Language of document : ECLI:EU:T:2018:334

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

7 juin 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Transfert des droits à pension nationaux – Décision fixant le nombre d’annuités – Délai raisonnable – Droit d’être entendu – Sécurité juridique – Égalité de traitement – Confiance légitime – Responsabilité – Préjudice matériel »

Dans l’affaire T‑369/17,

Bernd Winkler, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Grange (Irlande), représenté par Me A. Kässens, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission du 26 septembre 2016 fixant le nombre d’annuités à prendre en compte dans le régime de pension des institutions de l’Union européenne, à la suite d’une demande de transfert des droits à pension acquis par le requérant avant son entrée en fonctions au service de l’Union et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi du fait des illégalités qui auraient été commises par la Commission lors du traitement de sa demande de transfert,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Bernd Winkler, de nationalité allemande, est entré au service des Communautés européennes le 16 octobre 2008. Il est fonctionnaire de la Commission européenne.

2        Au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du règlement no 31 (C.E.E.) 11 (C.E.E.A.) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385, ci-après le « statut »), le requérant a, le 14 septembre 2011, introduit une demande de transfert des droits à pension qu’il avait acquis en Allemagne auprès du Deutsche Rentenversicherung Bund (caisse des retraites fédérale, ci-après le « DRV ») vers le régime de pension des institutions de l’Union européenne (ci-après le « RPIUE »).

3        Sa demande de transfert des droits à pension étant restée sans suite, le requérant a adressé un courriel à l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission le 11 décembre 2012 afin d’obtenir des informations sur l’état d’avancement de son dossier.

4        Par courriel du 12 décembre 2012, le PMO a répondu au requérant en expliquant que les demandes de transfert de droits à pension qu’il avait reçues après le 31 décembre 2008 avaient été « gelées jusqu’au 1er avril 2009 », date d’entrée en vigueur des dispositions générales d’exécution (ci-après les « DGE ») des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut relatifs au transfert de droits à pension, adoptées par la décision C(2011) 1278 final de la Commission, du 3 mars 2011, publiée aux Informations administratives no 17, du 28 mars 2011. À cette dernière date, ayant reçu et « accumulé » plus de 11 000 nouvelles demandes de transfert, il aurait décidé de traiter celles-ci selon le principe du « premier arrivé, premier servi » et de donner la priorité à celles qui émanaient de personnes proches de l’âge de la retraite. Il a indiqué que le requérant ne faisait pas partie du « premier groupe prioritaire », que sa demande serait traitée le plus tôt possible et que, en tout état de cause, il serait tenu compte, pour la détermination des paramètres requis aux fins du calcul du nombre d’annuités de pension, de la date à laquelle il avait présenté sa demande, à savoir le 14 septembre 2011.

5        Par courriel du 7 janvier 2014, le requérant s’est de nouveau enquis de l’avancement du traitement de sa demande de transfert de droits à pension.

6        Par note adressée le 27 novembre 2014, le PMO a informé le requérant que sa demande de transfert des droits à pension était recevable et lui a indiqué qu’il demanderait au DRV de lui communiquer les informations nécessaires au calcul provisoire de la bonification d’annuités de ses droits à pension.

7        Par courrier daté du 1er avril 2016, le DRV a transmis au PMO le montant du capital représentant les droits à pension du requérant, selon un calcul effectué à la date du 30 mars 2016.

8        Le 20 avril 2016, le PMO a communiqué au requérant une note contenant le calcul provisoire des annuités qui pourraient lui être reconnues dans le RPIUE s’il décidait de faire transférer les droits qu’il avait acquis auprès du DRV, à savoir six ans, un mois et trois jours.

9        Dans sa note, le PMO précisait que le calcul des annuités serait révisé de manière à prendre en compte la date d’exécution du transfert du capital ainsi que le montant réellement versé par l’organisme de pension, diminué d’un intérêt simple au taux annuel de 3,1 % pour la période courant de la date d’enregistrement ou de recevabilité de la demande de transfert à la date du transfert effectif. Le PMO soulignait que le nombre d’annuités finalement reconnues dans le RPIUE pourrait ainsi être supérieur ou inférieur à celui figurant dans ladite note.

