Language of document : ECLI:EU:C:2021:143

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 25 février 2021 (1)

Affaire C821/19

Commission européenne

contre

Hongrie

« Manquement d’État – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Article 33, paragraphe 2 – Motifs d’irrecevabilité des demandes de protection internationale – Caractère exhaustif – Motif d’irrecevabilité supplémentaire en droit national – Article 8, paragraphe 2 – Accès aux points de passage frontaliers des organisations et des personnes qui fournissent des conseils et des orientations aux demandeurs de protection internationale – Article 12, paragraphe 1, sous c) – Possibilité pour les demandeurs de protection internationale de communiquer avec les organisations et les personnes qui fournissent des conseils et des orientations – Article 22, paragraphe 1 – Possibilité pour les demandeurs de protection internationale de consulter, à leurs frais, un conseil juridique ou un autre conseiller – Directive 2013/33/UE –Article 10, paragraphe 4 – Possibilité pour les conseils juridiques et les autres conseillers de communiquer avec les demandeurs de protection internationale – Incrimination, en droit national, de l’activité visant à fournir, de manière organisée, de l’aide aux demandeurs de protection internationale – Interdiction d’entrée des organisations et des personnes qui fournissent des conseils et des orientations aux demandeurs de protection internationale dans la zone de transit frontalière »






I.      Introduction

1.        Par son recours, la Commission européenne demande à la Cour de constater que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union pour les motifs suivants :

–        en introduisant un motif d’irrecevabilité des demandes de protection internationale s’ajoutant à ceux énumérés dans la liste exhaustive établie à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE (2) ;

–        en érigeant en infraction pénale l’activité d’organisation visant à permettre l’ouverture d’une procédure d’asile par des personnes ne remplissant pas les critères pour l’octroi de la protection internationale établis par le droit national et en prenant des mesures entraînant des restrictions à l’égard des personnes poursuivies ou sanctionnées pour une telle infraction, en violation de l’article 8, paragraphe 2, de l’article 12, paragraphe 1, sous c), et de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/32, ainsi que de l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2013/33/UE (3).

2.        Je suis d’avis que le premier grief ne soulève pas de difficultés particulières et peut être tranché à la lumière des récents arrêts de la Cour du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa) (4), ainsi que du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (5).

3.        Le second grief soulève la question, inédite, de savoir si un État membre peut incriminer l’activité d’organisation visant à permettre l’ouverture d’une procédure d’asile par des personnes ne remplissant pas les critères pour l’octroi de la protection internationale établis par le droit national.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Dispositions concernant les motifs d’irrecevabilité des demandes de protection internationale

4.        L’article 33 de la directive 2013/32, intitulé « Demandes irrecevables », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a)      une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

b)      un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;

c)      un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;

d)      la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (6)] ; ou

e)      une personne à charge du demandeur introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom, et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

2.      Dispositions concernant l’aide aux demandeurs de protection internationale

a)      La directive 2013/32

5.        L’article 8 de la directive 2013/32, intitulé « Information et conseil dans les centres de rétention et aux points de passage frontaliers », dispose, à son paragraphe 2 :

« Les États membres veillent à ce que les organisations et les personnes qui fournissent des conseils et des orientations aux demandeurs puissent accéder effectivement aux demandeurs présents aux points de passage frontaliers, y compris aux zones de transit, aux frontières extérieures. Les États membres peuvent prévoir des règles relatives à la présence de ces organisations et de ces personnes à ces points de passage et, en particulier, soumettre l’accès à un accord avec les autorités compétentes des États membres. Des restrictions à cet accès ne peuvent être imposées que, lorsqu’en vertu du droit national, elles sont objectivement nécessaires à la sécurité, l’ordre public ou la gestion administrative des points de passage, pour autant que ledit accès n’en soit pas alors considérablement restreint ou rendu impossible. »

6.        L’article 12 de cette directive, intitulé « Garanties accordées aux demandeurs », prévoit, à son paragraphe 1 :

« En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs bénéficient des garanties suivantes :

[...]

c)      la possibilité de communiquer avec le [Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés] ou toute autre organisation qui fournit des conseils juridiques ou d’autres orientations aux demandeurs conformément au droit de l’État membre concerné ne leur est pas refusée ;

[...] »

7.        L’article 22 de ladite directive, intitulé « Droit à l’assistance juridique et à la représentation à toutes les étapes de la procédure », énonce :

« 1.      La possibilité effective est donnée aux demandeurs de consulter, à leurs frais, un conseil juridique ou un autre conseiller, reconnu en tant que tel ou autorisé à cette fin en vertu du droit national, sur des questions touchant à leur demande de protection internationale, à toutes les étapes de la procédure, y compris à la suite d’une décision négative.

