Language of document : ECLI:EU:F:2011:179

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

8 novembre 2011 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Décision de rejet de la réclamation – Procédure en référé »

Dans l’affaire F‑92/09 DEP,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables au titre de l’article 92 du règlement de procédure,

U, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par MF. Moyse, et A. Salerno, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. J. F. de Wachter et Mme S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch, (rapporteur), président, Mme M. I. Rofes i Pujol et Mme I. Boruta, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 2011, la partie requérante a saisi le Tribunal de la présente demande de taxation des dépens au titre de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 Faits à l’origine du litige

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 2009 et enregistrée sous la référence F‑92/09, la partie requérante a demandé l’annulation de la décision du 6 juillet 2009 par laquelle le Parlement européen l’a licenciée avec effet au 1er septembre 2009 et le paiement d’une somme de 15 000 euros, sous toutes réserves, en réparation du préjudice moral qu’elle estimait avoir subi.

3        Par requête déposée également au greffe du Tribunal le 6 novembre 2009 et enregistrée sous la référence F‑92/09 R, la partie requérante a, en outre, demandé, d’une part, la suspension de la décision susmentionnée et, d’autre part, l’octroi de mesures provisoires.

4        Les deux requêtes, F‑92/09, et F‑92/09 R, ont été introduites avant l’aboutissement de la procédure précontentieuse, conformément à l’article 91, paragraphe 4 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

5        Par ordonnance du 18 décembre 2009, U/Parlement (F‑92/09 R, ci-après l’« ordonnance du 18 décembre 2009 »), le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision de licenciement de la partie requérante jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal mettant fin à l’instance. Il a également réservé les dépens.

6        Le Parlement ayant introduit un pourvoi contre l’ordonnance du 18 décembre 2009, le président du Tribunal de l’Union européenne a annulé cette dernière et, statuant lui-même sur le litige, a rejeté la demande en référé par ordonnance du 27 avril 2010, Parlement/U [T‑103/10 P(R)], les dépens étant réservés.

7        Le président du Tribunal de l’Union européenne a, en outre décidé, par ordonnance du 28 avril 2010, Parlement/U [T‑103/10 P(R)‑R], que, au vu de son ordonnance du 27 avril précédent faisant droit au pourvoi, il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de sursis à l’exécution de l’ordonnance du 18 décembre 2009 que le Parlement avait, par ailleurs, introduite. Dans cette ordonnance, le président du Tribunal de l’Union européenne a également réservé les dépens.

8        Entre-temps, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») avait rejeté, le 5 février 2010, la réclamation de la partie requérante.

9        Par arrêt du 28 octobre 2010, U/Parlement (F‑92/09, ci-après l’« arrêt du 28 octobre 2010 »), le Tribunal a annulé la décision du Parlement, du 6 juillet 2009, portant licenciement de la partie requérante, a rejeté le recours pour le surplus et a condamné le Parlement à l’ensemble des dépens.

10      Par lettre du 18 novembre 2010, la partie requérante a demandé au Parlement de lui rembourser la somme de 38 621,64 euros au titre des dépens.

11      Par lettre du 3 décembre 2010, le Parlement a répondu à la partie requérante qu’il estimait que les dépens réclamés étaient excessifs.

12      Par lettre du 6 janvier 2011, la partie requérante a adressé au Parlement une nouvelle demande de remboursement des dépens d’un montant réduit à 32 717,14 euros.

13      Le Parlement a répondu à ce nouvel état de frais et d’honoraires par lettre du 28 janvier 2011 et, compte tenu de plusieurs remarques, a proposé un montant de 22 321, 14 euros.

14      Par lettre du 9 mars 2011, la partie requérante a contesté l’argumentation du Parlement, mais a néanmoins accepté de réduire encore le montant des dépens de 1 100 euros, le fixant ainsi à 31 617,14 euros.

15      Par lettre du 24 mars 2011, le Parlement a confirmé le contenu de sa lettre du 28 janvier 2011.

 Conclusions des parties et procédure

16      La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer à 16 280 euros le montant des dépens dus par le Parlement au titre de l’affaire F‑92/09 ;

–        fixer à 5 820 euros le montant des dépens dus par le Parlement au titre de l’affaire F‑92/09 R ;

–        fixer à 8 220 euros le montant des dépens dus par le Parlement au titre de l’affaire T‑103/10 P(R) ;

–        fixer à 1 140 euros le montant des dépens dus par le Parlement au titre de l’affaire T‑103/10 P(R)‑R ;

–        fixer à 3 235 euros le montant des dépens dus par le Parlement au titre de la présente procédure de taxation des dépens ;

–        assortir lesdites sommes des intérêts moratoires au taux d’intérêt calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement applicable pendant la période concernée, majoré de deux points, et ce, à compter de la signification de la présente ordonnance aux parties et jusqu’au paiement effectif desdits dépens par le Parlement.

