Language of document : ECLI:EU:C:2006:266

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. Geelhoed

présentées le 27 avril 2006 (1)

Affaire C-170/05

Denkavit International BV,

Denkavit France SARL

contre

Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

«Législation fiscale – Imposition des dividendes distribués – Exonération des dividendes distribués – Possibilité d’imputation de l’impôt sur le montant de l’impôt dû dans un autre État membre»





I –    Introduction

1.        Dans la présente affaire, le Conseil d’État (France) demande s’il faut considérer comme contraire à l’article 43 CE un régime fiscal interne par lequel les sociétés mères établies sur le territoire national sont presque totalement exonérées d’impôt pour les dividendes qu’elles perçoivent, alors que les dividendes sortants versés à des sociétés mères non‑résidentes font l’objet d’une double imposition économique, qui n’est en fait pas allégée par l’application de la convention préventive de double imposition (ci‑après la «CDI») pertinente.

2.        Comme la présente affaire concerne le traitement fiscal appliqué par un État membre aux dividendes sortants, elle soulève une nouvelle fois la question de la portée des obligations incombant à l’État de la source au titre de l’article 43 CE. C’est une question que nous avons examinée en détail dans nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (2).

II – Cadre juridique

A –    Le droit français à l’époque des faits

3.        L’article 119 bis, paragraphe 2, du code général des impôts (ci‑après le «CGI») prévoyait que les produits visés aux articles 108 à 117 bis du CGI – qui incluent les revenus tirés de participations – donnent lieu à l’application d’une retenue à la source au taux fixé à l’article 187, paragraphe 1, du CGI lorsqu’ils bénéficient à des personnes ayant leur domicile fiscal ou leur siège ailleurs qu’en France. Ledit article 187, paragraphe 1, fixait ce taux à 25 %. Toutefois, certaines CDI prévoyaient un taux inférieur.

4.        En cas de dividendes distribués par une filiale française à une société mère française, aucune retenue à la source n’était perçue. En outre, d’après l’article 145, paragraphe 1, du CGI, les sociétés et autres organismes soumis à l’impôt français sur les sociétés au taux normal et qui avaient leur siège ou un établissement en France pouvaient bénéficier du régime fiscal dit des «sociétés mères» exposé à l’article 216 du CGI. Dans sa version applicable en l’espèce, cet article prévoyait en substance que les sociétés mères étaient presque totalement exemptées d’impôt pour les dividendes ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères et relevant de l’article 145 du CGI. À l’exception d’un forfait de 5 % (correspondant à une quote-part de frais et de charges) du produit des participations versé à la société mère, crédits d’impôt compris, ces dividendes étaient en effet déduits du total du bénéfice imposable de la société mère.

B –    La convention préventive de la double imposition conclue entre la République française et le Royaume des Pays-Bas le 16 mars 1973

5.        L’article 10, paragraphe 1, de la convention préventive de la double imposition conclue entre la République française et le Royaume des Pays‑Bas (ci‑après la «CDI franco-néerlandaise») établit que les dividendes payés par une société ayant la qualité de résident dans l’un des États à un résident de l’autre État sont imposables dans cet autre État. Toutefois, l’article 10, paragraphe 2, de ladite convention dispose que ces dividendes peuvent être imposés dans l’État dont la société qui paie les dividendes est un résident, sans que l’impôt ainsi établi puisse excéder 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire est une société par actions ou une société à responsabilité limitée qui dispose directement d’au moins 25 % du capital de la société qui paie les dividendes.

6.        L’article 24, paragraphe 1, de la CDI franco-néerlandaise énonce que, pour éviter la double imposition, les Pays-Bas peuvent comprendre, dans la base d’imposition, des éléments du revenu ou de la fortune qui, conformément aux dispositions de ladite convention, sont imposables en France. L’article 24, paragraphe 3, de la CDI franco‑néerlandaise stipule que, en ce qui concerne les éléments du revenu compris dans la base imposable néerlandaise visée au paragraphe 1 du même article et qui sont imposables notamment en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la même convention, les Pays-Bas accordent, pour la retenue à la source effectuée en France sur des dividendes de source française, une réduction d’impôt d’un montant pouvant atteindre celui de l’impôt néerlandais normalement dû sur ces dividendes.

III – Les faits et la procédure

7.        Denkavit International BV (ci‑après «Denkavit International») est une société néerlandaise qui avait, à l’époque des faits, deux filiales françaises: Agro‑Finances SARL (ci‑après «Agro‑Finances»), dans laquelle elle détenait 99,9 % des parts, et Denkavit France SARL (ci‑après «Denkavit France»), dont elle était propriétaire à 50 %. Les 50 % restants du capital de Denkavit France étaient la propriété d’Agro‑Finances, de sorte que Denkavit International contrôlait la presque totalité du capital d’Agro-Finances et de Denkavit France. Au cours des années 1987 à 1989, ces deux sociétés ont versé 14,5 millions de FRF de dividendes à Denkavit International. Conformément aux dispositions combinées de la législation fiscale française et de la CDI franco-néerlandaise, ces dividendes ont été soumis à une retenue à la source de 5 %.

