Language of document : ECLI:EU:F:2013:9

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

30 janvier 2013 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Renvoi au Tribunal après annulation – Nomination – Fonctionnaire accédant à un groupe de fonctions supérieur par concours général – Candidat inscrit sur une liste de réserve antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau statut – Règles transitoires de classement en grade lors du recrutement – Classement en grade en application des nouvelles règles – Article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut »

Dans l’affaire F‑20/06 RENV,

ayant pour objet le renvoi du recours F‑20/06, initialement introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Patrizia De Luca, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Orlandi, et J.-N. Louis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme A. F. Jensen, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, R. Barents (rapporteur) et K. Bradley, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 septembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1        La présente affaire a été renvoyée au Tribunal par arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 décembre 2011, De Luca/Commission (T‑563/10 P, ci-après l’« arrêt de renvoi »), annulant l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 2010, De Luca/Commission (F‑20/06, ci-après l’« arrêt De Luca »), qui avait statué sur le recours, parvenu au greffe du Tribunal le 22 février 2006, par lequel Mme De Luca, lauréate d’un concours avant le 1er mai 2004, demandait l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 23 février 2005, la nommant administrateur, en ce que cette décision la classait au grade A*9, échelon 2 (ci-après la « décision attaquée »).

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1, ci-après le « statut » ou le « nouveau statut »), et le régime applicable aux autres agents de l’Union, tel que modifié par le même règlement, sont entrés en vigueur, ainsi que prévu par l’article 2 dudit règlement, le 1er mai 2004.

3        Le règlement no 723/2004 a introduit un nouveau système de carrières dans la fonction publique européenne en substituant les nouveaux groupes de fonctions d’administrateurs (AD) et d’assistants (AST) aux anciennes catégories de fonctionnaires A, B, C et D.

4        Selon le considérant 37 du règlement no 723/2004, « [i]l conv[enai]t de prévoir un régime de transition afin de permettre une mise en œuvre progressive des nouvelles dispositions et mesures, sans préjudice des droits acquis du personnel dans le cadre du régime [applicable] avant l’entrée en vigueur de la [...] modification du statut et en prenant en compte ses attentes légitimes ».

5        L’annexe XIII du statut envisage les mesures transitoires consécutives à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004.

6        L’article premier de l’annexe XIII du statut prévoit :

« 1.      Pendant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du statut sont remplacés par le texte suivant :

‘1.      Les emplois relevant du statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A*, B*, C*, D*.

2.      La catégorie A* comprend douze grades, la catégorie B* neuf grades, la catégorie C* sept grades et la catégorie D* cinq grades.’

2.      Toute référence à la date de recrutement s’entend comme faite à la date d’entrée en service. »

7        L’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut est rédigé comme suit :

« Le 1er mai 2004 et sous réserve de l’article 8 de la présente annexe, les grades des fonctionnaires placés dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut sont renommés comme suit :

Ancien grade

Nouveau grade (inter-médiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (inter-médiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (inter-médiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (inter-médiaire)

A 1

A*16

      

A 2

A*15

      

A 3/LA 3

A*14

      

A 4/LA 4

A*12

      

A 5/LA 5

A*11

      

A 6/LA 6

A*10

B 1

B*10

    

A 7/LA 7

A*8

B 2

B*8

    

A 8/LA 8

A*7

B 3

B*7

C 1

C*6

  
  

B 4

B*6

C 2

C*5

  
  

B 5

B*5

C 3

C*4

D 1

D*4

    

C 4

C*3

D 2

D*3

    

C 5

C*2

D 3

D*2

      

D 4

D*1

 »

8        L’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut fixe les traitements mensuels de base pour chaque grade et pour chaque échelon. Il prévoit, notamment, que les « nouveaux grades intermédiaires » A*11 et A*12 correspondent, en ce qui concerne la rémunération, respectivement, aux anciens grades A 5 et A 4.

9        L’article 7, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut mentionne :

« Pour chaque fonctionnaire, un facteur de multiplication est calculé au 1er mai 2004. Ce facteur de multiplication est égal au rapport existant entre le traitement mensuel de base versé au fonctionnaire avant le 1er mai 2004 et le montant d’application défini à l’article 2, paragraphe 2.

Le traitement mensuel de base versé au fonctionnaire au 1er mai 2004 est égal au produit du montant d’application par le facteur de multiplication.

Ce facteur de multiplication est appliqué pour déterminer le traitement mensuel de base du fonctionnaire lors de l’avancement d’échelon ou lors de l’adaptation des rémunérations. »

10      L’article 12 de l’annexe XIII du statut prévoit :

« 1.      Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, toute référence faite aux grades des groupes de fonctions AST et AD à l’article 31, paragraphe[s] 2 et 3, du statut, doit être comprise selon les modalités qui suivent :

–        AST 1 à AST 4 : C*1 à C*2 et B*3 à B*4

–        AD 5 à AD 8 : A*5 à A*8

–        AD 9, AD 10, AD 11, AD 12 : A*9, A*10, A*11, A*12.

