Language of document : ECLI:EU:C:2019:51

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

23 janvier 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Aides existantes et aides nouvelles – Qualification – Règlement (CE) no 659/1999 – Article 1er, sous b), iv) et v) – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Applicabilité – Subventions octroyées avant la libéralisation d’un marché initialement fermé à la concurrence – Action en dommages et intérêts contre l’État membre intentée par un concurrent de la société bénéficiaire »

Dans l’affaire C‑387/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), par décision du 10 avril 2017, parvenue à la Cour le 28 juin 2017, dans la procédure

Presidenza del Consiglio dei Ministri

contre

Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice–présidente de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur), E. Regan, C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juin 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA, par Mes M. Contaldi, P. Canepa, V. Roppo et S. Sardano, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement français, par Mme J. Bousin ainsi que par MM. P. Dodeller, D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. P. Stancanelli et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, sous b), iv) et v), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), de l’article 93, paragraphe 3 du traité CEE (devenu, après modification, article 88, paragraphe 3, CE, lui-même devenu article 108paragraphe 3, TFUE), ainsi que des principes de sécurité juridique et de la protection de la confiance légitime.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure opposant la Presidenza del Consiglio dei Ministri (présidence du Conseil des ministres, Italie) à Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA (ci-après « FTDM ») au sujet d’une demande en réparation du préjudice que cette société aurait subi en raison de l’octroi, au cours des années 1976 à 1980, de subventions à Tirrenia di Navigazione SpA (ci-après « Tirrenia »), entreprise concurrente de FTDM.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er du règlement no 659/1999, intitulé « Définitions », disposait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b)      “aide existante” :

[...]

iv)      toute aide réputée existante conformément à l’article 15 ;

v)      toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation ;

[...] »

4        L’article 15 de ce règlement, intitulé « Délai de prescription », prévoyait :

« 1.      Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans.

2.      Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes.

3.      Toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante. »

 Le droit italien

5        Les subventions en cause au principal ont été octroyées à Tirrenia, entreprise de navigation concurrente de FTDM, en vertu de la legge n. 684 – Ristrutturazione dei servizi marittimi di preminente interesse nazionale (loi no 684 portant restructuration des services maritimes d’intérêt national prééminent), du 20 décembre 1974 (GURI no 336, du 24 décembre 1974, ci-après la « loi no 684 »).

6        L’article 7 de la loi no 684 prévoit ce qui suit :

« Le ministre de la Marine marchande est autorisé à octroyer des subventions destinées à la prestation des services énoncés à l’article précédent, par la conclusion de conventions ad hoc annuelles, en concertation avec les ministres du Trésor et des Participations de l’État.

Les subventions indiquées à l’alinéa précédent doivent garantir pendant les trois ans la gestion des services dans des conditions d’équilibre économique. Ces subventions sont établies préalablement sur la base des recettes nettes, de l’amortissement des investissements, des coûts d’exploitation, des frais de fonctionnement et des frais financiers.

[…] »

7        L’article 8 de la loi no 684 dispose :

« Les services de liaison avec les îles majeures et mineures, indiqués à l’article 1er, sous c), ainsi que les éventuels prolongements techniquement et économiquement nécessaires, doivent garantir la satisfaction des exigences liées au développement économique et social des régions concernées et en particulier du Mezzogiorno.

Le ministre de la Marine marchande est par conséquent autorisé à accorder des subventions destinées à la prestation desdits services, par la conclusion d’une convention ad hoc, en concertation avec les ministres du Trésor et des Participations de l’État, pour une période de vingt ans. »

8        Aux termes de l’article 9 de la loi no 684 :

« La convention prévue par l’article précédent doit indiquer :

1)      la liste des liaisons à assurer ;

2)      la fréquence de chaque liaison ;

3)      les types de navires à affecter à chaque liaison ;

4)      la subvention qui doit être fixée en fonction des recettes nettes, de l’amortissement des investissements, des coûts d’exploitation, des frais de fonctionnement et des frais financiers.