17      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la partie requérante ;

–        taxer les dépens récupérables au montant que le Tribunal jugera le plus approprié.

18      La présente affaire ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables, elle a été attribuée à la chambre qui avait rendu l’arrêt du 28 octobre 2010 dans une composition la plus proche possible de la formation initiale compte tenu de la nomination de juges en remplacement de membres du Tribunal dont le mandat est venu à expiration.

 Arguments des parties

19      La partie requérante soutient, en premier lieu, que la procédure au fond soulevait des questions nouvelles présentant un intérêt dépassant le cadre du litige. Il se serait agi de préciser les conditions d’application des procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle par rapport aux procédures de déclaration d’invalidité, lorsque le fonctionnaire licencié souffre d’une maladie mentale consécutive à son expatriation. Il aurait, par conséquent, été nécessaire d’analyser l’incidence du devoir de sollicitude et de l’obligation pour l’administration de protéger le droit à la santé de ses fonctionnaires sur la procédure de licenciement.

20      S’agissant du référé relatif à la procédure au fond, il aurait été difficile de trouver des éléments de preuve étayant l’urgence de la suspension sollicitée dans la mesure où la partie requérante ne disposait pas de documents prouvant les graves difficultés économiques qu’elle et sa famille en Lettonie traversaient.

21      S’agissant du pourvoi contre l’ordonnance du 18 décembre 2009 et du référé introduit par le Parlement en vue d’obtenir le sursis à l’exécution de celle-ci, la partie requérante fait valoir que pour la première fois ces procédures étaient utilisées à l’encontre d’une ordonnance en référé du président du Tribunal et qu’il convenait de veiller à l’exécution de la suspension de la décision de licenciement décidée dans l’ordonnance susmentionnée.

22      Par ailleurs, la nature même de la maladie de la partie requérante aurait compliqué le travail de ses conseils.

23      La partie requérante soutient, en deuxième lieu, que l’intérêt économique de l’affaire était indéniable dans la mesure où la décision de licenciement avait mis fin à son emploi.

24      S’agissant, en troisième lieu de l’ampleur du travail accompli, la partie requérante prétend que l’affaire a comporté quatre procédures distinctes, à savoir la procédure au fond, le référé devant le président du Tribunal, le pourvoi contre l’ordonnance du 18 décembre 2009 et le référé introduit par le Parlement dans le cadre dudit pourvoi.

25      La procédure au fond aurait nécessité plus de 81 heures de travail. En effet, outre la mise au point de la requête, elle aurait présenté la particularité d’exiger, notamment, d’importantes recherches juridiques, la rédaction d’une demande tendant à pouvoir déposer des annexes en langue anglaise à la requête, une demande d’anonymat et deux présentations de nouvelles offres de preuves. La procédure au fond aurait, en outre, requis l’analyse de l’ordonnance du 18 décembre 2009 et de celles du président du Tribunal de l’Union européenne des 27 et 28 avril 2010 mentionnées aux points 6 et 7 de la présente ordonnance, l’étude de la décision de rejet de la réclamation, du 5 février 2010, ainsi que la lecture du rapport de notation de la requérante pour l’année 2009.

26      Le référé aurait exigé, quant à lui, 29 heures de travail. Celles-ci seraient justifiées par la requête introductive, qui aurait nécessité le développement de faits et d’arguments établissant l’urgence, mais aussi, notamment, par une demande tendant à pouvoir déposer des annexes en langue anglaise, une demande d’anonymat, une réponse aux mesures d’organisation de la procédure décidées par le président du Tribunal, ainsi que la rédaction d’une demande visant à pouvoir présenter des observations en réponse à celles du Parlement.

27      La procédure de pourvoi contre l’ordonnance du 18 décembre 2009 aurait, pour sa part, requis 41 heures de prestations pour analyser le pourvoi du Parlement, rédiger un mémoire en réponse ainsi qu’une demande tendant à pouvoir produire une nouvelle preuve.