2.      Les États membres peuvent autoriser des organisations non gouvernementales à fournir une assistance juridique et/ou une représentation aux demandeurs dans le cadre des procédures prévues au chapitre III et au chapitre V, conformément au droit national. »

b)      La directive 2013/33

8.        L’article 10 de la directive 2013/33, intitulé « Conditions du placement en rétention », dispose, à son paragraphe 4 :

« Les États membres veillent à ce que des membres de la famille, des conseils juridiques ou des conseillers et des personnes représentant des organisations non gouvernementales pertinentes reconnues par l’État membre concerné aient la possibilité de communiquer avec les demandeurs et de leur rendre visite dans des conditions compatibles avec le respect de la vie privée. Des restrictions à l’accès au centre de rétention ne peuvent être imposées que lorsqu’en vertu du droit national, elles sont objectivement nécessaires à la sécurité, l’ordre public ou la gestion administrative du centre de rétention, pour autant que ledit accès n’en soit pas alors considérablement restreint ou rendu impossible. »

B.      Le droit hongrois

1.      Dispositions concernant les motifs d’irrecevabilité des demandes de protection internationale

9.        L’article 51, paragraphe 2, sous f), de la menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény (loi no LXXX de 2007 relative au droit d’asile, ci-après la « loi relative au droit d’asile » (7)), introduit par l’article 7, paragraphe 1, de la egyes törvényeknek a jogellenes bevándorlás elleni intézkedésekkel kapcsolatos módosításáról szóló 2018. évi VI. törvény (loi no VI de 2018 relative à la modification de certaines lois concernant des mesures contre l’immigration irrégulière, ci-après la « loi no VI de 2018 » (8)), prévoit un nouveau motif d’irrecevabilité des demandes de protection internationale, défini en ces termes :

« La demande est irrecevable si le demandeur est arrivé en Hongrie par un pays où il n’est pas exposé à des persécutions au sens de l’article 6, paragraphe 1 [, de la loi relative au droit d’asile], ou au risque d’atteintes graves, au sens de l’article 12, paragraphe 1 [, de cette loi], ou dans lequel un niveau de protection adéquat est garanti. »

2.      Dispositions concernant l’aide aux demandeurs de protection internationale

a)      Le code pénal

10.      L’article 353/A de la Büntető Törvénykönyvről szóló 2012. évi C. törvény(loi no C de 2012 instituant le code pénal, ci-après le « code pénal » (9)), intitulé « Facilitation de l’immigration irrégulière », introduit par l’article 11, paragraphe 1, de la loi no VI de 2018, prévoit :

« 1.      Quiconque mène des activités d’organisation visant

a)      à permettre l’ouverture d’une procédure d’asile en Hongrie par une personne qui ne subit pas de persécutions dans le pays dont elle est ressortissante, son pays de résidence habituelle ou tout autre pays par lequel elle est arrivée, en raison de sa race, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social, de ses convictions religieuses ou politiques, ou qui n’a pas de raison valable de craindre des persécutions directes, ou

b)      à aider une personne entrant ou résidant illégalement en Hongrie à obtenir un titre de séjour,

encourt un placement en confinement, à moins d’avoir commis une infraction pénale plus grave.

2.      Quiconque fournit des ressources matérielles permettant de commettre l’infraction pénale visée au paragraphe 1 ou mène de telles activités d’organisation de façon régulière est passible d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement.

3.      Quiconque commet l’infraction pénale visée au paragraphe 1

a)      pour obtenir un gain financier,

b)      en aidant plus d’une personne ou

c)      à une distance de moins de huit kilomètres de la frontière ou du marqueur frontalier correspondant à la frontière extérieure aux termes de l’article 2, alinéa 2, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) [(10)], encourt la peine prévue au paragraphe 2.

4.      La sanction de l’auteur de l’infraction pénale visée au paragraphe 1 peut être réduite sans restriction ou, dans les cas qui méritent un traitement particulier, peut être levée si l’auteur révèle les circonstances dans lesquelles l’infraction pénale a été commise au plus tard au moment de sa mise en examen.

