Language of document : ECLI:EU:T:2019:443

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 juin 2019 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par le Portugal – Retards de paiement – Dépassement des plafonds – Article 11 du règlement (CE) no 885/2006 – Double correction financière – Proportionnalité – Délais de paiement »

Dans l’affaire T‑474/17,

République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo, J. Saraiva de Almeida et Mme P. Estêvão, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Rechena et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2017/1144 de la Commission, du 26 juin 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 165, p. 37), en ce qu’elle écarte du financement de l’Union européenne, au titre de l’exercice financier 2011, certaines dépenses déclarées par la République portugaise pour retards de paiement et dépassement des plafonds,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par lettre du 17 février 2012 adressée à titre de communication, conformément à l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), la Commission européenne a communiqué à l’Instituto de Financiamento de Agricultura, Desenvolvimento Rural e Pescas (IFAP, Institut de financement de l’agriculture, de développement rural et de la pêche, Portugal), en sa qualité d’organisme payeur, ses constatations pour l’exercice financier 2011. La Commission a indiqué, en substance, aux autorités portugaises, que, si les réductions proposées pour les retards de paiement effectués entre le 1er août 2011 et le 15 octobre 2011 n’étaient pas acceptées, elles seraient priées de bien vouloir le confirmer par écrit avant le 10 mars 2012 afin que leurs arguments puissent être pris en compte avant l’adoption de la décision d’apurement des comptes relative à l’exercice financier 2011.

2        Par lettre du 22 mars 2012, les autorités portugaises ont répondu à la communication du 17 février 2012.

3        Par la décision d’exécution 2012/240/UE, du 27 avril 2012, relative à l’apurement des comptes des organismes payeurs des États membres en ce qui concerne les dépenses financées par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) pour l’exercice financier 2011 (JO 2012, L 119, p. 50), la Commission a décidé, à la suite de l’enquête CEB/2012/092 et en application de l’article 30 du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), d’écarter du financement de l’Union européenne un montant net de 3 089 903,59 euros relatif à des dépenses déclarées par la République portugaise.

4        Toutefois, la réponse des autorités portugaises en date du 22 mars 2012 sur les manquements constatés dans la communication du 17 février 2012 n’ayant pas pu être prise en compte dans la décision 2012/240, la Commission, afin de respecter les garanties procédurales de la République portugaise, a ouvert une procédure d’apurement de conformité, conformément à l’article 31 du règlement no 1290/2005.

5        Par la lettre Ares(2013) 507806, du 26 mars 2013 (ci-après la « communication du 26 mars 2013 »), la Commission a de nouveau, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006, communiqué à l’IFAP, en sa qualité d’organisme payeur, les résultats et manquements constatés dans le cadre de l’enquête CEB/2012/092 au titre de l’exercice financier 2011 pour lequel elle avait décidé d’écarter du financement de l’Union un montant net de 3 089 903,59 euros, auquel elle a ajouté un montant de 584 114,93 euros, pour dépassement des plafonds de dépenses, soit un montant total de 3 674 018,51 euros. La communication du 26 mars 2013 a remplacé la première communication du 17 février 2012.

6        Le 6 octobre 2014, n’ayant pas obtenu de réponse, la Commission a adressé un courrier électronique aux autorités portugaises, dans lequel elle a rappelé auxdites autorités qu’elles n’avaient donné aucune réponse à la communication du 26 mars 2013.

7        Par lettre du 16 décembre 2014, la Commission a invité les autorités portugaises à une réunion bilatérale, conformément à l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 885/2006. La République portugaise a répondu à l’invitation de la Commission et lui a communiqué des informations par lettre du 23 janvier 2015. La réunion bilatérale entre les parties s’est tenue le 20 février 2015.

8        Par lettre du 20 avril 2015, la Commission a adressé aux autorités portugaises le compte rendu de la réunion bilatérale. La République portugaise a répondu par lettre du 28 octobre 2015.

9        Par lettre du 18 décembre 2015, la Commission a informé les autorités portugaises de sa position définitive.

10      Par la décision d’exécution (UE) 2017/1144, du 26 juin 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 165, p. 37), la Commission a, après avoir dûment analysé les arguments soulevés par les autorités portugaises, décidé d’écarter du financement de l’Union certaines dépenses déclarées par la République portugaise pour non-respect des délais de paiement et dépassement des plafonds, pour un montant total de 3 674 018,51 euros (ci-après la « décision attaquée »).

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er août 2017, la République portugaise a introduit le présent recours.

12      La République portugaise conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique une correction financière d’un montant total de 3 674 018,51 euros pour les dépenses effectuées au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République portugaise aux dépens.

