Language of document : ECLI:EU:F:2007:158

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

11 septembre 2007 (*)

« Fonction publique – Autres agents – Contrats successifs d’agent temporaire, auxiliaire et contractuel – Période maximale d’attribution de l’allocation de chômage – Recevabilité  »

Dans l’affaire F‑12/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Elizabeth O’Connor, ancien agent de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Martin et Mme M. Velardo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 février 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 28 février suivant), Mme O’Connor demande l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 5 avril 2006, fixant à 11 mois et 25 jours la période maximale d’attribution de ses allocations de chômage.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 28 bis, paragraphe 4, du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA ») :

« L’allocation de chômage est versée à l’ancien agent temporaire à compter du jour de la cessation de son service pour une période maximale de trente-six mois et n’excédant en aucun cas le tiers de la durée effective du service accompli. Si, toutefois, au cours de cette période, l’ancien agent temporaire cesse de remplir les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2, le versement de l’allocation est interrompu. L’allocation est de nouveau versée si, avant l’expiration de cette période, l’ancien agent temporaire remplit à nouveau lesdites conditions sans avoir acquis le droit à une allocation de chômage nationale. »

3        Aux termes de l’article 70, paragraphe 1, du RAA :

« Pour la couverture des risques de maladie, d’accident, d’invalidité, de chômage et de décès et pour permettre à l’intéressé de se constituer une rente de vieillesse, l’agent auxiliaire est affilié à un régime obligatoire de sécurité sociale, de préférence à celui du pays de sa dernière affiliation ou à celui de son pays d’origine.

L’institution prend en charge les cotisations patronales prévues par la législation en vigueur, lorsque l’agent est obligatoirement affilié à un tel régime de sécurité sociale ou de protection contre le chômage, ou les deux tiers des cotisations requises de l’intéressé lorsque l’agent continue à être affilié, à titre volontaire, au régime national de sécurité sociale dont il relevait avant d’entrer au service des Communautés, ou lorsqu’il s’affilie, à titre volontaire, à un régime national de sécurité sociale. »

4        Aux termes de l’article 96, paragraphe 4, du RAA :

« L’allocation de chômage est versée à l’ancien agent contractuel à compter du jour de la cessation de son service pour une période maximale de trente-six mois et en tous cas n’excédant pas le tiers de la durée effective du service accompli. Si, toutefois, au cours de cette période, l’ancien agent contractuel cesse de remplir les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2, le versement de l’allocation est interrompu. L’allocation est de nouveau versée si, avant l’expiration de cette période, l’ancien agent contractuel remplit à nouveau les conditions précitées sans avoir acquis le droit à une allocation de chômage national. »

 Faits à l’origine du litige

5        La requérante, ancien agent de la Commission, a été employée pendant plusieurs années par cette institution sous des contrats :

–        d’agent temporaire, entre le 16 janvier 2001 et le 31 mars 2002 ;

–        d’agent auxiliaire, entre le 1er avril 2002 et le 30 juin 2002 ;

–        d’agent temporaire, entre le 1er juillet 2002 et le 31 juillet 2004 ;

–        d’agent auxiliaire, entre le 1er août 2004 et le 31 octobre 2004 ;

–        d’agent temporaire, entre le 1er novembre 2004 et le 30 juin 2005 ;

–        d’agent contractuel, entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2005.

6        Par une décision, communiquée par courrier électronique le 5 avril 2006, l’unité « Pensions » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) a reconnu le droit de la requérante à bénéficier d’une allocation de chômage pour une période maximale de 11 mois et 25 jours (ci-après la « décision litigieuse »).

7        La requérante a formé contre cette décision une réclamation qui a été enregistrée le 4 juillet 2006 à l’unité « Recours » de la direction générale (DG) « Personnel et administration » de la Commission. Elle soutenait qu’elle avait droit à l’allocation de chômage pour une période maximale correspondant au tiers de la durée de son service effectif, soit 17,83 mois, et que cette durée, qui lui avait dans un premier temps été indiquée par le service gestionnaire des allocations de chômage, avait ensuite été réduite sans explication à 11 mois et 25 jours.

