Language of document : ECLI:EU:F:2007:12

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

16 janvier 2007 (*)

« Fonctionnaires – Remboursement de frais – Indemnité d’installation – Indemnité journalière – Frais de voyage à l’entrée en fonctions – Lieu de recrutement – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire F‑126/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Andrea Borbély, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me R. Stötzel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Kraemer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras (rapporteur) et S. Gervasoni, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 22 décembre 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 23 décembre suivant), Mme Borbély demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes lui refusant le bénéfice de l’indemnité journalière et de l’indemnité d’installation, ainsi que le remboursement des frais de voyage exposés à l’occasion de son entrée en fonctions, et, d’autre part, la condamnation de la Commission au versement desdites indemnités, ainsi qu’au remboursement des frais de voyage susmentionnés.

 Cadre juridique

2        L’article 5 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») prévoit :

« 1. Une indemnité d’installation égale à deux mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer, ou égale à un mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire n’ayant pas droit à cette allocation, est due au fonctionnaire titulaire qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.

[…]

L’indemnité d’installation est affectée du coefficient correcteur fixé pour le lieu d’affectation du fonctionnaire.

[…]

3. L’indemnité d’installation est calculée d’après l’état civil et le traitement du fonctionnaire, soit à la date d’effet de la titularisation, soit à celle de l’affectation à un nouveau lieu de service.

L’indemnité d’installation est versée sur production de documents justifiant de l’installation du fonctionnaire au lieu de son affectation, ainsi que de celle de sa famille, si le fonctionnaire a droit à l’allocation de foyer.

[…] »

3        L’article 5, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, dans sa version applicable avant le 1er mai 2004, avait le contenu suivant :

« Une indemnité d’installation égale à deux mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer, ou égale à un mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire n’ayant pas droit à cette allocation, est due au fonctionnaire titulaire qui remplit les conditions pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement ou qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut. »

4        L’article 7 de l’annexe VII du statut dispose :

« 1. Le fonctionnaire a droit au remboursement de ses frais de voyage, pour lui-même, son conjoint et les personnes à sa charge qui vivent effectivement sous son toit :

a)       à l’occasion de l’entrée en fonctions, du lieu de recrutement au lieu d’affectation ;

[…]

c) […]

Les frais de voyage couvrent également le prix de la location éventuelle de places, ainsi que celui du transport de bagages et, le cas échéant, les frais d’hôtel nécessairement engagés.

2. Le remboursement s’effectue sur la base de l’itinéraire usuel le plus court et le plus économique, en chemin de fer première classe, entre le lieu d’affectation et le lieu de recrutement ou le lieu d’origine.

[…]

3. Le lieu d’origine du fonctionnaire est déterminé, lors de l’entrée en fonctions de celui-ci, compte tenu du lieu de recrutement ou du centre de ses intérêts. […]

[…] »

5        Aux termes de l’article 10 de l’annexe VII du statut :

« 1. Le fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut, a droit, pour une durée déterminée au paragraphe 2, à une indemnité journalière dont le montant est fixé comme suit :

Fonctionnaire ayant droit à l’allocation de foyer : [34,55] euros.

Fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer : [27,86] euros.

Le barème ci-dessus fait l’objet d’une révision à l’occasion de chaque examen du niveau des rémunérations effectué en application de l’article 65 du statut.

2. La durée d’octroi de l’indemnité journalière est déterminée comme suit :

a)       pour le fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer : 120 jours ;

b)       pour le fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer : à 180 jours ou – si le fonctionnaire intéressé a la qualité de fonctionnaire stagiaire – à la durée du stage augmentée d’un mois.

[…]

En aucun cas, l’indemnité journalière n’est octroyée au-delà de la date à laquelle le fonctionnaire a effectué son déménagement en vue de satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut. »

6        La décision de la Commission, du 15 avril 2004, portant adoption des dispositions générales d’exécution relatives à l’application de l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut, concernant la fixation du lieu d’origine, (ci-après les « DGE »), parue aux Informations administratives n° 57-2004, du 8 juin 2004, prévoit à son article 2 :

« 1. Lors de l’entrée en fonctions du fonctionnaire, le lieu d’origine de celui-ci est présumé être le lieu de recrutement.

À la demande du fonctionnaire présentée dans un délai d’un an suivant son entrée en service et sur la base de pièces justificatives, son lieu d’origine est fixé au centre de ses intérêts, si ce dernier lieu ne coïncide pas avec le lieu de recrutement.

2. Pour l’application de la présente décision on entend :

–        par lieu de recrutement, l’endroit où le fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de son recrutement. Ne peuvent être considérées comme résidence habituelle les résidences provisoires notamment pour études, service militaire, stages, tourisme ;

–        par centre d’intérêts, le lieu où le fonctionnaire conserve :

a.       ses attaches principales de nature familiale représentées, sauf cas exceptionnel dûment motivé, par, au choix du fonctionnaire :

1.

–        ses père et mère, ou l’un d’eux, ou à défaut ses grands-parents ou l’un d’eux ; ou à défaut ses beaux-parents ou l’un d’eux ; ou à défaut ses frères et soeurs ;

ou

–        ses enfants, ou l’un ou plusieurs de ses enfants

ou

2.      le domicile des conjoints, à la double condition

–        qu’il ait été leur résidence commune permanente antérieurement à l’entrée au service des Communautés du premier des conjoints à intégrer une institution, en qualité de fonctionnaire, d’agent temporaire, d’agent auxiliaire ou d’agent contractuel et

–        qu’il soit constitué par un bien immobilier sur lequel ils ont, ou l’un d’eux a, des attaches patrimoniales ;

b.       des attaches patrimoniales représentées par des biens immobiliers bâtis ;

c.       ses intérêts essentiels de nature civique aussi bien actifs que passifs.