28      Par ailleurs, la demande tendant au sursis à exécution de l’ordonnance du 18 décembre 2009, introduite par le Parlement dans le cadre de son pourvoi, aurait requis près de six heures de travail. Celles-ci auraient été justifiées par l’analyse de cette demande, par la rédaction d’une demande de prorogation de délais et par la rédaction d’observations portant, notamment, sur la balance des intérêts en présence.

29      La partie requérante conteste aussi que le Parlement puisse critiquer le nombre d’heures consacrées aux recherches juridiques et le fixer seulement à 25 heures et 30 minutes, alors que les 48 heures facturées à ce titre étaient amplement justifiées notamment par la complexité et la nouveauté des questions de fond.

30      De même, la partie requérante estime que les 18 heures facturées pour la préparation de l’audience au fond ne sont pas exagérées, compte tenu de la complexité des faits, de l’existence de procédures connexes, de la nouveauté de la question juridique soulevée et également de sa maladie qui aurait compliqué le travail de ses conseils.

31      Le Parlement conteste, tout d’abord, la difficulté de la cause et son importance sous l’angle du droit de l’Union. De plus, les banques de données disponibles sur Internet réduiraient considérablement le temps nécessaire aux recherches juridiques.

32      S’agissant de l’ampleur du travail, le Parlement considère que l’affaire ne saurait être décomposée en quatre procédures distinctes et indépendantes. Il critique aussi la nécessité d’inclure dans les honoraires le temps consacré à la lecture du rapport de notation pour l’année 2009 de la partie requérante. De plus, le temps consacré aux recherches juridiques, d’un total de 46 heures et 18 minutes, serait excessif.

33      En outre, dans le décompte relatif à la procédure au fond, il ne saurait être tenu compte des frais relatifs à l’analyse de l’ordonnance du 18 décembre 2009 et des ordonnances du président du Tribunal de l’Union européenne des 27 et 28 avril 2010 dans la mesure où ces ordonnances porteraient seulement sur la question de savoir si les conditions de la suspension de la décision de licenciement étaient remplies. En tout état de cause, les frais en question concerneraient des documents clôturant une procédure et, à ce titre, ne constitueraient pas des dépens récupérables. Le nombre de 18 heures consacrées à la préparation de l’audience au fond serait également exagéré. En définitive, et au vu des devoirs effectués dans le cadre de la procédure au fond, le Parlement considère excessif le nombre de 81 heures facturées par la partie requérante et suggère de réduire celui-ci à 50 heures et 42 minutes.

34      S’agissant de la procédure en référé, le Parlement conteste des postes déjà inclus, selon lui, dans les frais afférents à la procédure au fond, le nombre d’heures relatives à l’établissement de la requête aux fins de sursis à exécution et celui consacré aux recherches juridiques.

35      S’agissant de la procédure de pourvoi contre l’ordonnance du 18 décembre 2009, le Parlement conteste le poste relatif aux heures consacrées aux recherches juridiques et celui relatif aux heures prétendument nécessitées par la rédaction du mémoire en réponse.

36      Enfin, le Parlement estime ne pas avoir à supporter les frais relatifs à la présente procédure de taxation, lesquels seraient excessifs en tout état de cause.

 Appréciation du Tribunal

 Observations préliminaires

37      En premier lieu, aux termes de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération du représentant, s’ils sont indispensables ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins. Par ailleurs, il appartient au requérant de produire des justificatifs de nature à établir la réalité des frais dont il demande le remboursement (ordonnances du Tribunal du 10 novembre 2009, X/Parlement, F‑14/08 DEP, point 21 ; du 26 avril 2010, Schönberger/Parlement, F‑7/08 DEP, point 23, et du 27 septembre 2011, De Nicola/BEI, F‑55/08 DEP, point 27).

38      En deuxième lieu, il ressort d’une jurisprudence constante que le juge de l’Union n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le juge de l’Union n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (ordonnances X/Parlement, précitée, point 22 ; Schönberger/Parlement, précitée, point 24, et De Nicola/BEI, précitée, point 41).

39      En troisième lieu, il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions de nature tarifaire dans le droit de l’Union, le juge doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu nécessiter de la part des agents ou conseils qui sont intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (ordonnances X/Parlement, précitée, point 23 ; Schönberger/Parlement, précitée, point 25, et De Nicola/BEI, précitée, point 41).

