Language of document : ECLI:EU:F:2012:66

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

22 mai 2012 (*)

«Fonction publique – Agents contractuels – Pensions – Allocation de départ»

Dans l’affaire F‑109/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

AU, ancien agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Ransbach-Baumbach (Allemagne), représenté par Me R. Oehmen, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Martin et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, E. Perillo et R. Barents, juges

greffier: M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 octobre 2010, AU demande, à titre principal, l’annulation de la décision par laquelle la Commission européenne a refusé de lui verser une allocation de départ.

 Cadre juridique

2        Le titre V, intitulé «Du régime pécuniaire et des avantages sociaux du fonctionnaire», du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») comprend trois chapitres, dont le troisième est intitulé «Pensions et allocation d’invalidité».

3        L’article 77, premier alinéa, du statut, qui figure au chapitre 3 du titre V dudit statut, est ainsi libellé:

«Le fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension d’ancienneté. Toutefois, il a droit à cette pension sans condition de durée de service s’il est âgé de plus de 63 ans, s’il n’a pu être réintégré au cours d’une période de disponibilité, ou en cas de retrait d’emploi dans l’intérêt du service.»

4        L’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, intitulé «Modalités du régime de pensions», qui vient compléter le chapitre susmentionné du statut dispose:

«Le fonctionnaire qui cesse ses fonctions pour:

–        entrer au service d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale ayant conclu un accord avec [l’Union],

–        exercer une activité salariée ou non salariée au titre de laquelle il acquiert des droits à pension dans un régime dont les organismes gestionnaires ont conclu un accord avec [l’Union],

a le droit de faire transférer l’équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, de ses droits à pension d’ancienneté, qu’il a acquis [à l’Union], à la caisse de pension de cette administration, de cette organisation, ou à la caisse auprès de laquelle le fonctionnaire acquiert des droits à pension d’ancienneté au titre de son activité salariée ou non salariée.»

5        Aux termes de l’article 12 de l’annexe VIII du statut:

«1. Le fonctionnaire âgé de moins de 63 ans qui cesse définitivement ses fonctions pour une raison autre que le décès ou l’invalidité et qui ne peut bénéficier d’une pension d’ancienneté immédiate ou différée a droit, lors de son départ:

a) s’il a accompli moins d’un an de service, et pour autant qu’il n’ait pas bénéficié de l’application de l’article 11, paragraphe 2, [de l’annexe VIII du statut] au versement d’une allocation de départ égale au triple des sommes retenues sur son traitement de base au titre de sa contribution à sa pension d’ancienneté, déduction faite des montants éventuellement versés en application des articles 42 et 112 du régime applicable aux autres agents [de l’Union européenne];

b) dans les autres cas, à l’application des dispositions de l’article 11, paragraphe 1, ou au versement de l’équivalent actuariel à une assurance privée ou à un fonds de pension de son choix qui garantisse:

i)       que l’intéressé ne pourra bénéficier de remboursement en capital;

ii)       que l’intéressé percevra une rente mensuelle au plus tôt à partir de l’âge de 60 ans et au plus tard à partir de l’âge de 65 ans;

iii)       que ses ayants droit bénéficieront des prestations de réversion ou de survie;

iv)       que le transfert vers une autre assurance ou un autre fonds ne sera autorisé qu’aux mêmes conditions que celles décrites aux rubriques i) à iii) ci-dessus.

2. Par dérogation au paragraphe 1, [sous] b), le fonctionnaire âgé de moins de 63 ans qui, depuis son entrée en fonctions, a effectué des versements pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension à un régime de pension national ou à une assurance privée ou à un fonds de pension de son choix qui remplisse les conditions mentionnées au paragraphe 1, qui cesse définitivement ses fonctions pour une raison autre que le décès ou l’invalidité et qui ne peut bénéficier d’une pension d’ancienneté immédiate ou différée a droit, lors de son départ, au versement d’une allocation de départ égale à l’équivalent actuariel de ses droits à pension acquis pendant le service dans les institutions. Dans ce cas, les montants versés pour la constitution ou le maintien de ses droits à pensio[n] dans le régime de pension national, en application des articles 42 ou 112 du régime applicable aux autres agents, sont déduits de l’allocation de départ.

