Language of document : ECLI:EU:C:2005:637

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

25 octobre 2005 (*)

«Protection des consommateurs – Démarchage à domicile – Achat d’un bien immobilier – Opération d’investissement financée par un prêt hypothécaire – Droit de révocation – Conséquences d’une révocation»

Dans l’affaire C-350/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Landgericht Bochum (Allemagne), par décision du 29 juillet 2003, parvenue à la Cour le 8 août 2003, dans la procédure

Elisabeth Schulte,

Wolfgang Schulte

contre

Deutsche Bausparkasse Badenia AG,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann et A. Rosas, présidents de chambre, MM. C. Gulmann (rapporteur), R. Schintgen, Mme N. Colneric, M. S. von Bahr, Mme R. Silva de Lapuerta et M. K. Lenaerts, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juin 2004,

considérant les observations présentées:

–       pour M. et Mme Schulte, par Mes M. Koch et M. Beckmann, Rechtsanwälte,

–       pour la Deutsche Bausparkasse Badenia AG, par Mes M. Pap et N. Gross, Rechtsanwälte,

–       pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing, A. Dittrich et P.‑C. Müller-Graff, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement français, par Mme R. Loosli-Surrans, en qualité d’agent,

–       pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. A. Cingolo, avvocato dello Stato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. J. Sack et J.‑P. Keppenne, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 septembre 2004,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 95, paragraphe 3, CE ainsi que de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31, ci‑après la «directive»), et notamment ses articles 3, paragraphe 2, 4, 5 et 7.

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. et Mme Schulte à la Deutsche Bausparkasse Badenia AG (ci-après la «banque»), concernant les conséquences de la révocation, en vertu du droit national applicable en matière de démarchage à domicile, du contrat de crédit foncier souscrit auprès de la banque par ce couple.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       La directive vise à offrir aux consommateurs des États membres une protection minimale dans le domaine du démarchage à domicile, afin de les protéger contre le risque découlant des circonstances propres à la conclusion d’un contrat en dehors des établissements du commerçant. Les quatrième et cinquième considérants de la directive énoncent:

«[...] les contrats conclus en dehors des établissements commerciaux du commerçant se caractérisent par le fait que l’initiative des négociations émane normalement du commerçant et que le consommateur ne s’est, en aucune façon, préparé à ces négociations et se trouve pris au dépourvu; [...] souvent, il n’est pas à même de comparer la qualité et le prix de l’offre avec d’autres offres; […]

[...] il y a lieu d’accorder au consommateur un droit de résiliation pendant une durée de sept jours au moins, afin de lui donner la possibilité d’apprécier les obligations qui découlent du contrat».

4       L’article 1er, paragraphe 1, de la directive dispose:

«La présente directive s’applique aux contrats conclus entre un commerçant fournissant des biens ou des services et un consommateur:

[…]

–       pendant une visite du commerçant:

i)      chez le consommateur ou chez un autre consommateur;

[…]

lorsque la visite n’a pas lieu à la demande expresse du consommateur.»

5       L’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive prévoit:

«La présente directive ne s’applique pas:

a)      aux contrats relatifs à la construction, à la vente et à la location des biens immobiliers ainsi qu’aux contrats portant sur d’autres droits relatifs à des biens immobiliers.

[…]»

6       L’article 4 de la directive dispose:

«Le commerçant est tenu d’informer par écrit le consommateur, dans le cas de transactions visées à l’article 1er, de son droit de résilier le contrat au cours des délais définis à l’article 5 ainsi que des nom et adresse d’une personne à l’égard de laquelle il peut exercer ce droit.

Cette information est datée et mentionne les éléments permettant d’identifier le contrat. Elle est donnée au consommateur:

a)      dans le cas de l’article 1er paragraphe 1, au moment de la conclusion du contrat;

[…]

Les États membres veillent à ce que leur législation nationale prévoie des mesures appropriées visant à protéger le consommateur lorsque l’information visée au présent article n’est pas fournie.»

7       Aux termes de l’article 5 de la directive:

«1.      Le consommateur a le droit de renoncer aux effets de son engagement en adressant une notification dans un délai d’au moins sept jours à compter du moment où le consommateur a reçu l’information visée à l’article 4 et conformément aux modalités et conditions prescrites par la législation nationale. […]

2.      La notification faite a pour effet de libérer le consommateur de toute obligation découlant du contrat résilié.»

8       L’article 7 de la directive prévoit que «[s]i le consommateur exerce son droit de renonciation, les effets juridiques de la renonciation sont réglés conformément à la législation nationale, notamment en ce qui concerne le remboursement de paiements afférents à des biens ou à des prestations de services ainsi que la restitution de marchandises reçues».

9       L’article 8 de la directive précise que celle-ci «ne fait pas obstacle à ce que les États membres adoptent ou maintiennent des dispositions encore plus favorables en matière de protection des consommateurs dans le domaine couvert par elle».

 La jurisprudence de la Cour

10     Par l’arrêt du 13 décembre 2001, Heininger (C‑481/99, Rec. p. I-9945), la Cour a interprété la directive à trois égards.

11     Elle a d’abord jugé que la directive s’applique aux contrats de crédit foncier, c’est‑à‑dire aux contrats de crédit destinés à financer l’acquisition d’un bien immobilier. Au point 32 dudit arrêt, elle a considéré que, même si un tel contrat se rattache à un droit relatif à un bien immobilier dans la mesure où le prêt accordé doit être garanti par une sûreté immobilière, cet élément du contrat ne suffit pas à considérer que ledit contrat porte sur un droit relatif à des biens immobiliers au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive.

12     Elle a ensuite rappelé que le consommateur qui a conclu un contrat de crédit foncier dans une situation de démarchage à domicile dispose du droit de révocation instauré à l’article 5 de la directive. Elle a précisé, au point 35 du même arrêt, que les conséquences d’une éventuelle révocation du contrat de crédit foncier, intervenue conformément aux règles de la même directive, sur le contrat d’achat du bien immobilier et la constitution de la sûreté immobilière relèvent du droit national.

