Language of document : ECLI:EU:C:2019:945

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

31 octobre 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Lettres de la Commission européenne déclarant son incompétence pour présenter une proposition législative visant à modifier le règlement de procédure de la Cour – Actes non susceptibles de recours – Irrecevabilité manifeste du recours en première instance – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑409/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 mai 2019,

Hochmann Marketing GmbH, établie à Neu-Isenburg (Allemagne), représentée par Me J. Jennings, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, faisant fonction de président de chambre, MM. C. Vajda et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Hochmann Marketing GmbH demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 22 mars 2019, Hochmann Marketing/Commission (T‑673/18, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:189), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant manifestement irrecevable son recours tendant, d’une part, à obtenir l’annulation de la décision prétendument contenue dans les lettres des 14 et 21 septembre 2018 que la Commission européenne lui avait adressées ainsi que, d’autre part, à adresser des injonctions à cette institution de l’Union européenne.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2018, la requérante a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision prétendument contenue dans les lettres des 14 et 21 septembre 2018 que lui avait adressées la Commission et dans lesquelles cette dernière s’était déclarée incompétente pour modifier le règlement de procédure de la Cour ainsi que, d’autre part, à adresser des injonctions à cette institution de l’Union. La requérante avait en effet demandé à la Commission qu’elle modifie ou, à tout le moins, qu’elle propose la modification de ce règlement de procédure et, en particulier, de l’article 181 de celui-ci.

3        Au soutien de son recours, la requérante avait fait valoir des « divergences » entre ledit règlement de procédure et le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui lui auraient causé un préjudice en raison du rejet de son pourvoi par l’ordonnance du 28 juin 2018, Hochmann Marketing/EUIPO (C‑118/18 P, non publiée, EU:C:2018:522), sur le fondement de l’article 181 du même règlement de procédure.

4        Le Tribunal a fait application de l’article 126 de son règlement de procédure et a adopté l’ordonnance attaquée, en considérant que le recours dont il était saisi était manifestement irrecevable.

5        Le Tribunal a rappelé, au point 10 de l’ordonnance attaquée, que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci.

6        À cet égard, le Tribunal a rappelé, aux points 13 et 14 de l’ordonnance attaquée, la procédure selon laquelle le règlement de procédure de la Cour est arrêté.

7        Le Tribunal en a conclu, au point 15 de l’ordonnance attaquée, que la Commission n’était pas compétente pour proposer une modification du règlement de procédure de la Cour ni, a fortiori, pour le modifier elle-même, comme la requérante le demandait à celle-ci. La Commission n’était donc pas en mesure d’adopter un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à modifier de façon caractérisée sa situation juridique à la suite du rejet du pourvoi par l’ordonnance du 28 juin 2018, Hochmann Marketing/EUIPO (C‑118/18 P, non publiée, EU:C:2018:522), sur le fondement de l’article 181 du même règlement de procédure.

8        Le Tribunal a ainsi rejeté le recours de la requérante comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il fût nécessaire de se prononcer sur la demande d’injonction formulée par la requérante.

 Les conclusions de la requérante

9        Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée et

–        de condamner la Commission aux dépens.

 Sur le pourvoi

10      En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

11      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

12      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de son droit à être entendue, tel qu’il est consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 Argumentation de la requérante

13      Afin de démontrer que le Tribunal a commis une erreur de droit en violant son droit à être entendue, la requérante fait, tout d’abord, valoir, aux points 45 à 71 de son pourvoi, que la lettre de la Commission du 21 septembre 2008 contenait des indications erronées.

14      Ensuite, la requérante allègue, au point 76 de ce pourvoi, que le Tribunal a violé son droit à être entendue, au motif qu’il n’aurait pas pris connaissance de la totalité de son argumentation. En particulier, elle précise, aux points 80 à 82 dudit pourvoi, qu’elle ne contestait pas que la Commission fût incompétente pour modifier le règlement de procédure de la Cour, mais faisait valoir que cette institution de l’Union pouvait, à tout le moins indirectement, faire en sorte que ce règlement de procédure soit modifié.

15      Enfin, la requérante reproche au Tribunal, au point 85 du même pourvoi, de ne pas avoir demandé à la Commission ses observations et d’avoir mis fin arbitrairement à la procédure, en faisant application de l’article 126 de son règlement de procédure.

 Appréciation de la Cour

16      Il y a lieu de relever que le Tribunal a rejeté le recours dont il était saisi comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il fût nécessaire de se prononcer sur la demande d’injonction adressée à cette institution, au motif qu’il était dirigé contre un acte qui n’était pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

17      À ce titre, le Tribunal a indiqué, au point 15 de l’ordonnance attaquée, que la Commission n’était pas en mesure d’adopter un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à modifier de façon caractérisée la situation de la requérante à la suite du rejet du pourvoi qu’elle avait introduit dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 28 juin 2018, Hochmann Marketing/EUIPO (C‑118/18 P, non publiée, EU:C:2018:522), dans la mesure où cette institution n’était compétente ni pour proposer une modification du règlement de procédure de la Cour ni pour le modifier elle-même.