8.        Bien que cela ne soit pas expressément dit dans la décision de renvoi, il est constant que, en droit néerlandais, les dividendes versés par une filiale française à une société mère néerlandaise comme Denkavit International n’auraient pas entraîné d’imposition à la charge de la société mère.

9.        Denkavit International et Denkavit France ont contesté la retenue à la source de 5 % devant l’administration fiscale française, au motif qu’elle était contraire à l’article 43 CE ainsi qu’à la clause de non-discrimination de l’article 25 de la CDI franco-néerlandaise.

10.      Après rejet de cette réclamation, les sociétés ont saisi le tribunal administratif de Nantes, qui, par jugement du 10 avril 1997, leur a donné gain de cause en leur accordant la restitution de la somme retenue à la source, au motif que cette retenue était contraire à l’article 43 CE. Le ministre français de l’Économie, des Finances et de l’Industrie a fait appel de cette décision devant la cour administrative d’appel de Nantes, qui a annulé le jugement et confirmé la validité de la retenue à la source. Denkavit International et Denkavit France se sont alors pourvues devant le Conseil d’État, qui, par décision du 15 décembre 2004, a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)      Un dispositif qui fait supporter le poids d’une imposition à une société mère, bénéficiaire du versement de dividendes, qui ne réside pas en France, en en dispensant les sociétés mères qui résident en France, est-il susceptible d’être critiqué au regard du principe de la liberté d’établissement?

2)      Un tel dispositif de retenue à la source est-il en lui-même critiquable au regard du principe de la liberté d’établissement, ou, dès lors qu’une convention fiscale entre la France et un autre État membre, autorisant cette retenue à la source, prévoit la possibilité d’imputer sur l’impôt dû dans cet autre État la charge supportée en application du dispositif critiqué, y a-t-il lieu de tenir compte de cette convention pour apprécier la compatibilité de ce dispositif avec le principe de la liberté d’établissement?

3)      Dans l’hypothèse où est retenue la seconde branche de l’alternative présentée au 2, l’existence de la convention susmentionnée suffit-elle à faire regarder le dispositif critiqué comme un simple mécanisme de répartition de la matière imposable entre les deux États concernés, sans incidence pour les entreprises, ou la circonstance qu’une société mère qui ne réside pas en France peut être dans l’impossibilité de procéder à l’imputation prévue par la convention doit-elle conduire à regarder ce dispositif comme méconnaissant le principe de la liberté d’établissement?»

IV – Analyse

11.      À titre liminaire, nous observons que les faits se sont déroulés entre 1987 et 1989, c’est-à-dire avant l’adoption de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (3) (ci‑après la «directive mère-filiale»). Dans sa version initiale, l’article 5, paragraphe 1, de cette directive prévoyait que les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source (4). L’article 8 de la directive exigeait qu’elle soit transposée avant le 1er janvier 1992, c’est-à-dire après les faits de la présente espèce. En conséquence, la directive mère-filiale ne s’applique pas ici.

12.      Nous observons encore que, comme à l’époque des faits Denkavit International contrôlait la quasi-totalité du capital d’Agro-Finances et de Denkavit France, l’affaire devra manifestement être examinée au regard de la compatibilité avec l’article 43 CE plutôt qu’avec l’article 56 CE. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, une société établie dans un État membre qui détient une participation dans le capital d’une société établie dans un autre État membre lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d’en déterminer les activités exerce son droit d’établissement (5).

A –    Sur la première question

13.      Par sa première question, la juridiction nationale vise à savoir s’il faut considérer comme contraire à la liberté d’établissement une mesure qui impose les sociétés mères ne résidant pas en France pour les dividendes qu’elles perçoivent, alors qu’elle exempte les sociétés mères résidant en France.

14.      Si nous nous plaçons dans le contexte des faits de l’espèce, la juridiction nationale demande en substance s’il est en principe contraire à l’article 43 CE que la République française pratique une retenue à la source sur les dividendes payés par une filiale française à une société mère néerlandaise, alors qu’elle n’applique aucune imposition similaire aux dividendes payés par une filiale française à une société mère française.

15.      Pour répondre à cette question, il importe, aux fins de la clarté de l’analyse, de distinguer entre les différents niveaux d’imposition qui peuvent en principe s’appliquer à des bénéfices distribués réalisés par une filiale. En premier lieu, de tels bénéfices peuvent faire l’objet d’un impôt sur les sociétés payé par la filiale. En second lieu, les bénéfices peuvent être imposés, en cas de distribution, au niveau de l’actionnaire (société mère) sous forme d’impôt sur le revenu payé après la réception des dividendes et/ou de retenue à la source effectuée par la société distributrice.

16.      L’existence de ces deux niveaux possibles d’imposition peut conduire, d’une part, à la double imposition économique (double imposition du même revenu auprès de deux contribuables différents) et, d’autre part, à la double imposition juridique (double imposition du même revenu auprès du même contribuable). La double imposition économique apparaît lorsque, par exemple, les mêmes bénéfices sont imposés tout d’abord auprès de la société au titre de l’impôt sur les sociétés et, ensuite, auprès de l’actionnaire au titre de l’impôt sur le revenu. La double imposition juridique se produit lorsque, par exemple, l’actionnaire subit un premier impôt retenu à la source, puis l’impôt sur le revenu, perçu par différents États, sur les mêmes bénéfices.