 En droit

14      Au soutien de son recours, la République portugaise invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 11 du règlement no 885/2006 et de la violation de l’obligation de motivation, le deuxième, de la violation de l’article 8 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16), et du principe de proportionnalité, le troisième, de la violation de l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005 et, le quatrième, de la violation de l’article 9, paragraphe 2, et de l’article 17 du règlement (CE) no 968/2006 de la Commission, du 27 juin 2006, portant modalités d’exécution du règlement (CE) no 320/2006 du Conseil instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne (JO 2006, L 176, p. 32).

 Observations liminaires

15      À titre liminaire, il convient de rappeler que le FEAGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêts du 6 mars 2001, Pays-Bas/Commission, C‑278/98, EU:C:2001:124, point 38, et du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 64).

16      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles. Par conséquent, la Commission est obligée de justifier sa décision constatant l’absence ou les défaillances des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné. Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 65 et jurisprudence citée).

17      Enfin, selon la jurisprudence, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 66 et jurisprudence citée). En effet, la gestion du financement du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités de l’Union. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du Fonds concerné, la Commission ne jouissant pas de la proximité requise pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 65 et jurisprudence citée).

18      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par la République portugaise.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 11 du règlement no 885/2006 et de la violation de l’obligation de motivation

19      Par le premier moyen, la République portugaise fait valoir, en substance, que la Commission, dans la communication du 26 mars 2013, a violé l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006 au motif que cette dernière n’aurait pas respecté les conditions de fond prévues par cette disposition et qu’elle aurait violé l’obligation de motivation.

20      Selon la République portugaise, la communication du 26 mars 2013 ne contient aucune constatation permettant de considérer que les dépenses déclarées par les autorités portugaises pour les lignes budgétaires en cause n’auraient pas été effectuées conformément aux règles de l’Union. De même, ladite communication ne contiendrait aucune constatation relative à l’exercice financier 2012.

21      En effet, la communication du 26 mars 2013 et ses annexes ne contiendraient qu’une seule observation générale mentionnant la possibilité que les autorités portugaises ne se soient pas totalement conformées aux dispositions du règlement (CE) no 883/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n o 1290/2005 du Conseil, en ce qui concerne la tenue des comptes des organismes payeurs, les déclarations de dépenses et de recettes et les conditions de remboursement des dépenses dans le cadre du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 1). Aucune autre observation n’aurait été faite quant au dépassement des plafonds ou sur les règles de l’Union auxquelles les autorités portugaises auraient pu ne pas se conformer.

22      En outre, les mesures correctives qui s’imposaient, afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation, seraient également absentes de la communication du 26 mars 2013.

23      Selon la République portugaise, ce n’est que par la lettre du 20 avril 2015 que les autorités portugaises ont été informées, par les services de la Commission, des constatations concrètes sur la base desquelles la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » envisageait de proposer à la Commission d’écarter du financement de l’Union des dépenses déclarées par les autorités portugaises dans le cadre des lignes budgétaires en cause.

24      La Commission conteste les arguments de la République portugaise et fait valoir que la communication du 26 mars 2013 satisfaisait aux exigences prévues à l’article 11 du règlement no 885/2006.

25      S’agissant, en premier lieu, de la violation de l’article 11 du règlement no 885/2006, la République portugaise tend à faire constater qu’elle aurait été privée des garanties procédurales visées à l’article 11 du même règlement, au motif que la communication du 26 mars 2013 ne satisfaisait pas aux exigences prévues par cette disposition.

26      L’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 885/2006 précise le contenu de la première communication écrite par laquelle la Commission communique le résultat de ses vérifications aux États membres, avant l’organisation de la discussion bilatérale. Aux termes de cette disposition, la première communication doit préciser le résultat des vérifications de la Commission à l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles de l’Union en cause (arrêt du 7 juin 2013, Portugal/Commission, T‑2/11, EU:T:2013:307, point 57).

27      À cet égard, il convient de rappeler que la décision finale et définitive relative à l’apurement des comptes doit être prise à l’issue d’une procédure contradictoire spécifique au cours de laquelle les États membres concernés doivent disposer de toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue (arrêts du 29 janvier 1998, Grèce/Commission, C‑61/95, EU:C:1998:27, point 39, et du 14 décembre 2000, Allemagne/Commission, C‑245/97, EU:C:2000:687, point 47). De même, du fait que les décisions en matière d’apurement des comptes sont prises à l’issue d’une procédure contradictoire, les résultats des vérifications de la Commission ne sont pas définitifs et sont susceptibles d’être revus à la lumière des réponses fournies par l’État membre lors de la procédure administrative ultérieure. Enfin, les différentes étapes à respecter lors de la procédure d’apurement des comptes sont énoncées à l’article 11 du règlement no 885/2006.

