Language of document : ECLI:EU:C:2018:925

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

20 novembre 2018 (*)

« Recours en annulation – Décision du Comité des représentants permanents (Coreper) – Décision approuvant la soumission d’un document de réflexion à une instance internationale – Recevabilité – Acte attaquable – Compétence exclusive, partagée ou complémentaire de l’Union européenne – Action de l’Union seule au sein d’un organisme international ou participation des États membres à ses côtés – Conservation des ressources biologiques de la mer – Pêche – Protection de l’environnement – Recherche – Aires marines protégées (AMP) – Traité sur l’Antarctique – Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique – Mer de Weddell et mer de Ross »

Dans les affaires jointes C‑626/15 et C‑659/16,

ayant pour objet deux recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduits respectivement le 23 novembre 2015 (C‑626/15) et le 20 décembre 2016 (C‑659/16),

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet, E. Paasivirta et C. Hermes, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes A. Westerhof Löfflerová, R. Liudvinaviciute-Cordeiro et M. Simm, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par :

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et J. Möller ainsi que par Mmes K. Stranz et S. Eisenberg, en qualité d’agents,

République hellénique, représentée par MM. G. Karipsiadis et K. Boskovits, en qualité d’agents,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

République française, représentée par MM. F. Fize, D. Colas, G. de Bergues et B. Fodda, en qualité d’agents,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. Gijzen, M. Bulterman et M. Noort, en qualité d’agents,

République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo ainsi que par Mme M. L. Duarte, en qualité d’agents,

République de Finlande, représentée par M. J. Heliskoski, en qualité d’agent,

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, U. Persson, N. Otte Widgren et L. Zettergren ainsi que par M. L. Swedenborg, en qualité d’agents,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme C. Brodie, en qualité d’agent, assistée de M. J. Holmes, QC,

parties intervenantes (C‑626/15),

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet, E. Paasivirta et C. Hermes, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes A. Westerhof Löfflerová, R. Liudvinaviciute-Cordeiro et M. Simm, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par :

Royaume de Belgique, représenté par Mmes J. Van Holm, C. Pochet et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et J. Möller ainsi que par Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

République française, représentée par MM. D. Colas et B. Fodda, en qualité d’agents,

Grand-Duché de Luxembourg, représenté par Mme D. Holderer, en qualité d’agent,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes B. Koopman, M. Bulterman et M. Noort, en qualité d’agents,

République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo ainsi que par Mme L. Medeiros, en qualité d’agents,

République de Finlande, représentée par M. J. Heliskoski, en qualité d’agent,

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, H. Shev et L. Zettergren, en qualité d’agents,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mmes C. Brodie et G. Brown, en qualité d’agents, assistées de M. J. Holmes, QC, et de M. J. Gregory, barrister,

parties intervenantes (C‑659/16),

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, M. Vilaras, T. von Danwitz, F. Biltgen et Mme K. Jürimäe, présidents de chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič, J. Malenovský (rapporteur), E. Levits, L. Bay Larsen et S. Rodin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2018,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 31 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

1        Par ses requêtes, la Commission européenne demande respectivement, d’une part, l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne, telle que contenue dans la conclusion du président du comité des représentants permanents du 11 septembre 2015 (ci-après la « décision de 2015 »), en ce que celle-ci approuve la soumission, au nom de l’Union européenne et de ses États membres, à la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (ci‑après la « commission CAMLR ») d’un document de réflexion relatif à une future proposition de création d’une aire marine protégée dans la mer de Weddell (ci-après le « document de réflexion ») (affaire C‑626/15), ainsi que, d’autre part, l’annulation de la décision du Conseil, du 10 octobre 2016 (ci-après la « décision de 2016 »), en ce que celle-ci approuve la soumission, au nom de l’Union et de ses États membres, à la commission CAMLR, lors de la 35réunion annuelle de cette instance, de trois propositions de création d’aires marines protégées ainsi que d’une proposition de création de zones spéciales destinées à l’étude scientifique de l’espace maritime concerné, du changement climatique et du recul des plates-formes glaciaires (affaire C‑659/16).

 Le cadre juridique

 Le droit international

 Le traité sur l’Antarctique

2        Le traité sur l’Antarctique, signé à Washington le 1er décembre 1959, est entré en vigueur le 23 juin 1961. L’article VI de ce traité dispose :

« Les dispositions du présent Traité s’appliquent à la région située au sud du 60degré de latitude Sud, y compris toutes les plates-formes glaciaires ; [...] »

3        L’article IX dudit traité prévoit, notamment :

« 1.      Les représentants des Parties Contractantes [...] se réuniront à Canberra [Australie] dans les deux mois suivant son entrée en vigueur et, par la suite, à des intervalles et en des lieux appropriés, en vue d’échanger des informations, de se consulter sur des questions d’intérêt commun concernant l’Antarctique, d’étudier, formuler et recommander à leurs Gouvernements des mesures destinées à assurer le respect des principes et la poursuite des objectifs du présent Traité, et notamment des mesures :

[...]

(f)      relatives à la protection et à la conservation de la faune et de la flore dans l’Antarctique.

2.      Toute Partie Contractante ayant adhéré au présent Traité conformément aux dispositions de l’Article XIII a le droit de nommer des représentants qui participeront aux réunions mentionnées au paragraphe 1 du présent Article, aussi longtemps qu’elle démontre l’intérêt qu’elle porte à l’Antarctique en y menant des activités substantielles de recherche scientifique telles que l’établissement d’une station ou l’envoi d’une expédition. »

4        À ce jour, vingt États membres sont parties contractantes au traité sur l’Antarctique. Trois États membres étaient signataires de ce traité dès le 1er décembre 1959 et ont, à ce titre, le statut de parties consultatives « ratifiantes » (le Royaume de Belgique, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord). Neuf autres ont adhéré par la suite au traité sur l’Antarctique et ont le statut de parties consultatives « adhérentes » (la République de Bulgarie, la République tchèque, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République de Pologne, la République de Finlande et le Royaume de Suède). Enfin, huit États membres ont le statut de parties non consultatives (le Royaume de Danemark, la République d’Estonie, la République hellénique, la Hongrie, la République d’Autriche, la République portugaise, la Roumanie et la République slovaque). Seules les parties consultatives peuvent participer à la prise de décision lors des réunions des parties contractantes.

 La convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique

5        La convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique a été signée à Canberra le 20 mai 1980 et est entrée en vigueur le 7 avril 1982 (ci-après la « convention de Canberra »). Le préambule de la convention de Canberra indique, notamment, que les parties contractantes :

« reconnaiss[e]nt l’importance de la protection de l’environnement et de la préservation de l’intégrité de l’écosystème des mers qui entourent l’Antarctique ;

constat[e]nt la concentration de la faune et la flore dans les eaux de l’Antarctique et l’intérêt accru que soulèvent les possibilités offertes par l’utilisation de ces ressources comme source de protéines ;

[sont] conscientes de l’urgence d’assurer la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique ;

considèr[e]nt qu’il est essentiel d’approfondir les connaissances sur l’écosystème marin antarctique et ses composants afin de permettre une prise de décision concernant la capture fondée sur des informations scientifiques pertinentes ;

estim[e]nt que la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique exige une coopération internationale qui [...] implique la participation active de tous les États ayant des activités de recherche ou de capture dans les eaux de l’Antarctique ;

reconnaiss[e]nt les responsabilités particulières des Parties consultatives au Traité sur l’Antarctique quant à la protection et à la préservation du milieu antarctique, et en particulier les responsabilités que leur confère le paragraphe 1(f) de l’Article IX du Traité sur l’Antarctique en matière de protection et de conservation de la faune et la flore dans l’Antarctique ;

rappel[le]nt l’action déjà menée par les Parties consultatives au Traité sur l’Antarctique, notamment les Mesures convenues pour la protection de la faune et la flore dans l’Antarctique, et les dispositions de la Convention pour la protection des phoques de l’Antarctique ;

[tiennent] compte de la préoccupation exprimée par les Parties consultatives à la neuvième Réunion consultative du Traité sur l’Antarctique au sujet de la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique, ainsi que de l’importance des dispositions de la Recommandation IX-2, qui a abouti à l’établissement de la présente Convention ;

[...]

reconnaiss[e]nt, compte tenu de ce qui précède, qu’il est souhaitable d’instituer un mécanisme dont le rôle serait de recommander, de promouvoir, de décider et de coordonner les mesures et études scientifiques nécessaires à la conservation des organismes marins vivants de l’Antarctique ».

6        L’article I, paragraphes 1 à 3, de la convention de Canberra prévoit :

« 1.      La présente Convention s’applique aux ressources marines vivantes de la zone située au sud du 60e degré de latitude Sud et aux ressources marines vivantes de la zone comprise entre cette latitude et la convergence antarctique qui font partie de l’écosystème marin antarctique.