17.      Pour les dividendes versés par des filiales françaises à des sociétés mères françaises, le système français permettait d’éviter presque totalement la double imposition économique en ne soumettant les dividendes qu’à une seule imposition, à savoir l’impôt sur les sociétés perçu sur les bénéfices de la filiale, et en les exonérant presque totalement d’impôts au niveau de la société mère.

18.      En revanche, les dividendes versés par des filiales françaises à des sociétés mères néerlandaises étaient soumis par le système français – considéré dans l’abstrait et sans prendre en compte les effets de la CDI franco-néerlandaise, comme l’exigent les termes de la première question préjudicielle – à une double imposition économique, en premier lieu sous forme d’impôt sur les sociétés frappant les bénéfices des filiales et en second lieu sous forme de retenue à la source sur les bénéfices distribués à la société mère.

19.      La question est de savoir si une telle différence de traitement constitue une discrimination illégale et contraire à l’article 43 CE entre les sociétés mères françaises et les sociétés mères néerlandaises.

20.      Il résulte d’une jurisprudence constante que, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (6). Ainsi que nous l’avons observé dans nos conclusions dans les affaires Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, Test Claimants in the FII Group Litigation ainsi que Kerckhaert et Morres (7), les articles 43 CE et 56 CE sont violés lorsque la différence de traitement appliquée par l’État membre à ses redevables n’est pas une conséquence directe et logique du fait que, au stade actuel de développement du droit communautaire, les obligations fiscales des redevables peuvent être différentes selon qu’il s’agit de situations transfrontalières ou de situations purement internes (8). Cela signifie en particulier que, pour relever des dispositions du traité CE relatives à la liberté de circulation, le traitement fiscal défavorable doit être le fruit d’une discrimination, directe ou occulte, résultant des règles imposées par une autorité fiscale unique, et non simplement de disparités ou de la répartition des compétences fiscales entre les systèmes fiscaux de deux ou plusieurs États membres ou encore de la coexistence d’administrations fiscales nationales (9).

21.      En l’espèce, la compétence fiscale exercée par la France sur les dividendes sortants versés à des sociétés mères néerlandaises – et donc ne résidant pas en France – est limitée à ce que le droit fiscal international dénomme la compétence territoriale ou compétence de «l’État de la source»: autrement dit, elle se limite au revenu tiré par la société mère néerlandaise du territoire ressortissant à la juridiction de l’État de la source.

22.      Comme nous l’avons exposé dans nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, l’obligation incombant à un État de la source au titre de l’article 43 CE, lorsqu’il exerce une compétence fiscale sur des revenus de non-résidents, consiste à leur appliquer un traitement comparable à celui qu’il réserve aux revenus de résidents; autrement dit, il a une obligation de ne pas faire de discrimination entre résidents et non-résidents, dans la mesure où ces derniers tombent sous le coup de sa compétence en matière fiscale (10). Ainsi, à titre d’exemple, la Cour a jugé que, dans la mesure où un État de la source exerce sa compétence fiscale sur une succursale étrangère, il ne peut pas imposer un taux d’impôt sur les sociétés plus élevé sur cette succursale que celui qu’il applique à ses sociétés résidentes (11). De même, des avantages fiscaux accordés à des sociétés résidentes, y compris ceux accordés en vertu d’une CDI (12), doivent être accordés de la même façon à des succursales (établissements permanents) de sociétés non‑résidentes lorsque ces succursales sont par ailleurs soumises à l’impôt sur les sociétés de la même manière que les sociétés résidentes (13). De manière similaire, dès lors que l’État de la source choisit de préserver ses résidents de la double imposition économique interne, il doit étendre cette mesure aux non-résidents, dans la mesure où une double imposition interne analogue résulte de l’exercice de sa compétence fiscale sur ces non-résidents (par exemple, lorsque l’État de la source soumet les bénéfices de sociétés d’abord à l’impôt sur les sociétés et ensuite, lors de leur distribution, à l’impôt sur le revenu, qu’il soit retenu à la source ou non). C’est la conséquence du principe selon lequel les avantages fiscaux accordés par l’État de la source aux non-résidents doivent équivaloir à ceux accordés aux résidents, dans la mesure où l’État de la source exerce par ailleurs une compétence fiscale équivalente sur les deux groupes (14).

23.      Pour appliquer ces principes aux faits de l’espèce, il faut observer que le cas de figure évoqué par la juridiction nationale dans la première question est un exemple classique de discrimination, faite par la République française entre les sociétés mères françaises (dividendes nationaux) et les sociétés mères néerlandaises (dividendes sortants). Comme nous l’avons expliqué, le système français permettait d’éviter presque totalement la double imposition économique des bénéfices versés par une filiale française à sa société mère française (en exonérant cette dernière du paiement de l’impôt), mais il entraînait (par un mécanisme de retenue à la source appliquée aux dividendes sortants) une double imposition économique des bénéfices distribués par une filiale française à sa société mère néerlandaise (15). Partant, pris isolément, sans tenir compte des effets d’éventuelles CDI (qui sont abordés dans les deuxième et troisième questions préjudicielles), ce traitement est parfaitement et manifestement discriminatoire au sens de l’article 43 CE puisque la France imposait une charge fiscale plus élevée aux dividendes sortants versés à des sociétés mères néerlandaises qu’aux dividendes nationaux versés à des sociétés mères françaises.