Avant le 30 juin de chaque année, il est procédé à l’adaptation de la subvention à verser pour ladite année si, durant l’année précédente, au moins l’une des composantes économiques indiquées dans la convention a subi des modifications excédant le vingtième de la valeur prise en compte pour le même poste lors de la fixation de la subvention précédente. »

9        L’article 18 de la loi no 684 dispose :

« La charge financière qui résulte de l’application de la présente loi est couverte à hauteur de 93 milliards de lires par les fonds déjà inscrits au chapitre 3061 de l’état prévisionnel des dépenses du ministère de la Marine marchande pour l’exercice 1975 et par ceux qui seront inscrits dans les chapitres correspondants des exercices financiers suivants. »

10      L’article 19 de la loi no 684 énonce ce qui suit :

« Jusqu’à la date d’approbation des conventions prévues par la présente loi, le ministre de la Marine marchande, en accord avec celui du Trésor, verse, par mensualités différées, des acomptes dont le montant cumulé ne représente pas plus de [quatre-vingt-dix] pour cent du montant total indiqué à l’article 18. »

11      L’article 7 du décret du président de la République no 501, du 1er juin 1979 (GURI no 285, du 18 octobre 1979), adopté aux fins de mise à exécution de la loi no 684, précise que les acomptes visés à l’article 19 de ladite loi sont versés aux sociétés fournissant des services d’intérêt national prééminent jusqu’à la date d’enregistrement, par la Corte dei conti (Cour des comptes, Italie), des actes relatifs à la conclusion des nouvelles conventions.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Ainsi qu’il ressort des arrêts du 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo (C‑173/03, EU:C:2006:391), et du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo (C‑140/09, EU:C:2010:335), FTDM et Tirrenia sont deux entreprises de transport maritime qui, dans les années 70, effectuaient des liaisons maritimes régulières entre l’Italie continentale et les îles de Sardaigne et de Sicile.

13      Au cours de l’année 1981, FTDM a assigné Tirrenia devant le Tribunale di Napoli (tribunal de Naples, Italie), aux fins d’obtenir réparation du préjudice qu’elle prétendait avoir subi du fait de la politique de bas prix pratiquée par cette dernière entre les années 1976 et 1980. FTDM soutenait que Tirrenia avait abusé de sa position dominante sur le marché en cause en pratiquant des tarifs largement inférieurs au prix coûtant grâce au versement de subventions publiques en violation du droit de l’Union.

14      FTDM a été déboutée de sa demande par jugement du Tribunale di Napoli (tribunal de Naples) du 26 mai 1993, confirmé par arrêt de la Corte d’appello di Napoli (cour d’appel de Naples, Italie) du 13 décembre 1996.

15      Le pourvoi formé contre cet arrêt par le curateur de la faillite de FTDM, société entre-temps mise en liquidation, a été rejeté par arrêt de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) du 19 avril 2000, qui a notamment refusé de déférer à la demande de l’auteur du pourvoi de soumettre à la Cour des questions préjudicielles portant sur la compatibilité avec le droit de l’Union de la loi no 684, au motif que la solution retenue par les juges du fond respectait les dispositions pertinentes et était conforme à la jurisprudence de la Cour.

16      Par acte du 15 avril 2002, le curateur de la faillite de FTDM a attrait l’État italien devant le Tribunale di Genova (tribunal de Gênes, Italie), aux fins que soit retenue la responsabilité de cet État à divers titres : dans sa fonction législative, pour avoir octroyé des aides, au titre de la loi no 684, incompatibles avec le traité CEE ; dans sa fonction juridictionnelle, pour avoir manqué, par l’arrêt de la Corte di Cassazione (Cour de cassation) du 19 avril 2000, à l’obligation de saisir la Cour de questions préjudicielles portant sur la conformité au droit de l’Union de la loi no 684, et, enfin, dans sa fonction administrative, pour avoir omis d’informer la Corte suprema di Cassazione (Cour de cassation) de l’ouverture d’une procédure d’infraction devant la Commission européenne, en ce qui concerne cette loi, manquant ainsi aux obligations de coopération loyale avec les institutions européennes.