2.      Les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, du statut, ne s’appliquent pas aux fonctionnaires recrutés sur des listes d’aptitude établies à la suite de concours publiés avant le 1er mai 2004.

3.      Les fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 sont classés :

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A*, B* ou C*, dans le grade publié dans l’avis de concours,

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A, LA, B ou C, selon le tableau suivant :

Grade du concours

Grade du recrutement

A 8/LA 8

A*5

A 7/LA 7 et A 6/LA 6

A*6

A 5/LA 5 et A 4/LA 4

A*9

A 3/LA 3

A*12

A 2

A*14

A 1

A*15

B 5 et B 4

B*3

B 3 et B 2

B*4

C 5 et C 4

C*1

C 3 et C 2

C*2

 »

 Faits à l’origine du litige

11      La Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes du 9 octobre 2001 (JO C 283 A, p. 13) l’avis de concours général COM/A/11/01 visant à constituer une réserve de recrutement d’administrateurs principaux de carrière A 5/A 4 dans les domaines « Justice et affaires intérieures » et « Droit civil et pénal ».

12      La requérante s’est portée candidate à ce concours.

13      Les listes de réserve du concours COM/A/11/01 ont été publiées le 24 mai 2003 (JO C 123, p. 21). La requérante figurait sur la liste de réserve d’administrateurs principaux dans le domaine « Droit civil et pénal ».

14      Ayant par ailleurs réussi un autre concours, la requérante avait, entre-temps, été nommée fonctionnaire stagiaire de grade LA 7 de la Cour de justice des Communautés européennes, par décision du 7 avril 2003 prenant effet le 1er avril 2003 et, par la même décision, directement transférée à la Commission.

15      Par décision du 20 janvier 2004, la requérante a été titularisée et classée au grade LA 6, échelon 2, avec effet au 1er avril 2003.

16      Le grade LA 6 a été renommé A*10 après l’entrée en vigueur du nouveau statut, le 1er mai 2004.

17      Dans le cadre d’une éventuelle nomination de la requérante à la direction générale (DG) « Justice, liberté et sécurité » de la Commission sur la base du concours COM/A/11/01, et par courrier électronique du 5 janvier 2005, la DG « Personnel et administration » a informé cette direction générale que, « s’il y a[vait] mutation, elle gardera[it] le grade A*10 (traitement de base inférieur) », tandis que, « en cas de nomination, elle aura[it] le grade A*9 (traitement supérieur) ». Il ressort du dossier que cette différence dans les traitements s’explique par l’application d’un facteur de multiplication. La requérante a été rendue destinataire du courriel échangé entre les deux directions générales.

18      Par courrier électronique du 22 février 2005, la DG « Personnel et administration » a précisé à la requérante que le classement au grade A*9, échelon 2, qui lui serait attribué en cas de nomination sur la base du concours COM/A/11/01 résultait de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. Elle ajoutait qu’« [e]n l’absence d’indications contraires de votre part d’ici mercredi 23 février à 20h00, [il sera procédé] à votre nomination en tant que lauréate dudit concours ».

19      Par courrier électronique du 23 février 2005, la requérante a répondu à la DG « Personnel et administration » qu’elle acceptait « [s]a nomination en tant que lauréate du concours COM/A/11/01, classement A*9, échelon 2, sous toutes réserves d’introduire ensuite une réclamation ».

20      Ce même 23 février 2005, par la décision attaquée prenant effet le 1er février précédent, la requérante a été nommée à l’emploi d’administrateur auprès de la DG « Justice, liberté et sécurité ».

21      La requérante a accusé réception de la décision attaquée le 3 mars 2005 et a introduit une réclamation le 30 mai 2005.

22      L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation par décision du 29 novembre 2005.

 Procédures devant le Tribunal et le Tribunal de l’Union européenne

23      À l’appui de son recours en annulation, la requérante soulevait, en premier lieu, le moyen déduit de ce que la décision attaquée violait, par elle-même, le principe de bonne administration, le principe d’égalité, l’article 5, paragraphe 5, du statut, le principe de proportionnalité, le principe de la vocation à la carrière et l’obligation de motiver les actes faisant grief. Elle soutenait, en deuxième lieu, que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut était illégal. Elle invoquait, à cet égard, trois exceptions d’illégalité. La première exception d’illégalité était tirée de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’article 5, paragraphe 5, du statut. La deuxième exception d’illégalité était fondée sur la violation des articles 29 et 31 du statut. La troisième exception d’illégalité était tirée de la violation du principe de confiance légitime. Dans sa réplique, la requérante invoquait, en troisième lieu, le moyen tiré de l’inapplicabilité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut à sa situation.