8        Par décision du 9 novembre 2006, parvenue à la requérante le 16 novembre suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’ « AIPN ») a rejeté la réclamation en exposant à l’intéressée le détail du calcul effectué par le PMO.

 Conclusions des parties et procédure

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision litigieuse ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

11      La requérante a également demandé au Tribunal de lui accorder le bénéfice de l’aide judiciaire. Par ordonnance du 11 septembre 2007, le Tribunal a rejeté cette dernière demande.

 Sur le recours en annulation

12      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

13      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application dudit article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, de statuer sans poursuivre la procédure.

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens tirés, respectivement :

–        de ce que la Commission n’a pas pris en compte l’ensemble de la période pendant laquelle elle a été à son service pour fixer la période maximale d’allocation de chômage ;

–        de la violation de l’article 12 de la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961 ;

–        de la violation de l’article 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 ;

–        de la violation du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

 Sur le premier moyen

 Arguments des parties

15      L’argumentation présentée à l’appui du premier moyen s’articule, en substance, en trois branches.

16      La requérante soutient, en premier lieu, que, en application de l’article 28 bis, paragraphe 4, et de l’article 96, paragraphe 4, du RAA, les périodes pendant lesquelles elle a été employée par la Commission en tant qu’agent auxiliaire auraient dû être prises en compte pour fixer la période maximale d’attribution de l’allocation de chômage.

17      En s’abstenant de prendre en compte les périodes pendant lesquelles la requérante a été employée en qualité d’agent auxiliaire, la Commission aurait, en deuxième lieu, méconnu les principes fixés par le règlement n° 1408/71 ainsi que ceux rappelés par l’arrêt du Tribunal du 26 octobre 2006, Landgren/ETF (F‑01/05, RecFP p. I‑A‑1‑123 et II‑A‑1‑459).

18      En dernier lieu, la Commission aurait commis un abus de droit en maintenant la requérante à son service pendant plus de cinq ans sous différents contrats à durée déterminée et sous différents statuts.

19      La Commission observe que ni l’article 28 bis, paragraphe 4, ni l’article 96, paragraphe 4, du RAA ne prévoient le versement d’une allocation de chômage par les Communautés aux agent auxiliaires, pour lesquels l’article 70 du RAA prévoit expressément l’affiliation à un régime national. En outre, l’arrêt Landgren/ETF, précité, ne serait pas pertinent en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

20      En premier lieu, les dispositions de l’article 28 bis, paragraphe 4, et de l’article 96, paragraphe 4, du RAA prévoient la période maximale pendant laquelle, respectivement, un ancien agent temporaire et un ancien agent contractuel peuvent obtenir le versement d’une allocation de chômage par les Communautés. Lesdites dispositions ne s’appliquent pas à un ancien agent auxiliaire, lequel, en application de l’article 70 du RAA, est affilié par l’institution qui l’emploie à un régime national obligatoire de sécurité sociale et ne peut donc obtenir le versement d’une indemnité de chômage que de ce dernier régime. Il suit de là que la requérante n’est manifestement pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article 28 bis, paragraphe 4, et de l’article 96, paragraphe 4, du RAA imposaient à la Commission de prendre en compte, aux fins de fixer la durée maximale de la période pendant laquelle elle était en droit d’obtenir le versement d’une allocation de chômage des Communautés, les périodes pendant lesquelles elle a été employée en tant qu’agent auxiliaire.

21      En deuxième lieu, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du Tribunal de première instance du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, Rec. p. II‑1267, point 21).

22      En l’espèce, l’argumentation présentée à l’appui de la deuxième branche du premier moyen n’offre pas la précision requise par les dispositions précitées, la requérante se bornant à invoquer les principes fixés par le règlement n° 1408/71 et ceux rappelés par l’arrêt du Tribunal, Landgren/ETF, précité, sans spécifier lesquels ni en quoi ils auraient été méconnus par la décision litigieuse. Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen est manifestement irrecevable.

23      En troisième lieu, le grief tiré de ce que la Commission aurait commis un abus de droit en maintenant la requérante à son service pendant plus de cinq ans sous différents contrats à durée déterminée et sous différents statuts n’est également assorti d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé. En outre, ce moyen n’a pas été soulevé, même de façon sommaire, dans la réclamation déposée le 4 juillet 2006 par la requérante. La troisième branche du premier moyen doit, dès lors, être rejetée comme manifestement irrecevable.

