Language of document : ECLI:EU:F:2010:17

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

9 mars 2010 (*)

« Fonction publique — Fonctionnaires — Recours en indemnité — Recevabilité — Harcèlement moral — Devoir de sollicitude — Préjudice moral »

Dans l’affaire F‑26/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

N, fonctionnaire de la Commission européenne, auparavant fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes K. Zejdová et R. Ignătescu, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, H. Kreppel et H. Tagaras, juges,

greffier : Mme S. Cidéron, assistante,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er décembre 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 2009, N demande la condamnation du Parlement européen à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation des préjudices causés, d’une part, par le harcèlement moral et professionnel dont il aurait été victime pendant la période allant du 16 août 2006 au 1er mai 2007, et, d’autre part, par l’absence d’ouverture d’une enquête administrative interne par un organe indépendant.

 Cadre juridique

2        L’article 12 bis du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« 1. Tout fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel.

2. Le fonctionnaire victime de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution. Le fonctionnaire ayant fourni des preuves de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi.

3. Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

[…] »

3        Aux termes de l’article 24 du statut :

« Les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

1.     Sur la période d’activité du requérant au Parlement du 16 août 2006 au 1er mai 2007

4        Le requérant, fonctionnaire de grade AST 6 de la Commission des Communautés européennes, a été transféré au Parlement le 16 août 2006. Il a été affecté, à un poste d’assistant vacant depuis plusieurs mois, à la commission parlementaire « Emploi et affaires sociales » (ci-après la « commission parlementaire ») au sein de la direction A « Politiques économiques et scientifiques » de la direction générale (DG) « Politiques internes ».

5        Peu de temps après son arrivée, le requérant aurait été soumis à une charge de travail très importante liée au fait que son supérieur hiérarchique n’aurait pas pris en considération qu’il était en phase d’apprentissage. En outre, le requérant estime avoir fait très rapidement l’objet d’un comportement hostile de la part, d’abord, de la secrétaire de son supérieur hiérarchique, puis de son supérieur hiérarchique lui-même, et enfin, des autres collègues du service. Il aurait été en particulier victime d’agressions verbales répétées et d’une campagne de dénigrement concernant tant son travail que ses activités politiques en Belgique.

6        Au cours des six premiers mois de fonctions, le requérant a suivi différents modules de formation, notamment sur ITER, l’outil informatique de gestion des activités des commissions parlementaires.

7        Lors d’une audition de la commission parlementaire, le 23 novembre 2006, le requérant estime avoir été humilié par la secrétaire de son supérieur hiérarchique devant les membres de ladite commission au sujet de l’aménagement de la salle où se tenait l’audition.

8        Le 8 décembre 2006, le chef d’unité du requérant, son supérieur hiérarchique, a eu un entretien avec lui pour faire le point sur son travail et, à cette occasion, en raison notamment des difficultés relationnelles rencontrées de part et d’autre, lui a conseillé de se mettre en relation avec le service de gestion du personnel de la DG « Politiques internes » afin d’étudier les éventuelles possibilités de mutation.

9        Fin décembre 2006, le requérant a rencontré la responsable de la gestion du personnel de la DG « Politiques internes », qui lui a présenté les postes vacants sur lesquels il était susceptible d’être muté.

10      Par courriels des 15 et 16 janvier 2007, le requérant a fait part à la directrice de la direction A « Politiques économiques et scientifiques » relevant de la DG « Politiques internes », et supérieure hiérarchique de son chef d’unité, de la situation de harcèlement moral dont il s’estimait victime, et lui a demandé à pouvoir bénéficier rapidement d’une mutation dans un autre service du Parlement.

11      Du 16 janvier au 26 janvier 2007, le requérant a été en congé de maladie.

12      Le 7 février 2007, il a présenté une demande de congé annuel pour Pâques, du 26 mars au 4 avril 2007, qui a été refusée par son supérieur hiérarchique pour raison de service.

13      Le requérant a été de nouveau en congé de maladie du 12 au 16 février 2007.

14      Le 19 février 2007, il a informé son supérieur hiérarchique, par courriel, de la nécessité pour lui de suivre quotidiennement un traitement médical d’une durée d’une heure et demie, ce qui l’obligeait à cesser son travail à 17 h 30.

15      Par courriel du même jour, le supérieur hiérarchique du requérant a répondu qu’il devait recevoir une notification officielle « de cette disposition » par le service médical.

16      Le 20 février 2007, le requérant a eu un entretien avec la nouvelle responsable de la gestion du personnel de la DG « Politiques internes » au cours duquel a notamment été envisagée la possibilité d’une mutation sur un poste d’initiateur financier.

17      Le 21 février 2007, le requérant a reçu un ordre de mission pour se rendre à Strasbourg du 12 au 15 mars 2007.

18      Du 22 février au 1er mai 2007, il a de nouveau été placé en congé de maladie.

19      Le 26 février 2007, le requérant a saisi le comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail (ci-après le « comité consultatif sur le harcèlement moral »).

20      Le 22 mars 2007, le requérant a été entendu par le comité consultatif sur le harcèlement moral.

21      Le 1er mai 2007, le requérant a été transféré à la Commission, et affecté à un poste de la DG « Entreprises et industrie ».

2.     Sur la procédure de notation au titre de l’année 2006

22      Le 20 février 2007, le chef d’unité du requérant, premier notateur, a établi le projet de rapport de notation le concernant pour la période allant du 16 août au 31 décembre 2006.