17      Dans son recours, FTDM concluait à la condamnation de l’État italien à lui verser la somme de 9 240 000 euros en réparation de son préjudice.

18      Le 14 avril 2003, le Tribunale di Genova (tribunal de Gênes) a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle. Celle-ci a donné lieu à l’arrêt du 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo (C‑173/03, EU:C:2006:391).

19      À la suite de cet arrêt, le Tribunale di Genova (tribunal de Gênes) a, par jugement du 27 février 2009, constaté « l’existence de l’illégalité commise par l’État juge » et ordonné la poursuite de la procédure, par une ordonnance séparée, pour qu’il soit statué sur la demande en réparation des dommages résultant de cette illégalité. C’est à ce stade de ladite procédure que, s’interrogeant sur l’interprétation du droit de l’Union relatif aux aides d’État, il a saisi à nouveau la Cour.

20      Par arrêt du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo (C‑140/09, EU:C:2010:335), la Cour a jugé que « [l]e droit de l’Union doit être interprété en ce sens que des subventions versées dans les circonstances caractérisant le litige au principal, en vertu d’une législation nationale prévoyant le versement d’acomptes avant l’approbation d’une convention, constituent des aides d’État si ces subventions sont susceptibles d’affecter les échanges entre États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence, ce qu’il incombe au juge national de vérifier ».

21      Par décision du 30 juillet 2012, le Tribunale di Genova (tribunal de Gênes) a condamné la présidence du Conseil des ministres à payer à FTDM la somme de 2 330 355,78 euros, majorée de la réévaluation monétaire et des intérêts légaux, en réparation du préjudice subi par cette dernière en raison du comportement illicite de l’État dans sa fonction juridictionnelle.

22      La présidence du Conseil des ministres, à titre principal, et FTDM, à titre incident, ont interjeté appel de cette décision.

23      Par arrêt du 24 juillet 2014, la Corte di appello di Genova (cour d’appel de Gênes, Italie) a annulé ladite décision et statué sur le fond de l’affaire.

24      Tout en rejetant les demandes de réparation de FTDM fondées sur la responsabilité de l’État italien dans ses fonctions juridictionnelle et administrative, cette juridiction a fait droit à celle fondée sur la responsabilité de cet État dans sa fonction législative, en raison de l’adoption, par le Parlement italien, de la loi no 684. Elle a, en conséquence, condamné ledit État à payer à FTDM la somme de 2 330 355,78 euros, majorés de la réévaluation monétaire et des intérêts légaux, en réparation du préjudice subi par cette société.

25      La Corte di appello di Genova (cour d’appel de Gênes) a, en particulier, considéré que les subventions octroyées à Tirrenia avaient été susceptibles d’affecter les échanges entre États membres au motif que, « pour des raisons de proximité géographique, les routes desservies par Tirrenia, auraient pu être exploitées par des vecteurs d’autres États membres (en particulier [le Royaume d’Espagne] et la [République française]) qui, toutefois, se seraient trouvés dans des conditions décourageantes par rapport à la première ».

26      En outre, cette juridiction a considéré que la présence d’opérateurs d’autres États membres sur les lignes desservies par Tirrenia avait été constatée par la Commission dans sa décision 2001/851/CEE, du 21 juin 2001, concernant les aides d’État versées par l’Italie à la compagnie maritime Tirrenia di Navigazione (JO 2001, L 318, p. 9).

27      Par ailleurs, ladite juridiction a constaté que, eu égard à la valeur importante des subventions versées durant les années en question, soit environ 400 milliards de lires italiennes (ITL), et au fait que Tirrenia opérait également sur des liaisons internationales, ces subventions relevaient également du régime interdit des subventions dites croisées.