5.      Aux fins du présent article, les activités d’organisation comprennent en particulier, dans un but visé au paragraphe 1 :

a)      la conduite d’une surveillance aux frontières, à la frontière ou à un marqueur frontalier correspondant à la frontière extérieure de la Hongrie aux termes de l’article 2, alinéa 2 du code frontières Schengen,

b)      l’élaboration ou la diffusion de documents d’information ou le fait de charger un tiers de réaliser ces actes et

c)      la constitution ou l’exploitation d’un réseau. »

b)      La loi sur la police

11.      L’article 46/F de la Rendőrségről szóló 1994. évi XXXIV. törvény (loi no XXXIV de 1994 relative à la police, ci-après la « loi sur la police » (11)), intitulé « Mesures d’éloignement utilisées dans le cadre de la sécurité des frontières », inséré dans le chapitre V de cette loi par l’article 2 de la loi no VI de 2018, énonce :

« 1.      Afin de maintenir l’ordre à la frontière de l’État et de prévenir une éventuelle perturbation de la surveillance des frontières, les policiers empêchent toute personne faisant l’objet de poursuites pénales pour les infractions de franchissement illégal de la barrière frontalière (article 352/A du code pénal), dégradation de la barrière frontalière (article 352/B du code pénal), obstruction à la construction ou à l’entretien de la barrière frontalière (article 352/C du code pénal), trafic d’êtres humains (article 353 du code pénal), aide au séjour irrégulier (article 354 du code pénal) ou facilitation de l’immigration irrégulière (article 353/A du code pénal) d’entrer dans un périmètre situé à une distance de moins de huit kilomètres de la frontière ou du marqueur frontalier correspondant à la frontière extérieure du territoire hongrois, aux termes de l’article 2, alinéa 2, du [règlement 2016/399], ou exigent que cette personne quitte cette zone si elle s’y trouve.

[...] »

III. Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

12.      Le 20 juin 2018, le Parlement hongrois a adopté la loi no VI de 2018. Cette loi a notamment introduit l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, l’article 353/A du code pénal et l’article 46/F de la loi sur la police.

13.      La Commission a envoyé une lettre de mise en demeure et un avis motivé à la Hongrie, respectivement le 19 juillet 2018 et le 24 janvier 2019, dans lesquels elle a reproché à cet État membre les deux griefs résumés au point 1 des présentes conclusions.

14.      La Hongrie y a respectivement répondu le 19 septembre 2018 et le 23 mars 2019, en faisant valoir que la réglementation hongroise en cause était conforme au droit de l’Union.

IV.    La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

15.      Par requête du 8 novembre 2019, la Commission a introduit le présent recours.

16.      La Commission et la Hongrie ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 23 novembre 2020.

17.      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        constater, d’une part, que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, en introduisant un motif d’irrecevabilité des demandes de protection internationale s’ajoutant aux motifs établis par cette disposition, et, d’autre part, que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de l’article 12, paragraphe 1, sous c), et de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/32, ainsi que de l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2013/33, en érigeant en infraction pénale l’activité d’organisation visant à permettre l’ouverture d’une procédure d’asile par des personnes ne remplissant pas les critères pour l’octroi de la protection internationale établis par le droit national et en prenant des mesures entraînant des restrictions à l’égard des personnes poursuivies ou sanctionnées pour une telle infraction ;

–        condamner la Hongrie aux dépens.

18.      La Hongrie conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la Commission aux dépens.

V.      Analyse

A.      Sur le premier grief, tiré de l’introduction d’un motif d’irrecevabilité des demandes de protection internationale incompatible avec le droit de l’Union

19.      Par son premier grief, la Commission demande à la Cour de constater que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, en introduisant, par l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, un motif d’irrecevabilité des demandes de protection internationale s’ajoutant aux motifs prévus à l’article 33, paragraphe 2, de cette directive.

20.      À titre liminaire, il convient de rappeler que, par l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, le législateur hongrois a prévu qu’une demande de protection internationale est irrecevable si le demandeur est arrivé en Hongrie par un pays dans lequel, d’une part, il n’est pas exposé à des persécutions ou au risque d’atteintes graves, ou, d’autre part, un niveau de protection adéquat est garanti.

21.      Cette loi a introduit, en substance, un motif d’irrecevabilité des demandes de protection internationale qui n’est pas explicitement prévu à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32.

22.      La question se pose donc de savoir si ce motif d’irrecevabilité peut être considéré comme une simple explicitation des motifs prévus à cette disposition, notamment celui relatif au « pays tiers sûr » au sens de l’article 33, paragraphe 2, sous c), de la directive 2013/32, et, dans la négative, si ce nouveau motif est incompatible avec cette disposition.