28      S’agissant de la première communication, le juge de l’Union a déjà jugé que, dans le cadre de la mise en œuvre du règlement (CE) no 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) no 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO 1995, L 158, p. 6), la communication écrite visée à l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, qui est en substance identique à la communication visée à l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 885/2006, devait être de nature à donner à l’État membre concerné une parfaite connaissance des réserves de la Commission, de sorte qu’elle pouvait alors remplir la fonction d’avertissement qui lui était impartie par le premier alinéa de cette disposition (voir arrêt du 7 juin 2013, Portugal/Commission, T‑2/11, EU:T:2013:307, point 58 et jurisprudence citée).

29      Il s’ensuit que, dans la première communication visée à l’article 11 du règlement no 885/2006, la Commission doit indiquer, de manière suffisamment précise, l’objet de l’enquête menée par ses services et les carences constatées lors de cette enquête, celles-ci étant susceptibles d’être invoquées ultérieurement comme éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les administrations nationales ou des chiffres transmis par ces dernières et, ainsi, de justifier les corrections financières retenues dans la décision finale écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné au titre du FEAGA (voir, par analogie, arrêt du 7 juin 2013, Portugal/Commission, T‑2/11, EU:T:2013:307, point 59 et jurisprudence citée).

30      Il convient dès lors d’examiner si la communication du 26 mars 2013, constituée d’une lettre à laquelle étaient jointes quatre annexes, satisfaisait aux exigences visées à l’article 11 du règlement no 885/2006 et constituait une communication régulière en application de ladite disposition.

31      Premièrement, il ressort de la lecture de la lettre du 26 mars 2013 et de ses annexes adressées aux autorités portugaises à titre de communication formelle que la Commission a identifié les irrégularités qu’elle leur reprochait.

32      En effet, la Commission a fait savoir aux autorités portugaises qu’elle nourrissait des doutes quant à la conformité de certaines dépenses avec la réglementation applicable et que, dans ces conditions, une partie des dépenses déclarées par la République portugaise pourrait être écartée du financement de l’Union.

33      Elle a en outre précisé le détail des dépenses qui devaient être exclues du financement de l’Union, dans le cadre de la décision 2012/240, pour un montant de 3 089 903,59 euros au titre de l’exercice financier 2011, et indiqué que ce montant incluait :

–        des réductions effectuées par les services de la Commission par le biais du système de paiements mensuels pour dépassement de plafonds, pour un montant de 1 094 573,62 euros ;

–        des réductions effectuées par les services de la Commission par le biais du système de paiements mensuels pour retards de paiement s’agissant des paiements effectués pour la période allant du 16 octobre 2010 au 31 juillet 2011, pour un montant de 2 016 135,16 euros ;

–        une correction sur les réductions effectuées par les services de la Commission dans la décision d’apurement des comptes pour un montant de 20 805,19 euros, qui correspond à la différence entre la réduction de 432 587,59 euros pour retards de paiement s’agissant des paiements effectués au cours de la période allant du 1er août au 15 octobre 2011 et la correction pour un montant de 453 392,78 euros, relative à une erreur d’imputation à la rubrique budgétaire 05 02 16 01 0000 047.

34      Par ailleurs, la Commission a fait savoir aux autorités portugaises que des réductions supplémentaires pour dépassement de plafonds globaux pour un montant de 584 114,93 euros, conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2006, étaient également envisagées.

35      Deuxièmement, il convient de constater que, tant pour les réductions que pour les corrections de paiements pour dépassement de plafonds ou retards de paiement, la Commission a joint en annexe à la communication du 26 mars 2013 des tableaux qui détaillent les irrégularités que la Commission a constatées. À cet égard, l’annexe I présente le détail des réductions effectuées pour dépassement de plafonds pour un montant de 1 094 573,62 euros. Cette annexe précise en outre la base juridique et les années concernées. L’annexe II explicite les réductions effectuées pour retards de paiement pour les paiements effectués pour la période allant du 16 octobre 2010 au 15 octobre 2011 et fait apparaître dans sa deuxième colonne les réductions effectuées pour les retards de paiement pour la période allant du 16 octobre 2010 au 31 juillet 2011 pour un montant de 2 016 135,16 euros. L’annexe III détaille le calcul des réductions effectuées par les services de la Commission pour retards de paiement. Enfin, l’annexe IV précise les réductions effectuées pour dépassement de plafonds globaux, pour un montant de 584 114,93 euros, ainsi que le fondement juridique de ces réductions.

36      Partant, il y a lieu de constater que tous les éléments pertinents ont été mentionnés dans la communication du 26 mars 2013 et que la République portugaise a été mise en mesure de comprendre les reproches de la Commission, à savoir les dépassements de plafonds et les retards de paiement, ce qui lui a permis de produire ses observations, ainsi que le montre la suite de la procédure administrative et les correspondances s’y rapportant. Dès lors, force est de constater que les droits de la défense de la République portugaise n’ont pas été violés.

