Language of document : ECLI:EU:F:2009:144

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

27 octobre 2009 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Allocation de départ – Nature juridique »

Dans l’affaire F‑61/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Gerhard Bauch, ancien agent temporaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Berlin (Allemagne), représenté par Me W. Uhlmann, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représenté par M. G. Berscheid et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, H. Kreppel (rapporteur) et H. Tagaras, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mars 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 18 juin 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 22 juin suivant), M. Bauch demande l’annulation de la décision du 9 octobre 2006 par laquelle la Commission des Communautés européennes a rejeté sa demande tendant en substance à ce que soit modifiée l’attestation qui lui avait été délivrée concernant l’allocation de départ qu’il avait perçue en 1994 suite à l’expiration de son contrat d’agent temporaire.

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version antérieure au 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut »), comporte, dans son titre V, un chapitre 3, intitulé « Pensions », qui prévoit l’existence de quatre pensions distinctes : la pension d’ancienneté (article 77), la pension d’invalidité (article 78), la pension de survie (article 79) et la pension d’orphelin (article 80).

3        Selon l’article 77, premier alinéa, de l’ancien statut, « [l]e fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension d’ancienneté ».

4        Au titre V, chapitre 3, de l’ancien statut, l’article 83, paragraphe 2, dispose :

« Les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement de ce régime de pensions. Cette contribution est fixée à 8,25 % du traitement de base de l’intéressé, compte non tenu des coefficients correcteurs prévus à l’article 64. Cette contribution est déduite mensuellement du traitement de l’intéressé. »

5        L’annexe VIII de l’ancien statut, intitulée « Modalités du régime de pensions », comprend un chapitre 2, intitulé « Pension d’ancienneté et allocation de départ », dans lequel figure un article 11 dont les paragraphes 1 et 2 sont ainsi libellés :

« 1. Le fonctionnaire qui cesse ses fonctions pour :

–        entrer au service d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale ayant conclu un accord avec les Communautés,

–        exercer une activité salariée ou non salariée au titre de laquelle il acquiert des droits à pension dans un régime dont les organismes gestionnaires ont conclu un accord avec les Communautés,

a le droit de faire transférer l’équivalent actuariel de ses droits à pension d’ancienneté, qu’il a acquis aux Communautés, à la caisse de pension de cette administration, de cette organisation, ou à la caisse auprès de laquelle le fonctionnaire acquiert des droits à pension d’ancienneté au titre de son activité salariée ou non salariée.

2. Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés, soit l’équivalent actuariel, soit le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu’elle prend en compte d’après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat. »

6        Figure également au chapitre 2 « Pension d’ancienneté et allocation de départ » de l’annexe VIII « Modalités du régime de pensions » de l’ancien statut un article 12 ainsi rédigé :

« Le fonctionnaire âgé de moins de 60 ans qui cesse définitivement ses fonctions pour une raison autre que le décès ou l’invalidité et qui ne peut bénéficier d’une pension d’ancienneté ou des dispositions de l’article 11, paragraphe 1, a droit, lors de son départ, au versement :

[…]

b)      du montant des sommes retenues sur son traitement de base au titre de sa contribution pour la constitution de sa pension, majoré des intérêts composés au taux de 3,5 % l’an ;

c)      pour autant qu’il n’ait pas été révoqué, d’une allocation de départ proportionnelle au temps de service effectivement accompli après la mise en vigueur [de l’ancien statut], calculée sur la base d’un mois et demi du dernier traitement de base soumis à retenue par année de service. […] »

7        En vertu de l’article 36 de l’annexe VIII de l’ancien statut, « [t]oute perception d’un traitement est soumise à la contribution au régime des pensions prévu aux articles 77 à 84 [de l’ancien statut] ».

8        L’article 2 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, dans sa version antérieure au 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien RAA »), est libellé comme suit :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :

a)      l’agent engagé en vue d’occuper un emploi compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution et auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire ;

[…] »

9        Aux termes de l’article 8, premier alinéa, de l’ancien RAA, « [l]’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, [sous] a), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée ».

