Language of document : ECLI:EU:C:2018:991

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

6 décembre 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre États membres – Mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté – Contenu et forme – Article 8, paragraphe 1, sous f) – Absence de mention de la peine complémentaire – Validité – Conséquences – Effet sur la détention »

Dans l’affaire C‑551/18 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hof van Cassatie (Cour de cassation, Belgique), par décision du 29 août 2018, parvenue à la Cour le 29 août 2018, dans la procédure relative à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis à l’encontre de

IK,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, faisant fonction de président  de la première chambre, MM. J.‑C. Bonichot, E. Regan (rapporteur), C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la demande de la juridiction de renvoi du 29 août 2018, parvenue à la Cour le 29 août 2018, de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence, conformément à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 octobre 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour IK, par Me P. Bekaert, advocaat,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes C. Van Lul et C. Pochet ainsi que par M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de Mme J. Maggio, expert,

–        pour l’Irlande, par Mme G. Hodge, en qualité d’agent, assistée de Mme G. Mullan, BL,

–        pour le gouvernement néerlandais, par MM. J. M. Hoogveld et J. Langer, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par Mme J. Sawicka, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. R. Troosters, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 8 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, sous f), de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, en Belgique, du mandat d’arrêt européen émis le 27 août 2014 par une juridiction belge à l’encontre d’IK en vue de l’exécution, dans cet État membre, d’une peine privative de liberté assortie d’une peine complémentaire de mise à disposition du strafuitvoeringsrechtbank (tribunal de l’application des peines, Belgique).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La Charte

3        L’article 47, premier et deuxième alinéas, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. »

4        L’article 48, paragraphe 2, de la Charte prévoit :

« Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé. »

 La décision-cadre 2002/584

5        Les considérants 5 à 7 de la décision-cadre 2002/584 énoncent :

« (5)      [...] [L]’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. [...]

(6)      Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire.

(7)      Comme l’objectif de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition[, signée à Paris le 13 décembre 1957,] ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant unilatéralement et peut donc, en raison de sa dimension et de ses effets, être mieux réalisé au niveau de l’Union, le Conseil peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité tel que visé à l’article 2 [UE] et à l’article 5 [CE]. Conformément au principe de proportionnalité, tel que prévu par ce dernier article, la présente décision-cadre n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. »

6        L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », prévoit :

« 1.      Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.      Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.      La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE]. »

7        L’article 2, paragraphe 1, de ladite décision-cadre dispose :

« Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois. »

8        Les articles 3, 4 et 4 bis de cette même décision-cadre énumèrent les motifs de non-exécution obligatoire et facultative du mandat d’arrêt européen.

9        En particulier, l’article 4, points 4 et 6, de la décision-cadre 2002/584 prévoit :

« L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen :

[...]

4)      lorsqu’il y a prescription de l’action pénale ou de la peine selon la législation de l’État membre d’exécution et que les faits relèvent de la compétence de cet État membre selon sa propre loi pénale ;

[...]

6)      si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne ».

10      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, de cette décision-cadre, intitulé « Contenu et forme du mandat d’arrêt européen » :

« Le mandat d’arrêt européen contient les informations suivantes, présentées conformément au formulaire figurant en annexe :

a)      l’identité et la nationalité de la personne recherchée ;

b)      le nom, l’adresse, le numéro de téléphone et de télécopieur et l’adresse électronique de l’autorité judiciaire d’émission ;

c)      l’indication de l’existence d’un jugement exécutoire, d’un mandat d’arrêt ou de toute autre décision judiciaire exécutoire ayant la même force entrant dans le champ d’application des articles 1er et 2 ;

d)      la nature et la qualification légale de l’infraction, notamment au regard de l’article 2 ;

e)      la description des circonstances de la commission de l’infraction, y compris le moment, le lieu et le degré de participation de la personne recherchée à l’infraction ;

f)      la peine prononcée, s’il s’agit d’un jugement définitif, ou l’échelle de peines prévue pour l’infraction par la loi de l’État membre d’émission ;

g)      dans la mesure du possible, les autres conséquences de l’infraction. »

11      Aux termes de l’article 15 de ladite décision-cadre, intitulé « Décision sur la remise » :

« 1.      L’autorité judiciaire d’exécution décide, dans les délais et aux conditions définis dans la présente décision-cadre, la remise de la personne.