Au cas où les trois critères visés sous a), b) et c) ne sont pas réunis au même lieu, le centre d’intérêts du fonctionnaire est considéré comme se trouvant au lieu où au moins deux de ces trois critères sont réunis ou, à défaut, où se trouvent les attaches principales de nature familiale représentées, dans ce cas-là, exclusivement par les père, mère ou enfants du fonctionnaire.

3. À défaut d’existence d’un centre d’intérêts suivant les critères énumérés au paragraphe 2, deuxième tiret, le lieu d’origine du fonctionnaire est fixé à son lieu de recrutement.

4. En cas de transfert d’une institution communautaire à une autre, le fonctionnaire conserve son lieu d’origine tel qu’il a été fixé par l’institution précédente. »

 Faits à l’origine du litige

7        La requérante est entrée en fonctions à la Commission le 1er mars 2005 en tant que fonctionnaire stagiaire.

8        Antérieurement, elle était employée par le ministère des Affaires étrangères hongrois, ce entre le 1er février 1998 et le 28 février 2005.

9        Depuis janvier 2002, elle se trouvait en position de détachement à la représentation permanente de la Hongrie auprès de l’Union européenne à Bruxelles en tant que diplomate. Son affectation à Bruxelles avait été décidée pour une période de quatre ans, à savoir du 2 janvier 2002 au 31 décembre 2005. Cependant, cette affectation s’est terminée prématurément, le 28 février 2005, du fait de son engagement par la Commission.

10      Pendant son détachement, la requérante habitait un logement meublé, mis à sa disposition gratuitement par le gouvernement hongrois. Suite à son engagement par la Commission, elle a quitté ce logement et s’est installée dans un appartement loué à ses propres frais, avec date de prise d’effet du bail le 1er avril 2005.

11      Suite à l’entrée en fonctions de la requérante, le service compétent de la Commission, sur la base des informations qu’elle avait portées sur le formulaire prévu à cette fin, a fixé son lieu d’origine et son lieu de recrutement à Bruxelles et, sur le fondement de cette décision, a refusé de lui accorder l’indemnité journalière, l’indemnité d’installation et le remboursement des frais de voyage exposés à l’occasion de ladite entrée en fonctions. Cette décision, annoncée oralement à l’intéressée le 2 mars 2005, a été confirmée par courrier du 30 mai 2005.

12      Le 31 mai 2005, la requérante a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») d’une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, tendant, en premier lieu, à l’annulation de la décision fixant son lieu de recrutement et son lieu d’origine à Bruxelles, en deuxième lieu, à la fixation de son lieu de recrutement et de son lieu d’origine en Hongrie, en troisième lieu, à la reconnaissance de son droit à l’indemnité journalière, à l’indemnité d’installation, au remboursement des frais de voyage exposés à l’occasion de son entrée en fonctions, à des jours de congé annuel supplémentaires ainsi qu’au paiement immédiat des sommes dues et, enfin, à la reconnaissance de tous autres droits découlant de la fixation de son lieu d’origine et de son lieu de recrutement en Hongrie.

13      Par courriel du 8 août 2005, l’AIPN a informé la requérante que la partie de la réclamation concernant la fixation de son lieu d’origine avait été requalifiée en demande, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, le dossier étant transmis au service compétent sous couvert d’une demande de modification de son lieu d’origine qu’elle considère être Törökszentmiklós (Hongrie) et non Bruxelles. Par décision de l’unité « Gestion des droits pécuniaires individuels » du 23 août 2005, le lieu d’origine de la requérante a été rectifié et fixé à Törökszentmiklós avec effet au 1er mars 2005.

14      S’agissant du lieu de recrutement et des conséquences de sa fixation à Bruxelles, l’AIPN a, par décision notifiée le 30 septembre 2005, rejeté la réclamation de la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

15      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal, ayant estimé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire, a décidé, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe I du statut de la Cour de justice, d’ouvrir la procédure orale à la suite du dépôt du mémoire en défense.

16      Par lettre du 4 juillet 2006, le Tribunal a demandé aux parties, à titre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), de répondre à des questions et de produire des documents. Le délai, initialement fixé au 26 juillet 2006, a été prorogé jusqu’au 25 août 2006. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai prorogé.

17      En application de l’article 65, sous a), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal a, en date du 10 juillet 2006, ordonné la comparution personnelle de la requérante lors de l’audience fixée au 27 septembre 2006.

18      Par lettre du 28 août 2006, la requérante a sollicité, au titre de l’article 55, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le report de l’audience à une date ultérieure, des raisons d’ordre familial empêchant sa comparution personnelle le 27 septembre 2006.

19      Par ordonnance du 7 septembre 2006, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les réponses et les documents fournis par les parties pour se conformer aux mesures d’organisation décidées le 4 juillet 2006, et vu la nécessité de juger les recours dans un délai raisonnable, a rapporté la mesure de comparution personnelle et maintenu l’audience à la date prévue.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission, du 30 septembre 2005, en ce qu’elle refuse de lui accorder, d’une part, l’indemnité journalière prévue à l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, d’autre part, l’indemnité d’installation prévue à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite annexe VII et, enfin, le remboursement des frais de voyage exposés à l’occasion de son entrée en fonctions, prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de cette même annexe VII ;

–        ordonner à la Commission de lui verser l’indemnité journalière, l’indemnité d’installation et le remboursement des frais de voyage exposés à l’occasion de son entrée en fonctions, majorés des intérêts calculés à compter des dates auxquelles ces sommes étaient dues en vertu de l’annexe VII du statut.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      rejeter le recours ;

–      statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur les conclusions en annulation

22      Il convient de commencer par relever que, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation de la requérante, le recours a pour effet de saisir le Tribunal des actes faisant grief contre lesquels la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8, et du Tribunal du 14 novembre 2006, Chatziioannidou/Commission, F-100/05, non encore publié au Recueil, point 24). Le recours doit donc être considéré comme dirigé contre la décision du 2 mars 2005, confirmée par courrier du 30 mai 2005 (ci-après la « décision attaquée »).