24      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté en partie comme manifestement non fondé et en partie comme manifestement irrecevable.

 Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens

 Arguments des parties

25      La requérante rappelle les dispositions de l’article 12 de la charte sociale européenne. Elle souligne également que l’Union européenne reconnaît et respecte, en application de l’article 34 de la charte des droits fondamentaux, le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant notamment une protection en cas de maladie. Enfin, en application du règlement n° 1408/71, les travailleurs seraient soumis au régime de sécurité sociale d’un seul État membre afin d’éviter les cumuls de législations applicables et les complications qui peuvent en résulter.

26      La Commission relève qu’elle ne figure pas parmi les signataires de la charte sociale européenne et que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne possède pas une valeur juridiquement contraignante. Au demeurant, le respect des droits sociaux mentionnés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne aurait été assuré en l’espèce, puisque les agents auxiliaires ne seraient pas privés de couverture sociale, étant affiliés à un régime national de sécurité sociale. Quant au règlement n° 1408/71, il serait sans pertinence en l’espèce. D’une part, il viserait exclusivement les États membres et ne s’appliquerait pas aux rapports de travail au sein de la Commission. D’autre part, son objet, qui serait de faciliter le déplacement des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, serait sans rapport avec la situation de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

27      La requérante, qui invoque, de la manière la plus cursive, la violation de l’article 12 de la charte sociale européenne, de l’article 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et du règlement n° 1408/71 n’indique pas en quoi ces textes, dont le lien avec la décision litigieuse n’est pas immédiatement compréhensible, auraient été méconnus par cette dernière. Ainsi les deuxième, troisième et quatrième moyens ne satisfont pas aux exigences, rappelées au point 21 de la présente ordonnance, de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance. Il suit de là que les deuxième, troisième et quatrième moyens doivent être rejetés comme manifestement irrecevables.

28      Il résulte de tout ce qui précède que, par les moyens qu’elle invoque, la requérante ne peut obtenir l’annulation de la décision litigieuse. Fondé sur ces seuls moyens, le recours ne peut qu’être rejeté, en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé.

 Sur les dépens

29      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

30      Selon l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, de ce même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 dudit règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Enfin, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

31      Ainsi qu’il a été indiqué au point 11 de la présente ordonnance, la requérante a demandé à bénéficier de l’aide judiciaire. Elle a affirmé être dans l’impossibilité de supporter les frais de l’instance. Il ressort en effet des pièces du dossier que la requérante, qui vit seule, ainsi que l’atteste le certificat de « composition de ménage » établi le 19 février 2007 par la commune belge où elle réside, n’a plus droit aux allocations communautaires de chômage depuis le 26 décembre 2006 ni aux allocations belges de chômage depuis le 4 janvier 2007 et perçoit, depuis le 26 janvier 2007, le revenu d’intégration belge, d’un montant mensuel de 644,48 euros.

32      Néanmoins, par ordonnance du 11 septembre 2007, le Tribunal a rejeté la demande d’aide judiciaire présentée par la requérante, comme il y était tenu par les dispositions de l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, dès lors que le recours, ainsi qu’il a été exposé au point 28 de la présente ordonnance, est pour une part manifestement irrecevable et pour l’autre part manifestement non fondé.

33      Cependant, compte tenu de la situation économique de la requérante et de la circonstance que la décision litigieuse contredisait, sans explication, les indications précédemment fournies par le service compétent de la Commission (voir point 7 de la présente ordonnance), il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance et, à titre exceptionnel, de mettre à la charge de la Commission, outre ses propres dépens, l’intégralité des dépens exposés par la requérante, y compris ceux éventuellement exposés par celle-ci dans le cadre de sa demande d’aide judiciaire devant le Tribunal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé.

2)      La Commission des Communautés européennes supporte l’ensemble des dépens, y compris ceux que la requérante a éventuellement exposés dans le cadre de sa demande d’aide judiciaire.

Fait à Luxembourg, le 11 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.