10      L’article 39, paragraphe 2, figurant à la section C « Pension d’ancienneté et allocation de départ » du chapitre 6 « Sécurité sociale » du titre II « Agent temporaire » de l’ancien RAA dispose :

« Lors de la cessation de ses fonctions, l’agent visé à l’article 2, [sous] a), […] a droit à la pension d’ancienneté ou à l’allocation de départ dans les conditions prévues aux dispositions du titre V, chapitre 3, [de l’ancien statut] et de l’annexe VIII [de l’ancien statut]. […] »

11      L’article 41, figurant à la section D « Financement du régime de couverture des risques d’invalidité et de décès, ainsi que du régime de pension » du chapitre 6 « Sécurité sociale » du titre II « Agent temporaire » de l’ancien RAA dispose :

« En ce qui concerne le financement du régime de sécurité sociale […], les dispositions de l’article 83 [de l’ancien statut], ainsi que des articles 36 et 38 de son annexe VIII, sont applicables par analogie. »

12      Aux termes de l’article 56 de la Beamtenversorgungsgesetz (loi allemande relative au régime de pension des fonctionnaires) (ci-après la « BeamtVG ») :

« 1. Si un fonctionnaire en retraite perçoit une pension liée à l’affectation dans un organisme international ou supranational, sa pension d’ancienneté allemande est réduite du montant dont la somme de ladite pension et de sa pension d’ancienneté allemande dépasse le plafond mentionné au paragraphe 2, ou au moins du montant correspondant à une minoration de 1,875 % pour chaque année de service accomplie auprès de l’organisme international ou supranational ;

[…]

3. Si le fonctionnaire ou fonctionnaire en retraite renonce, lors de la cessation de ses fonctions auprès d’un organisme international ou supranational, à une pension et si une indemnité forfaitaire, un remboursement de cotisations ou un autre capital lui sont en contrepartie versés, le paragraphe 1 s’applique à condition que le montant remplaçant la pension doive autrement être versé par le prestataire ; si un capital est versé parce qu’il n’existe pas de droit à pension en cours, c’est le montant de ce capital majoré des intérêts qui doit servir de base. La première phrase ne s’applique pas si le fonctionnaire ou fonctionnaire en retraite reverse à son employeur, dans un délai d’un an à compter de la fin de son affectation ou de sa titularisation, ce capital majoré des intérêts. »

 Faits à l’origine du litige

13      Le requérant, alors qu’il était fonctionnaire au ministère fédéral allemand de l’Économie (devenu plus tard, respectivement, le ministère fédéral de l’Économie et du Travail puis le ministère fédéral de l’Économie et de la Technologie ; ci-après le « ministère de l’Économie »), a été recruté par la Commission sur le fondement de l’article 2, sous a), de l’ancien RAA le 1er juillet 1989.

14      À l’occasion de l’entrée en fonctions du requérant, la Commission a remis à celui-ci une notice intitulée « Informations sur le transfert des droits à pension » dans laquelle était rapportée, notamment, la teneur des dispositions de l’article 11, paragraphes 1 et 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut. Dans cette notice était également indiqué que les fonctionnaires et les agents temporaires originaires du Danemark, de l’Italie, de l’Irlande, du Luxembourg et du Royaume-Uni disposaient, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut, de la faculté, au moment de leur titularisation, de transférer aux Communautés leurs droits à pension acquis dans ces États membres. À la demande de la Commission, le requérant a accusé réception de cette notice le 3 juillet 1989.

15      Après la cessation de ses fonctions d’agent temporaire, intervenue le 30 juin 1994, l’intéressé a perçu, conformément à l’article 12 de l’annexe VIII de l’ancien statut et à l’article 39, paragraphe 2, de l’ancien RAA, une allocation de départ composée, avant déduction de l’imposition effectuée en application de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 260/68 du Conseil, du 29 février 1968 (JO 1968, L 56, p. 8), portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes :

–        d’une somme de 928 783 francs belges (BEF), soit 23 023 euros, correspondant aux sommes retenues sur son traitement de base au titre de sa contribution pour la constitution de sa pension, majorées des intérêts composés au taux de 3,5 % l’an [article 12, sous b), de l’annexe VIII de l’ancien statut] ;

–        d’une somme de 1 656 202 BEF (41 056 euros) correspondant à l’allocation proportionnelle au temps de service effectivement accompli, calculée sur la base d’un mois et demi du dernier traitement de base soumis à retenue par année de service [article 12, sous c), de l’annexe VIII de l’ancien statut].