37      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel la communication du 26 mars 2013 ne ferait pas état des constatations exigées à l’article 11 du règlement no 885/2006.

38      Quant au grief selon lequel la communication du 26 mars 2013 ne mentionnerait pas les mesures correctives envisagées, il convient d’examiner si une telle omission, à elle seule, constitue une violation d’une formalité substantielle permettant de considérer que ladite communication ne constitue pas une communication au sens de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. À cet égard, il convient de rappeler que, certes, la Commission est tenue de respecter, dans les relations avec les États membres, les conditions qu’elle s’est imposées par des règlements d’application. Toutefois, les États membres ne sauraient adopter, dans leurs relations avec la Commission, des positions purement formalistes, lorsqu’il ressort des circonstances que leurs droits ont été pleinement protégés (voir, en ce sens, s’agissant d’une communication relevant de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, arrêt du 24 janvier 2002, Finlande/Commission, C‑170/00, EU:C:2002:51, points 33 et 34). En appliquant ce principe, le Tribunal a jugé, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 juin 2009, Portugal/Commission (T‑50/07, non publié, EU:T:2009:206, points 84 à 87), que l’omission de la mention des mesures correctives n’entraînait pas en soi de conséquences quant à la qualification de la communication au sens de l’article 11 du règlement no 885/2006. Dans la présente affaire, ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, la République portugaise avait connaissance des réserves de la Commission. Partant, la République portugaise ne peut se prévaloir du fait que la communication du 26 mars 2013 ne contenait pas de mesures correctives, lui permettant de considérer que ladite lettre ne pouvait être qualifiée de communication écrite de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. Dans ce contexte et à l’instar de la jurisprudence citée ci-dessus, l’omission de la mention des mesures correctives dans la communication du 26 mars 2013 ne saurait, en l’espèce, entraîner l’annulation de la décision attaquée.

39      En outre, dans la mesure où la mention de mesures correctives a pour seul objectif d’inviter les États membres à les mettre en œuvre afin qu’ils se conforment à la réglementation applicable, il apparaît, en l’espèce, à la lumière des irrégularités reprochées aux autorités portugaises par la Commission, que la simple constatation du non-respect de la réglementation applicable constituait, en elle-même, une invitation faite aux autorités portugaises de se conformer, à l’avenir, à la réglementation ayant provoqué l’application des corrections financières envisagées (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Portugal/Commission, T‑233/17, non publié, EU:T:2018:590, point 37).

40      S’agissant, en deuxième lieu, de l’obligation de motivation dont la République portugaise soutient qu’elle aurait été méconnue en ce que la communication du 26 mars 2013 ne répondrait pas aux exigences prévues à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 29 avril 2004, Pays-Bas/Commission, C‑159/01, EU:C:2004:246, point 65 et jurisprudence citée).

41      Les décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes des Fonds sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné (arrêt du 14 mars 2002, Pays-Bas/Commission, C‑132/99, EU:C:2002:168, point 39). Dans ces conditions, la motivation d’une décision refusant de retenir à la charge de celui-ci une partie des dépenses déclarées doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du Fonds concerné la somme litigieuse (arrêts du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, EU:C:2001:455, point 98, et du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, point 94).

42      En l’espèce, il y a lieu de relever que, à la suite des audits financiers réalisés par la Commission, la communication du 26 mars 2013 a été adressée aux autorités portugaises pour que celles-ci puissent, le cas échéant, manifester leur désaccord avec les constatations effectuées par la Commission pour l’exercice financier 2011, que cette communication a été suivie d’échanges de courriers entre la Commission et la République portugaise puis d’une réunion bilatérale entre les parties le 20 février 2015 et que le compte rendu de cette réunion a été envoyé par lettre du 20 avril 2015 aux autorités portugaises, lesquelles ont répondu par lettre du 28 octobre 2015 avant que la Commission n’arrête, par lettre du 18 décembre 2015, sa position définitive.

43      Dès lors, force est de constater que la République portugaise a été étroitement associée au processus d’élaboration de la décision attaquée et qu’elle connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du financement de l’Union certaines dépenses déclarées par les autorités portugaises.

44      Partant, il y a lieu d’écarter l’argument de la République portugaise selon lequel la communication du 26 mars 2013 méconnaîtrait l’obligation de motivation en ce qu’elle ne satisferait pas aux exigences prévues à l’article 11 du règlement no 885/2006.