13     La Cour a enfin rappelé que le délai de sept jours pour exercer la révocation doit être calculé à partir du moment où le consommateur a reçu du commerçant l’information relative à son droit de révocation. Au point 48 de l’arrêt Heininger, précité, elle a jugé que la directive s’oppose à ce que le législateur national applique un délai d’un an à compter de la conclusion du contrat pour l’exercice du droit de révocation instauré par l’article 5 de cette directive, lorsque le consommateur n’a pas bénéficié de l’information prévue à l’article 4 de ladite directive.

 La réglementation nationale

14     La directive a été transposée en droit allemand par la loi relative à la révocation des contrats conclus par démarchage à domicile et de transactions similaires (Gesetz über den Widerruf von Haustürgeschäften und ähnlichen Geschäften), du 16 janvier 1986 (BGBl. 1986 I, p. 122, ci-après le «HWiG»).

15     Dans sa version en vigueur au moment des faits au principal, l’article 1er, paragraphe 1, du HWiG prévoit:

«Lorsque le client a été poussé à émettre une déclaration de volonté visant à la conclusion d’un contrat portant sur une prestation à titre onéreux:

1.      par des négociations orales à son lieu de travail ou dans la sphère d’un domicile privé,

[…]

cette déclaration de volonté ne prend effet que si le client ne l’a pas révoquée par écrit dans le délai d’une semaine.»

16     L’article 3 du HWiG dispose:

«(1)      En cas de révocation, chaque partie est tenue de restituer à l’autre partie les prestations reçues. La révocation n’est pas exclue par la détérioration ou la perte de l’objet ou une autre impossibilité de restituer l’objet reçu. Si le client est responsable de la détérioration, de la perte ou de l’autre impossibilité, il est tenu de s’acquitter de la différence de valeur ou de la valeur de l’objet auprès de l’autre partie au contrat.

(2)      Si le client n’a pas été informé conformément à l’article 2 et n’a pas eu autrement connaissance de son droit de révocation, il n’est réputé responsable de la détérioration, de la perte ou de l’autre impossibilité que s’il n’a pas exercé la vigilance qu’il a coutume d’exercer pour ses propres affaires.

(3)      Pour la cession de l’usage ou l’utilisation d’un bien ainsi que pour les autres prestations jusqu’au moment de l’exercice du droit de révocation, leur valeur doit être remboursée; la perte de valeur intervenue en raison de l’utilisation adéquate d’un bien ou d’une autre prestation n’est pas prise en considération.

(4)      Le client peut exiger de l’autre partie la compensation des dépenses nécessaires réalisées sur le bien.»

17     Par ailleurs, le législateur allemand a transposé la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48), en adoptant la loi sur le crédit à la consommation (Verbraucherkreditgesetz), du 17 décembre 1990 (BGBl. 1990 I, p. 2840, ci-après le «VerbrKrG»). Cette loi, dans sa version initiale, était en vigueur au moment des faits au principal et jusqu’au 30 septembre 2000.

18     L’article 9 du VerbrKrG dispose:

«1.      Un contrat de vente forme une transaction liée au contrat de crédit lorsque le crédit sert au financement du prix de vente et que les deux contrats doivent être considérés comme constituant une unité économique. Il y a unité économique notamment lorsque le donneur de crédit bénéficie de la collaboration du vendeur pour la préparation ou la conclusion du contrat de crédit.

2.      La déclaration de volonté du consommateur tendant à la conclusion du contrat de vente lié ne prend effet que si le consommateur ne révoque pas en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sa déclaration de volonté tendant à la conclusion du contrat de crédit.

L’information relative au droit de révocation […] doit contenir l’indication qu’en cas de révocation le contrat de vente lié au contrat de crédit n’est pas valable non plus. […] Si le montant net du crédit a déjà été versé au vendeur, le donneur de crédit assume à l’égard du consommateur les droits et obligations du vendeur découlant du contrat de vente en ce qui concerne les effets juridiques de la révocation […]

[…]»

19     L’article 3, paragraphe 2, du VerbrKrG prévoit:

«Ne sont pas applicables, en outre

[…]

2.      l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, point 1, sous b), et les articles 7, 9 et 11 à 13, aux contrats de crédit selon lesquels le crédit est subordonné à la constitution d’une sûreté immobilière et est accordé à des conditions habituelles pour des crédits garantis par une sûreté immobilière et leur financement intermédiaire […]»

 Le litige au principal

20     Selon la décision de renvoi, depuis la fin des années 80, la banque finance l’acquisition d’appartements anciens. Il s’agit en règle générale d’immeubles qui ont été érigés dans le cadre de la construction de logements à caractère social au cours des années 60 et 70 et qui ont été achetés par l’Allgemeine Wohnungsvermögens AG, puis rénovés en partie et mis en vente. La société Heinen & Biege GmbH (ci-après «Heinen & Biege»), qui a pour activité l’intermédiation de prestations de services immobiliers et financiers, se chargeait de la commercialisation effective de ces appartements et de l’intermédiation du financement.

21     Dans le cadre de ce dispositif de commercialisation, les époux Schulte ont été contactés en février 1992 par un agent de Heinen & Biege qui leur a proposé un placement financier visant à l’acquisition d’un bien immobilier financé à crédit. L’appartement mis en vente devait être occupé par des tiers et, pour des raisons fiscales, son acquisition devait être intégralement financée par un prêt.

22     Les époux Schulte ont fait l’acquisition, le 28 avril 1992, d’un appartement au prix de 90 519 DEM. Le contrat de vente a été signé devant notaire, conformément aux dispositions de la réglementation nationale en la matière.