16      La question est débattue entre les parties de savoir si, lors de la cessation de ses fonctions, le requérant a été informé qu’il disposait de la possibilité, offerte par l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII de l’ancien statut, de transférer l’équivalent actuariel de ses droits à pension d’ancienneté acquis aux Communautés à la caisse de pension de son administration nationale.

17      Le 13 janvier 2003, le ministère de l’Économie a liquidé la pension de retraite de l’intéressé, celui-ci ayant été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter de la fin du mois de janvier 2003 (ci-après la « décision du ministère de l’Économie »). Constatant que l’intéressé s’était vu verser par la Commission une allocation de départ, le ministère de l’Économie a réduit de 367,90 euros le montant mensuel de sa pension de retraite allemande en application de l’article 56 de la BeamtVG.

18      Le 21 janvier 2003, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du ministère de l’Économie.

19      Par courrier du 20 février 2003, le requérant a sollicité de la Commission qu’elle lui établisse, dans la perspective de la fixation de sa pension en Allemagne, une attestation certifiant que « [son] contrat [de recrutement en qualité d’agent temporaire] ne prévoyait pas un droit [à] pension de la part de la Communauté européenne ».

20      Le 12 mars 2003, l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels, en réponse au courrier mentionné au point précédent, a établi une attestation (ci-après l’« attestation du 12 mars 2003 ») qui contenait le passage suivant :

« Par la présente nous attestons que :

[le requérant]

[…] Statut : agent temporaire

du 1er juillet 1989 au 30 juin 1994

a perçu une allocation de départ de la Commission […] au titre de l’article 39 [de l’ancien RAA] lu en combinaison avec l’article 12 de l’annexe VIII [de l’ancien statut].

L’allocation de départ a été versée à titre d’indemnité compensatrice des droits à pension qui ont été acquis durant la période de service actif. L’intéressé ne peut dès lors plus faire valoir de droits à pension envers les Communautés européennes. »

21      Après le rejet, le 15 juillet 2003, de la réclamation introduite contre la décision du ministère de l’Économie, l’intéressé a, le 1er août suivant, saisi le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne) d’un recours dirigé contre la décision susmentionnée.

22      Par jugement du 18 avril 2006, le Verwaltungsgericht Berlin a rejeté le recours introduit par le requérant. Après avoir constaté que celui-ci avait bénéficié, ainsi que le mettait en évidence l’attestation du 12 mars 2003, du versement de l’allocation visée à l’article 12, sous b) et c), de l’annexe VIII de l’ancien statut, le Verwaltungsgericht Berlin en a déduit que la pension de retraite allemande de l’intéressé avait été à juste titre réduite sur le fondement de l’article 56 du BeamtVG.

23      Le requérant a sollicité de l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg (tribunal administratif supérieur de Berlin-Brandenburg, Allemagne) l’autorisation d’interjeter appel contre le jugement du Verwaltungsgericht Berlin.

24      Par lettre du 1er juin 2006 adressée à la Commission, le conseil du requérant a souligné que le Verwaltungsgericht Berlin se serait fondé, pour conclure à l’existence d’un cumul de pensions, sur l’attestation du 12 mars 2003, laquelle aurait erronément présenté l’allocation reçue par l’intéressé comme ayant été versée à titre d’indemnité compensatrice de ses droits à pension d’ancienneté. Le conseil du requérant sollicitait donc de la Commission qu’elle retire l’attestation du 12 mars 2003 et fasse parvenir à l’intéressé une autre attestation dans laquelle il serait indiqué que les agents temporaires au sens de l’article 2, sous a), de l’ancien RAA n’acquièrent aucun droit à pension d’ancienneté et que l’allocation que le requérant a perçue ne lui aurait pas été versée à titre d’indemnité compensatrice de droits à pension d’ancienneté.