 Arguments des parties

23      La requérante soutient qu’il a déjà été répondu à suffisance de droit aux questions soulevées par son cas dans l’arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Mozzaglia/Commission (T‑137/95, RecFP p. I‑A‑619 et II‑1657), dans lequel il a été constaté qu’un expert national détaché à Bruxelles conservait sa résidence dans son pays d’origine et que, de ce fait, son recrutement par la Commission et son affectation à Bruxelles était de nature à comporter un changement de résidence.

24      Elle se réfère par la suite aux indemnités et remboursement litigieux, pris séparément, en commençant par l’indemnité journalière, et fait valoir que le lieu de résidence à prendre en considération est, conformément à l’arrêt Mozzaglia/Commission, précité, le centre des intérêts du fonctionnaire, lequel ne coïncide pas nécessairement avec sa résidence effective avant le recrutement. La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir apprécié correctement les circonstances particulières de son cas. Elle relève en particulier à cet effet qu’elle continuait à être employée, de façon permanente et à durée indéterminée, par le ministère hongrois des Affaires étrangères, qui lui versait également sa rémunération, tandis que son détachement à Bruxelles avait une durée limitée et bien déterminée et qu’elle conservait sa résidence ainsi que, en tant que diplomate, le centre de ses intérêts en Hongrie, pays de résidence de ses parents. La requérante soutient aussi qu’elle conservait des relations familiales et amicales stables en Hongrie, où elle se rendait fréquemment et où elle avait l’intention de s’installer après la fin de son détachement diplomatique à Bruxelles. C’est dans cette perspective qu’elle aurait acheté un appartement à Budapest en 2003, alors qu’elle n’occupait sur son lieu de détachement qu’un appartement meublé mis à disposition par son employeur hongrois, auquel elle a d’ailleurs dû le rendre peu de temps après son entrée en fonctions à la Commission. Ayant ainsi conservé en Hongrie sa résidence, au sens de l’article 10 de l’annexe VII du statut, elle aurait été tenue de changer de résidence pour se conformer à l’obligation prescrite par l’article 20 du statut, tout en gardant provisoirement, ce jusqu’à la fin de la période précaire que constitue le stage, sa résidence en Hongrie, où elle ne pouvait cependant plus habiter suite à son recrutement par la Commission à Bruxelles. Ainsi, elle considère avoir rempli les conditions posées par la disposition en question.

25      Quant au droit à l’indemnité d’installation, la requérante relève qu’à la lumière de la jurisprudence Mozzaglia/Commission, précitée, tout comme pour l’indemnité journalière, il lui suffit de prouver son changement de résidence sans devoir faire état de frais effectivement encourus. Elle considère cependant que l’indemnité d’installation aurait compensé les conséquences financières liées à son recrutement et à la circonstance qu’elle avait, de ce fait, perdu le droit d’habiter son logement précédent, réservé aux membres du service diplomatique de son pays.

26      Enfin, pour ce qui concerne les frais de voyage liés à son entrée en fonctions, la requérante identifie son lieu de recrutement à celui de sa résidence habituelle, laquelle, dans son cas, et pour les raisons exposées au sujet des deux indemnités litigieuses, ne pouvait être localisée à Bruxelles, où elle résidait de manière provisoire, mais plutôt en Hongrie, soit auprès du centre de ses intérêts.

27      Dans ses réponses aux questions posées par le Tribunal, la requérante a en premier lieu précisé que, après son recrutement par la Commission, elle n’avait pas effectué de déménagement de la Hongrie vers Bruxelles pour ne pas prendre le risque d’une opération onéreuse, étant donné que son lieu de résidence avait été fixé à Bruxelles par l’unité « Gestion des droits pécuniaires individuels ». Elle a également donné des informations sur des appartements qu’elle a loués en Hongrie entre 1998 et 2003, ainsi que sur l’appartement qu’elle y a acquis en 2003, précisant qu’elle s’était réservé l’utilisation exclusive de ce dernier. Elle a joint à sa réponse des factures afférentes à cet appartement et prouvant les frais exposés pour l’acquisition de matériel électroménager et pour la consommation de gaz et d’électricité. Par ailleurs, la requérante a présenté un relevé de ses vols vers Budapest durant la période de référence, démontrant de fréquents déplacements vers son pays d’origine. Concernant l’allocation de foyer versée par son employeur hongrois au titre de sa cohabitation avec son époux à Bruxelles, la requérante a répondu qu’elle y avait renoncé et qu’elle ne la percevait plus depuis août 2003, à savoir presque un an et demi avant son recrutement à la Commission, car son époux ne cohabitait plus avec elle à Bruxelles.

28      L’argumentation de la partie défenderesse porte tout d’abord sur l’indemnité d’installation et notamment sur le changement apporté par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents des Communautés (JO L 124, p. 1), à l’article 5 de l’annexe VII du statut, lequel prévoit ladite indemnité. Ce changement a consisté à supprimer la première condition alternative à laquelle le législateur communautaire subordonnait le bénéfice de cette indemnité, c’est-à-dire la reconnaissance à l’intéressé du droit à l’indemnité de dépaysement. Dorénavant, la reconnaissance du droit à cette dernière indemnité n’emporte plus reconnaissance automatique du droit à l’indemnité d’installation. La partie défenderesse prétend que la modification de l’article 5 de l’annexe VII du statut serait méconnue si la notion de résidence, telle que prévue par la disposition relative à la condition d’octroi de l’indemnité d’installation, continuait à être interprétée conformément à la jurisprudence développée jusqu’alors. Selon elle, l’élément décisif pour bénéficier de cette indemnité devrait être le lieu effectif de résidence. Par conséquent, la partie défenderesse considère comme dénuées de pertinence les circonstances invoquées par la requérante pour prouver que le centre de ses intérêts, et, partant, sa résidence au sens de l’article 5 de l’annexe VII du statut, se trouvait en Hongrie et non pas à Bruxelles lors de son recrutement. Ainsi, ni l’achat d’un appartement en Hongrie, ni le caractère provisoire de son habitation à Bruxelles, ni la circonstance qu’elle y occupait un logement meublé mis à sa disposition par les services diplomatiques, mais auquel elle aurait dû renoncer après son recrutement par la Commission, ne viendraient au soutien de son argumentation. S’agissant en particulier des conditions de l’installation de la requérante à Bruxelles, la partie défenderesse conteste le fait que son entrée en fonctions auprès de la Commission lui aurait causé des frais particuliers devant être compensés par l’indemnité d’installation ou, en tout cas, des frais supérieurs à ceux qu’aurait encourus toute personne travaillant à Bruxelles.