28      Dans ces conditions, la Corte di appello di Genova (cour d’appel de Gênes) a considéré que les subventions en cause au principal, en ce qu’elles n’étaient pas antérieures à l’entrée en vigueur du traité CEE, devaient être considérées comme des aides nouvelles, soumises à l’obligation de notification au titre de l’article 93, paragraphe 3, du traité CEE, de telle sorte que, en l’absence d’une telle notification, il y avait violation du droit de l’Union.

29      La présidence du Conseil des ministres s’est pourvue en cassation contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi, en soutenant notamment que les subventions octroyées à Tirrenia avaient été erronément qualifiées d’aides nouvelles et non d’aides existantes.

30      La juridiction de renvoi fait observer, tout d’abord, que, aux fins de la qualification juridique d’aide existante ou d’aide nouvelle d’une aide d’État octroyée dans le contexte d’un marché non libéralisé, tel que celui en cause au principal, il convient d’examiner l’applicabilité ratione temporis de l’article 1er, sous b), v), du règlement no 659/1999 ainsi que son champ d’application.

31      Ensuite, cette juridiction souligne l’importance d’une des caractéristiques du marché concerné, à savoir l’absence de libéralisation de ce marché. Ainsi, elle considère que, au point 143 de son arrêt du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission (T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, EU:T:2000:151), le Tribunal de première instance des Communautés européennes a dégagé un principe selon lequel un régime d’aides institué dans un marché initialement fermé à la concurrence doit être considéré, lors de la libéralisation de ce marché, comme un régime d’aides existant, et ajoute que ce principe a été confirmé par la Cour aux points 66 à 69 de l’arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission (C‑298/00 P, EU:C:2004:240). Dès lors, aux fins de la qualification juridique des subventions en cause au principal d’aides existantes ou d’aides nouvelles, il conviendrait d’examiner également le champ d’application dudit principe.

32      La juridiction de renvoi fait néanmoins observer également qu’il ressort d’une série d’affaires concernant les entreprises du Gruppo Tirrenia di Navigazione, qui ont donné lieu à l’arrêt de la Cour du 10 mai 2005, Italie/Commission (C‑400/99, EU:C:2005:275), et aux arrêts du Tribunal du 20 juin 2007, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑246/99, non publié, EU:T:2007:186), et du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), que l’absence de libéralisation du marché du cabotage maritime a été jugée sans pertinence pour la qualification de certaines des mesures en cause dans ces affaires d’aides existantes.

33      Enfin, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité de l’article 1er, sous b), iv), du règlement no 659/1999, lu en combinaison avec l’article 15 de ce règlement, à des subventions octroyées avant l’entrée en vigueur dudit règlement. Selon cette juridiction, il ressort de l’arrêt du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias (C‑690/13, EU:C:2015:235), que ces dispositions pourraient être applicables aux faits antérieurs à l’entrée en vigueur du même règlement.

34      C’est dans ces conditions que la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Aux fins de la qualification des aides en cause (comme aides “existantes”, et donc pas “nouvelles”), faut-il appliquer, et dans quelle mesure, l’article 1er, sous b), v), du règlement [no 659/1999] qui vise : “toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation”, ou bien faut-il appliquer, et dans quelle mesure, le principe (dont la portée est formellement différente de celui de droit positif susmentionné) – dégagé par le Tribunal dans son arrêt du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission (T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, EU:T:2000:151, point 143), et confirmé, pour ce qui nous intéresse aux fins de la décision dans la présente affaire, par la Cour, dans son arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission (C‑298/00 P, EU:C:2004:240, points 66 à 69) – selon lequel, “[...] un régime d’aides institué dans un marché initialement fermé à la concurrence doit être considéré, lors de la libéralisation de ce marché, comme un régime d’aides existant, dans la mesure où il ne relevait pas, au moment de son institution, du champ d’application de l’article 92, paragraphe 1, du traité CEE [devenu l’article 87, paragraphe 1, CE, lui-même devenu, article 107, paragraphe 1, TFUE], uniquement applicable dans les secteurs ouverts à la concurrence, eu égard aux conditions énoncées par ce texte, relatives à l’affectation des échanges entre les États membres et aux répercussions sur la concurrence” ?