25      Par courrier électronique du 9 octobre 2006, la Commission a rejeté la demande formulée le 1er juin 2006 par le conseil du requérant (ci-après la « décision du 9 octobre 2006 »). Cette décision contenait le passage suivant :

« À partir de la date d’entrée en fonctions, la rémunération d’un fonctionnaire titulaire, de même que la rémunération d’un [agent] temporaire, fait l’objet de retenues pour constituer des droits à pension en germe [‘Pensionsansprüche’] et, [si ce fonctionnaire titulaire, ou cet agent temporaire,] décède durant ses fonctions ou est frappé d’invalidité, une pension est immédiatement versée à ses survivants ou à l’intéressé lui-même.

La constitution d’une pension d’ancienneté personnelle n’est toutefois assurée à titre de droit acquis au versement d’une pension qu’après une durée de service minimale de dix années.

Dans le cas où un fonctionnaire ([ou un agent recruté] par contrat pour une durée limitée) cesse ses fonctions avant cette durée de dix ans, ses droits provisoires font l’objet d’une compensation par le versement de l’allocation de départ ou le transfert de ses droits à un système de pension national. »

26      Le 21 décembre 2006, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision du 9 octobre 2006.

27      Par décision du 19 avril 2007, la Commission a rejeté la réclamation mentionnée au point précédent comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée.

 Procédure et conclusions des parties

28      Le requérant a introduit le présent recours le 18 juin 2007.

29      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« [–] ordonner à la [Commission] de modifier son attestation du 12 mars 2003, à titre subsidiaire, d’en établir une autre […], en indiquant que le montant [qui lui a été remboursé] n’est pas une allocation de départ versée à titre d’indemnité compensatrice d’un droit à pension et, de ce fait, n’est pas une pension d’ancienneté non plus qu’un équivalent ;

[–]      condamner la [Commission] aux dépens. »

30      Par acte séparé parvenu au greffe du Tribunal le 8 octobre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 9 octobre suivant), la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

31      La Commission conclut dans son exception d’irrecevabilité à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –      rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens de l’instance. »

32      Par acte du 5 novembre 2007 parvenu au greffe du Tribunal le même jour par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 8 novembre suivant), le requérant a fait parvenir ses observations écrites sur l’exception d’irrecevabilité.

33      Par ordonnance du 1er avril 2008 de la première chambre du Tribunal, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

34      Dans son mémoire en défense, parvenu au greffe du Tribunal le 19 mai 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 22 mai suivant), la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –      rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens de l’instance. »

35      Les tentatives de règlement amiable intervenues entre les parties en marge de la procédure juridictionnelle n’ont pas abouti.

36      Postérieurement à l’audience, le requérant a informé le Tribunal que, par ordonnance du 28 juillet 2009, l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg avait rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit autorisé à interjeter appel contre le jugement du Verwaltungsgericht Berlin.

 Sur l’objet du recours

37      En demandant au Tribunal d’« ordonner à la [Commission] de modifier son attestation du 12 mars 2003, à titre subsidiaire, d’en établir une autre […], en indiquant que le montant [qui lui a été remboursé] n’est pas une allocation de départ [versée] à titre d’indemnité compensatrice d’un droit à pension et, de ce fait, [n’est] pas une pension d’ancienneté non plus qu’un équivalent », le requérant doit être regardé comme sollicitant en fait l’annulation de la décision du 9 octobre 2006 par laquelle la Commission a refusé de modifier l’attestation du 12 mars 2003.

 En droit

 Sur la recevabilité

38      La Commission conteste la recevabilité du recours, expliquant, notamment, que l’attestation du 12 mars 2003 ne constituerait pas un acte faisant grief et qu’en tout état de cause le requérant n’aurait pas fait usage des voies de recours pour contester celle-ci dans les délais prescrits aux articles 90 et 91 du statut. Elle précise à cet égard que le fait que le Tribunal ait décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond et d’examiner le bien-fondé du recours pourrait à l’avenir l’inciter à ne plus prêter assistance à ses anciens agents et à refuser de leur délivrer des attestations afin d’éviter le risque de devoir affronter par la suite « des procédures juridictionnelles longues et laborieuses ».