23.      À cet égard, je relève que, dans le récent arrêt Tompa, qui concernait également la disposition de la réglementation hongroise mise en cause dans le présent grief, à savoir l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, la Cour s’est prononcée comme suit :

–        tout d’abord, elle a confirmé le caractère exhaustif de l’énumération figurant à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 (12) ;

–        ensuite, elle a exclu que les motifs d’irrecevabilité énoncés par la réglementation hongroise puissent constituer la mise en œuvre de ceux prévus à l’article 33, paragraphe 2, de cette directive (13), y inclus le motif relatif au « pays tiers sûr » (14) et celui relatif au « premier pays d’asile » (15) ;

–        enfin, elle a jugé que l’article 33 de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale permettant de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale au motif que le demandeur est arrivé sur le territoire de l’État membre concerné par un État dans lequel il n’est pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves, ou dans lequel est assuré un degré de protection adéquat (16).

24.      Cette interprétation a été réitérée par la Cour dans l’arrêt Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság, qui visait lui aussi l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile (17).

25.      Dès lors, dans la mesure où le gouvernement hongrois n’a pas présenté de nouveaux éléments justifiant la nécessité ou l’opportunité d’un revirement de cette jurisprudence, j’estime que la solution appliquée par la Cour dans les affaires précitées permet de trancher de manière définitive la question examinée dans le cadre du présent grief.

26.      Partant, je propose d’accueillir le premier grief de la Commission et de constater que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, en introduisant un nouveau motif d’irrecevabilité des demandes de protection internationale s’ajoutant aux motifs établis de façon exhaustive par cette disposition.

B.      Sur le second grief, tiré des restrictions d’accès imposées aux demandeurs de protection internationale ainsi qu’aux organisations et aux personnes qui leur fournissent des conseils et des orientations

27.      Par son second grief, la Commission invite la Cour à constater que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de l’article 12, paragraphe 1, sous c), et de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/32, ainsi que de l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2013/33, en érigeant en infraction pénale, par l’article 353/A du code pénal, l’activité d’organisation visant à permettre l’ouverture d’une procédure d’asile par des personnes ne remplissant pas les critères pour l’octroi de la protection internationale établis par le droit national et en prenant, par l’introduction de l’article 46/F de la loi sur la police, des mesures entraînant des restrictions à l’égard des personnes poursuivies ou sanctionnées pour une telle infraction.

28.      À cet égard, je relève d’emblée que les dispositions du droit de l’Union concernant l’aide aux demandeurs de protection internationale (18) garantissent, d’une part, le droit de tels demandeurs de pouvoir consulter des organisations et des personnes qui fournissent des conseils et des orientations et, d’autre part, de façon symétrique, le droit de ces organisations et de ces personnes d’avoir accès à ces demandeurs, y compris à ceux qui sont placés en rétention.

29.      Il convient donc de vérifier si l’article 353/A du code pénal et l’article 46/F de la loi sur la police constituent un obstacle à l’exercice des droits garantis par l’article 8, paragraphe 2, l’article 12, paragraphe 1, sous c), et l’article 22 de la directive 2013/32, ainsi que par l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2013/33, et, dans l’affirmative, si un tel obstacle est justifié au regard de ces dispositions.

1.      Sur la première branche du second grief, relative à l’article 353/A du code pénal

a)      Sur le caractère restrictif de l’article 353/A du code pénal

30.      L’article 353/A du code pénal incrimine toute « activité d’organisation » permettant l’ouverture d’une procédure d’asile en Hongrie par une personne qui, en substance, n’a pas droit à la protection internationale selon les normes nationales. Cet article apparaît prima facie susceptible de constituer une entrave aux droits garantis par les dispositions du droit de l’Union invoquées par la Commission, en ce qu’il place toute personne ou organisation ayant l’intention d’apporter de l’aide aux demandeurs de protection internationale dans une situation d’incertitude, voire de risque concret d’être sanctionnée.

31.      Le gouvernement hongrois fait valoir, en premier lieu, que l’incrimination est circonscrite aux violations commises avec une « intention caractérisée » et ne concerne que les actions menées sous la forme d’une « activité d’organisation » ; en deuxième lieu, que la réglementation litigieuse ne déploie aucun effet dissuasif démontrable ; et, en troisième lieu, que cette réglementation ne s’applique qu’aux actions qui précèdent l’ouverture d’une procédure d’asile et ne concerne donc pas les « demandeurs de protection internationale » au sens strict, qui sont les bénéficiaires des droits conférés par les directives 2013/32 et 2013/33.