24      Par son arrêt De Luca, le Tribunal a rejeté le recours en jugeant, notamment, que la Commission avait à bon droit fait application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut dans le cas de la requérante. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a considéré qu’il ressortait d’une lecture combinée de l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut et de l’article 12, paragraphe 3, de cette annexe que le terme « recrutés » figurant dans cette dernière disposition devait être compris comme visant les fonctionnaires entrés en service entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 dans un emploi rendu accessible à la suite de leur inscription, avant le 1er mai 2006, sur une liste d’aptitude clôturant un concours publié sous le régime du statut dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004 le 1er mai 2004, et cela que les intéressés aient déjà ou non la qualité de fonctionnaire lors de leur entrée en service sur la base de ladite liste.

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal de l’Union européenne le 10 décembre 2010, la requérante a formé un pourvoi contre l’arrêt De Luca au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice. Ce pourvoi a été enregistré sous la référence T‑563/10 P.

26      Par son arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a accueilli le pourvoi formé par la requérante et annulé l’arrêt De Luca.

27      Le Tribunal de l’Union européenne a en effet considéré que la question du reclassement en grade d’un fonctionnaire en activité qui, à l’instar de la requérante, est nommé dans un autre emploi en tant que lauréat d’un concours général lui permettant d’accéder à des emplois d’un niveau a priori supérieur à celui qu’il occupait, n’était pas régie par les dispositions du statut.

28      Le Tribunal de l’Union européenne a plus précisément jugé qu’il ne pouvait « être déduit du texte de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, lu en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 2, [de la même annexe], que, dans le contexte des mesures de transition applicables aux fonctionnaires, le législateur a[vait] entendu définir la notion de recrutement, de manière spécifique et dérogatoire au droit commun, comme pouvant viser la situation d’un fonctionnaire en activité nommé dans un autre emploi en tant que lauréat d’un concours général » (arrêt de renvoi, point 51).

29      Dans un tel contexte, le Tribunal de l’Union européenne a considéré que « [l]es solutions [...] dégagées [par la jurisprudence] au sujet du reclassement en échelon d’un fonctionnaire en activité nommé dans un autre emploi en tant que lauréat d’un concours général p[ouvai]ent être appliquées, par analogie, au reclassement en grade » litigieux (arrêt de renvoi, point 49). En effet, le Tribunal de l’Union européenne a constaté que, comme dans la situation litigieuse, « le statut ne comportait pas de dispositions générales qui auraient régi le [re]classement en échelon d’un fonctionnaire en activité nommé dans un autre emploi en tant que lauréat d’un concours général ». En particulier, il a relevé qu’une nouvelle nomination d’un fonctionnaire ne pouvait « pas [...] être considérée comme un recrutement au sens strict du terme, le fonctionnaire en question ayant déjà été précédemment recruté » (arrêt de renvoi, point 46).

30      Le Tribunal de l’Union européenne a, toutefois, relevé également que, selon la jurisprudence, « le [re]classement en échelon d’un fonctionnaire en activité nommé dans un autre emploi en tant que lauréat d’un concours général devait, en principe, être effectué en application des dispositions statutaires et des principes généraux régissant le déroulement normal de la carrière des fonctionnaires au sein de leur corps, compte tenu du but poursuivi par ces règles d’assurer, pendant le déroulement de la carrière du fonctionnaire, la plus grande continuité possible » (arrêt de renvoi, point 47). Néanmoins, le Tribunal de l’Union européenne a encore observé que « le juge de l’Union [avait] procédé à l’extension de la notion de recrutement, strictement entendue, pour désigner l’engagement de personnes ayant déjà la qualité de fonctionnaire, [...] à titre exceptionnel et dans des cas où ces personnes pouvaient en retirer un certain intérêt ou avantage en termes de carrière et/ou de rémunération » (arrêt de renvoi, point 48).

31      Dès lors, le Tribunal de l’Union européenne a estimé que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ne pouvait être jugé applicable au cas d’espèce « que par analogie et dans la mesure où la requérante pouvait retirer de l’application de cette disposition un certain intérêt ou avantage, en termes d’évolution de carrière et/ou de rémunération [...], dont le bénéfice était en principe réservé aux fonctionnaires ‘recrutés’ entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 » (arrêt de renvoi, point 52).

32      En conséquence le Tribunal de l’Union européenne a constaté que le Tribunal avait commis une erreur de droit « en interprétant l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut en ce sens qu’il définissait la notion de recrutement, de manière spécifique et dérogatoire au droit commun » (arrêt de renvoi, point 53). Il a également observé que cette erreur de droit avait amené le Tribunal à conclure au caractère applicable de l’article 12, paragraphe 3, susmentionné, au cas d’espèce « sans avoir préalablement recherché, comme il y était légalement tenu, si la requérante pouvait retirer de l’application de cette disposition un certain intérêt ou avantage, en termes d’évolution de carrière et/ou de rémunération, dont le bénéfice était, en principe, réservé aux fonctionnaires ‘recrutés’ entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 ». En effet, selon le Tribunal de l’Union européenne, « seul le constat d’un tel intérêt ou avantage, de nature à compenser, dans le cas de la requérante, le fait que ‘son classement a[vait] été fixé à un grade inférieur à celui qu’elle occupait déjà’ [...] aurait permis de justifier que soit écarté, en l’espèce, l’application, par analogie, des dispositions statutaires et des principes généraux régissant le déroulement normal de la carrière des fonctionnaires au sein de leur corps » (arrêt de renvoi, point 53).

