Language of document : ECLI:EU:T:2018:833

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 novembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative fino Cyprus Halloumi Cheese – Marque de certification du Royaume-Uni verbale antérieure HALLOUMI – Rejet de l’opposition – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Similitude des signes] »

Dans l’affaire T‑417/17,

République de Chypre, représentée par M. S. Malynicz, QC, et Mme V. Marsland, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Papouis Dairies Ltd, établie à Nicosie (Chypre), représentée par Me N. Korogiannakis, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 20 avril 2017 (affaire R 2650/2014‑4), relative à une procédure d’opposition entre la République de Chypre et Papouis Dairies,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juillet 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 29 août 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2017,

vu la décision du 30 novembre 2017 portant jonction des affaires T‑417/17 et T‑703/17 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 septembre 2012, l’intervenante, Papouis Dairies Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif en couleur suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondentà la description suivante : « Fromages ; fromage à base de lait de vache et/ou de lait de brebis et/ou de lait de chèvre (dans des proportions et des combinaisons de laits quelconques), présure ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 149/2012, du 22 novembre 2012.

5        Le 22 février 2013, la République de Chypre a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur la marque de certification du Royaume-Uni verbale antérieure HALLOUMI, enregistrée le 22 février 2002 et renouvelée jusqu’en 2017 sous le numéro 1451888, désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Fromage fabriqué à base de lait de brebis et/ou de lait de chèvre ; fromage fabriqué à base de mélanges de lait de vache ; tous ces produits étant compris dans la classe 29 ». [DA, points 1 à 3]

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 22 août 2014, la division d’opposition a rejeté l’opposition et condamné la République de Chypre aux dépens.

9        Le 16 octobre 2014, la République de Chypre a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 20 avril 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et condamné la République de Chypre à supporter les frais des procédures d’opposition et de recours.

11      Tout d’abord, la chambre de recours a rappelé que, selon la jurisprudence, il existerait à l’égard des marques en conflit un seuil absolu de similitude en dessous duquel, dès lors que ces marques seraient dissemblables, il serait possible d’écarter l’existence d’un risque de confusion sans égard aux autres facteurs. [DA, point 16]

12      Ensuite, après avoir mentionné que le public pertinent était constitué du consommateur final moyen, étant donné que le fromage était un produit relativement courant de consommation, la chambre de recours a procédé à l’analyse de la marque demandée. Elle a relevé que l’élément verbal « fino » était dominant, car il retiendrait le plus l’attention du lecteur. La suite de mots « cyprus halloumi cheese » n’occuperait dans la marque demandée qu’une position secondaire et elle servirait à expliquer la nature des produits désignés, en particulier par l’utilisation des mots « cyprus » et « cheese », et cela que le mot « halloumi » fût ou non perçu comme étant descriptif. La chambre de recours a également considéré que le mot « fino », nonobstant son éventuelle ressemblance avec le mot anglais « fine », était distinctif et que, s’il pouvait s’agir d’un mot italien ou espagnol, les consommateurs moyens du Royaume-Uni ne parlaient en tout état de cause pas ces langues. [DA, points 14 et 19 à 21]

13      Enfin, la chambre de recours a procédé à la comparaison des signes en conflit. Premièrement, elle a conclu que ces signes étaient différents sur le plan visuel dans la mesure où ils ne coïncideraient que par l’élément verbal « halloumi », situé en troisième position parmi les éléments verbaux composant le signe contesté, et où la présentation figurative dans ce signe, bien que n’étant pas franchement distinctive, renforcerait les différences avec le signe antérieur. [DA, points 22 et 23]

14      Deuxièmement, sur le plan phonétique, la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient également différents. Elle a relevé qu’il était peu probable que, dans le signe demandé, les éléments verbaux autres que « fino » soient prononcés alors que, en tout état de cause, si les quatre mots qui composaient ces éléments verbaux devaient tous être prononcés, en l’occurrence « fino cyprus halloumi cheese », leur prononciation différerait de celle du mot « halloumi », car il s’agirait d’une expression plus longue comportant trois mots étrangers à la marque antérieure. [DA, point 24]