23     Dans le but exclusif de financer cette acquisition, les époux Schulte ont, par contrat du 7 avril 1992, souscrit auprès de la banque un prêt d’un montant de 105 000 DEM, garanti par une dette foncière du même montant sur l’appartement acquis, laquelle a été constituée par un acte notarié du 8 mai 1992. Dans cet acte, les époux Schulte se sont engagés à répondre personnellement du paiement du montant de la dette foncière et ont accepté la possibilité d’une exécution forcée immédiate du contrat de prêt sur l’ensemble de leur patrimoine. Ils ont encore dû s’engager, sur demande de la banque, à adhérer à un système de mise en commun des revenus locatifs, censé garantir une répartition égale de l’ensemble des revenus locatifs du complexe immobilier.

24     Par ailleurs, ils se sont engagés à souscrire, auprès de la banque, deux contrats d’épargne construction portant chacun sur la moitié de la somme empruntée. Il a été convenu qu’un remboursement du prêt ne devait intervenir qu’avec l’affectation du premier contrat d’épargne construction. Le contrat de prêt ne contenait aucune information relative au droit de révocation au sens du HWiG.

25     Une fois conclus l’ensemble des contrats et constituées les garanties prescrites par le contrat de prêt, la banque a versé directement à la société vendeuse du bien immobilier le montant de 101 850 DEM, sur la base de l’instruction donnée par écrit par les époux Schulte.

26     Ces derniers ne s’étant pas acquittés de leur obligation de paiement mensuel conformément au contrat de prêt, la banque a résilié ce contrat, en a réclamé le remboursement immédiat et, à défaut d’un paiement, a poursuivi l’exécution forcée dudit contrat sur la base de l’acte notarié du 8 mai 1992.

27     En novembre 2002, les époux Schulte ont révoqué le contrat de prêt sur le fondement de l’article 1er du HWiG et ont introduit, devant le Landgericht Bochum, une procédure contre l’exécution forcée.

28     Ils ont fait valoir devant cette juridiction que, en février 1992, ils avaient été contactés à domicile par un agent de Heinen & Biege qui leur avait proposé un dispositif permettant de réaliser des économies d’impôts et que, par la suite, dans un court laps de temps, trois entretiens d’information avaient eu lieu également à leur domicile privé, au cours desquels, outre le bien immobilier, il leur avait été proposé la totalité du financement et, en l’occurrence, exclusivement celui de la banque. Il leur aurait été expressément précisé que le financement du bien immobilier était assuré, en raison du modèle de placement financier choisi, par les avantages fiscaux attachés à ce placement ainsi que par les revenus locatifs. Tant le contrat de prêt que les contrats d’épargne construction auraient ensuite été signés dans leur appartement.

29     Ils ont soutenu que la banque est responsable de la situation de démarchage puisqu’elle a collaboré étroitement depuis des années avec la société d’intermédiation, toute la phase de négociation des contrats ayant été assurée pour le compte de la banque.

30     Les époux Schulte ont également fait valoir que le contrat de vente et le contrat de prêt doivent être considérés comme une unité économique, de sorte que, en application de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du VerbrkrG, qui s’applique en tout état cause par analogie, ils sont simplement tenus de restituer la propriété de l’appartement.

31     La banque a contesté que le contrat de prêt a été conclu dans le cadre d’une situation de démarchage à domicile. Par ailleurs, quand bien même ce serait le cas, elle ne saurait en être tenue pour juridiquement responsable, l’agent étant un collaborateur de la société d’intermédiation, dont le rôle, en ce qui concerne la conclusion du contrat de prêt, aurait consisté exclusivement à intervenir au niveau de la constitution du dossier et de la transmission de données.

32     La banque a par ailleurs estimé que la question n’était pas de savoir si les époux Schulte ont un droit de révocation conformément au HWiG, puisque, même en admettant la validité de la révocation fondée sur l’article 1er du HWiG, ils sont tenus de rembourser le montant du prêt qui a été versé, soit le montant net du crédit ainsi qu’un dédommagement pour la jouissance des fonds, à hauteur des intérêts contractuellement convenus ou en tout état de cause pratiqués sur le marché. Subsidiairement, la banque a demandé à titre reconventionnel la condamnation des époux Schulte au remboursement de la somme versée, soit 101 850 DEM, majorée des intérêts légaux.

 Les questions préjudicielles

33     Le Landgericht Bochum expose que, en droit national, la révocation d’un contrat de crédit foncier a pour conséquence l’annulation de ce contrat, chaque partie étant tenue, conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 3, du HWiG, de restituer à l’autre les prestations reçues et de rembourser la valeur de l’usage fourni jusqu’au moment de la révocation. Il ajoute que, en vertu d’une jurisprudence constante du Bundesgerichtshof, le prêt est considéré comme ayant été reçu par l’emprunteur même si le montant de ce prêt n’a pas été versé à celui-ci mais, sur instruction de ce dernier, à un tiers.

34     Il en résulte que, en cas de révocation d’un contrat de crédit foncier conclu dans une situation de démarchage à domicile, l’article 3, paragraphes 1 et 3, du HWiG confère à la banque prêteuse un droit au remboursement du montant net du crédit versé, majoré des intérêts aux taux du marché.

35     Le Landgericht Bochum explique que l’issue du litige au principal dépend principalement de la question de savoir si, une fois que les époux Schulte ont exercé leur droit de révocation du contrat de crédit foncier, la banque peut se prévaloir d’un droit au remboursement immédiat et intégral du montant du prêt en application de l’article 3, paragraphe 1, du HWiG tel qu’interprété par le Bundesgerichtshof. Il juge cette conséquence sévère pour le consommateur et estime que d’autres solutions seraient envisageables en vertu de la réglementation nationale.