2.      Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17.

3.      L’autorité judiciaire d’émission peut, à tout moment, transmettre toutes les informations additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution. »

12      Sous l’intitulé « Poursuite éventuelle pour d’autres infractions », l’article 27 de cette même décision-cadre est libellé comme suit :

« 1.      Chaque État membre peut notifier au secrétariat général du Conseil que, dans ses relations avec d’autres États membres qui ont procédé à la même notification, le consentement est réputé avoir été donné pour qu’une personne soit poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, pour une infraction commise avant sa remise, autre que celle qui a motivé sa remise, sauf si, dans un cas particulier, l’autorité judiciaire d’exécution en dispose autrement dans sa décision statuant sur la remise.

2.      Sauf dans les cas visés aux paragraphes 1 et 3, une personne qui a été remise ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé sa remise.

3.      Le paragraphe 2 ne s’applique pas dans les cas suivants :

[...]

4.      La demande de consentement est présentée à l’autorité judiciaire d’exécution, accompagnée des informations mentionnées à l’article 8, paragraphe 1, ainsi que d’une traduction comme indiqué à l’article 8, paragraphe 2. Le consentement est donné lorsque l’infraction pour laquelle il est demandé entraîne elle-même l’obligation de remise aux termes de la présente décision-cadre. Le consentement est refusé pour les raisons mentionnées à l’article 3 et, sinon, il ne peut l’être que pour les raisons mentionnées à l’article 4. La décision est prise au plus tard trente jours après réception de la demande.

Pour les cas mentionnés à l’article 5, l’État membre d’émission doit fournir les garanties qui y sont prévues. »

13      Le modèle de formulaire de mandat d’arrêt européen, qui figure à l’annexe de la décision-cadre 2002/584, comprend notamment un point c), intitulé « Indication sur la durée de la peine », dont le point 2 impose à l’autorité judiciaire d’émission d’indiquer la « [d]urée de la peine ou mesure de sûreté privatives de liberté infligées ».

 Le droit belge

14      Aux termes de l’article 95/2 de la wet betreffende de externe rechtspositie van de veroordeelden tot een vrijheidsstraf en de aan het slachtoffer toegekende rechten in het raam van de strafuitvoeringsmodaliteiten (loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine), du 17 mai 2006 (Moniteur belge du 15 juin 2006, p. 30455), telle que modifiée par la wet betreffende de terbeschikkingstelling van de strafuitvoeringsrechtbank (loi relative à la mise à disposition du tribunal de l’application des peines), du 6 avril 2007 (Moniteur belge du 13 juillet 2007, p. 38299) :

« § 1er      La mise à la disposition du tribunal de l’application des peines prononcée à l’égard du condamné [...] prend cours à l’expiration de la peine principale.

§ 2.      Le tribunal de l’application des peines décide préalablement à l’expiration de la peine principale conformément à la procédure établie à la section 2, soit de priver de liberté, soit de libérer sous surveillance le condamné mis à disposition.

[...]

§ 3.      Le condamné mis à disposition est privé de sa liberté lorsqu’il existe dans son chef un risque qu’il commette des infractions graves portant atteinte à l’intégrité physique ou psychique de tiers et qu’il n’est pas possible d’y pallier en imposant des conditions particulières dans le cadre d’une libération sous surveillance. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      Par arrêt contradictoire du hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique), du 1er février 2013, IK, un ressortissant belge, a été condamné à une peine principale de trois ans d’emprisonnement du chef d’attentat à la pudeur commis sans violences ni menaces à l’encontre d’un mineur âgé de moins de seize ans (ci-après la « peine principale »). Par le même arrêt, et pour cette même infraction, il a en outre été, à titre de peine complémentaire, mis à disposition du strafuitvoeringsrechtbank (tribunal de l’application des peines) pour une durée de dix ans (ci-après la « peine complémentaire »). Conformément au droit belge, cette peine prend cours à l’expiration de la peine principale et, aux fins de son exécution, le strafuitvoeringsrechtbank (tribunal de l’application des peines) décide, préalablement à l’expiration de cette peine principale, soit de priver de liberté, soit de libérer sous surveillance le condamné mis à disposition.