[…]»

6        L’article 109, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le «RAA») dispose:

«Lors de la cessation de ses fonctions, l’agent contractuel a droit à la pension d’ancienneté, au transfert de l’équivalent actuariel ou au versement de l’allocation de départ dans les conditions prévues au titre V, chapitre 3, du statut et de l’annexe VIII du statut. Lorsque l’agent contractuel a droit à une pension d’ancienneté, ses droits à pension ne couvrent pas les périodes correspondant aux contributions versées au titre de l’article 112 du [RAA].»

 Faits à l’origine du litige

7        Le requérant est fonctionnaire au Bundesrechnungshof (Cour des comptes fédérale, Allemagne).

8        Entre le 1er mars 2009 et le 28 février 2010, le requérant a été détaché par le Bundesrechnungshof auprès de la Commission pour y effectuer, en qualité d’agent contractuel au sens de l’article 3 ter du RAA, des «tâches d’exécution, de rédaction, de comptabilité et autres tâches techniques équivalentes». Durant cette période d’un an, son traitement a fait l’objet de retenues au titre de sa contribution au régime des pensions de l’Union européenne.

9        Le contrat du requérant arrivant à son terme, par note du 22 février 2010, celui-ci a sollicité de la Commission le versement d’une allocation de départ. Cette demande a été rejetée par une décision du 8 avril 2010 (ci-après la «décision litigieuse»).

10      Par note du 24 avril 2010, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision litigieuse. Cette réclamation a également fait l’objet, le 30 juillet 2010, d’une décision explicite de rejet.

 Procédure et conclusions des parties

11      Le présent recours a été introduit le 26 octobre 2010.

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision litigieuse ainsi que la décision rejetant la réclamation;

–        condamner la Commission à lui payer une allocation de départ dont le montant correspond à l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis en raison de son activité à la Commission du 1er mars 2009 au 28 février 2010;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision rejetant la réclamation

14      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8).

15      En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation étant dépourvue de contenu autonome, le recours doit être regardé comme dirigé contre la seule décision litigieuse.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse et sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

16      À l’appui des conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse et des conclusions indemnitaires, le requérant fait valoir qu’il satisfaisait à la condition prévue à l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut pour bénéficier d’une allocation de départ, en l’occurrence avoir «effectué des versements pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension à un régime de pension national ou à une assurance privée ou à un fonds de pension de son choix».

17      Le requérant précise qu’il n’a pas, à strictement parler, «effectué des versements» pour le maintien de ses droits à pension dans le régime de retraite des fonctionnaires allemands. Toutefois, il prétend qu’il doit être réputé avoir procédé à de tels versements au sens de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, puisque, pendant la période où il a été détaché auprès de la Commission, il a continué à acquérir des droits à pension en Allemagne.

18      En tout état de cause, le requérant souligne que, pendant son service à la Commission, il a effectué des versements à une assurance privée remplissant les conditions mentionnées à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VIII du statut. Certes, le contrat conclu avec cette assurance privée prévoirait, à titre exceptionnel, en particulier en cas de motif grave, une possibilité de résiliation et, par suite, de remboursement en capital des sommes versées. Toutefois, le requérant fait observer qu’il serait impossible en Allemagne de souscrire un contrat d’assurance permettant la constitution de droits à pension et excluant toute possibilité de résiliation.

19      En défense, la Commission conclut au rejet des conclusions susmentionnées, faisant valoir que le requérant n’a effectué de versements pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension ni à un régime de pension national ni à une assurance privée ou à un fonds de pension remplissant les conditions mentionnées à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VIII du statut.

 Appréciation du Tribunal

20      Il ressort de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, lu en combinaison avec l’article 109 du RAA, que l’agent contractuel qui, après avoir accompli au moins un an de service, a cessé définitivement ses fonctions pour une raison autre que le décès ou l’invalidité, qui ne peut bénéficier d’une pension d’ancienneté immédiate ou différée, et qui est âgé de moins de 63 ans, a droit à une allocation de départ à la condition qu’il ait effectué, depuis son entrée en fonction, des versements pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension à un régime de pension national ou à une assurance privée ou à un fonds de pension de son choix remplissant les conditions énoncées à l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut.

