Language of document : ECLI:EU:F:2010:165

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

14 décembre 2010 (*)

«Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Prise en charge des frais afférents à des soins dispensés par un ‘Heilpraktiker’ – Principe de non-discrimination»

Dans l’affaire F‑80/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Erika Lenz, ancienne fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Osnabrück (Allemagne), initialement représentée par Mes V. Lenz et J. Römer, avocats, puis par Mes V. Lenz, J. Römer et P. Birden, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, M. H. Kreppel (rapporteur) et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier: M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 septembre 2009 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 30 septembre suivant), Mme Lenz demande l’annulation de la décision par laquelle le régime d’assurance maladie commun aux institutions de l’Union européenne (ci-après le «RCAM») a refusé de lui rembourser les frais afférents à des soins dispensés par un Heilpraktiker (guérisseur ou praticien non-médecin) installé en Allemagne et non titulaire d’un diplôme de médecin.

 Cadre juridique

2        L’article 72, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») dispose:

«Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d’une réglementation établie d’un commun accord par les institutions [de l’Union] après avis du comité du statut, le fonctionnaire, son conjoint, lorsque celui-ci ne peut pas bénéficier de prestations de même nature et de même niveau en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires, ses enfants et les autres personnes à sa charge au sens de l’article 2 de l’annexe VII [du statut], sont couverts contre les risques de maladie. Ce taux est relevé à 85 % pour les prestations suivantes: consultations et visites, interventions chirurgicales, hospitalisation, produits pharmaceutiques, radiologie, analyses, examen[s] de laboratoire et prothèses sur prescription médicale à l’exception des prothèses dentaires. Il est porté à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladie mentale et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’autorité investie du pouvoir de nomination, ainsi que pour les examens de dépistage et en cas d’accouchement. Toutefois, les remboursements prévus à 100 % ne s’appliquent pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident ayant entraîné l’application de l’article 73 [du statut].

[…]

Les institutions peuvent, par la réglementation visée au premier alinéa, confier à l’une d’entre elles l’exercice du pouvoir de fixer les règles régissant le remboursement des frais selon la procédure prévue à l’article 110.

[…]»

3        Aux fins de définir les conditions d’application de l’article 72 du statut, les institutions ont adopté une réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après la «réglementation commune»).

4        Aux termes de l’article 1er de la réglementation commune, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, le RCAM «garantit aux bénéficiaires, dans les limites et conditions prévues dans la [réglementation commune] et dans les dispositions générales d’exécution adoptées sur la base de son article 52, le remboursement des frais exposés par suite de maladie, d’accident ou de maternité, ainsi que le versement d’une indemnité de frais funéraires».

5        Selon l’article 52 de la réglementation commune, les institutions délèguent à la Commission européenne, en vertu de l’article 72, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut, la compétence pour fixer, par des dispositions générales d’exécution, après avis du comité de gestion et consultation du comité du statut, les règles régissant le remboursement des frais dans le but de sauvegarder l’équilibre financier du régime et dans le respect du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

6        Les dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux, prévues à l’article 52 de la règlementation commune (ci-après les «DGE»), ont été adoptées par la Commission par décision du 2 juillet 2007.

7        Le chapitre 1er «Consultations et visites médicales» du titre II «Règles de remboursement» des DGE se compose de trois parties, intitulées, respectivement, «Généralités et définitions», «Modalités de remboursement» et «Prestations non remboursables».

8        La deuxième des parties mentionnées au point précédent, intitulée «Modalités de remboursement», contient un point 2.1 qui dispose:

«Les honoraires pour consultations/visites d’un médecin omnipraticien sont remboursés à 85 % avec un plafond de 35 [euros] et à 100 % en cas de maladie grave.

Les honoraires pour consultations/visites d’un médecin spécialiste sont remboursés à 85 % avec un plafond de 50 [euros] et à 100 % en cas de maladie grave.

Les honoraires pour visites urgentes, visites de nuit, durant le week-end et les jours fériés, définis conformément aux usages locaux et aux dispositions légales en vigueur sont remboursés à 85 % et à 100 % en cas de maladie grave.

L’anamnèse effectuée par un médecin homéopathe lors de la première visite et facturée séparément de la visite est remboursable à 85 % avec un plafond de 35 [euros].

Les consultations et avis du médecin traitant donnés par téléphone, par courrier, par courriel, sont remboursés à 85 % avec un plafond de 10 [euros].»