39      Toutefois, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, le juge communautaire est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur le grief d’irrecevabilité soulevé par la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, points 51 et 52, ainsi que du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, Rec. p. I‑2759, point 26 ; arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 155 ; arrêt du Tribunal du 8 avril 2008, Bordini/Commission, F‑134/06, non encore publié au Recueil, point 56).

40      En l’espèce, une bonne administration de la justice justifie qu’il soit statué sur le fond du recours.

 Sur le fond

41      À l’appui de son recours en annulation, le requérant soulève en substance deux moyens, le premier tiré du caractère erroné de l’attestation du 12 mars 2003, le second, de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen tiré du caractère erroné de l’attestation du 12 mars 2003

–       Arguments des parties

42      Pour soutenir que l’allocation de départ aurait été présentée à tort, dans l’attestation du 12 mars 2003, comme une indemnité compensatrice des droits à pension d’ancienneté qu’il avait acquis durant sa période de service au sein des Communautés, le requérant avance en substance trois arguments.

43      Dans un premier argument, le requérant fait valoir qu’il n’aurait jamais acquis de droit à pension d’ancienneté durant sa période de service au sein des Communautés. Il explique que les agents temporaires au sens de l’article 2, sous a), de l’ancien RAA ne pouvaient être recrutés que pour une période inférieure à dix ans, alors que le droit de bénéficier d’une pension d’ancienneté était subordonné à une période d’au moins dix années de service.

44      Dans un deuxième argument, le requérant soutient que l’allocation de départ qu’il a reçue serait dépourvue de tout lien avec les droits à pension d’ancienneté prétendument acquis.

45      Dans un troisième argument, le requérant fait observer que, pour être regardée comme ayant été versée à titre d’indemnité compensatrice de prétendus droits à pension d’ancienneté, cette allocation aurait dû être au moins égale à l’équivalent actuariel de ces droits, ce qui n’a pas été le cas.

46      En défense, la Commission fait observer que l’allocation de départ aurait bien été versée à l’intéressé à titre d’indemnité compensatrice de ses droits à pension et que, partant, le requérant ne serait pas fondé à contester le refus de la Commission, par la décision du 9 octobre 2006, de modifier la teneur de l’attestation du 12 mars 2003.

–       Appréciation du Tribunal

47      En ce qui concerne le premier argument, tiré de ce que le requérant n’aurait jamais acquis de droit à pension d’ancienneté, il importe de rappeler que les dispositions de l’article 83, paragraphe 2, de l’ancien statut prévoyaient que les fonctionnaires contribuaient pour un tiers au financement du « régime de pensions » et que cette contribution, fixée à 8,25 % du traitement de base, compte non tenu des coefficients correcteurs prévus à l’article 64, était déduite mensuellement de leur traitement. Par ailleurs, ces dispositions étaient, en vertu de l’article 41 de l’ancien RAA, applicables aux agents temporaires visés à l’article 2, sous a), de l’ancien RAA.

48      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, en application des dispositions susmentionnées, le requérant a été soumis, à compter de la date à laquelle il a été recruté en qualité d’agent temporaire, à une contribution qui s’est élevée à 8,25 % de son traitement de base et qui était destinée à financer à hauteur d’un tiers l’ensemble du « régime des pensions », c’est-à-dire le régime relatif non seulement aux pensions d’invalidité, de survie et d’orphelin, mais également à la pension d’ancienneté.

49      Le requérant doit donc être regardé, contrairement à ce qu’il soutient, comme ayant acquis, pendant la durée de sa relation contractuelle, des droits à pension d’ancienneté en germe, alors même que, n’ayant pas accompli au moins dix années de service, il ne pouvait bénéficier du versement effectif d’une pension d’ancienneté.

50      Ne saurait, à cet égard, être accueillie l’objection du requérant selon laquelle un agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), de l’ancien RAA ne pourrait être recruté que pour une période inférieure à dix ans et ne pourrait, par voie de conséquence, acquérir de droit à pension d’ancienneté. En effet, il ressort de l’article 8, premier alinéa, de l’ancien RAA, aux termes duquel « [l]’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, [sous] a), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée », qu’il était légalement possible, sous l’empire de l’ancien RAA, à un tel agent de demeurer au moins dix ans au service des Communautés.