16      IK ayant quitté la Belgique, l’autorité judiciaire d’émission belge compétente a émis, le 27 août 2014, un mandat d’arrêt européen à l’encontre de ce dernier pour l’exécution de la peine. Le mandat d’arrêt européen mentionnait la peine principale, la nature et la qualification légale des infractions ainsi que les dispositions légales applicables, et il contenait un exposé des faits. Il ne faisait pas état de la peine complémentaire à laquelle l’intéressé avait également été condamné.

17      Après l’arrestation d’IK aux Pays-Bas, le rechtbank Amsterdam, internationale rechtshulpkamer (tribunal d’Amsterdam, chambre d’entraide judiciaire internationale, Pays-Bas) a, par décision du 8 mars 2016, autorisé la remise du demandeur au Royaume de Belgique aux fins de l’exécution de la peine privative de liberté à subir sur le territoire belge pour l’infraction pour laquelle sa remise avait été demandée.

18      L’intéressé a ensuite été remis aux autorités belges et mis en détention. Cette détention était fondée sur sa condamnation à la peine principale, le terme de celle-ci ayant été fixé au 12 août 2018, ainsi qu’à la peine complémentaire, soit sa mise à disposition pour une durée de dix ans.

19      Les 21 juin et 19 juillet 2018, le strafuitvoeringsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’application des peines d’Anvers, Belgique) a statué sur la mise à disposition d’IK. Lors de cette procédure, l’intéressé a fait valoir que la remise par les autorités néerlandaises ne pouvait pas porter sur la peine complémentaire et que cette juridiction ne pouvait pas ordonner une privation de liberté en exécution de cette peine, étant donné que le mandat d’arrêt européen émis par les autorités belges ne la mentionnait pas.

20      C’est dans ce contexte que, le 2 juillet 2018, l’autorité judiciaire d’émission belge compétente a adressé aux autorités néerlandaises une demande de consentement additionnelle, portant sur la peine complémentaire, au titre de l’article 27 de la décision-cadre 2002/584. Estimant que leur consentement n’était susceptible d’être fourni qu’aux seules fins de permettre que la personne concernée soit condamnée ou poursuivie pour une infraction autre que celle qui a motivé l’octroi de sa remise, et que tel n’était pas le cas en l’espèce, les autorités néerlandaises n’ont pas accueilli cette demande additionnelle.

21      Par un jugement du 31 juillet 2018, le strafuitvoeringsrechtbank te Antwerpen (tribunal de l’application des peines d’Anvers) a rejeté l’argumentation d’IK et a décidé de maintenir sa privation de liberté. Le 3 août 2018, IK a formé un pourvoi contre ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Hof van Cassatie (Cour de cassation, Belgique).

22      Selon cette juridiction, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, un mandat d’arrêt européen peut être émis à des fins d’exécution d’une peine lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée d’une durée d’au moins quatre mois.

23      Conformément à l’article 8, paragraphe 1, de cette décision-cadre, le mandat d’arrêt européen devrait être établi conformément au formulaire annexé à celle-ci et il devrait contenir, entre autres, les informations suivantes, à savoir l’indication de l’existence d’un jugement exécutoire, la nature et la qualification légale de l’infraction, la description des circonstances de la commission de l’infraction ainsi que la peine prononcée.

24      Ces informations devraient permettre à l’autorité judiciaire d’exécution de vérifier s’il a été satisfait aux conditions de forme et de fond pour la remise au titre d’un mandat d’arrêt européen et s’il existe, le cas échéant, des raisons de prendre en considération un motif de refus, tel que le respect des droits fondamentaux et des principes généraux inscrits à l’article 6 TUE, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de cette même décision-cadre.