29      Pour ce qui concerne les frais de voyage occasionnés par l’entrée en fonctions de la requérante, la partie défenderesse fait valoir que c’est le lieu de recrutement qui en conditionne le paiement, la notion de centre des intérêts étant sans pertinence pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. Cette disposition ne viserait en effet que le cas où le lieu d’affectation est différent du lieu de recrutement.

30      Quant à l’indemnité journalière, la partie défenderesse renvoie à son argumentation relative à l’indemnité d’installation et ajoute que, selon la jurisprudence, l’indemnité journalière est soumise à une condition supplémentaire, à savoir que l’intéressé ait dû conserver deux résidences simultanément et que, de surcroît, du fait de son recrutement par une institution communautaire, il eût été dans l’impossibilité de continuer à habiter sur le lieu de son ancienne résidence. Ainsi, la circonstance que la requérante aurait acheté un appartement à Budapest, sans cependant l’avoir jamais habité, ne serait pas pertinente à l’égard de cette condition supplémentaire.

31      En réponse aux demandes que le Tribunal lui a adressées sur le fondement de l’article 65 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, la partie défenderesse a fourni le texte de certaines dispositions générales d’exécution concernant les indemnités et remboursement prévus à la section 3 de l’annexe VII du statut et expliqué dans quelles conditions elle octroie ces indemnités aux personnes nommées fonctionnaires stagiaires qui ont auparavant servi en qualité d’autres agents.

 Appréciation du Tribunal

 Sur l’indemnité d’installation et l’indemnité journalière

32      Il est de jurisprudence constante que le terme « résidence » employé dans les dispositions prévoyant les conditions d’octroi des indemnités prévues par les articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut doit être compris comme désignant le centre des intérêts du fonctionnaire concerné (arrêts du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Lozano Palacios/Commission, T‑33/95, RecFP p. I‑A‑575 et II‑1535, point 47, Monteiro da Silva/Commission, T‑74/95, RecFP p. I‑A‑583 et II‑1559, point 47, et Mozzaglia/Commission, précité, point 40).

33      Il a été en particulier jugé que ce terme vise le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts et qu’il implique en outre, indépendamment de la donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et de déroulement de rapports sociaux normaux (arrêt du Tribunal de première instance du 18 septembre 2002, Puente Martín/Commission, T‑29/01, RecFP p. I‑A‑157 et II‑833, point 60, relatif à l’article 5 de l’annexe VII du statut).

34      C’est en application de cette jurisprudence que la requérante prétend aux indemnités litigieuses, en faisant valoir que, en dépit de son détachement à Bruxelles du 2 janvier 2002 au 28 février 2005, elle n’avait pas déplacé le centre de ses intérêts dans cette ville, mais qu’elle l’avait conservé à Budapest.

35      La partie défenderesse rétorque cependant que la jurisprudence susmentionnée, sur laquelle la requérante s’appuie, n’est plus applicable depuis la modification de l’article 5 de l’annexe VII du statut opérée par la réforme de 2004.

36      Dans ces conditions, il convient de commencer par examiner si la position de la Commission est bien fondée et, dans la négative, de localiser le centre des intérêts de la requérante. Par la suite, et pour ce qui concerne la demande relative aux frais de voyage, le Tribunal déterminera le lieu de recrutement de la requérante.

–       Quant aux effets de la modification de l’article 5 de l’annexe VII du statut sur la jurisprudence qui assimile la notion de résidence au centre des intérêts

37      Pour la partie défenderesse, la modification apportée à l’article 5 de l’annexe VII du statut, laquelle consistait en la suppression de la première condition alternative à laquelle l’octroi de l’indemnité d’installation était subordonné, avait comme objectif de réserver l’octroi de cette indemnité aux seuls fonctionnaires ou agents dont l’entrée en fonctions dans une institution communautaire entraînait un changement du lieu effectif de leur résidence.

38      Avant cette modification, la reconnaissance du droit à l’indemnité de dépaysement emportait automatiquement reconnaissance du droit à l’indemnité d’installation. Certes, l’indemnité de dépaysement n’était pas octroyée aux fonctionnaires qui, avant leur entrée en fonctions dans une institution communautaire, habitaient ou travaillaient, pendant une certaine période sur le territoire de l’État dans lequel se trouvait ladite institution. Cette règle connaissait cependant une exception, bénéficiant aux personnes qui travaillaient pour le compte d’un État ou d’une organisation internationale. Pour celles-ci, la circonstance qu’elles avaient habité ou travaillé sur le territoire de l’État de leur affectation communautaire future, voire peut-être jusqu’à la veille de leur entrée en fonctions en tant que fonctionnaires stagiaires, n’était pas prise en compte. Elles avaient ainsi le droit de recevoir l’indemnité de dépaysement et, par là même, l’indemnité d’installation, en dépit de l’absence de changement de leur lieu de résidence effective.

39      Sous le nouveau régime, l’indemnité de dépaysement est clairement dissociée de l’indemnité d’installation. La reconnaissance du droit à la première n’emporte aucunement reconnaissance du droit à la seconde. Par conséquent, les diplomates et fonctionnaires internationaux, qui, en cas de recrutement par une institution communautaire établie dans la même ville que leur employeur précédent, pourront bénéficier, comme antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004, de l’indemnité de dépaysement, ne pourront cependant plus prétendre, de ce seul fait, à l’indemnité d’installation. Ils devront, tout comme les autres fonctionnaires stagiaires, satisfaire à une condition unique consistant à démontrer qu’ils ont été tenus de changer de résidence afin de se conformer à l’obligation de l’article 20 du statut, à savoir résider au lieu de leur affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’ils ne soient pas gênés dans l’exercice de leurs fonctions.