51      Le requérant fait valoir, dans un deuxième argument, que l’allocation de départ qu’il a reçue serait dépourvue de tout lien avec des droits à pension d’ancienneté prétendument acquis.

52      Certes, une allocation de départ n’a pas, en tant que telle, la nature d’une pension d’ancienneté. D’abord, elle est versée précisément lorsque le droit de bénéficier du versement effectif d’une pension d’ancienneté ne peut être reconnu à son bénéficiaire. Ensuite, ce qui déclenche le versement de cette allocation n’est pas le fait d’atteindre l’âge de la retraite, mais la cessation de fonctions de son bénéficiaire, quel que soit l’âge de celui-ci. Enfin, le capital représenté par l’allocation de départ est entièrement libre d’emploi et peut servir aussi bien à l’acquisition de droits à pension auprès d’un organisme de retraite qu’à toute autre fin. De surcroît, la somme versée au titre de l’article 12, sous c), de l’annexe VIII de l’ancien statut n’est pas calculée sur des bases directement liées au montant de la contribution théorique de l’institution au financement de la retraite de l’agent concerné.

53      Toutefois, il importe d’abord de relever que l’annexe VIII de l’ancien statut, dans laquelle figure l’article 12 relatif à l’allocation de départ, est intitulée « Modalités du régime de pensions » et que, dans ladite annexe, les dispositions relatives à la pension d’ancienneté et à l’allocation de départ sont intégrées au sein d’un même chapitre intitulé « Pension d’ancienneté et allocation de départ », alors que la pension d’invalidité et la pension de survie font l’objet de chapitres distincts.

54      Ensuite, il ressort de l’article 12 de l’annexe VIII de l’ancien statut que l’allocation de départ est destinée à des fonctionnaires ou à des agents qui ont acquis, du fait des contributions mensuelles déduites de leur traitement, des droits à pension d’ancienneté en germe, mais qui ne peuvent bénéficier ni du versement effectif d’une pension d’ancienneté communautaire en raison d’une durée de service inférieure à dix années, ni des dispositions de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII de l’ancien statut.

55      Ainsi, en l’espèce, c’est parce que la durée de service du requérant était inférieure à dix ans et que celui-ci, en dépit des droits à pension d’ancienneté en germe qu’il avait acquis, ne pouvait bénéficier du versement effectif d’une pension d’ancienneté qu’il a reçu, à titre de compensation, une allocation de départ. En revanche, si l’intéressé était resté au service des Communautés pendant une durée au moins égale à dix ans et si, pour ce motif, il s’était vu accorder une pension d’ancienneté effective, il n’aurait pas, de ce fait, perçu l’allocation de départ.

56      Enfin, il importe de souligner que la somme que le requérant a reçue au titre de l’article 12, sous b), de l’annexe VIII de l’ancien statut et qui constituait l’une des deux composantes de l’allocation de départ a été calculée sur la base du montant des sommes retenues sur le traitement de base de l’intéressé au titre de sa contribution pour la constitution de sa pension, majoré des intérêts composés au taux de 3,5 % l’an.

57      Aussi le requérant n’est-il pas fondé à soutenir que le versement de l’allocation de départ serait sans lien avec les droits à pension d’ancienneté en germe acquis pendant sa durée de service.

58      Dans son troisième argument, le requérant fait valoir que, si l’allocation de départ avait été versée à titre d’indemnité compensatrice de prétendus droits à pension d’ancienneté, elle aurait dû être au moins égale à l’équivalent actuariel de tels droits à pension.

59      À cet égard, s’il est vrai que le montant total de l’allocation de départ perçue par le requérant n’a pas été calculé sur la base de l’équivalent actuariel de ses droits à pension en germe, force est néanmoins de constater, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que l’intéressé a non seulement bénéficié, en application de l’article 12, sous b), de l’annexe VIII de l’ancien statut, du remboursement des sommes retenues sur son traitement de base au titre de sa contribution pour la constitution de sa pension, alors même que ces sommes étaient destinées à financer l’ensemble du régime des pensions, c’est-à-dire le régime concernant les pensions d’ancienneté, d’invalidité, de survie et d’orphelin, mais qu’il a également bénéficié du paiement, en application de l’article 12, sous c), de ladite annexe VIII, d’une allocation proportionnelle au temps de service effectivement accompli, calculée sur la base d’un mois et demi du dernier traitement de base soumis à retenue par année de service. Au demeurant, il n’est pas établi que le montant de l’allocation de départ aurait été substantiellement plus avantageux s’il avait été calculé sur la base de l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté en germe acquis par le requérant.