2.      L’expression “ressources marines vivantes de l’Antarctique” désigne les populations de poissons à nageoires, de mollusques, de crustacés et de toutes les autres espèces d’organismes vivants, y compris les oiseaux, qui se trouvent au sud de la convergence antarctique.

3.      L’expression “écosystème marin antarctique” désigne l’ensemble des rapports de ces ressources marines vivantes de l’Antarctique entre elles et avec leur milieu physique. »

7        L’article II de la convention de Canberra dispose :

« 1.      La présente Convention a pour objectif la conservation des ressources marines vivantes de l’Antarctique.

2.      Aux fins de la Convention [de Canberra], le terme “conservation” comprend la notion d’utilisation rationnelle.

3.      Dans la zone d’application de la Convention [de Canberra], les captures et les activités connexes se font conformément aux dispositions de la Convention [de Canberra] et aux principes de conservation suivants :

(a)      prévenir la diminution de la taille de toute population exploitée en-deçà du niveau nécessaire au maintien de la stabilité du recrutement. À cette fin, il ne sera pas permis que ce volume descende en deçà du niveau proche de celui qui assure l’accroissement maximum annuel net de la population ;

(b)      maintenir les rapports écologiques entre les populations exploitées, dépendantes ou associées des ressources marines vivantes de l’Antarctique et reconstituer leurs populations exploitées aux niveaux définis à l’alinéa (a) ; et

(c)      prévenir les modifications ou minimiser les risques de modifications de l’écosystème marin qui ne seraient pas potentiellement réversibles en deux ou trois décennies, compte tenu de l’état des connaissances disponibles en ce qui concerne les répercussions directes ou indirectes de l’exploitation, de l’effet de l’introduction d’espèces exogènes, des effets des activités connexes sur l’écosystème marin et de ceux des modifications du milieu, afin de permettre une conservation continue des ressources marines vivantes de l’Antarctique. »

8        L’article V de la convention énonce :

« 1.      Les Parties contractantes qui ne sont pas parties au Traité sur l’Antarctique reconnaissent les obligations et les responsabilités particulières des Parties consultatives au Traité sur l’Antarctique quant à la protection et la préservation de l’environnement dans la zone de ce Traité.

2.      Les Parties contractantes qui ne sont pas parties au Traité sur l’Antarctique conviennent d’appliquer dans leurs activités dans la zone couverte par ce Traité, le cas échéant et en temps opportun, les mesures convenues pour la protection de la faune et de la flore de l’Antarctique et les autres mesures qui ont été recommandées par les Parties consultatives dans l’exercice de leurs responsabilités quant à la protection de l’environnement antarctique contre toute forme d’ingérence humaine nuisible.

3.      Aux fins de la présente Convention, l’expression “Parties consultatives au Traité sur l’Antarctique” désigne les Parties contractantes au Traité sur l’Antarctique dont les représentants participent aux réunions tenues conformément à l’Article IX de ce Traité. »

9        L’article VII de la convention de Canberra dispose :

« 1.      Il est établi par les Parties contractantes, qui conviennent d’en assurer le fonctionnement, [la commission CAMLR].

2.      La composition de la [commission CAMLR] est la suivante :

[...]

(c)      chaque organisation d’intégration économique régionale qui aura adhéré à la présente Convention conformément à l’Article XXIX est habilitée à être Membre de la [commission CAMLR] tant que ses États membres le sont ;

[...] »

10      L’article IX, paragraphes 1 et 2, de cette convention est ainsi rédigé :

« 1.      La [commission CAMLR] a pour fonction de mettre en œuvre les objectifs et les principes définis à l’Article II. À cette fin :

(a)      elle facilite la recherche et les études exhaustives sur les ressources marines vivantes et l’écosystème marin de l’Antarctique ;

(b)      elle rassemble des données sur l’état et l’évolution des populations de ressources marines vivantes de l’Antarctique et sur les facteurs affectant la distribution, l’abondance et la productivité des espèces exploitées et des espèces ou populations dépendantes ou associées ;

(c)      elle veille à l’acquisition de données statistiques sur les prises et les efforts mis en œuvre en ce qui concerne les populations exploitées ;

[...]

(f)      elle élabore des mesures de conservation, les adopte et les révise sur la base des meilleures informations scientifiques disponibles, sous réserve des dispositions du paragraphe 5 du présent Article ;

[...]

2.      Les Mesures de conservation visées à l’alinéa 1 (f) portent sur :

(a)      le volume de capture autorisé pour une espèce donnée dans la zone d’application de la Convention ;

[...]

(d)      la désignation des espèces protégées ;

(e)      la taille, l’âge et, le cas échéant, le sexe des individus d’une espèce pouvant être capturés ;

(f)      l’ouverture et la fermeture des périodes de capture autorisée ;

(g)      l’ouverture ou la fermeture de zones, secteurs ou sous-secteurs à des fins d’étude scientifique ou de conservation, y compris celle de zones spéciales destinées à la protection et à l’étude scientifique ;

(h)      la réglementation des méthodes de capture et des moyens mis en œuvre, y compris les engins de pêche, afin d’éviter, entre autres, une concentration excessive des captures dans un secteur ou dans un sous-secteur ;

(i)      les autres domaines où la [commission CAMLR] juge nécessaire d’intervenir en vue de la réalisation des objectifs de la Convention [de Canberra], y compris les effets des prises et des activités connexes sur des composants de l’écosystème marin autres que les populations exploitées. »

11      L’article XXIX, paragraphe 2, de la convention de Canberra dispose :

« La présente Convention est ouverte à l’adhésion d’organisations d’intégration économique régionale constituées par des États souverains, dont un ou plusieurs sont des États membres de la [commission CAMLR] et auxquelles les États membres de l’organisation ont transféré des compétences totales ou partielles dans les domaines auxquels s’applique la présente Convention. L’adhésion de ces organisations d’intégration économique régionale fait l’objet de consultations entre les Membres de la [commission CAMLR]. »

12      L’Union a approuvé la convention de Canberra par la décision 81/691/CEE du Conseil, du 4 septembre 1981 (JO 1981, L 252, p. 26), et est devenue partie à celle-ci le 21 avril 1982.

13      À ce jour, douze États membres sont devenus parties à la convention de Canberra, dont six (le Royaume de Belgique, la République de Bulgarie, la République fédérale d’Allemagne, la République française, la République de Pologne et le Royaume-Uni) antérieurement à l’adhésion de l’Union à cette convention et six (le Royaume d’Espagne, la République hellénique, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République de Finlande et le Royaume de Suède) postérieurement à ladite adhésion.

 Le cadre général d’établissement d’aires marines protégées

14      Lors de sa session s’étant tenue du 24 octobre au 4 novembre 2011, la commission CAMLR a adopté la mesure de conservation intitulée « Cadre général d’établissement d’aires marines protégées », dont les considérants 1 et 6 indiquent :

« La [commission CAMLR],

Rappelant son adhésion au programme de travail du Comité scientifique, dont l’intention est de mettre sur pied un système représentatif d’aires marines protégées de l’Antarctique (AMP), qui aura pour but de préserver la biodiversité marine dans la zone de la Convention et, conformément à la décision prise par le Sommet mondial sur le développement durable (SMDD) en 2002, de mettre en place un réseau représentatif d’AMP d’ici à 2012,

[...]

Reconnaissant que les AMP de la [commission CAMLR] visent à concourir au maintien de la structure et de la fonction de l’écosystème, y compris dans des secteurs situés au-delà des AMP, à maintenir la capacité d’adaptation face au changement climatique et à réduire la possibilité d’invasion d’espèces exogènes du fait d’activités anthropiques ».

15      En vertu du point 2 du cadre général d’établissement d’aires marines protégées :

« Les AMP de la [commission CAMLR] sont établies sur la base des meilleures preuves scientifiques disponibles, et contribuent, en tenant pleinement compte de l’Article II de [la convention de Canberra] dans laquelle la conservation englobe l’utilisation rationnelle, à la réalisation des objectifs suivants :

i)      la protection d’exemples représentatifs d’écosystèmes, de la biodiversité et des habitats marins à une échelle permettant de maintenir leur viabilité et leur intégrité à long terme ;

ii)      la protection de processus écosystémiques, d’habitats et d’espèces clés, y compris des populations et des stades du cycle vital ;

iii)      l’établissement de zones de référence scientifique pour le suivi de la variabilité naturelle et du changement à long terme ou pour celui des effets de l’exploitation et d’autres activités anthropiques sur les ressources marines vivantes de l’Antarctique et les écosystèmes qu’elles constituent ;

iv)      la protection d’aires vulnérables face à l’impact d’activités anthropiques, y compris d’habitats et de caractéristiques uniques, rares ou extrêmement divers biologiquement ;

v)      la protection de caractéristiques essentielles à la fonction des écosystèmes locaux ;

vi)      la protection d’aires, afin de maintenir la résilience ou la capacité d’adaptation aux effets du changement climatique. »

 Le droit de l’Union

 La position pluriannuelle

16      Le Conseil a adopté la décision 13908/1/09 REV 1, du 19 octobre 2009, concernant la position à adopter, au nom de l’Union, au sein de la commission CAMLR pour la période 2009-2014. Cette décision a été remplacée, pour la période 2014-2019, par la décision 10840/14, du 11 juin 2014 (ci-après la « position pluriannuelle »).