10      Le 18 mai 2016, le requérant a donné son accord au transfert de ses droits à pension dans le RPIUE.

11      Le 9 juin 2016, le requérant a toutefois formé une réclamation auprès de la Commission, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la note du 20 avril 2016 contenant le calcul provisoire du nombre d’annuités à prendre en compte dans le RPIUE.

12      Le 11 août 2016, le DRV a transféré à la Commission, au titre des droits à pension acquis par le requérant, un montant de 150 839,23 euros.

13      Le 26 septembre 2016, le PMO a notifié au requérant sa décision fixant définitivement à six ans, onze mois et neuf jours le nombre d’annuités de pension résultant du transfert de ses droits à pension acquis en Allemagne vers le RPIUE. Le nombre de ces annuités a été déterminé sur la base du capital transféré par le DRV, déduction faite d’une somme de 19 920,39 euros correspondant à la revalorisation du capital entre la date d’enregistrement de la demande de transfert et la date du transfert effectif, définie par application d’un intérêt simple annuel de 3,1 %.

14      Par décision du 30 septembre 2016, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de la Commission a rejeté la réclamation formée par le requérant contre la note du 20 avril 2016. L’AIPN a considéré que la réclamation était irrecevable au motif qu’elle était dirigée contre un acte ne faisant pas grief. Elle a néanmoins examiné les arguments invoqués par le requérant et les a rejetés comme non fondés.

15      Le 28 novembre 2016, le requérant a formé une réclamation auprès de la Commission, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 26 septembre 2016. Par décision du 13 mars 2017, cette réclamation a été rejetée par l’AIPN comme non fondée.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juin 2017, le requérant a introduit le présent recours.

17      Le 7 août 2017, la Commission a produit le mémoire en défense.

18      Le 24 janvier 2018, les parties ont été informées de la décision du Tribunal (septième chambre), en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 13 mars 2017 et enjoindre à la Commission d’adopter une décision concernant le calcul du capital actualisé à la date d’enregistrement de sa demande de transfert des droits à pension ;

–        à titre subsidiaire, condamner la Commission à lui verser la somme de 19 920,39 euros sur son « compte retraite ».

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        rejeter la demande subsidiaire du requérant ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

21      À l’appui des conclusions en annulation, le requérant soulève trois moyens. Le premier est tiré d’une violation des principes du respect du délai raisonnable, de sécurité juridique et du caractère équitable de la procédure et des obligations d’information et de consultation. Le deuxième moyen est fondé sur une violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime.

22      À titre liminaire, il convient de relever que des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir arrêt du 27 octobre 2016, CW/Parlement, T‑309/15 P, non publié, EU:T:2016:632, point 26 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, la décision en date du 13 mars 2017 portant rejet de la réclamation formée contre la décision du 26 septembre 2016 fixant le nombre d’annuités à prendre en compte dans le RPIUE se borne à confirmer cette dernière décision. Par conséquent, en application de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, les conclusions en annulation présentées à l’encontre de la décision du 13 mars 2017 doivent être regardées comme dirigées contre la décision du 26 septembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »).

24      De plus, il y a lieu de rappeler que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut dispose ce qui suit :

« Le fonctionnaire qui entre au service de l’Union après avoir cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale ou exercé une activité salariée ou non salariée a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser à l’Union le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus. En pareil cas, l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension de l’Union au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif. »

25      Selon l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, des DGE : « Le nombre d’annuités à prendre en compte est calculé sur la base du montant transférable représentant les droits acquis durant les périodes visées à l’article 5, point 1, premier alinéa, et point 2, premier alinéa, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date d’enregistrement de la demande de transfert et la date du transfert effectif ».