9        La deuxième des parties mentionnées au point 7 du présent arrêt contient également un point 2.2 qui dispose, en particulier, que «[l]es consultations de sommité(s) médicales(s), lorsque leur nécessité est reconnue par le médecin-conseil, sont remboursées à 85 % avec un plafond triple de celui prévu pour la consultation d’un médecin spécialiste, et à 100 % en cas de maladie grave».

10      Le chapitre 4 «Produits pharmaceutiques» du titre II des DGE se compose de six parties, dont la deuxième, intitulée «Conditions de remboursement», est ainsi libellée:

«[…]

Si en vertu de la législation nationale, une personne disposant d’une qualification autre que celle de médecin (par exemple dentiste, sage-femme, infirmière, Heilpraktiker, etc.) est habilitée à prescrire des produits pharmaceutiques, ceux-ci sont également éligibles à un remboursement aux conditions fixées par le présent régime dans les pays où de tels actes sont officiellement reconnus et légalisés.

[…]»

11      Dans la troisième partie du chapitre 1er du titre II des DGE, il est prévu:

«Ne sont pas remboursables:

–        [l]es consultations effectuées sur un site [i]nternet;

–        [l]es honoraires pour rendez-vous non respecté par le bénéficiaire;

–        [l]es frais d’envoi des rapports médicaux facturés séparément;

–        [l]es consultations, les examens et les actes techniques pratiqués dans un but non thérapeutique ou à des fins administratives tels que:

–        [e]xpertise judicaire;

–        [e]xamen dans le cadre d’une assurance;

–        [e]xamen d’aptitude professionnelle;

–        [e]xamen d’aptitude pour l’obtention d’un brevet de pilote;

–        [e]xamen pratiqués dans le cadre de la médecine du travail (examen d’embauche et visite médicale annuelle).»

 Faits à l’origine du litige

12      Par une note du 8 avril 2009, la requérante, fonctionnaire retraitée de la Commission européenne, a sollicité le remboursement de frais afférents à des soins qui lui avaient été dispensés en Allemagne, les 4 septembre 2008, 29 décembre 2008 et 26 février 2009, par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin. Le montant total des prestations s’élevait à 297 euros.

13      Cette demande a été rejetée par une décision du 4 mai 2009 du RCAM (ci-après la «décision litigieuse»).

14      Par note du 2 juin 2009, la requérante a introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.

15      Saisi en application de l’article 35, paragraphe 2, de la réglementation commune, le comité de gestion du RCAM a rendu l’avis selon lequel il y avait lieu de rejeter la réclamation.

16      Par une décision du 7 juillet 2009, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») a rejeté la réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

17      Le présent recours a été introduit le 26 septembre 2009.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision litigieuse;

–        condamner la Commission à lui rembourser, à hauteur de 85 %, soit pour un montant de 253 euros, les frais exposés pour des prestations dispensées par un Heilpraktiker les 4 septembre 2008, 29 décembre 2008 et 26 février 2009;

–        constater que la Commission est tenue de lui rembourser les frais exposés postérieurement au 1er avril 2009 pour des prestations dispensées par un Heilpraktiker;

–        condamner la Commission aux dépens de l’instance ainsi qu’aux frais d’avocat exposés pour la défense de la requérante, tant au stade précontentieux que contentieux.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      La requérante a également demandé au Tribunal, dans ses écrits, que celui-ci procède à l’audition, en qualité de témoin, d’une personne pour laquelle le RCAM aurait accepté de rembourser des honoraires versés à un Heilpraktiker.

 En droit

 Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal constate l’obligation pour la Commission de rembourser à la requérante les frais exposés postérieurement au 1er avril 2009 pour des prestations dispensées par un Heilpraktiker

21      Il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions à l’administration dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut (arrêt du Tribunal de première instance du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 63). Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées ne peuvent qu’être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse et sur les conclusions tendant à la condamnation de la Commission à rembourser à la requérante, à hauteur de 85 %, soit pour un montant de 253 euros, les frais exposés pour des prestations dispensées par un Heilpraktiker les 4 septembre 2008, 29 décembre 2008 et 26 février 2009

 Arguments des parties

22      La requérante soulève, en substance, trois moyens à l’encontre de la décision litigieuse.

23      En premier lieu, le refus du RCAM de prendre en charge les prestations de soins dont elle avait demandé le remboursement serait insuffisamment motivé, puisque la décision litigieuse se bornerait à justifier ce refus par la circonstance que les prestations délivrées par un Heilpraktiker relèveraient du «code 900».

