Language of document : ECLI:EU:C:2020:799

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

6 octobre 2020 (*)

« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi  »

Dans l’affaire C‑284/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 juin 2020,

Bergslagernas Järnvaruaktiebolag, établie à Saltsjö-Boo (Suède), représentée par Mes S. Kirschstein-Freund, et B. Breitinger, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, MM. I. Jarukaitis et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Bergslagernas Järnvaruaktiebolag demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 avril 2020, Bergslagernas Järnvaru/EUIPO – Scheppach Fabrikation von Holzbearbeitungsmaschinen (Outil pour fendre le bois) (T‑73/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:157), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 novembre 2018 (affaire R 1455/2018-3), relative à une procédure de nullité entre Scheppach Fabrikation von Holzbearbeitungsmaschinen et Bergslagernas Järnvaru.

 Sur l’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante avance une double argumentation, par laquelle elle fait valoir que son pourvoi, dans lequel elle invoque deux moyens, chacun fondé sur une violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par sa première argumentation, qui se rapporte au second moyen de son pourvoi, tiré d’une violation de cet article 6, paragraphe 1, du fait d’une interprétation erronée de la condition liée au « caractère individuel » du dessin ou modèle communautaire enregistré, la requérante allègue que le critère de la « production d’une impression de déjà-vu » retenu par le Tribunal ne s’inscrit pas dans une approche jurisprudentielle cohérente. Il n’existerait aucun arrêt du Tribunal ou de la Cour relatif à la question de la légalité, de l’applicabilité ou de la signification de ce critère, ce qui réduirait la prévisibilité des décisions et conduirait à une situation d’insécurité juridique. Dans ce contexte, la requérante fait valoir, d’une part, que l’application du critère de l’impression de « déjà-vu », dans le sens ordinaire de cette notion, pourrait conduire à ce que le caractère individuel soit apprécié sans comparer le dessin ou modèle à un dessin ou modèle divulgué antérieurement. Il suffirait que l’utilisateur averti ait l’impression d’avoir déjà vu par le passé le dessin ou modèle communautaire enregistré pour faire obstacle à la reconnaissance de son caractère individuel. D’autre part, à supposer que le sens ordinaire de la notion de « déjà-vu » ne soit pas retenu, l’application de ce critère serait toujours contraire à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 6/2002 dans la mesure où elle promouvrait, dans tous les cas, la comparaison indirecte des dessins ou modèles en cause. Des orientations de la Cour en ce qui concerne l’applicabilité du critère de l’« impression de déjà-vu » permettraient de répondre à des questions d’ordre procédural qui sont déterminantes, dans une majorité d’affaires, pour résoudre l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle, ce qui représenterait un pas important pour le développement nécessaire du droit de l’Union en matière de dessins et modèles, en offrant plus de sécurité juridique.

8        Par sa seconde argumentation, qui se rapporte au premier moyen de son pourvoi, tiré d’une violation dudit article 6, paragraphe 1, du fait d’une appréciation erronée de l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur, la requérante fait valoir qu’il n’existe aucun arrêt du Tribunal ou de la Cour relatif à la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelles conditions, l’état de fonctionnement d’un dessin ou modèle enregistré, qui n’a pas été divulgué, est susceptible d’être pris en compte dans l’appréciation de l’impression globale, au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 6/2002. Ainsi, si la position du Tribunal, selon laquelle une impression globale fictive peut constituer la base de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, était correcte, la prévisibilité et le contrôle des décisions s’en verraient considérablement affaiblis. Par conséquent, l’absence d’une décision de la part de la Cour à cet égard réduirait la cohérence au sein de l’Union et devrait être évitée pour des motifs juridiques et d’intérêt public, afin de renforcer la protection de la propriété intellectuelle dans l’Union.

9        À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13, et du 3 septembre 2020, Gamma/EUIPO, C‑199/20, ECLI:EU:C:2020:662, point 9).

10      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. Étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions, établis par le requérant, doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 3 septembre 2020, Gamma/EUIPO, C‑199/20, ECLI:EU:C:2020:662, point 10).

11      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15).

12      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 3 septembre 2020, Gamma/EUIPO, C‑199/20, ECLI:EU:C:2020:662, point 12).

13      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée au point 7 de la présente ordonnance, il convient de relever, premièrement, que, dans la mesure où l’argumentation de la requérante se rapporte à l’application du critère de l’impression de « déjà-vu » pouvant conduire à ce que le caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire enregistré soit apprécié sans comparer ce dessin ou modèle à un dessin ou modèle divulgué antérieurement, cette argumentation se rapporte à une question abstraite qui ne présente aucune pertinence en ce qui concerne l’arrêt attaqué. En effet, il ne ressort ni de cet arrêt, lu à la lumière de la décision du 23 novembre 2018 de la chambre de recours de l’EUIPO, ni de la jurisprudence citée par la requérante que le Tribunal considère que l’application de ce critère n’implique pas la comparaison avec un dessin ou modèle divulgué antérieurement. Deuxièmement, rien n’indique non plus que, pour le Tribunal, l’application du critère de l’impression de « déjà-vu » implique une comparaison indirecte des dessins ou modèles en cause.

14      Compte tenu de ce qui précède, il convient de relever, troisièmement, que la requérante se limite à affirmer que la jurisprudence du Tribunal ne s’inscrit pas dans une approche cohérente en ce qui concerne l’application du critère de « l’impression de déjà-vu » sans pour autant démontrer, à suffisance, en quoi une telle approche, à la supposer avérée, soulève une question importante au regard de la cohérence du droit de l’Union.

15      Quatrièmement, quant à l’argument selon lequel il n’existerait de jurisprudence ni sur la question de la légalité, de l’applicabilité ou de la signification du critère de « l’impression de déjà-vu » ni sur des questions déterminantes d’ordre procédural liées à ce critère, il y a lieu de rappeler que le fait qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’un examen par le Tribunal ou la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour le développement du droit de l’Union, la requérante étant toujours tenue de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère de nouveauté de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard d’un tel développement (voir, en ce sens, ordonnance du 30 septembre 2019, All Star/EUIPO, C‑461/19 P, non publiée, EU:C:2019:797, point 16).

16      Or, la requérante ne respecte pas cette exigence et se borne à affirmer, de manière générique, d’une part, que l’absence d’une prise de position par la Cour à cet égard réduit la prévisibilité des décisions et conduit à une situation d’insécurité juridique, et, d’autre part, qu’une réponse auxdites questions procédurales représenterait un pas important pour le développement nécessaire du droit de l’Union en matière de dessins et modèles en offrant plus de sécurité juridique, sans pour autant indiquer les raisons concrètes pour lesquelles une telle prise de position ou une telle réponse seraient importantes au regard du développement du droit de l’Union.

17      S’agissant, en second lieu, de l’argumentation résumée au point 8 de la présente ordonnance, il convient de constater que la requérante se limite, en substance, à invoquer le caractère nouveau de la question de savoir dans quelles conditions l’état de fonctionnement d’un dessin ou modèle enregistré serait susceptible d’être pris en compte dans l’appréciation de l’impression globale qu’il produit et à affirmer, de manière générique, que l’absence d’une décision de la part de la Cour à cet égard réduirait la cohérence au sein de l’Union. Néanmoins, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que le présent pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la requérante devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées aux points 11 et 15 de la présente ordonnance.

18      Dans ces conditions, il convient de conclure que, la demande d’admission ne respectant pas les exigences énoncées aux points 9 à 12 et 15 de la présente ordonnance, elle n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

19      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

20      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

21      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois), ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Bergslagernas Järnvaruaktiebolag supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.