Language of document : ECLI:EU:C:2019:3

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 9 janvier 2019 (1)

Affaire C‑620/16

Commission européenne

contre

République fédérale d’Allemagne

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Décision 2014/699/UE du Conseil – Principe de coopération loyale – Article 4, paragraphe 3, TUE – Recevabilité – Comportement passé – Refus de la République fédérale d’Allemagne de voter conformément à une décision du Conseil lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF »






I.      Introduction

1.        Tant l’Union européenne que vingt-six de ses États membres sont parties à la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980, telle que modifiée par le protocole de Vilnius du 3 juin 1999 (ci-après la « COTIF »), qui est administrée par l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF), une organisation internationale établie à Berne. En vue de préparer une réunion de ladite organisation, le Conseil a adopté, en date du 24 juin 2014, la décision 2014/699/UE (2), qui a établi la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres quant à l’exercice des droits de vote lors de ladite réunion.

2.        Les événements subséquents ont abouti à deux procédures devant la Cour : en premier lieu, un recours en annulation introduit par la République fédérale d’Allemagne contre le Conseil, faisant valoir, à titre principal, que l’Union n’était pas compétente aux fins d’adopter la décision (ce recours a été rejeté par la Cour dans l’arrêt du 5 décembre 2017, Allemagne/Conseil) (3) ; en second lieu, un recours en manquement formé par la Commission européenne contre la République fédérale d’Allemagne, qui constitue l’objet de la présente affaire.

3.        Dans sa requête au titre de l’article 258 TFUE, la Commission a invité la Cour à constater que la République fédérale d’Allemagne avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la décision 2014/699 et de l’article 4, paragraphe 3, TUE, en ne votant pas conformément à cette décision et en exprimant publiquement sa désapprobation quant au contenu de celle-ci, dans le cadre de la réunion.

4.        Cette affaire soulève des questions fondamentales concernant la recevabilité d’un recours en manquement, lorsque le comportement fautif allégué est intervenu dans le passé et a prétendument épuisé ses effets. À cet égard, la Cour se voit offrir l’opportunité de préciser sa jurisprudence en matière de recevabilité des recours en manquement.

5.        En outre, au fond, la présente affaire met en lumière l’importance du principe de coopération loyale au titre de l’article 4, paragraphe 3, TUE, dans le contexte des relations extérieures de l’Union et, en particulier, dans des situations où ce même principe aboutit à des effets juridiques distincts de ceux qui découlent d’autres dispositions en droit de l’Union. À cet égard, la procédure en l’espèce illustre le fait suivant, mis en exergue par la doctrine : en pratique, il n’est pas toujours aisé d’« isoler » le principe d’attribution (4) par rapport à d’autres principes, tels que l’obligation de coopération loyale visée à l’article 4, paragraphe 3, TUE (5).

6.        Mon appréciation de cette affaire m’amènera à inviter la Cour à juger que le recours en manquement engagé par la Commission est à la fois recevable et fondé.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit international

1.      La COTIF

7.        La COTIF est entrée en vigueur le 1er juillet 2006. Les quarante‑neuf États (y compris tous les États membres de l’Union, à l’exception de la République de Chypre et de la République de Malte) qui sont parties à la COTIF constituent l’OTIF. L’Union a adhéré à la COTIF avec effet au 1er juillet 2011.

8.        En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la COTIF, l’OTIF a pour but de favoriser, d’améliorer et de faciliter, à tout point de vue, le trafic international ferroviaire, notamment en établissant des régimes de droit uniforme dans divers domaines juridiques relatifs au trafic international ferroviaire.

9.        En principe, la commission de révision de l’OTIF est composée de toutes les parties à la COTIF. Selon l’article 17, paragraphe 1, sous a) et b), de la COTIF, la commission de révision de l’OTIF se doit de décider, dans les limites de ses compétences, des propositions tendant à modifier la COTIF et d’examiner, en outre, les propositions à soumettre pour décision à l’assemblée générale de l’OTIF. Les compétences respectives de ces deux organes de l’OTIF quant aux modifications de la COTIF sont prévues à l’article 33 de ladite convention.

10.      Dans le cadre du titre VI de la COTIF, intitulé « Modification de la [COTIF] », l’article 33, intitulé « Compétence », dispose :

« [...]

§ 2      L’Assemblée générale décide des propositions tendant à modifier la Convention pour autant que les §§ 4 à 6 ne prévoient pas une autre compétence.

[...]

§ 4      Sous réserve des décisions de l’Assemblée générale prises selon le § 3, première phrase, la Commission de révision décide des propositions tendant à modifier les

a)      articles 9 et 27, §§ 2 à 5 ;

[...]

d)      Règles uniformes CUV, à l’exception des articles 1er, 4, 5 et 7 à 12 ;

[...] »

11.      Conformément à l’article 35 de la COTIF (intitulé « Décisions des Commissions ») :

« § 1      Les modifications de la Convention, décidées par les Commissions, sont notifiées par le Secrétaire général aux États membres.

§ 2      Les modifications de la Convention elle-même, décidées par la Commission de révision, entrent en vigueur pour tous les États membres le premier jour du douzième mois suivant celui au cours duquel le Secrétaire général les a notifiées aux États membres. Les États membres peuvent formuler une objection dans les quatre mois à compter de la date de la notification. En cas d’objection d’un quart des États membres, la modification n’entre pas en vigueur. Si un État membre formule une objection contre une décision de la Commission de révision dans le délai de quatre mois et qu’il dénonce la Convention, la dénonciation prend effet à la date prévue pour l’entrée en vigueur de cette décision.

§ 3      Les modifications des Appendices à la Convention, décidées par la Commission de révision, entrent en vigueur pour tous les États membres, le premier jour du douzième mois suivant celui au cours duquel le Secrétaire général les a notifiées aux États membres. Les modifications décidées par la Commission d’experts du RID ou par la Commission d’experts techniques entrent en vigueur pour tous les États membres le premier jour du sixième mois suivant celui au cours duquel le Secrétaire général les a notifiées aux États membres.

§ 4      Les États membres peuvent formuler une objection dans un délai de quatre mois à compter du jour de la notification visée au § 3. En cas d’objection formulée par un quart des États membres, la modification n’entre pas en vigueur. Dans les États membres qui ont formulé une objection contre une décision dans les délais impartis, l’application de l’Appendice concerné est suspendue, dans son intégralité, pour le trafic avec et entre les États membres à compter du moment où les décisions prennent effet. Toutefois, en cas d’objection contre la validation d’une norme technique ou contre l’adoption d’une prescription technique uniforme, seules celles-ci sont suspendues en ce qui concerne le trafic avec et entre les États membres à compter du moment où les décisions prennent effet ; il en est de même en cas d’objection partielle.

[...] »

12.      Conformément à l’article 38, paragraphe 2, de la COTIF, l’Union, en tant qu’organisation régionale ayant adhéré à la COTIF, peut exercer les droits dont disposent ses États membres en vertu de la COTIF, dans la mesure où ils couvrent des matières relevant de sa compétence. L’article 38, paragraphe 3, indique qu’en vue de l’exercice du droit de vote et du droit d’objection prévu à l’article 35, paragraphes 2 et 4, l’Union dispose d’un nombre de voix égal à celui de ses États membres qui sont également membres de l’OTIF. Ces derniers ne peuvent exercer leurs droits, notamment de vote, que dans la mesure admise au paragraphe 2 de cette même disposition.

2.      L’accord d’adhésion

13.      L’accord entre l’Union européenne et [l’OTIF] concernant l’adhésion de l’Union européenne à la [COTIF] du 9 mai 1980, telle que modifiée par le protocole de Vilnius du 3 juin 1999 (JO 2013, L 51, p. 8, ci-après l’« accord d’adhésion »), signé à Berne le 23 juin 2011, est entré en vigueur le 1er juillet 2011, conformément à son article 9.

14.      L’article 6 de cet accord dispose :

« 1.      En ce qui concerne les décisions relatives aux matières relevant de la compétence exclusive de l’Union, l’Union exerce les droits de vote de ses États membres aux termes de la [COTIF].

2.      En ce qui concerne les décisions relatives aux matières pour lesquelles l’Union a une compétence partagée avec ses États membres, soit l’Union, soit ses États membres votent.