17      Il résulte de l’article 1er de la position pluriannuelle que les règles que celle-ci énonce s’appliquent « lorsque la [commission CAMLR] est appelée à adopter des décisions ayant des effets juridiques sur des questions relevant de la politique commune de la pêche ».

18      L’article 2 de ladite décision dispose que les éléments spécifiques de la position à adopter par l’Union, lors de la réunion annuelle de la commission CAMLR, sont fixés conformément aux modalités définies à l’annexe II de cette même décision. Cette annexe instaure une procédure simplifiée en vertu de laquelle :

« [...] la Commission européenne transmet au Conseil ou à ses instances préparatoires, suffisamment longtemps avant chaque réunion annuelle de la [commission CAMLR], un document écrit exposant en détail les éléments spécifiques proposés pour la position de l’Union, pour examen et approbation des détails de la position qui sera exprimée au nom de l’Union.

Si, au cours de réunions ultérieures, y compris sur place, il est impossible de parvenir à un accord pour que la position de l’Union prenne en considération les éléments nouveaux, la question est soumise au Conseil ou à ses instances préparatoires. »

 Les règlements (CE) no 600/2004 et (CE) no 601/2004

19      Les considérants 4 et 5 durèglement (CE) n o 600/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, établissant certaines mesures techniques applicables aux activités de pêche dans la zone de la convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (JO 2004, L 97, p. 1), énoncent :

« (4)      Certaines mesures techniques adoptées par la [commission CAMLR] ont été transposées par le règlement (CEE) no 3943/90 du Conseil du 19 décembre 1990 relatif à l’application du système d’observation et de contrôle établi conformément à l’article XXIV de la convention [de Canberra] [JO 1990, L 379, p. 45] ainsi que par le règlement (CE) no 66/98 du Conseil du 18 décembre 1997 fixant certaines mesures de conservation et de contrôle applicables aux activités de pêche dans l’Antarctique [JO 1998, L 6, p. 41].

(5)      L’adoption de nouvelles mesures de conservation par la [commission CAMLR], ainsi que la mise à jour de celles déjà en vigueur depuis l’adoption des règlements précités, requiert la modification de ceux-ci. »

20      L’article 1er, paragraphe 1, du règlement n o 600/2004 prévoit :

« Le présent règlement établit des mesures techniques concernant les activités de navires de pêche [de l’Union] qui capturent et conservent à bord des organismes marins provenant des ressources marines vivantes de la zone de la convention [de Canberra]. »

21      Le considérant 6 du règlement (CE) no 601/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, fixant certaines mesures de contrôle applicables aux activités de pêche dans la zone de la convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique, et abrogeant les règlements (CEE) no 3943/90, (CE) no 66/98 et (CE) no 1721/1999 (JO 2004, L 97, p. 16), dispose :

« En vue de la mise en œuvre des nouvelles mesures de conservation adoptées par la [commission CAMLR], il convient dabroger [les règlements (CE) no 3943/90, (CE) no 66/98 et (CE) no 1721/1999 du Conseil du 29 juillet 1999 arrêtant certaines mesures de contrôle concernant les navires battant pavillon de parties non contractantes à la convention [de Canberra] (JO 1999, L 203, p. 14)] et de les remplacer par un règlement unique réunissant les dispositions particulières en matière de contrôle des activités de pêche découlant des obligations incombant à [l’Union]en tant que partie contractante à la convention. »

22      L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 601/2004 énonce :

« Le présent règlement fixe les principes généraux et les conditions relatives à l’application par [l’Union] :

a)      des mesures de contrôle applicables aux navires de pêche battant pavillon des parties contractantes à la convention [de Canberra] opérant dans la zone de [cette] convention dans les eaux situées au-delà des limites des juridictions nationales ;

b)      du système visant à promouvoir le respect par les navires de parties non contractantes à la convention [de Canberra] des mesures de conservation établies par la [commission CAMLR]. »

 Le règlement (UE) no 1380/2013

23      Le considérant 13 du règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) no 1954/2003 et (CE) no 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) no 2371/2002 et (CE) no 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil (JO 2013, L 354, p. 22), indique :

« Il est nécessaire de mettre en œuvre une approche écosystémique de la gestion des pêches, de limiter les incidences des activités de pêche sur l’environnement et d’éviter et de réduire autant que possible les captures indésirées. »

24      L’article 2, paragraphes 1 à 3, de ce règlement prévoit :

« 1.      La [politique commune de la pêche (PCP)] garantit que les activités de pêche et d’aquaculture soient durables à long terme sur le plan environnemental et gérées en cohérence avec les objectifs visant à obtenir des retombées positives économiques, sociales et en matière d’emploi et à contribuer à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire.

2.      La PCP applique l’approche de précaution en matière de gestion des pêches et vise à faire en sorte que l’exploitation des ressources biologiques vivantes de la mer rétablisse et maintienne les populations des espèces exploitées au-dessus des niveaux qui permettent d’obtenir le rendement maximal durable.

[...]

3.      La PCP met en œuvre l’approche écosystémique de la gestion des pêches afin de faire en sorte que les incidences négatives des activités de pêche sur l’écosystème marin soient réduites au minimum et vise à faire en sorte que les activités d’aquaculture et de pêche permettent d’éviter la dégradation du milieu marin. »

25      L’article 4, paragraphe 1, dudit règlement énonce :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

9)      “approche écosystémique en matière de gestion des pêches”, une approche intégrée de la gestion des pêches dans des limites écologiquement rationnelles visant à gérer l’utilisation des ressources naturelles, en tenant compte de la pêche et des autres activités humaines, tout en maintenant aussi bien la richesse biologique que les processus biologiques nécessaires pour garantir la composition, la structure et le fonctionnement des habitats de l’écosystème concerné, en tenant compte des connaissances et des incertitudes concernant les composantes biotiques, abiotiques et humaines des écosystèmes ».

 Les antécédents des litiges

26      La commission CAMLR s’est fixée pour objectif de mettre en place un réseau d’AMP dans l’Antarctique, objectif qui est expressément soutenu par l’Union.

27      Dans ce contexte, en vue de préparer la participation de l’Union aux futures réunions annuelles de la commission CAMLR, le Conseil a établi, au cours de l’année 2014, sur le fondement de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, la position pluriannuelle qui prévoit, notamment, une procédure simplifiée pour la prise de décision par le Conseil en ce qui concerne la position à adopter par l’Union dans le cadre de la commission CAMLR sur des questions relevant de la PCP. En vertu de cette procédure, avant chaque réunion annuelle de la commission CAMLR, les services de la Commission transmettent les documents pertinents aux instances préparatoires du Conseil. En pratique, les services de la Commission communiquent ces documents soit au groupe de travail « Pêche » du Conseil, soit au Comité des représentants permanents (Coreper).

 L’affaire C626/15

28      Le 31 août 2015, les services de la Commission ont transmis au groupe de travail « Pêche » du Conseil, en se fondant sur la procédure simplifiée instituée par le Conseil, un document informel (nonpaper) auquel était joint le projet du document de réflexion. Aux pages 4 et 5 de ce document de réflexion, il est fait référence, notamment, à la nécessité de protéger l’écosystème dans la mer de Weddell et, en particulier, les animaux qui en font partie, tels que les mammifères marins, les pingouins et les oiseaux de mer.

29      Les services de la Commission ont proposé que le document de réflexion soit soumis au comité scientifique placé auprès de la commission CAMLR, au nom de l’Union seule, car ce document relevait, selon eux, du domaine de la PCP.

30      Lors de sa réunion du 3 septembre 2015, le groupe de travail du Conseil a approuvé le contenu du document de réflexion, mais a considéré que celui-ci relevait du domaine de la politique de l’environnement plutôt que de celui de la PCP, et qu’il devait, par conséquent, être présenté au nom de l’Union et de ses États membres. Eu égard à cette divergence de vues, il a été décidé de renvoyer la question au Coreper.

31      Le Coreper a examiné ce dossier au cours de sa réunion du 11 septembre 2015. Après un échange de vues, le président du Coreper a constaté que ce dernier avait approuvé la soumission du document de réflexion et décidé que celui-ci devait être soumis à la commission CAMLR à l’occasion de sa 34réunion annuelle, au nom de l’Union et de ses États membres.