15      Troisièmement, sur le plan conceptuel, la chambre de recours a également conclu à l’absence de similitude des signes en conflit. La seule présence du terme « halloumi » dans le signe demandé ne serait en effet pas de nature à entraîner une telle similitude, nonobstant l’éventuelle signification des autres mots composant l’élément verbal du signe demandé. La chambre de recours insiste sur la contradiction que comporterait l’affirmation de la République de Chypre selon laquelle le terme « halloumi » ne serait ni utilisé ni perçu dans un contexte générique comme désignant un type de fromage, alors que le Tribunal a jugé l’inverse dans l’arrêt du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI) (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752). Aucun argument ne pourrait être tiré de la présence du terme « halloumi » dans une marque dans le cadre de l’appréciation d’un risque de confusion dès lors que celle-ci comporte d’autres éléments verbaux. [DA, point 25]

16      Les références par la République de Chypre à la nature des marques de certification du Royaume-Uni et à l’étendue de la protection qu’elles confèrent en vertu du droit national ne seraient pas pertinentes au stade de la comparaison des signes en conflit, car elles n’interviendraient que dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion. [DA, point 26]

17      En conclusion, les signes en conflit devraient être considérés comme n’étant pas similaires, même à un certain degré comme l’avait considéré la division d’opposition, car il n’y aurait pas lieu de tenir compte d’un seul élément isolé du signe demandé afin de le comparer au signe antérieur. En l’absence de similitude des signes en conflit, une des conditions requises par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 ne serait dès lors pas remplie, de sorte que l’opposition présentée au titre de cette disposition ne serait pas fondée. [DA, points 27 et 28]

18      La chambre de recours a également considéré que, s’agissant de l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, elle devait être rejetée, puisque la condition tenant au fait que les marques en conflit soient identiques ou similaires n’était pas remplie. À titre surabondant, la chambre de recours a également exposé que la condition tenant au fait que la marque antérieure devait jouir d’une renommée n’était pas davantage remplie. [DA, points 29 à 34]

 Conclusions des parties

19      La République de Chypre conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

20      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la République de Chypre aux dépens.

 En droit

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

21      Au soutien du recours, la République de Chypre invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui est divisé en deux branches. Premièrement, elle reproche à la chambre de recours d’avoir erronément apprécié les résultats de la comparaison des marques en conflit sur les plans visuel, conceptuel et phonétique du point de vue du consommateur pertinent, en l’occurrence le consommateur du Royaume-Uni. Deuxièmement, la chambre aurait mal apprécié le niveau de distinctivité de la marque antérieure et le risque de confusion.

22      À titre d’observations préalables, la République de Chypre expose sa conception de la nature et de l’objectif des marques de certification nationales en vertu du droit d’États membres comme le Royaume-Uni. Elle fait valoir que, en application de l’article 1er de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25), les marques nationales de certification sont autorisées en droit de l’Union et doivent donc se voir conférer un plein effet. En application de cette directive, la législation du Royaume-Uni sur les marques, telle qu’elle résulte du Trade Marks Act 1994 (loi du Royaume-Uni sur les marques), intègre l’enregistrement de ces marques. En vertu de cette législation, une marque de certification serait définie comme indiquant que les produits ou les services qu’elle désigne sont certifiés par le titulaire de la marque et peuvent présenter certaines caractéristiques, en particulier, désigner une provenance géographique. En substance, la fonction distinctive des marques de certification devrait être entendue en ce qu’elle permettrait au public pertinent de distinguer les produits et les services respectant les normes de certification et présentant certaines caractéristiques d’autres produits et services. Il ne serait en outre pas nécessaire pour le public de savoir que la marque en question est une marque de certification, ni qu’il connaisse l’identité de l’organisme certificateur. Il n’y aurait également pas lieu d’apporter d’éléments de preuve directs de la perception de cette marque par ce public s’il est raisonnable de déduire qu’il la perçoit comme permettant de distinguer une classe de produits ou de services d’une autre classe.

23      La République de Chypre invoque deux décisions rendues au Royaume-Uni par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery] qui viendraient conforter son interprétation du caractère distinctif d’une marque de certification du Royaume-Uni. Les éléments de preuve qu’elle a produits souligneraient également le caractère distinctif de la marque antérieure et la perception par le public du Royaume-Uni du terme « halloumi » comme distinguant une classe de produits relevant d’une autre classe, dont le public comprendrait les caractéristiques, en particulier les ingrédients, ainsi que la provenance.

24      Selon la République de Chypre, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), les marques de certification nationale étant des marques enregistrées dans un État membre, elles peuvent être le fondement d’une procédure d’opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne postérieure.