26      Selon l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, des DGE : « Lorsque l’organisme national ou international est dans l’impossibilité de communiquer la valeur des droits à pension à la date d’enregistrement de la demande, un intérêt simple au taux prévu à l’article 8 de l’annexe VIII du statut sera déduit du montant transféré pour la période courant de la date d’enregistrement de la demande à la date du transfert effectif ».

27      À cet égard, il est utile de rappeler que le transfert des droits à pension résulte de deux opérations consécutives. La première relève de la seule compétence de l’autorité nationale administrant le régime de pension auquel l’intéressé était affilié antérieurement à son entrée au service de l’Union, une telle opération consistant à déterminer le capital représentant les droits à pension acquis dans le régime national en vertu de la réglementation pertinente de l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Časta, C‑166/12, EU:C:2013:792, point 29 et jurisprudence citée).

28      La seconde opération consiste à convertir le capital représentant les droits à pension acquis dans le système national en annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union. Cette conversion est effectuée par les institutions de l’Union, conformément aux DGE (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Časta, C‑166/12, EU:C:2013:792, point 28).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable, de l’atteinte portée au principe de sécurité juridique et au caractère équitable de la procédure et de la méconnaissance de l’obligation d’information et de consultation

29      Par son premier moyen, le requérant doit être regardé comme invoquant, en substance, cinq griefs, tirés, le premier, de la violation de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable, le deuxième, du non-respect du droit d’être entendu, le troisième, d’un manquement à l’obligation d’information, le quatrième, d’une violation du principe de sécurité juridique et, le cinquième, d’une atteinte au caractère équitable de la procédure.

30      En tant que le requérant invoque, sans une quelconque argumentation, une atteinte au caractère équitable de la procédure, ce grief se confond avec le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité, à l’examen duquel il est renvoyé.

–       Sur le premier grief, tiré de la violation de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable

31      Le requérant se prévaut du retard avec lequel la Commission a procédé au transfert de ses droits à pension, celui-ci étant intervenu plus de cinq ans après sa demande. Il précise que la recevabilité de sa demande de transfert a été admise plus de trois ans après son dépôt. Selon le requérant, un tel retard méconnaîtrait le principe de bonne administration garanti par le code européen de bonne conduite administrative et par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

32      La Commission soutient que ce premier grief doit être écarté.

33      À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est d’ailleurs repris comme une composante du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (arrêts du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162, et du 6 décembre 2012, Füller-Tomlinson/Parlement, T‑390/10 P, EU:T:2012:652, point 115). Il découle également de la jurisprudence que, lorsque la durée de la procédure n’est pas fixée par une disposition du droit de l’Union, le caractère « raisonnable » du délai pris par l’institution pour adopter l’acte en cause doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 28 et jurisprudence citée).

34      Toutefois, la violation du principe du respect du délai raisonnable ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. En effet, ce n’est que lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur la teneur même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative que le non-respect du principe du délai raisonnable affecte la validité de la procédure administrative. Il peut en aller ainsi dans des procédures administratives lorsque l’écoulement excessif du temps affecte la capacité des personnes concernées de se défendre effectivement (voir arrêt du 25 octobre 2017, Lucaccioni/Commission, T‑551/16, non publié, EU:T:2017:751, point 94 et jurisprudence citée).

35      En l’espèce, il convient de relever que la procédure administrative de transfert des droits à pension du requérant a, au total, duré plus de cinq ans et apparaît ainsi, à première vue, excessivement longue. Toutefois, sans qu’il soit besoin pour le Tribunal d’examiner si un tel délai caractérise, au regard des circonstances de l’espèce, une violation par la Commission de l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives, il y a lieu de constater qu’une telle violation, à la supposer établie, n’est pas de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée.

36      En effet, le requérant n’établit pas, ni même n’allègue, qu’un dépassement du délai raisonnable de la procédure, à le supposer établi, l’aurait empêché d’exercer utilement ses droits de la défense.