33      Après avoir annulé l’arrêt De Luca, le Tribunal de l’Union européenne n’a pas statué lui-même sur le litige, qu’il a estimé ne pas être en état d’être jugé, et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal. Le Tribunal de l’Union européenne a considéré à cet égard que le Tribunal n’avait pas procédé à l’ensemble des vérifications qui lui auraient permis de juger non fondés le moyen d’annulation tiré de l’inapplicabilité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, les exceptions d’illégalité dirigées contre cette disposition, ainsi que le moyen, dirigé directement contre la décision attaquée, tiré de la violation du principe de bonne administration, du principe d’égalité, de l’article 5, paragraphe 5, du statut, du principe de proportionnalité, du principe de vocation à la carrière et de l’obligation de motiver les actes faisant grief, et, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble (arrêt de renvoi, point 57).

34      À la suite du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, la requérante, la Commission et le Conseil de l’Union européenne, partie intervenante au soutien de la Commission, ont été invitées à présenter des mémoires d’observations écrites conformément à l’article 114 du règlement de procédure.

35      Dans le rapport préparatoire d’audience, le Tribunal a invité la requérante et la Commission à répondre par écrit à des mesures d’organisation de la procédure. Lesdites parties ont satisfait à ces mesures et leurs réponses respectives ont été communiquées aux autres parties avant l’audience.

 Conclusions des parties

36      Par l’effet de l’arrêt de renvoi, le Tribunal est saisi des conclusions d’annulation en première instance de la requérante, par lesquelles celle-ci concluait à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer l’article 12 de l’annexe XIII du statut illégal ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      Au point 44 de l’arrêt De Luca, le Tribunal a jugé que le premier chef de conclusions de la requérante, visant à déclarer l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut illégal, n’était pas recevable. Ce constat n’a pas été remis en cause par l’arrêt de renvoi.

38      Dans la présente instance sur renvoi, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

39      Dans la présente instance sur renvoi, le Conseil, partie intervenante, conclut également à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur le moyen tiré de l’inapplicabilité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut

 Arguments des parties

40      La requérante soutient que la décision attaquée est illégale au motif que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut lui a été appliqué à tort.

41      Dans son mémoire d’observations sur l’arrêt de renvoi, la requérante relève que le concours COM/A/11/01 visait à constituer une réserve de recrutement d’administrateurs principaux et que, aux termes de l’annexe I, point A, du statut, ce type d’emploi correspondait au grade A*11 et non au grade A*9 qui lui a été conféré en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. Elle ajoute qu’elle a ainsi dû attendre deux promotions pour pouvoir exercer des tâches d’un niveau correspondant à celui annoncé dans ledit concours. Aussi son classement en application de l’article 12, paragraphe 3, susmentionné, ne lui aurait-il procuré aucun avantage en termes d’évolution de carrière.

42      S’agissant de l’intérêt de l’application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut en termes de rémunération, la requérante rappelle que, avant la décision attaquée, elle était titulaire du grade A*10, échelon 2. Elle fait valoir que, si elle avait conservé ce grade et dans l’hypothèse où elle n’aurait bénéficié d’aucune promotion, elle aurait pu accéder, en 2015, au grade A*10, échelon 8, dont le traitement de base serait plus important que celui afférent au cinquième et dernier échelon du grade A*9 qui lui a été conféré par la décision attaquée.

43      Selon la requérante, l’arrêt de renvoi impliquerait, néanmoins, de comparer les conséquences pécuniaires de la décision attaquée avec celles d’une décision fixant son classement en application des règles relatives à la promotion s’inscrivant dans le cadre d’un déroulement de carrière normal, c’est-à-dire, en l’espèce, avec les conséquences pécuniaires d’une décision lui accordant une promotion au grade A*11. La requérante prétend, à cet égard, que la rémunération consécutive à une telle décision aurait évolué, même avec un facteur de multiplication inférieur à l’unité, de manière plus favorable que la rémunération dont elle a bénéficié en vertu de la décision attaquée qui l’a classée au grade A*9, sans facteur de multiplication.

44      Dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure figurant dans le rapport préparatoire d’audience, la requérante a exposé, en outre, que, dans l’hypothèse où elle aurait été nommée au grade A*10 dans le poste ouvert à la suite du concours COM/A/11/01 à la DG « Justice, liberté et sécurité » et où elle aurait obtenu par la suite une promotion, elle aurait alors perçu un traitement de base supérieur à celui afférent au grade A*9, échelon 2, sans facteur de multiplication.