45      Enfin, s’agissant, en troisième lieu, de l’argument de la République portugaise selon lequel, dans le rapport de synthèse, la Commission a procédé à une correction brute de 1 566 070, 88 euros pour l’exercice financier 2012 alors que la communication du 26 mars 2013 ne contenait aucune constatation relative à l’exercice financier 2012, il convient de relever que, pour regrettable que soit cette erreur, d’ailleurs admise par la Commission dans ses écritures et au cours de l’audience, seul l’exercice financier 2011 était concerné par la correction financière en cause, ainsi qu’il ressort du tableau figurant à la page 280 du rapport de synthèse.

46      Partant, il y a lieu d’écarter l’argument de la République portugaise selon lequel, du fait de l’absence de constatations relatives à l’exercice financier 2012 dans la communication du 26 mars 2013, ladite communication ne répondrait pas aux exigences prévues à l’article 11 du règlement no 885/2006.

47      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être écarté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8 du règlement no 73/2009 et du principe de proportionnalité

48      Dans le cadre du deuxième moyen, la République portugaise fait valoir, en substance, que les paiements relatifs à la campagne 2010 ont été corrigés par la Commission en vertu de l’article 9 du règlement no 883/2006, de sorte que ces dépenses ne pouvaient plus faire l’objet d’une autre correction en vertu de l’article 8 du règlement no 73/2009, sous peine de violation du principe de proportionnalité, prévu à l’article 17 du règlement no 1290/2005.

49      La République portugaise considère que la mise à l’écart du financement de l’Union des dépenses d’un montant total de 1 678 688,55 euros décidée sur le fondement d’un prétendu dépassement du plafond fixé pour les paiements directs concernant la campagne 2010, en vertu de l’article 8 du règlement no 73/2009, est constitutive d’une double correction, car ces dépenses avaient déjà été réduites pour retards dans les paiements au cours de l’exercice financier 2011.

50      Ainsi, cette application simultanée aux mêmes dépenses des deux dispositions mentionnées au point 48 ci-dessus constituerait une « double sanction » manifeste, dans la mesure où les dépenses en cause finiraient par être écartées par deux fois du financement de l’Union.

51      Par conséquent, la République portugaise estime que, dans la mesure où les paiements directs concernant la campagne 2011 ont été corrigés par la Commission, en vertu de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2006, conformément à l’article 17 du règlement no 1290/2005, pour le montant de 1 094 573,62 euros, les mêmes dépenses ne peuvent pas faire l’objet d’une seconde correction en vertu de l’article 8 du règlement no 73/2009 du Conseil, sous peine de violer les dispositions de l’article 8 du règlement no 73/2009 et le principe de proportionnalité consacré à l’article 17 du règlement no 1290/2005.

52      La République portugaise précise, dans la réplique, que, contrairement à ce que la Commission avance dans son mémoire en défense, il n’est pas affirmé dans la requête que la Commission a appliqué « une double réduction », mais que, après avoir appliqué une réduction de 1 678 688,55 euros, en vertu de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2006, la Commission a appliqué aux dépenses qui avaient déjà fait l’objet d’une réduction une autre correction financière en vertu de l’article 8 du règlement no 73/2009.

53      La Commission conteste les arguments de la République portugaise.

54      Il y a lieu de constater que, dans le cadre du deuxième moyen, la République portugaise reproche à la Commission d’avoir appliqué deux corrections aux mêmes dépenses.

55      À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission a l’obligation de procéder à une correction financière si les dépenses dont le financement est demandé n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union. Une telle correction financière tend à éviter la mise à la charge du FEAGA de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue donc pas une sanction (arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, point 14, et du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, point 111).

56      En outre, selon une jurisprudence constante rappelée au point 17 ci-dessus, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir, également, arrêt du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, EU:C:2008:247, point 135 et jurisprudence citée).

57      S’agissant des corrections financières litigieuses, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les deux corrections financières litigieuses ne sont pas fondées sur les mêmes dispositions et qu’elles poursuivent des objectifs distincts.

58      Il importe à cet égard de rappeler le libellé de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2006 tel que modifié par le règlement (CE) no 451/2009 de la Commission, du 29 mai 2009(JO 2009, L 135, p. 12), selon lequel « le montant total des paiements directs effectués au cours d’un exercice Y, autres que les paiements effectués conformément au règlement (CE) no 247/2006 du Conseil et conformément au règlement (CE) no 1405/2006 du Conseil, n’est admissible au financement [de l’Union] qu’à concurrence du montant net total des paiements directs établis pour l’année civile Y-1, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 73/2009, corrigé, le cas échéant, par l’ajustement prévu à l’article 11 dudit règlement ».

