Language of document : ECLI:EU:F:2011:37

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

6 avril 2011 (*)

«Fonction publique – Devoir d’assistance – Articles 12 bis et 24 du statut – Harcèlement moral de la part du supérieur hiérarchique – Production d’un document confidentiel – Article 44, paragraphe 2, du règlement de procédure»

Dans l’affaire F‑42/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Carina Skareby, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Louvain (Belgique), représentée par Mes S. Rodrigues et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de M. H. Tagaras, président, Mme I. Boruta et M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier: Mme W. Hakenberg

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 3 juin 2010 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 10 juin suivant), Mme Skareby demande, en substance, l’annulation de la décision de la Commission européenne, du 23 juillet 2009, rejetant sa plainte pour faits de harcèlement moral dont un ancien supérieur hiérarchique serait l’auteur.

2        L’origine de cette affaire se trouve dans une lettre du 10 novembre 2008 par laquelle la requérante a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut. Dans cette lettre, la requérante prétendait avoir été victime de harcèlement moral du fait du comportement de ses deux supérieurs hiérarchiques successifs.

3        Par arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission (F‑95/09), le Tribunal a annulé la décision de la Commission, contenue dans un courrier du 4 mars 2009, refusant, pour cause de tardiveté, d’ouvrir une enquête administrative en ce qui concerne le prétendu harcèlement imputé au premier supérieur hiérarchique.

4        En ce qui concerne les allégations de harcèlement moral formulées à l’encontre du second supérieur hiérarchique, la Commission a informé la requérante, par le courrier du 4 mars 2009 déjà cité, que l’Office d’investigation et de discipline (IDOC) avait reçu mandat pour ouvrir une enquête administrative.

5        Par lettre du 23 juillet 2009, la Commission a informé la requérante que l’enquête administrative était close, sans suites disciplinaires, dans la mesure où l’IDOC avait conclu que le harcèlement allégué n’était pas établi. La Commission a, dès lors, décidé de ne pas donner suite à la demande d’assistance de l’intéressée (ci-après la «décision attaquée»).

6        À l’appui de ses conclusions, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, de la violation des droits de la défense et du droit à une bonne administration, le deuxième, de la violation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et, le troisième, de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, de violations de l’obligation de motivation, du manquement au devoir de sollicitude due aux fonctionnaires et du manquement au devoir d’assistance.

7        Dans l’un de ses chefs de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’inviter la Commission à produire le rapport de l’IDOC et les éléments de preuve l’accompagnant sur lesquels s’appuie la décision attaquée. Ce chef de conclusions doit notamment être mis en relation avec le premier moyen dans lequel la requérante exprime des doutes quant à l’enquête prétendument réalisée par cet office, sans pour autant fonder expressément son argumentation sur le caractère ineffectif de celle-ci.

8        Dans son mémoire en défense, la Commission affirme être dans l’impossibilité de divulguer les documents en question à la requérante, parce qu’ils porteraient atteinte aux intérêts de tiers et qu’ils contiendraient des données à caractère personnel devant être protégées. Toutefois, la Commission se déclare disposée à transmettre au Tribunal une version confidentielle de ces documents, si celui-ci en fait la demande par voie d’ordonnance motivée, tout en attirant son attention sur la difficulté qu’il y aurait à produire une version non confidentielle, dans la mesure où les prétendus faits de harcèlement se seraient produits dans une petite unité, de sorte que biffer le nom des témoins n’empêcherait pas leur identification par d’autres éléments.

9        Il ressort du recours que le rapport de l’IDOC et les documents l’accompagnant constituent des pièces vis-à-vis desquelles il est impossible de prétendre, a priori, qu’elles ne seraient pas pertinentes pour permettre au Tribunal de statuer en pleine connaissance de cause sur les griefs soulevés par la requérante. Or, pour pouvoir exercer son contrôle juridictionnel, le Tribunal doit être parfaitement au fait de l’ensemble des circonstances de la cause.

10      Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime nécessaire, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’ordonner à la Commission de produire le rapport d’enquête établi par l’IDOC à la suite de la demande d’assistance du 10 novembre 2008, ainsi que les documents sur lesquels ce rapport se fonde.

11      Il résulte, toutefois, de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure que la production de documents entraîne en principe leur communication à la requérante.

12      Cependant, conformément à l’article 44, paragraphe 2, du règlement de procédure, le rapport de l’IDOC et les documents l’accompagnant ne seront pas communiqués à la requérante, à tout le moins au stade de la vérification de leur réelle pertinence et de leur caractère confidentiel à l’égard de cette partie.

13      Afin d’associer autant que possible la requérante au processus décisionnel, il convient néanmoins d’inviter celle-ci à formuler ses observations quant à l’affirmation de la Commission selon laquelle le rapport d’enquête de l’IDOC et les documents sur lesquels il se fonde seraient confidentiels.

14      S’il ressort de l’examen desdits documents que ceux-ci n’ont, en définitive, pas de pertinence pour la solution du litige, le Tribunal les retournera à la Commission sans attendre la fin de l’instance. Si, en revanche, le Tribunal envisage de fonder la solution du litige sur ceux-ci, il lui incombera, en tenant compte des observations susmentionnées de la requérante, de vérifier que chaque document dont la confidentialité est arguée revêt effectivement un caractère secret ou confidentiel et dans quelle mesure.

15      Si l’examen qui précède conduit le Tribunal à conclure que certaines des pièces et informations en cause doivent être tenues pour secrètes ou confidentielles envers la requérante, il lui appartiendra de mettre en balance les intérêts en présence et d’apprécier comment concilier les droits procéduraux de cette dernière avec les intérêts qui justifient cette confidentialité.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

ordonne:

1)      Mme Skareby est invitée à formuler ses observations sur la confidentialité alléguée par la Commission du rapport d’enquête établi par l’Office d’investigation et de discipline (IDOC) à la suite de sa demande d’assistance du 10 novembre 2008 et des documents sur lesquels ce rapport se fonde dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance.

2)      La Commission européenne produira les documents visés au point 1) dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance.

3)      Ni la requérante ni ses avocats ne seront autorisés à consulter les documents visés au point 1) à tout le moins jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la pertinence et sur la confidentialité de ceux-ci.

4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 6 avril 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Tagaras


* Langue de procédure: l’anglais.