60      En tout état de cause, le simple fait que l’allocation de départ soit versée, à titre de compensation, aux agent ayant acquis des droits à pension d’ancienneté en germe mais ne pouvant bénéficier du versement effectif d’une pension d’ancienneté n’implique pas nécessairement que le montant d’une telle allocation doive correspondre à l’équivalent actuariel de leurs droits à pension d’ancienneté en germe. Par suite, la circonstance que le montant total de l’allocation de départ perçue par le requérant n’a pas été calculée sur la base de l’équivalent actuariel de ses droits à pension en germe est sans conséquence sur la qualification juridique opérée dans l’attestation du 12 mars 2003, et donc sur la légalité de cette dernière.

61      Aucun des trois arguments du requérant n’ayant été accueilli, celui-ci n’est donc pas fondé à soutenir que c’est à tort que la Commission a refusé, dans sa décision du 9 octobre 2006, de modifier l’attestation du 12 mars 2003.

62      Dans ces conditions, le premier moyen doit être écarté comme non fondé.

 Sur le second moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

–       Arguments des parties

63      Si le Tribunal devait estimer qu’il a effectivement acquis aux Communautés des droits à pension d’ancienneté, le requérant fait valoir qu’il n’aurait existé, lorsqu’il a cessé ses fonctions, aucune disposition ni aucun accord permettant à un fonctionnaire ou à un agent de nationalité allemande de transférer de tels droits à la caisse de pension de son administration nationale. Or, ainsi que l’établirait la notice dont le requérant a accusé réception le 3 juillet 1989, de tels accords auraient été conclus avec d’autres États membres, tels le Danemark, l’Italie, l’Irlande, le Luxembourg ou le Royaume-Uni. Il en résulterait une violation du principe d’égalité de traitement.

64      La Commission conclut au rejet du moyen.

–       Appréciation du Tribunal

65      La circonstance, à la supposer établie, que le requérant ait été dans l’impossibilité, contrairement à des fonctionnaires et à des agents originaires d’États membres autres que l’Allemagne, de faire transférer, en application de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII de l’ancien statut, ses droits à pension acquis aux Communautés à la caisse de pension de son administration nationale est dépourvue de tout lien avec la qualification juridique donnée par la Commission à l’allocation de départ dans l’attestation du 12 mars 2003 ainsi que dans la décision du 9 octobre 2006.

66      Le second moyen doit donc être rejeté comme inopérant.

67      À titre surabondant, il convient d’ajouter que le requérant n’est pas fondé à déduire de la seule notice dont il a accusé réception le 3 juillet 1989 qu’il aurait été victime d’une discrimination au profit de fonctionnaires et d’agents issus d’États membres autres que l’Allemagne.

68      En effet, dans cette notice, la Commission s’est bornée à indiquer que les fonctionnaires issus de certains États membres, qui entraient au service des Communautés après avoir cessé leurs activités auprès de leur administration nationale, disposaient de la faculté, au moment de leur titularisation, de faire verser aux Communautés soit l’équivalent actuariel, soit le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’ils avaient acquis au titre desdites activités. En revanche, la Commission n’a nullement évoqué, dans la notice, la question de savoir s’il était possible aux fonctionnaires ou aux agents issus de ces États membres qui cessaient leurs fonctions aux Communautés pour entrer au service de leur administration nationale ou pour réintégrer celle-ci de faire transférer l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté acquis aux Communautés à la caisse de pension de leur administration.

69      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté, étant précisé au surplus qu’il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la conformité de l’article 56 de la BeamtVG à la législation communautaire et aux objectifs que cette dernière poursuit.

 Sur les dépens

70      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours de M. Bauch est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 octobre 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site Internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’allemand.