25      En outre, l’article 27, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584 prévoirait que, sauf dans les cas visés aux paragraphes 1 et 3 de cet article, une personne qui a été remise ne pourrait être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé cette remise.

26      Dans ces conditions, le Hof van Cassatie (Cour de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 8, paragraphe 1, sous f), de la [décision-cadre 2002/584] doit-il être interprété en ce sens qu’il suffit que, dans le mandat d’arrêt européen, l’autorité judiciaire d’émission fasse seulement mention de la peine privative de liberté exécutoire qui a été infligée, sans donc faire état de la peine complémentaire prononcée pour la même infraction et par la même décision judiciaire, telle que la mise à disposition, qui ne donnera lieu à une privation effective de liberté qu’après l’exécution de la peine privative de liberté principale, et ce uniquement après une décision formelle rendue à cette fin par le strafuitvoeringsrechtbank (tribunal de l’application des peines) ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 8, paragraphe 1, sous f), de la [décision-cadre 2002/584] doit-il être interprété en ce sens que la remise par l’État membre de l’autorité judiciaire d’exécution au titre d’un mandat d’arrêt européen qui ne mentionne que la peine privative de liberté exécutoire qui a été infligée, et donc pas la peine complémentaire de mise à disposition qui a été prononcée pour la même infraction et par la même décision judiciaire, a pour conséquence qu’il peut être procédé, dans l’État membre de l’autorité judiciaire d’émission, à la privation effective de liberté en exécution de cette peine complémentaire ?

3)      En cas de réponse négative à la première question, l’article 8, paragraphe 1, sous f), de la [décision-cadre 2002/584] doit-il être interprété en ce sens que le fait que, dans le mandat d’arrêt européen, l’autorité judiciaire d’émission n’a pas mentionné la peine complémentaire de mise à disposition qui a été prononcée a pour conséquence que cette peine complémentaire, dont il peut être admis que l’autorité judiciaire d’exécution n’a pas connaissance, ne saurait donner lieu à une privation effective de liberté dans l’État membre de l’autorité judiciaire d’émission ? »

 Sur la procédure d’urgence

27      La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence, prévue à l’article 107, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

28      À l’appui de sa demande, cette juridiction a indiqué qu’IK est actuellement privé de liberté en Belgique dans le cadre de sa peine de mise à disposition, à la suite de l’exécution du mandat d’arrêt européen émis le 27 août 2014. Selon ladite juridiction, la réponse aux questions posées sera déterminante pour la situation de détention d’IK et le maintien de celle-ci.

29      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que le présent renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation de la décision-cadre 2002/584, qui relève des domaines visés au titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ce renvoi est, par conséquent, susceptible d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence.

30      En second lieu, quant au critère relatif à l’urgence, il importe, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, de prendre en considération la circonstance que la personne concernée est actuellement privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal. Par ailleurs, la situation de cette personne est à apprécier telle qu’elle se présente à la date de l’examen de la demande visant à obtenir que le renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure d’urgence (arrêt du 19 septembre 2018, RO, C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 30 et jurisprudence citée).

31      Or, en l’occurrence, d’une part, il est constant que, à cette date, IK était privé de liberté en Belgique. D’autre part, il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que le maintien en détention de cette personne dépend de l’issue de l’affaire au principal, puisque la mesure de détention dont elle fait l’objet a été ordonnée dans le cadre de l’exécution du mandat d’arrêt européen émis à l’encontre de celle-ci et que le maintien en détention d’IK en exécution de la peine complémentaire est fonction des réponses que la Cour apportera aux présentes questions préjudicielles.

32      Dans ces conditions, la première chambre de la Cour a décidé, le 10 septembre 2018, sur proposition du juge rapporteur, l’avocate générale entendue, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi de soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence.