36     En particulier, le contrat de crédit foncier et le contrat de vente immobilière pourraient être considérés comme une unité économique au sens de l’article 9, paragraphe 2, du VerbrKrG, de sorte que l’emprunteur, du fait de la révocation du contrat de crédit foncier, ne serait plus lié au contrat de vente immobilière et que la banque se verrait, conformément à la quatrième phrase de cette même disposition, investie des droits et obligations du vendeur. L’emprunteur ne serait par conséquent plus tenu de rembourser à la banque le montant du prêt mais devrait restituer le bien immobilier financé par ledit prêt et rembourser la valeur de l’usage qui en a été fait entre-temps. Il serait également possible, sans même recourir à l’article 9, paragraphe 2, du VerbrKrG, d’estimer, en se basant sur l’idée d’une unité économique entre les deux contrats, que la révocation de l’un de ceux-ci se traduirait également par l’invalidité de l’autre, la finalité protectrice attachée à la disposition relative à la révocation exigeant de ne pas faire peser sur l’emprunteur l’obligation de rembourser le prêt.

37     Toutefois, le Landgericht Bochum précise que, selon la jurisprudence constante du Bundesgerichtshof, confirmée après l’arrêt Heininger, précité, l’article 9 du VerbrKrG n’est pas applicable aux crédits fonciers en raison de l’article 3, paragraphe 2, du VerbrKrG. Selon cette jurisprudence, le crédit foncier et l’achat immobilier financé par le crédit ne sont pas considérés comme des contrats liés formant une unité économique. Par conséquent, la résiliation du contrat de crédit foncier n’affecte pas la validité du contrat de vente portant sur le bien immobilier financé par ce crédit.

38     Le Landgericht Bochum se demande si une disposition nationale comme l’article 3 du HWiG, tel qu’interprété par le Bundesgerichtshof, est conforme au droit communautaire, car les conséquences juridiques découlant de l’interprétation donnée à une telle disposition ne lui semblent pas répondre à la finalité protectrice du droit de révocation.

39     Il fait valoir à cet égard que l’obligation de remboursement découlant de ladite interprétation implique, pour le consommateur qui aurait conclu un contrat de prêt sans avoir été informé de son droit de révocation et qui exercerait désormais ce droit – lequel, conformément à l’arrêt Heininger, précité, n’est pas limité dans le temps –, une situation moins favorable, sur le plan économique, qu’en cas de maintien du contrat de prêt. Son exécution pouvant provoquer l’insolvabilité des consommateurs, l’obligation de remboursement immédiat et intégral pourrait être de nature à dissuader les consommateurs d’exercer le droit de révocation reconnu à l’article 5 de la directive.

40     Dans ces conditions, le Landgericht Bochum a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 3, paragraphe 2, point a), de la directive […] s’applique-t-il également à des contrats de vente portant sur des biens immobiliers qui doivent être considérés comme faisant simplement partie d’un type de placement financier dont le financement est assuré par un crédit et dont les négociations précontractuelles ont lieu, tant en ce qui concerne le contrat de vente immobilière que le contrat de prêt servant exclusivement au financement, dans le cadre d’une situation de démarchage à domicile au sens de l’article 1er [du HWiG]?

2)      Les exigences propres au principe d’un niveau de protection élevé en matière de protection des consommateurs (article 95, paragraphe 3, CE) et à l’efficacité de la protection des consommateurs garantie par la directive […] sont-elles respectées par les dispositions d’un ordre juridique national, ou l’interprétation qui en est donnée, qui prévoient pour seule conséquence de la révocation de la déclaration de volonté tendant à la conclusion d’un contrat de prêt – même lorsqu’il s’agit de placements financiers pour lesquels le prêt n’aurait absolument pas été accordé en l’absence d’acquisition du bien immobilier – l’annulation du contrat de prêt?

3)      Une disposition nationale prévoyant, comme conséquence de la révocation du contrat de prêt, l’obligation pour le consommateur ayant exercé son droit de révocation de rembourser le montant du prêt à la banque dont émane le financement, bien que le prêt, selon le dispositif élaboré pour le placement financier, serve exclusivement au financement du bien immobilier et soit versé directement au vendeur du bien immobilier, répond-elle à la finalité protectrice de la disposition de l’article 5, paragraphe 2, de la directive […], en matière de révocation?

4)      Une disposition nationale prévoyant, comme conséquence de la révocation, l’obligation pour le consommateur, après qu’il a exercé son droit de révocation, de rembourser immédiatement le montant du prêt qui – conformément au dispositif élaboré pour l’investissement financier – n’a jusqu’ici pas été remboursé, majoré des intérêts pratiqués sur le marché, est-elle contraire à l’exigence d’un niveau de protection élevé en matière de protection des consommateurs (article 95, paragraphe 3, CE) et au principe de l’effectivité de la protection des consommateurs consacré par la directive […]?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

41     Les questions posées partent de la prémisse selon laquelle le contrat de prêt en cause dans l’affaire au principal a été conclu dans une situation de démarchage à domicile.

42     La banque doute de la recevabilité du renvoi préjudiciel, le Landgericht Bochum n’ayant pas, selon elle, définitivement tranché la question de savoir si le contrat de prêt avait bien été conclu dans une situation de démarchage à domicile. La banque soutient que, aussi longtemps que cette question n’est pas résolue, les questions posées restent hypothétiques.

43     À cet égard, il convient de relever qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Néanmoins, la Cour a estimé ne pas pouvoir statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu’il apparaît de manière manifeste, notamment, que l’interprétation du droit communautaire demandée par la juridiction nationale n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou lorsque le problème est de nature hypothétique (voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, points 59 et 61).

44     La juridiction de renvoi relève que, si les époux Schulte devaient être tenus de rembourser immédiatement et intégralement le montant du prêt majoré des intérêts, elle pourrait ne pas avoir à aborder la question de savoir si la banque a valablement résilié le contrat de prêt ou si les époux Schulte ont valablement révoqué leur déclaration de volonté tendant à la conclusion du contrat de prêt, conformément au HWiG. En effet, dans ces deux cas, les époux Schulte seraient tenus de rembourser immédiatement et intégralement le montant du prêt.