25      Dans son mémoire en réponse, l’intervenante développe également certaines observations préalables relatives à la notion de marque de certification en droit de l’Union et à la jurisprudence pertinente du Royaume-Uni. En substance, elle fait observer que les deux références jurisprudentielles invoquées par la République de Chypre sont très anciennes et seraient devenues caduques à la suite de la mise en œuvre de la législation de l’Union en la matière. En particulier, la définition des marques de certification dans l’Union, telle qu’elle figure à l’article 27 de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2015, L 336, p. 1), ne correspondrait pas à l’interprétation invoquée par la République de Chypre, dans la mesure où la définition imposerait aux titulaires de marques de certification de certifier les produits ou les services qui sont désignés par de telles marques. En outre, l’EUIPO aurait rejeté les demandes de la République de Chypre tendant à l’enregistrement de marques de certification du Royaume-Uni en tant que marques de l’Union européenne, dans la mesure où elles auraient été dénuées de tout caractère distinctif. Une demande de même nature aurait également été rejetée par les autorités canadiennes pour des motifs similaires. Contrairement à ce que soutient la République de Chypre, une marque de certification ne disposerait pas en soi d’un caractère distinctif selon la jurisprudence du Royaume-Uni. Enfin, le règlement no 207/2009 ne prévoirait pas de protection des marques de certification au niveau de l’Union lorsqu’elles ne peuvent pas être enregistrées en tant que marques individuelles ou collectives.

 Sur la première branche, tirée d’une appréciation erronée de la similitude des signes en conflit

–       Arguments des parties

26      La République de Chypre fait valoir que, pour conclure à l’absence de similitude des signes en conflit, la chambre de recours a dû procéder à une comparaison sur la seule base d’un élément dominant de la marque demandée, en l’occurrence le terme « fino », de sorte qu’elle a considéré tous les autres éléments comme négligeables, notamment le terme « halloumi » qui aurait été écarté de la comparaison sur les différents plans. Or, cette conclusion serait absurde du point de vue du consommateur moyen du Royaume-Uni, qui serait habitué à voir figurer le terme « fino » sur de multiples produits provenant de l’Union, en ce qu’il désignerait de façon élogieuse des produits qualifiés en anglais de « fine », soit « bien » en français. En outre, ce consommateur comprendrait la signification des termes anglais « cyprus » et « cheese ».

27      Sur le plan visuel, la chambre de recours aurait négligé de prendre en considération la proéminence et le caractère distinctif du mot « halloumi » en accordant une distinctivité excessive au terme « fino » dont, en outre, il y aurait lieu de relever qu’il a une signification en anglais, puisqu’il désigne un type de sherry connu du consommateur moyen du Royaume-Uni, et qu’il est également utilisé à l’égard d’une multitude de produits importés au Royaume-Uni. Par ailleurs, il y aurait lieu de tenir compte du fait que le mot « halloumi » figure directement sous le mot « fino », au centre de la marque demandée, et que les autres mots, « cyprus » et « cheese », seraient simplement descriptifs des produits désignés par cette marque, alors que le terme « halloumi » ferait figure de mot distinctif, identique à la marque antérieure.

28      Sur le plan phonétique, la chambre de recours, en se fondant sur la différence du nombre de syllabes dont les signes en conflit sont composés, aurait procédé à une dénaturation majeure des faits en estimant qu’il n’y avait aucune similitude entre ces signes, alors qu’ils avaient en commun l’élément « halloumi », composé de trois syllabes.

29      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours aurait négligé de prendre en considération la signification de la marque antérieure aux yeux des consommateurs du Royaume-Uni ainsi que leur compréhension de la marque demandée. Dans la mesure où ces consommateurs considéreraient la marque demandée comme la combinaison d’un mot ou d’un nom inventé d’origine étrangère et d’un terme qui serait lui-même perçu en tant que marque de certification distinctive distinguant une classe de produits d’une autre, ces consommateurs considéreraient comme très élevé le degré de similitude conceptuelle des marques en conflit.