 Sur les questions préjudicielles

33      Par ses trois questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 1, sous f), de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que l’omission, dans le mandat d’arrêt européen sur le fondement duquel a eu lieu la remise de la personne concernée, de la peine complémentaire de mise à disposition à laquelle elle a été condamnée pour la même infraction et par la même décision judiciaire que celle relative à la peine privative de liberté principale s’oppose à ce que l’exécution de cette peine complémentaire, à l’expiration de la peine principale et après une décision formelle rendue à cette fin par la juridiction nationale compétente en matière d’application des peines, donne lieu à une privation de liberté.

34      À titre liminaire, il importe de rappeler que le droit de l’Union repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque État membre partage avec tous les autres États membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, comme il est précisé à l’article 2 TUE. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les États membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union qui les met en œuvre [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 35 et jurisprudence citée].

35      Tant le principe de confiance mutuelle entre les États membres que le principe de reconnaissance mutuelle, qui repose lui-même sur la confiance réciproque entre ces derniers, ont, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale, étant donné qu’ils permettent la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures. Plus spécifiquement, le principe de confiance mutuelle impose, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces États de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 36 et jurisprudence citée].

36      Il ressort du considérant 6 de la décision-cadre 2002/584 que le mandat d’arrêt européen prévu par cette décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle.

37      Ainsi qu’il ressort, en particulier, de son article 1er, paragraphes 1 et 2, et de ses considérants 5 et 7, ladite décision-cadre a pour objet de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition, signée à Paris le 13 décembre 1957, par un système de remise entre les autorités judiciaires des personnes condamnées ou soupçonnées aux fins de l’exécution de jugements ou de poursuites, ce dernier système étant fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 39 et jurisprudence citée].

38      La décision-cadre 2002/584 tend ainsi, par l’instauration d’un nouveau système simplifié et plus efficace de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire en vue de contribuer à réaliser l’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice, en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 40 et jurisprudence citée].

39      Ainsi, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision-cadre, l’objet du mécanisme du mandat d’arrêt européen est de permettre l’arrestation et la remise d’une personne recherchée afin que, eu égard à l’objectif poursuivi par ladite décision-cadre, l’infraction commise ne demeure pas impunie et que cette personne soit poursuivie ou purge la peine privative de liberté prononcée contre elle.

40      À cet égard, le principe de reconnaissance mutuelle, qui constitue, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 6 de la décision-cadre 2002/584, la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire au sein de l’Union en matière pénale, trouve application à l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision-cadre qui consacre la règle selon laquelle les États membres sont tenus d’exécuter tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de ladite décision-cadre [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 41 et jurisprudence citée].

41      Les autorités judicaires d’exécution ne peuvent donc, en principe, refuser d’exécuter un tel mandat que pour les motifs, exhaustivement énumérés, de non-exécution prévus par la décision-cadre 2002/584 et l’exécution du mandat d’arrêt européen ne saurait être subordonnée qu’à l’une des conditions limitativement prévues à l’article 5 de cette décision-cadre. Par conséquent, alors que l’exécution du mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 41 et jurisprudence citée].

42      Ainsi, la décision-cadre 2002/584 énonce explicitement, à son article 3, les motifs de non-exécution obligatoire du mandat d’arrêt européen, à ses articles 4 et 4 bis, les motifs de non-exécution facultative de celui-ci, ainsi que, à son article 5, les garanties à fournir par l’État membre d’émission dans des cas particuliers.

43      La Cour a, en outre, jugé que ces dispositions reposent sur la prémisse selon laquelle le mandat d’arrêt européen concerné satisfait aux exigences de régularité prévues à l’article 8, paragraphe 1, de ladite décision-cadre et que la méconnaissance d’une de ces exigences de régularité, dont le respect constitue une condition de la validité du mandat d’arrêt européen, doit, en principe, conduire l’autorité judiciaire d’exécution à ne pas donner suite à ce mandat d’arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2016, Bob-Dogi, C‑241/15, EU:C:2016:385, points 63 et 64).

