Language of document : ECLI:EU:T:2019:58

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

5 février 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative ARMONIE – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑88/18,

Gruppo Armonie SpA, établie à Casalgrande (Italie), représentée par Me G. Medri, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 15 décembre 2017 (affaire R 2063/2017-5), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif ARMONIE comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, I. S. Forrester et E. Perillo, juges,

greffier : M. E. Hendrix, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 24 mai 2018,

à la suite de l’audience du 27 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 février 2017, la requérante, Gruppo Armonie SpA, anciennement Armonie by Arte Casa Ceramiche SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 19 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Matériaux de construction pour pavement et revêtement ».

4        Par décision du 27 juillet 2017, l’examinateur de l’EUIPO a rejeté la demande d’enregistrement pour tous les produits repris au point 3 ci-dessus sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001].

5        Le 22 septembre 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre cette décision.

6        Par décision du 15 décembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. La chambre de recours a indiqué que les produits en cause étaient destinés « au consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » et qu’ils s’adressaient « au grand public composé de consommateurs moyens » (point 19 de la décision attaquée). En appréciant le caractère descriptif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré que le terme italien « armonie » pouvait indiquer aux consommateurs moyens italophones que les produits en cause étaient susceptibles de créer une ambiance agréable et harmonieuse (points 26 à 33 de la décision attaquée). La chambre de recours a également relevé que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, parce qu’elle constituait un message informatif sur une des caractéristiques des produits ainsi désignés (points 35 à 39 de la décision attaquée). Quant à l’existence de marques de l’Union européenne ou de marques italiennes consistant en, ou incluant, le terme « armonie », la chambre de recours a considéré que celles-ci se référaient à des expressions différentes ou n’étaient pas pertinentes (points 41 à 50 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui du recours, la requérante fait valoir en substance un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001, qu’elle articule en quatre griefs qui concernent les différentes étapes du raisonnement exposé par la chambre de recours dans la décision attaquée, à savoir, premièrement, la définition du public pertinent, deuxièmement, le caractère descriptif de la marque demandée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, troisièmement, son absence de caractère distinctif au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, quatrièmement, les références faites aux autres marques citées devant la chambre de recours.

10      L’EUIPO conteste cette argumentation en suggérant d’intervertir les deuxième et troisième griefs.

 Sur la définition du public pertinent

11      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif ou descriptif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) ou c), du règlement 2017/1001 doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [voir arrêts du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 43 et jurisprudence citée, et du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, EU:T:2014:891, point 17 et jurisprudence citée].

12      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que les matériaux de construction pour pavement et revêtement désignés par la marque demandée étaient des produits de consommation courante principalement destinés au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En conséquence, la chambre de recours a estimé que le public pertinent pour l’appréciation d’un motif absolu de refus au regard de l’article 7 du règlement 2017/1001 était le grand public (point 19 de la décision attaquée).

13      La requérante fait valoir que les produits en cause ne sont pas des produits de grande distribution achetés quotidiennement et en masse par des consommateurs dépourvus de connaissances techniques particulières. Ces produits seraient plutôt présentés au public dans des locaux d’exposition et choisis après une évaluation attentive de leurs caractéristiques, souvent avec l’aide d’un professionnel.

14      En l’espèce, tout comme la chambre de recours, il y a lieu de constater que, comme les produits en cause s’adressent au grand public de l’Union européenne, le niveau d’attention du consommateur moyen doit être qualifié de normal. En effet, les matériaux de construction pour pavement et revêtement peuvent être achetés aussi bien par les consommateurs qui souhaitent pouvoir se procurer eux-mêmes ces matériaux de construction nécessaires pour du pavement ou du revêtement, par exemple pour carreler le mur d’une salle de bains, que par ceux qui se font assister pour cela par un professionnel du secteur. Les produits en cause sont ainsi susceptibles d’être achetés par des consommateurs.

15      Par ailleurs, il convient d’observer qu’il ne suffit pas qu’une requérante affirme que, dans un secteur déterminé, le consommateur est particulièrement attentif aux marques, mais elle doit étayer cette prétention d’éléments de fait et de preuve [voir, par analogie, arrêt du 13 avril 2005, Gillette/OHMI – Wilkinson Sword (RIGHT GUARD XTREME sport), T‑286/03, non publié, EU:T:2005:126, point 21]. Or, en l’espèce, la requérante se limite à affirmer que le niveau d’attention accordé par le public pertinent aux produits en cause est supérieur à la moyenne sans fournir le moindre élément susceptible d’attester de la réalité d’une telle affirmation. Rien ne permet donc de considérer que le public pertinent serait exclusivement, ou même essentiellement, constitué des consommateurs moyens qui sont assistés de professionnels.

16      Au demeurant, à supposer même que les matériaux de construction pour pavement et revêtement soient pour partie proposés à l’achat de la manière décrite par la requérante, celle-ci n’expose aucun argument permettant de comprendre à quel titre l’appréciation du caractère distinctif ou descriptif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) ou c), du règlement 2017/1001 serait différente s’il était tenu compte de la perception de cette partie seulement du public pertinent.