30      L’EUIPO réplique qu’il ne partage pas l’avis de la République de Chypre selon lequel la conclusion d’absence de similitude des signes en conflit telle qu’elle figure dans la décision attaquée ne pourrait résulter que d’une comparaison fondée sur un élément dominant dans la marque demandée, ce qui aurait pour conséquence que tous les autres éléments auraient été considérés comme négligeables. La comparaison serait au contraire intervenue en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit ainsi que de la présence du mot « halloumi » dans chacun de ces signes, conformément à la jurisprudence du Tribunal. Toutefois, certaines caractéristiques de la marque demandée, notamment l’élément dominant « fino », la stylisation figurative, l’inclusion du mot constituant la marque antérieure dans une expression ayant clairement une signification descriptive, auraient exclu que les signes en conflit, considérés dans leur ensemble, soient jugés similaires, en dépit de la présence commune dans chacun d’eux d’une suite de lettres commune.

31      L’EUIPO ajoute que, en ce qui concerne le consommateur moyen du Royaume-Uni, il est peu probable que ce dernier donne au mot « fino » le sens du mot anglais « fine », la République de Chypre n’ayant au demeurant fourni aucun élément de preuve à cet égard. En outre, en ce qui concerne le fait que « fino » serait également un mot anglais désignant un type de sherry, ce mot serait perçu comme dénué de signification au vu des produits couverts par la marque demandée et, en tout état de cause, le concept d’un type de sherry serait trop éloigné des produits couverts par la marque demandée pour considérer que le mot « fino » ne jouirait que d’un caractère distinctif réduit. La chambre de recours aurait donc estimé à bon droit que le mot « fino » était l’élément dominant de la marque demandée et que, à l’égard du public du Royaume-Uni, il était l’élément pleinement distinctif de la marque.

32      S’agissant de la comparaison sur le plan phonétique, la chambre de recours aurait écarté à bon droit l’existence d’une similitude des signes en conflit, car ces derniers comporteraient suffisamment de caractéristiques excluant que le public ne les perçût comme similaires, notamment le fait que les trois syllabes communes étaient précédées dans la marque demandée de quatre syllabes qui n’avaient pas de contrepartie dans la marque antérieure. Par ailleurs, il serait probable que la suite de trois mots « cyprus halloumi cheese », qui explique tout au plus la nature des produits en cause, ne soit pas prononcée dans la marque demandée, dans la mesure où elle est précédée du mot « fino » que le public pourrait se limiter à prononcer afin d’abréger la prononciation de la marque.

33      S’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, l’EUIPO indique qu’il soutient le raisonnement de la chambre de recours selon lequel, si le terme « halloumi » désigne un type de fromage chypriote, aucun argument ne pourrait être tiré de la présence de ce terme dans une marque dans le contexte de mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, ce qui serait conforme au principe d’une comparaison des signes fondée sur l’impression d’ensemble produite par ces derniers en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.

34      L’intervenante expose quant à elle que, dans la marque demandée, la suite de mots « fino cyprus halloumi cheese » permettrait aux consommateurs de comprendre en quoi consiste le produit désigné par la marque, autrement dit d’identifier qu’il s’agit d’un certain type de fromage. Le mot « fino », pris isolément, disposerait quant à lui d’un caractère distinctif dans la mesure où il permettrait aux consommateurs d’identifier l’origine commerciale du produit. En raison de sa taille et de sa place dans la marque demandée, le mot « fino » en serait l’élément dominant, ce qui serait renforcé par le dessin auquel il est associé. Il n’aurait enfin aucune signification descriptive pour les consommateurs de l’Union et il serait apte à identifier l’origine commerciale des produits désignés par la marque demandée, en ce qu’il permettrait d’identifier le fromage halloumi produit par une entreprise particulière de celui qui est produit par d’autres entreprises.

35      L’affirmation de la République de Chypre selon laquelle le consommateur moyen du Royaume-Uni serait confronté à de nombreux produits estampillés du terme « fino », qu’il identifierait au terme anglais « fine », ne serait pas étayée. Une telle affirmation serait également en contradiction avec le fait que ce terme désignerait en anglais une catégorie de sherry.

36      L’intervenante expose qu’elle soutient l’analyse de la chambre de recours consistant à considérer l’élément « fino » de la marque demandée comme distinctif et dominant, le dessin que comporte ladite marque contribuant à ce que le consommateur perçoive l’ensemble du signe comme distinguant l’origine commerciale des produits en cause. Le terme « fino » n’aurait pas de signification descriptive pour les consommateurs de l’Union et il permettrait à la marque en cause de remplir sa fonction de désignation de l’origine commerciale. En revanche, conformément à la jurisprudence du Tribunal, le terme « halloumi » devrait se voir reconnaître une signification descriptive. Il ne serait utilisé que pour décrire les produits en question, en l’occurrence un fromage provenant de Chypre, et le public pertinent ne le percevrait pas comme une marque de certification, ni même comme une marque permettant de distinguer les utilisateurs autorisés de ceux qui ne le sont pas.