3.      Sous réserve de l’article 26, paragraphe 7, de la [COTIF], l’Union dispose d’un nombre de voix égal à celui de ses États membres qui sont également parties à la [COTIF]. Lorsque l’Union vote, ses États membres ne votent pas.

4.      L’Union informe cas par cas les autres parties à la [COTIF] des cas où, pour les divers points inscrits à l’ordre du jour de l’assemblée générale et des autres organes délibératifs, elle exercera les droits de vote prévus aux paragraphes 1 à 3. Cette obligation s’applique également aux décisions à prendre par correspondance. Cette information doit être fournie suffisamment tôt au secrétaire général de l’OTIF pour pouvoir être diffusée conjointement avec les documents de réunion ou pour qu’une décision puisse être prise par correspondance. »

B.      Le droit de l’Union

15.      L’accord d’adhésion a été approuvé au nom de l’Union par la décision 2013/103/UE (6).

16.      L’article 5 de cette décision prévoit que « les dispositions internes prises pour la préparation des réunions de l’OTIF et la représentation ainsi que les modalités de vote sont définies à l’annexe III de la présente décision ».

17.      L’annexe III, intitulée « Dispositions internes destinées au Conseil, aux États membres et à la Commission dans le cadre des travaux relevant de l’OTIF », est libellée comme suit :

« Compte tenu de l’exigence d’unité dans la représentation internationale de l’Union et de ses États membres, conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et s’imposant également au stade de la mise en œuvre d’obligations internationales, le Conseil, les États membres et la Commission appliquent les dispositions internes ci-après :

1.      Champ d’application

Les présentes dispositions internes s’appliquent à toutes les réunions de l’ensemble des organes créés dans le cadre de l’OTIF. Dans ces dispositions, le terme “réunion” s’entend comme incluant également par analogie toute autre procédure, telle que la procédure écrite.

2.      Procédure de coordination

2.1.      Afin de préparer les réunions de l’OTIF, qui ne se limitent pas aux réunions de l’assemblée générale, du comité administratif et d’autres comités, des réunions de coordination se tiennent :

–        à Bruxelles, au sein du groupe de travail compétent du Conseil (en règle générale, le groupe “Transports terrestres”), dès que possible et aussi souvent que nécessaire, avant la réunion de l’OTIF, et, en outre,

–        sur place, en particulier au début et, s’il y a lieu, au cours et à la fin d’une réunion de l’OTIF.

2.2.      Les réunions de coordination auront pour objet l’adoption de positions au nom de l’Union uniquement, ou, le cas échéant, au nom de l’Union et de ses États membres. La position des États membres relative à leurs compétences exclusives peut faire l’objet d’une coordination à l’occasion de ces réunions, si les États membres marquent leur accord sur ce point.

2.3.      Lors des réunions de coordination, des décisions seront prises sur l’exercice des responsabilités à l’égard des déclarations et des votes concernant chacun des points de l’ordre du jour de la réunion de l’OTIF pour lequel une déclaration peut être présentée ou un vote est attendu.

2.4.      Afin de préparer les réunions de coordination visées au point 2.1, notamment en ce qui concerne les projets de déclarations et les documents de synthèse, des discussions préliminaires auront lieu, le cas échéant, au sein du comité compétent créé par la législation ferroviaire applicable de l’Union, à savoir :

–        le comité pour le transport de marchandises dangereuses en ce qui concerne les points relevant de l’appendice C à la convention ; si ces points concernent l’interopérabilité ferroviaire ou l’approche commune en matière de sécurité découlant de la directive 2004/49/CE, il convient également de faire appel au comité pour l’interopérabilité et la sécurité ferroviaires ;

–        le comité pour le développement de chemins de fer de l’Union en ce qui concerne les points couverts par les appendices A, B, D ou E à la convention et les autres régimes de droit uniforme élaborés par l’OTIF ;

–        le comité pour l’interopérabilité et la sécurité ferroviaires en ce qui concerne les points couverts par les appendices F ou G à la convention.

2.5.      Avant toute réunion de l’OTIF, la Commission indique les points de l’ordre du jour qui font l’objet d’une coordination de l’Union et prépare des projets de déclarations et des documents de synthèse qui seront examinés lors des réunions de coordination.

2.6.      Si, lors des réunions de coordination, la Commission et les États membres ne peuvent se mettre d’accord sur une position commune, notamment en raison de désaccords quant à la répartition des compétences, la question peut être renvoyée au comité des représentants permanents et/ou au Conseil.

3.      Déclarations et votes dans les réunions de l’OTIF

3.1.      Lorsqu’un point de l’ordre du jour traite de questions relevant de la compétence exclusive de l’Union, la Commission prend la parole et vote au nom de l’Union. Après avoir procédé à une coordination en bonne et due forme, les États membres peuvent également s’exprimer pour soutenir et/ou affiner la position de l’Union.

3.2.      Lorsqu’un point de l’ordre du jour traite de questions relevant exclusivement de compétences nationales, les États membres prennent la parole et votent.

3.3.      Lorsqu’un point de l’ordre du jour traite de questions contenant des éléments relevant à la fois de la compétence nationale et de la compétence de l’Union, la présidence et la Commission expriment la position commune. Après avoir procédé à une coordination en bonne et due forme, les États membres peuvent prendre la parole pour soutenir et/ou affiner la position commune. Les États membres ou la Commission, le cas échéant, voteront au nom de l’Union et des États membres qui la constituent, conformément à la position commune. En ce qui concerne l’expression du vote, la décision sera prise en fonction de la compétence prépondérante (c’est-à-dire, compétence essentiellement nationale ou essentiellement communautaire).

3.4.      Lorsque, sur un point de l’ordre du jour traitant de questions relevant à la fois de la compétence nationale et de la compétence de l’Union, la Commission et les États membres ne sont pas en mesure de s’entendre sur une position commune telle qu’elle est définie au point 2.6, les États membres et la Commission peuvent s’exprimer et voter à propos des questions relevant clairement de leurs compétences.

3.5.      En ce qui concerne les matières pour lesquelles il n’y a pas d’accord entre la Commission et les États membres à propos de la répartition des compétences, ou lorsqu’il n’a pas été possible d’obtenir la majorité requise pour une position de l’Union, un effort maximal sera fait pour clarifier la situation ou parvenir à une position de l’Union. Dans cette attente et après avoir procédé à une coordination en bonne et due forme, les États membres et/ou la Commission, le cas échéant, seront autorisés à prendre la parole, à condition que la position exprimée ne préjuge pas une position future de l’Union, qu’elle soit cohérente avec les politiques de l’Union et les positions de l’Union antérieures et qu’elle soit également conforme à la législation de l’Union.

3.6.      Les représentants des États membres et de la Commission peuvent participer aux travaux des groupes de travail de l’OTIF qui préparent les comités techniques de l’OTIF, à savoir le comité d’experts pour le transport des marchandises dangereuses (RID) et le comité d’experts techniques (CET). Durant leur participation aux travaux de ces groupes, les représentants des États membres et de la Commission peuvent présenter leurs contributions techniques et participer pleinement aux discussions techniques sur la base de leurs connaissances techniques. L’Union ne sera pas liée par ces discussions.

Les représentants des États membres et de la Commission s’efforceront d’arriver à une position commune et de la défendre lors des discussions au sein des groupes de travail de l’OTIF.

[...] »

III. Les antécédents du litige

A.      Les faits à l’origine du litige

18.      Le 24 juin 2014, le Conseil a adopté la décision 2014/699.

19.      L’article 1er, paragraphe 1, de cette décision dispose que « la position à prendre au nom de l’Union lors de la 25e session de la commission de révision instituée par la [COTIF] correspond à l’annexe de la présente décision ». En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision, « des modifications mineures aux documents mentionnés dans l’annexe de la présente décision peuvent être acceptées par les représentants de l’Union au sein de la commission de révision sans autre décision du Conseil ».

20.      La section 3 de l’annexe à ladite décision mentionne, s’agissant des différents points à l’ordre du jour de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres, l’exercice des droits de vote, ainsi que la position coordonnée recommandée.

21.      Le point 4 de l’ordre du jour, en partie, ainsi que les points 5, 7 et 12 de l’ordre du jour concernent les modifications en cause.