17      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant, au point 19 de la décision attaquée, que les produits en cause s’adressaient au grand public et que le niveau d’attention du consommateur pertinent était moyen.

 Sur l’absence de caractère distinctif

18      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

19      L’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 énonce, pour sa part, que le paragraphe 1 de ce même article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

20      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, signifie que cette marque permet d’identifier les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits de ceux issus d’autres entreprises [voir, par analogie, arrêt du 17 avril 2018, Bielawski/EUIPO (HOUSE OF CARS), T‑364/17, non publié, EU:T:2018:193, point 20 et jurisprudence citée].

21      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative (voir, par analogie, arrêt du 17 avril 2018, HOUSE OF CARS, T‑364/17, non publié, EU:T:2018:193, point 21 et jurisprudence citée).

22      En outre, selon une jurisprudence constante, l’enregistrement d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque n’est pas exclu en tant que tel en raison d’une telle utilisation. Toutefois, une marque qui, telle une indication de qualité ou une expression incitant à acheter les produits ou les services visés, remplit d’autres fonctions que celle d’une marque au sens classique n’est distinctive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, que si elle peut être perçue d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits ou les services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale [voir, par analogie, arrêt du 22 mars 2018, Dometic Sweden/EUIPO (MOBILE LIVING MADE EASY), T‑235/17, non publié, EU:T:2018:162, point 46 et jurisprudence citée].

23      Pour constater l’absence de caractère distinctif, il suffit que le contenu sémantique de la marque en cause indique au consommateur une caractéristique du produit ou du service relative à sa valeur marchande qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire que le public pertinent percevra de prime abord en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale du produit ou du service en cause (voir, par analogie, arrêt du 22 mars 2018, MOBILE LIVING MADE EASY, T‑235/17, non publié, EU:T:2018:162, point 47 et jurisprudence citée).

24      De même, une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant qu’indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au‑delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés [voir, par analogie, arrêt du 17 septembre 2015, Volkswagen/OHMI (COMPETITION), T‑550/14, EU:T:2015:640, point 17 et jurisprudence citée].

25      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que l’absence de caractère distinctif de la marque demandée pour les produits en cause était manifeste en raison de la connotation descriptive évidente en italien du terme « armonie », pluriel du terme « armonia ». Tout comme l’examinateur auparavant, la chambre de recours a été d’avis que le terme « armonie » pouvait être perçu sans effort par les consommateurs de langue italienne comme un indicateur immédiat et direct que les matériaux de construction pour pavement et revêtement en cause avaient pour caractéristique principale de créer une ambiance agréable ou harmonieuse. La chambre de recours a donc considéré que le signe ARMONIE n’était qu’un message d’information sur une caractéristique des produits de la requérante, sans que cette conclusion ne soit modifiée par l’analyse de l’aspect graphique du signe, lequel n’était pas mémorisable, ou la question de savoir si le terme « armonie » était un slogan publicitaire, ce terme restant dénué de caractère distinctif (voir points 35 à 40 de la décision attaquée).

26      La requérante critique cette appréciation. En effet, étant donné que le terme « armonie » évoquerait une idée d’équilibre et de bien-être, une telle appréciation pourrait être indifféremment invoquée pour les produits et services les plus divers. En outre, ce terme serait perçu par le public comme un terme fantaisiste destiné à magnifier le produit afin d’en faciliter la vente sans pour autant avoir de fondement réel et concret. La chambre de recours confondrait la fonction globalement évocatrice de la marque demandée avec son caractère descriptif présumé, mais inexistant en réalité, pour en déduire une prétendue absence de caractère distinctif. De plus, même si la marque demandée ne relève pas de la catégorie des slogans, elle devrait néanmoins être considérée comme une marque fantaisiste, nullement descriptive.

27      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir point 11 ci-dessus).

28      En l’espèce, s’agissant de matériaux de construction pour pavement et revêtement, la chambre de recours a relevé, à juste titre, que, comme le terme « armonie » était le pluriel du terme « armonia » et qu’il renvoyait, en italien, à la notion de « correspondance proportionnée » ou à celle « d’agencement adéquat [des éléments] dans un ensemble », les consommateurs de langue italienne pouvaient considérer que de tels produits désignés par la marque demandée étaient principalement destinés à créer ou à agencer un lieu de vie, un environnement, agréable parce qu’harmonieux.

29      De même, il y a lieu de relever, comme le fait valoir la requérante elle-même, que le terme « armonie » est un mot banal utilisé dans de nombreux domaines. Ce terme indique de façon évidente un produit destiné à s’insérer harmonieusement dans un ensemble. Ce message élogieux, qui possède un caractère laudatif de nature publicitaire, présentait donc aux yeux des consommateurs une caractéristique positive des produits en cause sans demander de leur part le moindre effort d’interprétation. Une telle formule promotionnelle a pour fonction de mettre en relief une qualité positive des produits pour la présentation desquels elle est utilisée.

30      En outre, il convient de constater que le terme « armonie » n’est pas équivoque et ne présente aucune profondeur sémantique qui empêcherait le public pertinent de faire un lien direct avec les produits en cause. Ce terme ne contient également aucun élément, compte tenu notamment de la simplicité du signe figuratif utilisé, qui, au-delà de sa signification promotionnelle, permettrait au public pertinent de le retenir facilement et directement comme une marque indiquant l’entreprise dont proviennent les produits concernés.