40      C’est en fonction de ces considérations qu’il convient d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

 Sur les dépens récupérables

41      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l’arrêt du 28 octobre 2010 a enjoint au Parlement de rembourser à la partie requérante l’ensemble des dépens dans l’affaire, y compris les dépens relatifs à la procédure en référé devant le Tribunal, ceux relatifs à la procédure sur pourvoi contre l’ordonnance du 18 décembre 2009 et ceux relatifs à la demande de sursis à l’exécution de ladite ordonnance qui avaient été réservés. À cet égard, même si ces dernières procédures présentaient des particularités entre elles et par rapport à la procédure au fond, il ne saurait être considéré que la partie requérante a dû diligenter ou a été confrontée à quatre procédures distinctes et indépendantes. Toutes avaient, en effet, trait à la même affaire et avaient, de ce fait, de substantiels éléments en commun.

42      En outre, il convient de rappeler également, à titre liminaire, que l’arrêt du 28 octobre 2010 (points 65 et 67) ne va pas au-delà de la reconnaissance « d’un doute sur l’origine médicale des difficultés rencontrées » par la partie requérante et, plus précisément, « quant à sa santé mentale ». Aussi ne saurait-il être tenu pour acquis que la nature même de la maladie dont la partie requérante serait atteinte aurait compliqué le travail de ses conseils.

43      S’agissant des conditions tenant à la nature et à l’objet du litige, il apparaît que celui-ci ne présentait pas une singularité telle qu’il justifierait un traitement particulier en ce qui concerne les dépens. Quant aux difficultés de la cause et à son importance sous l’angle du droit de l’Union, il y a lieu de relever que, pour n’être pas d’une grande complexité, le recours a néanmoins conduit le Tribunal à préciser que les obligations qu’impose à l’administration le devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation particulière d’un fonctionnaire pour lequel il existe des doutes quant à sa santé mentale et, par conséquent, quant à sa capacité à défendre, d’une manière adéquate, ses propres intérêts.

44      S’agissant de l’ampleur du travail des conseils de la partie requérante, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de tenir compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de cette procédure (ordonnances X/Parlement, précitée, point 26, et Schönberger/Parlement, précitée, point 29).

45      Pour ce qui concerne la procédure au fond, la partie requérante fait valoir à juste titre que la lecture de son rapport de notation pour l’année 2009 était indispensable à la procédure afin de déterminer s’il contenait des éléments susceptibles d’être utilisés, dès lors que l’objet de la procédure au fond était l’annulation de son licenciement pour insuffisance professionnelle.

46      De même, l’analyse de l’ordonnance du 18 décembre 2009 et des ordonnances du président du tribunal de l’Union européenne des 27 et 28 avril 2010 ne peut être considérée comme dépourvue de caractère indispensable pour la procédure au fond. Certes, il est admis que les honoraires se rapportant à la période postérieure à la procédure orale ne peuvent être pris en compte et tel est, en particulier, le cas de ceux revendiqués pour l’analyse des arrêts et la préparation des pourvois (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 31 mars 2011, Tetra Laval/Commission, T‑5/02 DEP et T‑80/02 DEP, point 77). Toutefois, il découle des articles 278 TFUE et 279 TFUE que l’objet d’une procédure en référé consiste à aménager une situation provisoire dans le cadre d’une procédure au fond et dans l’attente d’une décision sur celle-ci. Au demeurant, la nécessité de prendre en considération, dans la procédure au fond, les frais inhérents à l’analyse des trois ordonnances en référé découle de ce que, comme le Parlement l’a lui-même soutenu, ces procédures n’étaient pas distinctes et indépendantes les unes des autres, car elles avaient trait à la même affaire et avaient, de ce fait, de substantiels éléments en commun (point 41 ci-dessus). De surcroît, il convient de tenir compte de ce qu’en l’espèce l’ordonnance du 18 décembre 2009 a ordonné le sursis à exécution de la décision de licenciement reconnaissant, au titre du fumus boni juris, que la requête en annulation était, au moins à première vue, fondée en un de ses arguments.

47      Il y a lieu d’accepter aussi la prestation relative à la lecture de la décision de rejet de la réclamation. Sans doute cette prestation concerne-t-elle a priori la phase précontentieuse de la procédure au fond. Toutefois, ainsi que cela a été rappelé dans l’exposé des faits à l’origine du litige, la procédure devant le Tribunal a exceptionnellement été introduite sur la base de l’article 91, paragraphe 4, du statut, soit immédiatement après l’introduction de la réclamation et sans attendre la décision de l’AIPN sur celle-ci. Dans ce contexte, il était donc indispensable à la poursuite de la procédure au fond que la partie requérante prenne connaissance de cette décision, intervenue en cours d’instance, et en mesure les implications.