40      Pour la Commission, cette modification serait méconnue si l’on continuait à assimiler la résidence au centre des intérêts du fonctionnaire. En effet, dans la mesure où les affectations des diplomates et des fonctionnaires internationaux sont dans la grande majorité des cas provisoires, ceux-ci pourraient prétendre que le centre de leurs intérêts se trouve toujours dans leur pays d’origine.

41      L’argumentation de la Commission ne saurait être accueillie.

42      En effet, en premier lieu, les références faites par la Commission à l’intention du législateur et à l’objectif visé par la modification de l’article 5 de l’annexe VII du statut ne sont étayées d’aucun élément de preuve tiré des travaux préparatoires. Aucun des considérants du règlement no 723/2004 ne contient d’indications particulières quant aux motifs de cette modification.

43      En deuxième lieu, l’interprétation préconisée par la Commission part en réalité de la prémisse qu’il ne peut y avoir, pour chaque fonctionnaire, qu’un seul lieu de résidence avant son recrutement. Or, à plusieurs reprises, et notamment tout récemment, le Tribunal de première instance a admis la possibilité d’existence de deux résidences, la première au titre de la résidence habituelle, la deuxième au titre de l’activité professionnelle principale (arrêts du Tribunal de première instance du 13 décembre 2004, E/Commission, T‑251/02, RecFP p. I‑A‑359 et II‑1643, point 73, et du 27 septembre 2006, Koistinen/Commission, T‑259/04, non encore publié au Recueil, point 38). Or, rien ne permet de supposer que la modification de l’article 5 de l’annexe VII du statut avait pour objet ou a eu pour effet de rendre également caduque cette jurisprudence, qui correspond d’ailleurs à une situation de plus en plus fréquente en pratique.

44      En troisième lieu, force est de constater, à la lumière notamment des deux considérations ci-dessus, que la suppression de la première condition alternative de l’article 5 de l’annexe VII du statut peut tout au plus être interprétée en ce sens que le législateur a voulu rétablir l’égalité, en ce qui concerne les conditions d’octroi de l’indemnité d’installation, entre toutes les personnes entrant en fonctions dans une institution communautaire après avoir habité ou travaillé sur le territoire de l’État dans lequel cette institution se trouve. Dorénavant, les personnes qui, antérieurement à leur entrée dans la fonction publique communautaire, travaillaient pour un État ou pour une organisation internationale, doivent, tout comme les autres fonctionnaires communautaires, prouver qu’elles remplissent la condition unique prévue à l’article 5 de l’annexe VII du statut, dans sa nouvelle version. Toutefois, une telle assimilation entre deux catégories de fonctionnaires ne signifie nullement que le législateur a également voulu modifier le contenu même de la condition en question, qui est énoncée exactement dans les mêmes termes tant dans l’ancienne que dans la nouvelle version de l’article 5 de l’annexe VII du statut.

45      Par ailleurs, et contrairement à ce que la Commission fait valoir, le maintien de la jurisprudence relative à la notion de résidence au sens de l’article 5 de l’annexe VII du statut n’aurait pas comme conséquence de réinsérer dans cette disposition la première condition alternative du texte, tel qu’il était applicable avant le 1er mai 2004, ce qui méconnaîtrait la modification apportée à ce texte. S’il est vrai que les affectations des diplomates sont, en règle générale, provisoires, il n’en va pas nécessairement de même pour les fonctionnaires internationaux, certaines organisations internationales garantissant à leurs fonctionnaires des postes permanents ou même à vie. En toute hypothèse, le caractère provisoire d’une affectation ne préjuge en rien du centre des intérêts de la personne qui fait l’objet d’une telle affectation. Rien ne s’oppose en effet à ce que, en dépit du caractère provisoire de son affectation en un lieu déterminé, une personne fasse de ce lieu le centre de ses intérêts au sens de la jurisprudence communautaire. Il appartient toujours à l’administration, en application des critères dégagés par la jurisprudence, d’examiner au cas par cas si le fonctionnaire qu’elle recrute avait effectivement déplacé le centre de ses intérêts vers son lieu d’affectation communautaire.

46      Il est vrai qu’une telle appréciation au cas par cas, portant de surcroît sur une question qui comporte des éléments de subjectivité, constitue une charge de travail supplémentaire pour l’administration. Cette constatation n’est cependant pas de nature à offrir un argument en faveur de l’interprétation préconisée par la Commission. Si le législateur avait effectivement eu l’intention que la partie défenderesse lui prête, il n’aurait pas limité la modification de l’article 5 de l’annexe VII du statut à la seule suppression de la première condition alternative, mais, eu égard à la jurisprudence bien établie sur la notion de résidence, il l’aurait également étendue à la seconde condition alternative. Dans cette hypothèse, ladite condition, devenue dorénavant l’unique condition d’octroi de l’indemnité d’installation, aurait dû avoir vu son libellé adapté dans le sens que la Commission cherche à lui attribuer, en précisant par exemple que le changement de résidence requis concerne le lieu effectif de résidence.

47      Il en résulte que si la suppression de la première condition alternative de l’article 5 de l’annexe VII du statut, dans sa version applicable avant le 1er mai 2004, démontre effectivement la volonté du législateur de limiter le nombre des bénéficiaires de l’indemnité d’installation et, notamment, de priver d’un droit automatique à cette indemnité certains fonctionnaires ou agents ayant auparavant habité ou travaillé dans l’État de leur affectation communautaire future, il ne s’ensuit nullement que le législateur ait voulu que toute résidence effective dans cet État, notamment une résidence provisoire, en particulier pour des raisons professionnelles, devienne une circonstance ayant nécessairement pour effet de priver les intéressés de ladite indemnité. La résidence effective constitue un facteur qui, parmi d’autres, détermine le centre des intérêts du fonctionnaire.