23      Le 21 février 2007, le requérant a présenté ses observations sur le projet de rapport de notation 2006.

24      Le 27 mars 2007 a eu lieu l’entretien de notation entre le requérant et son chef d’unité. À la suite de cet entretien et d’une intervention du président du comité consultatif sur le harcèlement moral, le premier notateur a atténué certaines appréciations défavorables et diminué leur nombre dans le projet de rapport de notation 2006.

25      Le rapport de notation ainsi modifié (ci-après le « rapport de notation 2006 »), après avoir été contresigné par le notateur final le 25 avril 2007, a été notifié au requérant le 23 mai 2007.

26      Le 10 juillet 2007, le requérant a saisi le comité des rapports du Parlement.

27      Le 5 septembre 2007, le comité des rapports a estimé que la procédure de notation suivie au titre de l’exercice 2006 avait été régulière.

28      Par décision du 12 septembre 2007, le secrétaire général du Parlement a adopté le rapport de notation 2006 sans y apporter de modification.

29      Par décision du 22 mai 2008, le président du Parlement a rejeté la réclamation que le requérant avait formée, le 10 décembre 2007, contre ce rapport.

30      Le 22 août 2008, le requérant a présenté un recours, enregistré au greffe du Tribunal sous la référence F‑71/08, dirigé notamment contre le rapport de notation 2006.

31      Par arrêt du 10 novembre 2009, N/Parlement (F‑71/08, RecFP p. I‑A‑1‑429 et II‑A‑1‑2319), le Tribunal a annulé le rapport de notation 2006, au motif que le Parlement avait commis une erreur manifeste d’appréciation en évaluant le requérant sans avoir pris en considération la circonstance qu’il ne s’était pas vu assigner d’objectifs en début d’exercice.

3.     Sur la procédure de notation au titre de l’année 2007

32      Le 25 avril 2007, le chef d’unité du requérant, premier notateur, a établi le projet de rapport de notation de l’intéressé pour la période allant du 1er janvier au 30 avril 2007.

33      Le rapport de notation a été notifié au requérant par lettre du 13 décembre 2007 (ci-après le « rapport de notation 2007 »).

34      Le 12 novembre 2008, le requérant a présenté un recours, enregistré au greffe du Tribunal sous la référence F‑93/08, dirigé notamment contre le rapport de notation 2007.

35      Par arrêt du 10 novembre 2009, N/Parlement (F‑93/08, RecFP p. I‑A‑1‑433 et II‑A‑1‑2339), le Tribunal a rejeté ce recours.

4.     Sur la demande indemnitaire faisant l’objet du présent recours

36      Le 10 janvier 2008, le requérant a présenté une demande, sur le fondement des dispositions de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tendant à l’octroi d’une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral et professionnel dont il aurait été victime pendant sa période d’affectation au Parlement.

37      Par décision du 3 juin 2008, le secrétaire général du Parlement a rejeté cette demande.

38      Par lettre du 3 septembre 2008, le requérant a, d’une part, introduit une réclamation contre la décision du 3 juin 2008, et, d’autre part, présenté une demande tendant à la réparation du préjudice résultant de la méconnaissance par le Parlement de son obligation d’assistance.

39      Par décision du 18 décembre 2008, le président du Parlement a rejeté la réclamation et la demande susmentionnées.

 Procédure et conclusions des parties

40      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner le Parlement à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation, d’une part, des préjudices qu’il a subis du fait du harcèlement moral et professionnel dont il a été victime pendant la période allant du 16 août 2006 au 1er mai 2007, d’autre part, de l’absence d’ouverture d’une enquête administrative interne par un organe indépendant ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

41      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

42      Le requérant présente formellement dans sa requête, d’une part, des conclusions tendant à la réparation des préjudices qu’il aurait subis du fait du harcèlement moral dont il aurait été victime au cours de la période allant du 16 avril 2006 au 30 avril 2007 et, d’autre part, des conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de l’absence d’ouverture d’une enquête administrative, caractérisant selon lui une méconnaissance de l’obligation d’assistance du Parlement à son égard.

43      Toutefois, dans le corps de la requête, dans la partie relative au harcèlement moral, le requérant demande également la réparation des préjudices résultant des agissements non décisionnels et des décisions qu’il a invoquées au soutien du harcèlement moral, en tant simplement qu’ils méconnaissent le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration. Il y a lieu de regarder ces conclusions comme étant distinctes des conclusions liées au harcèlement moral invoqué et de les examiner séparément.

1.     Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de la méconnaissance de l’obligation d’assistance

44      Il résulte des termes de la lettre du 3 septembre 2008 qu’elle comporte deux volets : d’une part, une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 3 juin 2008, et, d’autre part, une demande tendant à la réparation du préjudice résultant de la méconnaissance par le Parlement de son obligation d’assistance.

45      Le requérant soutient que le Parlement a méconnu son obligation d’assistance, dès lors qu’il n’a pas procédé à une enquête administrative alors qu’il était saisi d’une dénonciation de faits constitutifs de harcèlement moral.

46      Selon une jurisprudence constante, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination dans les délais impartis d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut, alors, être dirigée, et ce n’est qu’après le rejet, explicite ou implicite, de cette réclamation, qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (arrêts du Tribunal de première instance du 25 septembre 1991, Marcato/Commission, T‑5/90, Rec. p. II‑731, points 49 et 50, et du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T‑500/93, RecFP p. I‑A‑335 et II‑977, points 64 et 66).

