Language of document : ECLI:EU:T:2018:958

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

13 décembre 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de concours – Concours général – Non-admission d’un candidat à participer aux épreuves du centre d’évaluation – Non-reconnaissance de titres ou de diplômes – Admission à un concours antérieur – Conditions des concours similaires – Règle de concordance entre la requête et la réclamation – Autorité de la chose jugée – Non-respect de la procédure administrative préalable – Acte faisant grief au sens de l’article 91 du statut – Compétence de l’auteur de l’acte – Demande en indemnité »

Dans les affaires T‑641/16 RENV et T‑137/17,

Danuta Kakol, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me R. Duta, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Gattinara et par Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions du 14 février 2014, communiquée le 2 mai 2016, et du 25 novembre 2016 de ne pas admettre la requérante aux épreuves du centre d’évaluation du concours AD/177/10, organisé par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions spécifiques de titres ou de diplômes requises dans l’avis de concours, ou rejetant sa réclamation contre ce refus d’admission, et, d’autre part, à la condamnation de la Commission à lui verser une somme de 5 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’elle aurait prétendument subi en raison du caractère vexatoire du traitement de sa candidature,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : Mme I. Pelikánová,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 juin 2009, la requérante, Mme Danuta Kakol, de nationalité polonaise, s’est portée candidate au concours AD/172/09, organisé par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO).

2        Par lettre du 21 octobre 2009, le jury du concours AD/172/09 a informé la requérante qu’elle ne pouvait pas être admise à participer au concours, au motif qu’elle n’avait pas « un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires de trois années au moins sanctionné par un diplôme ou une formation/qualification professionnelle en rapport avec la nature des fonctions et de niveau équivalent ([titre III, point 2,] de l’avis de concours) ».

3        Par courriel du 23 octobre 2009, la requérante a demandé le réexamen de la décision de ne pas l’admettre à participer au concours AD/172/09 au motif qu’elle ne remplirait pas les conditions spécifiques de titre ou de diplôme.

4        Par lettre du 11 novembre 2009, le jury du concours AD/172/09 a informé la requérante qu’il avait fait droit à sa demande de réexamen et qu’elle avait été admise à passer les épreuves écrites. La requérante n’a pas réussi ces épreuves.

5        À une date non précisée, la requérante s’est portée candidate au concours AD/177/10, organisé par l’EPSO, dans le domaine de l’audit. Après avoir participé aux tests d’accès, elle n’a pas été admise à participer aux épreuves du centre d’évaluation.

6        À la suite de l’arrêt du 15 juin 2010, Pachtitis/Commission (F‑35/08, EU:F:2010:51), confirmé sur pourvoi par l’arrêt du 14 décembre 2011, Commission/Pachtitis (T‑361/10 P, EU:T:2011:742), l’EPSO a décidé de reconduire le concours AD/177/10 pour les candidats qui n’avaient pas été admis à participer aux épreuves du centre d’évaluation. À la suite de cette décision et de la publication du rectificatif à l’avis de concours du 31 mars 2013, la requérante a, le 4 avril 2013, de nouveau soumis sa candidature pour ledit concours, dans le domaine de l’audit.

7        Par lettre du 1er août 2013, l’EPSO a informé la requérante qu’elle avait obtenu un total de 30 points sur 40 aux tests d’accès, avec le minimum requis pour les différents tests. Par la même lettre, la requérante était informée que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») et le jury du concours AD/177/10 allaient procéder à l’examen des candidatures par ordre décroissant des points obtenus aux tests d’accès pour établir la liste des candidats invités à participer aux épreuves du centre d’évaluation (environ trois fois le nombre de lauréats indiqué dans l’avis de concours).

8        Par lettre du 3 octobre 2013, l’EPSO a informé la requérante que le jury du concours AD/177/10 avait décidé de ne pas l’admettre à participer aux épreuves du centre d’évaluation, au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions spécifiques de titres ou de diplômes requises dans l’avis de concours, dès lors qu’elle n’avait pas « un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires équivalant à trois années au moins, sanctionné par un diplôme en rapport avec la nature des fonctions, ou une formation/qualification professionnelle en rapport avec la nature des fonctions et de niveau équivalent » (ci-après la « décision du 3 octobre 2013 »).