48      Une telle approche est corroborée par la finalité de l’article 5 de l’annexe VII du statut que la modification des conditions d’octroi de l’indemnité concernée n’avait pas pour effet ou pour objet d’altérer, à savoir compenser les charges liées à la situation du fonctionnaire titularisé qui, passant d’un statut précaire à un statut définitif, doit dès lors se mettre en mesure de résider et de s’intégrer à son lieu d’affectation d’une façon permanente et durable pour une durée indéterminée mais substantielle (arrêt Monteiro da Silva/Commission, précité, point 63). Par conséquent, l’existence d’une résidence provisoire à Bruxelles, notamment à des fins professionnelles, n’est pas dans tous les cas en contradiction avec le but poursuivi par l’indemnité d’installation, laquelle correspond à des contraintes auxquelles ne sont pas normalement soumises les personnes dont le centre des intérêts coïncide avec leur lieu d’affectation. Il doit en aller de même en ce qui concerne la finalité de l’indemnité journalière, qui est de compenser les frais et les inconvénients occasionnés par la situation précaire du fonctionnaire stagiaire, notamment au cas où il doit conserver en même temps sa résidence antérieure (ordonnance du Tribunal de première instance du 20 août 1998, Collins/Comité des régions, T‑132/97, RecFP p. I‑A‑469 et II‑1379, point 41), ce d’autant plus que, selon la jurisprudence, il convient d’interpréter de la même manière la condition en question dans le cadre des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut (arrêts du Tribunal de première instance, Monteiro da Silva/Commission, précité, point 64 ; Mozzaglia/Commission, précité, point 57 ; E/Commission, précité, point 100, et du 13 septembre 2005, Recalde Langarica/Commission, T‑283/03, non encore publié au Recueil, point 176).

49      Au vu de ce qui précède, le Tribunal arrive à la conclusion que la jurisprudence citée aux points 32 et 33 ci-dessus n’est pas affectée par la modification de l’article 5 de l’annexe VII du statut. Le terme « résidence » doit dès lors toujours être compris comme désignant le centre des intérêts du fonctionnaire ou de l’agent.

–       Quant au centre des intérêts de la requérante

50      Il ne fait aucun doute que le centre des intérêts de la requérante, au sens de la jurisprudence relative aux conditions d’octroi de l’indemnité d’installation et de l’indemnité journalière, était, au moins entre le 1er février 1998 et le 31 décembre 2001, fixé à Budapest.

51      En effet, le 1er février 1998, la requérante est entrée au service du ministère hongrois des Affaires étrangères, à Budapest où, par suite, elle a pris un appartement en location. On ne peut que présumer que sa vie sociale se déroulait également à Budapest, la ville où résident ses parents, Törökszentmiklós, se trouvant d’ailleurs à une distance relativement proche de la capitale hongroise.

52      Certes, elle a par la suite été détachée à Bruxelles, à la représentation permanente de la Hongrie auprès de l’Union européenne. Ledit détachement avait été décidé pour une durée de quatre ans et a débuté le 2 janvier 2002.

53      Son entrée en fonctions à la Commission étant intervenue le 1er mars 2002, la question se pose de savoir si, suite à son détachement à Bruxelles, cette ville était également devenue, antérieurement à cette date, le centre de ses intérêts au sens de la jurisprudence communautaire.

54      Pour ce faire, le Tribunal tient compte de tous les éléments de fait mis à sa disposition, notamment ceux figurant dans la réponse de la requérante, en date du 25 août 2006, aux questions qu’il lui avait posées, et dont la Commission a explicitement admis lors de l’audience ne pas contester la véracité. Au regard de ces éléments, le Tribunal conclut que Bruxelles n’était pas devenu le centre des intérêts de la requérante.

55      Il note, en premier lieu que, en dépit de son détachement à Bruxelles, la requérante a conservé jusqu’en mai 2003 l’appartement qu’elle louait à Budapest, 80 rue Izabella, qu’elle a alors quitté pour un autre sis 8 rue Varfok, occupé jusqu’en octobre 2003, date à laquelle elle a acquis un appartement au 15 boulevard Ferenc, dans la même ville. Ainsi, durant toute la durée de son détachement à Bruxelles, elle a gardé une habitation à Budapest, ce qui lui a occasionné des frais, notamment des loyers jusqu’en septembre 2003, puis, à compter d’octobre 2003, des frais incombant habituellement aux propriétaires, ainsi que des frais d’équipement et de consommations domestiques, par exemple de gaz et d’électricité, pour lesquels elle a fourni des pièces justificatives.

56      En deuxième lieu, la requérante n’avait pas seulement le droit de disposer de ces appartements, en qualité de locataire ou de propriétaire, mais elle affirme, sans être contredite sur ce point par la partie défenderesse, qu’elle les a de surcroît habités de manière assez régulière, ce qui est d’ailleurs corroboré par un relevé de la compagnie aérienne Malev, qu’elle a produit dans sa réponse aux questions du Tribunal, lequel fait état de trajets réguliers entre Bruxelles et Budapest jusqu’à la fin 2004.

57      La fréquence de ses voyages à Budapest démontre également, en troisième lieu, que c’est là plus qu’à Bruxelles que sa vie sociale s’y déroulait, bien entendu dans les limites des contraintes résultant de son travail.

58      Dans ce contexte, le fait que la requérante ait acquis un bien immobilier à Budapest, qu’elle a d’ailleurs commencé à équiper, ses déclarations étant sur ce point assorties de certaines pièces justificatives, n’est pas, contrairement à ce que la Commission prétend, dénué de pertinence. En effet, par l’acquisition, l’équipement et l’occupation de cet appartement, ce dans les limites des contraintes résultant de son travail à Bruxelles, elle a poursuivi sa résidence à Budapest, entamée au plus tard en 1998. Ces considérations de fait sont par ailleurs renforcées par la double circonstance que non seulement elle n’a pas procédé à une acquisition analogue à Bruxelles, mais qu’elle y habitait un appartement meublé, mis à sa disposition par le gouvernement hongrois.

