Language of document : ECLI:EU:F:2011:26

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

17 mars 2011 (*)

« Fonction publique — Tardiveté — Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑107/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

AP, fonctionnaire de la Cour de justice de l’Union européenne, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes B. Cortese et C. Cortese, avocats,

partie requérante,

contre

Cour de justice de l’Union européenne,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de M. H. Tagaras, président, Mme I. Boruta et M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue par télécopie au greffe du Tribunal le 25 octobre 2010, le requérant a demandé notamment :

–        l’annulation de la décision du 17 décembre 2009 de la Cour de justice de l’Union européenne lui reconnaissant le droit à l’allocation de foyer à compter du 1er juillet 2009, mais ne lui en octroyant le bénéfice qu’à compter du 1er novembre suivant (ci-après la « décision attaquée ») ;

–        la condamnation de l’institution au payement d’un montant équivalent aux allocations de foyer pour la période allant du 1er juillet 2009 au 31 octobre 2009, augmenté d’intérêts ;

–        à titre subsidiaire, la condamnation de l’institution à réparer son dommage économique et moral.

2        En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

3        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cette disposition, de statuer sans poursuivre la procédure, avant même que le recours ne soit signifié à la partie défenderesse (ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 29 juin 2010, Palou Martínez/Commission, F‑11/10, points 26 et 27).

4        Il ressort, en effet, du dossier que, le 9 novembre 2010, le greffe du Tribunal a reçu un courrier du requérant contenant l’original de la requête. En application de l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure, il y a lieu de considérer que le recours n’a été déposé qu’à cette date, dès lors que plus de dix jours se sont écoulés entre la réception par le greffe du Tribunal de la télécopie de la requête, le 25 octobre 2010, et celle de son original.

5        Il convient, dans ce contexte, de rappeler que, selon l’article 91, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), le recours doit être introduit « dans un délai de trois mois [qui] court du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation ». Aux termes de l’article 100, paragraphe 3, du règlement de procédure, « [l]es délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours ». De plus, selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 dudit statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, s’ils sont respectés (arrêt de la Cour du 29 juin 2000, Politi/Fondation européenne pour la formation, C‑154/99 P, point 15 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 15 janvier 2009, Braun-Neumann/Parlement, T‑306/08 P, point 36 ; arrêt du Tribunal de la fonction publique du 12 mai 2010, Peláez Jimeno/Parlement, F‑13/09, point 18).

6        Or, il ressort de la requête que le rejet de la réclamation contre la décision attaquée a été notifié au requérant le 14 juillet 2010, de telle sorte que le délai pour introduire le recours expirait le lundi 25 octobre suivant. Par conséquent, le recours est tardif dans la mesure où il y a lieu de prendre en considération la date du 9 novembre 2010 comme date du dépôt de la requête.

7        Cette conclusion n’est pas infirmée par les explications dont le requérant a fait état dans des courriers des 8 et 10 novembre 2010.

8        Le requérant prétend avoir confié à la société d’expédition DHL l’original de son recours le 27 octobre 2010 et que le pli contenant ce dernier est parvenu à la Cour de justice le lendemain. Il ajoute que, « avec le même envoi voyageait aussi l’original des observations sur [un] mémoire en intervention » dans une autre affaire, ce que pourrait confirmer un avocat, membre du cabinet auquel appartiennent également les conseils de l’intéressé, ledit mémoire étant bien parvenu au greffe du Tribunal. En outre, le requérant fait valoir que le renforcement des mesures de sécurité à la Cour de justice « pourrait peut-être expliquer une perte de l’enveloppe concernant l’affaire [...] au sein des services de [l’institution], une fois le paquet arrivé à destination ». À cet égard, le requérant évoque les démarches qu’une fonctionnaire de l’institution a dû entreprendre pour entrer rapidement en possession d’autres documents que le cabinet d’avocats qui le représente a aussi envoyés le 27 octobre 2010 par l’intermédiaire de la société d’expédition, sous une autre lettre de voiture, à l’adresse de l’institution, mais à destination personnelle de cette fonctionnaire et d’une de ses collègues. En conséquence, le requérant « évoqu[e] la possibilité que des perturbations de ce genre se soient vérifiées aussi pour ce qui est [de l’]origina[l] dans l’affaire en objet, peut-être même à cause du fait que plusieurs envois, tous provenant [du] cabinet [de son avocat], mais dont un était destiné à des fonctionnaires en tant qu’individus, voyageaient » simultanément. Enfin, le requérant précise que son conseil n’a pu envoyer l’original de la requête avant le 27 octobre 2010 en raison d’un problème de santé. Dans ces conditions, le requérant demande au Tribunal de faire application, au besoin, de l’article 45, second alinéa, du protocole sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après le « statut de la Cour de justice ») en vertu duquel aucune déchéance tirée de l’expiration des délais ne peut être opposée lorsque l’intéressé établit l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure.