47      Il a par ailleurs été jugé, d’une part, que les décisions par lesquelles l’administration ne satisfait pas à son obligation d’assistance constituent des actes faisant grief (voir notamment, en ce qui concerne les décisions expresses de refus d’assistance, arrêt du Tribunal de première instance du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑249/04, RecFP p. I‑A‑2‑181 et II‑A‑2‑1219, point 32 ; en ce qui concerne les décisions implicites de refus d’assistance, arrêt du Tribunal de première instance du 6 novembre 1997, Ronchi/Commission, T‑223/95, RecFP p. I‑A‑321 et II‑879, points 25 à 31 ; en ce qui concerne les décisions d’assistance jugées insuffisantes, arrêt du Tribunal de première instance du 26 octobre 1993, Caronna/Commission, T‑59/92, Rec. p. II‑1129, point 100), et, d’autre part, qu’il appartient, en principe, au fonctionnaire qui estime pouvoir se prévaloir de l’article 24 du statut de présenter une demande d’assistance à l’institution dont il relève. Seules certaines circonstances exceptionnelles peuvent obliger l’institution à procéder, sans demande préalable de l’intéressé, mais de sa propre initiative, à une action d’assistance déterminée. En l’absence de telles circonstances, l’abstention de l’institution de porter spontanément assistance à ses fonctionnaires et agents ne constitue pas un acte faisant grief (arrêt de la Cour du 12 juin 1986, Sommerlatte/Commission, 229/84, Rec. p. 1805, point 20 ; arrêt du Tribunal de première instance du 18 décembre 2008, Belgique et Commission/Genette, T‑90/07 P et T‑99/07 P, Rec. p. II‑3859, points 101 à 103, et arrêt du Tribunal du 31 mai 2006, Frankin e.a./Commission, F‑91/05, RecFP p. I‑A‑1‑25 et II‑A‑1‑83, point 24).

48      En l’espèce, eu égard à la jurisprudence précitée, le dommage dont la réparation est demandée par le requérant ne peut résulter que d’un acte faisant grief. En conséquence, la recevabilité des conclusions indemnitaires susmentionnées dépend de l’existence ou non d’une décision de refus d’assistance au moment où elles ont été présentées.

49      Or, il est constant que le requérant n’a à aucun moment formellement présenté au Parlement de demande d’assistance sur le fondement des dispositions de l’article 24 du statut. Même interprétée dans un esprit d’ouverture, la lettre du 10 janvier 2008, par laquelle le requérant a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une demande indemnitaire fondée sur le harcèlement moral et la méconnaissance du devoir de sollicitude, ne peut pas s’analyser ainsi (voir arrêt Belgique et Commission/Genette, précité, points 101 à 103). Ne peut davantage être regardée comme une demande d’assistance sur le fondement de l’article 24 du statut la réclamation du 3 septembre 2008. Par ailleurs, aucune circonstance exceptionnelle n’est invoquée par le requérant qui aurait justifié que le Parlement intervînt de façon spontanée.

50      À supposer que la décision du 18 décembre 2008, par laquelle le Parlement a rejeté la réclamation et la demande contenues dans la lettre du 3 septembre 2008, puisse s’analyser comme une décision de refus d’assistance, les conclusions indemnitaires susmentionnées n’en demeureraient pas moins irrecevables pour défaut de présentation d’une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

51      Ainsi, dès lors que le requérant n’a pas respecté la procédure précontentieuse prévue par les dispositions des articles 90 et 91 du statut, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice résultant de la méconnaissance par le Parlement de son obligation d’assistance doivent être rejetées comme irrecevables.

2.     Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant du harcèlement moral et professionnel et de la méconnaissance du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

 Arguments des parties

52      Le requérant soutient que pendant la période allant du 16 août 2006 au 1er mai 2007, d’une part, il a été victime de harcèlement moral, d’autre part, l’administration a manqué à son devoir de sollicitude et méconnu le principe de bonne administration. Il soutient aussi en termes généraux et abstraits que le Parlement aurait méconnu les articles 25, paragraphe 2, et 43 du statut, aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation et un détournement de pouvoir.

53      Le requérant rappelle en premier lieu l’interprétation qu’a donnée la jurisprudence récente du Tribunal de la notion de harcèlement moral. Aux termes de cette jurisprudence, seraient constitutifs d’un tel harcèlement, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, des agissements ayant pour effet de porter objectivement atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique de l’intéressé.

54      En deuxième lieu, le requérant énumère les différentes manifestations de harcèlement moral dont il estime avoir été victime au cours de la période susmentionnée. Ainsi, dès son arrivée au Parlement, il aurait fait l’objet d’un comportement agressif de la part de la secrétaire de son supérieur hiérarchique. Par ailleurs, son chef de service l’aurait immédiatement mis sous pression quant à la réalisation de son travail sans même lui laisser une période transitoire d’apprentissage et d’adaptation. Trois mois après son arrivée au Parlement, son chef de service l’aurait incité à quitter le plus rapidement possible la commission parlementaire en l’invitant à se mettre en relation avec le service du personnel. Le requérant aurait également été victime d’agressions verbales répétées de la part de son chef de service et de sa secrétaire et aurait fait l’objet d’une mise à l’écart dans le service.