32      Dans une déclaration inscrite au procès-verbal de la réunion du 11 septembre 2015, la Commission a exprimé son désaccord sur ce dernier point. Elle a indiqué être prête à soumettre le document de réflexion à la commission CAMLR au nom de l’Union et de ses États membres, comme l’avait décidé le Coreper, mais se réserver le droit d’exercer un recours en justice.

33      Par requête du 23 novembre 2015, la Commission a introduit un recours en annulation de la décision de 2015, en ce que celle-ci approuve la soumission du document de réflexion à la commission CAMLR au nom de l’Union et de ses États membres.

 L’affaire C659/16

34      Le 30 août 2016, les services de la Commission ont, de nouveau en se fondant sur la procédure simplifiée, transmis un document informel (nonpaper) au groupe de travail « Pêche » du Conseil. Le 6 septembre 2016, ce document a été complété par trois projets de proposition de création ou de soutien à la création d’AMP en Antarctique, à savoir l’AMP dans la mer de Weddell, une AMP dans la mer de Ross et une AMP dans l’Est-Antarctique, ainsi que par un projet de création d’un ensemble de zones spéciales destinées à l’étude scientifique de l’espace maritime concerné, du changement climatique et du recul des plates-formes glaciaires (ci-après les « mesures envisagées »).

35      Les services de la Commission ont proposé que les mesures envisagées soient soumises à la commission CAMLR au nom de l’Union seule, car ces mesures relevaient, à leurs yeux, de la PCP. Afin de respecter les délais dans lesquels des propositions peuvent être soumises à la réunion annuelle de la commission CAMLR, la Commission a, parallèlement, adressé lesdites mesures au secrétariat de la commission CAMLR, au nom de l’Union.

36      À l’occasion de ses réunions des 15 septembre et 22 septembre 2016, le groupe de travail « Pêche » du Conseil a examiné le contenu des mesures envisagées. Il a considéré que celles-ci relevaient du domaine de la politique de l’environnement, et non de celui de la PCP, de telle sorte que, d’une part, elles devaient être soumises à la commission CAMLR au nom de l’Union et de ses États membres, et, d’autre part, elles ne pouvaient pas être approuvées dans le cadre de la procédure simplifiée instituée par le Conseil, celle-ci étant limitée aux seules questions relatives à la PCP. Le dossier a ensuite été transmis au Coreper, puis au Conseil.

37      Le 10 octobre 2016, à Luxembourg, à l’occasion de sa 3487e session, le Conseil a approuvé la soumission des mesures envisagées à la commission CAMLR, au nom de l’Union et de ses États membres. Il a, en outre, décidé que ces mesures établissaient la position devant être prise par l’Union lors de la 35réunion annuelle de la commission CAMLR.

38      Dans une déclaration inscrite au procès-verbal de cette réunion, la Commission a insisté sur le fait que lesdites mesures relevaient du domaine de compétence exclusive de l’Union en matière de conservation des ressources biologiques de la mer, visé à l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE, et qu’il n’était dès lors pas justifié de les soumettre au nom de l’Union et de ses États membres.

39      Au cours de l’année 2016, à l’occasion de sa 35réunion annuelle, la commission CAMLR a décidé de donner suite à deux des mesures présentées et soutenues par l’Union, à savoir l’établissement d’une AMP dans la mer de Ross et la création de plusieurs zones spéciales destinées à l’étude scientifique de l’espace maritime concerné, du changement climatique et du recul des plates-formes glaciaires. En outre, la commission CAMLR a décidé de poursuivre les discussions sur les deux autres propositions de l’Union.

40      Par requête du 20 décembre 2016, la Commission a introduit un recours en annulation de la décision de 2016 en ce que celle-ci approuve la soumission des mesures envisagées à la commission CAMLR, lors de la 35réunion annuelle de cette instance, au nom de l’Union et de ses États membres.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

41      Dans l’affaire C‑626/15, la Commission demande à la Cour :

–        d’annuler la décision de 2015, en ce qu’elle approuve la soumission du document de réflexion à la commission CAMLR au nom de l’Union et de ses États membres, et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

42      Pour sa part, le Conseil conclut à ce que la Cour :

–        rejette le recours comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé et

–        condamne la Commission aux dépens.

43      Par décisions des 7 avril, 14 avril, 29 avril, 2 mai et 3 mai 2016, le président de la Cour a respectivement autorisé, premièrement, la République fédérale d’Allemagne, deuxièmement, le Royaume d’Espagne et le Royaume des Pays-Bas, troisièmement, la République française et la République de Finlande, quatrièmement, la République portugaise et, cinquièmement, la République hellénique, le Royaume de Suède ainsi que le Royaume-Uni à intervenir au soutien du Conseil dans cette affaire.

44      Dans son mémoire en duplique, le Conseil a demandé, sur le fondement de l’article 60, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, que l’affaire soit tranchée en grande chambre.

45      Par décision du président de la Cour du 10 février 2017, la procédure dans l’affaire C‑626/15 a été suspendue jusqu’à la clôture de la phase écrite dans l’affaire C‑659/16.

46      Dans l’affaire C‑659/16, la Commission demande à la Cour :

–        d’annuler la décision de 2016, en ce qu’elle approuve la soumission des mesures envisagées à la commission CAMLR lors de la 35réunion annuelle de cette instance au nom de l’Union et de ses États membres, et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

47      Pour sa part, le Conseil conclut à ce que la Cour :

–        rejette le recours comme étant non fondé et

–        condamne la Commission aux dépens.

48      Par une décision du 25 avril 2017, le président de la Cour a autorisé le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède ainsi que le Royaume-Uni à intervenir au soutien du Conseil dans cette affaire.

49      Par décision du président de la Cour, du 10 février 2017, les affaires C‑626/15 et C‑659/16 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

50      Après la clôture de la procédure écrite, le 16 septembre 2016, le Conseil a demandé, le 16 novembre 2016, en invoquant l’article 128, paragraphe 2, du règlement de procédure, à être autorisé à produire, dans l’affaire C‑626/15, trois nouveaux éléments de preuve, à savoir une note concernant l’établissement de la position de l’Union pour la 35e réunion annuelle de la commission CAMLR en ce qui concerne les mesures envisagées, le texte de la position ainsi arrêtée et une déclaration de la Commission s’y rapportant.

51      Par décision du président de la Cour du 10 janvier 2017, l’avocat général entendu, les trois nouveaux éléments de preuve produits après la clôture de la phase écrite de la procédure ont été admis dans la procédure relative à l’affaire C‑626/15.

 Sur la demande de réouverture de la procédure orale

52      Par une lettre parvenue au greffe de la Cour le 27 juin 2018, le Conseil a demandé la réouverture de la procédure orale. À l’appui de sa demande, il fait valoir, en substance, que l’argument exposé par Mme l’avocat général dans ses conclusions, au sujet d’un prétendu exercice entier de la compétence de l’Union en matière d’environnement lors de l’adoption des décisions de 2015 et de 2016, n’avait été soulevé par la Commission ni dans ses écrits ni au cours de l’audience, cet argument n’ayant pas, au demeurant, été débattu entre les parties au cours de celle-ci.

53      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 83 du règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Belastingdienst/Toeslagen (effet suspensif de l’appel), C‑175/17, EU:C:2018:776, point 20].

54      En l’espèce, la Cour considère, l’avocat général entendu, que l’affaire ne doit pas être tranchée sur le fondement d’un argument qui n’a pas été débattu devant elle.

55      Par conséquent, il convient de rejeter la demande du Conseil tendant à la réouverture de la procédure orale.

 Sur les recours

 Sur la recevabilité du recours dans l’affaire C‑626/15

 Argumentation des parties

56      Le Conseil, soutenu par la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République de Finlande, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni, conteste la recevabilité du recours à l’origine de l’affaire C‑626/15, au motif que la décision de 2015 ne constitue pas un acte attaquable.

57      Il fait valoir, d’une part, que cette décision a été adoptée non pas par une institution, mais par le Coreper, qui n’est pas doté d’un pouvoir décisionnel propre. D’autre part, ladite décision ne serait pas de nature à « produire des effets juridiques », au sens de l’article 263 TFUE, dans la mesure où elle porterait approbation d’un simple document de réflexion visant à recueillir des avis au sujet de l’établissement d’une AMP dans la mer de Weddell. Cette même décision ne pourrait pas être qualifiée d’approbation d’une position de l’Union, au sens de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, puisqu’une telle qualification supposerait que l’instance internationale en cause soit sur le point d’adopter un acte produisant des effets juridiques. Or, en l’espèce, le contenu précis de la proposition visant à établir une AMP dans la mer de Weddell n’était pas encore connu lorsque la décision de 2015 a été adoptée et il n’était pas certain qu’une telle proposition soit formulée.

