Language of document : ECLI:EU:F:2011:67

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

26 mai 2011


Affaire F‑40/10


Giorgio Lebedef

contre

Commission européenne

« Fonction publique – Fonctionnaires – Congé annuel – Absence intervenue après épuisement du congé annuel et sans autorisation préalable – Perte du bénéfice de la rémunération – Article 60 du statut »

Objet :      Recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis, par lequel M. Lebedef demande l’annulation de la décision du directeur général d’Eurostat, du 11 août 2009, lui faisant perdre le bénéfice de sa rémunération pour cinq jours et demi, en raison d’absences (correspondant à ce nombre de jours) intervenues après épuisement de son congé annuel et sans autorisation préalable de son supérieur hiérarchique.

Décision :      Le recours est rejeté. Le requérant supporte l’ensemble des dépens.

Sommaire

1.      Fonctionnaires – Congés – Congé annuel – Congé entraînant un solde négatif – Nécessité d’une demande d’autorisation préalable – Fonctionnaire en détachement à 50 % en tant que représentant syndical – Absence d’incidence

(Statut des fonctionnaires, art. 60)

2.      Fonctionnaires – Congés – Congé annuel – Régime mis en place par la Commission – Congé entraînant un solde négatif – Demande d’autorisation préalable – Obligation de motivation

(Statut des fonctionnaires, art. 60)

3.      Fonctionnaires – Absence irrégulière – Régularisation postérieure – Conditions

(Statut des fonctionnaires, art. 60)

4.      Fonctionnaires – Décision faisant grief – Obligation de motivation – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 25)

5.      Fonctionnaires – Recours – Acte faisant grief – Décision s’inscrivant dans le contexte d’un harcèlement moral – Exigence d’un lien entre le harcèlement et la décision attaquée

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

6.      Fonctionnaires – Harcèlement moral – Notion

(Statut des fonctionnaires, art. 12 bis, § 3)

1.      Il ressort de la lettre de l’article 60 du statut qu’un congé annuel entraînant un solde négatif nécessite une autorisation préalable de la part du supérieur hiérarchique de l’intéressé. À cet égard, un fonctionnaire n’ayant pas obtenu une telle autorisation ne saurait se prévaloir de ce qu’il ne travaille pas de facto pour son service du fait qu’il bénéficie d’un détachement à 50 % en tant que représentant syndical.

Or, en vertu du principe selon lequel la contravention ne saurait profiter au contrevenant, les absences irrégulières du fonctionnaire durant les 50 % restants ne sauraient le dispenser du respect des règles en matière de congé. Dès lors, en s’absentant sans vérifier auparavant si sa demande de congé a été acceptée, le fonctionnaire se place dans une situation d’absence irrégulière au regard de la condition de l’autorisation préalable de la part de son supérieur hiérarchique.

(voir points 26 et 30)

Référence à :

Tribunal de l’Union européenne : 16 décembre 2010, Lebedef/Commission, T‑364/09 P, et Lebedef/Commission, T‑52/10 P

Tribunal de la fonction publique : 7 juillet 2009, Lebedef/Commission, F‑39/08 ; 30 novembre 2009, Lebedef/Commission, F‑54/09

2.      Dans le cadre des dispositions d’application en matière de congés adoptées par la Commission, un congé annuel entraînant un solde négatif nécessite une autorisation préalable de la part du supérieur hiérarchique de l’intéressé, autorisation qui ne peut être accordée qu’à titre exceptionnel et à la suite d’une demande motivée. Étant donné que cette autorisation doit être donnée avant le départ en congé de l’intéressé, il doit forcément en aller de même pour la motivation sur la base de laquelle le supérieur hiérarchique décide s’il y a lieu ou non d’accorder l’autorisation demandée. Dès lors, une demande ne peut pas être tenue pour motivée lorsque les explications sont fournies postérieurement et ne sont pas à la disposition du supérieur hiérarchique au moment où celui-ci décide de ne pas faire droit à la demande de congé. Par conséquent, on ne saurait faire grief au supérieur hiérarchique de ne pas avoir donné suite à une telle demande.

Par ailleurs, le fait que l’autorisation préalable requise n’est accordée qu’à titre exceptionnel et sous la responsabilité du supérieur hiérarchique de l’intéressé implique forcément que l’administration dispose d’une large marge d’appréciation en la matière, qu’elle exerce en vertu de son pouvoir d’organisation interne.

(voir points 26, 31 et 32)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : 7 juillet 2009, Lebedef/Commission, F‑39/08, point 55 ; 30 novembre 2009, Lebedef/Commission, F‑54/09, point 48

3.      Des attestations tardives certifiant la présence du fonctionnaire à la représentation syndicale ou statutaire ne sauraient permettre de valider postérieurement ses absences irrégulières, une telle validation ne pouvant intervenir que dans le cas de maladie ou d’accident, en vertu de l’article 60 du statut. En tout état de cause, même en présence d’attestations ex post, l’administration compétente doit pouvoir garder un certain droit de contrôle et apprécier le bien-fondé d’une régularisation postérieure de l’absence considérée comme irrégulière.

(voir point 32)

4.      Il peut être remédié à un éventuel défaut de motivation d’une décision d’une institution de l’Union, prise à l’encontre d’un fonctionnaire, par une motivation adéquate fournie au stade de la réponse à la réclamation, cette dernière motivation étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation a été dirigée.

(voir point 38)

Référence à :

Tribunal de première instance : 18 septembre 2003, Lebedef e.a./Commission, T‑221/02, point 62

Tribunal de la fonction publique : 7 novembre 2007, Hinderyckx/Conseil, F‑57/06, point 25

5.      Ce n’est pas parce que l’existence d’un harcèlement moral subi par un fonctionnaire serait démontrée que toute décision faisant grief à ce fonctionnaire et intervenant, d’un point de vue temporel, dans le contexte du harcèlement serait pour autant illégale; encore faudrait-il qu’apparaisse un lien entre le harcèlement en cause et les motifs de la décision contestée.

(voir point 42)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : 24 février 2010, Menghi/ENISA, F‑2/09, point 69 ; 4 avril 2011, AO/Commission, F‑45/10, point 39

6.      Un refus de congé en vue d’assurer le bon fonctionnement du service ne peut pas être considéré, en principe, comme une manifestation de harcèlement. Ceci est d’autant plus valable lorsque le fonctionnaire omet d’accomplir les formalités administratives requises en n’obtenant pas l’autorisation préalable de son supérieur hiérarchique avant de s’absenter. Pour les mêmes motifs, le fonctionnaire ne saurait valablement prétendre que le refus opposé à sa demande de congé ou la non- régularisation ultérieure de cette demande est un élément de comportement susceptible d’être qualifié de harcèlement moral.

(voir points 45 et 46)

Référence à :

Tribunal de première instance : 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, point 78 ; 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, point 107