24.      Il est vrai que, si, en vertu de l’article 216, paragraphe 2, du CGI, les dividendes distribués à une société mère française étaient presque totalement exemptés d’impôts au niveau de la société mère, un forfait de 5 % – crédits d’impôt compris – des revenus tirés de la participation n’était pas déductible du total des bénéfices imposables de la société mère (ce forfait représentait les frais et charges liés au revenu constitué par les dividendes exonérés). Même si cela a eu pour conséquence que les dividendes nationaux n’échappent pas complètement à la double imposition économique, puisque 5 % du revenu correspondant restaient inclus dans les bénéfices imposables de la société mère française, ces dividendes bénéficiaient néanmoins d’une charge fiscale globale inférieure à celle pesant sur les dividendes sortants, qui, en l’absence de CDI, étaient soumis à 25 % de retenue à la source en application de l’article 187 paragraphe 1 du CGI, tandis que, dans le cas des dividendes sortants versés à une société mère néerlandaise, la retenue à la source était de 5 %, conformément à la CDI franco-néerlandaise.

25.      Le gouvernement français soutient cependant que cette différence de traitement ne constitue pas une discrimination au sens de l’article 43 CE, parce que, en vertu du principe de territorialité, la République française peut à bon droit – en sa qualité d’État de la source – taxer les dividendes d’une filiale française lorsqu’ils quittent le territoire à destination d’une société mère non française.

26.      Cet argument ne peut évidemment emporter la conviction. Comme nous l’avons souligné dans nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, s’il est vrai que, en droit communautaire, le pouvoir de répartir la compétence fiscale appartient intégralement aux États membres (et la Cour a maintes fois admis la compatibilité avec le droit communautaire de la distinction fondamentale entre la compétence de l’État de résidence et celle de l’État de la source), il reste que les États membres doivent exercer cette compétence dans le respect des articles 43 CE et 56 CE (16).

27.      Le gouvernement français soutient également qu’en droit fiscal international, c’est en principe à l’État de résidence du redevable – c’est-à-dire aux Pays-Bas, dans le cas d’une société mère néerlandaise – qu’il appartient d’atténuer la double imposition de revenus transfrontaliers. Là encore, l’argument nous semble totalement dénué de fondement. Il est vrai que, comme nous l’avons observé dans nos conclusions dans l’affaire Kerckhaert et Morres, en cas de double imposition juridique des revenus transfrontaliers, le principe généralement admis en droit fiscal international de la primauté du «droit du pays de la source» veut que ce soit normalement à l’État de résidence de choisir si et dans quelle mesure il entend atténuer une telle double imposition (17). Cela n’altère en rien l’obligation pour un État de la source d’appliquer aux non-résidents un traitement comparable à celui des résidents, dans la mesure où les premiers sont soumis à sa compétence en matière fiscale.

28.      Finalement, nous voudrions ajouter que le gouvernement français n’a fait valoir aucun argument quant à la raison pour laquelle un traitement discriminatoire de ce genre devrait être considéré comme justifié, par exemple par la nécessité de prévenir les abus (18) ou de garantir la cohérence de régimes fiscaux nationaux (19), et l’existence d’une telle justification n’est d’ailleurs suggérée nulle part dans la décision de renvoi.

29.      Partant, il convient de répondre à la première question qu’une mesure comme celle litigieuse dans la procédure au principal, par laquelle les sociétés mères non résidentes en France sont frappées d’une retenue à la source sur les dividendes versés par des filiales établies en France alors que les sociétés mères résidentes en France ne sont pas imposées sur les dividendes versés par des filiales établies en France, est contraire à l’article 43 CE, en tant qu’elle constitue une restriction discriminatoire à la liberté d’établissement.

B –    Sur les deuxième et troisième questions

30.      La deuxième question vise à savoir si, lorsqu’elle autorise une retenue à la source, comme celle visée dans la première question, et permet de l’imputer sur l’impôt dû dans un autre État membre, une CDI conclue entre la France et cet autre État membre doit être prise en compte au moment d’évaluer la compatibilité de la mesure avec l’article 43 CE. Avec la troisième question, la juridiction de renvoi demande si, dans l’hypothèse où la CDI applicable doit être prise en compte, l’éventualité qu’une société mère non résidente en France ne soit pas en mesure de procéder à l’imputation prévue par la convention signifie que la mesure doit être considérée comme méconnaissant l’article 43 CE.