58      La Commission estime, pour sa part, que le recours introduit dans l’affaire C‑626/15 est recevable. En effet, la décision de 2015 serait imputable au Conseil, qui est une institution. En outre, elle viserait à produire des effets juridiques dans la mesure où elle contraindrait la Commission à déposer le document de réflexion au nom de l’Union et de ses États membres, et non au nom de l’Union seule. Au demeurant, elle constituerait une prise de position, au sens de l’article 218, paragraphe 9, TFUE.

 Appréciation de la Cour

59      Selon une jurisprudence constante, constitue un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE, toute décision adoptée par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, indépendamment de sa nature ou de sa forme, qui vise à produire des effets de droit (voir, notamment, arrêt du 28 avril 2015, Commission/Conseil, C‑28/12, EU:C:2015:282, point 14).

60      Tout d’abord, aux termes de l’article 240, paragraphe 1, TFUE, le Coreper est composé des représentants permanents des gouvernements des États membres de l’Union et il est responsable de la préparation des travaux du Conseil ainsi que de l’exécution des mandats qui lui sont confiés par celui-ci. Ainsi, il doit être constaté que les auteurs des traités ont entendu faire du Coreper un organe auxiliaire du Conseil assurant, pour ce dernier, des tâches de préparation et d’exécution (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 1996, Commission/Conseil, C‑25/94, EU:C:1996:114, points 25 et 26).

61      Or, si la fonction de préparation des travaux et d’exécution des mandats du Conseil n’habilite pas le Coreper à exercer le pouvoir décisionnel qui revient, selon les traités, au Conseil (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 1996, Commission/Conseil, C‑25/94, EU:C:1996:114, point 27), il n’en demeure pas moins que, l’Union étant une union de droit, un acte pris par le Coreper doit pouvoir être soumis à un contrôle de légalité lorsqu’il vise, comme tel, à produire des effets de droit et sort, dès lors, du cadre de cette fonction de préparation et d’exécution.

62      Ensuite, en ce qui concerne la détermination des effets que vise à produire la décision de 2015, selon une jurisprudence constante, il convient de s’attacher à sa substance, laquelle doit être appréciée en fonction de critères objectifs tels que le contexte dans lequel ledit acte a été adopté, son contenu et l’intention de son auteur, à condition que cette dernière puisse être déterminée de manière objective (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 42).

63      À cet égard, concernant, premièrement, le contexte de la décision de 2015, il doit être constaté que celle-ci a été adoptée en vue de convaincre la commission CAMLR d’établir une AMP dans la mer de Weddell.

64      Deuxièmement, s’agissant du contenu de ladite décision, il y a lieu de relever que, en décidant de soumettre le document de réflexion au nom de l’Union et de ses États membres, le Coreper a obligé la Commission à ne pas se départir de cette position dans l’exercice de sa compétence de représentation extérieure de l’Union lors de sa participation à la 34e réunion annuelle de la commission CAMLR.

65      Troisièmement, pour ce qui est de l’intention de l’auteur de l’acte, il ressort du procès-verbal de la réunion du Coreper du 11 septembre 2015, lequel constitue un élément permettant de déterminer de manière objective cette intention, que la décision de 2015 avait pour objectif de fixer définitivement la position du Conseil et, par suite, de l’Union, en ce qui concerne la soumission du document de réflexion à la commission CAMLR au nom de l’Union et de ses États membres, et non au nom de l’Union seule.

66      Eu égard à ce qui précède, la décision de 2015 visait donc bien à produire des effets de droit et constitue, dès lors, un acte attaquable.

67      Dans ces conditions, il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil dans l’affaire C‑626/15.

 Sur le fond

68      À l’appui de chacun de ses recours, la Commission avance les deux mêmes moyens. Le premier, présenté à titre principal, est tiré de ce que les décisions de 2015 et de 2016 (ci-après, ensemble, les « décisions attaquées ») auraient été adoptées en méconnaissance de la compétence exclusive que l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE attribue à l’Union dans le domaine de la conservation des ressources biologiques de la mer. Le second moyen, présenté à titre subsidiaire, est tiré de ce que ces décisions auraient été adoptées en violation de la compétence exclusive dont l’Union disposerait à cet effet, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, TFUE.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE

–       Argumentation des parties

69      La Commission soutient que le document de réflexion et les mesures envisagées auraient dû être soumis à la commission CAMLR au nom de l’Union seule, et non au nom de l’Union et de ses États membres, car ils relèvent entièrement ou, en tout cas, principalement, de la compétence exclusive que détient l’Union, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE, dans le domaine de la conservation des ressources biologiques de la mer.

70      Au soutien de son moyen, la Commission fait valoir, d’une part, que cette compétence concerne non pas les seules mesures de conservation adoptées en vue de sauvegarder les possibilités de pêche, mais toutes les mesures de conservation des ressources biologiques de la mer. En effet, la référence, faite à l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE, à la PCP devrait être comprise comme visant à souligner que la conservation des ressources biologiques de la mer constitue une compétence particulière au sein de celle, plus générale, que détient l’Union en matière de pêche, et non comme limitant la compétence exclusive découlant de cette disposition aux seules mesures de conservation des ressources biologiques de la mer prises dans le cadre de cette dernière politique.

71      D’autre part, bien que la création d’une AMP réponde en partie à des préoccupations environnementales, cette circonstance ne serait pas suffisante pour considérer qu’une mesure de cette nature relève de la politique environnementale. Étant donné que l’article 11 TFUE prévoit que les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de l’Union, le seul fait qu’une mesure poursuit un objectif ou comporte une composante en lien avec la protection de l’environnement n’impliquerait pas nécessairement que cette mesure relève de la compétence que se partagent l’Union et les États membres en matière environnementale. En effet, encore faudrait-il que le centre de gravité de cette mesure se situe du côté de la politique environnementale. Or, en l’espèce, le centre de gravité du document de réflexion ainsi que des mesures envisagées et, par suite, celui des décisions attaquées pencheraient vers la compétence exclusive que détient l’Union en matière de conservation des ressources biologiques de la mer.

72      En tout état de cause, même à supposer que cette compétence exclusive soit limitée aux seules mesures de protection relevant de la PCP, à savoir aux mesures visant à sauvegarder les possibilités de pêche, le document de réflexion et les mesures envisagées relèveraient néanmoins d’une telle compétence dès lors que, comme le précise le règlement no 1380/2013, ladite PCP est fondée sur une approche écosystémique.

73      Le Conseil ainsi que l’ensemble des États membres intervenants soutiennent que le premier moyen n’est pas fondé. En effet, les termes « dans le cadre de la [PCP] », utilisés à l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE, viseraient à limiter la compétence exclusive, détenue par l’Union dans ce cadre, aux seules mesures de conservation adoptées afin de sauvegarder des espèces concernées par la pêche. Or, si le document de réflexion et les mesures envisagées avaient, certes, pour objet l’adoption de mesures de conservation, ces dernières relèveraient toutefois non pas du domaine de la pêche, mais de celui de la protection de l’environnement qui, lui-même, relève d’une compétence que l’Union partage avec les États membres.

74      À titre subsidiaire, certains des États membres intervenants font valoir que le document de réflexion et les mesures envisagées relèvent de la compétence que, conformément à l’article 4, paragraphe 3, TFUE, l’Union et les États membres peuvent exercer parallèlement en matière de recherche et que, à ce titre, ils devaient être soumis à la commission CAMLR au nom de l’Union et de ses États membres.

–       Appréciation de la Cour

75      À titre liminaire, bien que les décisions attaquées se bornent à préciser que le document de réflexion et les mesures envisagées doivent être soumis à la commission CAMLRau nom de lUnion et de ses États membres, il nen demeure pas moins que, dans la mesure où elles approuvent, sans le modifier, le contenu de ce document et de ces mesures, la compétence pour adopter de telles décisions est déterminée par la nature et le contenu dudit document et desditesmesures de même que par leur but et le contexte dans lequel elles s’inscrivent.

76      En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, afin didentifier la compétenceà laquelle doivent être rattachées des décisions, il y a lieu d’en préciser la base juridique pertinente en se fondant sur des éléments objectifs parmi lesquels figurent le contexte, le contenu et les objectifs poursuivis parles décisions en cause (arrêt du 18 décembre 2014, Royaume-Uni/Conseil, C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 35).