32.      S’agissant, en premier lieu, de l’élément subjectif de l’infraction et de la notion d’« activité d’organisation », ainsi que le fait observer le gouvernement hongrois, la portée de l’article 353/A du code pénal doit être interprétée à la lumière des éclaircissements fournis par l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle, Hongrie) dans sa décision no 3/2019 (19), qui fait autorité pour l’interprétation de cet article, d’autant plus que ledit article semble n’avoir pas encore été appliqué de façon fréquente, comme le gouvernement hongrois l’a confirmé lors de l’audience.

33.      En ce qui concerne, premièrement, l’élément subjectif de l’infraction, l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle) a précisé dans cette décision que l’article 353/A du code pénal ne sanctionne pas les comportements commis par négligence, mais exclusivement ceux commis de façon délibérée, sur la base d’une « intention caractérisée » de commettre l’infraction, et qu’il revient aux autorités nationales de démontrer l’existence d’une telle intention. En tout état de cause, cette juridiction a exclu du champ d’application de cet article les comportements altruistes satisfaisant au devoir de secours aux personnes démunies et nécessiteuses, qui ne sont pas liés à l’objectif visé par ledit article, tout en précisant que c’est aux juridictions de fond qu’il revient, dans leur pratique judiciaire, de déterminer les circonstances dans lesquelles une activité d’organisation peut être assimilée à une aide humanitaire, les formes d’aide qui ne sauraient être sanctionnées et le moment où les faits outrepassent ce cadre (20).

34.      Cela étant, je relève que, en principe, toute organisation ou toute personne souhaitant apporter une aide agit nécessairement avec l’intention de permettre à la personne qu’elle aide d’entamer une procédure d’asile et peut avoir, à tout le moins, des doutes sur le fait que cette personne satisfasse ou non aux exigences nécessaires pour bénéficier de la protection internationale. En effet, les doutes quant à la véracité des allégations des demandeurs sont inhérents à la procédure d’asile, qui se déroule précisément dans le but d’établir si les conditions pour l’octroi de la protection internationale sont remplies. Il appartient aux autorités nationales compétentes, et non aux conseillers juridiques, aux organisations, ou aux personnes proposant une aide aux demandeurs de protection internationale, d’apprécier si les motifs invoqués dans la demande justifient l’octroi de la protection internationale conformément aux conditions requises par la législation nationale.

35.      En outre, à mon sens, ce qui importe le plus est qu’il faut en l’espèce tenir compte, d’une part, de l’introduction de l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, qui fait l’objet du premier grief, et, d’autre part, du fait que, comme la Commission l’a relevé sans être contredite par la Hongrie, les dispositions dérogatoires applicables en cas de situation de crise engendrée par une immigration massive imposent aux personnes désireuses d’obtenir une protection internationale de se rendre dans l’une des zones de transit situées à la frontière serbo-hongroise afin de présenter leur demande et, ainsi, d’enclencher la procédure d’asile. Or, la Serbie constitue normalement un pays tiers où il n’existe pas de risque de persécution au sens de l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile. Il résulte de la combinaison de ces deux éléments que toute personne ou toute organisation qui fournit une aide aux demandeurs de protection internationale sera bien consciente du fait que, dans ces circonstances, de telles demandes sont très probablement vouées à l’échec et qu’elle s’expose ainsi à un risque concret de poursuites pénales (21).

36.      En tout état de cause, l’incrimination de l’aide aux demandeurs de protection internationale pourrait produire un effet dissuasif particulièrement important pour toutes les personnes ou organisations qui, sciemment, essaient de favoriser un changement de législation ou une interprétation plus souple du droit national, ou même de faire valoir l’incompatibilité du droit national pertinent avec le droit de l’Union. D’ailleurs, faire « évoluer » la réglementation nationale ou faciliter l’accès des demandeurs à la procédure d’asile ou à l’aide humanitaire, même s’il est très douteux ou, comme en l’espèce, très probable que ces demandeurs ne remplissent pas toutes les conditions prévues par le droit national pour obtenir la protection internationale, fait généralement partie des objectifs légitimes d’une organisation d’aide aux demandeurs de protection internationale.