48      En revanche, sont à exclure comme n’ayant pas été indispensables à la procédure, les frais d’avocats qui se rapportent à des périodes au cours desquelles aucun acte de procédure n’a été signalé (ordonnance de la Cour du 6 janvier 2004, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 DEP, point 47 ; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 21 décembre 2010, Le Levant 015 e.a./Commission, T‑34/02 DEP, point 33).

49      À cet égard, contrairement à ce que prétend le Parlement, le décompte annexé à la présente demande de taxation des dépens ne comporte aucune prestation entre le 5 et le 13 novembre 2009. En revanche, il y a effectivement lieu d’exclure les prestations facturées entre le 13 novembre 2009, date d’un courrier de la partie requérante envoyé au greffe demandant au Tribunal des mesures d’organisation de la procédure, et le 23 avril 2010, date à laquelle la partie requérante a pris connaissance du mémoire en réponse du Parlement, sous réserve, cependant, de la lecture et de l’analyse de l’ordonnance du 18 décembre 2009, ainsi que de la lecture de la réponse de l’AIPN à la réclamation, comme cela a été exposé aux points 46 et 47 ci-dessus. S’agissant des prestations accomplies entre le 23 avril et le 10 mai 2010, également contestées par le Parlement, il y a lieu de les prendre en compte, à l’exclusion cependant de l’analyse de documents dans la perspective de l’introduction d’une nouvelle demande en référé devant le Tribunal. De même y a-t-il lieu d’écarter la facturation des analyses juridiques de la procédure de demande de traitement prioritaire, du statut, en vue d’un accord avec le Parlement, et de la législation luxembourgeoise relative au revenu minimum garanti. L’ensemble de ces prestations n’apparaît, en effet, pas avoir trouvé une concrétisation dans un acte de procédure.

50      Par ailleurs, déduction faite des prestations consacrées aux analyses juridiques exclues au point précédent, le temps facturé dans le cadre de la procédure au fond pour les recherches juridiques et leur analyse s’élève à 15 heures et 18 minutes. Une telle facturation n’est pas excessive même en prenant en considération le fait que les deux conseils représentant la partie requérante appartiennent à un cabinet d’avocats expérimenté dans le domaine de la fonction publique européenne, la circonstance que la procédure n’a comporté qu’un échange de mémoires et l’observation pertinente du Parlement selon laquelle les banques de données disponibles sur Internet réduisent considérablement le temps nécessaire aux recherches juridiques.

51      Par contre, 18 heures au titre de la préparation de l’audience, réparties sur sept jours de travail, apparaissent exagérées compte tenu de la nature de l’affaire et du fait que les conseils de la partie requérante ont eu l’occasion d’approfondir leur connaissance de celle-ci tant lors de la procédure précontentieuse et des procédures en référé devant le Tribunal et devant le Tribunal de l’Union européenne que durant la procédure au fond. Dans les circonstances de l’espèce, un nombre de 6 heures de travail au titre de la préparation de l’audience au fond apparaît plus raisonnable.

52      Il découle de ce qui précède que les heures de prestations à considérer comme indispensables aux fins de la procédure au fond s’élèvent à 66 heures et 48 minutes correspondant à 13 350 euros.

53      S’agissant de la procédure en référé devant le Tribunal, il y a lieu d’écarter les prestations relatives à la rédaction d’une demande de pouvoir produire des annexes dans une langue autre que la langue de la procédure et celles concernant la rédaction d’une demande d’anonymat. La partie requérante n’a adressé qu’une seule lettre pour chacune de ces demandes et les prestations afférentes à ces lettres ont déjà été comptabilisées dans les frais relatifs à la procédure au fond.

54      De plus, la facturation de 10 heures et 30 minutes pour la rédaction de la requête de sursis à l’exécution et de deux heures pour la préparation des annexes est excessive, dès lors que, à l’exception de l’argument relatif à l’urgence, la requête reprend en substance les termes de la requête en annulation. Dans ces conditions, seules cinq heures de travail sont à considérer comme indispensables.

55      De même, 8 heures de travail au titre de recherches juridiques consacrées spécialement à la procédure de référé apparaissent exagérées. Compte tenu de l’expérience du cabinet d’avocats auquel appartiennent les conseils de la partie requérante et des questions soulevées spécifiquement en référé par l’affaire, cinq heures apparaissent appropriées.