22.      Lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, la Commission a fait valoir la position de l’Union, telle que formulée dans l’annexe à la décision 2014/699, alors que la République fédérale d’Allemagne a soutenu une position indépendante quant aux modifications proposées pour l’article 12 de la COTIF, ainsi que pour les appendices B (CIM), D (CUV) et E (CUI), et a exigé de pouvoir exercer elle-même son droit de vote sur ces points. La République fédérale d’Allemagne a voté contre la position avancée par l’Union quant aux modifications proposées pour l’article 12 de la COTIF et l’appendice D (CUV). Étant donné que cette proposition a obtenu la majorité requise, les modifications en cause ont été adoptées par la commission de révision de l’OTIF.

B.      La procédure précontentieuse

23.      Par lettre du 4 août 2014, la Commission a invité la République fédérale d’Allemagne à expliquer son comportement lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF.

24.      Dans sa réponse du 12 novembre 2014, la République fédérale d’Allemagne a estimé que son comportement était parfaitement légitime et légal, au motif qu’aucune des modifications en cause ne relevait de la compétence de l’Union, dans la mesure où cette dernière n’avait pas exercé sa compétence interne dans les domaines concernés.

25.      Le 22 décembre 2014, la République fédérale d’Allemagne a introduit un recours devant la Cour, visant à faire annuler partiellement la décision 2014/699, dans la mesure où cette dernière concernait les modifications litigieuses. Ses moyens portaient sur des violations alléguées i) du principe d’attribution (article 5, paragraphe 2, TUE), en raison d’un défaut de compétence de l’Union, ii) de l’obligation de motivation (article 296 TFUE) et iii) du principe de coopération loyale (article 4, paragraphe 3, TUE), en combinaison avec le principe de protection juridictionnelle effective (7).

26.      En date du 29 mai 2015, la Commission a engagé une procédure d’infraction au titre de l’article 258, paragraphe 1, TFUE, en adressant une lettre de mise en demeure à la République fédérale d’Allemagne, dans laquelle elle soutenait que, par son comportement lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, cet État membre avait manqué à ses obligations au titre de la décision 2014/699, ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, TUE. En outre, la Commission a observé que l’on pouvait déduire du fait que la République fédérale d’Allemagne considérait expressément, suivant ses propres déclarations, son comportement comme étant légitime, que cet État membre serait susceptible de s’adonner à un comportement similaire à l’avenir, dans des circonstances semblables.

27.      Dans sa réponse du 7 juillet 2015, la République fédérale d’Allemagne a réfuté les allégations de la Commission.

28.      Le 11 décembre 2015, la Commission a émis un avis motivé, dans lequel elle a réitéré sa position, telle qu’exprimée dans la lettre de mise en demeure. La Commission a sommé la République fédérale d’Allemagne de prendre toutes les mesures nécessaires aux fins de se conformer à l’avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci et, en particulier, aux fins de mettre un terme aux pratiques infractionnelles alléguées, décrites dans ce même avis motivé.

29.      Par une lettre datée du 1er février 2016, la République fédérale d’Allemagne a répondu à l’avis motivé en réitérant la position exprimée dans sa réponse à la lettre de mise en demeure.

C.      La procédure devant la Cour

30.      La Commission estime que la République fédérale d’Allemagne n’a adopté aucune mesure aux fins de remédier aux conséquences du comportement infractionnel allégué ou, en tout état de cause, aux fins de limiter ces conséquences et d’écarter tout doute quant à son action future. La Commission allègue également que la République fédérale d’Allemagne n’a pas reconnu l’illégalité de son comportement à l’égard de l’OTIF ou de la Commission et a, au contraire, continué à soutenir que son comportement était licite.

31.      Étant donné qu’elle ne considérait pas la réponse fournie par la République fédérale d’Allemagne en date du 1er février 2016 comme suffisante, la Commission a décidé d’engager le présent recours.

32.      Le 5 décembre 2017, après la fin de la procédure écrite dans la présente affaire, la Cour a rendu son arrêt dans l’affaire Allemagne/Conseil (8), arrêt par lequel elle a rejeté le recours de la République fédérale d’Allemagne, en écartant l’ensemble des trois moyens formulés par cet État membre.

33.      Par un acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 8 février 2017, la République fédérale d’Allemagne a soulevé une exception d’irrecevabilité. Le 10 mai 2017, l’avocat général ayant été entendu, la Cour a réservé sa décision jusqu’au prononcé de l’arrêt portant sur le fond du litige.

34.      Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 décembre 2017, le Conseil de l’Union européenne a formé une demande d’intervention au soutien de la Commission. Par décision du 3 janvier 2018, le Président de la Cour a fait droit à cette demande.

35.      Tant le gouvernement allemand que la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience du 4 juillet 2018, à l’instar du Conseil.

IV.    Analyse

A.      Sur la recevabilité du recours

1.      Arguments des parties

a)      La République fédérale d’Allemagne

36.      La République fédérale d’Allemagne considère que le recours est irrecevable. Elle fait valoir que le comportement mis en cause dans ce recours avait épuisé tous ses effets à la fin de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, à savoir avant la fin du délai fixé par la Commission dans son avis motivé. Dans le même ordre d’idées, la République fédérale d’Allemagne observe que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la Commission ne peut plus saisir celle-ci d’un recours en manquement lorsque l’État membre concerné a mis fin à l’infraction avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et, de plus, un recours en manquement est irrecevable lorsque l’acte reproché à l’État membre concerné a cessé de produire des effets juridiques avant l’expiration dudit délai (9).

37.      En outre, cet État membre fait valoir que son exercice du droit de vote n’a eu aucune incidence sur l’issue des décisions prises lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, comme le reconnait la Commission, et qu’il n’a pas davantage porté atteinte à la réputation, à la crédibilité ou à la représentation unitaire de l’Union au sein des membres de la communauté internationale. En tout état de cause, la République fédérale d’Allemagne affirme que l’Union a organisé la procédure d’adoption de la décision 2014/699 de façon à l’empêcher d’obtenir une protection juridictionnelle à l’égard de ladite décision, contribuant ainsi à la divergence d’opinion lors de cette même session.

38.      Enfin, la République fédérale d’Allemagne soutient que l’atteinte alléguée à l’image de l’Union ne peut plus être corrigée. Elle conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle elle n’aurait pris aucune mesure afin de remédier aux conséquences du comportement mis en cause dans la procédure d’infraction en l’espèce ni afin d’écarter les doutes quant à son action future. En effet, lors de l’adoption de la décision (UE) 2015/1734 (10), la République fédérale d’Allemagne a fait une déclaration (ci-après la « déclaration du 17 septembre 2015 »), qui apparaît dans le procès-verbal du Conseil, déclaration dans laquelle, tout en considérant que ladite décision était illégale, elle a spécifié qu’en l’attente du prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Allemagne/Conseil (C‑600/14), elle n’exercerait pas son droit de vote quant aux points litigieux en s’écartant des positions de l’Union. Ainsi, cet État membre a déjà mis fin à la pratique critiquée par la Commission dans son avis motivé, avant même que le délai fixé par ledit avis n’ait commencé à courir.

39.      Selon la République fédérale d’Allemagne, dans la mesure où la Commission s’attendait à ce qu’elle formule des excuses publiques et abandonne son analyse juridique, cet État membre ne perçoit pas de raison de procéder ainsi et se demande dans quelle mesure de telles excuses seraient de nature à éliminer a posteriori l’atteinte alléguée à la réputation et à la crédibilité de l’Union. En tout état de cause, rien dans la lettre de mise en demeure ou dans l’avis motivé ne suggère que la République fédérale d’Allemagne aurait violé le droit de l’Union en omettant de présenter de telles excuses. De plus, pour qu’un recours en manquement soit recevable, il ne suffit pas, selon la jurisprudence de la Cour, que des divergences d’opinions sur le plan juridique persistent entre un État membre et la Commission tant que, malgré cela, ledit État membre se conforme à l’analyse de la Commission. Tel est a fortiori le cas si la question juridique impliquant de telles divergences fait déjà l’objet d’une procédure devant la Cour, comme en l’espèce.

40.      Je ne peux m’empêcher de me remémorer l’expression « pociąg odjechał » (11), qui résume l’argument formulé par la République fédérale d’Allemagne en une phrase.

b)      La Commission

41.      Si la Commission reconnait qu’un recours au titre de l’article 258 TFUE relatif à une infraction qui a épuisé tous ses effets avant l’expiration du délai prévu dans l’avis motivé est irrecevable, elle souligne que ce principe n’est pas dénué d’exceptions.