55      En outre, le Parlement, bien qu’informé des problèmes que le requérant rencontrait dans son service, n’aurait pris aucune mesure telle qu’une mutation.

56      Le harcèlement moral dont le requérant aurait été victime serait également caractérisé par le refus de congé annuel pour Pâques qui lui aurait été opposé, par le refus de lui permettre de suivre un traitement médical journalier, et par son envoi en mission à Strasbourg.

57      Enfin, les rapports de notation 2006 et 2007, eu égard à leur contenu très négatif, seraient également des manifestations du harcèlement moral dont le requérant aurait été victime pendant la période susmentionnée.

58      En troisième lieu, le requérant fait valoir que les agissements et les décisions invoqués au titre du harcèlement moral constitueraient aussi des manquements au devoir de sollicitude et au principe de bonne administration.

59      En défense, le Parlement rappelle, à titre liminaire, que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle d’une institution envers ses fonctionnaires est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué.

60      Le Parlement fait ensuite valoir que la première de ces conditions n’est pas remplie, dès lors qu’il n’est pas établi que le comportement de certains de ses agents à l’encontre du requérant serait constitutif d’un harcèlement moral.

61      Le Parlement soutient, en premier lieu, que le requérant n’établit nullement que les tâches et le volume de son travail ne correspondraient pas à ceux d’un assistant d’une commission parlementaire.

62      Le Parlement estime, en deuxième lieu, que le requérant n’apporterait pas d’éléments probants au soutien de ses allégations relatives aux remarques désobligeantes dont il aurait régulièrement fait l’objet pendant sa période d’activité au Parlement. Si le Parlement reconnaît que les relations de travail entre le requérant et certains de ses collègues se sont progressivement détériorées, il rappelle que des rapports conflictuels entre un agent et son supérieur hiérarchique ou des collègues ne caractérisent pas à eux seuls un harcèlement moral.

63      En troisième lieu, le Parlement fait valoir qu’après avoir été informé des difficultés que le requérant rencontrait à son poste de travail, notamment par des courriels de ce dernier, il a pris rapidement des mesures pour tenter de remédier à cette situation. Le requérant aurait ainsi eu très vite des entretiens avec des agents du service du personnel au cours desquels sa mutation dans un autre service aurait été envisagée. Cette solution n’aurait pu finalement aboutir en raison du retour précipité du requérant à la Commission.

64      En quatrième lieu, le Parlement, après avoir rappelé que le refus d’accorder un congé annuel afin d’assurer le bon fonctionnement du service ne peut être considéré comme la manifestation d’un harcèlement moral, relève qu’en l’espèce, il n’est pas établi que le refus de congé invoqué par le requérant aurait eu un autre motif que l’intérêt du service.

65      En cinquième lieu, le Parlement soutient que le requérant ne s’est pas vu refuser de suivre le traitement médical journalier qui lui était nécessaire. En l’absence de présentation par le requérant d’un certificat médical, son supérieur hiérarchique se serait borné à lui indiquer qu’il devait être informé de ses empêchements médicaux par le service médical de l’institution. En toute hypothèse, eu égard aux congés de maladie dont il a bénéficié jusqu’à son transfert à la Commission, le requérant aurait été mis à même de suivre le traitement médical en cause. Par ailleurs, la circonstance que des courriels lui auraient été envoyés pendant son congé de maladie, l’informant des tâches à accomplir lors de son retour, ne saurait caractériser un harcèlement moral car ces courriels n’avaient pour but que d’assurer la continuité du service.

66      En dernier lieu, le Parlement estime que les rapports de notation 2006 et 2007 ne révèlent pas de harcèlement moral.

67      S’agissant des deux autres conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle, le Parlement fait valoir qu’elles ne sont, elles non plus, pas satisfaites. D’une part, le requérant ne produirait aucun élément de nature à justifier la réalité et le caractère certain du préjudice moral dont il demande réparation, d’autre part, il n’établirait pas le lien de causalité existant entre les préjudices invoqués, notamment l’état de santé, et les conditions de travail au Parlement.

 Appréciation du Tribunal

68      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle d’une institution, en sa qualité d’employeur, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec. p. I‑1981, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, Rec. p. I‑833, point 52 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 mai 2009, M/EMEA, T‑12/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑31 et II‑B‑1‑159, point 98). Ces trois conditions sont cumulatives. L’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire.

 En ce qui concerne l’existence d’un comportement illégal

–       Sur les moyens formulés en termes généraux et abstraits

69      Le requérant soutient, en termes généraux et abstraits, que le Parlement aurait eu un comportement illégal consistant en une violation des articles 25, paragraphe 2, et 43 du statut, en un détournement de pouvoir et en des erreurs manifestes d’appréciation.

70      Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’exposé des moyens et arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal de première instance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20 ; ordonnance du Tribunal du 26 juin 2008, Nijs/Cour des comptes, F‑1/08, RecFP p. I‑A‑1‑229 et II‑A‑1‑1231, point 24). Il en est d’autant plus ainsi que, selon l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la phase écrite de la procédure devant le Tribunal ne comporte, en principe, qu’un seul échange de mémoires, sauf décision contraire du Tribunal. Cette dernière particularité de la procédure devant le Tribunal explique que, à la différence de ce qui est prévu devant la Cour ou le Tribunal de l’Union européenne par l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, l’exposé des moyens et arguments dans la requête ne saurait être sommaire (arrêt du Tribunal du 4 juin 2009, Adjemian e.a./Commission, F‑134/07 et F‑8/08, RecFP p. I‑A‑1‑149 et II‑A‑1‑841, point 76, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑325/09 P).