37      Par ailleurs, certes, l’écoulement naturel du temps entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif du capital par l’organisme national ou international de pension a une incidence sur le contenu de la décision, à savoir sur le montant du capital à prendre en compte pour la détermination du nombre d’annuités à bonifier. Ainsi, l’écoulement déraisonnable de temps entre ces deux dates emporte la conséquence strictement mathématique de majorer le montant à déduire du capital transféré, à tout le moins lorsqu’il a été déterminé, comme en l’espèce, par application de l’intérêt simple visé à l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, des DGE.

38      Toutefois, lorsque, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et des dispositions générales adoptées en vue de son exécution, une institution de l’Union détermine concrètement le nombre d’annuités à reconnaître à l’intéressé dans le RPIUE à la suite du transfert du capital représentant ses droits à pension acquis dans un autre régime, elle exerce une compétence liée et ne dispose donc d’aucune marge d’appréciation (arrêt du 13 octobre 2015, Teughels/Commission, T‑131/14 P, EU:T:2015:778, point 38).

39      Ainsi, en l’espèce, le PMO était tenu, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, aux fins de déterminer le nombre d’annuités à bonifier, de prendre en compte le capital transféré par le DRV, déduction faite du montant représentant sa revalorisation entre la date de la demande de transfert et la date du transfert effectif. À cet égard, il y a lieu de relever que ni l’existence d’une revalorisation du capital représentant les droits acquis par le requérant dans le système de pension allemand entre la date de la demande et celle du transfert effectif, ni les modalités de calcul du montant déduit par le PMO du capital représentant les droits à pension ne sont contestées par le requérant. Au demeurant, il peut être relevé que, en ce sens, la présente affaire diffère substantiellement de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 décembre 2017, Tuerck/Commission (T‑728/16, sous pourvoi, EU:T:2017:865), dans laquelle le Tribunal s’est prononcé sur le moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, des DGE et relatif aux modalités de calcul du montant déduit par le PMO du capital transféré par l’organisme de pension national au titre de la revalorisation dudit capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif. Un tel moyen, qui n’est pas d’ordre public, ne saurait être examiné d’office par le Tribunal dans la présente affaire.

40      Il s’ensuit que, si la décision attaquée devait être annulée au seul motif du non-respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable, la décision qui la remplacerait devrait également déterminer le nombre des annuités à bonifier sur la base d’un capital réduit à hauteur de sa revalorisation entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif, ces dates étant immuables. Les modalités de calcul de cette revalorisation n’étant pas contestées, la nouvelle décision ne pourrait être qu’identique.

41      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le premier grief au motif que le non-respect du principe du délai raisonnable, à le supposer établi, n’est pas susceptible d’affecter la validité de la procédure administrative, ni, par suite, celle de la décision attaquée.

–       Sur le deuxième grief, tiré du non-respect du droit d’être entendu

42      Le requérant fait valoir que le PMO ne l’a pas entendu avant l’adoption de la décision attaquée.

43      La Commission conteste le bien-fondé de ce deuxième grief.

44      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. Ce droit s’impose à toute institution de l’Union dans toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 85 et jurisprudence citée).

45      En l’espèce, il suffit de relever que l’adoption de la décision définitive statuant sur la demande de transfert des droits à pension du requérant a été précédée de la communication, par le PMO, d’une note contenant un calcul provisoire des annuités qui pourraient être transférées dans le RPIUE. Cette note invitait le requérant, d’une part, à lui transmettre ses commentaires sur ledit calcul et ses éventuelles demandes d’information et, d’autre part, à l’informer dans un délai d’un mois s’il souhaitait maintenir ou non sa demande de transfert.

46      Partant, contrairement à ce qu’il soutient, le requérant a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue avant l’adoption de la décision attaquée. Le deuxième grief doit donc être écarté comme non fondé.

–       Sur le troisième grief, tiré d’un manquement à l’obligation d’information

47      Le requérant reproche au PMO de ne pas l’avoir tenu informé de l’état de la procédure de traitement de sa demande de transfert des droits à pension, en dépit de ses demandes répétées.