45     Dans ces conditions, il ne saurait être possible d’affirmer que les questions préjudicielles sont manifestement hypothétiques ou sans rapport avec la réalité et l’objet du litige au principal.

 Sur le fond

 Observations liminaires

–       Sur le placement financier en cause au principal

46     Le placement financier auquel les époux Schulte ont participé présente notamment les caractéristiques suivantes.

47     Un intermédiaire a proposé à ce couple qu’il achète un appartement dont le vendeur était une société qui avait acquis et rénové un nombre important d’appartements afin de les revendre.

48     Pour des raisons fiscales, l’acquisition dudit appartement devait être intégralement financée par un prêt.

49     L’intermédiaire en question a proposé que le financement du prix d’achat et des frais de l’opération se fasse au moyen d’un prêt obtenu auprès de la banque, garanti par une dette foncière, les époux Schulte étant par ailleurs personnellement responsables du paiement de la dette.

50     Ces derniers se sont engagés à adhérer à un système de mise en commun des revenus locatifs des appartements de l’immeuble en cause, ce système étant censé garantir une répartition égale de l’ensemble des revenus.

51     L’investissement dans l’appartement, financé entièrement par le prêt, était supposé ne pas nécessiter de dépenses pour les époux Schulte, le financement devant pouvoir être remboursé par les revenus locatifs, en combinaison notamment avec l’effet de certains avantages fiscaux.

52     Il n’a pas été contesté devant la Cour que de tels placements financiers contiennent, hormis le risque d’une surévaluation de la valeur de l’appartement au moment de l’achat, notamment ceux que les revenus locatifs escomptés ne se réalisent pas et que les attentes relatives au développement du prix de l’immobilier s’avèrent erronées.

53     Il apparaît que, pour les époux Schulte, ces deux derniers risques se sont réalisés.

54     Dans le cas de l’affaire au principal, à la suite de l’arrêt Heininger, précité, les époux Schulte ont révoqué le contrat de prêt conformément au HWiG, estimant que cela leur permettrait de se libérer de toutes leurs obligations envers la banque.

–       Sur la portée des questions préjudicielles

55     La juridiction de renvoi expose que, selon la réglementation nationale applicable au moment des faits de l’affaire au principal, si, par sa révocation, l’emprunteur est libéré de toutes ses obligations découlant du contrat de prêt, il doit rembourser immédiatement et intégralement le prêt, majoré des intérêts. Cette juridiction précise que, selon la réglementation nationale applicable, telle qu’interprétée par le Bundesgerichtshof, il est sans pertinence que le prêt ait été versé directement au vendeur de l’appartement par la banque et il n’est pas possible, dans des conditions telles que celles de l’espèce, de considérer le contrat de prêt et le contrat d’achat comme des contrats liés formant une unité économique.

56     Il n’est guère contesté devant la Cour – et par ailleurs le Bundesgerichtshof l’a affirmé dans sa jurisprudence (arrêt du 12 novembre 2002, BGHZ 152, 331) – que, dans ces conditions, en droit allemand, il est, en règle générale, économiquement peu voire pas intéressant de révoquer le contrat de prêt. Le consommateur serait placé dans la même situation que si la révocation n’avait pas eu lieu, voire dans une situation moins favorable, dans la mesure où il devrait payer son dû immédiatement et non de façon échelonnée comme prévu par le contrat.

57     C’est compte tenu d’un tel constat que la juridiction de renvoi pose la question de savoir si le droit allemand, en ce qu’il détermine de cette façon les conséquences juridiques de la révocation d’un contrat de prêt conclu dans une situation de démarchage à domicile, est conforme au droit communautaire.

58     Les questions posées visent, s’agissant des deux premières, l’incidence de la révocation sur le contrat de vente et, s’agissant des deux dernières, l’incidence de la révocation sur le contrat de prêt.

–       Sur le droit communautaire applicable

59     Dans les deuxième et quatrième questions, la juridiction de renvoi se réfère à l’article 95, paragraphe 3, CE, qui prévoit que la Commission, dans ses propositions prévues au paragraphe 1 dudit article en matière de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé, et que, dans le cadre de leurs compétences respectives, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne s’efforcent également d’atteindre cet objectif.

60     Il convient d’abord de relever que cette disposition, qui a été introduite en 1986 dans le traité CE par l’Acte unique européen, n’était pas applicable au moment de l’adoption de la directive en 1985.

61     Au demeurant, à supposer même qu’elle ait été applicable, ladite disposition s’adresse aux différentes institutions ayant chacune leur rôle dans le processus législatif communautaire et ne saurait, dès lors, être invoquée comme fondement direct des obligations liant un État membre. Tout au plus, cette même disposition pourrait être utilisée en tant qu’élément d’interprétation de la directive.

62     Dès lors, les règles du droit communautaire pertinentes pour répondre aux questions posées sont celles de la directive.

63     D’abord, il y a lieu de rappeler que, conformément à son article 8, la directive ne fait pas obstacle à ce que les États membres adoptent ou maintiennent des dispositions encore plus favorables en matière de protection des consommateurs dans le domaine couvert par elle.

64     Ensuite, la directive s’applique, conformément à son article 1er, à tout contrat conclu entre des commerçants et des consommateurs, à l’exception de certains contrats limitativement énumérés à l’article 3, paragraphe 2, de la même directive et notamment des contrats relatifs à la vente de biens immobiliers.

65     Enfin, la protection conférée au consommateur ayant conclu un contrat dans des conditions de démarchage à domicile réside plus particulièrement, conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la directive, dans la possibilité, pour ce consommateur, de révoquer le contrat dans un délai de sept jours après avoir été informé par le commerçant de son droit de révocation, le commerçant étant tenu à une telle obligation d’information conformément à l’article 4, premier alinéa, de la directive.