42.      D’après la Commission, l’on peut déduire de l’arrêt du 31 mars 1992, Commission/Italie (12), que, bien que le manquement ait cessé de produire ses effets à la fin du délai fixé dans l’avis motivé, le recours demeure recevable lorsque, même si elle avait agi en temps utile, la Commission n’aurait pas disposé du temps nécessaire pour mener la procédure précontentieuse à son terme avant que l’infraction ne prenne fin. Dans de telles circonstances, il existe un intérêt public à ce que la Cour clarifie la situation juridique afin d’écarter tout doute dans le chef de l’État membre concerné ou d’autres États membres. Cet intérêt est d’autant plus évident lorsqu’il existe un litige entre la Commission et l’État membre concerné au sujet de la légalité du comportement de ce dernier.

43.      La Commission souligne que, dans les circonstances de l’espèce, elle n’était pas en mesure de mener la procédure précontentieuse à son terme en temps utile.

44.      De plus, la Commission estime que, selon la jurisprudence de la Cour, il n’est pas nécessaire de démontrer un risque de répétition du comportement allégué.

45.      S’agissant du grief afférent à la violation alléguée du principe de coopération loyale, visé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, la Commission reconnait que le dommage subi ne peut plus être réparé dans son intégralité, même si ledit dommage peut être limité par une clarification lors d’une réunion ultérieure de l’OTIF. En tout état de cause, étant donné qu’il était impossible, pour la Commission, de prévenir la survenance d’un tel dommage irréparable au moyen d’une procédure d’infraction, ce grief devrait être présumé recevable.

46.      Quant à l’argument selon lequel le comportement de l’Union aurait donné lieu à une situation préjudiciable à sa crédibilité et à sa réputation, la Commission considère que, si les effets du comportement de la République fédérale d’Allemagne sont incontestables, ceux du comportement de la Commission et du Conseil pourraient, tout au plus, faire l’objet d’une critique dans le cadre de l’examen au fond du litige. En toute hypothèse, cet argument est dénué de fondement. Ce raisonnement s’applique aussi à l’argument avancé par ledit État membre, selon lequel celui-ci ne jouissait pas d’une protection juridictionnelle.

47.      Par ailleurs, la Commission conteste l’argument de la République fédérale d’Allemagne, selon lequel cette dernière a fait tout ce qui était possible afin de dissiper les doutes quant à son comportement futur et même afin d’éliminer, dans la mesure du possible, les conséquences de son manquement en termes d’atteinte portée à l’image de l’Union. En particulier, cet État membre n’a pas reconnu, au sein de la commission de révision de l’OTIF, qu’il avait commis une erreur.

2.      Analyse

48.      La question soulevée par la présente affaire est de déterminer si le recours de la Commission est irrecevable car l’infraction alléguée a prétendument épuisé ses effets juridiques avant le terme du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission.

a)      Le libellé du traité

49.      Le point de départ est le libellé de l’article 258 TFUE.

50.      En vertu de cette disposition, si la Commission estime qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités (en d’autres termes, une obligation découlant du droit de l’Union), elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations. Si l’État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour.

51.      En effet, l’on pourrait être tenté de déduire du libellé de l’article 258 TFUE que, logiquement, cette disposition présuppose l’existence d’une infraction persistante que l’État membre peut faire cesser au cours de la procédure. L’on pourrait soutenir que, pour qu’un État membre puisse se conformer à un avis motivé, l’infraction se doit d’être persistante, car autrement, il serait impossible pour cet État membre de s’y conformer.

52.      Toutefois, il convient de s’opposer à une affirmation catégorique de cette nature, aussi tentante qu’elle puisse paraître.

b)      La jurisprudence en la matière

53.      À titre liminaire, il appert que la jurisprudence de la Cour n’étaye pas une telle affirmation.

54.      Il est vrai que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la Commission ne peut saisir celle-ci d’un recours en manquement lorsque l’État membre mis en cause s’est conformé au droit de l’Union avant l’expiration du délai fixé par la Commission à cette fin dans l’avis motivé (13).

55.      Cependant, les cas dans lesquels la Cour a effectivement rejeté un recours en manquement pour irrecevabilité sont plutôt rares.

56.      Dans l’arrêt Commission/Italie (14), en matière de marchés publics, la Cour a ainsi jugé que, lorsque l’avis de marché concerné avait épuisé ses effets avant l’émission de l’avis motivé, l’infraction alléguée avait cessé d’exister au moment de l’expiration du délai fixé dans ledit avis motivé et que le recours de la Commission se devait donc d’être rejeté comme étant irrecevable (15).

57.      Cependant, la Cour a fondé son raisonnement sur le fait que « la Commission n’a pas agi en temps utile pour éviter, par les procédures qui sont à sa disposition, que le manquement reproché produise des effets et n’a même pas invoqué l’existence de circonstances qui l’auraient empêchée de mener à terme la procédure précontentieuse, prévue à l’article [258 TFUE], avant qu’il n’ait cessé d’exister » (16). En procédant ainsi, la Cour a « suivi, pour l’essentiel » (17) les conclusions de l’avocat général Lenz, selon lesquelles il existait des exceptions à la règle (18) en cas « d’infractions saisonnières [...], lorsque le manquement n’a lieu que de manière limitée dans le temps du fait de son objectif et de sa nature juridique (comme les restrictions à l’importation ou à l’exportation fixées en fonction des saisons dans le but de protéger les opérateurs économiques nationaux) et que la poursuite de la procédure préliminaire au recours en manquement est de ce fait rendue plus difficile dans le temps ou même impossible » (19).

58.      J’observerais que cet aspect était crucial pour le raisonnement de la Cour : dès lors que la Commission n’a pas agi, alors qu’elle aurait pu le faire, ni fourni de justification adéquate pour une telle carence, elle ne devrait pas être habilitée à engager une procédure d’infraction contre un État membre à une étape ultérieure, si le manquement allégué a cessé d’exister.

59.      Dans sa jurisprudence, la Cour applique donc un critère en deux volets (cumulatifs) : premièrement, pour que le recours soit irrecevable, le manquement doit avoir cessé d’exister à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et, secondement, la Commission doit avoir été en mesure d’agir afin d’empêcher le manquement allégué de produire des effets. S’il n’est pas satisfait à l’un de ces deux volets, le recours ne peut pas être irrecevable.

60.      En appliquant ce critère en l’espèce, il s’ensuit que le recours de la Commission est recevable, car il était impossible à cette dernière d’empêcher la République fédérale d’Allemagne de commettre l’infraction alléguée (20).

61.      En outre, comme l’avocat général Mengozzi l’énonce clairement, si, en principe, la Commission n’est pas autorisée à agir à l’égard d’infractions qui ont cessé, « cela ne doit pas exclure la possibilité d’agir contre des manquements de courte durée, à l’égard desquels, même en agissant rapidement, elle n’aurait pas le temps matériel de mener à bien la procédure précontentieuse avant leur cessation [...] » (21). De même, l’avocat général Geelhoed formule une remarque pertinente, selon moi, lorsqu’il met en garde contre une interprétation trop rigide de la recevabilité, en soutenant que cela « aurait pour conséquence ultime qu’aucune action au titre de l’article [258 TFUE] ne pourrait être entreprise à l’avenir contre des infractions consommées et irréversibles au droit [de l’Union]. Cela pourrait ouvrir la porte à des infractions systématiques [...] » (22).

62.      L’approche que je propose ici est parfaitement conforme à la jurisprudence ancienne de la Cour sur la recevabilité des recours en manquement. En effet, dès 1973, la Cour a cherché à empêcher un État membre d’invoquer des arguments audacieux en matière de recevabilité, en considérant que « la partie défenderesse ne saurait en aucun cas être entendue lorsqu’elle invoque, pour échapper à une action judiciaire, un fait accompli dont elle est elle-même l’auteur » (23). Il ne me paraît guère nécessaire de m’appesantir quant à l’importance de cette déclaration en l’espèce.

c)      L’absence d’exigence distincte selon laquelle la Commission se devrait d’établir un « intérêt spécifique »

63.      Enfin, il convient d’ajouter que, dans le contexte de l’article 258 TFUE, la Commission n’est pas tenue de démontrer l’existence d’un intérêt spécifique à agir (24). En effet, la Commission ne doit pas prouver l’existence d’un intérêt spécifique à agir lorsqu’elle exerce ses pouvoirs au titre de l’article 258 TFUE. Eu égard à son rôle de gardienne du traité, la Commission est seule compétente aux fins de décider s’il est opportun d’engager une procédure en constatation de manquement et en raison de quel agissement ou omission imputable à l’État membre concerné cette procédure doit être introduite (25).

d)      Pas d’interprétation restrictive de l’article 258 TFUE

64.      S’agissant de l’argument plus général et fondamental avancé par le gouvernement allemand selon lequel, en tant que règle procédurale, l’article 258 TFUE devrait faire l’objet d’une interprétation restrictive de façon à garantir une sécurité juridique maximale, il suffit de dire que l’on ne discerne aucunement un tel principe dans la jurisprudence de la Cour (26).