71      Ainsi, les moyens susmentionnés, tels qu’ils sont présentés, ne respectent pas les dispositions de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 21 du statut de la Cour et sont, par suite, irrecevables.

–       Sur le harcèlement moral

72      L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut définit le harcèlement moral comme une « conduite abusive » qui requiert, pour être établie, que deux conditions cumulatives soient satisfaites. La première condition est relative à l’existence de comportements, paroles, actes, gestes ou écrits qui se manifestent « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus, et qui sont « intentionnels ». La seconde condition, séparée de la première par la conjonction « et », exige que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. Du fait que l’adjectif « intentionnel » concerne la première condition, et non la seconde, il est possible de tirer une double conclusion. D’une part, les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits, visés par l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, doivent présenter un caractère volontaire, ce qui exclut du champ d’application de cette disposition les agissements qui se produiraient de manière accidentelle. D’autre part, il n’est en revanche pas requis que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, il peut y avoir harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut sans que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader délibérément ses conditions de travail. Il suffit que ses agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 décembre 2008, Q/Commission, F‑52/05, RecFP p. I‑A‑1‑409 et II‑A‑1‑2235, point 135, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑80/09 P).

73      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de statuer sur les griefs tirés de l’existence d’un harcèlement moral, ce qui suppose d’examiner la réalité des différents agissements et de l’abstention reprochés par le requérant à sa hiérarchie et de déterminer si ces agissements et cette abstention ont eu pour effet de porter objectivement atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique de l’intéressé.

74      À l’appui de sa demande indemnitaire, le requérant invoque neuf griefs attestant du harcèlement moral dont il aurait été victime.

75      Le requérant soutient, en premier lieu, que la secrétaire de son supérieur hiérarchique aurait eu, dès son arrivée au Parlement, un comportement agressif à son égard, qu’elle aurait dénigré tant son travail que son engagement politique, et l’aurait humilié publiquement lors d’une audition de la commission parlementaire. En deuxième lieu, le requérant fait valoir qu’il aurait fait l’objet d’agressions verbales répétées de la part de son supérieur hiérarchique et de la secrétaire de ce dernier, désireux semble-t-il de se débarrasser de lui. En troisième lieu il soutient avoir fait l’objet d’un isolement au sein du service de la part de ses collègues. En quatrième lieu, le harcèlement moral dont il se plaint serait également caractérisé par la pression intense que son chef hiérarchique aurait exercée sur lui lors de la réalisation de son travail et par l’absence de prise en compte du fait qu’il était en phase d’apprentissage.

76      Les quatre premiers agissements incriminés par le requérant se rapportent à l’environnement de travail hostile qui aurait été créé par son supérieur hiérarchique et par ses collègues, et doivent donc être examinés conjointement.

77      Il y a lieu tout d’abord de rappeler qu’il a été jugé que le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques, ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 16 avril 2008, Michail/Commission, T‑486/04, RecFP p. I‑A‑2‑25 et II‑A‑2‑139, point 61). En l’espèce, s’il ressort des pièces du dossier que le supérieur hiérarchique du requérant lui a fait part à plusieurs reprises de son mécontentement, notamment par différents courriels dont le ton était vif ; ces courriels, qui concernaient l’insuffisance de ses prestations, sont néanmoins demeurés dans les limites de relations hiérarchiques acceptables, et ne peuvent, par suite, être regardés comme ayant porté atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique du requérant. En outre, s’il n’a pas été contesté par le Parlement que la charge de travail du requérant était importante, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu’il soutient, celui-ci a bénéficié, lors de son arrivée au Parlement, d’une période d’apprentissage, au cours de laquelle il n’a pas assumé la totalité de ses tâches et a pu suivre des formations. S’agissant de sa mise à l’écart dans le service, le requérant n’apporte pas d’éléments suffisamment précis et probants de nature à établir qu’il aurait été victime d’isolement et d’humiliations de la part de certains de ses collègues. Enfin, l’incident qui se serait produit avec la secrétaire de son supérieur hiérarchique le 23 novembre 2006, lors d’une audition de la commission parlementaire, incident que n’a pas sérieusement contesté le Parlement, constitue, quant à lui, un fait trop isolé pour pouvoir être regardé comme une manifestation de harcèlement moral au sens des dispositions de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

78      En cinquième lieu, le requérant soutient que le refus de faire droit à sa demande de congé annuel caractériserait un harcèlement moral. Il importe de rappeler que si, en vertu de l’article 57, premier alinéa, du statut, le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de 24 jours ouvrables au minimum et de 30 jours ouvrables au maximum, il a été jugé qu’un refus de congé annuel en vue d’assurer le bon fonctionnement du service ne saurait être considéré, en tant que tel, comme une manifestation de harcèlement moral (arrêt du Tribunal de première instance du 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, RecFP p. I‑A‑101 et II‑465, point 78 ; arrêt Q/Commission, précité, points 175, et 177 à 179). En l’espèce, il est constant que le supérieur hiérarchique du requérant lui a refusé le congé annuel qu’il avait demandé pour Pâques, pour la période du 26 mars au 4 avril 2007. Toutefois, le Parlement fait valoir, sans être contredit, d’une part, que les 5, 6 et 9 avril 2007 étaient des jours fériés, et, d’autre part, que des réunions de la commission parlementaire étaient prévues les 11 et 12 avril 2007. Dès lors, eu égard à ces circonstances, c’est à bon droit que l’administration a estimé que la préparation des réunions de la commission parlementaire nécessitait la présence du requérant à son poste début avril et refusé pour ce motif, se rattachant au bon fonctionnement du service, le congé sollicité. En conséquence, le refus de congé annuel invoqué ne saurait, dans les circonstances de l’espèce, être regardé comme une manifestation de harcèlement moral au sens des dispositions de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