66     C’est ce que la Cour a rappelé, au point 38 de l’arrêt Heininger, précité, en soulignant que, d’une part, la directive vise à protéger le consommateur contre le risque découlant des circonstances propres à la conclusion d’un contrat en dehors des établissements du commerçant et que, d’autre part, la protection du consommateur y est réalisée par l’instauration d’un droit de révocation.

67     Pour ce qui concerne les conséquences de la révocation, il est prévu, à l’article 5, paragraphe 2, de la directive, que, par sa révocation, le consommateur est libéré de toute obligation découlant du contrat et, à l’article 7, de la même directive, que les effets juridiques de la révocation sont réglés conformément à la législation nationale.

68     Au point 35 de l’arrêt Heininger, précité, la Cour a fait référence à cette dernière disposition en ajoutant que, si un contrat de crédit foncier relève du champ d’application de la directive, les conséquences d’une éventuelle révocation de ce contrat, intervenue conformément aux règles de la même directive, sur le contrat d’achat du bien immobilier et la constitution de la sûreté immobilière relèvent du droit national.

69     Or, s’il incombe ainsi aux États membres de régler les effets juridiques de la révocation, cette compétence doit être exercée dans le respect du droit communautaire, et plus particulièrement des règles de la directive interprétées à la lumière de son objectif et de façon à ce que ses effets utiles soient assurés. Les États membres doivent, en exécutant les obligations découlant d’une directive, adopter toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de la directive, conformément à l’objectif qu’elle poursuit (voir, notamment, arrêts du 17 juin 1999, Commission/Italie, C-336/97, Rec. p. I-3771, point 19, et du 5 décembre 2002, Commission/Belgique, C-324/01, Rec. p. I-11197, point 18).

70     Il importe d’ajouter que la Cour a jugé qu’une directive ne peut pas, par elle‑même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre (voir, notamment, arrêts du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C‑91/92, Rec. p. I-3325, point 20, et du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 108).

71     Cependant, saisie d’un litige opposant des particuliers, la juridiction nationale est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions du droit interne adoptées aux fins de transposer les obligations prévues par une directive, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de cette directive pour aboutir à une solution conforme à l’objectif poursuivi par celle-ci (voir arrêt Pfeiffer e.a., précité, point 120).

 Sur les première et deuxième questions, relatives à l’incidence de la révocation du contrat de prêt sur le contrat de vente

72     Par sa première question, la juridiction de renvoi demande une interprétation de l’article 3, paragraphe 2, de la directive, qui exclut du champ d’application de cette dernière notamment les contrats relatifs à la vente de biens immobiliers. Elle souhaite savoir si cette exclusion vaut également pour des contrats de vente portant sur des biens immobiliers qui doivent être considérés comme faisant simplement partie d’un type de placement financier, dont le financement est assuré par un crédit et dont les négociations précontractuelles ont lieu, tant en ce qui concerne le contrat de vente immobilière que le contrat de prêt servant exclusivement au financement, dans le cadre d’une situation de démarchage à domicile.

73     Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive s’oppose à des règles nationales qui prévoient comme seule conséquence de la révocation du contrat de prêt l’annulation de celui-ci, même lorsqu’il s’agit de placements financiers pour lesquels le prêt n’aurait pas été accordé en l’absence d’acquisition du bien immobilier.

74     Il ressort de la décision de renvoi que ladite juridiction a posé ces deux questions en considérant que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les deux contrats pourraient constituer des contrats liés formant une unité économique, de sorte que la révocation du contrat de prêt pourrait affecter la validité du contrat de vente et que l’emprunteur, du fait de la révocation du premier contrat, pourrait ne plus être lié au second.

75     À cet égard, il convient, d’abord, de constater que la directive exclut expressément et sans ambiguïté de son champ d’application les contrats de vente de biens immobiliers.

76     Alors que d’autres directives communautaires qui visent à protéger les intérêts des consommateurs, notamment la directive 87/102, contiennent des règles relatives aux contrats liés, la directive ne contient aucune règle de ce type et ne fournit aucun fondement laissant supposer l’existence implicite de telles règles.

77     Dans certaines des observations présentées à la Cour, notamment celles du gouvernement français, il est affirmé qu’il découle de l’arrêt du 22 avril 1999, Travel Vac (C-423/97, Rec. p. I-2195) que la directive s’applique à une situation de démarchage qui aboutit à la conclusion d’un contrat de vente d’un bien immobilier, lequel s’intègre de façon indissociable dans un groupe contractuel plus vaste, comprenant également un contrat de prêt garanti par une dette foncière, un contrat d’épargne construction et un contrat d’administration du bien immobilier, ces derniers contrats devant s’analyser comme un contrat de prestation de services dont la valeur serait supérieure à celle du bien immobilier.

78     Ce point de vue ne saurait être retenu. En effet, le contrat de multipropriété dont il était question dans l’arrêt Travel Vac, précité, et qui a été jugé comme ne relevant pas de l’exclusion prévue à l’article 3, paragraphe 2, de la directive n’est pas comparable aux contrats en cause dans l’affaire au principal, ne fût-ce que parce que, dans ledit arrêt, il s’agissait d’un contrat unique concernant des droits immobiliers et des services dans lequel ces derniers primaient, alors que, dans l’affaire au principal, il s’agit de deux opérations juridiquement séparées ayant en principe des objectifs différents.

79     Par ailleurs, la Cour a déjà souligné, au point 35 de l’arrêt Heininger, précité, que les conséquences de la révocation d’un contrat de crédit foncier, intervenue conformément aux règles de la directive, sur le contrat d’achat du bien immobilier financé par le crédit et la constitution de la sûreté immobilière relèvent du droit national.

