Language of document : ECLI:EU:C:2018:953

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

22 novembre 2018 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑617/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n° 3 bis de Albacete (tribunal de première instance n° 3 bis d’Albacete, Espagne), par décision du 2 octobre 2018, parvenue à la Cour le 2 octobre 2018, dans la procédure

Los prestatarios

contre

Globalcaja SA,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, M. E. Levits, et l’avocat général, M. H. Saugmandsgaard Øe, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), en particulier de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant los prestatarios, des preneurs de crédit hypothécaire, à Globalcaja SA, un établissement bancaire, au sujet de la validité d’une clause figurant dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre ces parties, ainsi que de celle de l’accord ultérieur conclu entre lesdites parties modifiant cette clause.

3        Il ressort de la décision de renvoi que, le 7 novembre 2003, les requérants au principal ont conclu auprès de Globalcaja un contrat de prêt hypothécaire prévoyant un taux d’intérêt variable et incluant une clause dite « plancher » limitant la baisse possible de ce taux à 3,5 % d’intérêts.

4        À la suite d’un arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), du 9 mai 2013, déclarant les clauses planchers abusives dans certaines circonstances, les requérants au principal ont conclu un accord avec Globalcaja, en date du 8 août 2015, par lequel, notamment, la clause plancher du contrat de prêt hypothécaire en cause au principal a été supprimée et remplacée par un taux variable constitué de l’EURIBOR plus 1,5 point de pourcentage, les requérants au principal renonçant, en contrepartie, à toute action judiciaire ou extrajudiciaire visant une quelconque réclamation liée à l’application de cette clause.

5        Par la suite, les requérants au principal ont formé un recours devant la juridiction de renvoi, le Juzgado de Primera Instancia n° 3 bis de Albacete (tribunal de première instance n° 3 bis d’Albacete, Espagne), tendant à ce qu’il constate la nullité de la clause en cause au principal en raison de son caractère abusif, ainsi que de l’accord du 8 août 2015 au motif que les requérants au principal n’ont pas disposé des informations nécessaires pour apprécier l’étendue de leur engagement. Le recours vise, en outre, la condamnation de Globalcaja au remboursement des sommes perçues sur le fondement de cette clause et de cet accord.

6        C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel. Par ses cinq questions, elle demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une clause abusive soit l’objet d’un accord entre le consommateur et le professionnel par lequel, d’une part, cette clause est modifiée de telle sorte qu’elle est moins préjudiciable au consommateur et, d’autre part, ce dernier renonce à toute action en restitution des montants indûment versés. La juridiction de renvoi cherche également à connaître les critères pour l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles qui ne portent pas sur l’objet même du contrat, au sens de l’article 4 de la directive 93/13, et le cas échéant, les éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation de l’exigence de rédaction claire et transparente d’une clause modifiant une clause préalablement déclarée abusive.

7        Ladite juridiction a également demandé à la Cour de soumettre la présente affaire à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

8        Il ressort de cette disposition que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions du règlement de procédure.

9        À l’appui de cette demande, la juridiction de renvoi invoque, d’une part, l’importance du contentieux lié à la problématique des clauses planchers en Espagne, et notamment le risque d’asphyxie des juridictions nationales qui en résulte, ainsi que, d’autre part, le risque pour les consommateurs engagés dans des procédures contentieuses de voir leur cause définitivement jugée, sans avoir pu profiter d’une décision qui leur serait éventuellement favorable aux termes de la présente procédure préjudicielle. Cette juridiction ajoute que les réponses aux questions posées sont susceptibles d’avoir des répercussions pour l’ensemble des consommateurs européens.

10      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’application de la procédure accélérée dépend non pas de la nature du litige, en tant que telle, ni du nombre de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par les questions posées à titre préjudiciel, mais des circonstances exceptionnelles propres à l’affaire concernée, lesquelles doivent établir l’urgence extraordinaire de statuer sur ces questions (ordonnance du président de la Cour du 20 septembre 2018, Minister for Justice and Equality, C‑508/18 et C‑509/18, non publiée, EU:C:2018:766, point 9).

11      Or, s’agissant de l’affaire au principal, la juridiction de renvoi n’a pas établi l’existence de circonstances exceptionnelles propres à la situation des requérants au principal de nature à démontrer une urgence extraordinaire.

12      En effet, si la Cour a reconnu, dans le cadre de litiges se rapportant à des crédits hypothécaires, que la perte du logement familial était de nature à porter gravement atteinte au droit au logement des consommateurs et justifiait, dans certaines circonstances, l’application de la procédure accélérée en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 5 juin 2014, Sánchez Morcillo et Abril García, C‑169/14, EU:C:2014:1388, points 11 et 12), il n’est, en l’occurrence, pas fait état d’une telle circonstance dans la décision de renvoi.

13      En outre, même si la juridiction de renvoi ne s’appuie pas, en soi, sur le nombre d’affaires susceptibles de dépendre du dénouement de l’affaire au principal, il y a lieu néanmoins de rappeler, dans la mesure où cette juridiction fait état de la circonstance selon laquelle de nombreux consommateurs sont concernés par des litiges comparables au litige au principal, que le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par la décision qu’une juridiction de renvoi doit rendre après avoir saisi la Cour à titre préjudiciel n’est pas de nature, en tant que tel, à constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée (voir, notamment, ordonnances du président de la Cour du 21 septembre 2006, KÖGÁZ e.a., C‑283/06 et C-312/06, non publiée, EU:C:2006:602, point 9 ; du 11 novembre 2014, Banco Primus, C‑421/14, non publiée, EU:C:2014:2367, point 10 ; du 12 février 2015, Fernández Oliva e.a., C‑568/14 à C‑570/14, non publiée, EU:C:2015:100, point 18, ainsi que du 14 août 2015, Palacios Martínez et Banco Popular Español, C‑307/15 et C‑308/15, non publiée, EU:C:2015:598, point 13).

14      De même, ni le simple intérêt des justiciables, pour important et légitime qu’il soit, à ce que soit déterminée le plus rapidement possible la portée des droits qu’ils tirent du droit de l’Union ni le caractère économiquement ou socialement sensible de l’affaire au principal n’impliquent pour autant la nécessité de son traitement dans de brefs délais, au sens de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure (ordonnance du président de la Cour du 13 avril 2016, Indėlių ir investicijų draudimas, C‑109/16, non publiée, EU:C:2016:267, point 9 ainsi que jurisprudence citée).

15      Il résulte de ce qui précède que la demande de la juridiction de renvoi tendant à ce que la présente affaire soit soumise à une procédure accélérée ne saurait être accueillie.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

La demande du Juzgado de Primera Instancia n° 3 bis de Albacete (tribunal de première instance n° 3 bis d’Albacete, Espagne) tendant à ce que l’affaire C617/18 soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour est rejetée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.