2012:516, point 37 et jurisprudence citée). Comme cela est précisé ci-dessus à la note de bas de page 14, on ne saurait néanmoins détourner ce fait pour suggérer que, puisqu’un État membre aurait déjà pu attaquer les dispositions générales, les avis ne sont que des « actes confirmatifs » (on peut supposer que cela ne serait valable qu’à l’égard de cet État membre précis).


22      Article 64 du protocole (no 3) sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne.


23      C‑566/10 P, EU:C:2012:752.


24      Abordées ci-dessus, aux points 46 à 68 des présentes conclusions.


25      Soanes, C., et Stevenson, A., Concise Oxford English Dictionary, 11e éd., Oxford University Press, Oxford, 2004.


26      Dictionnaire en ligne Merriam-Webster Dictionary (disponible à l’adresse https://www.merriam-webster.com).


27      « Capacité reconnue en telle ou telle matière en raison de connaissances possédées et qui donne le droit d’en juger », Le Petit Larousse illustré, Larousse, Paris, 2011.


28      « Das Befähigtsein ; Eignung ; Tauglichkeit ; Begabung », Duden. Deutches Universalwörterbuch, 6e éd., Dudenverlag, Mannheim, Leipzig, Vienne, Zürich, 2006.


29      L’essere competentecompetente est à son tour défini comme che ha la capacità, le qualità, le conoscenze, l’esperienza necessarie a fare bene qualcosa, a ben valutare, giudicare e sim.; esperto : Dizionario italiano Garzanti, Garzanti Linguistica, Milan, 2005.


30      Pericia, aptitud o idoneidad para hacer algo o intervenir en un asunto determinado : Diccionario de la lengua española, 23e éd., Real Academia Española, Espasa Libros, Barcelone, 2014.


31      Le Slovník spisovné češtiny, 4e éd, Akademia, Prague, 2009, définit způsobilý comme le mající k něčemu potřebné schopnosti, předpoklady.


32      Il me semble que, s’agissant de la substance, l’expression the most competent candidates était plutôt censée signifier « les candidats ayant le plus haut niveau de capacité », puisque dans les autres versions linguistiques de l’arrêt la Cour a employé la formulation de la version linguistique correspondante de l’article 27 du statut (par exemple « ayant les plus hautes qualités de compétence » dans la version en langue française de l’arrêt ou dotati delle più alte qualità di competenza dans la version en langue italienne, qui était la langue de la procédure).


33      Voir, à cet égard, arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission (T‑510/13, non publié, EU:T:2015:1001, point 102).


34      Toutefois, même si la connaissance des langues peut être considérée comme une compétence à apprécier au moment du recrutement du fonctionnaire, il ne s’agit naturellement pas d’une compétence qui doit exclusivement être appréciée à ce moment-là. C’est ce que démontre l’article 45, paragraphe 2, du statut, en vertu duquel les fonctionnaires sont tenus de démontrer, avant leur première promotion, leur capacité à travailler dans une troisième langue. La connaissance des langues est dès lors une capacité qui peut être acquise. Cependant, en soi, cela n’exclut pas la possibilité d’évaluer les langues dans le cadre d’un concours : en effet, comme la Cour l’a observé au point 97 de l’arrêt Italie/Commission I, « il appartient […] aux institutions de mettre en balance l’objectif légitime justifiant la limitation du nombre de langues des concours et les possibilités d’apprentissage par les fonctionnaires recrutés, au sein des institutions, des langues nécessaires à l’intérêt du service » (mise en italique ajoutée par mes soins).


35      Selon moi, la question essentielle que pose le point 106 de l’arrêt attaqué porte plutôt sur le point de savoir quels fondements (objectifs raisonnables) pourraient réellement être invoqués pour imposer des limitations relatives aux langues dans la procédure de recrutement, ainsi que sur le rapport systémique entre l’article 27 et l’article 1er quinquies, point 6, du statut. Mais ces questions ne sont pas soulevées dans le présent pourvoi.


36      Voir, notamment, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 53 et jurisprudence citée) ; voir, également, arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 67), et du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 63).