59      De même, l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 prévoit que, « [s]ans préjudice de l’article 11 du présent règlement, le montant net total des paiements directs pouvant être octroyés dans un État membre après application des articles 7 et 10 du présent règlement et de l’article 1er du règlement (CE) no 378/2007 en ce qui concerne toute année civile antérieure à 2013, ou après application des articles 10 bis et 10 ter du présent règlement en ce qui concerne l’année civile 2013, et à l’exception des paiements directs octroyés au titre des règlements no 247/2006 et (CE) no 1405/2006, n’excède pas les plafonds fixés à l’annexe IV du présent règlement ».

60      Il en découle que les deux dispositions en cause poursuivent des objectifs différents.

61      Plus précisément, comme l’énonce le considérant 4 du règlement no 451/2009, « [a]fin d’assurer la discipline financière, il y a lieu de fixer des dispositions spécifiques pour éviter que le non-respect des délais de paiement débouche sur des dépenses totales pour les paiements directs dépassant ces plafonds au cours de l’exercice financier correspondant ».

62      Dès lors, l’article 9 paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2006 a pour objectif de limiter le non-respect des délais de paiement en incitant les États membres à effectuer les paiements aux bénéficiaires en temps utile afin d’éviter que les retards accumulés lors d’un exercice financier donné ne conduisent à des reports pouvant provoquer un dépassement des plafonds lors des exercices financiers suivants. En d’autres termes, cette disposition permet de limiter les reports des paiements directs aux exercices financiers suivants en n’acceptant leur financement par l’Union que dans la limite des plafonds fixés pour l’année civile précédant l’exercice au cours duquel la dépense est effectuée.

63      En revanche, l’article 8 du règlement no 73/2009 vise, quant à lui, à garantir que les paiements effectués aux agriculteurs d’un État membre au cours d’une année civile donnée respectent la limite des plafonds établis à l’annexe IV dudit règlement.

64      En l’espèce, les deux corrections financières appliquées ont été effectuées en vertu de deux dispositions distinctes, impliquant deux types de contrôles différents.

65      En application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, le montant total des paiements directs effectués par la République portugaise aux agriculteurs pour l’année 2010 s’est élevé à 574 300 000 euros alors que le montant total des paiements directs déclarés pour l’exercice financier 2011 était de 574 884 114, 93 euros, ce qui constitue un dépassement du plafond net pour l’année 2011 de 584 114, 93 euros, correspondant à la correction financière proposée par la Commission.

66       En effet, le montant total des paiements directs pour l’exercice financier 2011 n’aurait pas dû, ainsi que la République portugaise le reconnaît elle-même, dépasser le montant total net des paiements effectués pour l’année 2010. Toutefois, il ne saurait être déduit de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 que la Commission ne pourrait procéder à des contrôles pour les années antérieures ou que la Commission, après avoir procédé à une réduction pour dépassement de plafonds, ne pourrait appliquer aux mêmes dépenses une correction financière pour non-respect des délais dans les paiements effectués au cours d’un exercice financier donné, en application de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2006.

67      Il ressort de la décision attaquée ainsi que du rapport de synthèse que la Commission a décidé d’écarter du financement de l’Union au titre de l’exercice financier 2011 les dépenses déclarées par la République portugaise pour un montant total de 1 678 688,55 euros pour non-respect des délais de paiements et dépassement des plafonds.

68      À cet égard, il ne peut être valablement considéré que, d’une part, l’application d’une correction financière prise sur le fondement de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2006 relatif à des dépenses effectuées au titre des paiements directs de l’année 2011 et, d’autre part, l’application d’une seconde correction financière en raison d’un dépassement des plafonds au titre des paiements directs de la même année, prise sur le fondement d’une autre disposition, puissent être interprétées comme constitutives d’une « double sanction », contrairement à ce que soutient la République portugaise. En effet, l’existence d’une double correction aurait pu être valablement admise dans le cas où une même dépense effectuée en retard, au titre des paiements d’une année civile donnée, aurait provoqué l’application de deux corrections successives prises sur le fondement d’une même disposition. Or, il convient de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce.

69      Il convient de rappeler, comme cela a été évoqué au point 55 ci-dessus, qu’une correction arrêtée par la Commission, conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière, tend à éviter la mise à la charge du FEAGA et du Feader des montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction (voir, également, arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, non publié, EU:T:2011:130, point 136 et jurisprudence citée).

70      Il convient également de rappeler que les dépenses de financement à la charge du FEAGA et du Feader doivent être calculées en supposant que les délais prévus par la réglementation agricole applicable sont respectés. En conséquence, lorsque les autorités nationales procèdent au paiement des aides après l’expiration du délai, elles imputent au FEAGA et au Feader des dépenses irrégulières et, dès lors, non éligibles (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, EU:C:1999:527, point 126, et du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, T‑243/05, EU:T:2007:270, point 116 et jurisprudence citée).