45      En conséquence, la requérante estime que, le classement au grade A*9 ne lui procurant aucun avantage, elle aurait dû être classée au grade A*11 auquel lui donnait vocation sa réussite au concours COM/A/11/01.

46      La Commission et le Conseil contestent cette analyse.

 Appréciation du Tribunal

47      Dès lors que le statut ne comporte pas de disposition régissant le classement en grade d’un fonctionnaire qui, telle la requérante, est nommé dans un autre emploi en tant que lauréat d’un concours général lui permettant d’accéder à des emplois d’un niveau a priori supérieur à celui qu’il occupait, il convient, ainsi que le Tribunal de l’Union européenne l’a indiqué au point 49 de l’arrêt de renvoi, d’appliquer par analogie la jurisprudence relative au reclassement en échelon d’un fonctionnaire en activité nommé dans un autre emploi en tant que lauréat d’un concours général. Par conséquent, pour décider si l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut était applicable à la situation de la requérante, il y a lieu d’examiner, conformément à cette jurisprudence, si le classement au grade A*9, conféré à celle-ci en vertu de cette disposition, lui a procuré un certain intérêt ou avantage en termes d’évolution de carrière et/ou de rémunération dont le bénéfice était, en principe, réservé aux fonctionnaires recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006.

48      Afin d’examiner le caractère avantageux ou non de l’application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, il incombe, plus précisément, au Tribunal de rechercher si la voie du recrutement aménagée par cet article a offert à la requérante un certain « intérêt ou avantage [en termes d’évolution de carrière et/ou de rémunération] de nature à compenser, dans [son cas], le fait que ‘son classement [a été] fixé à un grade inférieur à celui qu’elle occupait déjà’ » (arrêt de renvoi, point 53). Il découle des termes ainsi employés par le Tribunal de l’Union européenne qu’il y a lieu de comparer la carrière et les traitements que la requérante aurait pu espérer sur la base du grade A*10, dont elle était déjà titulaire, à la carrière et aux traitements qu’elle peut avoir à la suite de sa nomination, par la décision attaquée, au grade A*9.

49      La comparaison des carrières et traitements s’impose d’autant plus dans les termes qui précèdent qu’il suffirait que la décision attaquée ait offert à la requérante un certain intérêt ou un certain avantage au titre de la carrière ou de la rémunération par rapport à sa situation antérieure pour que, malgré le redéploiement des grades consécutif à la réforme du statut, il soit satisfait à l’objectif général de ce dernier d’assurer aux fonctionnaires une continuité dans l’évolution de leur vie professionnelle.

50      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu, comme la requérante l’a spécialement soutenu à l’audience, de comparer sa situation telle qu’elle est issue de la décision attaquée à celle qui aurait été la sienne si elle avait été nommée, au vu du concours COM/A/11/01, au grade A*11. Au demeurant, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, établissant notamment un rapport entre l’ancien grade A 5 et le grade A*11, a seulement eu pour objet de convertir, au 1er mai 2004, les grades dont étaient déjà titulaires ceux qui avaient la qualité de fonctionnaire le 30 avril 2004 dans la perspective de leur rendre applicable la nouvelle structure de carrières appelée à entrer pleinement en vigueur le 1er mai 2006 et non de convertir des grades figurant dans des avis de concours qui, comme le concours COM/A/11/01, ont été publiés avant le 1er mai 2004.

51      Au vu de ce qui précède, il y a seulement lieu d’examiner si la requérante, qui, avant la décision attaquée, était titulaire du grade A*10, avec un traitement affecté d’un facteur de multiplication, a pu retirer un certain intérêt ou avantage, en termes d’évolution de carrière et/ou de rémunération du fait de sa nomination, par cette décision, au grade A*9, assorti d’un traitement dépourvu de facteur de multiplication, et cela sur la base de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut.

52      La Commission ne conteste pas que le maintien de la requérante dans le grade A*10 aurait présenté, pour celle-ci, un certain intérêt en terme d’évolution de carrière par rapport à son classement au grade A*9.

53      Toutefois, il ressort de la formule « et/ou » utilisée aux points 48, 52 et 53 de l’arrêt de renvoi qu’il suffirait que le classement de la requérante au grade A*9 ait présenté un intérêt ou un avantage uniquement en termes de rémunération pour que l’application, par analogie, de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ait été légalement admissible.

54      La Commission ne conteste pas davantage que, dans l’hypothèse où, maintenue dans son grade A*10 en 2005, la requérante n’aurait ensuite bénéficié d’aucune promotion, elle aurait pu accéder, en 2015, au huitième échelon du grade A*10, dont le traitement de base, avec facteur de multiplication, était plus élevé que le traitement, sans facteur de multiplication, attaché au cinquième et dernier échelon du grade A*9, qui lui a été conféré par la décision attaquée.