37      Selon l’intervenante, la République de Chypre ignorerait les principes issus de la jurisprudence selon lesquels la comparaison des signes en conflit devrait reposer sur une comparaison globale, en ce qu’elle tente d’établir une similitude en se fondant sur la présence d’un seul élément commun aux deux signes, en l’occurrence « halloumi ». Or, les signes seraient totalement différents compte tenu de la présence du mot « fino » dans le signe demandé, en tant qu’élément dominant. La chambre de recours aurait valablement procédé à une analyse séparée des signes en conflit, avant de parvenir à la conclusion d’une absence de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. La présence du terme « halloumi » dans le signe demandé n’influencerait pas son aspect visuel. Sur le plan phonétique, la différence résulterait du nombre différent de syllabes dans chacun des signes en conflit. Enfin, sur le plan conceptuel, la république de Chypre aurait échoué à démontrer une similitude des signes en conflit, notamment en raison du caractère infondé de l’argumentation selon laquelle l’existence d’une marque de certification antérieure enregistrée, dont la validité ne serait pas susceptible d’être remise en cause, suffirait à considérer que la présence de l’élément « halloumi » dans chacun des signes contestés introduirait un degré élevé de similitude.

–       Appréciation du Tribunal

38      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale de ce risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

1)      Sur le public pertinent

39      En ce qui concerne la définition du public pertinent à l’égard duquel l’examen de la perception de la marque demandée doit être effectué, il y a lieu de rappeler à titre préalable que, selon la jurisprudence, le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, entre deux marques en conflit, ne doit pas être apprécié sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou des services qu’ils désignent, l’appréciation de ce risque devant, plutôt, être fondée sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services [arrêt du 24 mai 2011, ancotel./OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, point 29].

40      En outre, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

41      Il convient en l’espèce de confirmer, en ce qu’elles apparaissent bien fondées au regard des éléments du dossier, les conclusions de la chambre de recours, telles qu’elles figurent au point 14 de la décision attaquée, en ce qui concerne le public pertinent au regard des produits en cause. La marque antérieure étant une marque du Royaume-Uni, il apparaît que le public pertinent à prendre en considération est le grand public du Royaume-Uni. Les marques en présence sont en substance enregistrées pour des produits identiques, en l’occurrence du fromage. S’agissant de produits de consommation courante, il y a lieu de considérer qu’ils s’adressent au consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 46]. Dans le cadre de l’analyse qui figure dans sa décision du 22 août 2014, la division d’opposition a estimé que, au regard de la catégorie de produits en cause et de leur prix peu élevé, le niveau d’attention de ce public variait de faible à moyen, cette décision ainsi que sa motivation faisant partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, de sorte que ce contexte était connu de la République de Chypre et permettait au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité quant au bien-fondé de l’appréciation du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2007, Wesergold Getränkeindustrie/OHMI – Lidl Stiftung (VITAL FIT), T‑111/06, non publié, EU:T:2007:352, point 64]. Au regard des produits en cause, ces conclusions, au demeurant non contestées par les parties, apparaissent bien fondées.

2)      Sur les éléments distinctifs et dominants

42      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35, et du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 51].

43      S’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35, et du 8 février 2007, Quelle/OHMI – Nars Cosmetics (NARS), T‑88/05, non publié, EU:T:2007:45, point 58].

44      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée).

45      Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. En outre, le fait qu’un élément ne soit pas négligeable ne signifie pas qu’il soit dominant, de même que le fait qu’un élément ne soit pas dominant n’implique nullement qu’il soit négligeable (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, points 43 et 44).