77      En outre, selon une jurisprudence constante, si l’examen d’un acte de l’Union démontre que celui-ci poursuit plusieurs finalités ou qu’il a plusieurs composantes et si l’une de ces finalités ou de ces composantes est identifiable comme étant principale ou prépondérante, tandis que les autres ne sont qu’accessoires, cet acte doit alors être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle correspondant à cette finalité ou à cette composante principale [voir, en ce sens, arrêts du 24 juin 2014, Parlement/Conseil, C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 43 et jurisprudence citée, ainsi que du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C‑244/17, EU:C:2018:662, point 37 et jurisprudence citée].

78      Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’un acte de l’Union doit être fondé simultanément sur plusieurs bases juridiques, à savoir lorsque cet acte poursuit à la fois plusieurs finalités ou a plusieurs composantes qui sont liées de manière indissociable, sans que l’une soit accessoire par rapport à l’autre (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2003, Commission/Conseil, C‑211/01, EU:C:2003:452, point 40).

79      En lespèce, lensemble des parties saccordent pour considérer que le document de réflexion et les mesures envisagées sont susceptibles de relever de plusieurs domaines de compétence de l’Union. En revanche, elles divergent sur le point de savoir quelle est la base juridique sur laquelle les décisions attaquées devaient être adoptées. Par conséquent, il y a lieu dappliquerau document de réflexion et aux mesures envisagéesla jurisprudence rappelée aux points 76 à 78 du présent arrêt.

80      À cet égard, la Commission soutient que la finalité et la composante principales du document de réflexion et des mesures envisagées relèvent de la compétence exclusive que détient l’Union en matière de conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la PCP, conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE. En effet, cette disposition s’étendrait à l’adoption de tout document ou à toute mesure visant à la conservation de ressources liées à la mer, quel que soit l’objectif poursuivi.

81      Dès lors, pour déterminer si ledit moyen est fondé, il convient, dans un premier temps, de préciser la portée de la compétence exclusive de l’Union en matière de conservation des ressources biologiques de la mer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE, puis, dans un second temps, de déterminer si, comme le soutient la Commission, la finalité et la composante exclusives ou principales du document de réflexion et des mesures envisagées relèvent de ce domaine de compétence.

82      En ce qui concerne, en premier lieu, l’étendue de la compétence exclusive que détient l’Union en vertu dudit article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE, il convient de rappeler que cette disposition prévoit que ladite compétence porte sur la conservation des ressources biologiques de la mer « dans le cadre de la [PCP] ».

83      Or, en attribuant à ces termes leur sens ordinaire, il doit être considéré que seule la conservation des ressources biologiques de la mer assurée dans le cadre de la PCP, et donc indissociable de celle-ci, est visée à l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE.

84      Ce n’est donc que pour autant que la conservation des ressources biologiques de la mer est poursuivie dans un tel cadre que cette dernière relève de la compétence exclusive de l’Union et est, par conséquent, ainsi que l’énonce explicitement l’article 4, paragraphe 2, sous d), TFUE, exclue de la compétence que partagent l’Union et ses États membres dans les domaines de l’agriculture et de la pêche.

85      Cette conclusion est corroborée par la genèse de l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE.

86      En effet, il convient de rappeler que, initialement, les traités prévoyaient, parmi les compétences de l’Union, l’établissement d’une politique agricole commune comprenant la pêche sans mentionner, de manière autonome, la conservation des ressources de la mer. Dans le cadre de cette compétence, l’Union a, le20 octobre 1970, adopté le règlement (CEE) no 2141/70 du Conseil, du 20 octobre 1970, portant établissement d’une politique commune des structures dans le secteur de la pêche (JO 1970, L 236, p. 1), dont l’article 5 a spécifiquement habilité le Conseil à adopter des mesures de conservation des ressources halieutiques. Cette habilitation fut ensuite reprise dans l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (JO 1972, L 73, p. 14), au regard duquel la Cour a considéré que, au terme de la période de transition prévue par cet acte, les États membres cesseraient dêtre compétents pour ce domaine(voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1976, Kramer e.a., 3/76, 4/76 et 6/76, EU:C:1976:114, point 40, ainsi que du 5 mai 1981, Commission/Royaume-Uni, 804/79, EU:C:1981:93, points 17 et 27).

87      S’agissant, en second lieu, de la détermination de la finalité et de la composante exclusives ou principales du document de réflexion et des mesures envisagées, ainsi qu’il a été rappelé au point 76 du présent arrêt, celle-cidoit être fondée sur des éléments objectifs, susceptibles de contrôle juridictionnel, à savoir le contexte, le contenu et les objectifs poursuivis par les décisions en cause.

88      Pour ce qui est, premièrement, du contexte, étant donné que le document de réflexion et les mesures envisagées sont destinés à être soumis à la commission CAMLR, il convient dexaminer les missions assignées à cet organisme international par la convention de Canberra ainsi que les droits et les obligations desÉtats représentés au sein de cette commission.

89      À cet égard, il résulte, certes, de larticle IX de la convention de Canberra, lu en combinaison avec l’article II de celle-ci, quun certain nombre demissions dévolues à la commission CAMLRont trait à la préservation desressources marines vivantes de l’Antarctique faisant l’objet d’une exploitation halieutique.

90      Toutefois, tout dabord, le paragraphe introductif du préambule de ladite convention précise que cette dernière a été adoptée en considération de limportance deprotéger l’environnement et de préserver l’intégrité de l’écosystème des mers qui entourent l’Antarctique.

91      Ensuite, le champ d’application de la convention de Canberra ne se limite pas aux seules ressources liées à la pêche, mais s’étend, en vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette convention, à toutes les espèces d’organismes vivants qui font partie de l’écosystème marin antarctique, y compris aux oiseaux.

92      Par ailleurs, l’article V, paragraphe 2, de la convention de Canberra énonce que les parties à cette convention qui ne le sont pas au traité sur l’Antarctique doivent s’engager à appliquer les mesures convenues dans le cadre de ce traité en faveur de la protection de la faune et de la flore de l’Antarctique ainsi que les autres mesures qui ont été recommandées par les parties consultatives audit traité dans l’exercice de leurs responsabilités quant à la protection de l’environnement antarctique contre toute forme d’ingérence humaine nuisible, ce qui va nettement au-delà des obligations normalement assumées dans le cadre d’un accord de gestion des activités de pêche.

93      Enfin, il convient de relever que le cadre général d’établissement d’aires maritimes protégées n’assigne pas à celles-ci, comme finalité principale, la pêcheou la préservation des ressources halieutiques. En revanche, dune part, il ressort des considérants 1 et 6 de ce cadre que les AMP susceptibles d’être créées par la commission CAMLR ont pour objectifs le maintien de la « biodiversité marine », « de la structure et de la fonction de l’écosystème » et de sa « capacité d’adaptation face au changement climatique » ainsi que la réduction de « la possibilité d’invasion d’espèces exogènes, du fait d’activités anthropiques ». D’autre part, le point 2 dudit cadre, qui vise à préciser lesdits objectifs, indique que les AMP doivent contribuer à la réalisation de « la protection d’exemples représentatifs d’écosystèmes, de la biodiversité et des habitats marins à une échelle permettant de maintenir leur viabilité et leur intégrité à long terme », à la « protection de processus écosystémiques d’habitats et d’espèces clés », à « la protection d’aires vulnérables face à l’impact d’activités anthropiques » ou encore à « la protection de caractéristiques essentielles à la fonction des écosystèmes locaux ».

94      Il en résulte que non seulement la commission CAMLR est habilitée à adopter différentes mesures relevant de la protection de l’environnement, mais également qu’une telle protection apparaît comme étant la finalité et la composante principales de ces mesures.

95      En ce qui concerne, deuxièmement, le contenu du document de réflexion et des mesuresenvisagées, d’une part, comme la relevéMme lavocat général au point 94 de ses conclusions, ce contenumet certes laccent sur la réglementation des activités des navires de pêche. Toutefois, ainsi que cela ressort des points 5.3et 5.4 de la proposition de création dune AMP en mer de Weddell,des points 3 et 7 de la proposition de création dune AMP en mer de Ross ainsi que duparagraphe introductif et du point 10 de la proposition de création de zones spéciales destinées à létude scientifique de l’espace maritime concerné, du changement climatique et du recul des plates-formes glaciaires, cette réglementation vise à édicter une interdiction partielle, mais importante de la pêche, cette dernière n’étant autorisée quexceptionnellement,afin de préserver les écosystèmes concernés ou, sagissant de la dernière mesure, afin de permettre létude de limpact du changement climatique sur lécosystème marin visé par cette mesure. Il s’ensuit que les possibilités de pêche très limitées prévues dans les zones concernées par les mesures et le document de réflexion susvisés sont exclusivement justifiées par des considérations environnementales.

96      D’autre part, certaines dispositionsdu document de réflexion et des mesures envisagées, comme le point 5.5 de la proposition de création dune AMP en mer de Weddell, le point 10 de la proposition de création dune AMP en mer de Ross et le point 14 de la proposition de création de zones spéciales destinées à létude scientifique de l’espace maritime concerné, du changement climatique et du recul des plates-formes glaciaires,interdisent également le dépôt ou le déversement de déchets et ne concernent dès lors pas, en tant que telle, la réglementation des activités des navires de pêche.