80     Dans ces conditions, si la directive n’exclut pas que le droit national, au cas où les deux contrats liés forment une unité économique, prévoie que la révocation du contrat de crédit foncier a une incidence sur la validité du contrat de vente d’un bien immobilier, elle n’impose pas, dans un cas comme celui décrit par la juridiction de renvoi, un tel résultat.

81     Il y a dès lors lieu de répondre aux deux premières questions que:

–       l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive doit être interprété comme excluant du champ d’application de cette directive les contrats de vente portant sur des biens immobiliers, même s’ils font simplement partie d’un placement financier dont le financement est assuré par un crédit et dont les négociations précontractuelles ont lieu, tant en ce qui concerne le contrat de vente immobilière que le contrat de prêt servant exclusivement au financement, dans le cadre d’une situation de démarchage à domicile;

–       la directive ne s’oppose pas à des règles nationales qui prévoient comme seule conséquence de la révocation d’un contrat de prêt l’annulation de celui-ci, même lorsqu’il s’agit de placements financiers pour lesquels le prêt n’aurait pas été accordé en l’absence d’acquisition du bien immobilier.

 Sur les troisième et quatrième questions, relatives à l’incidence de la révocation sur le contrat de prêt

82     En premier lieu, la juridiction de renvoi demande si la directive, et notamment son article 5, paragraphe 2, s’oppose à ce que le consommateur ayant fait usage de son droit de révocation conformément à la directive doive rembourser au prêteur le montant du prêt bien que, selon le dispositif élaboré pour le placement financier, le prêt serve exclusivement au financement de l’acquisition du bien immobilier et soit versé directement au vendeur de ce bien.

83     Pour les époux Schulte et le gouvernement italien, une telle obligation ne répond pas à la finalité protectrice de l’article 5, paragraphe 2, de la directive. Les époux Schulte soutiennent que, dans le cas d’une transaction formant une unité économique qui a été scindée artificiellement en une opération d’acquisition et une opération de financement, le droit de révocation conféré par la directive reste inefficace si la résiliation de la transaction est limitée à une seule des deux opérations, à savoir le contrat de prêt. Selon eux, en raison de la conception de l’ensemble de la transaction, le consommateur n’a jamais reçu lui-même l’argent prêté ni eu aucune influence sur le versement de cette somme. Dans un tel cas, il serait contraire au principe de l’effet utile que le consommateur doive rembourser à la banque le montant d’un prêt dont il n’aurait jamais pu recevoir lui-même le paiement.

84     À cet égard, il suffit de constater, à l’instar de la banque, du gouvernement allemand et de la Commission, que les deux circonstances mentionnées dans cette question – à savoir que le prêt serve exclusivement au financement de l’acquisition du bien immobilier et soit versé directement au vendeur – correspondent à une pratique largement suivie.

85     Par ailleurs, contrairement à ce qu’ont soutenu les époux Schulte, le montant emprunté ne saurait être considéré comme n’ayant pas été reçu par l’emprunteur lorsqu’il a été directement remis par la banque prêteuse au vendeur du bien immobilier dans la mesure où, comme dans l’affaire au principal, la banque a agi sur instruction des consommateurs, lesquels, en contrepartie du versement des fonds empruntés, ont pu acquérir la propriété d’un bien immobilier.

86     Dès lors, même si le prêt sert exclusivement au financement de l’acquisition du bien immobilier et est versé directement au vendeur de celui-ci, la directive ne s’oppose pas à ce que le consommateur soit obligé de rembourser le montant du prêt.

87     En deuxième lieu, la juridiction de renvoi pose la question de savoir si, dans une situation telle que celle au principal, la directive s’oppose à ce qu’il soit exigé que le montant du prêt soit remboursé immédiatement.

88     À cet égard, il convient, à l’instar de la banque, du gouvernement allemand et de la Commission, de rappeler que, conformément aux termes de l’article 5, paragraphe 2, de la directive, la notification de la révocation a pour effet de libérer le consommateur de toute obligation résultant du contrat résilié. Une telle annulation des obligations du consommateur implique, pour le consommateur comme pour le prêteur, un rétablissement de la situation initiale.

89     Dès lors, la directive ne s’oppose pas à l’obligation pour le consommateur, en cas de révocation du contrat de crédit foncier, de rembourser immédiatement au prêteur le montant qu’il a emprunté.

90     En troisième lieu, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, la directive s’oppose à ce que la réglementation nationale prévoie l’obligation pour le consommateur, en cas de révocation du contrat de prêt, non seulement de rembourser les montants perçus en vertu de ce contrat, mais encore de verser au prêteur les intérêts pratiqués sur le marché.

91     Pour les époux Schulte, une telle réglementation est contraire au principe de l’effectivité de la protection des consommateurs consacré par la directive. Pour la banque et pour le gouvernement allemand, même en prenant en considération l’effectivité de la protection des consommateurs qu’elle garantit, la directive ne contient aucune exigence qui s’opposerait à une telle réglementation nationale.

92     À cet égard, il convient de rappeler que l’exercice du droit de révocation prévu à l’article 5, paragraphe 1, de la directive s’agissant d’un contrat de prêt a pour conséquence, en application du paragraphe 2 de ce même article, l’annulation pour le consommateur des obligations découlant du contrat résilié, ce qui implique une remise des choses dans leur état initial.

93     Dès lors, la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale prévoie l’obligation pour le consommateur, en cas de révocation d’un contrat de crédit foncier, non seulement de rembourser les montants perçus en vertu de ce contrat, mais encore de verser au prêteur les intérêts pratiqués sur le marché.

 Sur les exigences découlant de la directive en cas de non-respect de l’obligation d’informer le consommateur de son droit de révocation

94     Si la directive ne s’oppose pas en principe à ce que des règles nationales selon lesquelles le consommateur qui révoque un contrat de prêt doit rembourser immédiatement et intégralement le prêt, majoré des intérêts pratiqués sur le marché, soient appliquées dans des situations dans lesquelles le commerçant a respecté l’obligation d’information du consommateur à laquelle il est tenu conformément à l’article 4 de la directive, il n’en est pas nécessairement de même quand le commerçant n’a pas respecté cette obligation.