46      Il y a également lieu de rappeler que, lorsque certains éléments d’une marque revêtent un caractère descriptif des produits et des services pour lesquels la marque est protégée ou des produits et des services désignés par la demande d’enregistrement, ces éléments ne se voient reconnaître qu’un caractère distinctif faible, voire très faible [voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2007, Koipe/OHMI – Aceites del Sur (La Española), T‑363/04, EU:T:2007:264, point 92, et du 13 décembre 2007, el charcutero artesano, T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 52 et jurisprudence citée]. Ce caractère distinctif ne pourra, le plus souvent, leur être reconnu qu’en raison de la combinaison qu’ils forment avec les autres éléments de la marque. Du fait de leur faible, voire très faible, caractère distinctif, les éléments descriptifs d’une marque ne seront généralement pas considérés par le public comme étant dominants dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, sauf lorsque, en raison notamment de leur position ou de leur dimension, ils apparaissent comme susceptibles de s’imposer à la perception du public et d’être gardés en mémoire par celui-ci (voir arrêt du 13 décembre 2007, el charcutero artesano, T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 53 et jurisprudence citée). Cela ne signifie toutefois pas que les éléments descriptifs d’une marque soient nécessairement négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. À cet égard, il convient, en particulier, de rechercher si d’autres éléments de la marque sont susceptibles de dominer, à eux seuls, l’image de celle-ci que le public pertinent garde en mémoire [arrêt du 20 septembre 2016, Excalibur City/EUIPO – Ferrero (MERLIN’S KINDERWELT), T‑566/15, non publié, EU:T:2016:517, point 28].

47      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 19 à 21 de la décision attaquée, que, dans la marque demandée, l’élément verbal « fino » était dominant, car il retiendrait le plus l’attention du lecteur. La suite de mots « cyprus halloumi cheese », inscrite sur un ruban, n’occuperait qu’une position secondaire et elle servirait à expliquer la nature des produits désignés, en particulier par l’utilisation des mots « cyprus » et « cheese », et cela que le mot « halloumi » soit ou non perçu comme étant descriptif. La chambre de recours a également considéré que le mot « fino », nonobstant son éventuelle ressemblance avec le mot anglais « fine », était distinctif et que, s’il pouvait s’agir d’un mot italien ou espagnol, les consommateurs moyens du Royaume-Uni ne parlaient en tout état de cause pas ces langues. Les marques en conflit ne coïncideraient que par un seul des quatre éléments verbaux composant la marque demandée et la présentation figurative de la marque demandée renforcerait sa différence avec la marque antérieure.

48      En premier lieu, s’agissant de la détermination du ou des élément(s) distinctif(s) composant la marque demandée, il y a lieu de relever que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque est, en principe, plus distinctif que l’élément figuratif, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif [voir arrêt du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 30 et jurisprudence citée].

49      En l’espèce, il apparaît que les éléments figuratifs composant la marque demandée sont peu originaux, qu’il s’agisse de la forme ovale au milieu de laquelle figure le mot « fino » ou du ruban rouge de la partie inférieure de la marque demandée sur lequel figure la suite de trois mots « cyprus halloumi cheese », et qu’ils contribuent surtout à la mise en valeur des éléments verbaux composant la marque demandée. Parmi ces derniers, si la chambre de recours a estimé que le mot « fino » disposait d’un caractère distinctif et qu’il permettait d’identifier les produits désignés par cette marque, il est également exact que ce mot présente une ressemblance avec le mot anglais « fine » qui signifie « parfait » et peut servir à qualifier des aliments pour en souligner la qualité. Il ne saurait en outre être exclu que, en raison de son origine latine, ce mot soit également compris par une large partie de ces consommateurs et que sa nature laudative atténue son caractère distinctif à l’égard des produits en cause. En définitive, pour les consommateurs assez nombreux du Royaume-Uni qui en comprennent la signification, le degré de caractère distinctif du mot « fino » est donc faible.

50      La suite des trois autres mots composant la marque demandée, en l’occurrence « cyprus halloumi cheese », eu égard au lien évident qu’elle entretient avec les produits désignés par la marque demandée, apparaît quant à elle très faiblement distinctive. Il ne saurait toutefois être exclu que chacun des mots en cause soit considéré individuellement par une partie du public pertinent.

51      Il apparaît ainsi que, pris séparément, tous les éléments composant la marque demandée, qu’ils soient verbaux ou figuratifs, présentent une distinctivité faible. Dans ces conditions, si la marque demandée, prise dans son ensemble, peut tirer son caractère distinctif de la mise en valeur des éléments verbaux par les éléments figuratifs, voire du contraste entre les mots « cyprus » et « cheese », issus de l’anglais, et les mots « fino » et « halloumi », qui n’en sont pas directement issus, ce caractère distinctif apparaît comme étant faible, voire même très faible. En tout état de cause, au regard de la solution retenue dans l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47), il convient de rappeler qu’une marque nationale valablement enregistrée doit se voir reconnaître un certain degré de caractère distinctif dès lors que son enregistrement ne s’est pas heurté à un motif absolu de refus.