65.      Bien au contraire. Au-delà de sa jurisprudence libérale en matière de recevabilité des renvois préjudiciels (27), la Cour ne s’est pas privée, à juste titre, d’interpréter les dispositions procédurales du traité praeter legem (c’est le moins que l’on puisse dire) afin de faire respecter le principe de l’État de droit, qui sous‑tend l’ordre juridique de l’Union (28), ou le principe de l’équilibre interinstitutionnel (29). S’agissant de l’arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, spécifiquement invoqué par le gouvernement allemand à l’appui de son argument, la Cour a, en effet, fait le choix de ne pas interpréter l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de manière trop large. Toutefois, à la différence du cas d’espèce, cette affaire portait sur la définition des actes qui concernent une personne individuellement au sens de l’article 263 TFUE et donc sur le contrôle de légalité des mesures prises par les institutions de l’Union. Si la Cour avait assoupli ces critères et altéré sa jurisprudence, cela aurait affecté le système complet de voies de recours dans l’ordre juridique de l’Union, ainsi que la relation et les interactions entre le recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE et la procédure préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, raison pour laquelle la Cour a mis en exergue la possibilité d’amender les traités, conformément à l’article 48 TUE (30).

66.      En somme, le présent recours est donc recevable.

B.      Sur le bien-fondé du recours

1.      Violation de la décision 2014/699

a)      Arguments des parties

1)      La Commission

67.      La Commission soutient que la République fédérale d’Allemagne a violé la décision 2014/699 en votant, lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, contre la position définie par l’Union dans cette décision, s’agissant des points 4 et 7 de l’ordre du jour de ladite commission de révision, et en contestant publiquement l’exercice du droit de vote par l’Union.

68.      La Commission déclare que, conformément au quatrième alinéa de l’article 288 TFUE, la décision 2014/699 est obligatoire dans tous ses éléments, tant pour les institutions de l’Union que pour les États membres. Elle ajoute que le fait que la République fédérale d’Allemagne ait voté contre ladite décision au Conseil et ait formé un recours en annulation visant ladite décision devant la Cour est sans incidence sur le caractère contraignant de la décision, ainsi que sur les obligations qui incombent aux États membres à ce titre.

69.      En effet, il appert, d’après la jurisprudence de la Cour, que les États membres ne sauraient s’autoriser à prendre unilatéralement des mesures correctives ou des mesures de défense destinées à obvier à une méconnaissance éventuelle, par l’institution qui a adopté l’acte litigieux, du droit de l’Union. À ce titre, aussi longtemps que la Cour n’aura pas annulé la décision 2014/699 ou sursis à son exécution, la République fédérale d’Allemagne se doit de la respecter. Autrement, l’application cohérente et uniforme du droit de l’Union, qui forme une caractéristique fondamentale du système de l’Union, serait mise en péril.

70.      En outre, la Commission considère qu’il n’était pas impossible ni inutile, pour la République fédérale d’Allemagne, de demander des mesures provisoires. Elle souligne que le traité a établi un système complet de voies de recours qui permet de faire face à des situations d’urgence, ainsi qu’il ressort des articles 278 et 279 TFUE. Des difficultés à cet égard, telles que celles invoquées par l’État membre concerné, n’autorisent pas les États membres à agir de façon unilatérale en violation du droit de l’Union.

71.      Dans ce contexte, la Commission met aussi en lumière le fait que la République fédérale d’Allemagne avait la possibilité d’obtenir des mesures provisoires en temps utile. À cet égard, elle rappelle que la décision de la commission de révision de l’OTIF ne créait pas elle-même un droit applicable dès la date de son adoption ; des démarches supplémentaires devaient être accomplies avant l’entrée en vigueur des modifications en cause. Cependant, entre la date d’adoption de la décision en question par la commission de révision de l’OTIF et l’entrée en vigueur des modifications en cause, la République fédérale d’Allemagne aurait pu obtenir des mesures provisoires. D’une part, s’agissant de la modification de l’article 12 de la COTIF, il ressort de l’article 33, paragraphes 2 et 4, sous a), de la COTIF que celle-ci devait encore être définitivement adoptée par l’assemblée générale de l’OTIF, qui n’a eu lieu que le 30 septembre 2015. D’autre part, s’agissant de la modification des articles 2 et 9 de l’appendice D (CUV), cette dernière ne serait pas entrée en vigueur immédiatement, en vertu de l’article 35, paragraphes 3 et 4, de la COTIF. À supposer que la Cour ait prononcé le sursis à l’exécution de la décision 2014/699, l’Union aurait donc eu la possibilité de formuler une objection auprès de l’OTIF dans un délai de quatre mois à compter de la date d’adoption de la modification en cause.

2)      La République fédérale d’Allemagne

72.      La République fédérale d’Allemagne affirme que la requête ne satisfait pas à l’exigence d’une formulation suffisamment claire, étant donné que la Commission n’a pas précisé dans ses conclusions qu’elle tenait l’État membre susmentionné pour responsable d’un manquement uniquement quant aux points 4 et 7 de l’ordre du jour de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF. Selon cet État membre, la Commission n’a procédé à cette clarification que dans son mémoire en réplique.

73.      Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne suggère que, en raison des vices graves dont elle est prétendument affectée, la décision en cause serait un acte inexistant (31) : il s’agit d’une problématique que la Cour devrait examiner d’office.

74.      La République fédérale d’Allemagne admet qu’elle ne s’est pas conformée à la décision 2014/699, dans la mesure où celle-ci prévoyait l’exercice des droits de vote par l’Union, s’agissant des points 5, 7 et 12 de l’ordre du jour de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF. Cependant, elle considère que les dispositions correspondantes de cette décision ne peuvent pas être invoquées à son égard, car elles sont illégales pour les motifs précédemment exposés dans le cadre de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 5 décembre 2017, Allemagne/Conseil (C‑600/14, EU:C:2017:935) (32).

75.      Dans ce contexte, cet État membre précise qu’il est habilité à soulever, conformément à l’article 277 TFUE, une exception d’illégalité à l’égard de cette décision, dans le cadre de la procédure d’infraction. En l’espèce, la Commission fait valoir que la République fédérale d’Allemagne a violé non pas une directive ou une décision adressée aux États membres, dont l’illégalité ne pourrait pas, suivant la jurisprudence de la Cour, être invoquée par les États membres comme moyen de défense contre un recours en manquement fondé sur un défaut d’exécution d’un tel acte, mais une décision de portée générale qui n’a pas été notifiée à ses destinataires, au titre de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. La République fédérale d’Allemagne ajoute que l’expression « à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale » dans le libellé de l’article 277 TFUE englobe une situation dans laquelle la légalité d’un acte de portée générale est mise en cause dans le contexte d’une procédure d’infraction.

76.      La République fédérale d’Allemagne soutient qu’elle est en droit de se prévaloir de façon incidente de l’illégalité de la décision 2014/699 dans le cadre de la procédure d’infraction à ladite décision, notamment compte tenu du fait qu’il lui était de facto impossible d’obtenir une protection juridictionnelle à l’égard de cette décision avant l’ouverture de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF. En outre, puisque l’Union a organisé la procédure qui a abouti à l’adoption de ladite décision, de façon à priver la République fédérale d’Allemagne d’une protection juridictionnelle à l’égard de cette décision, le fait d’exclure la possibilité, pour ledit État membre, de se prévaloir de façon incidente de l’illégalité de cette décision en l’espèce serait contraire au principe nemo turpitudinem suam allegans auditur. De plus, selon cet État membre, une demande visant à obtenir de la Cour, ainsi que la Commission l’avait suggéré, après la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, le prononcé d’une mesure provisoire ayant pour effet de forcer le Conseil à soulever une objection, au titre de l’article 35 de la COTIF, à l’encontre des décisions prises lors de ladite session, aurait été irrecevable. En tout état de cause, l’intention de la République fédérale d’Allemagne n’était pas d’empêcher l’adoption des modifications litigieuses, mais plutôt de clarifier la problématique de la compétence.