55      Comme le soutient la Commission, cet argument doit, toutefois, être écarté. Il repose sur un cas de figure purement hypothétique en ce qu’une absence de promotion pendant une dizaine d’années aurait impliqué une succession de notations de la requérante exceptionnellement mauvaises, en particulier au vu des taux de promotion de 25 % mentionnés, pour les grades 9 et 10 par l’annexe I, point B, du statut. De surcroît, ce cas de figure est démenti par les faits, puisque la requérante a d’ores et déjà bénéficié de deux promotions, la première du grade A*9 au grade AD 10 le 1er mars 2007 et la seconde au grade AD 11 le 1er janvier 2010.

56      Il ne saurait davantage être tenu compte de la comparaison qu’opère la requérante entre sa situation au grade A*9 et l’hypothèse où, nommée en 2005 au grade A*10 dans le poste ouvert à la suite du concours COM/A/11/01 à la DG « Justice, liberté et sécurité », elle aurait ensuite obtenu une promotion. En effet, la requérante compare ainsi une situation dans laquelle elle aurait bénéficié d’une promotion à une situation, inexacte ainsi qu’il ressort du point précédent, dans laquelle, nommée au grade A*9, elle n’en aurait obtenue aucune.

57      En revanche, la Commission a communiqué, en annexe à son mémoire d’observations sur l’arrêt de renvoi, un tableau comparant la carrière de la requérante à partir de sa nomination par la décision attaquée au grade A*9 à une carrière simulée à partir du grade A*10, qui était le sien avant cette décision. Il ressort de cette comparaison que le traitement mensuel de base de la carrière simulée à partir de sa nomination au grade A*10 ne dépasserait le traitement correspondant à la carrière fondée sur le grade A*9 qu’à dater du 1er janvier 2016.

58      De surcroît, il ressort du tableau susmentionné que, en raison des traitements différents attachés aux grades A*9 et A*10, la carrière de la requérante construite sur la base du grade A*9 produirait, au 1er janvier 2016, un excédent par rapport à la carrière fondée sur le grade A*10, de sorte que cet excédent continuerait à constituer un avantage après cette date, même si celui-ci diminuerait avec le temps. À la date du 1er avril 2012, cet excédent s’élevait déjà à 39 170,42 euros.

59      Au vu de ce qui précède, dans le rapport préparatoire d’audience, il a été demandé à la Commission d’établir une projection complétant le tableau annexé à son mémoire d’observations sur l’arrêt de renvoi, de manière à faire apparaître à quel moment, selon elle, l’excédent en question serait épuisé par la rémunération attachée à la carrière fondée sur le grade A*10, rémunération qui commencerait à devenir plus attrayante que celle attachée à la carrière basée sur le grade A*9 à compter du 1er janvier 2016.

60      En réponse à la mesure d’organisation de la procédure contenue dans le rapport préparatoire d’audience, la Commission a communiqué au Tribunal un nouveau tableau comparant les rémunérations liées à des carrières simulées basées sur les grades A*9 et A*10. Il ressort de ce nouveau tableau que l’avantage financier mensuel découlant de la carrière fondée sur le grade A*9 par rapport à la carrière fondée sur le grade A*10 perdurerait non pas jusqu’en janvier 2016, mais jusqu’en janvier 2017. La Commission explique cette différence par le fait que, dans le tableau qu’elle avait joint en annexe à son mémoire d’observations sur l’arrêt de renvoi, elle n’avait pris en considération, à partir de janvier 2014, que des avancements d’échelon, sans tenir compte de promotions, moins faciles à prévoir, tandis que, dans le nouveau tableau, elle a envisagé des promotions subséquentes, susceptibles d’être raisonnablement attendues. Par ailleurs, il ressort du même nouveau tableau que l’excédent financier cumulé constitué dans le cadre de la carrière construite à partir du grade A*9 ne disparaîtrait, par comparaison avec la carrière fondée sur le grade A*10, qu’en décembre 2024, soit deux ans avant l’âge normal de la retraite de la requérante.

61      La requérante a mis en cause l’évolution de la carrière fondée sur le grade A*10, telle que celle-ci résulte de la simulation préparée par la Commission.

62      Il est vrai qu’il ressort des tableaux communiqués par la Commission que dans la carrière simulée fondée sur le grade A*10, la première promotion de la requérante, au grade AD 11, n’est envisagée qu’au 1er mars 2008, tandis que dans sa carrière réelle fondée sur le grade A*9, la requérante a obtenu une première promotion, au grade AD 10, dès le 1er mars 2007. La Commission a, toutefois, exposé que cette différence s’expliquait par le fait que la requérante avait accédé au grade LA 6, renommé ensuite A*10, le 1er mars 2003 et par le fait que le seuil de points fixé au grade AD 10 pour une promotion était nettement supérieur à celui fixé pour une promotion à partir du grade AD 9. En particulier, la Commission a fait observer que, en 2005, le seuil de promotion vers le grade A*11 était de 60 points, alors que la requérante n’en comptait que 29.