59      En quatrième lieu, le Tribunal note que, si dès son affectation à Bruxelles en 2002, la requérante a reçu, au titre de sa cohabitation avec son époux dans cette ville, une allocation d’un montant correspondant à 25 % de son salaire, elle n’y a plus eu droit à compter d’août 2003, au motif que leur vie de couple se déroulait principalement en dehors de cette ville, notamment à Budapest, ainsi qu’à Hanovre, lieu d’établissement professionnel de son époux.

60      Dans ces conditions, le Tribunal est conduit à considérer que la requérante n’avait pas déplacé le centre de ses intérêts à Bruxelles avant son entrée en fonctions à la Commission, le 1er mars 2005.

61      Cette considération se trouve renforcée par des comparaisons avec les circonstances de fait d’autres affaires relatives aux indemnités et remboursement litigieux, notamment celles invoquées par la Commission à l’appui de son argumentation.

62      En particulier, le Tribunal ne constate pas de différence significative entre le cas de la requérante et celui des experts nationaux détachés, auxquels le Tribunal de première instance a reconnu le droit à l’indemnité d’installation et à l’indemnité journalière une fois recrutés en tant que fonctionnaires stagiaires. En effet, et contrairement à ce que la Commission prétend, la requérante, juste avant son entrée en fonctions à la Commission, « occupait » un appartement à Budapest tout comme MM. Mozzaglia et Monteiro da Silva occupaient des appartements dans leurs villes d’origine. Tant la requérante que ces deux experts nationaux avaient le droit de jouir des lieux, en qualité de propriétaires ou de locataires, y exposant de ce fait des frais. De plus, ils s’y rendaient régulièrement, sans cependant que, dans l’un ou dans l’autre cas, il soit possible de déterminer la fréquence exacte de leurs retours vers leurs villes d’origine.

63      Par ailleurs, le Tribunal constate que le cas d’espèce se distingue de celui exposé dans l’arrêt Lozano Palacios/Commission, précité, dans lequel le Tribunal de première instance a jugé que l’intéressée n’avait pas maintenu le centre de ses intérêts dans son pays d’origine, au motif, entre autres, qu’elle sous-louait l’appartement qu’elle y avait conservé et n’avait pas de résidence en un lieu précis en Espagne. Dans la présente espèce, non seulement la requérante a maintenu à Budapest sa résidence antérieure prise en location, mais elle y a même acquis une nouvelle résidence, s’exposant de surcroît à des dépenses pour l’équiper en matériel nécessaire à une occupation régulière des lieux, comme par exemple une machine à laver.

64      Un argument additionnel en faveur de la position défendue par la requérante peut être tiré de l’arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Gammeltoft/Commission (T‑132/95, RecFP p. I‑A‑611 et II‑1633). Dans cette affaire, introduite par un agent temporaire danois qui, antérieurement à son entrée en fonctions à la Commission, avait travaillé dans cette même ville en tant qu’expert national détaché puis comme agent auxiliaire, le Tribunal de première instance a jugé que l’intéressé avait maintenu le centre de ses intérêts dans son pays d’origine, malgré le fait qu’il avait déménagé avec sa famille à Bruxelles et donné en location son appartement au Danemark.

65      Il résulte de ce qui précède qu’aux fins de l’application des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, la résidence de la requérante, avant son entrée en fonctions à la Commission, le 1er mars 2005, se trouvait à Budapest. Ayant été tenue de la déplacer à Bruxelles, afin de se conformer aux obligations résultant de l’article 20 du statut, tout en ayant du reste conservé sa résidence hongroise pendant la période précaire du stage, elle était en droit d’obtenir tant l’indemnité d’installation que l’indemnité journalière. Il convient dès lors de faire droit à la première branche des conclusions de la requérante et d’annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle lui refuse lesdites indemnités.

 Sur le remboursement des frais de voyage à l’occasion de l’entrée en fonctions

66      Contrairement à ce qui a été jugé ci-dessus au sujet de l’indemnité d’installation et l’indemnité journalière, le Tribunal considère que c’est à bon droit que la Commission a refusé à la requérante le bénéfice de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, qui prévoit le remboursement des frais de voyage du lieu de recrutement au lieu d’affectation, à l’occasion de l’entrée en fonctions. En effet, la jurisprudence (arrêt du Tribunal de première instance du 10 juillet 1992, Benzler/Commission, T‑63/91, Rec. p. II‑2095, points 23 et 24 ; Monteiro da Silva, précité, points 70 et 71, et du 28 septembre 1999, J/Commission, T‑28/98, RecFP p. I‑A‑185 et II‑973, point 47) identifie le lieu de recrutement du fonctionnaire à sa résidence habituelle lors du recrutement, c’est-à-dire à une notion qui n’est pas littéralement la même que la simple résidence visée aux articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut et qu’il convient donc d’interpréter à la lumière de la finalité de la disposition précitée de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de ladite annexe. Or, de toute évidence, cette disposition vise à faire supporter par l’employeur communautaire les frais de voyage que le fonctionnaire a dû exposer afin d’atteindre le lieu de son affectation future. Force est cependant de constater que le fonctionnaire ne saurait s’exposer à de tels frais, si, quel que soit le centre de ses intérêts au sens des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, il se trouvait déjà au moment de son recrutement, notamment pour des raisons professionnelles, au lieu de sa future affectation.