77.      Quoi qu’il en soit, la République fédérale d’Allemagne souligne, s’agissant de la modification de l’article 12 de la COTIF, faisant l’objet du point 4 de l’ordre du jour de la commission de révision de l’OTIF, qu’elle n’a pas violé la décision 2014/699, dans la mesure où celle-ci prévoit que les États membres exercent le droit de vote et où elle définit seulement une « position coordonnée recommandée ». Cet État membre rappelle que, conformément à l’article 288 TFUE, cinquième alinéa, la recommandation ne lie pas. S’agissant de la modification des articles 2 et 9 de l’appendice D (CUV), qui faisait l’objet du point 7 de l’ordre du jour de la commission de révision de l’OTIF, l’État membre en cause soutient que, bien que la décision 2014/699 prévoie l’exercice des droits de vote par l’Union, cette dernière devait se limiter à définir des recommandations de positions, sans effet contraignant.

78.      Lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a retiré formellement l’argument relatif à l’exception d’illégalité, au titre de l’article 277 TFUE.

b)      Analyse

79.      Sur la critique formulée par la République fédérale d’Allemagne quant à la précision de la requête déposée par la Commission, je crois qu’il ressort clairement de celle-ci que ce n’est qu’à l’égard des points 4 et 7 de l’ordre du jour de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF que la République fédérale d’Allemagne a exprimé un point de vue distinct et a voté contre la position de l’Union, telle que définie par la décision 2014/699. De plus, dans sa requête, la Commission s’est référée uniquement à l’article 1er et à l’annexe à la décision 2014/699, dans la mesure où ladite annexe porte sur les modifications de la COTIF visées aux points 4 et 7 de l’ordre du jour de ladite 25e session de la commission de révision de l’OTIF. Ainsi, il me semble que, nonobstant le libellé général des conclusions formulées par la Commission dans sa requête, renvoyant à la décision 2014/699 dans son intégralité, il ne pouvait guère y avoir d’incertitude quant à la portée de l’infraction alléguée.

80.      En outre, nous ne sommes pas en présence d’un acte inexistant (33).

81.      Au-delà du fait que les renvois, dans la décision 2014/699, aux « positions coordonnées recommandées » ne peuvent raisonnablement pas être interprétés comme autorisant un État membre à s’écarter de la position de l’Union, si la Cour avait estimé que cette décision souffrait de lacunes logiques intrinsèques au point de former un acte inexistant, elle l’aurait vraisemblablement indiqué d’emblée dans le cadre de l’arrêt du 5 décembre 2017, Allemagne/Conseil (C‑600/14, EU:C:2017:935).

82.      Sur le manquement, puisque la République fédérale d’Allemagne ne nie pas les faits tels que présentés par la Commission et puisque, en outre, elle a retiré l’argument relatif à l’exception d’illégalité, l’analyse peut être assez brève.

83.      Le procès-verbal de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF ne laisse guère de place au doute : la République fédérale d’Allemagne a exprimé son point de vue quant aux points 4 et 7 de l’ordre du jour de la commission de révision de l’OTIF et a voté contre la position de l’Union, telle que définie dans la décision 2014/699. S’agissant du point 7 de ce même ordre du jour, la République fédérale d’Allemagne a aussi exercé un droit de vote sur ce point spécifique, contrairement aux modalités de vote définies dans ladite décision.

84.      Par ailleurs, la Cour a clarifié le fait que l’Union était compétente aux fins d’adopter cette décision. Mais tel n’est pas le problème ici. Dès lors que la décision 2014/699 avait été adoptée, la République fédérale d’Allemagne était tenue de la respecter et de la mettre en œuvre. Dans une Union fondée sur l’État de droit, les actes de ses institutions jouissent d’une présomption de légalité. Des procédures existent aux fins de contrôler la légalité de telles mesures. Dans ce contexte, la République fédérale d’Allemagne peut contester tout acte conformément à l’article 263, paragraphe 1, TFUE, sans avoir à établir un intérêt à agir. Dans une telle situation, l’on peut s’attendre à ce qu’un État membre serre les dents et suive la décision en cause, peu importe que cela lui plaise ou non. Ce qu’un État membre ne peut pas faire, c’est modeler la loi selon son bon plaisir. Une mesure unilatérale n’est pas possible. Selon une jurisprudence établie de longue date à cet égard, un État membre ne saurait s’autoriser à prendre unilatéralement des mesures correctives ou des mesures de défense destinées à obvier à une méconnaissance (alléguée), par une institution (34), des règles du droit de l’Union. À ce titre, la République fédérale d’Allemagne a contrevenu et a porté atteinte aux dispositions de la décision 2014/699.

2.      Violation de l’article 4, paragraphe 3, TUE

a)      Arguments des parties

85.      La Commission soutient que le fait que la République fédérale d’Allemagne a voté contre la position de l’Union lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, a pris ses distances par rapport au vote de l’Union et a demandé à exercer son droit de vote alors que ce droit avait été attribué à l’Union, a créé une confusion quant au résultat du vote et a porté préjudice à la crédibilité et à la réputation de l’Union, à l’unité de sa représentation internationale et à son image en général. À ce titre, un tel comportement porte atteinte au principe de coopération loyale consacré par l’article 4, paragraphe 3, TUE.

86.      À l’inverse, la République fédérale d’Allemagne considère que la Commission n’a pas établi l’existence effective d’une atteinte portée à la crédibilité et la réputation de l’Union, ni le fait que son comportement serait à l’origine d’une telle atteinte. Au contraire, elle estime que c’est l’adhésion de l’Union à l’OTIF, qui a créé de nouveaux défis pour cette seconde organisation, ainsi que la précipitation avec laquelle les institutions de l’Union se sont préparées pour la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, qui ont généré une confusion lors du vote au sein de cet organe.

b)      Analyse

87.      Selon l’article 4, paragraphe 3, TUE, en vertu du principe de coopération loyale, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités. Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union. Les États membres facilitent l’accomplissement par l’Union de sa mission et s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union.

88.      Cette disposition, qui est un élément central de l’ordre juridique de l’Union, qui vise à assurer le fonctionnement de l’Union (35), qui a été décrite comme la « finalité inhérente et sous-jacente de l’ensemble du projet d’intégration européenne » (36) et qui souligne la nature réciproque de la coopération entre l’Union et ses États membres, constitue une règle générale, qui a trouvé son expression concrète dans une série d’autres dispositions dans le traité (37).

89.      Étant donné que toute violation du droit de l’Union, telle qu’une violation de la décision 2014/699, porte également atteinte au principe de la coopération loyale entre l’Union et ses États membres (38), en règle générale, l’article 4, paragraphe 3, TUE reste en arrière-plan d’une telle violation spécifique et ne produit pas d’effets juridiques propres. Pour cette raison, dans de nombreux cas, cette disposition est déclaratoire par nature. À titre d’exemple, la Cour s’abstient expressément d’analyser ce principe dans le contexte de procédures d’infraction relatives à la non-transposition de directives dès lors qu’elle a constaté le manquement à cet égard, dans la mesure où elle estime qu’il serait « sans intérêt » de procéder ainsi (39).

90.      Cependant, il existe des situations où l’article 4, paragraphe 3, TUE constitue un fondement autonome d’obligations (40).

91.      Une telle application distincte de l’article 4, paragraphe 3, TUE est possible, notamment parce que le point litigieux relève du domaine des relations extérieures de l’Union.

92.      En particulier, dans le domaine des accords mixtes (41), la Cour a souligné à de multiples reprises que, lorsqu’il apparaît que la matière d’un accord ou d’une convention relève pour partie de la compétence de l’Union et pour partie de celle des États membres, il importe d’assurer une coopération étroite entre ces derniers et les institutions de l’Union, tant dans le processus de négociation et de conclusion que dans l’exécution des engagements assumés. Cette obligation de coopération découle de l’exigence d’une unité de représentation internationale de l’Union (42).