37.      Dans ces circonstances, la seule « sanction » légitime applicable lorsque l’activité de ces personnes ou de ces organisations vise à permettre l’accès des demandeurs à la procédure d’asile au-delà des conditions légitimement imposées par la législation nationale dans le respect du droit de l’Union, et notamment de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, ne peut être, à mon sens, que le rejet des demandes pour cause d’irrecevabilité ou d’absence de fondement, et non l’exercice de poursuites pénales à l’encontre des personnes ou des organisations qui facilitent l’ouverture des procédures d’asile. Cette constatation étant posée, elle ne préjuge en rien de la possibilité d’introduire et de maintenir des sanctions pénales lorsque l’activité desdites personnes ou organisations ne se limite pas à aider les demandeurs de protection internationale à présenter leur demande et à entamer des procédures d’asile, mais constitue une véritable activité d’aide à l’immigration illégale, notamment en application de la directive 2002/90/CE (22).

38.      S’agissant, deuxièmement, de la notion d’« activité d’organisation », l’Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle) a exclu que celle-ci, bien que formulée en des termes génériques, puisse violer le principe de légalité (« nullum crimen, nulla poena sine lege »), compte tenu de l’existence, dans le code pénal, d’autres dispositions faisant référence à la notion d’« organisation » ou d’« activité d’organisation » et permettant d’en tirer les éléments constitutifs essentiels (23).

39.      Cela étant, j’estime que le fait de ne sanctionner qu’une activité exercée de manière organisée ne suffit pas à éliminer le caractère restrictif de l’infraction litigieuse. D’une part, le libellé même de l’article 353/A du code pénal permet une interprétation très large de cette infraction, qui inclut le simple fait d’aider une seule personne à entamer une procédure d’asile. En effet, le fait que l’« activité régulière » et l’aide « à plus d’une personne » soient érigées en circonstances aggravantes à l’article 353/A, paragraphes 2 et 3, du code pénal implique que le champ d’application de cette disposition peut même couvrir une activité qui n’est pas menée de façon régulière et ne vise à aider qu’une seule personne. D’autre part, et c’est là le plus important, les organisations qui fournissent de l’aide aux demandeurs de protection internationale et qui constituent les destinataires principales de ladite disposition exercent, par définition, une « activité organisée ». Partant, même si la portée de l’article 353/A du code pénal est restreinte aux activités d’organisation au sens strict, cette disposition est susceptible d’entraver l’activité de la quasi-totalité des personnes ou des organisations qui apportent de l’aide aux demandeurs de protection internationale.

40.      En deuxième lieu, même à supposer, ainsi que le fait valoir le gouvernement hongrois, que la réglementation examinée ait une portée réduite et des conséquences pratiques négligeables, dans la mesure où elle a été très rarement appliquée et n’a pas encore mené à des condamnations d’organisations ou de personnes, et qu’elle ne déploie donc aucun effet dissuasif démontrable, force est de constater que, selon une jurisprudence constante, le recours en manquement a un caractère objectif et, en conséquence, le manquement aux obligations qui incombent aux États membres en vertu du traité ou du droit dérivé est considéré comme existant, quelles que soient l’ampleur ou la fréquence des situations incriminées (24).

41.      En troisième lieu, contrairement à l’argument avancé par le gouvernement hongrois lors de l’audience, il ne saurait être considéré que les comportements antérieurs à l’ouverture d’une procédure d’asile (25) ne concernent pas les « demandeurs de protection internationale », au sens des directives 2013/32 et 2013/33. En effet, le statut de demandeur d’asile étant un statut déclaratoire qui existe à partir du moment où la personne a subi des persécutions, celle-ci peut être considérée comme « demandeur de protection internationale » même lorsqu’elle n’a pas encore introduit formellement sa demande. Par ailleurs, par son argument, le gouvernement hongrois assimile de façon erronée la présentation d’une demande de protection internationale à l’introduction de celle-ci. À cet égard, force est de constater que, ainsi que l’a jugé la Cour, une demande de protection internationale est réputée avoir été présentée dès que la personne concernée a manifesté, auprès des autorités nationales compétentes, sa volonté de bénéficier de la protection internationale, sans que la manifestation de cette volonté puisse être soumise à une quelconque formalité administrative (26). D’ailleurs, il serait contraire à l’objectif de la directive 2013/32, qui est de garantir aux personnes ayant besoin d’une protection internationale l’accès à des procédures d’asile juridiquement sûres et efficaces, de n’accorder les droits garantis par cette directive qu’à partir de l’introduction d’une demande de protection internationale.