24      En deuxième lieu, il ne ressortirait aucunement des DGE que les prestations dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin seraient exclues du remboursement, ce d’autant que le RCAM assurerait par ailleurs la prise en charge des frais relatifs à des prestations délivrées par des personnes ne justifiant pas d’un diplôme de médecin, tels les examens réalisés par un opticien. En outre, le RCAM accepterait de rembourser les produits pharmaceutiques prescrits par un Heilpraktiker. L’intéressée ajoute que les consultations et les visites auprès d’un Heilpraktiker ne figureraient pas au nombre des «prestations non remboursables» dont la liste est énoncée à la troisième partie du chapitre 1er «Consultations et visites médicales» du titre II des DGE. Enfin, la requérante souligne que, depuis l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union européenne, le RCAM interpréterait à tort les DGE à la lumière de la législation autrichienne, laquelle n’autoriserait le remboursement des prestations dispensées par un Heilpraktiker qu’à la condition que celui-ci soit également médecin.

25      En troisième lieu, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait que la Commission a fait une exacte application des DGE, celles-ci seraient en tout état de cause illégales, puisqu’elles seraient à l’origine d’une double discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne. En effet, d’une part, ceux-ci seraient discriminés par rapport aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Autriche, puisque les premiers, contrairement aux seconds, ne pourraient se faire rembourser les prestations de soins dispensées par des Heilpraktiker. D’autre part, ils seraient discriminés par rapport aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires de la fonction publique allemande, ces derniers bénéficiant de la possibilité d’obtenir de la part du régime de sécurité sociale des fonctionnaires et des caisses d’assurance maladie privées – régime et caisses auxquels serait comparable le RCAM – le remboursement de prestations dispensées par un Heilpraktiker.

26      En défense, la Commission conclut au rejet de l’ensemble des moyens, faisant observer que les DGE ne prévoiraient nullement le remboursement des prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker ne disposant pas d’un diplôme de médecin.

27      S’agissant, par ailleurs, de la prétendue discrimination dont feraient l’objet les fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne par rapport aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires établis en Autriche, la Commission, après avoir souligné qu’un tel grief ne figurerait pas dans la réclamation, fait observer en tout état de cause que les deux catégories visées par la requérante ne seraient pas dans des situations comparables, puisque, en Autriche, il serait exigé d’un Heilpraktiker la possession d’un diplôme de médecin, ce qui ne serait pas le cas en Allemagne.

28      Quant à la prétendue discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne par rapport aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires de la fonction publique allemande, au prétexte allégué que ces derniers pourraient se faire rembourser par des caisses de maladie privées les frais afférents à des prestations dispensées par un Heilpraktiker, la Commission souligne que le RCAM constituerait un régime d’assurance-maladie obligatoire qui, compte tenu de la modicité des cotisations, ne serait pas comparable à une caisse de maladie privée.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur le premier moyen, tiré de l’absence de motivation

29      Il résulte de l’article 25, deuxième alinéa, du statut que toute décision individuelle prise en application du statut et faisant grief doit être motivée. Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation d’une décision faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est fondée ou non et, d’autre part, d’en rendre possible le contrôle juridictionnel (arrêts du Tribunal de première instance du 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑73, point 67, et du 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, RecFP p. I‑A‑105 et II‑541, point 43). En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que si, dans la décision litigieuse, le RCAM s’est borné, sans le motiver, à rejeter les demandes de remboursement présentées par la requérante, l’AIPN a, dans la réponse à la réclamation, explicité les motifs de droit et de fait au fondement de cette décision en indiquant notamment que, ainsi qu’il ressortirait du point 2.1 du chapitre 1er du titre II des DGE, seules les prestations effectuées par un médecin en tant que tel étaient susceptibles de faire l’objet d’un remboursement. Or, il est de jurisprudence constante que l’administration satisfait à son obligation de motivation d’une décision de refus de remboursement en motivant la décision de rejet de la réclamation, la motivation de cette dernière décision étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (voir arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑0000 et II‑B‑1‑0000, points 55 et 56).

30      Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’obligation de motivation doit être écarté.

–       Sur le deuxième moyen, tiré de l’interprétation erronée des DGE

31      Il importe de rappeler que les DGE contiennent un titre II, intitulé «Règles de remboursement». Ce titre est lui-même subdivisé en treize chapitres, les douze premiers étant consacrés aux différentes catégories de frais médicaux susceptibles d’être remboursés, le treizième aux frais funéraires pour lesquels est prévue une indemnité forfaitaire.