79      En sixième lieu, le requérant fait valoir que son supérieur hiérarchique aurait refusé qu’il cesse le travail à 17 h 30 pour suivre le traitement médical quotidien dont il avait besoin, ainsi que d’annuler une mission à Strasbourg, du 12 au 15 mars 2007, incompatible avec ce traitement médical quotidien.

80      Il ressort des pièces du dossier que le requérant a, par courriel du 19 février 2007, informé son supérieur hiérarchique de son obligation de quitter chaque jour le service à 17 h 30, afin de pouvoir suivre un traitement médical quotidien d’une heure et demie. S’il est fait référence, dans ce courriel, à un certificat médical, il est constant que le requérant n’a pas joint ce document audit courriel, ni ne l’a communiqué par une autre voie, que ce soit directement à son supérieur hiérarchique, au service médical ou à un autre service du Parlement. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, en l’absence de certificat médical, le supérieur hiérarchique du requérant était fondé, dans sa réponse au courriel du 19 février 2007, à lui rappeler qu’il devait être destinataire d’une « notification officielle du service médical de cette disposition ». Par cette réponse, le supérieur hiérarchique du requérant n’a d’ailleurs pas entendu opposer un refus définitif à la demande du requérant de cesser le travail quotidiennement à 17 h 30. Si le requérant soutient s’être alors adressé par téléphone au service médical pour obtenir la notification officielle requise, lequel se serait borné à le renvoyer vers son supérieur hiérarchique, cette circonstance n’est pas établie. Au demeurant, après la réponse susmentionnée de son supérieur hiérarchique, le requérant a finalement produit un certificat médical sur le fondement duquel il a été placé en congé de maladie du 22 février 2007 au 25 mars 2007, congé de maladie d’ailleurs renouvelé par la suite pendant une longue période sans que le bien-fondé de cette absence soit nullement contesté par sa hiérarchie. Ainsi, la question du maintien de la mission à Strasbourg du 12 au 15 mars 2007 ne s’est-elle plus posée. Il résulte de ce qui précède qu’aucun des deux griefs visés au point 79 n’est établi.

81      En septième lieu, le requérant soutient que son supérieur hiérarchique lui aurait donné, par courriels, des consignes de travail alors qu’il était en congé de maladie.

82      Si le supérieur hiérarchique du requérant a envoyé à ce dernier des courriels pendant un congé de maladie, il ressort de la lecture de ces courriels envoyés vers la messagerie professionnelle du fonctionnaire qu’ils avaient simplement pour objet de préparer le retour au travail de l’intéressé à l’issue d’une absence justifiée pour maladie. Dans ces conditions, l’agissement reproché ne constitue pas la manifestation d’un harcèlement moral.

83      En huitième lieu, le requérant soutient que l’absence de réaction du Parlement à la suite des démarches qu’il avait engagées pour dénoncer la situation dans laquelle il se trouvait révèlerait un comportement constitutif de harcèlement moral.

84      Il est toutefois constant qu’en décembre 2006, le requérant a rencontré la responsable de la gestion du personnel au sein de la DG « Politiques internes », laquelle lui a présenté les postes vacants auxquels il pouvait postuler. À la suite de courriels envoyés les 15 et 16 janvier 2007, il a ensuite été reçu le 1er février 2007 par la directrice de la Direction A « Politiques économiques et scientifiques » pour faire le point sur sa situation professionnelle. Enfin, il a été reçu le 20 février 2007 par la nouvelle responsable du service de la gestion du personnel afin d’envisager à nouveau les éventuelles possibilités de mutation au sein du Parlement. Il est à noter que du 1er janvier au 30 avril 2007, le requérant a été en congé de maladie pendant la quasi-totalité de cette période, et que son transfert à la Commission, le 1er mai 2007, est intervenu de manière rapide. Ces circonstances expliquent que les différentes solutions envisagées avec les services du Parlement n’aient pu aboutir. Il ressort en outre du dossier que le requérant a été entendu par le comité consultatif sur le harcèlement moral, qu’il avait saisi le 26 février 2007, et qu’à la suite de cette audition, le président de ce comité s’est enquis de la situation du requérant auprès de son supérieur hiérarchique, amenant ce dernier à une reformulation du rapport de notation 2006 caractérisée par une diminution sensible du nombre des commentaires négatifs, ainsi que par l’atténuation de leurs termes. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, il apparaît que le Parlement, informé des difficultés relationnelles rencontrées par le requérant dans son service, a agi avec la diligence requise pour tenter de trouver une solution, et qu’en conséquence, l’abstention incriminée n’est pas établie.

85      En dernier lieu, le requérant soutient que ses rapports de notation 2006 et 2007, eu égard aux commentaires très négatifs qu’ils contiennent sur son travail, constituent une manifestation de harcèlement moral.