42.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose de conclure que l’article 353/A du code pénal est susceptible de constituer un obstacle à l’exercice des droits garantis par le droit de l’Union en matière d’aide aux demandeurs de protection internationale.

b)      Sur les éventuelles justifications

43.      S’agissant des éventuelles justifications des restrictions susvisées, en premier lieu, il convient de constater que l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2013/32 et l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2013/33 prévoient la possibilité de justifier des restrictions à l’accès des organisations et des personnes qui fournissent des conseils et des orientations ainsi qu’à l’accès des conseils juridiques et des conseillers aux demandeurs de protection internationale, pourvu que ces restrictions soient objectivement nécessaires à la sécurité, à l’ordre public ou à la gestion administrative des points de passage et n’aient pas pour effet de restreindre considérablement ou de rendre impossible un tel accès.

44.      À cet égard, il suffit de relever que l’article 353/A du code pénal ne prévoit aucune vérification des critères de nécessité et de proportionnalité. Au contraire, cette réglementation, en particulier lue en combinaison avec l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, empêche de facto ou, à tout le moins, restreint considérablement toute activité d’aide aux demandeurs de protection internationale effectuée par des personnes ou des organisations (27).

45.      En second lieu, il convient de rappeler que, si au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 2013/32, la communication avec toute organisation qui fournit des conseils juridiques ou d’autres orientations est effectuée « conformément au droit de l’État membre concerné », cette disposition ne permet pas à l’État membre de remettre en cause ni de restreindre de manière disproportionnée l’effectivité des droits qu’elle garantit.

46.      Il me semble donc que les obstacles que la réglementation nationale, à savoir l’article 353/A du code pénal, pose à l’exercice des droits garantis à l’article 8, paragraphe 2, à l’article 12, paragraphe 1, sous c), et à l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/32, ainsi qu’à l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2013/33, ne sont pas justifiés au sens de ces dernières dispositions.

47.      Partant, je propose d’accueillir la première branche du second grief de la Commission et de constater que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de l’article 12, paragraphe 1, sous c), et de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/32, ainsi que de l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2013/33.

2.      Sur la seconde branche du second grief, relative à l’article 46/F de la loi sur la police

48.      L’article 46/F de la loi sur la police prévoit que les policiers empêchent toute personne faisant l’objet de poursuites pénales, notamment pour l’infraction de facilitation de l’immigration irrégulière prévue à l’article 353/A du code pénal, d’entrer dans un périmètre situé à une distance inférieure à huit kilomètres de la frontière ou du marqueur frontalier correspondant à la frontière extérieure du territoire hongrois, ou exigent que cette personne quitte cette zone si elle s’y trouve.

49.      Selon moi, l’article 46/F de la loi sur la police, qui introduit une interdiction supplémentaire à l’encontre des personnes ou des organisations poursuivies pour des infractions au sens strict, accroît indéniablement les effets négatifs des dispositions auxquelles cet article est rattaché, y compris l’article 353/A du code pénal.

50.      Cela étant, il me semble que, à lui seul, l’article 46/F de la loi sur la police ne soulève pas de problèmes de compatibilité avec les dispositions pertinentes du droit de l’Union. En effet, à mon avis, cet article constitue l’application légitime d’une règle générale selon laquelle les autorités de police interdisent aux personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions pénales l’accès à des endroits « sensibles », notamment aux endroits où ces personnes sont soupçonnées d’avoir commis une infraction ou pourraient réitérer celle-ci.

51.      En outre, le fait que l’interdiction vise des personnes simplement « soupçonnées » d’une infraction me semble conforme au caractère provisoire et conservatoire de cette interdiction. D’ailleurs, le caractère proportionné de cette réglementation découle du fait que celle-ci ne s’applique qu’à des personnes « faisant l’objet de poursuites pénales » et que, comme le relève le gouvernement hongrois, des soupçons relativement graves ou fondés sur des éléments concrets sont nécessaires pour exercer l’action pénale.

52.      De surcroît, il me semble que la Commission ne soulève pas d’arguments qui démontrent le caractère intrinsèquement restrictif de l’article 46/F de la loi sur la police, mais se contente de souligner que cette disposition accroît l’effet restrictif de l’article 353/A du code pénal.

53.      Partant, j’estime que, si l’article 353/A du code pénal, lu seul ou en combinaison avec l’article 46/F de la loi sur la police, constitue une entrave au droit des demandeurs de protection internationale de pouvoir consulter des organisations, des personnes ou des conseils juridiques et au droit corrélatif de ces organisations, personnes et conseils d’avoir accès à ces demandeurs, ce n’est, en revanche, pas le cas de l’article 46/F de la loi sur la police, considéré isolément et au regard des circonstances de l’espèce.