32      Or, alors que les DGE prévoient expressément – dans la deuxième partie du chapitre 1er du titre II – la prise en charge des honoraires versés à un médecin pour une consultation ou une visite médicales, il ne ressort d’aucune disposition des DGE que les frais afférents à des prestations dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin devraient faire l’objet d’un remboursement par le RCAM.

33      La requérante fait toutefois valoir que les DGE devraient être interprétées comme admettant implicitement la prise en charge de telles prestations. En effet, de son point de vue, une telle interprétation se déduirait de ce que le RCAM assurerait la prise en charge des frais relatifs à des prestations délivrées par des personnes ne justifiant pas d’un diplôme de médecin.

34      À cet égard, il est vrai que les DGE, dans leur titre II, prévoient le remboursement des prestations de garde-malade ayant fait l’objet d’une autorisation préalable et dispensées par des personnes légalement autorisées à exercer cette profession (chapitre 3, deuxième partie), des frais de prévention, de radiologie, de soins et de chirurgie bucco-dentaires «pour autant que les actes soient effectuées par des personnes habilitées à cet effet par les autorités nationales compétentes» (chapitre 5, première partie), des honoraires de sage-femme ainsi que les frais d’infirmière et d’autres auxiliaires médicaux se rapportant à des prestations directement liées à l’accouchement (chapitre 7, deuxième partie, points 2.2 et 2.3), des frais relatifs à des traitements divers pour lesquels une prescription médicale, voire une autorisation préalable, sont requises, tels les prestations de kinésithérapie, les consultations auprès d’un diététicien, les examens psychologiques ou les prestations d’orthophonie (chapitre 8, deuxième partie), des frais de prestations du personnel infirmier à condition que celles-ci aient été prescrites par un médecin et exécutées par une personne légalement habilitée à exercer la profession (chapitre 9), ou encore des frais d’examens réalisés par un opticien optométriste en l’absence de prescription et/ou d’examen par un médecin ophtalmologiste (chapitre 11, première partie, point 1.1).

35      De même, la deuxième partie du chapitre 4 du titre II des DGE dispose, notamment, que «[s]i en vertu de la législation nationale, une personne disposant d’une qualification autre que celle de médecin (par exemple dentiste, sage-femme, infirmière, Heilpraktiker, etc.) est habilitée à prescrire des produits pharmaceutiques, ceux-ci sont également éligibles à un remboursement aux conditions fixées par le présent régime dans les pays où de tels actes sont officiellement reconnus et légalisés».

36      Toutefois, la requérante ne saurait inférer de ces dispositions expresses l’existence, au profit des fonctionnaires et autres agents, d’un droit au remboursement des prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin, alors que, ainsi qu’il a été dit, aucune disposition des DGE ne prévoit un tel remboursement.

37      La requérante fait ensuite observer que les prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker seraient absentes de la liste des «prestations non remboursables» figurant dans la troisième partie du chapitre 1er du titre II des DGE.

38      Toutefois, cette disposition, qui doit être lue à la lumière de la règle énoncée à la deuxième partie du chapitre 1er du titre II des DGE, selon laquelle les seules consultations et visites éligibles à un remboursement sont celles faites auprès d’un médecin, doit être interprétée comme dressant la liste des consultations et visites qui, bien que faites par un médecin, sont insusceptibles, du fait de leur objet, d’être remboursées par le RCAM.

39      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, c’est par une exacte application des DGE, lesquelles ne lui laissaient aucune marge d’appréciation en la matière, et non par référence à la législation autrichienne, que le RCAM a refusé de rembourser à l’intéressée les prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin.

–       Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité des DGE

40      La requérante prétend que, dans l’hypothèse où elles excluraient effectivement le remboursement des prestations dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin, les DGE seraient illégales, puisqu’elles seraient à l’origine d’une double discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne par rapport tant aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Autriche qu’aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires de la fonction publique allemande.

41      À cet égard, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement interdit notamment que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements, différents ou égaux selon le cas, ne soient objectivement justifiés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 avril 2009, Balieu-Steinmetz et Noworyta/Parlement, F‑115/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 26, et la jurisprudence citée). Il en va de même du principe de non-discrimination, lequel n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité et constitue, conjointement avec ce dernier, un des principes fondamentaux du droit de l’Union dont la Cour assure le respect (voir arrêt du Tribunal du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 59, et la jurisprudence citée).