31.      Prises ensemble, ces questions se rapportent à la pertinence des faits suivants: 1) aux termes de l’article 24, paragraphe 3, de la CDI franco-néerlandaise, les Pays-Bas devaient accorder, pour la retenue à la source de 5 % prélevée sur les dividendes de source française, une réduction d’impôt qui ne pouvait excéder le montant de l’impôt néerlandais normalement dû sur ces dividendes; 2) en réalité cependant, comme les sociétés mères néerlandaises étaient exonérées par les Pays-Bas de l’impôt sur les dividendes de source française (et, de façon générale, étrangère), aucune réduction n’était accordée pour la retenue à la source française.

32.      Nous aborderons d’abord les principes de l’analyse de la pertinence de l’effet des CDI sur l’évaluation de la compatibilité au regard de l’article 43 CE dans un cas donné, avant de passer à l’application de ces principes dans la présente espèce.

1.      L’effet des CDI doit-il être pris en compte lors de l’évaluation de la compatibilité de mesures nationales avec l’article 43 CE?

33.      Tout d’abord, comme nous l’avons déjà souligné dans nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, l’impact effectif d’une CDI sur la situation d’un redevable doit être pris en compte pour déterminer si, dans un cas spécifique, ce redevable est discriminé en violation de l’article 43 CE. Il est, pensons-nous, deux raisons importantes pour lesquelles l’appréciation du respect par les États membres des obligations du traité en matière de libre circulation doit prendre en compte l’effet des CDI (20).

34.      En premier lieu, cela découle du fait que, comme nous l’avons déjà observé (21), en droit communautaire, les États membres ont la faculté de répartir entre eux non seulement la compétence fiscale, mais également la priorité d’imposition. À l’heure actuelle, le droit communautaire n’offre pas de critère de substitution et n’offre aucune base permettant d’établir de tels critères. Ainsi, dans l’arrêt Gilly, après avoir relevé que la répartition de la compétence fiscale fondée sur la nationalité ne peut pas être considérée en tant que telle comme constitutive d’une discrimination, la Cour a constaté que cela découle, «en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation dans le cadre communautaire, notamment au titre de l’article [293] du traité, de la compétence qu’ont les parties contractantes de définir, en vue d’éliminer les doubles impositions, les critères de répartition entre elles de leur pouvoir de taxation. Toujours aux fins de la répartition de la compétence fiscale, il n’est pas déraisonnable pour les États membres de s’inspirer de la pratique internationale et du modèle de convention élaboré par l’OCDE […]» (22). La Cour a confirmé ce raisonnement notamment dans l’arrêt D. (23).

35.      Cela signifie, par exemple, qu’un État de la source qui applique une double imposition économique sur les dividendes est en principe libre de veiller, par le biais de CDI suivies de négociations bilatérales, à ce que cette double imposition soit atténuée par l’État de résidence.

36.      En second lieu, si l’effet d’une CDI n’était pas pris en compte, l’on ignorerait la réalité économique de l’activité du contribuable et les incitants liés au contexte transfrontalier. En d’autres termes, il pourrait en résulter une distorsion de l’effet réel sur ce contribuable de la combinaison des obligations de l’État de résidence et de celles de l’État de la source.

37.      Partant, ainsi que nous l’avons observé dans nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, la combinaison des obligations de l’État de résidence et de celles de l’État de la source devrait plutôt être considérée, au regard des dispositions relatives à la libre circulation, comme un tout ou comme la réalisation d’une forme d’équilibre. L’examen de la situation d’un opérateur économique individuel dans le cadre d’un seul de ces États, sans prendre en compte les obligations incombant à l’autre État membre au titre de l’article 43 CE, peut donner une impression déséquilibrée et fallacieuse, et peut ne pas rendre compte de la réalité économique dans laquelle cet opérateur agit (24).

38.      Cette approche a par exemple été adoptée par la Cour dans son arrêt Bouanich (25). Cette affaire concernait la compatibilité avec l’article 56 CE d’une législation suédoise prévoyant que, en cas de réduction du capital social, le montant du rachat d’actions versé à un actionnaire non-résident était imposé comme distribution de dividendes sans droit à déduction des frais d’acquisition desdites actions, alors que le même montant versé à un actionnaire résident était imposé comme plus-value mobilière ouvrant droit à la déduction des frais d’acquisition. La Cour a jugé que, prise isolément et sans tenir compte de la CDI applicable, cette législation était manifestement discriminatoire. Cependant, la violation de l’article 56 CE devait être exclue si la juridiction nationale constatait, au vu des circonstances de l’espèce, que la CDI applicable (26) avait pour effet que les non-résidents n’étaient en réalité pas traités moins favorablement que les résidents. La Cour a développé le raisonnement suivant:

«Dès lors que le régime fiscal qui résulte de la convention franco-suédoise, interprétée à la lumière des commentaires du modèle de convention de l’OCDE, fait partie du cadre juridique applicable à l’affaire au principal et qu’il a été présenté comme tel par la juridiction de renvoi, la Cour doit le prendre en compte afin de donner une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national […]» (27).

39.      Nous nous rallions à cette conclusion de la Cour (28).

40.      Il découle des développements qui précèdent qu’un État membre est en principe libre d’assurer l’exécution de ses obligations au titre des dispositions du traité relatives à la libre circulation en recourant aux dispositions inscrites dans une CDI. Ainsi, en prenant pour exemple l’État de la source imposant une double imposition économique interne aux non-résidents comme à ses résidents, il est en principe, pensons-nous, loisible à cet État de la source de faire en sorte que les non-résidents bénéficient de la même mesure de prévention de la double imposition que ses résidents en vertu d’une CDI.