44      Il ne saurait être exclu d’emblée que la condamnation à une peine complémentaire qui n’a pas été mentionnée dans le mandat d’arrêt européen puisse, dans certaines circonstances, constituer l’un des motifs pouvant justifier le refus d’exécuter un tel mandat.

45      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’omission de la peine complémentaire dans le mandat d’arrêt européen a eu pour conséquence que l’exercice des compétences que l’autorité judiciaire d’exécution tire des articles 3 à 5 de la décision–cadre 2002/584 a été affecté ou que l’exigence de régularité prévue à l’article 8, paragraphe 1, sous f), de celle-ci a été méconnue.

46      En premier lieu, il convient d’observer que, dans l’affaire au principal, l’autorité judiciaire d’exécution n’a pas été privée de la possibilité de se prévaloir des dispositions des articles 3 à 5 de cette décision-cadre.

47      En second lieu, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, il convient de déterminer si l’omission de la peine complémentaire dans le mandat d’arrêt européen ne méconnaît pas l’exigence de régularité prévue à l’article 8, paragraphe 1, sous f), de ladite décision-cadre.

48      Cette disposition requiert l’indication de « la peine prononcée, s’il s’agit d’un jugement définitif ».

49      Par ailleurs, afin de simplifier et d’accélérer la procédure de remise dans le respect des délais prévus à l’article 17 de la décision-cadre 2002/584, celle-ci prévoit, en annexe, un formulaire spécifique que les autorités judiciaires d’émission doivent remplir en indiquant les informations spécifiquement requises (arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski, C‑367/16, EU:C:2018:27, point 57). Le point c), 2, dudit formulaire fait référence à la « [d]urée de la peine ou mesure de sûreté privatives de liberté infligée ».

50      L’exigence de régularité prévue à l’article 8, paragraphe 1, sous f), de la décision-cadre 2002/584 a pour but de porter à la connaissance des autorités judiciaires d’exécution la durée de la peine privative de liberté pour laquelle la remise de la personne recherchée est demandée, au titre des informations visant à fournir les renseignements formels minimaux nécessaires pour permettre à ces dernières autorités de donner rapidement suite au mandat d’arrêt européen, en adoptant d’urgence leur décision sur la remise (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski, C‑367/16, EU:C:2018:27, points 58 et 59).

51      Cette exigence vise à permettre à l’autorité judiciaire d’exécution, ainsi que l’a observé Mme l’avocate générale au point 66 de ses conclusions, de s’assurer que le mandat d’arrêt européen relève du champ d’application de cette décision-cadre et, en particulier, de vérifier qu’il a été émis pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté dont la durée dépasse le seuil de quatre mois fixé par l’article 2, paragraphe 1, de ladite décision-cadre.

52      En l’occurrence, la peine principale de trois ans d’emprisonnement à laquelle IK a été condamné excède ledit seuil. Par conséquent, la mention de celle-ci suffisait à assurer que le mandat d’arrêt européen réponde à l’exigence de régularité visée à l’article 8, paragraphe 1, sous f), de cette même décision-cadre.

53      Dans ces conditions, l’autorité judiciaire d’exécution était tenue de remettre la personne visée par le mandat d’arrêt européen afin que l’infraction commise ne demeure pas impunie et que la condamnation prononcée à l’encontre de cette dernière soit exécutée.

54      Partant, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le fait que le mandat d’arrêt européen ne mentionnait pas la peine complémentaire ne saurait avoir une quelconque incidence sur l’exécution de cette peine dans l’État membre d’émission à la suite de la remise.

55      Cette conclusion ne saurait être remise en cause, premièrement, par l’argument formulé par IK ainsi que par le gouvernement néerlandais selon lequel, en substance, la décision de l’autorité judiciaire d’exécution constitue le titre qui fonde la privation de liberté dans l’État membre d’émission, avec pour conséquence qu’il ne pourrait être procédé à l’exécution d’une peine qui n’a pas fait l’objet de la décision de l’autorité judiciaire d’exécution et pour laquelle la remise n’a pas été autorisée.