2)      En tout état de cause, et toujours aux fins de la qualification des aides susmentionnées, faut-il appliquer, et dans quelle mesure, l’article 1er, sous b), iv), du même règlement [no 659/1999] qui définit les aides existantes comme étant “toute aide réputée existante conformément à l’article 15” – cette dernière disposition établissant quant à elle un délai de prescription de dix ans pour la récupération des aides accordées illégalement –, ou bien faut-il appliquer, et dans quelle mesure (analogue ou non par rapport au principe exprimé dans la disposition de droit positif susmentionnée), les principes, constamment affirmés par la Cour, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

35      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si des subventions octroyées à une entreprise avant la date de libéralisation du marché concerné, telles que celles en cause au principal, peuvent être qualifiées d’aides existantes en raison de la seule absence formelle de libéralisation dudit marché au moment de leur octroi.

36      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 53).

37      Cela étant rappelé, il y a lieu de vérifier, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle le marché concerné n’était pas encore formellement ouvert à la concurrence, si, au moment de leur octroi, les subventions concernées constituaient des aides d’État parce qu’elles répondaient aux conditions d’affectation des échanges entre États membres et de distorsion de la concurrence.

38      À cet égard, il convient de relever que, s’il est vrai qu’une aide d’État peut, en principe, être réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, notamment en raison de l’absence de libéralisation dans le marché concerné, la Cour a déjà dit pour droit qu’une telle absence de libéralisation n’exclut pas nécessairement qu’une mesure d’aide soit susceptible d’affecter les échanges entre États membres et fausse ou menace de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C‑140/09, EU:C:2010:335, point 49).

39      En effet, une aide d’État est susceptible d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence, alors même que le marché concerné n’est que partiellement ouvert à la concurrence.

40      Il suffit que, au moment de la mise en vigueur d’une mesure d’aide, il y ait une situation de concurrence effective sur le marché concerné pour qu’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État soit susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence.

41      En l’occurrence, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 67 de ses conclusions, la circonstance que le marché de cabotage maritime en cause au principal n’ait été libéralisé par voie réglementaire que bien postérieurement à l’octroi des subventions en cause au principal ne permet pas d’exclure que, avant cette libéralisation, celles-ci constituaient des aides d’État satisfaisant aux conditions rappelées au point 36 du présent arrêt.

42      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 50 de l’arrêt du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo (C‑140/09, EU:C:2010:335), il ne peut être exclu, d’une part, que Tirrenia ait été en concurrence avec des entreprises d’autres États membres sur les lignes internes concernées et, d’autre part, qu’elle ait été en situation de concurrence avec de telles entreprises sur des lignes internationales et que, en l’absence de comptabilité séparée pour ses différentes activités, il ait existé un risque de subventions croisées, c’est-à-dire un risque que les recettes tirées de son activité de cabotage ayant bénéficié des subventions en cause au principal aient été utilisées au profit d’activités exercées par elle sur lesdites lignes internationales.

43      Ainsi, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, quand bien même le marché concerné n’était pas formellement libéralisé, il semble que ce marché, à l’époque des faits au principal, était un marché concurrentiel et que les subventions accordées à Tirrenia étaient susceptibles d’affecter les échanges entre États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence.

44      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, pour autant que les subventions en cause au principal relevaient, au moment de leur octroi, de la notion d’« aide d’État » en raison du fait qu’elles remplissent tous les critères nécessaires à cet effet, en particulier qu’elles étaient susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, ces mesures ne sauraient, en principe, être qualifiées d’aide existante en raison uniquement de l’absence formelle de libéralisation du marché concerné.