41.      Toutefois, comme nous l’avons souligné dans nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, ce principe fait l’objet de deux tempéraments d’importance essentielle.

42.      Premièrement, le traitement des non-résidents au titre de la CDI doit équivaloir, dans sa portée pratique, à celui qui est appliqué aux résidents. Dans l’arrêt Bouanich, la Cour a, fort justement selon nous, jugé qu’il incombait à la juridiction nationale de déterminer, au vu des circonstances de l’espèce, si le traitement appliqué aux actionnaires non-résidents n’était en réalité pas moins favorable que le traitement des actionnaires résidents, compte tenu de l’effet de la CDI (29). Nous avions tiré des conclusions similaires, au vu des faits, dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation en observant que, chaque fois qu’il pratiquait, au titre de certaines CDI, une double imposition économique sur les dividendes sortants en les soumettant à l’impôt britannique sur le revenu, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord devait veiller à ce que, par le truchement d’une CDI ou par tout autre moyen, les non-résidents reçoivent un traitement équivalant (dans ce cas de figure, un allègement équivalent de la double imposition économique) à celui des résidents assujettis au même impôt sur le revenu (30).

43.      Deuxièmement, il incombe à l’État membre dont les mesures sont à première vue – si l’on ne tient pas compte de la CDI applicable – discriminatoires de veiller à ce qu’un résultat non discriminatoire soit obtenu dans la pratique au moyen de la CDI. En d’autres termes, l’on ne saurait valablement exciper, à l’encontre d’un recours fondé sur la violation des interdictions consacrées par le traité, du fait que l’autre État partie à la CDI a violé ses obligations au titre de cette convention en négligeant, par exemple, d’accorder l’avantage fiscal pertinent ou d’alléger la double imposition économique en cause. Au contraire, comme nous l’avons observé dans nos conclusions dans l’affaire Kerckhaert et Morres, il appartient exclusivement au juge national d’apprécier la compatibilité du droit national d’un État contractant avec la CDI applicable et les effets éventuels d’un manquement en droit interne (31). À l’inverse, le fait qu’une législation nationale est conforme à ou exigée par les termes de la CDI applicable ne signifie pas en soi que ce comportement soit conforme aux dispositions du traité relatives à la liberté de circulation. La Cour a constamment affirmé que, dans l’exercice du pouvoir d’imposition qui leur est donné par les CDI, les États membres doivent respecter l’interdiction de discrimination énoncée aux articles 43 CE et 56 CE (32). Ainsi, comme on peut le voir dans nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, le Royaume-Uni avait dans cette affaire une obligation au titre de l’article 43 CE de veiller à ce que les parties demanderesses ne résidant pas au Royaume-Uni bénéficient, par le truchement d’une CDI, d’un traitement équivalant à celui appliqué à des résidents britanniques soumis au Royaume-Uni à une double imposition économique équivalente, sans que le Royaume-Uni puisse exciper d’un manquement d’une autre partie contractante aux obligations découlant de la CDI, au motif qu’elle n’aurait pas atténué les effets de la double imposition économique (33).

2.      L’application de ces principes à la présente affaire

44.      L’application de ces principes à la présente affaire nous mène à la conclusion que la République française devrait être considérée comme s’étant conformée aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE si la CDI franco-néerlandaise avait eu pour effet que l’allégement accordé aux sociétés mères néerlandaises pour le régime de double imposition économique imposé par la France aux dividendes de source française avait été dans la pratique équivalant à celui dont bénéficiaient les sociétés mères françaises pour des dividendes de source française.

45.      Il résulte cependant très clairement des termes de la décision de renvoi que tel n’a pas été le cas.

46.      En fait, comme les Pays-Bas exemptaient d’impôt les dividendes de source étrangère versés à des sociétés mères néerlandaises, les dividendes de source française n’étaient en réalité soumis à aucune imposition néerlandaise sur laquelle les 5 % de retenue à la source française auraient pu être imputés. De plus, ce résultat nous semble avoir été pleinement conforme à la répartition des compétences fiscales découlant de l’article 24 de la CDI franco-néerlandaise. Conformément au paragraphe 1 de cet article, le Royaume des Pays-Bas était libre d’inclure dans sa base imposable des éléments du revenu ou de la fortune imposables en France en vertu de la CDI. Ce n’est que si les Pays-Bas avaient choisi d’inclure de tels éléments du revenu dans la base d’imposition qu’ils auraient été tenus en vertu de l’article 24, paragraphe 3, de la CDI d’accorder une réduction pour la retenue à la source française perçue sur les dividendes de source française, et ce uniquement dans la limite du montant de l’impôt néerlandais normalement dû sur ces dividendes.