93.      Je soutiendrais que cette affirmation (43) serait tout aussi vraie si l’on inversait la cause et la conséquence, et si l’on percevait l’exigence d’unité comme découlant de l’obligation de coopérer (44).

94.      Par ailleurs, la Cour a jugé qu’un arrangement entre le Conseil et la Commission quant au vote au sein d’une organisation internationale (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) formait la mise en œuvre de l’obligation de coopération entre l’Union et les États membres au sein de cette organisation internationale (45).

95.      Même si la crédibilité et la réputation de l’Union sur la scène internationale n’étaient spécifiquement en jeu dans aucune de ces affaires, nous savons, grâce à cette jurisprudence, que le principe de coopération loyale revêt une importance particulière dans le domaine des relations extérieures et qu’il s’applique spécifiquement à l’exercice des droits de vote dans un domaine de compétence partagée (46).

96.      Par conséquent, selon moi, tout ce que la Cour se doit de faire en l’espèce, c’est faire un pas de plus dans ce domaine. La Cour se devrait de préciser que la réputation et la crédibilité de l’Union sur la scène internationale constituent un intérêt juridique distinct, protégé par l’article 4, paragraphe 3, TUE et qui transcende en l’espèce la lettre et la finalité de la décision 2014/699.

97.      L’inexécution de cette décision, combinée à une manifestation de désaccord patent quant à son contenu, est préjudiciable à la réputation de l’Union au niveau international. Elle donne l’impression que l’Union n’opère pas de manière suffisamment efficace en tant qu’ensemble aux fins de la préparation d’une réunion d’une organisation internationale.

98.      De plus, comme la Commission l’affirme à juste titre, le seul fait que le vote de la République fédérale d’Allemagne n’ait pas eu d’effet sur l’issue de ladite réunion n’a pas d’incidence sur ce constat.

V.      Conclusion

99.      Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime donc que la Cour devrait :

–        constater que la République fédérale d’Allemagne a violé la décision 2014/699/UE du Conseil, du 24 juin 2014, établissant la position à prendre au nom de l’Union européenne lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF en ce qui concerne certaines modifications de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF) et de ses appendices, ainsi que l’article 4, paragraphe 3, TUE, en ayant, lors de la 25e session de la commission de révision de l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF), voté contre la position définie dans ladite décision et en ayant déclaré publiquement son opposition tant à ladite position qu’aux modalités d’exercice des droits de vote prévues dans celle-ci ; et

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Décision du Conseil établissant la position à prendre au nom de l’Union européenne lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF en ce qui concerne certaines modifications de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF) et de ses appendices (JO 2014, L 293, p. 26).


3      C‑600/14, EU:C:2017:935.


4      Conformément à l’article 5, paragraphe 2, TUE.


5      Voir Govaere, I., « To Give or To Grab : The Principle of Full, Crippled and Split Conferral of Powers Post-Lisbon », dans M. Cremona, Structural Principles in EU External Relations Law, Hart Publishing, Oxford et Portland, Oregon, 2018, p. 71 à 91, à la page 73.


6      Décision du Conseil du 16 juin 2011 relative à la signature et à la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires concernant l’adhésion de l’Union européenne à la convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF) du 9 mai 1980, telle que modifiée par le protocole de Vilnius du 3 juin 1999 (JO 2013, L 51, p. 1).


7      Dans l’arrêt du 5 décembre 2017, Allemagne/Conseil (C‑600/14, EU:C:2017:935), la Cour a rejeté le recours formé par la République fédérale d’Allemagne, dans son intégralité.


8      Arrêt du 5 décembre 2017, Allemagne/Conseil (C‑600/14, EU:C:2017:935).


9      La République fédérale d’Allemagne se réfère aux arrêts suivants : arrêts du 5 juin 2003, Commission/Italie (C‑145/01, EU:C:2003:324, point 15) ; du 27 octobre 2005, Commission/Italie (C‑525/03, EU:C:2005:648, point 15) , et du 11 octobre 2007, Commission/Grèce (C‑237/05, EU:C:2007:592, point 29).


10      Décision du Conseil du 18 septembre 2015 établissant la position à adopter au nom de l’Union européenne lors de la 12e assemblée générale de l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF) en ce qui concerne certaines modifications de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF) et de ses appendices (JO 2015, L 252, p. 43).


11      Littéralement, « le train est parti » – ceci correspond à l’expression anglaise « the ship has sailed ».


12      C‑362/90, EU:C:1992:158, points 11 à 13.


13      Voir, à titre d’exemple, arrêts du 24 mars 1988, Commission/Grèce (240/86, EU:C:1988:173, points 15 et 16), et du 15 janvier 2002, Commission/Italie (C‑439/99, EU:C:2002:14, points 16 et 17). Pour un aperçu complet de la jurisprudence en matière d’infractions passées, voir Prete, L., Infringement proceedings in EU law, Wolters Kluwer, Alphen aan den Rijn, 2017, p. 151 à 154.


14      Arrêt du 31 mars 1992 (C‑362/90, EU:C:1992:158).


15      Voir arrêt du 31 mars 1992, Commission/Italie (C‑362/90, EU:C:1992:158, points 11 et 12). Dans une autre affaire en matière de marchés publics, s’agissant de la passation de marchés publics, la Cour a jugé qu’un recours en manquement est irrecevable si, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, le contrat en cause avait déjà épuisé tous ses effets : arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce (C‑394/02, EU:C:2005:336, point 18). Ici, cependant, le contrat n’avait pas été pleinement exécuté, étant donné qu’à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, seuls 85 % des travaux avaient été effectués. Voir aussi arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Allemagne (C‑536/07, EU:C:2009:664, point 23). Ici aussi, le contrat en question, à savoir le projet en cause vu dans son ensemble, n’avait pas été pleinement exécuté au moment de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, pour la simple raison que les travaux de construction en cause avaient été achevés. En réalité, le volet « location » de ce projet était en cours, à l’époque.


16      Voir arrêt du 31 mars 1992, Commission/Italie (C‑362/90, EU:C:1992:158, point 12). Cette formule a été reproduite dans l’arrêt du 25 octobre 2001, Allemagne/Commission (C‑276/99, EU:C:2001:576, point 32). Ce second arrêt a été prononcé au titre de l’article 88 du traité CECA, désormais obsolète. Ici, les procédures d’infraction différaient, en ce sens qu’à partir de la fin de la procédure précontentieuse, les rôles s’inversaient par rapport à l’article 258 TFUE : en lieu et place d’un avis motivé, la Commission adoptait une décision (article 14 CECA, comparable à cet égard à l’article 288 TFUE), qui pouvait alors être contestée par un État membre devant la Cour.


17      Voir conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Commission/Grèce (C‑237/05, EU:C:2007:98, point 42, note de bas de page 11).


18      La règle étant la suivante : lorsque « les infractions ont pris fin avant [l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé], il n’y a en principe aucun motif de considérer que la poursuite de l’action conserve un intérêt » ; voir conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Commission/Italie (C‑362/90, EU:C:1992:95, point 12).


19      Voir conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Commission/Italie (C‑362/90, EU:C:1992:95, point 13).


20      Je voudrais souligner que nous en sommes toujours au stade de la recevabilité de l’affaire. Évidemment, le point de savoir si une infraction a effectivement existé à un moment donné est une question de fond ; voir également conclusions de l’avocat général Alber dans l’affaire Commission/Autriche (C‑328/96, EU:C:1999:5, point 30).


21      Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Commission/Grèce (C‑237/05, EU:C:2007:98, point 66).


22      Voir conclusions de l’avocat général Geelhoed dans les affaires jointes Commission/Allemagne (C‑20/01 et C‑28/01, EU:C:2002:717, point 53). Par souci d’exhaustivité, voici la suite de la citation : « à la directive 92/50 par le biais de contrats inattaquables en droit et de longue durée » (l’affaire portait sur des procédures de passation de marchés publics).


23      Voir arrêt du 7 février 1973, Commission/Italie (39/72, EU:C:1973:13, point 10).


24      Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Italie (C‑385/02, EU:C:2004:276, point 15). Voir également Nowak, C., « § 10 Vertragsverletzungsverfahren », point 44, dans Leible, St. , Terhechte, J. Ph., Europäisches Rechtsschutz- und Verfahrensrecht (Enzyklopädie Europarecht, Band 3), Nomos, Baden-Baden, 2014, qui établit encore une distinction entre les termes « Rechtsschutzinteresse », « Rechtsschutzbedürfnis » et « Klageerhebungsinteresse ». Voir aussi Półtorak, N., « Commentary on Article 258 TFEU », A. Wróbel (éd.), Traktat o funkcjonowaniu Unii Europejskiej. Komentarz Lex, vol. II, Varsovie, 2012, p. 269.