86      Ainsi que rappelé au point 35 du présent arrêt, le Tribunal a rejeté, par son arrêt du 10 novembre 2009 (F‑93/08), le recours en annulation du requérant dirigé contre le rapport de notation 2007, au motif notamment que l’administration n’avait pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation des prestations du requérant. S’il est vrai que, par arrêt du même jour (F‑71/08), le Tribunal a annulé le rapport de notation 2006 au motif que l’administration avait procédé à l’évaluation du requérant sans lui avoir au préalable défini d’objectifs (voir point 31 du présent arrêt), cette illégalité, pour regrettable qu’elle soit, ne peut être regardée, à elle seule, comme révélatrice d’un comportement de harcèlement moral. De plus, les commentaires dont le requérant a fait l’objet dans ces deux rapports de notation, pour négatifs qu’ils soient, restent dans les limites du large pouvoir d’appréciation du notateur, et en particulier ne franchissent pas la frontière de la critique désobligeante ou blessante envers la personne même de l’intéressé.

87      Ainsi, il résulte de ce qui précède que les faits invoqués par le requérant, pris isolément, soit ne sont pas matériellement établis soit ne peuvent être regardés comme constitutifs d’une « conduite abusive » au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

88      De surcroît, les faits qui sont évoqués, même pris dans leur ensemble, ne sont pas d’une gravité suffisante pour avoir eu objectivement pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique du requérant.

89      Le requérant n’est donc pas fondé à soutenir qu’il aurait été victime de harcèlement moral. La situation dans laquelle le requérant s’est retrouvé est en réalité le résultat, non pas d’un harcèlement moral, mais d’un conflit malheureux né du mécontentement des deux parties à la relation de travail : le requérant a été déçu par la nature des tâches confiées, qui ne lui permettaient pas, comme il l’espérait, d’être associé aux travaux du Parlement, tandis que, de son côté, le Parlement avait à l’égard du requérant des attentes professionnelles élevées et de fortes exigences, que l’intéressé n’a pas été à même de satisfaire.

90      Il s’ensuit que la condition de l’existence d’un comportement illégal de l’institution n’étant pas remplie, la responsabilité de l’administration ne peut être engagée, et que les conclusions indemnitaires fondées sur le harcèlement moral ne peuvent qu’être rejetées.

–       Sur la méconnaissance du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

91      Il est de jurisprudence constante que le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte de l’intérêt du service, mais aussi de l’intérêt du fonctionnaire concerné (arrêt de la Cour du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes, 321/85, Rec. p. 3199, point 18 ; arrêts du Tribunal de première instance du 5 février 1997, Ibarra Gil/Commission, T‑207/95, RecFP p. I‑A‑13 et II‑31, point 75, et du 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, RecFP p. I‑A‑37 et II‑239, point 87).

92      Ce principe rejoint celui de bonne administration, qui impose à l’institution, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et, ce faisant, de tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêt du Tribunal de première instance du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, RecFP p. I‑A‑65 et II‑267, point 42).

93      Le Tribunal estime, eu égard à ce qui a été dit précédemment, que les agissements non décisionnels invoqués par le requérant au titre du harcèlement moral (voir points 74 à 81 du présent arrêt) ne méconnaissent ni le devoir de sollicitude ni le principe de bonne administration.

94      S’agissant des actes décisionnels que sont les rapports de notation, et, en premier lieu, du rapport de notation 2007, le Tribunal a jugé dans son arrêt précité du 10 novembre 2009 (F‑93/08), qu’en adoptant le rapport de notation 2007, le Parlement n’avait méconnu ni son devoir de sollicitude ni le principe de bonne administration (point 100 de l’arrêt).

95      En revanche, l’administration, en évaluant les prestations du requérant dans le rapport de notation 2006, sans avoir pris en considération la circonstance qu’aucun objectif préalable ne lui avait été fixé, a non seulement commis une erreur manifeste d’appréciation, comme le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 10 novembre 2009 (F‑71/08), mais a également méconnu le devoir de sollicitude et de bonne administration.

96      Dans la mesure où le requérant a contesté la légalité du rapport de notation 2006 dans le délai du recours contentieux, et dès lors que sa demande indemnitaire, du 10 janvier 2008, a été présentée dans un délai raisonnable à compter du moment où il a eu connaissance de ce rapport (arrêt du Tribunal du 1er février 2007, Tsarnavas/Commission, F‑125/05, RecFP p. I‑A‑1‑43 et II‑A‑1‑231, points 69 à 71), il est recevable à présenter, par acte séparé, des conclusions tendant à la réparation du préjudice causé par cet acte illégal (voir en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 159 ; du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, points 92 et 96, et du 19 octobre 2006, Pessoa e Costa/Commission, T‑503/04, RecFP p I‑A‑2‑237 et II‑A‑2‑1239, points 58 et 59).

97      Il s’ensuit que la méconnaissance du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration susévoqué est de nature à engager la responsabilité du Parlement.

 En ce qui concerne le préjudice et le lien de causalité avec le comportement illégal

98      Le requérant demande la réparation du préjudice moral et de l’atteinte à sa réputation, à sa carrière et à sa santé.

99      S’agissant de l’atteinte à sa santé, le requérant n’établit pas que la faute commise par le Parlement serait directement en lien avec la détérioration de l’état de santé dont il se prévaut. Par suite, ce chef de préjudice ne peut être retenu.