71      Il résulte de ce qui précède que la Commission, en appliquant deux corrections financières prises sur le fondement de deux dispositions différentes poursuivant des objectifs distincts, n’a pas violé l’article 8 du règlement no 73/2009.

72      S’agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité tel que prévu par l’article 17 du règlement no 1290/2005, en ce que la Commission aurait fait application aux mêmes dépenses d’une double correction financière, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 57 ci-dessus, en appliquant à certaines dépenses déclarées par la République portugaise au titre de l’exercice financier 2011 deux corrections financières, la Commission s’est fondée sur des dispositions différentes poursuivant des objectifs distincts.

73      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument de la République portugaise selon lequel en appliquant, selon elle, deux corrections financières aux paiements effectués par les autorités portugaises, la première, pour dépassement des plafonds globaux, la seconde, pour non-respect des délais de paiement, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité.

74      En outre, s’agissant de l’argument de la République portugaise selon lequel la majeure partie de la dépense dont la Commission estime qu’elle a contribué au dépassement du plafond net pour l’exercice financier 2011 se réfère à l’année 2010 pour laquelle une correction avait déjà été appliquée et que le contrôle pour l’exercice financier n’aurait été clarifié que dans l’article 5, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18), il suffit pour l’écarter de constater que, ainsi qu’il ressort de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 883/2006, les dépenses et recettes sont prises en compte par le budget du FEAGA au titre d’un exercice budgétaire « N » commençant le 16 octobre de l’année « N-1 » et allant jusqu’au 15 octobre de l’année « N » et donc que, contrairement à ce que soutient la République portugaise, le règlement no 907/2014 n’a apporté aucun éclaircissement sur l’interprétation de la notion d’exercice financier.

75      S’agissant enfin de l’argument de la République portugaise selon lequel elle n’aurait été informée qu’en mars 2013 qu’une réduction pour dépassement des plafonds globaux au titre de l’exercice financier 2011 pourrait lui être appliquée en application de l’article 8 du règlement no 73/2009 et n’aurait obtenu une réponse de la Commission à ses observations que tardivement, force est de constater que cet argument est dénué de pertinence au regard du moyen tiré de la violation de l’article 8 du règlement no 73/2009 et du principe de proportionnalité et qu’il n’est donc pas susceptible de prospérer.

76      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être écarté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005

77      Par son troisième moyen, la République portugaise reproche, en substance, à la Commission d’avoir violé l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005, et plus particulièrement la règle selon laquelle ne peuvent être exclues du financement de l’Union que les dépenses effectuées pendant une période qui ne pourrait pas remonter au-delà des 24 mois antérieurs à l’envoi de la communication prévue à l’article 11 du règlement no 885/2006, en l’espèce la communication du 26 mars 2013.

78      La République portugaise fait valoir à cet égard que les cinq premières rubriques budgétaires identifiées dans l’annexe I de la communication du 26 mars 2013 correspondent à l’année 2009 et non à l’exercice financier en cause.

79      La Commission conteste les arguments de la République portugaise.

80      L’article 31 du règlement no 1290/2005, relatif à l’apurement de conformité, prévoit :

« 1. La Commission décide des montants à écarter du financement [de l’Union] lorsqu’elle constate que des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 n’ont pas été effectuées conformément aux règles [de l’Union], selon la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3.

2. La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à [l’Union].

3. Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

4. Un refus de financement ne peut pas porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission [n’]ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications […] »

81      S’agissant de la violation alléguée par la République portugaise de l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005, et plus particulièrement de la règle selon laquelle ne peuvent être exclues du financement de l’Union que les dépenses effectuées pendant une période qui ne pourrait pas remonter au-delà des 24 mois antérieurs à l’envoi de la première communication formelle, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que, si les lignes budgétaires en cause se rapportent effectivement à l’année 2009 et non à l’exercice financier 2011, ces lignes avaient déjà été incluses dans la correction mise en œuvre par la Commission dans la décision 2012/240.

82      En outre, force est de constater que les lignes budgétaires se rapportant à l’année 2009 ne sont pas couvertes par les corrections effectuées au titre de la décision attaquée.

83      En effet, il ressort de la décision attaquée que celle-ci ne se réfère aucunement aux montants relatifs aux cinq lignes budgétaires se rapportant à l’année 2009 et figurant dans l’annexe I de la communication du 26 mars 2013.

84      Par conséquent, pour regrettable que soit l’insertion, dans l’annexe I de la communication du 26 mars 2013, de cinq lignes budgétaires se rapportant à l’année 2009, qui était de nature à induire en erreur les autorités portugaises, cette insertion, qui concerne des montants déjà récupérés par la Commission, ne saurait entacher d’illégalité la décision attaquée, laquelle porte sur l’exercice financier 2011, et entraîner l’annulation de ladite décision.