25      Voir arrêt du 10 avril 2003, Commission/Allemagne (C‑20/01 et C‑28/01, EU:C:2003:220, points 29 et 30 et jurisprudence citée). Voir également conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Commission/Grèce (C‑394/02, EU:C:2005:105, point 15). Voir, de plus, Taborowski, M., Konsekwencje naruszania prawa Unii Europejskiej przez sądy krajowe, Lex – Wolters Kluwer, Varsovie, 2012, p. 265 et suiv.


26      Il est intéressant de noter que, dans le cadre de son argumentation relative à l’exception d’illégalité (voir ci-dessous, dans les présentes conclusions) et aux fins de justifier cette exception dans le contexte d’une procédure d’infraction, la République fédérale d’Allemagne reconnait elle-même dans son mémoire en défense que, dans les cas où il risquait d’y avoir une faille dans le système de protection juridictionnelle, la Cour a interprété de manière large les dispositions pertinentes du traité, même au-delà de leur libellé.


27      Voir, à titre d’exemple, arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 19 à 26), et du 25 juillet 2018, AY (Mandat d’arrêt – Témoin) (C‑268/17, EU:C:2018:602, points 23 à 31).


28      Voir arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 24).


29      Voir arrêt du 22 mai 1990, Parlement/Conseil (C‑70/88, EU:C:1990:217, point 26).


30      Voir arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 45).


31      Lorsque l’on a demandé à cet État membre, lors de l’audience, pourquoi il n’avait pas plaidé au sujet de l’acte inexistant dans le cadre de l’affaire Allemagne / Conseil (C‑600/14), il a répondu qu’il n’avait décelé ce problème qu’à un stade ultérieur.


32      La République fédérale d’Allemagne avait soutenu, dans cette affaire, que la décision 2014/699 violait le principe d’attribution (article 5, paragraphe 2, TUE), était insuffisamment motivée et portait atteinte au principe de coopération loyale, combiné avec le principe de protection juridictionnelle effective.


33      Même s’il semblerait raisonnable d’empêcher un État membre, qui a déjà contesté un acte qu’il présumait existant dans le cadre d’un recours en annulation, de faire valoir subséquemment sa prétendue inexistence, il appartient évidemment à la Cour d’examiner d’office la question de l’acte inexistant.


34      Voir aussi, en ce sens, arrêt du 12 février 2009, Commission/Grèce (C‑45/07, EU:C:2009:81, point 26). Le même principe s’applique à une violation par un autre État membre, voir arrêt du 23 mai 1996, Hedley Lomas (C‑5/94, EU:C:1996:205, point 20 et jurisprudence citée).


35      Voir Obwexer, W., dans von der Groeben, H., Schwarze, J., Hatje, J.A. (éd.), Europäisches Unionsrecht (Kommentar), 7e éd., Nomos, Baden-Baden, 2015, Artikel 4 EUV, point 67.


36      Voir Kahl, W., « Geschäftsgrundlage des gesamten europäischen Integrationsprojekts », Calliess, Chr., Ruffert, M., (éd.), EUV/AEUV, 5e éd.,.Beck, Munich, 2016, Artikel 4 EUV, point 35. Voir aussi Sikora, A., Sankcje finansowe w razie niewykonania wyroków Trybunału Sprawiedliwości Unii Europejskiej, Lex – Wolters Kluwer, Varsovie, 2011, p. 38 et suiv.


37      À l’instar de l’article 344 TFUE, voir arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, point 169).


38      Voir, à titre d’exemple, dans Franzius, C., dans Pechstein, M., Nowak, C., Häde, U. (éd.), Frankfurter Kommentar zu EUV, GRC und AEUV, Band II, Mohr Siebeck, Tübingen, 2017, Artikel 4 EUV, point 101.


39      Voir arrêts du 13 octobre 1993, Commission/Espagne (C‑378/92, EU:C:1993:843, point 6), et du 19 janvier 1995, Commission/Belgique (C‑66/94, EU:C:1995:13, point 6).


40      Voir Lenz, C.O., dans Lenz, C.O., Borchardt, K.-D., EU-Verträge Kommentar, Bundesanzeiger Verlag, 6e éd., Cologne, 2013, Artikel 4 EUV, points 17 et suiv. ; Streinz, R., dans Streinz, R. (éd.), EUV/AEUV (Kommentar), 2e éd., C.H. Beck, Munich, 2012., Artikel 4 EUV, point 27.


41      Sur l’obligation de coopération loyale dans les accords mixtes, voir Heliskoski, J., Mixed Agreements as a Technique for Organizing the International Relations of the European Community and its Member States, Kluwer Law International, The Hague, 2001, p. 61 à 67, et Cremona, M., « Defending the Community Interest : the Duties of Cooperation and Compliance », dans de Witte, B., Cremona, M (éd.), EU Foreign Relations Law, Hart Publishing, Oxford et Portland, Oregon, 2008, p. 158 à 161.


42      Voir aussi délibération 1/78, du 14 novembre 1978 (EU:C:1978:202, points 34 à 36) (par analogie avec le traité CEEA) ; avis 2/91 (Convention no 170 de l’OIT), du 19 mars 1993 (EU:C:1993:106, point 36) ; avis 1/94 (Accords annexés à l’accord OMC), du 15 novembre 1994 (EU:C:1994:384, point 108), et avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001 (EU:C:2001:664, point 18). Voir également avis 1/08 (Accords modifiant les listes d’engagements spécifiques au titre de l’AGCS), du 30 novembre 2009 (EU:C:2009:739, point 136), ainsi qu’arrêt du 20 avril 2010, Commission/Suède (C‑246/07, EU:C:2010:203, point 73).


43      Il semble que, dans l’intervalle, la Cour ait abandonné cette référence relative à l’exigence d’unité : voir arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil (C‑28/12, EU:C:2015:282, point 54).


44      Dans le même ordre d’idées : Hillion, Chr., « Mixity and Coherence in EU External Relations : The Significance of the “Duty of Cooperation” », dans. Hillion, Chr., Koutrakos, P., Mixed agreements revisited, Hart Publishing, Oxford et Portland, Oregon, 2010, p. 87 à 115, à la page 89 ; cet auteur soutient que le fondement légal de l’obligation de coopération doit résider dans l’article 4, paragraphe 3, TUE. Ce même auteur (ibid., p. 91) défend de façon convaincante la thèse selon laquelle cette même exigence « n’était pas originellement conçue comme le fondement de l’obligation de coopération mais comme un moyen de l’appliquer dans le contexte de la CEE, son fondement étant le même que dans le contexte de l’Euratom, à savoir le principe général de coopération loyale ».


45      Voir arrêt du 19 mars 1996, Commission/Conseil (C‑25/94, EU:C:1996:114, point 49). Sur les événements qui ont mené à ce litige, voir : Heliskoski, J., « Internal struggle for international presence : the exercise of voting rights within the FAO », dans Dashwood, A., Hillion, Chr., The general law of E.C. external relations, Sweet & Maxwell, London, 2000, p. 79 à 99.


46      Afin d’éviter tout malentendu, mon interprétation du principe de coopération loyale au titre de l’article 4, paragraphe 3, TUE inclut l’« obligation de coopération » à laquelle la Cour s’est référée par le passé, dans les arrêts cités précédemment. J’interprète ainsi les conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour, EU:C:2016:992, point 569) de la même manière. De plus, ceci est clair en particulier depuis l’affaire de l’usine MOX, dans laquelle la Cour a, pour la première fois, fait spécifiquement référence à une ancienne disposition du traité, à savoir l’article 10 CE, dans ce contexte (même si l’affaire en cause portait essentiellement sur la disposition, plus spécifique, de l’article 344 TFUE) : voir arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, point 114). Sur ce point, voir aussi Hillion, Chr., « Mixity and Coherence in EU External Relations : The Significance of the “Duty of Cooperation” », dans Hillion, Chr., Koutrakos, P., Mixed agreements revisited, Hart Publishing, Oxford et Portland, Oregon, 2010, p. 87 à 115, et en particulier p. 90 à 91.