56      En effet, la décision de l’autorité d’exécution n’a pas pour objet d’autoriser, en l’occurrence, l’exécution d’une peine privative de liberté dans l’État membre d’émission. Ainsi que l’a observé Mme l’avocate générale au point 81 de ses conclusions et qu’il a été rappelé au point 39 du présent arrêt, cette décision se limite à permettre la remise de la personne concernée, conformément aux dispositions de la décision‑cadre 2002/584, afin que l’infraction commise ne demeure pas impunie. Le fondement de l’exécution de la peine privative de liberté repose sur le jugement exécutoire prononcé dans l’État membre d’émission et dont l’article 8, paragraphe 1, sous c), de cette décision‑cadre exige la mention.

57      Deuxièmement, le gouvernement néerlandais, tout en ayant précisé lors de l’audience devant la Cour qu’il ne remet pas en question la validité du mandat d’arrêt européen en cause au principal, soutient que l’exécution d’une peine qui n’a pas été portée à la connaissance de l’autorité judiciaire d’exécution contreviendrait toutefois au principe de spécialité. Une telle interprétation ne saurait être retenue.

58      En effet, il convient d’observer, d’une part, que l’article 27 de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Poursuite éventuelle pour d’autres infractions », prévoit, à son paragraphe 2, qu’une personne qui a été remise ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé cette dernière. D’autre part, le paragraphe 3, sous g), de cet article prévoit la possibilité de demander, à cette fin, le consentement de l’autorité judiciaire d’exécution après la remise. Or, comme le gouvernement néerlandais l’a lui-même reconnu dans ses observations écrites, le consentement complémentaire ne peut porter que sur une infraction autre que celle qui a motivé la remise et non pas sur une peine relative à la même infraction.

59      Il s’en déduit que la règle de spécialité, telle que visée à l’article 27 de la décision-cadre 2002/584, ainsi que l’a rappelé Mme l’avocate générale aux points 53 et 54 de ses conclusions, n’a trait qu’aux infractions autres que celles qui ont motivé la remise.

60      À cet égard, il y a lieu de préciser que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, en l’occurrence, la peine complémentaire n’a pas été ajoutée après la remise de la personne concernée. Elle a été prononcée pour la même infraction et par la même décision judiciaire que la condamnation à la peine principale de trois ans d’emprisonnement.

61      Par conséquent, IK ayant été condamné à cette peine complémentaire pour l’infraction sur le fondement de laquelle le mandat d’arrêt européen a été émis et exécuté, la question de savoir si ladite peine peut faire l’objet d’une exécution donnant lieu à une privation de liberté, alors que l’autorité judiciaire d’exécution n’en a pas eu connaissance, ne relève pas de l’application de la règle de spécialité.

62      Troisièmement, il n’y a pas lieu de considérer, contrairement à ce qu’avance la Commission européenne, que la peine complémentaire n’ayant pas été mentionnée dans le mandat d’arrêt européen, eu égard au principe de confiance mutuelle, son exécution ne saurait donner lieu à une mesure privative de liberté qu’à la condition que l’autorité judiciaire d’exécution en ait été préalablement informée, au titre de l’article 15, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, et qu’elle ne décide pas, en ce qui concerne cette peine complémentaire, d’invoquer l’un des motifs de refus ou de subordonner l’exécution du mandat d’arrêt européen à certaines garanties à fournir par l’État membre d’émission, au titre des articles 3 à 5 de cette décision-cadre.

63      Certes, la Cour a déjà jugé que, dans l’optique d’une coopération judiciaire efficace en matière pénale, les autorités judiciaires d’émission et d’exécution doivent faire pleinement usage des instruments prévus notamment à l’article 8, paragraphe 1, et à l’article 15 de ladite décision-cadre de façon à favoriser la confiance mutuelle à la base de cette coopération (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2017, Ardic, C‑571/17 PPU, EU:C:2017:1026, points 90 et 91).