85      Partant, il y a lieu d’écarter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 9, paragraphe 2, et de l’article 17 du règlement no 968/2006

86      Par son quatrième moyen, la République portugaise reproche, en substance, à la Commission d’avoir violé l’article 9, paragraphe 2, et l’article 17 du règlement no 968/2006 en écartant du financement de l’Union pour non-respect des délais de paiement la somme de 2 016 135,16 euros concernant les paiements effectués par les autorités portugaises dans le cadre de l’aide additionnelle à la diversification.

87      Elle fait valoir que l’aide additionnelle en cause s’inscrivait dans les conditions particulières de gestion visées à l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 968/2006, dans la mesure où l’État membre doit s’assurer que les producteurs concernés ont définitivement abandonné la production de betterave sucrière ou de canne à sucre et que, par conséquent, les périodes de paiement de mars et de septembre s’appliquent uniquement à l’aide à la diversification.

88      La République portugaise souligne que le plus important est que les paiements au titre de l’aide additionnelle à la diversification aient été effectués au plus tard le 30 septembre 2012.

89      La Commission conteste les arguments de la République portugaise.

90      À titre liminaire, il convient de rappeler que les délais de paiement des aides à la diversification sont énoncés à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 968/2006, qui dispose que l’aide à la diversification et l’aide additionnelle à la diversification sont versées aux bénéficiaires par l’État membre deux fois par an, en mars et en septembre, pour les dépenses admissibles effectivement encourues, accompagnées de pièces justificatives et contrôlées.

91      S’agissant plus particulièrement de l’aide additionnelle à la diversification, l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 968/2006 prévoit que l’État membre s’assure que les producteurs concernés ont définitivement abandonné la production de betterave sucrière ou de canne à sucre.

92      L’article 17, paragraphe 2, du règlement no 968/2006 dispose que les aides en cause sont versées au plus tard le 30 septembre 2012.

93      La République portugaise prétend que, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 968/2006, seul le paiement de l’aide à la diversification serait subordonné à la vérification que les dépenses admissibles sont des dépenses effectivement encourues, accompagnées de pièces justificatives et contrôlées, et que les périodes de paiement de mars et de septembre s’appliqueraient uniquement à l’aide à la diversification et non à l’aide additionnelle à la diversification.

94      Toutefois, il résulte explicitement des dispositions de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 968/2006 que les paiements doivent être effectués en mars et en septembre de chaque année tant pour l’aide à la diversification que pour l’aide additionnelle à la diversification.

95      Il s’ensuit que c’est à tort que les autorités portugaises ont estimé que, dans la mesure où le paiement de l’aide additionnelle à la diversification n’était pas fondé sur des dépenses éligibles effectivement encourues, accompagnées de pièces justificatives et contrôlées, les paiements pouvaient intervenir jusqu’à la date limite fixée par l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 968/2006, c’est-à-dire jusqu’au 30 septembre 2012.

96      Cette constatation ne saurait être remise en cause par les arguments de la République portugaise.

97      Premièrement, la circonstance que la République portugaise ait mis en place une gestion particulièrement exigeante de l’aide additionnelle à la diversification de manière à s’assurer que les 321 demandes d’aide déposées auprès des autorités portugaises étaient admissibles ou remplissaient les conditions pour pouvoir bénéficier des aides n’est pas de nature à exonérer lesdites autorités de l’obligation d’effectuer les paiements aux dates prévues par la réglementation de l’Union, à savoir aux mois de mars et de septembre de chaque année.

98      Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la République portugaise, les modalités de mise en œuvre par les autorités portugaises de l’aide additionnelle à la diversification et les contrôles éventuels que cette mise en œuvre a pu nécessiter ne sauraient être interprétés comme constitutifs de conditions particulières de gestion au sens de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 968/2006 qui autoriseraient les autorités portugaises à ne pas respecter les dates réglementaires de paiement fixés en mars et en septembre de chaque année.

99      Or, en l’espèce, il est constant que la République portugaise a effectué, s’agissant du paiement de l’aide additionnelle à la diversification, trois paiements postérieurs aux mois de mars et de septembre 2010, respectivement en novembre 2010, en janvier et en février 2011.

100    Dans ces conditions, en écartant du financement de l’Union la somme de 2 016 135,16 euros concernant les paiements effectués par les autorités portugaises dans le cadre de l’aide additionnelle à la diversification, au motif que certaines dépenses déclarées par lesdites autorités avaient fait l’objet de paiements postérieurement aux mois de mars et de septembre 2010, la Commission n’a pas violé l’article 9, paragraphe 3, et l’article 17 du règlement no 968/2006.

101    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit être écarté et, par suite, tous les moyens soulevés ayant été écartés, que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

103    La République portugaise ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.