56      Par voie de conséquence, le travail indispensable aux fins du référé introduit conjointement à la procédure au fond représente 19 heures et trente minutes, soit un montant de 3 900 euros.

57      S’agissant enfin de la procédure de pourvoi, il y a lieu d’observer que si, effectivement, le pourvoi du Parlement contre l’ordonnance du 18 décembre 2009 a été le premier pourvoi dirigé contre une ordonnance en référé du président du Tribunal, un tel recours avait déjà été introduit, avant la création du Tribunal, contre des ordonnances en référé du président du Tribunal de première instance des Communautés européennes rendues en matière de fonction publique, de sorte que la partie requérante disposait d’éléments de comparaison non négligeables.

58      Il convient, en outre, d’écarter les frais consacrés à la rédaction d’une nouvelle offre de preuves du 27 avril 2010 qui n’a pas été communiquée au Parlement, l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne statuant sur le pourvoi étant intervenue à cette date.

59      De plus, 21 heures de travail au titre de recherches juridiques dans le cadre de la procédure de pourvoi apparaissent nettement excessives pour des avocats membres d’un cabinet expérimenté. Il sera fait une juste appréciation du travail objectivement indispensable aux fins de cette procédure en le fixant à 10 heures. Il en va de même du nombre de 14 heures et 30 minutes pour la rédaction du mémoire en réponse au pourvoi devant le président du Tribunal de l’Union européenne ; 10 heures apparaissent plus adéquates pour cette dernière prestation.

60      En conséquence, le travail indispensable dans le cadre de la procédure de pourvoi contre l’ordonnance du 18 décembre 2009 doit être fixé à 25 heures et 24 minutes, soit un montant de 5 080 euros.

61      Enfin, le Parlement ne conteste pas le montant de 1 140 euros facturé par les conseils de la partie requérante pour la procédure en référé qu’il avait introduite dans le cadre de son pourvoi contre l’ordonnance du 18 décembre 2009.

62      Au vu tout ce qui précède, il convient de fixer à 23 470 euros le montant des dépens récupérables aux titres de la procédure au fond, du référé, du pourvoi sur l’ordonnance du 18 décembre 2009 et de la procédure en référé introduite dans le cadre de ce pourvoi.

 Sur les frais engagés au titre de la procédure de taxation des dépens

63      L’article 92 du règlement de procédure relatif à la procédure de contestation sur les dépens ne prévoit pas, à la différence de l’article 86 dudit règlement, qu’il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. En effet, si, en vertu de l’article 92 du règlement de procédure, le Tribunal statuait sur la contestation des dépens d’une instance principale et, séparément, sur les nouveaux dépens exposés dans le cadre de cette dernière contestation, il pourrait, le cas échéant, être saisi ultérieurement d’une nouvelle contestation des nouveaux dépens.

64      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais et honoraires exposés aux fins de la présente procédure.

65      Néanmoins, il appartient au Tribunal, lorsqu’il fixe les dépens récupérables, de tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de l’ordonnance de taxation des dépens (ordonnance Schönberger/Parlement, précitée, points 45 à 47).

66      En l’espèce, il y a lieu de constater que la demande initiale de remboursement des dépens présentée par la partie requérante était excessive et qu’elle l’est demeurée malgré les deux réductions que cette dernière a consenties, ce qui explique au premier chef le déclenchement de la procédure de taxation. De plus, la proposition formulée par le Parlement dans sa lettre du 28 janvier 2011 était, quant à elle, assez proche du montant finalement retenu par le Tribunal. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables au titre de la procédure de taxation des dépens en les limitant à 200 euros.

 Sur la demande d’intérêts moratoires

67      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 92 du règlement de procédure, relèvent de la compétence exclusive du Tribunal, d’une part, la constatation de l’obligation de payer des intérêts moratoires sur une condamnation aux dépens prononcée par ledit Tribunal et, d’autre part, la fixation du taux applicable (ordonnance X/Parlement, précitée, point 35).

68      Comme le demande la partie requérante, il convient, par conséquent, de prévoir, que le montant des dépens récupérables fixés aux points 62 et 66 ci-dessus produira, à compter de la signification de la présente ordonnance, des intérêts moratoires au taux calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

ordonne :

Le montant des dépens récupérables par la partie requérante auprès du Parlement européen est fixé à 23 670 euros, ladite somme portant intérêts moratoires, de la date de signification de la présente ordonnance à la date du paiement, au taux calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période susmentionnée, majoré de deux points.

Fait à Luxembourg, le 8 novembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.