47.      Le Royaume des Pays-Bas a cependant finalement choisi d’exonérer les dividendes de source française de toute imposition dans le chef des sociétés mères néerlandaises. À nos yeux, cela montre que les Pays-Bas ont choisi de ne pas inclure de tels dividendes dans leur base d’imposition et d’éviter de la sorte de devoir permettre l’imputation de la retenue à la source française. En toute hypothèse, une telle obligation aurait été limitée au montant de l’impôt néerlandais qui aurait normalement dû être payé sur les dividendes et, en l’espèce, ce montant était égal à zéro.

48.      Il en est résulté que les dividendes de source française versés à des sociétés mères néerlandaises sont restés soumis au double «niveau» d’imposition pratiqué par la République française (impôt sur les sociétés frappant la filiale française, suivi de l’application d’une retenue à la source grevant la société mère néerlandaise), sans que la double imposition économique fasse l’objet d’aucun allégement. En revanche, les dividendes de source française versés à des sociétés mères françaises n’étaient en fait soumis qu’à un seul niveau d’imposition (l’impôt sur les sociétés appliqué à la filiale), avec une suppression presque totale de la double imposition économique.

49.      Pour les raisons exposées ci-dessus dans notre réponse à la première question, c’est là une situation manifestement discriminatoire et contraire à l’article 43 CE.

50.      Bien que cela ne soit pas directement pertinent en l’espèce, nous souhaiterions ajouter que, pour les motifs indiqués ci-dessus, même si les Pays-Bas avaient enfreint leurs obligations au titre de la CDI en n’accordant pas de réduction pour la retenue à la source française, cela ne saurait constituer pour la République française un argument de défense suffisant contre le grief que sa législation fiscale discriminatoire était contraire à l’article 43 CE (34).

51.      Dans ses observations écrites, le gouvernement français a fait valoir que tout effet restrictif éventuel de sa législation, résultant de l’impossibilité pratique pour les sociétés mères néerlandaises d’imputer la retenue à la source française sur des impôts néerlandais, devrait être considéré comme découlant non pas directement de la législation française, mais plutôt des disparités entre les systèmes fiscaux français et néerlandais. Il résulte cependant très clairement des considérations développées ci-dessus que cet argument méconnaît la distinction entre de simples disparités entre des systèmes fiscaux nationaux (non discriminatoires) pris abstraitement – disparités qui échappent au champ d’application de l’article 43 CE (35) – et un traitement discriminatoire résultant des règles applicables dans le cadre d’un seul système donné, qui enfreint l’article 43 CE s’il n’est pas justifié. Comme la double imposition économique est en l’espèce pratiquée uniquement par la France, elle relève très clairement de cette dernière catégorie.

52.      Pour ces raisons, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions de la juridiction nationale que, pour déterminer si, dans un cas donné, un redevable a fait l’objet d’une discrimination contraire à l’article 43 CE, il faut en principe tenir compte de l’effet concret d’une CDI sur la situation de ce redevable. La République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE en ne veillant pas à ce que, par le truchement de la CDI applicable ou par tout autre moyen, une société mère non française percevant des dividendes de source française bénéficie réellement d’une mesure de prévention de la double imposition économique pratiquée par la République française équivalant à celle dont bénéficient les sociétés mères françaises.

V –    Conclusion

53.      Par ces motifs, nous proposons à la Cour de répondre aux questions déférées par le Conseil d’État dans le sens suivant:

«1)      Une mesure par laquelle les sociétés mères non résidentes en France sont frappées d’une retenue à la source sur les dividendes versés par des filiales établies en France, alors que les sociétés mères résidentes en France ne sont pas imposées sur les dividendes versés par des filiales établies en France, est contraire à l’article 43 CE, en tant qu’elle constitue une restriction discriminatoire à la liberté d’établissement.

2)      Pour déterminer si, dans un cas donné, un redevable a fait l’objet d’une discrimination contraire à l’article 43 CE, il faut en principe tenir compte de l’effet concret d’une convention préventive de double imposition sur la situation de ce redevable. La République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE en ne veillant pas à ce que, par le truchement de la convention préventive de double imposition applicable ou par tout autre moyen, une société mère non française percevant des dividendes de source française bénéficie réellement d’une mesure de prévention de la double imposition économique pratiquée par la République française équivalant à celle dont bénéficient les sociétés mères françaises.»


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – Conclusions du 23 février 2006 dans ladite affaire (C-374/04), pendante devant la Cour.


3 – JO L 225, p. 6.


4 – Cet article a été modifié par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 (JO L 7, p. 41).


5 – Voir arrêt du 13 avril 2000, Baars (C‑251/98, Rec. p. I-2787, point 22), et nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée (point 27).


6 – Voir, notamment, arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C-446/03, Rec. p. I-10837, point 29 et jurisprudence citée).


7 – Voir nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée (point 32 et suiv.); du 6 avril 2006 dans les affaires Test Claimants in the FII Group Litigation (C-446/04, pendante devant la Cour, point 37 et suiv.), ainsi que Kerckhaert et Morres (C-513/04, pendante devant la Cour, points 18 et 19).


8 – Voir, pour des considérations détaillées à ce sujet, nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée (points 31 à 54).


9 – Ibidem., point 55.


10 – Ibidem, points 66 à 73, et 88.


11 – Arrêt du 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland (C-311/97, Rec. p. I-2651).