48      La Commission fait valoir que ce troisième grief doit être écarté en tant qu’il n’est pas fondé.

49      À supposer que le requérant fasse grief à l’administration de l’Union d’avoir manqué à son obligation d’information, il doit être souligné qu’un tel argument, s’il était fondé, ne pourrait pas conduire à l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Honnefelder/Commission, F‑42/11, EU:F:2012:196, point 62), mais uniquement, le cas échéant, à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’administration pour faute de service. Il s’ensuit que le troisième grief est inopérant.

50      En tout état de cause, le troisième grief n’est pas fondé. En effet, par courriel du 12 décembre 2012 faisant suite à la demande d’information du requérant quant à l’état d’avancement de sa demande de transfert des droits à pension, le PMO a informé l’intéressé du retard pris dans le traitement des demandes de transfert en raison du nombre de demandes en instance. Par ailleurs, le requérant ne conteste pas que, par une note du 21 octobre 2011 accusant réception de sa demande, le PMO l’avait invité à consulter les informations alors disponibles sur le site Intranet de la Commission, lesquelles indiquaient que les procédures de transfert de droits à pension ne débutaient qu’après un délai moyen de trois ans.

51      Par conséquent, le troisième grief ne peut être qu’écarté.

–       Sur le quatrième grief, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

52      Le requérant fait valoir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance du principe de sécurité juridique.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 4 juillet 2017, Systema Teknolotzis/Commission, T‑234/15, EU:T:2017:461, point 139 et jurisprudence citée).

54      En l’espèce, il y a lieu de constater que le grief tiré de la violation du principe de sécurité juridique, mentionné au point 26 de la requête, n’est assorti d’aucune argumentation spécifique. Partant, faute d’avoir été explicité, il doit être écarté comme irrecevable.

55      En tout état de cause, à supposer même que ce grief puisse être regardé comme reposant sur l’argumentation développée au soutien du premier moyen, il devrait être écarté en conséquence du rejet de cette argumentation.

56      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité

57      À l’appui du deuxième moyen, le requérant fait valoir que la décision attaquée méconnaît les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination dès lors qu’il a été informé que les demandes de transfert de droits à pension émanant de collègues plus âgés ainsi que les demandes « formées dans les douze mois précédents » par des collègues plus jeunes auraient été traitées plus rapidement. Or, aucun motif ne justifierait une telle différence de traitement.

58      La Commission conteste le bien-fondé du deuxième moyen.

59      En premier lieu, il peut être rappelé qu’il y a violation du principe d’égalité de traitement, applicable au droit de la fonction publique de l’Union, lorsque deux catégories de personnes dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent et qu’une telle différence de traitement n’est pas objectivement justifiée (arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 176).

60      Or, en l’espèce, il y a lieu, tout d’abord, de constater que le requérant ne soutient pas que des demandes de transfert de droits à pension déposées concomitamment à la sienne ou au cours de la même période par des agents de la Commission du même âge ou plus jeunes que lui auraient été traitées plus rapidement par le PMO. Quant aux demandes émanant d’agents plus âgés ou déposées au cours des douze mois précédant l’introduction du présent recours, le requérant ne saurait prétendre que leur traitement plus rapide par la Commission révélerait une atteinte au principe d’égalité de traitement. En effet, d’une part, les agents plus âgés, notamment ceux proches de l’âge légal de la retraite, se trouvaient dans une situation différente de celle du requérant en raison de la liquidation prochaine de leur pension. D’autre part, alors que le délai de traitement de la demande de transfert du requérant résulte, en partie, du gel des demandes reçues entre le 1er janvier 2009 et la date d’entrée en vigueur des DGE, à savoir le 1er avril 2011, le requérant ne saurait soutenir qu’il se trouvait dans la même situation que les agents de la Commission ayant déposé une demande de transfert des droits à pension au cours des années 2016 ou 2017.

61      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination doit être écarté comme non fondé.