18      À cet égard, ainsi que le Tribunal l’a rappelé à juste titre aux points 10 à 14 de cette ordonnance, il résulte d’une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C‑351/15 P, EU:C:2017:27, point 36 et jurisprudence citée). En outre, il ressort de l’article 253, sixième alinéa, TFUE que la Cour établit son règlement de procédure, lequel est soumis à l’approbation du Conseil.

19      Il convient d’ajouter que, dans son pourvoi, la requérante se borne à faire valoir que le Tribunal n’a pas pris en considération l’ensemble des arguments de fond qu’elle avait invoqués dans le cadre de son recours introduit en première instance et que, en faisant application de l’article 126 de son règlement de procédure, le Tribunal a porté atteinte à son droit à être entendue.

20      S’agissant de l’absence de prise en considération par le Tribunal de l’ensemble des arguments de fond invoqués par la requérante dans le cadre de son recours introduit en première instance, en particulier ceux relatifs aux indications erronées figurant dans la lettre de la Commission du 21 septembre 2018, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence également constante, un pourvoi doit indiquer de façon claire et précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à ces exigences un moyen ne comportant aucune argumentation juridique visant à démontrer une erreur de droit et qui constitue une simple demande de réexamen de la requête présentée en première instance (ordonnance du 6 avril 2017, Gaki/Parlement, C‑610/16 P, non publiée, EU:C:2017:289, point 13 et jurisprudence citée).

21      Or, il y a lieu de constater que les arguments invoqués par la requérante dans le pourvoi sont la reproduction quasiment mot pour mot de ceux qu’elle avait invoqués dans le cadre du recours introduit en première instance, celle-ci n’identifiant précisément aucune erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal ni ne développant aucune argumentation spécifique à cet égard. Dans ces conditions, une telle argumentation est manifestement irrecevable.

22      Par ailleurs, pour autant que la requérante reprocherait au Tribunal d’avoir omis de statuer sur la demande tendant à adresser des injonctions à la Commission, il convient de rappeler que celui-ci a considéré qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur cette demande. De même, dans la mesure où la requérante lui ferait grief d’avoir omis de constater une carence de la Commission, il y a lieu de relever que le recours dont était saisi le Tribunal constituait un recours en annulation et non pas un recours en carence.

23      Il ne saurait donc être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit au motif qu’il n’a pas répondu à l’intégralité des arguments de la requérante, dès lors que, en application de l’article 126 de son règlement de procédure, celui-ci peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable. En l’espèce, en déclarant l’irrecevabilité manifeste du recours dont il était saisi, le Tribunal a statué au regard des conditions de recevabilité de ce recours.

24      Quant à la prétendue violation du droit d’une partie à être entendue, tel qu’il est consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, violation qui résulterait de l’application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, il y a lieu de rappeler que l’application de la procédure prévue à cette disposition ne porte pas atteinte, par elle-même, à une procédure juridictionnelle régulière et effective, dès lors que cette disposition n’est applicable qu’aux affaires dans lesquelles le recours soumis au Tribunal est manifestement irrecevable (voir, par analogie, ordonnance du 3 juin 2005, Killinger/Allemagne e.a., C‑396/03 P, EU:C:2005:355, point 9, ainsi que arrêt du 19 février 2009, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, C‑308/07 P, EU:C:2009:103, point 36).

25      Ainsi, l’application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal ne garantit pas le déroulement d’une phase orale, celui-ci pouvant statuer au terme d’une procédure uniquement écrite (voir, par analogie, arrêt du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, C‑417/04 P, EU:C:2006:282, point 37, ainsi que ordonnance du 4 mai 2016, Pannonhalmi Főapátság/Parlement, C‑607/15 P, non publiée, EU:C:2016:329, point 21).

26      Or, le Tribunal ayant statué non pas sur le fond, mais sur la recevabilité du recours dont il était saisi, il apparaît que celui-ci a pu fonder sa décision sur des informations qui étaient suffisantes et figuraient dans la requête, sans qu’il fût nécessaire d’entendre la Commission en ses explications orales.

27      En outre, et pour autant que la requérante semble soutenir que le Tribunal aurait dû demander à la Commission de présenter des observations qui auraient permis d’éclaircir les faits, il suffit de rappeler que le droit de la partie requérante à être entendue n’implique nullement une obligation de faire participer la partie défenderesse à la procédure.

28      En tout état de cause, afin de contester une ordonnance adoptée en application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, il appartenait à la requérante de démontrer que le Tribunal avait considéré à tort que les conditions d’application de cette disposition  étaient réunies, ce qu’elle n’a pas fait.

29      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

30      En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

31      En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      Hochmann Marketing GmbH supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.