37      Le texte intégral de la motivation fournie par l’avis de concours général est reproduit au point 24 des présentes conclusions. La section équivalente de l’avis de concours dans le domaine de la protection des données est essentiellement rédigée dans des termes identiques.


38      Comme la Cour l’a considéré dans l’arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 56 et jurisprudence citée), « le juge de l’Union doit effectuer le contrôle de légalité sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, et ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait ».


39      Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Rica Foods/Commission (C‑40/03 P, EU:C:2005:93, points 45 à 49).


40      Voir arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39) ; voir, également, arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 54), et du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 54).


41      Voir, notamment, arrêt du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission (C‑328/99 et C‑399/00, EU:C:2003:252, point 39).


42      Voir, notamment, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248, points 41 et 45).


43      Voir, notamment, arrêt du 16 avril 1991, Schiocchet/Commission (C‑354/89, EU:C:1991:149, point 14).


44      Voir, notamment, arrêt du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil (C‑301/97, EU:C:2001:621, point 74 et jurisprudence citée).


45      Je rappelle que l’exigence dégagée par la Cour dans l’arrêt Italie/Commission I (voir point 85 des présentes conclusions) était que des critères clairs, objectifs et prévisibles que les candidats puissent connaître à l’avance soient établis. La Cour ne s’est nullement prononcée sur le type d’arguments susceptibles d’être invoqués à l’appui de l’établissement de tels critères.


46      La Cour a considéré de manière constante que, puisque le pourvoi est circonscrit aux points de droit, le Tribunal est seul compétent pour constater et pour apprécier les faits pertinents, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi : voir, en particulier, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 177), et du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO (C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 65).


47      Voir point 3.4.4.1 des dispositions générales, qui renvoie à l’article 90, paragraphe 2, du statut, bien qu’il semble devoir être lu en combinaison avec l’article 90 quater dans la mesure où l’EPSO est un organe interinstitutionnel auquel plusieurs institutions ont délégué l’exercice de certains des pouvoirs conférés à l’autorité investie du pouvoir de nomination, au sens de l’article 2, paragraphe 2, du statut. Voir, également, article 4 de la décision 2002/620, qui prévoit que les demandes et réclamations relatives à l’exercice des pouvoirs conférés à l’EPSO doivent être adressées à l’EPSO conformément à l’article 91 bis du statut. Je pense que le renvoi exact devrait viser l’article 90 quater plutôt que l’article 91 bis dans la mesure où le premier porte sur les « demandes et réclamations » alors que le second concerne les « recours » (devant les juridictions de l’Union).


48      Voir point 3.4.4.2 des dispositions générales. Pour un concours plus récent, voir point 4.3.2 de l’annexe II de l’avis de concours général de 2018.


49      Arrêt du 10 septembre 2015, Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission (C‑417/14 RX‑II, EU:C:2015:588, point 33). Dans cet arrêt, la Cour a renvoyé à l’article 73, paragraphe 2, sous a), du statut, qui mentionne expressément les « descendants » et les « ascendants » du fonctionnaire, pour justifier la compétence ratione personae du Tribunal de la fonction publique dans un recours relatif au point de savoir si le père et les enfants d’un fonctionnaire décédé avaient droit aux paiements garantis par l’article 73 du statut. Voir, également, arrêt du 16 mai 2013, de Pretis Cagnodo et Trampuz de Pretis Cagnodo/Commission (F‑104/10, EU:F:2013:64, point 51).


50      Règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137).


51      Dans l’arrêt du 10 septembre 2015, Réexamen Missir Mamachi di Lusignano/Commission (C‑417/14 RX‑II, EU:C:2015:588, point 30), la Cour a observé que les articles 90 et 91 du statut mettaient en œuvre l’article 270 TFUE.


52      Voir point 2.1.6 des dispositions générales. Pour un concours plus récent, voir la section intitulée « Comment serai-je sélectionné ? » de l’avis de concours général de 2018.


53      Sur un plan plutôt abstrait et normatif, on pourrait certainement dire que les règles linguistiques applicables à une procédure de sélection sont et doivent être séparées des exigences linguistiques aux fins de l’exercice de la fonction par la suite. Dans ce cas, le choix des langues au cours de la procédure de sélection et sa justification potentielle devraient également être séparés des conditions applicables à l’exercice de la fonction concernée par la suite.