12 – Arrêt du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN (C-307/97, Rec. p. I-6161).


13 – Arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France (270/83, Rec. p. 273); du 13 juillet 1993, Commerzbank (C-330/91, Rec. p. I-4017), et du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer (C‑250/95 Rec. p. I-2471).


14 – Voir arrêts cités aux notes 12 et 13.


15 – Bien que la décision de renvoi ne le dise pas, cela semble également être vrai pour d’autres sociétés mères non françaises, même si le niveau précis de la retenue à la source perçue sur les dividendes sortants dépendait de la CDI (éventuellement) applicable.


16 – Voir nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée (points 51 et 52); arrêts du 19 janvier 2006, Bouanich (C-265/04, Rec. p. I-923, points 49 et 50); du 5 juillet 2005, D. (C-376/03, Rec. p. I-5821, point 28); du 12 juin 2003, Gerritse (C‑234/01, Rec. p. I-5933, point 45); du 12 décembre 2002, De Groot (C-385/00, Rec. p. I‑11819, point 93); du 12 mai 1998, Gilly (C‑336/96, Rec. p. I-2793, points 30 et 31); Saint‑Gobain ZN, précité; Futura Participations et Singer, précité (points 20 et 21), ainsi que du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, Rec. p. I-225, point 57).


17 – Points 34 et suiv.


18 – Voir, notamment, arrêts du 12 décembre 2002, Lankhorst-Hohorst (C-324/00, Rec. p. I-11779), et du 16 juillet 1998, ICI (C‑264/96, Rec. p. I-4695).


19 – Arrêt du 28 janvier 1992, Bachmann (C‑204/90, Rec. p. I-249).


20 – Voir nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée (point 71).


21 – Voir nos conclusions dans les affaires précitées Kerckhaert et Morres (points 32 à 33), et Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (point 52).


22 – Points 30 et 31. Voir, également, arrêt Saint Gobain ZN, précité (point 57).


23 – Voir points 50 à 53 dudit arrêt.


24 – Conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée (point 72).


25– Voir point 51 dudit arrêt.


26 – Il s’agissait de la CDI franco-suédoise qui fixait un plafond d’imposition des dividendes pour les actionnaires non-résidents inférieur à celui applicable aux actionnaires résidents et autorisait, en interprétant cette convention à la lumière des commentaires de l’OCDE sur son modèle de convention applicable, la déduction de la valeur nominale de ces actions du montant du rachat d’actions.


27 –      Arrêt Bouanich, précité (point 51).


28– Comme nous l’avons observé à la note 83 de nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée, la Cour AELE a adopté un point de vue différent dans son arrêt du 23 novembre 2004, Fokus Bank/État norvégien (affaire E-1/04). Cette affaire soulevait, entre autres, la question de la compatibilité avec la libre circulation des capitaux (article 40 de l’accord EEE équivalant à l’article 56 CE) de règles de droit norvégiennes en vertu desquelles la Norvège soumettait les bénéfices des sociétés tout d’abord à l’impôt sur les sociétés et, sur les sommes distribuées, 1) dans le cas de résidents, à l’impôt sur le revenu; toutefois, un crédit d’impôt intégralement imputable était accordé aux actionnaires résidents pour prévenir la double imposition économique des dividendes; 2) dans le cas de non‑résidents, à une retenue fiscale de 15 %. Cependant, en vertu de la CDI pertinente en l’espèce, ces 15 % étaient imputés sur l’impôt appliqué dans l’État de résidence. En considérant que cette disposition enfreignait le principe de la libre circulation des capitaux, la Cour AELE a mis sur un pied d’égalité l’imposition de dividendes à la sortie (imposition de l’État de la source) et celle des dividendes à l’entrée (imposition de l’État de résidence), en s’appuyant sur les arrêts de la Cour Lenz et Manninen (point 30), et elle a considéré qu’un État de la source ne pouvait en principe pas se fonder sur les dispositions d’une CDI pour remédier à la double imposition économique causée par cet État de la source (point 37). Pour les raisons que nous avons exposées dans les présentes conclusions et dans nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée, nous ne partageons pas cette analyse.


29– Voir points 54 à 56 dudit arrêt.


30 – Conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée (point 88).


31– Voir point 37 desdites conclusions. Voir également, par analogie, les conclusions dans l’affaire Gilly, précitée (point 25), où l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a observé qu’il n’appartient pas à la Cour de statuer sur la compatibilité avec le droit communautaire de normes contenues dans une CDI ni de se livrer à une interprétation de normes figurant dans «une convention bilatérale conclue dans une matière […] soustraite à la compétence de la Communauté et dont la réglementation appartient exclusivement aux États membres».


32 – Conclusions dans l’affaire Kerckhaert et Morres, précitée (point 37). Voir également, notamment, les conclusions tirées par la Cour dans l’arrêt Bouanich, précité (point 56), et les arrêts précités De Groot (points 93 et 94), ainsi que Saint‑Gobain ZN (points 57 et 58).


33 – Point 89 desdites conclusions.


34 – Voir point 43 des présentes conclusions.


35 – Voir nos conclusions dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précitée (points 43 à 47).