63      Il est vrai aussi que la Commission a, d’un point de vue plus général, comparé la carrière de la requérante, fondée sur le grade A*9, telle qu’elle s’est effectivement déroulée jusqu’en 2012, et qui s’est révélée relativement rapide, avec une carrière moyenne fondée sur le grade A*10. Toutefois, outre le constat opéré au point précédent en ce qui concerne le déroulement des deux carrières durant les premières années, il y a lieu de constater que, dans le nouveau tableau communiqué en réponse aux mesures d’organisation de la procédure contenues dans le rapport préparatoire d’audience, la Commission s’est également basée sur une carrière moyenne pour simuler la progression dans le futur de la carrière de la requérante basée sur le grade A*9.

64      Il découle de ce qui précède que les constatations de la Commission ne manquent pas de fiabilité.

65      En définitive, il ressort des données factuelles évoquées aux points 57 à 60 ci-dessus qu’une carrière fondée sur le grade A*9 présente un avantage à long terme pour la requérante, tandis qu’une carrière basée sur une nomination au 1er février 2005 à la DG « Justice, liberté et sécurité » dans le grade A*10, égal à « celui qu’elle occupait déjà » (arrêt de renvoi, point 53), ne serait vraisemblablement susceptible de présenter pour elle un intérêt, en termes de rémunération, qu’à compter de décembre 2024. Or, un tel intérêt, aussi éloigné dans le temps, apparaît trop aléatoire pour être pris en considération.

66      Au demeurant, même au vu des seules constatations tirées du premier tableau comparatif communiqué par la Commission, force est de constater que le maintien, jusqu’au 1er janvier 2016, d’une rémunération plus élevée dans le cadre de la carrière fondée sur le grade A*9 par rapport à une carrière basée sur le grade A*10 constituerait déjà un « certain intérêt ou avantage » requis par l’arrêt de renvoi pour justifier une application par analogie de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut (arrêt de renvoi, points 48, 52 et 53).

67      Il y a, d’ailleurs, lieu d’observer que, dans la jurisprudence relative au classement en échelon dont le Tribunal de l’Union européenne a étendu les solutions au cas d’espèce par l’arrêt de renvoi (arrêt de renvoi, points 49 à 52), l’application par analogie des règles relatives au classement en échelon dans le cadre d’un recrutement se justifiait par le fait qu’elle permettait de tenir compte d’une expérience professionnelle spécifique (arrêt de la Cour du 14 juin 1988, Lucas/Commission, 47/87, points 12 et 14) justifiant l’octroi d’une bonification d’ancienneté d’échelon supplémentaire dont le bénéfice était immédiat. Tel n’était pas le cas en l’occurrence.

68      Il découle des constatations qui précèdent que, au vu des avantages que la requérante pouvait en retirer, la Commission a pu valablement, dans la décision attaquée, assimiler la nomination de l’intéressée à la DG « Justice, liberté et sécurité » à un recrutement et lui appliquer par analogie l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. En conséquence, le moyen tiré de l’inapplicabilité de cette disposition n’est pas fondé.

 Sur les autres moyens de la requête

69      Au soutien de son recours, outre le moyen examiné ci-dessus, la requérante invoquait trois exceptions d’illégalité à l’encontre de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut et contestait directement la légalité de la décision attaquée à plusieurs titres (voir point 23 du présent arrêt).

70      Dans son pourvoi, la requérante a soulevé deux moyens. Le premier moyen de cassation était tiré d’une erreur de droit quant au caractère applicable en l’espèce de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, lequel a été accueilli par le Tribunal de l’Union européenne. Le second moyen de cassation était, pour sa part, tiré d’une erreur de droit résultant de ce que, dans l’arrêt De Luca, le Tribunal avait rejeté tant les moyens dirigés directement contre la décision attaquée tirés d’une violation du principe d’égalité de traitement, du principe de la vocation à la carrière et du principe de proportionnalité que les exceptions d’illégalité fondées sur la violation des mêmes principes. Dans le cadre de ce second moyen, la requérante soutenait, en outre, que la décision de la classer au grade A*9 violait son droit, acquis avant l’entrée en vigueur du nouveau statut, à être classée à un grade au moins équivalent au grade A*10 qui était le sien dans le système transitoire applicable durant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006.

71      Le dernier grief du second moyen de cassation, tiré de la violation d’un droit acquis, a été rejeté par l’arrêt de renvoi comme étant irrecevable.

72      L’arrêt de renvoi n’a, par contre, pas statué sur les premiers griefs formant le second moyen de cassation. Comme cela a été exposé au point 33 ci-dessus, le Tribunal de l’Union européenne a, en effet, considéré que le Tribunal n’avait pas procédé à l’ensemble des vérifications qui lui auraient permis de conclure à bon droit au rejet non seulement du moyen d’annulation tiré de l’inapplicabilité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, mais aussi des exceptions d’illégalité dirigées contre cette disposition et du moyen dirigé directement contre la décision attaquée.