54      Comme la Cour l’a observé au point 68 de l’arrêt Italie/Commission I, les relations entre des institutions et des candidats à un concours externe ne sont pas « totalement exclues du champ d’application du règlement no 1 ».


55      Voir point 126 des présentes conclusions.


56      Au point 67 de l’arrêt Italie/Commission I, la Cour a observé que les institutions n’avaient pas utilisé cet article. Cela a également été confirmé par la Commission à l’audience dans la présente affaire. En règle générale, cela semble exact, à l’exception partielle, peut-être, de l’article 14 du règlement intérieur du Conseil [de l’Union européenne] (JO 2009, L 325, p. 36), qui semble avoir été adopté sur le fondement de l’article 6 du règlement no 1, comme observé dans le Commentaire du règlement intérieur du Conseil, publié par le secrétariat général du Conseil, p. 48 (disponible à l’adresse : www.consilium.europa.eu/media/29824/qc0415692enn.pdf). La Cour a examiné cette disposition du règlement intérieur du Conseil dans son arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil (C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, points 200 à 204), mais elle n’a pas abordé la question de savoir s’il avait été adopté en vertu de l’article 6, du règlement no 1.


57      Voir, notamment, arrêts du 19 juin 2003, Mayer Parry Recycling (C‑444/00, EU:C:2003:356, point 57) ; du 30 avril 2014, Barclays Bank (C‑280/13, EU:C:2014:279, point 44) ; et du 12 février 2015, Parlement/Conseil (C‑48/14, EU:C:2015:91, point 49).


58      Voir arrêts du 24 septembre 2015, Italie et Espagne/Commission (T‑124/13 et T‑191/13, EU:T:2015:690) ; du 17 décembre 2015, Italie/Commission (T‑275/13, non publié, EU:T:2015:1000) ; arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission (T‑295/13, non publié, EU:T:2015:997) ; et du 17 décembre 2015, Italie/Commission (T‑510/13, non publié, EU:T:2015:1001).


59      Il s’agit des affaires Italie/Commission (T‑313/15), Italie/Commission (T‑317/15), Espagne/Commission (T‑401/16), Italie/Commission (T‑437/16), Italie/Commission (T‑443/16), Calhau Correia de Paiva/Commission (T‑202/17) et Espagne/Commission (T‑704/17).


60      En effet, bien que la présente affaire soit intitulée Commission/Italie, l’affaire devant le Tribunal qui a donné lieu à l’arrêt attaqué était Italie/Commission. Dès lors, dans cette mesure, la présente affaire mériterait effectivement bien d’être intitulée « Italie/Commission II ».


61      Avec l’affaire parallèle Espagne/Parlement (C‑377/16) mentionnée à la note en bas de page 13 des présentes conclusions.


62      Conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire C‑377/16, Espagne/Parlement (EU:C:2018:610, points 156 à 161, 163 et 164).


63      Comme argumenté au point 151 des présentes conclusions.


64      Arrêt du 5 mai 2015, Espagne/Conseil (C‑147/13, EU:C:2015:299, point 42).


65      Arrêt du 9 septembre 2003, Kik/OHMI (C‑361/01 P, EU:C:2003:434, point 82).


66      Voir arrêt du 11 décembre 2007, Skoma-Lux (C‑161/06, EU:C:2007:773, points 37 et 38) ; voir, également, arrêt du 12 juillet 2012, Pimix (C‑146/11, EU:C:2012:450, point 33).


67      Voir arrêt du 12 mai 2011, Polska Telefonia Cyfrowa (C‑410/09, EU:C:2011:294, point 34).


68      En effet, comme la République italienne l’a souligné à juste titre lors de l’audience, les considérations d’ordre budgétaire ne sauraient justifier une discrimination : voir, notamment, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110, point 66 et jurisprudence citée).


69      Je rappelle que cela ne préjuge nullement de la question de savoir si l’EPSO serait habilité à adopter de telles dispositions générales, laquelle a expressément été laissée ouverte aux points 69 à 77 des présentes conclusions.