45      Compte tenu de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que des subventions octroyées à une entreprise avant la date de libéralisation du marché concerné, telles que celles en cause au principal, ne peuvent être qualifiées d’aides existantes en raison de la seule absence formelle de libéralisation dudit marché au moment de leur octroi, pour autant que ces subventions étaient susceptibles d’affecter les échanges entre États membres et faussaient ou menaçaient de fausser la concurrence, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur la seconde question

46      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si, dans une situation telle que celle en cause au principal, il y a lieu, aux fins de la qualification des subventions en cause d’aides existantes ou d’aides nouvelles, d’appliquer l’article 1er, sous b), iv), du règlement no 659/1999, ou s’il convient de se fonder sur les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

47      En ce qui concerne, tout d’abord, l’applicabilité de l’article 1er, sous b), iv), de ce règlement, dans une situation telle que celle en cause au principal, il importe, en premier lieu, de relever que la notion d’« aides existantes » visée à cette disposition apparaît étroitement liée au rôle ainsi qu’aux fonctions et aux pouvoirs spécifiques dévolus à la Commission dans le cadre du système de contrôle des aides d’État.

48      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de ladite disposition, on entend par aide existante toute aide réputée existante conformément à l’article 15 du règlement no 659/1999.

49      Selon l’article 15, paragraphe 3, de ce règlement, toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription de dix ans a expiré est réputée être une aide existante.

50      De son côté, l’article 15, paragraphe 2, dudit règlement prévoit que toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt ledit délai et que chaque interruption fait courir de nouveau ce même délai.

51      Il ressort du libellé de ces dispositions que la qualification d’une aide d’État d’aide existante, au sens de l’article 1er, sous b), iv), de ce même règlement, dépend, en principe, de la question de savoir si la Commission a pris ou non des mesures à l’égard de l’aide concernée dans le délai de prescription.

52      En outre, selon l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, ce sont les pouvoirs de la Commission en matière de récupération des aides d’État qui sont soumis au délai de prescription de dix ans.

53      En second lieu, il importe de souligner que, dans le cadre du système de contrôle des aides d’État, les juridictions nationales ont un rôle particulier et jouissent d’un certain niveau d’indépendance par rapport à la Commission, notamment lorsqu’elles sont saisies d’une action en dommages et intérêts, en l’absence de décision de la Commission.

54      À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour, la mise en œuvre de ce système de contrôle incombe, d’une part, à la Commission et, d’autre part, aux juridictions nationales, leurs rôles respectifs étant complémentaires mais distincts (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 27 et jurisprudence citée).

55      Plus particulièrement, l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché commun relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union, tandis que les juridictions nationales veillent à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable des aides d’État à la Commission prévue à l’article 93 paragraphe 3, du traité CEE (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich, C‑368/04, EU:C:2006:644, point 38).

56      En remplissant leur mission, les juridictions nationales peuvent être amenées à accueillir des demandes d’indemnisation de dommages causés par l’aide d’État illégale aux concurrents du bénéficiaire.

57      En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance aux points 82 et 84 de ses conclusions, dans le cadre de telles actions en dommages et intérêts, ces juridictions, en exerçant leurs fonctions de sauvegarde des droits des justiciables, jouissent d’une certaine indépendance par rapport à l’intervention de la Commission si bien que la possibilité de réclamer des dommages et intérêts est, en principe, indépendante de toute procédure d’examen parallèle menée par la Commission relative à l’aide en cause.

58      À cet égard, il est de jurisprudence constante de la Cour que l’ouverture par la Commission de la procédure formelle d’examen des aides d’État ne saurait décharger les juridictions nationales de leur obligation de sauvegarder les droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle de l’article 93, paragraphe 3, du traité CEE (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 32).

59      De même, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne le niveau d’indépendance des juridictions nationales, que, sous peine de porter atteinte à l’effet direct de l’article 93 paragraphe 3, du traité CEE, dernière phrase, et de méconnaître les intérêts des justiciables que ces juridictions ont pour mission de préserver, une décision de la Commission déclarant une aide non notifiée compatible avec le marché intérieur n’a pas pour conséquence de régulariser, a posteriori, les actes d’exécution qui sont invalides du fait qu’ils ont été pris en méconnaissance de l’interdiction visée par cette disposition. Toute autre interprétation conduirait à favoriser l’inobservation, par l’État membre concerné, de ladite disposition et la priverait de son effet utile (arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich, C‑368/04, EU:C:2006:644, point 41 et jurisprudence citée).