97      Par conséquent, si le document de réflexion et les mesures envisagées ont certes en partie pour objet de réglementer les activités des navires de pêche et dépassent dès lors, par leur contenu, la seule protection de l’environnement, cette dernière n’en constitue pas moins leur composante principale.

98      Sagissant, troisièmement, des objectifs poursuivis par le document de réflexion et par les mesures envisagées, il ressort tant de leurs considérants que de leurs dispositions que ledit document et lesdites mesuresvisent àconserver, à étudier et à protéger les écosystèmes, la biodiversité et les habitats en Antarctique, ainsi qu’à lutter contre les effets dommageables du changement climatique sur cette région extrêmement importante pour le climat mondial. Ainsi, les espèces animales que ces mesures visent à protéger ne se limitent pas à celles qui font l’objet d’une pêche commerciale, mais incluent, notamment, comme le mentionnent les pages 4 et 5 du document de réflexion, le point 3.1, sous b), de la proposition de création d’une AMP en mer de Weddell et le point 3, i) de la proposition de création d’une AMP en mer de Ross, certains oiseaux et mammifères marins.

99      Ainsi, les objectifs poursuivis par le document de réflexion et par les mesures envisagées,lesquels contribuent à la réalisation de plusieurs des objectifs de la politique de l’Union en matière d’environnement, énoncés à l’article 191, paragraphe 1, TFUE, corroborent les conclusions tirées aux points 94 et 97 du présent arrêt.

100    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la Commission, la pêche apparaît comme n’étant qu’une finalité accessoire du document de réflexion et des mesures envisagées. Étant donné que ce document et ces mesures ont pour finalité et pour composante principales la protection de l’environnement, il doit être constaté que les décisions attaquées relèvent non pas de la compétence exclusive de l’Union, consacrée à l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE, mais de la compétence que celle-ci partage, en principe, avec les États membres en matière de protection de l’environnement en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous e), TFUE.

101    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que, en vertu de l’article 11 TFUE, les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de l’Union, y compris de la PCP. En effet, si l’Union doit se conformer à cette disposition lorsqu’elle exerce l’une de ses compétences, il n’en demeure pas moins que la politique de l’environnement est explicitement mentionnée dans les traités comme constituant un domaine de compétence autonome et que, en conséquence, lorsque la finalité et la composante principales d’une mesure ont trait à ce domaine de compétence, cette mesure doit également être considérée comme relevant dudit domaine de compétence [voir, en ce sens, avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001, EU:C:2001:664, points 34 et 42 à 44].

102    De même, s’il est certes loisible à l’Union d’intégrer dans la PCP des éléments destinés à mettre en œuvre cette politique dans le cadre d’une approche écosystémique visant à minimiser les incidences négatives des activités de pêche sur l’écosystème marin et à éviter la dégradation, en raison de ces activités, du milieu marin, comme l’illustrent le considérant 13 du règlement no 1380/2013 ainsi que l’article 2, paragraphe 3, et l’article 4 de ce règlement, une telle approche poursuit un objectif beaucoup plus limité que ceux poursuivis par le document de réflexion et les mesures envisagées, exposés au point 98 du présent arrêt, et ne saurait, dès lors, justifier l’intégration de ces mesures dans la PCP.

103    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 2, TFUE

–       Argumentation des parties

104    À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que, dans l’hypothèse où la soumission du document de réflexion et des mesures envisagées à la commission CAMLR ne relèverait pas de la compétence de l’Union visée à l’article 3, paragraphe 1, sous d), TFUE, l’Union aurait néanmoins dû proposer ce document et ces mesures en son nom seul, et ce en vertu de l’article 3, paragraphe 2, TFUE.

105    À cet égard, la Commission rappelle que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, l’Union dispose d’une compétence exclusive pour la conclusion d’un accord international, dès lors que cet accord est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée. Or, cette compétence concernerait non pas uniquement la conclusion des accords internationaux, mais également, comme en l’espèce, l’adoption de mesures d’exécution par les instances établies en vertu de ceux-ci. Par suite, à supposer que la participation au vote devant conduire à l’adoption, au sein de la commission CAMLR, des mesures envisagées relève d’une compétence partagée, cette dernière serait devenue exclusive pour deux motifs. D’une part, lesdites mesures contrediraient la position pluriannuelle aux termes de laquelle les positions au sein de cette instance internationale doivent être prises par l’Union agissant seule. D’autre part, la mise en place des AMP et des zones de recherche spéciales proposées serait susceptible d’affecter plusieurs règles contenues dans les règlements nos 600/2004 et 601/2004.

106    Par ailleurs, la Commission estime que le Conseil a considéré à tort qu’une compétence partagée entraîne nécessairement une action externe mixte de l’Union et de ses États membres. En réalité, selon la Commission, le Conseil refuse de respecter le fait que, dans un domaine supposé de compétence partagée, l’Union puisse effectivement agir seule et puisse le faire en appliquant la procédure décisionnelle prévue par les traités.

107    Dans son mémoire en défense, le Conseil, soutenu par l’ensemble des États membres intervenants,fait valoir, d’une part, que les mesures envisagées, si elles devaient être adoptées, ne sont pas susceptibles d’affecter la portée de la position pluriannuelle, car, ainsi que cela ressort de son article 1er et du point 2 de son annexe I, le champ d’application de ladite position pluriannuelle a été sciemment limité par le Conseil aux questions relevant de la PCP. Or, les mesures envisagées ne relèveraient pas de cette politique.

108    Quant à l’argument exposé par la Commission au sujet des deux règlements évoqués, celui-ci ne répondrait pas aux exigences de preuve résultant de la jurisprudence de la Cour. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 4 septembre 2014, Commission/Conseil (C‑114/12, EU:C:2014:2151, point 75), il appartient à la partie qui se prévaut du caractère exclusif de la compétence externe de l’Union d’en apporter la preuve. Or, la Commission n’aurait pas apporté d’élément de nature à établir le caractère exclusif de la compétence externe de l’Union dont elle se prévaut sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, TFUE. En tout état de cause, les mesures envisagées ne contiendraient aucune disposition susceptible d’affecter l’application des règlements nos 600/2004 et 601/2004, car ces derniers concerneraient les activités de pêche, et non, comme en l’espèce, les activités de conservation des ressources biologiques.

109    Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel le Conseil aurait confondu compétence partagée et mixité de l’action, bien que cet argument ait été exposé par la Commission dans ses requêtes, le Conseil a choisi de ne pas y répondre.

–       Appréciation de la Cour

110    En ce qui concerne l’argument relatif à l’application de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, il convient de rappeler, tout d’abord, que, en vertu de cette disposition, l’Union dispose d’une compétence exclusive pour la conclusion d’un accord international lorsque cette conclusion est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée.

111    Ainsi, en réservant une compétence exclusive à l’Union pour adopter un accord dans les conditions précisées à l’article 3, paragraphe 2, TFUE, par cette disposition, le législateur de l’Union entend éviter que les États membres puissent, unilatéralement ou collectivement, contracter avec des États tiers des obligations susceptibles d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée [voir, en ce sens, avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017, EU:C:2017:376, point 170].

112    Eu égard à un tel objectif, l’article 3, paragraphe 2, TFUE doit donc être interprété, afin de préserver son effet utile, en ce sens que, bien que son libellé se réfère uniquement à la conclusion d’un accord international, il s’applique également, en amont, lors de la négociation d’un tel accord et, en aval, lorsqu’une instance établie en vertu dudit accord est appelée à adopter des mesures d’exécution de celui-ci.

113    Ensuite, il résulte d’une jurisprudence consolidée qu’il existe un risque de porter atteinte à des règles communes de l’Union par des engagements internationaux pris par les États membres, ou d’altérer la portée des règles, propre à justifier une compétence externe exclusive de l’Union, lorsque ces engagements relèvent du domaine d’application desdites règles, étant entendu que la constatation d’un tel risque ne présuppose pas une concordance complète entre le domaine couvert par les engagements internationaux et celui de la réglementation de l’Union. En particulier, la portée des règles de l’Union est susceptible d’être affectée ou altérée par des engagements internationaux, lorsque ces derniers relèvent d’un domaine déjà couvert en grande partie par de telles règles [avis 1/13 (Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du 14 octobre 2014 EU:C:2014:2303, points 71 à 73].