62      En tout état de cause, ainsi que cela a été précisé aux points 38 et 39 ci-dessus, l’AIPN n’avait pas de marge d’appréciation et était tenue de déterminer les annuités de pension à prendre en compte dans le RPIUE sur la base du capital transféré, déduction faite du montant représentant sa revalorisation entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif. Le requérant ne peut donc utilement prétendre obtenir un résultat différent de celui découlant de l’application des dispositions de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, au seul motif que les demandes de transfert de droits à pension d’autres agents auraient été traitées plus rapidement.

63      En second lieu, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que, à supposer que le requérant entende faire valoir une atteinte au principe de proportionnalité, il ne produit aucun élément au soutien de son grief. Par suite, en application de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, celui-ci est irrecevable et doit être écarté pour ce motif.

64      Partant, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

65      Le requérant soutient que, en adoptant la décision attaquée, la Commission aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime. Il fait valoir que, alors même que la Commission l’avait assuré, par courriel du 12 décembre 2012, qu’il ne subirait aucun désavantage en raison des délais de traitement de sa demande, une somme de 19 920,39 euros liée à la durée de la procédure avait été déduite du capital pris en compte pour le calcul des annuités à bonifier.

66      La Commission soutient que le troisième moyen manque en fait.

67      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître chez lui des espérances fondées, en lui fournissant des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 165 et jurisprudence citée).

68      En l’espèce, il convient de rappeler que, par le courriel du 12 décembre 2012 dont se prévaut le requérant, le PMO l’a informé que les demandes de transfert de droits à pension reçues après le 31 décembre 2008 avaient été « gelées » jusqu’à la date d’entrée en vigueur des nouvelles DGE et que, compte tenu du nombre de nouvelles demandes de transfert reçues, il avait décidé de traiter celles-ci selon le principe du « premier arrivé, premier servi » et de donner la priorité à celles qui émanaient de personnes proches de l’âge de la retraite. Il a indiqué que le requérant ne faisait pas partie du « premier groupe prioritaire », que sa demande serait traitée le plus tôt possible et que, en tout état de cause, il serait tenu compte, pour la détermination de tous les paramètres requis aux fins du calcul du nombre d’annuités de pension, de la date à laquelle il avait présenté sa demande, à savoir le 14 septembre 2011. Le PMO concluait en indiquant que le requérant ne devait donc pas s’inquiéter de l’état d’avancement de son dossier.

69      Dans ces conditions, si, par son courriel du 12 décembre 2012, le PMO a garanti au requérant que sa demande serait traitée en tenant compte de sa date d’introduction, il ne l’a nullement assuré qu’il ne subirait aucun désavantage lié aux délais d’examen de cette demande.

70      Il s’ensuit que, en l’absence d’assurances précises de la Commission, le requérant n’établit pas l’existence d’une atteinte au principe de protection de la confiance légitime. Partant, le troisième moyen doit être écarté comme non fondé.

71      En tout état de cause, à supposer même établie l’existence de telles assurances, et pour les motifs déjà exposés aux points 38 et 39 ci-dessus, le requérant ne pourrait utilement prétendre obtenir un résultat différent de celui qui découle de l’application des dispositions de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

72      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation du recours.

 Sur les conclusions aux fins d’injonction

73      Par le second chef de conclusions principales, le requérant demande au Tribunal d’enjoindre à la Commission d’adopter une décision portant sur le calcul du capital à la date d’enregistrement de sa demande de transfert des droits à pension.

74      Or, il est de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions à l’administration (ordonnance du 3 décembre 1992, TAO/AFI/Commission, C‑44/92, EU:C:1992:497, point 8, et arrêt du 5 octobre 2016, CJ/ECDC, T‑370/15 P, non publié, EU:T:2016:599, point 109).

75      Il s’ensuit que, ainsi que le fait valoir la Commission, les conclusions aux fins d’injonction sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif.