67      Certes, le juge communautaire interprète le plus souvent la notion de résidence habituelle de la même manière que celle de résidence, visée aux articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, en l’assimilant également au centre des intérêts du fonctionnaire (arrêt J/Commission, précité, point 47). Cependant, le concept de centre des intérêts du fonctionnaire peut s’interpréter de manière différente selon la nature des indemnités prévues par le statut. La partie défenderesse elle-même admet que le centre des intérêts de la requérante, en tant que facteur de détermination de son lieu d’origine, se trouve en Hongrie, tandis qu’aux fins de l’application des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, elle le situe à Bruxelles. Ainsi, afin de tenir compte de la finalité de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, la recherche du centre des intérêts du fonctionnaire, qui détermine sa résidence habituelle, et par là même son lieu de recrutement, doit, à l’instar de ce qui est fait pour déterminer la résidence habituelle aux fins de l’application de l’article 4 de l’annexe VII du statut (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, Rec. p. I‑4295, point 22 ; arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2005, Dedeu i Fontcuberta/Commission, T‑299/02, non encore publié au Recueil, point 77) accorder une importance toute particulière à la résidence effective de l’intéressé, en particulier à son lieu de travail au moment de son recrutement.

68      Il n’en irait pas autrement même si le futur fonctionnaire s’était absenté de son lieu de travail précédent pour une courte période avant son entrée en fonctions, en faisant par exemple usage de son droit de congé annuel, afin de retourner au pays du centre de ses intérêts. Les frais qu’il exposerait par la suite pour revenir à son lieu de travail précédent, qui, par ailleurs, serait aussi le lieu d’exercice de ses futures fonctions pour une institution communautaire, ne pourraient donner lieu à un remboursement au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. En effet, le remboursement de ces frais, occasionnés par le fonctionnaire même, ne correspond pas à la finalité de cette disposition, telle qu’exposée ci-dessus.

69      Au vu de ce qui précède, force est de constater que la requérante, qui travaillait à temps plein à Bruxelles au moment où elle a reçu l’offre d’emploi de la Commission pour une affectation dans cette même ville, ainsi que postérieurement à cette date, et qui, selon le relevé des trajets aériens qu’elle a produit, est retournée à Budapest le 23 février 2005, revenant à Bruxelles quatre jours plus tard, ne peut prétendre au bénéfice de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

70      Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions en annulation en tant qu’elles sont dirigées contre la décision de la Commission de ne pas rembourser les frais de voyage de la requérante à l’occasion de son entrée en fonctions.

 Sur les conclusions visant à la condamnation de la Commission au versement à la requérante des indemnités litigieuses ainsi que des frais de voyage à l’occasion de l’entrée en fonctions

71      Selon une jurisprudence constante, le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions à une institution communautaire, en ordonnant à celle-ci de prendre les mesures qu’implique l’exécution d’un arrêt annulant une décision (arrêts du Tribunal de première instance du 9 juin 1994, X/Commission, T‑94/92, RecFP p. I‑A‑149 et II‑481, point 33, et du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 63). Néanmoins, dans les litiges de caractère pécuniaire, le Tribunal dispose d’une compétence de pleine juridiction, conformément à l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut, lui permettant de condamner l’institution défenderesse au paiement de montants déterminés et augmentés, le cas échéant, d’intérêts moratoires (arrêts du Tribunal de première instance du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil, T‑130/96, RecFP p. I‑A‑351 et II‑1017, point 39, et du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 32).

72      Cette solution n’est pas infirmée par le fait que la requérante n’a pas présenté de calcul des montants réclamés au titre des deux indemnités pour lesquelles le Tribunal a fait droit aux conclusions en annulation. En effet, l’indemnité d’installation, prévue par l’article 5 de l’annexe VII du statut, correspond au traitement de base auquel l’intéressé a droit au moment de ladite titularisation, ou au double de ce montant si, au moment de cette titularisation, il avait droit à l’allocation de foyer, tandis que le montant de l’indemnité journalière et la période durant laquelle l’intéressé y a droit sont définis par l’article 10 de l’annexe VII du statut, selon, ici aussi, qu’il perçoit ou non l’allocation de foyer. Il en résulte que les montants desdites indemnités sont directement et objectivement déterminables en application de deux paramètres clairs et non contestables, à savoir le traitement de base de la requérante et la reconnaissance ou non de son droit à l’allocation de foyer, au moment et durant les périodes pertinentes pour chacune des dispositions prévoyant ces indemnités. Dès lors, il convient de considérer que ce chef de conclusions est suffisamment précis et doit être déclaré recevable (arrêts Rudolph/Commission, précité, point 33, et Puente Martín/Commission, précité, point 87).

73      La décision refusant à la requérante le bénéfice de ces deux indemnités étant annulée, il s’ensuit que la partie défenderesse doit être condamnée à verser à cette dernière, conformément aux règles statutaires en vigueur, les montants desdites indemnités, augmentés des intérêts moratoires, à compter des dates auxquelles celles-ci étaient respectivement dues et jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les principales opérations de refinancement et applicable durant la période concernée, majoré de deux points (voir, arrêts du Tribunal de première instance, Puente Martín/Commission, précité, point 88, et du 9 juillet 2003, Efthymiou/Commission, T‑22/01, RecFP p. I‑A‑177 et II‑891, point 45).

 Sur les dépens

74      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

76      La requérante n’ayant pas présenté de conclusions quant à la charge des dépens, chaque partie doit supporter ses propres dépens (arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T‑68/89, T‑77/89 et T‑78/89, Rec. p. II‑1403, point 376).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission des Communautés européennes, du 2 mars 2005, est annulée, en tant qu’elle refuse d’octroyer à la partie requérante l’indemnité d’installation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et l’indemnité journalière prévue à l’article 10, paragraphe 1, de cette même annexe.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée à verser à la partie requérante, conformément aux règles statutaires en vigueur, les montants desdites indemnités, augmentés des intérêts moratoires, à compter des dates auxquelles celles-ci étaient respectivement dues et jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les principales opérations de refinancement et applicable durant la période concernée, majoré de deux points.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Chacune des parties supporte ses propres dépens.

Kreppel

Tagaras      Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 janvier 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : l'anglais.