52      En second lieu, s’agissant de la détermination du ou des élément(s) dominant(s) composant la marque demandée, il apparaît que le terme « fino » est écrit dans la partie supérieure de la marque demandée, en caractères stylisés en lettres minuscules de grande taille, de couleur bleu foncé, dotés d’un tour rouge et blanc qui en renforce l’effet visuel. Dans ces conditions, la chambre de recours a pu conclure sans commettre d’erreur qu’il s’agissait de l’élément dominant de la marque demandée.

53      En revanche, si, comme l’a relevé la chambre de recours, il est également exact que les termes « cyprus halloumi cheese » occupent une position secondaire dans la marque demandée, il ne saurait toutefois être exclu que séparément, voire ensemble, il y ait lieu de les prendre en compte dans la comparaison des signes dans l’impression d’ensemble produite par ces derniers.

54      En effet, afin d’expliquer la démarche de la chambre de recours qui a consisté à considérer que la présence commune dans les marques en conflit du mot « halloumi » n’était pas susceptible d’entraîner de similitude, l’EUIPO se réfère à la solution retenue dans les arrêts du 14 octobre 2009, Ferrero/OHMI – Tirol Milch (TiMi KiNDERJOGHURT) (T‑140/08, EU:T:2009:400), du 4 mars 2015, Three-N-Products/OHMI – Munindra (PRANAYUR) (T‑543/13, non publié, EU:T:2015:134), et du 20 septembre 2016, MERLIN’S KINDERWELT (T‑566/15, non publié, EU:T:2016:517).

55      Or, dans ces trois arrêts, l’élément verbal commun aux marques antérieures et aux marques demandées, à savoir « kinder » dans les deux premières affaires et « ayur » dans la troisième, était intégré dans un élément verbal plus grand, à savoir respectivement « kinderwelt », « kinderjoghurt » et « pranayur », qui a pu être considéré comme constituant une unité indissociable (arrêt du 20 septembre 2016, MERLIN’S KINDERWELT, T‑566/15, non publié, EU:T:2016:517, point 42).

56      En l’espèce, la configuration de la marque antérieure est cependant différente, le mot « halloumi » étant certes intégré au sein d’une suite composée de trois mots, mais dans laquelle il conserve son autonomie et, par conséquent, sa visibilité à l’égard du public. Contrairement à ce que soutient l’EUIPO, la solution issue des trois arrêts qu’il mentionne ne peut pas être transposée au cas d’espèce et il ne saurait être exclu que, dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée, le mot « halloumi » puisse être pris en considération.

3)      Sur la similitude visuelle

57      La chambre de recours a conclu, au point 23 de la décision attaquée, à une absence de similitude sur le plan visuel en exposant que, à supposer que tous les éléments verbaux de la marque demandée se voient accorder un poids identique, ce qui en tout état de cause n’aurait pas été le cas, les marques en conflit ne coïncideraient toujours que par un seul des quatre éléments verbaux qui composent la marque demandée, à savoir « halloumi », placé en troisième position. La présentation figurative de cette marque, bien que peu distinctive en soi, renforcerait les différences avec la marque antérieure.

58      Cette conclusion de la chambre de recours ne saurait être suivie. En effet, si l’impression d’ensemble procurée par la marque demandée est dominée visuellement par le mot « fino », compte tenu de sa position centrale et supérieure, de sa taille, de sa couleur et de son inclusion dans un fond ovale doré qui le met en valeur, l’élément verbal « halloumi », situé dans la partie inférieure, est également situé dans une position centrale, écrit en caractères blancs sur un fond rouge, lui permettant de se détacher sans difficulté des deux mots auxquels il est associé dans la suite de trois mots « cyprus halloumi cheese ». Les éléments figuratifs de la marque demandée ne viennent pas modifier cette impression, car ils sont peu originaux et n’altèrent pas la visibilité de l’élément verbal « halloumi ».

59      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure qu’il existe une similitude des signes en conflit tenant à la présence de l’élément verbal « halloumi » dans la marque demandée, alors qu’il est l’unique élément composant la marque antérieure, cette similitude devant être considérée comme faible.