 Sur les conclusions indemnitaires

76      Dans l’hypothèse où le Tribunal ne ferait pas droit aux conclusions en annulation de la requête, le requérant sollicite la condamnation de la Commission à lui verser la somme de 19 920,39 euros. Il fonde sa demande sur la compétence de pleine juridiction conférée au Tribunal par l’article 91, paragraphe 1, du statut, dans les litiges à caractère pécuniaire, et se prévaut des illégalités tirées du retard avec lequel sa demande de transfert des droits à pension a été traitée, de l’absence d’information sur le déroulement de la procédure et du non-respect de son droit d’être entendu.

77      La Commission met en doute la recevabilité des conclusions indemnitaires et fait valoir que, en tout état de cause, elles devraient être rejetées en tant qu’elles ne sont pas fondées.

78      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’Union ne peut être retenue (arrêts du 18 septembre 2008, Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05, EU:T:2008:384, points 168 et 169, et du 9 décembre 2010, Commission/Strack, T‑526/08 P, EU:T:2010:506, point 57).

79      En l’espèce, s’agissant du préjudice allégué par le requérant, il convient de constater qu’il s’agit d’un préjudice financier dont le montant, fixé à 19 920,39 euros, correspond à celui qui a été déduit du capital représentant les droits à pension du requérant, transféré par le DRV, au titre de la revalorisation de ce capital entre la date de la demande de transfert et la date de transfert effectif, pour les besoins de la détermination du nombre d’annuités à prendre en compte dans le RPIUE. Ainsi que cela a été indiqué au point 39 ci-dessus, le PMO était tenu, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, de déduire du capital transféré par le DRV le montant représentant la revalorisation de ce capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif. Or, le requérant, qui ne conteste ni l’existence d’une telle revalorisation, ni ses modalités de calcul, ne justifie pas en quoi cette application du statut lui aurait porté préjudice, notamment en raison d’une durée déraisonnable de procédure.

80      À cet égard, le Tribunal constate que, si le PMO a déduit du capital transféré par le DRV une somme de 19 920,39 euros au titre de sa revalorisation entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif, le montant des droits à pension acquis en Allemagne par le requérant, tel que communiqué le 1er avril 2016 par le DRV, à savoir 131 055,41 euros, a parallèlement été revalorisé à hauteur de la somme de 19 783,83 euros, le DRV ayant procédé au transfert de la somme de 150 839,23 euros.

81      Il s’ensuit que le requérant n’établit pas, alors qu’il en a la charge, la réalité du préjudice dont il se prévaut.

82      Au surplus, dans la mesure où le requérant se prévaut de la compétence de pleine juridiction du Tribunal qui lui permet, même dans les cas où il ne prononce pas l’annulation de la décision attaquée, de condamner d’office la partie défenderesse à réparer le préjudice, notamment moral, causé par sa faute de service (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 51), il convient de relever que le requérant n’établit pas, ni même n’allègue que la durée de la procédure administrative de transfert des droits à pension lui aurait causé un préjudice moral tenant notamment en ce qu’il aurait été maintenu dans un état d’incertitude ou d’inquiétude quant au transfert de ses droits à pension. Au demeurant, d’une part, le requérant, né en 1969, n’était pas proche de l’âge de la retraite. D’autre part, ainsi que cela a été indiqué au point 50 ci-dessus, il avait été informé que, compte tenu du nombre de demandes pendantes, les procédures de transfert de droits à pension ne débutaient qu’après un délai moyen de trois ans.

83      Partant, les conclusions indemnitaires de la requête doivent être rejetées au fond, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la Commission.

84      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

86      Le requérant a succombé en ses conclusions. Toutefois, ainsi que cela a été constaté au point 35 ci-dessus, la procédure administrative de transfert des droits à pension du requérant a duré plus de cinq ans, ce qui, malgré les informations qui lui avaient été transmises par la Commission, a pu inciter ce dernier à introduire le recours en vue de faire constater une éventuelle violation du principe du respect d’un délai raisonnable dans l’adoption de la décision attaquée.

87      Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il est équitable de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.