95     À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 4, troisième alinéa, de la directive, il incombe aux États membres de veiller à ce que leur législation nationale prévoie des mesures appropriées visant à protéger le consommateur lorsque l’information relative au droit de révocation n’est pas fournie.

96     Il convient de relever qu’un élément pertinent pour l’appréciation du litige au principal est, à supposer que la juridiction de renvoi estime que la révocation a été valablement effectuée, le fait que la banque n’a pas informé les époux Schulte de leur droit de révocation et qu’ils n’ont pas révoqué le contrat de prêt avant plusieurs années.

97     Si la banque avait informé en temps utile les époux Schulte de leur droit de révocation conformément au HWiG, ceux-ci auraient eu sept jours pour revenir sur leur décision de conclure le contrat de prêt. S’ils avaient choisi à ce moment de révoquer celui-ci, il est constant que, étant donné les relations entre le contrat de prêt et le contrat de vente, ce dernier n’aurait pas été conclu.

98     Dans une situation où la banque n’a pas respecté l’obligation d’information qui lui incombe en vertu de l’article 4 de la directive, le consommateur, s’il doit rembourser le prêt conformément au droit allemand tel que précisé dans la jurisprudence du Bundesgerichtshof, supporte les risques inhérents à des investissements financiers tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, rappelés au point 52 du présent arrêt.

99     Or, dans une situation telle que celle au principal, le consommateur, s’il avait été informé en temps utile de son droit de révocation, aurait pu éviter de s’exposer à ces risques.

100   Dans de telles circonstances, la directive impose aux États membres d’adopter des mesures appropriées pour éviter au consommateur de supporter les conséquences de la réalisation de tels risques. Les États membres doivent ainsi veiller à ce que, dans ces conditions, la banque qui n’a pas respecté son obligation d’information supporte les conséquences de la réalisation de ces risques afin que l’obligation de protéger les consommateurs soit sauvegardée.

101   Dès lors, dans une situation où, si la banque avait informé le consommateur de son droit de révocation, celui-ci aurait pu éviter de s’exposer aux risques inhérents à des investissements tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, l’article 4 de la directive impose aux États membres de veiller à ce que leur législation protège les consommateurs qui n’ont pu éviter de s’exposer à de tels risques, par l’adoption de mesures de nature à leur éviter de supporter les conséquences de la réalisation desdits risques.

102   Ainsi qu’il a été rappelé au point 71 du présent arrêt, il incombe aux juges nationaux d’interpréter dans toute la mesure du possible la réglementation nationale de sorte que le résultat indiqué au point 101 du même arrêt soit réalisé.

103   Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux troisième et quatrième questions en ce sens que la directive ne s’oppose pas à ce que:

–       le consommateur ayant fait usage de son droit de révocation conformément à cette directive doive rembourser au prêteur le montant du prêt bien que, selon le dispositif élaboré pour le placement financier, le prêt serve exclusivement au financement de l’acquisition du bien immobilier et soit versé directement au vendeur de ce bien;

–       il soit exigé que le montant du prêt soit remboursé immédiatement;

–       une législation nationale prévoie l’obligation pour le consommateur, en cas de révocation d’un contrat de crédit foncier, non seulement de rembourser les montants perçus en vertu de ce contrat, mais encore de verser au prêteur les intérêts pratiqués sur le marché.

Toutefois, dans une situation où, si la banque avait respecté l’obligation d’informer le consommateur de son droit de révocation, celui-ci aurait pu éviter de s’exposer aux risques inhérents à des investissements tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, l’article 4 de la directive impose aux États membres de veiller à ce que leur législation protège les consommateurs qui n’ont pu éviter de s’exposer à de tels risques, par l’adoption de mesures de nature à leur éviter de supporter les conséquences de la réalisation de ces risques.

 Sur les dépens

104   La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      L’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, doit être interprété comme excluant du champ d’application de cette directive les contrats de vente portant sur des biens immobiliers, même s’ils font simplement partie d’un placement financier dont le financement est assuré par un crédit et dont les négociations précontractuelles ont lieu, tant en ce qui concerne le contrat de vente immobilière que le contrat de prêt servant exclusivement au financement, dans le cadre d’une situation de démarchage à domicile.

2)      La directive 85/577 ne s’oppose pas à des règles nationales qui prévoient comme seule conséquence de la révocation d’un contrat de prêt l’annulation de celui-ci, même lorsqu’il s’agit de placements financiers pour lesquels le prêt n’aurait pas été accordé en l’absence d’acquisition du bien immobilier.

3)      La directive 85/577 ne s’oppose pas à ce que:

–       le consommateur ayant fait usage de son droit de révocation conformément à cette directive doive rembourser au prêteur le montant du prêt bien que, selon le dispositif élaboré pour le placement financier, le prêt serve exclusivement au financement de l’acquisition du bien immobilier et soit versé directement au vendeur de ce bien;

–       il soit exigé que le montant du prêt soit remboursé immédiatement;

–       une législation nationale prévoie l’obligation pour le consommateur, en cas de révocation d’un contrat de crédit foncier, non seulement de rembourser les montants perçus en vertu de ce contrat, mais encore de verser au prêteur les intérêts pratiqués sur le marché.

Toutefois, dans une situation où, si la banque avait respecté l’obligation d’informer le consommateur de son droit de révocation, celui-ci aurait pu éviter de s’exposer aux risques inhérents à des investissements tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, l’article 4 de la directive 85/577 impose aux États membres de veiller à ce que leur législation protège les consommateurs qui n’ont pu éviter de s’exposer à de tels risques, par l’adoption de mesures de nature à leur éviter de supporter les conséquences de la réalisation de ces risques.

Signatures


* Langue de procédure: l'allemand.