60      Partant, lorsqu’un requérant parvient à démontrer devant la juridiction nationale qu’il a subi un dommage causé par la mise en vigueur prématurée d’une aide d’État et, plus spécifiquement, par l’avantage temporel illégal qu’en a retiré le bénéficiaire, l’action en dommages et intérêts peut, en principe, être accueillie quand bien même la Commission, au moment où la juridiction nationale statue sur la demande, aurait déjà approuvé l’aide concernée.

61      Il résulte des considérations énoncées aux points 47 à 60 du présent arrêt que, eu égard au rôle que jouent les juridictions nationales dans le système de contrôle des aides d’État ainsi qu’à leur niveau d’indépendance par rapport à la Commission, notamment lorsqu’elles sont saisies d’une action en dommages et intérêts en l’absence de décision de la Commission, il convient de considérer, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 91 de ses conclusions, que l’expiration du délai de prescription de dix ans prévu à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 ne fait que limiter dans le temps les pouvoirs de la Commission en matière de récupération des aides d’État.

62      Dès lors, l’expiration du délai de prescription prévu à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 ne saurait avoir pour effet de régulariser rétroactivement des aides d’État entachées d’illégalité, du seul fait qu’elles deviennent des aides existantes au sens de l’article 1er, sous b), v), et, par suite, de priver de tout fondement juridique un recours en dommages et intérêt introduit contre l’État membre concerné par des particuliers et des concurrents affectés par l’octroi de l’aide illégale.

63      Toute autre interprétation reviendrait à amoindrir la portée de l’obligation de notification des mesures d’aides qui pèsent sur les États membres et, ainsi, à priver l’article 93 paragraphe 3, du traité CEE de son effet utile, notamment, lorsque cette disposition ne fait aucune référence au rôle et aux fonctions et aux pouvoirs spécifiques de la Commission.

64      En ce qui concerne les doutes de la juridiction de renvoi, résultant de l’arrêt du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias, (C‑690/13, EU:C:2015:235), quant à l’applicabilité de l’article 1er, sous b), iv), du règlement no 659/1999 aux fins de la qualification des subventions en cause au principal d’aides existantes ou d’aides nouvelles, il convient de souligner, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 102 de ses conclusions, que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait non pas une action en dommages et intérêts, mais le point de savoir si les dispositions nationales, qui instituent des privilèges potentiellement incompatibles avec les règles du droit de l’Union en matière d’aides d’État, devaient ou non faire l’objet d’une notification au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE et, dans l’affirmative, si ces dispositions devaient être laissées inappliquées.

65      Il ne saurait, dès lors, être tiré argument de cette jurisprudence pour considérer que la définition de la notion d’« aide existante » figurant à l’article 1er, sous b), iv), du règlement no 659/1999 serait applicable dans le cadre d’une action en dommages et intérêts telle que celle en cause au principal.

66      En outre, il convient de rappeler que, dans la mesure où le règlement no 659/1999 contient des règles de nature procédurale qui s’appliquent à toutes les procédures administratives en matière d’aides d’État pendantes devant la Commission, celui-ci codifie et étaye la pratique de la Commission en matière d’examen des aides d’État et ne contient aucune disposition relative aux pouvoirs et aux obligations des juridictions nationales, lesquels restent régis par les dispositions du traité, telles qu’interprétées par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich, C‑368/04, EU:C:2006:644, points 34 et 35).

67      Il résulte des considérations qui précèdent que la définition de la notion d’« aide existante » figurant à l’article 1er, sous b), iv), du règlement no 659/1999 n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal.