4)      Sur la similitude phonétique

60      La chambre de recours a conclu au point 24 de la décision attaquée à une absence de similitude sur le plan phonétique en exposant que les éléments verbaux autres que « fino » ne seraient vraisemblablement pas prononcés et que, à supposer qu’ils le soient, la prononciation des marques en conflit différerait en raison notamment de leur différence de longueur.

61      Cette conclusion de la chambre de recours ne saurait davantage être suivie. En effet, s’il est possible que, en présence de la marque demandée, le public pertinent se borne à lire et à prononcer le terme « fino », dans la mesure où, bien que doté d’un caractère distinctif faible, il constitue l’élément dominant à l’égard de ce public, il ne saurait toutefois être exclu qu’une partie du public, fût-elle minoritaire, procède à la lecture complète de ladite marque ou prononce le terme « fino » suivi du terme « halloumi ». Dans cette hypothèse, il y a lieu de considérer que le fait que la marque antérieure est contenue dans la marque demandée entraîne nécessairement une similitude sur le plan phonétique, dont le degré, compte tenu par ailleurs de la différence du nombre de syllabes composant chacun des signes, doit être considéré comme faible.

5)      Sur la similitude conceptuelle

62      La chambre de recours a conclu au point 25 de la décision attaquée que, si la présence du mot « halloumi » dans la marque demandée n’entraînait pas de similitude pertinente sur les plans visuel et phonétique, elle ne pouvait pas en entraîner sur le plan conceptuel, et ce indépendamment de la question de savoir si un des autres mots composant la marque disposait d’une signification. La chambre de recours met en exergue la contradiction de la position de la République de Chypre qui consisterait à revendiquer le caractère fantaisiste du terme « halloumi », alors que cela ne permettrait pas à la marque demandée de véhiculer un concept, et ce alors que, dans sa jurisprudence, le Tribunal aurait déjà établi que le terme « halloumi » désignait un type de fromage chypriote. Aucun argument ne pourrait dès lors être tiré de la présence du terme « halloumi » dans la marque demandée en présence d’autres éléments verbaux.

63      Cette analyse de la chambre de recours n’apparaît pas exacte. En effet, s’il est indéniable que la marque antérieure véhicule le concept d’un type de fromage chypriote, en l’occurrence le fromage halloumi, ainsi que le Tribunal l’a déjà retenu au regard des termes de l’arrêt du 7 octobre 2015, XAΛΛOYMI et HALLOUMI (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, point 24), il ne saurait être exclu que, dans une certaine mesure, la marque demandée véhicule un concept similaire. En effet, si la suite de trois mots « cyprus halloumi cheese » n’est que très faiblement distinctive, cela vient précisément du fait qu’elle présente un lien avec les produits désignés par la marque demandée, mais cela ne saurait pour autant signifier qu’aucun des mots en cause, notamment le mot « halloumi », ne puisse être considéré individuellement par une partie du public pertinent. Il ne saurait dès lors être retenu une absence de similitude sur le plan conceptuel. Le mot « fino » constitue certes l’élément dominant de la marque demandée, mais le concept véhiculé par la marque antérieure en ce qu’elle comporte la suite des trois mots « cyprus halloumi cheese », dont chacun des composants est susceptible d’être considéré individuellement, doit conduire à estimer qu’il existe un faible degré de similitude sur le plan conceptuel.

64      Ainsi, contrairement à la conclusion qui figure dans la décision attaquée, il y a lieu de considérer que les marques en conflit présentent un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

65      La chambre de recours a donc erronément conclu à une absence de similitude des marques en conflit qui aurait rendu inutile de mener à son terme la comparaison globale de ces marques en tenant compte de l’interdépendance de l’ensemble des facteurs pertinents.

66      À cet égard, il convient de relever, ainsi que l’admet d’ailleurs l’EUIPO dans son mémoire en réponse, que les développements que comporte la décision attaquée et qui concernent l’évaluation du caractère distinctif de la marque antérieure en tant que marque de certification du Royaume-Uni sont dénués de pertinence au regard de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où ils sont sans incidence sur la conclusion de la chambre de recours en ce qui concerne l’absence de similitude des marques en conflit.

67      Dans ces conditions, la décision attaquée doit être annulée sans qu’il y ait lieu de procéder à l’examen de la deuxième branche.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République de Chypre.

70      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 20 avril 2017 (affaire R 2650/20144), relative à une procédure d’opposition entre la République de Chypre et Papouis Dairies Ltd est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la République de Chypre.

3)      Papouis Dairies supportera ses propres dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 novembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.