31      Dès lors, le signe ARMONIE n’est pas en mesure d’exercer l’une des fonctions principales de la marque, à savoir permettre aux consommateurs de langue italienne d’identifier les produits d’une entreprise déterminée.

32      Force est d’ailleurs de constater que la requérante ne conteste pas une telle conclusion, dès lors qu’elle reconnaît que le terme « armonie » évoque une idée d’équilibre et de bien-être. Qu’un tel message évocateur puisse être envisagé, par hypothèse, pour d’autres produits que les produits en cause ne saurait toutefois empêcher la chambre de recours d’en tirer les conséquences qui s’imposent dans la présente affaire. Bien au contraire, l’idée d’équilibre et de bien-être évoquée par la requérante confirme l’analyse de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée allait être perçue par le public de langue italienne comme une simple formule promotionnelle.

33      La requérante ne peut de même être suivie quand elle affirme que le terme « armonie » ne serait pas descriptif mais fantaisiste, dès lors que ce terme a une signification claire pour le public de langue italienne.

34      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré aux points 35 à 40 de la décision attaquée que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les consommateurs de langue italienne au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

 Sur le caractère descriptif de la marque demandée

35      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ressort clairement du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés par cette disposition s’applique pour que la marque demandée ne puisse être enregistrée comme marque de l’Union européenne [voir, par analogie, arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29, et du 6 novembre 2007, RheinfelsQuellen H. Hövelmann/OHMI (VOM URSPRUNG HER VOLLKOMMEN), T‑28/06, EU:T:2007:330, point 43].

36      En l’espèce, l’existence du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ayant été établie, à bon droit, par la chambre de recours, il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

 Sur les références faites à d’autres marques de l’Union européenne ou à d’autres marques nationales

37      En substance, la requérante soutient également que le caractère distinctif de la marque demandée a été confirmé par la pratique administrative de l’EUIPO et par celles d’autres autorités nationales des États membres, lesquelles permettraient d’identifier plusieurs marques composées du terme « armonie » enregistrées pour des produits relevant tant de la classe 19 que d’autres classes. En particulier, la requérante évoque les enregistrements suivants, qui lui appartiennent :

–        la marque italienne verbale ARMONIE BY ARTE CASA CERAMICHE, déposée le 16 janvier 2003 et enregistrée le 29 octobre 2007 sous le numéro 1073418 pour les produits compris dans la classe 19 (matériaux de construction pour pavement et revêtement) ;

–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, déposée le même jour que la demande litigieuse, le 27 février 2017, et enregistrée le 4 juillet 2017 sous le numéro 16430051 pour les produits compris dans la classe 19 (matériaux de construction pour pavement et revêtement) :

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38      Lors de l’audience, la requérante a également fait état d’une décision du 15 août 2018 de l’EUIPO acceptant la demande d’enregistrement de la marque verbale ARMONIA, enregistrée sous le numéro 17034372, pour des produits relevant de la classe 5.

39      En ce qui concerne l’argument tiré de la méconnaissance de la pratique administrative de l’EUIPO, il y a lieu de rappeler que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 73).

40      Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 74 et jurisprudence citée).

41      Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui, afin d’obtenir une décision identique (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 et 76 et jurisprudence citée).

42      Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77 et jurisprudence citée).

43      Les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47).

44      En l’espèce, il a été conclu que la chambre de recours avait constaté à bon droit que la demande d’enregistrement se heurtait, eu égard aux produits en cause et à la perception du public pertinent, au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Il s’ensuit que la requérante ne saurait utilement invoquer, à l’appui de prétendues violations des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’égalité de traitement et de bonne administration, des décisions antérieures de l’EUIPO (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 78 et 79).

45      Le même raisonnement vaut en ce qui concerne la marque de l’Union européenne verbale ARMONIA, invoquée par la requérante lors de l’audience, qui a été enregistrée pour des produits compris dans la classe 5.

46      En ce qui concerne l’argument tiré de la méconnaissance de la pratique nationale dans certains États membres, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le régime des marques de l’Union européenne est un système juridique autonome poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, EU:T:2000:283, point 47, et du 3 décembre 2015, Infusion Brands/OHMI (DUALTOOLS), T‑648/14, non publié, EU:T:2015:930, point 36]. Par conséquent, le caractère enregistrable ou protégeable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente de l’Union. Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêts du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47, et du 3 décembre 2015, DUALTOOLS, T‑648/14, non publié, EU:T:2015:930, point 36].

47      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré aux points 41 à 50 de la décision attaquée que les références faites à d’autres enregistrements au niveau de l’Union et en Italie ne constituaient pas un argument convaincant pour surmonter les motifs absolus de refus.

48      Il convient, par conséquent, de rejeter le grief pris de la méconnaissance de la pratique administrative de l’EUIPO ou de la pratique nationale dans certains États membres comme non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

50      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Gruppo Armonie SpA est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Forrester

Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 février 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.