73      Invitée, dans le rapport préparatoire d’audience, à préciser, par écrit, le sort qu’elle entendait réserver aux exceptions d’illégalité et au moyen dirigé directement contre la décision attaquée qu’elle avait invoqués dans sa requête, la requérante a maintenu ses arguments tirés de la violation des principes d’égalité, de proportionnalité, de bonne administration et de légitime confiance.

74      La requérante fait valoir qu’elle a été discriminée par rapport aux fonctionnaires déjà nommés, comme elle, avant le 1er mai 2004. Or, le Tribunal de l’Union européenne aurait précisément jugé, au point 47 de l’arrêt de renvoi, qu’il convenait de faire prévaloir le principe de l’égalité entre le fonctionnaire concerné et les autres fonctionnaires ayant vocation à la carrière, sur celui de l’égalité entre tous les lauréats d’un même concours général. La requérante soutient également que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut serait disproportionné au vu des désavantages causés au petit nombre de fonctionnaires concernés. Elle prétend en outre que l’application de cette disposition méconnaîtrait le principe de bonne administration en ce qu’elle aurait pour effet de démotiver les fonctionnaires méritants. Enfin, elle soutient que cette même application a méconnu ses attentes légitimes résultant du considérant 37 du préambule du règlement no 723/2004 duquel il ressortirait que, en adoptant des mesures transitoires, le législateur avait eu l’intention de ne mettre que progressivement en œuvre la nouvelle structure de carrières.

75      Il convient toutefois de rappeler que, dans l’arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a admis qu’il n’y avait pas lieu de faire prévaloir le principe d’égalité entre fonctionnaires déjà nommés précisément dans le cas où l’application par analogie des règles du recrutement présenterait, pour le fonctionnaire concerné, « un certain intérêt ou avantage en termes de carrière et/ou de rémunération » (arrêt de renvoi, points 48 et suivants). Or, il ressort des points 47 et suivants du présent arrêt que le choix fait par la Commission d’assimiler la nomination de la requérante à la DG « Justice, liberté et sécurité » à un recrutement et de lui appliquer par analogie l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut lui a effectivement garanti un certain avantage en termes de rémunération. Compte tenu de cet avantage, il ne saurait, en outre, être jugé que cette disposition serait disproportionnée et contraire au principe de bonne administration.

76      Au demeurant, il convient de rappeler que, s’agissant d’un domaine où le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les traités lui attribuent, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure peut affecter la légalité de celle-ci, ce que la requérante n’établit pas. De surcroît, dès lors que, au vu de l’avantage fourni par la voie du recrutement, la Commission était fondée à appliquer par analogie l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, elle ne pouvait s’écarter de la concordance des grades fixée dans le tableau figurant dans cet article.

77      Enfin, le grief tiré de ce que l’application en l’espèce de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut violerait le principe de confiance légitime constitue un moyen nouveau et irrecevable, dans la mesure où, dans son acte introductif d’instance, la requérante n’avait invoqué la méconnaissance de ce principe qu’à l’appui d’une exception d’illégalité dirigée contre cette disposition et non, comme elle l’invoque dans la présente instance sur renvoi, contre son application par la décision attaquée. En toute hypothèse, le considérant 37 du préambule du règlement no 723/2004 est formulé de manière trop générale pour constituer une assurance précise que les dispositions transitoires de ce règlement seraient appliquées aux fonctionnaires dans la situation de la requérante plus favorablement qu’elles ne l’ont été.

78      Pour le surplus, la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu au terme de son réexamen du moyen tiré de l’inapplicabilité de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut ne remet pas en cause les constats opérés aux points 68 à 74, 84 à 93, 98 à 104, 112 à 122 et 125 à 141 de l’arrêt De Luca. La requérante, d’ailleurs, ne fournit à cet égard aucun argument en ce sens autres que ceux qui ont été rencontrés dans le présent arrêt.

79      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

80      Il appartient au Tribunal de statuer dans le présent arrêt sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, conformément à l’article 115 du règlement de procédure.

81      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

82      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

83      En l’espèce, en ce qui concerne les deux procédures devant le Tribunal, il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante a finalement succombé en son recours. Dans ces conditions, s’agissant de ces deux procédures, chaque partie devra supporter ses propres dépens afférents à ces procédures.

84      En revanche, la requérante a obtenu gain de cause dans le cadre de son pourvoi, de sorte que les dépens exposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de l’Union européenne doivent être supportés par la Commission.

85      Enfin, selon l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme De Luca et la Commission européenne supportent chacune leurs propres dépens dans les deux procédures engagées devant le Tribunal.

3)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens de Mme De Luca afférents à la procédure engagée devant le Tribunal de l’Union européenne.

4)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Barents

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 janvier 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.