21      Selon l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, le régime national, l’assurance privée ou le fonds de pension doit garantir que l’agent ne pourra bénéficier de remboursement en capital, qu’il percevra une rente mensuelle au plus tôt à partir de l’âge de 60 ans et au plus tard à partir de l’âge de 65 ans, que ses ayants droit bénéficieront des prestations de réversion ou de survie, et que le transfert vers une autre assurance ou un autre fonds ne sera autorisé qu’aux mêmes conditions que celles décrites ci-dessus.

22      En l’espèce, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pendant la période d’un an où il a exercé les fonctions d’agent contractuel au sein de la Commission, le requérant n’a effectué aucun versement pour le maintien de ses droits à pension dans un régime de pension national.

23      Le requérant prétend toutefois qu’il doit être réputé avoir procédé à de tels versements, puisque, tout en étant détaché auprès de la Commission, il aurait continué à acquérir des droits à pension en Allemagne comme s’il avait continué à y travailler pendant la durée de son détachement. L’intéressé souligne, d’une manière plus générale, que les fonctionnaires allemands acquièrent des droits à pension du seul fait de leur activité professionnelle et ne font l’objet d’aucune retenue sur leur traitement pour la constitution de tels droits.

24      Toutefois, il est de jurisprudence constante que les dispositions du droit de l’Union qui donnent droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement (arrêt du Tribunal de première instance du 16 décembre 2004, Pappas/Commission, T‑11/02, point 53). Or, il résulte clairement du libellé de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, dont la légalité n’est pas contestée dans le cadre du présent litige, que le bénéfice de l’allocation de départ est subordonné à la condition que l’agent contractuel ait «effectué des versements pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension» depuis son entrée en fonction au service de l’Union. Ainsi, dès lors, comme il a été dit, que le requérant n’a effectué aucun versement de cette nature, le seul fait que celui-ci ait continué à acquérir des droits à pension en Allemagne ne saurait lui ouvrir le droit au bénéfice de l’allocation de départ.

25      En second lieu, si le requérant prétend que, pendant la période où il travaillait à la Commission, il a effectué des versements à une assurance privée pour la constitution de droits à pension, l’intéressé admet lui-même que le contrat conclu avec cette assurance privée était résiliable avant terme, notamment en cas de motif grave, et que, en cas de résiliation, les sommes versées lui auraient été remboursées en capital. Or, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VIII du statut, les agents contractuels ayant effectué des versements pour la constitution ou le maintien de droits à pension à une assurance privée ou à un fonds de pension ne peuvent bénéficier d’une allocation de départ que si cette assurance privée ou ce fonds de pension satisfait à plusieurs conditions, parmi lesquelles celle de garantir que les agents en cause ne pourront pas bénéficier d’un remboursement en capital.

26      Le requérant objecte qu’il serait impossible en Allemagne de souscrire, pour la constitution de droits à pension, un contrat auprès d’une assurance privée excluant toute possibilité de résiliation. Toutefois, cette circonstance, à la supposer même établie, est sans conséquence sur le fait que le contrat conclu par le requérant avec une assurance privée ne satisfaisait pas aux conditions prévues par l’article 12, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VIII.

27      Il résulte de ce qui précède que, le requérant ne remplissant pas les critères pour bénéficier d’une allocation de départ, celui-ci n’est pas fondé à prétendre que c’est à tort que la Commission a refusé de lui verser une telle allocation.

28      Dans ces conditions, les conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse, de même que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires, doivent être rejetées.

29      À titre surabondant, le Tribunal se doit de rappeler au requérant que, si celui-ci avait eu droit au bénéfice d’une allocation de départ, cette circonstance aurait été susceptible d’entraîner, en vertu de l’article 56, paragraphe 1, de la Beamtenversorgungsgesetz (loi allemande relative au régime de pension des fonctionnaires), une réduction de la pension de retraite allemande qu’il sera amené à percevoir ultérieurement.

 Sur les dépens

30      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

31      Il résulte des motifs du présent arrêt que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      AU supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens de la Commission européenne.

Kreppel

Perillo

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mai 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure: l’allemand.