114    En outre, l’existence d’un tel risque d’affectation peut être constatée lorsque, sans être nécessairement en contradiction avec les règles communes de l’Union, les engagements internationaux en cause sont susceptibles d’avoir une incidence sur le sens, la portée et l’efficacité de ces règles [voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Commission/Conseil, C‑114/12, EU:C:2014:2151, point 102, et avis 1/13 (Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du 14 octobre 2014, EU:C:2014:2303, point 85].

115    Il appartient à la partie concernée d’apporter les éléments de nature à établir que le caractère exclusif de la compétence externe de l’Union dont elle entend se prévaloir a été méconnu (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Commission/Conseil, C‑114/12, EU:C:2014:2151, point 75).

116    Or, en l’espèce, la Commission n’a pas apporté de tels éléments.

117    En effet, il convient de constater, en premier lieu, que, afin d’établir que les engagements internationaux en cause relèvent d’un domaine déjà couvert par des règles de l’Union, la Commission se borne à évoquer le contenu de la position pluriannuelle ainsi que des règlements nos 600/2004 et 601/2004, sans analyser si le domaine d’application de ces derniers couvre « en grande partie » ceux visés par lesdits engagements internationaux.

118    Or, à cet égard, il découle de l’analyse faite aux points 89 à 92 du présent arrêt que la convention de Canberra habilite la commission CAMLR, à qui le document de réflexion et les mesures envisagées ont été adressés, à adopter des mesures ayant pour composante et finalité principales et, donc, essentiellement pour domaine d’application la protection de l’environnement.

119    En revanche, il apparaît que le domaine couvert par la position pluriannuelle ainsi que par les règlements nos 600/2004 et 601/2004 est, en substance, limité à la pêche. En effet, d’une part, il ressort de l’article 1er ainsi que du point 2 de l’annexe I de la position pluriannuelle que celle-ci s’étend aux positions à adopter au nom de l’Union au sein de la commission CAMLR lorsque cette instance est appelée à prendre des décisions ayant des effets juridiques dans des domaines liés à la PCP. D’autre part, il découle des considérants 4 et 5 du règlement no 600/2004 et du considérant 6 du règlement no 601/2004 ainsi que du libellé de l’article 1er de chacun de ces règlements que ces derniers visent essentiellement à réglementer les activités de pêche dans la zone d’application de la convention de Canberra.

120    Ainsi, le domaine d’application des engagements internationaux concernés ne saurait être considéré, en tout état de cause, comme relevant « en grande partie » de celui déjà couvert par la position pluriannuelle ou par les règlements nos 600/2004 et 601/2004.

121    En second lieu, la Commission n’a pas fourni suffisamment d’éléments relatifs à la nature du risque d’affectation allégué.

122    En effet, pour ce qui est de la position pluriannuelle, la Commission se borne à indiquer que celle-ci ne prévoit pas l’obligation pour l’Union d’agir conjointement avec les États membres. Or, sur ce point, il suffit de constater que l’article 1er de la position pluriannuelle précise que celle-ci concerne uniquement l’établissement de la position de l’Union à l’occasion de la réunion annuelle de la commission CAMLR lorsque cette dernière est appelée à adopter des décisions ayant des effets juridiques sur des questions relevant de la PCP. Il s’ensuit que, en tout état de cause, cette position pluriannuelle ne préjugeait aucunement de la question de savoir si les décisions attaquées, dont la composante et la finalité principales relèvent de la politique de l’environnement, devaient être adoptées par l’Union seule ou par l’Union agissant avec le concours des États membres.

123    De même, en ce qui concerne les règlements nos 600/2004 et 601/2004, la Commission a certes fait état de plusieurs règles communes auxquelles, selon elle, les mesures envisagées, si elles venaient à être adoptées, seraient susceptibles de porter atteinte et, ainsi, a apporté certains éléments de nature à démontrer que les mesures envisagées relèvent, à tout le moins en partie, du domaine d’application des règlements nos 600/2004 et 601/2004. Toutefois, elle n’a pas identifié, afin de démontrer que ces mêmes mesures sont susceptibles d’avoir une incidence sur le sens, la portée et l’efficacité de ces règlements, les dispositions de ces mesures qui seraient à l’origine desdites atteintes, ni même précisé la teneur de ces atteintes.

124    Partant, l’argument de la Commission selon lequel les décisions attaquées ont été adoptées en violation de l’article 3, paragraphe 2, TFUE doit être rejeté comme étant non fondé.

125    S’agissant encore de l’argument exposé par la Commission par lequel celle-ci fait valoir que le Conseil a confondu les notions de « compétence partagée » et de « mixité de l’action externe » et, en conséquence, a refusé que, dans un domaine de compétence partagée, l’Union puisse agir seule, celui-ci ne saurait prospérer.

126    À cet égard, la Cour a, certes, eu l’occasion de préciser que la seule circonstance qu’une action de l’Union sur la scène internationale relève d’une compétence partagée entre celle-ci et les États membres n’exclut pas la possibilité que le Conseil recueille en son sein la majorité requise pour que l’Union exerce seule cette compétence externe [voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2017, Allemagne/Conseil, C‑600/14, EU:C:2017:935, point 68, citant le point 244 de l’avis 2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017, EU:C:2017:376].

127    Cela étant, en vertu d’une jurisprudence constante, lorsque l’Union décide d’exercer ses compétences, un tel exercice doit se faire dans le respect du droit international (voir en ce sens, notamment, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 291 ainsi que jurisprudence citée).

128    Or, dans le cadre spécifique du système conventionnel sur l’Antarctique, l’exercice, par l’Union, de la compétence externe en cause dans les présentes affaires qui exclurait les États membres serait incompatible avec le droit international.

129    En effet, il résulte de la lecture conjointe de l’article VII, paragraphe 2, sous c), et de l’article XXIX, paragraphe 2, de la convention de Canberra qu’une organisation d’intégration économique régionale, telle que l’Union, ne peut adhérer à cette convention et devenir membre de la commission CAMLR qu’à condition que ses États membres le soient. En revanche, aucune condition analogue, liant la présence de ces États au sein de la commission CAMLR au fait que l’organisation régionale concernée soit également membre de cette commission, n’est prévue.

130    Par conséquent, il doit être constaté que la convention de Canberra n’accorde pas aux organisations d’intégration régionale, telle que l’Union, un statut complètement autonome au sein de la commission CAMLR.

131    Il en va d’autant plus ainsi que l’ensemble des traités et des conventions internationaux applicables à l’Antarctique forme un système organisé et cohérent, coiffé par le traité le plus ancien et le plus général d’entre eux, à savoir le traité sur l’Antarctique, ce que traduisent les dispositions de l’article V de la convention de Canberra. Il en découle que même les parties à cette convention qui ne sont pas parties au traité sur l’Antarctique reconnaissent les obligations et les responsabilités particulières des parties consultatives à ce dernier traité et, en conséquence, appliquent les différentes mesures recommandées par celles-ci. Ainsi, il appartient, au premier chef, aux parties consultatives du traité sur l’Antarctique de faire évoluer ledit ensemble conventionnel relatif à l’Antarctique et d’en assurer la cohérence.

132    Or, l’Union figure parmi les parties contractantes de la convention de Canberra auxquelles s’adressent les dispositions de l’article V, paragraphes 1 et 2, de cette convention dans la mesure où elle n’est pas partie au traité sur l’Antarctique. Il s’ensuit, en particulier, qu’elle est tenue de reconnaître les obligations et les responsabilités particulières des parties consultatives du traité sur l’Antarctique, y compris de ceux de ses États membres qui ont ce statut, qu’ils soient membres de la commission CAMLR ou non.

133    Dans ces conditions, permettre à l’Union de recourir, au sein de la commission CAMLR, à la faculté dont elle dispose d’agir sans le concours de ses États membres dans un domaine de compétence partagée, alors même que, contrairement à elle, certains d’entre eux ont le statut de parties consultatives au traité sur l’Antarctique, risquerait, eu égard à la place particulière de la convention de Canberra au sein du système conventionnel sur l’Antarctique, de compromettre les responsabilités et les prérogatives de ces parties consultatives, ce qui pourrait affaiblir la cohérence dudit système conventionnel et, en définitive, irait à l’encontre des dispositions de l’article V, paragraphes 1 et 2, de la convention de Canberra.

134    Il s’ensuit que le second moyen subsidiaire doit être rejeté.

135    Aucun des deux moyens n’ayant été accueilli, il convient de rejeter le recours dans son entièreté.

 Sur les dépens

136    L’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de cette institution.

137    Par ailleurs, l’article 140, paragraphe 1, du même règlement de procédure dispose que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      Le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.

Lenaerts

Bonichot

Arabadjiev

Vilaras

von Danwitz

Biltgen

Jürimäe

Juhász

Ilešič

Malenovský

Levits

Bay Larsen

 

Rodin      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2018.

Le greffier

 

Le président

A. Calot Escobar

 

K. Lenaerts


*      Langue de procédure : le français.