68      S’agissant, ensuite, de l’invocabilité du principe de la protection de la confiance légitime, il convient de relever que ce principe ne saurait être invoqué par une personne ayant violé le droit en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454, point 41).

69      Cette constatation est, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 109 de ses conclusions, encore plus valable à l’égard des entités étatiques ayant octroyé une aide d’État en méconnaissance de la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité CEE.

70      Il s’ensuit que, dans le cas où des subventions ont été octroyées en violation de l’obligation de notification préalable instaurée à l’article 93, paragraphe 3, du traité CEE, les entités étatiques ne sauraient se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, EU:C:2005:774, point 104).

71      S’agissant, enfin, de l’application du principe de sécurité juridique dans une situation telle que celle en cause au principal, il y a lieu de rappeler que les délais de prescription remplissent, de façon générale, la fonction d’assurer la sécurité juridique (arrêt du 13 juin 2013, Unanimes e.a., C‑671/11 à C‑676/11, EU:C:2013:388, point 31). Or, pour remplir leur fonction de garantir la sécurité juridique, ces délais doivent être fixés à l’avance et toute application « par analogie » d’un délai de prescription doit être suffisamment prévisible pour le justiciable (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2011, Ze Fu Fleischhandel et Vion Trading, C‑201/10 et C‑202/10, EU:C:2011:282, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

72      À cet égard, et dès lors qu’il n’existe pas de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire pour autant, d’une part, que ces modalités ne sont pas moins favorables que celles concernant des droits qui trouveraient leur origine dans l’ordre juridique interne (principe de l’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas impossible ou excessivement difficile, en pratique, l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich, C‑368/04, EU:C:2006:644, point 45).

73      Ainsi, les seules règles de prescription applicables en l’espèce sont celles du droit national, interprétées à la lumière des principes d’effectivité et d’équivalence.

74      Dans ce contexte, il serait contraire au principe de sécurité juridique d’appliquer par analogie le délai de dix ans prévu à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 à une action en dommages et intérêts intentée contre l’État membre concerné par un concurrent de la société bénéficiaire des aides d’État.

75      En effet, un particulier ne saurait se voir imposer un délai de prescription fixé par une disposition qui vise seulement à limiter dans le temps les pouvoirs de la Commission en matière de récupération des aides d’État. L’expiration d’un tel délai ne saurait faire obstacle à l’engagement devant le juge national de la responsabilité de l’État pour violation de l’obligation de notification préalable prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité CEE.

76      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 1er, sous b), iv), du règlement no 659/1999 doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal. Dans la mesure où les subventions en cause au principal ont été octroyées en violation de l’obligation de notification préalable instaurée à l’article 93 du traité CEE, les entités étatiques ne sauraient se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime. Dans une situation telle que celle en cause au principal, où une action en dommages et intérêts contre l’État membre est intentée par un concurrent de la société bénéficiaire, le principe de sécurité juridique ne permet pas d’imposer au requérant, par une application par analogie, un délai de prescription tel que celui fixé à l’article 15, paragraphe 1, de ce règlement.

 Sur les dépens

77      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      Des subventions octroyées à une entreprise avant la date de libéralisation du marché concerné, telles que celles en cause au principal, ne peuvent être qualifiées d’aides existantes en raison de la seule absence formelle de libéralisation dudit marché au moment de leur octroi, pour autant que ces subventions étaient susceptibles d’affecter les échanges entre États membres et faussaient ou menaçaient de fausser la concurrence, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

2)      L’article 1er, sous b), iv), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE], doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal. Dans la mesure où les subventions en cause au principal ont été octroyées en violation de l’obligation de notification préalable instaurée à l’article 93 du traité CEE, les entités étatiques ne sauraient se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime. Dans une situation telle que celle en cause au principal, où une action en dommages et intérêts contre l’État membre est intentée par un concurrent de la société bénéficiaire, le principe de sécurité juridique ne permet pas d’imposer au requérant, par une application par analogie, un délai de prescription tel que celui fixé à l’article 15, paragraphe 1, de ce règlement.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.