100    S’agissant de l’atteinte à la réputation et à la carrière, il n’est pas établi que l’illégalité du rapport de notation 2006, lequel n’a fait l’objet d’aucune publicité particulière à l’extérieur de l’institution, ait eu une influence quelconque sur la réputation du requérant ou sur le déroulement de sa carrière. Il ressort au contraire des écritures du requérant lui-même que depuis le 1er mai 2007, date à laquelle il a été réaffecté à la Commission, sa carrière s’y déroule normalement. Ce chef de préjudice ne peut davantage être retenu.

101    S’agissant du préjudice moral, il y a lieu de constater que la seule faute commise par le Parlement est celle qui tient à l’illégalité du rapport de notation 2006, lequel a été annulé par arrêt du 10 novembre 2009 (F‑71/08). Or, il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que ce dernier peut avoir subi (arrêts du Tribunal de première instance du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, point 62, et du 21 janvier 2004, Robinson/Parlement, T‑328/01, RecFP p. I‑A‑5 et II‑23, point 79 ; arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Sundholm/Commission, F‑42/06, RecFP p. I‑A‑1‑437 et II‑A‑1‑2499, point 44).

102    Toutefois, le juge de l’Union a admis certaines exceptions à cette règle.

103    En premier lieu, l’annulation de l’acte illégal de l’administration ne peut constituer une pleine réparation du préjudice moral subi si cet acte comporte une appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, points 25 à 29 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2000, Rudolf/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 98 et du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1865, points 205 et 206).

104    En l’espèce, le rapport de notation 2006 indique à la rubrique « Compétence » : [le requérant] « [n’]’a pas encore maîtrisé les instruments nécessaires (ITER,FDD) ; [a] éprouvé des difficultés à suivre les dossiers et à faire le lien entre les saisines, les décisions des coordinateurs, les calendriers des documents et suivi des plénières ; [e]n phase d’apprentissage », à la rubrique « Rendement » : « [à] améliorer. ITER n’a pas été mis à jour après les réunions ; [é]prouve des difficultés à respecter les délais pour la préparation des [ordres du jour]. et des [f]euilles de [d]ossier », à la rubrique « Conduite » : « [l]e contact avec les membres de l’équipe n’a pas été facile ». Il est constant que ces appréciations sont peu favorables. Néanmoins, elles n’excèdent pas le cadre d’une évaluation objective d’un fonctionnaire par son supérieur hiérarchique (voir par analogie, arrêt du Tribunal de première instance du 6 octobre 2009, Sundholm/Commission, T‑102/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑109 et II‑B‑1‑675, point 48). En outre, elles n’ont fait l’objet d’aucune publicité. En conséquence, ces appréciations ne peuvent être regardées comme explicitement négatives au sens de la jurisprudence citée au point 103 et permettre d’obtenir une indemnité au titre du préjudice moral.

105    En deuxième lieu, l’annulation de l’acte illégal de l’administration ne peut constituer une pleine réparation du préjudice moral subi, lorsque l’illégalité commise est d’une gravité particulière (arrêt du Tribunal de première instance du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, RecFP p. I‑A‑261 et II‑1163, point 68 ; arrêt du Tribunal du 7 juillet 2009, Bernard/Europol, F‑99/07 et F‑45/08, RecFP p. I‑A‑1‑233 et II‑A‑1‑1267, point 106).

106    Toutefois, en l’occurrence, l’illégalité commise par le Parlement n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier l’octroi d’une indemnité au titre du préjudice moral.

107    En troisième lieu, il a été jugé que l’annulation d’un acte, lorsqu’elle est privée de tout effet utile, ne pouvait constituer en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par l’acte annulé (arrêts du Tribunal du 22 octobre 2008, Tzirani/Commission, F‑46/07, RecFP p. I‑A‑1‑323 et II‑A‑1‑1773, point 223 et du 5 mai 2009, Simões Dos Santos/OHMI, F‑27/08, RecFP p. I‑A‑1‑113 et II‑A‑1‑613, points 142 et 143, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑260/09 P).

108    Or, dans le présent litige, l’illégalité du rapport de notation 2006, tirée de l’absence de fixation d’objectifs et de la méconnaissance du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, ne pourra pas être aisément corrigée. En effet, dans le cadre de l’exécution de la chose jugée, il est impossible d’assigner rétroactivement des objectifs à un fonctionnaire et difficile de garantir que les prestations du requérant pourront être évaluées comme elles l’auraient été en présence d’objectifs fixés ab initio. En outre, le requérant a été réaffecté à la Commission où les rapports de notation litigieux n’ont pas été pris en compte pour la gestion de sa carrière, notamment de ses perspectives de promotion. L’élaboration d’un nouveau rapport de notation par le Parlement, à la place du rapport de notation 2006, n’aurait donc pas de portée utile.

109    Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi en attribuant au requérant ex aequo et bono la somme de 2 000 euros.

 Sur les dépens

110    Aux termes de l’article 89, paragraphe 2, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

111    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant et le Parlement succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a donc lieu de condamner le Parlement à supporter, outre ses propres dépens, les trois quarts des dépens du requérant, le dernier quart restant à la charge de ce dernier.

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le Parlement européen est condamné à verser à N une indemnité de 2 000 euros.

2)      Le surplus du recours est rejeté.

3)      Le Parlement européen supporte ses propres dépens ainsi que les trois quarts des dépens de N.

4)      N supporte le quart de ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2010.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.