54.      Je considère par conséquent qu’il y a lieu de rejeter la seconde branche du second grief de la Commission.

VI.    Sur les dépens

55.      Conformément à l’article 138, paragraphe 3, première phrase, du règlement de procédure de la Cour, chaque partie supporte en principe ses propres dépens si, comme en l’espèce, les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, en vertu de la deuxième phrase de cette disposition, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte également une fraction des dépens de l’autre partie.

56.      Dans le cadre de la conclusion proposée, la Commission obtient gain de cause dans une large mesure, tandis que les arguments de la Hongrie ne sont accueillis qu’en ce qui concerne une petite partie de l’objet du litige, à savoir la seconde branche du second grief. Dès lors, il apparaît justifié, en l’espèce, de mettre à charge de la Hongrie, outre ses propres dépens, quatre cinquièmes des dépens de la Commission, tandis que celle‑ci supportera un cinquième de ses propres dépens.

VII. Conclusion

57.      Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

–        constater que la Hongrie, d’une part, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, en introduisant un nouveau motif d’irrecevabilité des demandes de protection internationale s’ajoutant aux motifs établis de façon exhaustive par cette disposition et, d’autre part, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de l’article 12, paragraphe 1, sous c), et de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/32, ainsi que de l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, en érigeant en infraction pénale l’activité d’organisation visant à permettre l’ouverture d’une procédure d’asile par des personnes ne remplissant pas les critères pour l’octroi de la protection internationale établis par le droit national ;

–        rejeter le recours pour le surplus ;

–        condamner la Hongrie à supporter ses propres dépens, ainsi que quatre cinquième des dépens de la Commission européenne, et condamner la Commission à supporter un cinquième de ses propres dépens.


1      Langue originale : le français.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96).


4      C‑564/18, ci-après l’« arrêt Tompa », EU:C:2020:218.


5      C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, ci-après l’« arrêt Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság », EU:C:2020:367.


6      JO 2011, L 337, p. 9.


7      Magyar Közlöny 2007/83.


8      Magyar Közlöny 2018/97.


9      Magyar Közlöny 2012/92.


10      JO 2016, L 77, p. 1.


11      Magyar Közlöny 1994/41.


12      Arrêt Tompa, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée.


13      Arrêt Tompa, point 55.


14      Arrêt Tompa, point 51.


15      Arrêt Tompa, point 52.


16      Arrêt Tompa, point 56 et dispositif.


17      Arrêt Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság, points 148 à 165.


18      Voir points 5 à 8 des présentes conclusions.


19      Magyar Közlöny 2019/7.


20      Décision no 3/2019, points 79 à 82.


21      En tout état de cause, cette appréciation ne changerait pas dans l’hypothèse d’une abrogation de l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, puisque l’article 353/A du code pénal vise notamment la situation d’une « personne qui ne subit pas de persécutions dans [...] tout autre pays par lequel elle est arrivée », notion très large qui pourrait bien s’appliquer dans le sens d’exclure de la protection internationale tout demandeur transitant (nécessairement) par la Serbie.


22      Directive du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers (JO 2002, L 328, p. 17).


23      Décision no 3/2019, points 68 à 71.


24      Voir arrêts du 30 janvier 2003, Commission/Danemark (C‑226/01, EU:C:2003:60, point 32 et jurisprudence citée), ainsi que du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement) (C‑122/18, EU:C:2020:41, point 64).


25      Lors de l’audience, le gouvernement hongrois a précisé que, lorsqu’il mentionne l’« ouverture » de la procédure d’asile, l’article 353/A du code pénal se réfère à la phase qui suit l’introduction de la demande de protection internationale.


26      Voir arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale) (C‑808/18, EU:C:2020:1029, point 97 et jurisprudence citée). En effet, ainsi que l’a relevé l’avocat général Pikamäe dans ses conclusions dans cette affaire (C‑808/18, EU:C:2020:493, points 53 et 68), la directive 2013/32 établit une distinction entre, d’une part, la présentation d’une demande de protection internationale, qui n’est que la manifestation ou l’expression de la part des personnes concernées, sans aucune formalité administrative, de la crainte d’être renvoyées dans leur pays et, d’autre part, l’introduction d’une telle demande.


27      Voir points 32 à 41 des présentes conclusions.