42      S’agissant, en premier lieu, de la prétendue discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne par rapport aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Autriche, il est constant que l’activité de Heilpraktiker exercée en Autriche est, selon la législation de cet État, réservée aux seules personnes titulaires d’un diplôme de médecin, tandis que cette même activité peut être pratiquée en Allemagne, en vertu de la législation allemande, par des personnes dépourvues d’un tel diplôme. Il en résulte, dès lors que les DGE ne prévoient pas le remboursement des prestations dispensées par des personnes non titulaires d’un diplôme de médecin, que les fonctionnaires ou anciens fonctionnaires établis en Autriche et ayant bénéficié dans cet État de prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker peuvent obtenir le remboursement par le RCAM desdites prestations, ce Heilpraktiker étant nécessairement médecin. En revanche, les fonctionnaires ou anciens fonctionnaires établis en Allemagne et y ayant bénéficié de prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker ne justifiant pas d’un diplôme de médecin sont insusceptibles de bénéficier d’un pareil remboursement.

43      Toutefois, la requérante ne saurait se plaindre d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement. En effet, les deux catégories de personnes, dont elle prétend qu’elles feraient à tort l’objet d’un traitement différent, ne sont pas dans des situations comparables. Les fonctionnaires et anciens fonctionnaires établis en Autriche ont vocation à bénéficier du remboursement de prestations dispensées par un Heilpraktiker parce que ce dernier est titulaire d’un diplôme de médecin. En revanche, en Allemagne, les fonctionnaires et anciens fonctionnaires n’ont pas vocation à bénéficier du remboursement des prestations dispensées par un Heilpraktiker lorsque celui-ci n’est pas titulaire d’un diplôme de médecin, comme en l’espèce.

44      S’agissant, en second lieu, de la prétendue discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne par rapport aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires de la fonction publique allemande, au prétexte que ces derniers bénéficieraient de la possibilité d’obtenir de la part du régime allemand de sécurité sociale des fonctionnaires ainsi que des caisses d’assurance maladie privées le remboursement des prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin, la thèse de la requérante ne saurait davantage être accueillie. En effet, ces deux catégories relèvent de régimes de sécurité sociale différents et ne se trouvent donc pas dans des situations comparables. Au demeurant, dès lors que la définition du champ d’application du RCAM relève de la seule compétence du législateur de l’Union (arrêt du Tribunal de première instance du 16 avril 1997, Kuchlenz-Winter/Commission, T‑66/95, Rec. p. II‑637, point 64), la circonstance que les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de la fonction publique allemande bénéficient d’une telle possibilité de remboursement ne saurait, par elle-même, aucunement impliquer que les fonctionnaires et anciens fonctionnaires européens devraient se voir accorder pareille possibilité, ce d’autant que l’exclusion du remboursement des frais afférents à des soins dispensés par un Heilpraktiker dépourvu d’un diplôme de médecin n’apparaît pas manifestement inappropriée, dans son principe ou dans son application, au regard du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

45      Enfin, le Tribunal ne peut donner suite à la demande de la requérante qu’il soit procédé à l’audition, en qualité de témoin, d’une personne pour laquelle le RCAM aurait accepté de rembourser les honoraires versés à un Heilpraktiker. Il y a lieu de rappeler que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du Tribunal du 21 février 2008, Skoulidi/Commission, F‑4/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 81). En effet, une éventuelle illégalité commise au profit d’une autre personne affiliée au RCAM ne peut amener le Tribunal à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard du requérant. Une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de «l’égalité de traitement dans l’illégalité». Dans ces conditions, la seule circonstance qu’une personne ait bénéficié, en dépit des règles énoncées par les DGE, du remboursement par le RCAM des frais de soins dispensés par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin ne saurait ouvrir pareil droit à la requérante.

46      Par suite, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité du troisième moyen, celui-ci ne saurait être accueilli.

47      Les trois moyens avancés par la requérante pour contester la légalité de la décision litigieuse ayant été écartés, il n’y a lieu ni d’annuler la décision litigieuse ni, par voie de conséquence, de condamner la Commission à rembourser à la requérante les frais qu’elle a exposés pour des prestations de Heilpraktiker dispensées les 4 septembre 2008, 29 décembre 2008 et 26 février 2009.

48      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

50      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce que celle-ci soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la requérante aux dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours de Mme Lenz est rejeté.

2)      Mme Lenz supporte l’ensemble des dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu


* Langue de procédure: l’allemand.