9        De manière générale, le Tribunal rappelle qu’il incombe aux parties de faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus par les textes applicables (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, point 17 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 12 octobre 2009, Aayhan e.a./Parlement, T‑283/09 P, point 19). Par conséquent, si le requérant est en droit d’utiliser l’entièreté du délai de recours et du délai de distance rappelés au point 5 ci-dessus, une telle option l’expose cependant à ce que son recours soit jugé irrecevable si l’original de la requête est déposé au Tribunal après le temps imparti pour des raisons ne relevant ni du cas fortuit ni de la force majeure.

10      En l’espèce, il ressort des explications reproduites au point 8 ci-dessus et des pièces communiquées par le requérant que, le 27 octobre 2010, le cabinet de ses conseils a effectivement confié à la société d’expédition le soin d’acheminer un pli à destination du greffe du Tribunal sous la lettre de voiture portant le numéro 43 6649 5980 et que ce pli a été réceptionné par les services de l’institution le lendemain, 28 octobre 2010. Toutefois, il n’est pas permis d’en déduire que ledit pli contenait l’original de la requête en question. En effet, la lettre de voiture ne décrit pas précisément le contenu de l’expédition. Or, le requérant a exposé que des documents relatifs à une autre affaire ont voyagé à destination du greffe sous l’envoi susmentionné et la lettre de voiture mentionne l’expédition d’une seule pièce. Dans ces conditions, il ne saurait être donné suite à l’offre de preuve tendant à faire confirmer par un avocat du cabinet dont deux membres représentent le requérant que l’original de la requête avait bien été inclus dans l’envoi en question, car cela équivaudrait à permettre à l’intéressé de se constituer une preuve à soi-même.

11      En outre, la circonstance que des perturbations résultant du renforcement des mesures de sécurité mises en place par la Cour de justice aient pu expliquer un retard dans l’acheminement interne d’un courrier personnel destiné à un agent, qui l’a finalement reçu, ne permet pas d’établir que ledit original ait été perdu par les services de l’institution. Au demeurant, le requérant se livre, à cet égard, à de pures spéculations.

12      Enfin, l’état de santé déficient d’un des conseils du requérant qui l’aurait empêché d’envoyer le recours avant le 27 octobre 2010 ne constitue pas un argument pertinent, dès lors qu’il n’est pas établi que le pli remis à la société d’expédition contenait effectivement l’original de la requête. De toute façon, cet état de santé ne peut être qualifié, en l’espèce, de cas fortuit ou de force majeure puisque le requérant est représenté par deux avocats. En outre, s’il fallait comprendre l’argument du requérant comme signifiant que seul le premier de ses conseils était habilité à pourvoir à l’envoi de l’original de la requête et à signer les documents nécessaires à son expédition, force serait de constater que cette circonstance relèverait de la seule organisation interne du cabinet d’avocats qu’il a choisi. En tout état de cause, le requérant ne prétend pas que l’état de santé déficient de son premier conseil l’aurait empêché de déposer au greffe du Tribunal l’original de la requête dans les dix jours prévus par l’article 34, paragraphe 6, du règlement de procédure.

13      Dans ces conditions, il ne saurait être fait application de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice, rendu applicable au Tribunal par l’article 62 quater dudit statut et par l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I de celui-ci.

14      Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

15      S’agissant des dépens, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 89, paragraphe 3, dudit règlement, à défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens.

16      La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci ait pu exposer des dépens, il convient de décider que le requérant supportera ses propres dépens, conformément à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      AP supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 17 mars 2011.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      H. Tagaras


* Langue de procédure : le français.