64      En l’occurrence, ainsi que le gouvernement belge l’a reconnu au cours de l’audience devant la Cour, la peine complémentaire aurait dû être mentionnée dans le mandat d’arrêt européen. Toutefois, il n’en reste pas moins que, tout d’abord, ainsi qu’il ressort du point 46 du présent arrêt, l’omission de la peine complémentaire dans le mandat d’arrêt européen n’a pas eu pour conséquence que l’exercice des compétences que l’autorité judiciaire d’exécution tire des articles 3 à 5 de cette décision–cadre 2002/584 a été affecté.

65      Ensuite, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 109 de ses conclusions, il ressort du dossier soumis à la Cour qu’IK, alors qu’il n’ignorait ni l’existence ni la durée de sa peine, n’a pas évoqué devant l’autorité judiciaire d’exécution l’absence de mention de la peine complémentaire dans le mandat d’arrêt européen.

66      Enfin, ainsi que l’a Cour l’a déjà jugé, s’agissant d’une procédure relative à un mandat d’arrêt européen, la garantie du respect des droits de la personne dont la remise est demandée relève au premier chef de la responsabilité de l’État membre d’émission, dont il y a lieu de présumer qu’il respecte le droit de l’Union et, en particulier, les droits fondamentaux reconnus par ce dernier (arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski, C‑367/16, EU:C:2018:27, point 50).

67      Ainsi, la décision de l’autorité judiciaire d’exécution est sans préjudice de la possibilité pour la personne concernée, une fois remise, d’user, dans l’ordre juridique de l’État membre d’émission, des voies de recours qui lui permettent de contester, le cas échéant, la légalité de sa détention dans un établissement pénitentiaire de cet État membre, entre autres, ainsi qu’il ressort du litige au principal, au regard du mandat d’arrêt européen sur le fondement duquel a été autorisée sa remise. Cette personne peut, à cette occasion, se prévaloir, notamment, du respect du droit à un recours effectif et à un procès équitable ainsi que des droits de la défense qu’il tire de l’article 47 et de l’article 48, paragraphe 2, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, RO, C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 50).

68      Partant, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’article 15, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 ne saurait être interprété en ce sens qu’il impose à l’autorité judiciaire d’émission d’informer l’autorité judiciaire d’exécution, après que cette autorité a accueilli la demande de remise, de l’existence de la peine complémentaire afin que ladite autorité adopte une décision quant à la possibilité d’exécuter cette peine dans l’État membre d’émission.

69      Ainsi que l’a observé Mme l’avocate générale au point 116 de ses conclusions, soumettre l’exécution de la peine complémentaire à une telle obligation, alors que l’autorité judiciaire d’exécution ne pouvait pas refuser de donner suite au mandat d’arrêt européen, serait incompatible avec l’objectif de faciliter et d’accélérer la coopération judicaire poursuivie par cette décision-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski, C‑367/16, EU:C:2018:27, point 53 et jurisprudence citée).

70      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 8, paragraphe 1, sous f), de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que l’omission, dans le mandat d’arrêt européen sur le fondement duquel a eu lieu la remise de la personne concernée, de la peine complémentaire de mise à disposition à laquelle elle a été condamnée pour la même infraction et par la même décision judiciaire que celle relative à la peine privative de liberté principale ne s’oppose pas, dans les circonstances en cause au principal, à ce que l’exécution de cette peine complémentaire, à l’expiration de la peine principale et après une décision formelle rendue à cette fin par la juridiction nationale compétente en matière d’application des peines, donne lieu à une privation de liberté.

 Sur les dépens

71      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 8, paragraphe 1, sous f), de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprété en ce sens que l’omission, dans le mandat d’arrêt européen sur le fondement duquel a eu lieu la remise de la personne concernée, de la peine complémentaire de mise à disposition à laquelle elle a été condamnée pour la même infraction et par la même décision judiciaire que celle relative à la peine privative de liberté principale ne s’oppose pas, dans les circonstances en cause au principal, à ce que l’exécution de cette peine complémentaire, à l’expiration de la peine principale et après une décision formelle rendue à cette fin par la juridiction nationale compétente en matière d’application des peines, donne lieu à une privation de liberté.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.