9        Le même jour, l’EPSO a publié sur son site Internet, à l’attention des candidats du concours AD/177/10, dans le domaine de l’audit, l’information selon laquelle le seuil de points après les tests d’accès pour être admis à participer aux épreuves du centre d’évaluation s’élevait à 26,579 points et 175 candidats avaient été admis à participer auxdites épreuves.

10      Par courriel du 4 octobre 2013, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision du 3 octobre 2013, à laquelle elle a joint plusieurs pièces justificatives, dont la traduction en anglais de ses diplômes polonais, à savoir un diplôme de « Bachelor of Science Engineer » et un diplôme de « Master of Science Engineer », dans le domaine du management et du marketing, délivrés par l’université de technologie de Poznan (Pologne), avec des attestations de la durée de la formation, des matières étudiées, du nombre d’heures par matière et des notes obtenues, ainsi qu’un certificat de stage effectué à la direction générale (DG) « Relations extérieures » de la Commission européenne et un certificat d’auditeur interne des systèmes de management de la qualité ISO 9001, ISO 14001 et PN‑N 18001‑2004.

11      Par courriel du 24 octobre 2013, l’EPSO a accusé réception de la demande de réexamen et informé la requérante que, dès que le jury du concours AD/177/10 aurait traité toutes les demandes de réexamen, elle recevrait une réponse sur son compte EPSO.

12      Le 28 octobre 2013, l’EPSO a publié sur son site Internet, à l’attention des candidats du concours AD/177/10, dans le domaine de l’audit, l’information selon laquelle 181 candidats avaient été admis à participer aux épreuves du centre d’évaluation, l’étude de cas et le test de langue 1 auraient lieu le 22 novembre 2013 et les sessions du centre d’évaluation auraient lieu du 2 décembre 2013 au 24 février 2014, ces dernières dates n’étant qu’indicatives.

13      Par courriel du 11 novembre 2013, la requérante s’est enquise auprès de l’EPSO sur les suites qui avaient été données à sa demande de réexamen.

14      Par courriel du 13 novembre 2013, l’EPSO a déploré le retard pris dans le traitement des demandes de réexamen. Il a indiqué que « les réponses aux demandes de réexamen […] n’[avaient] pas encore été approuvées » et que la requérante « aur[ait] des nouvelles sur [son] compte EPSO aussitôt qu’elles ser[aient] finalisées ».

15      Par courriel du 19 novembre 2013, la requérante a demandé à l’EPSO la raison pour laquelle le nombre de candidats qui avaient été admis à participer aux épreuves du centre d’évaluation était passé de 175, le 3 octobre 2013, à 181, le 28 octobre suivant.

16      Par courriel du même jour, l’EPSO a répondu que six candidats avaient été admis à participer aux épreuves du centre d’évaluation sur décision du jury du concours AD/177/10, à la suite d’une demande de réexamen.

17      Par lettre du 14 février 2014, l’EPSO a informé la requérante que le jury du concours AD/177/10 n’avait pas fait droit à sa demande de réexamen et avait confirmé sa décision de ne pas l’admettre à participer aux épreuves du centre d’évaluation (ci-après la « décision du 14 février 2014 »). Dans cette lettre, il était précisé que le jury du concours AD/177/10 avait confirmé que la requérante « ne rempliss[ait] pas les conditions spécifiques liées aux diplômes/qualification mentionnées dans l’avis de concours[,] étant donné que [ses] diplômes de l’université de technologie de Poznan ([“]Bachelor[”] et [“]Master in Science Engineer[”]) n['étaient] pas considérés comme pertinents au regard de la nature des tâches décrites dans l’avis de concours puisque la plupart des matières étudiées n['étaient] pas directement en lien avec l’audit », et que ledit jury avait, en outre, considéré que « [la] formation professionnelle et la qualification professionnelle [de la requérante] n['étaient], selon les critères préétablis, [ni] de niveau équivalent [ni] en rapport avec la nature des fonctions ».

 Procédure devant le Tribunal de la fonction publique et devant le Tribunal, avant renvoi, concernant les décisions du 3 octobre 2013et du 14 février 2014

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 6 janvier 2014, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision du 3 octobre 2013 ainsi qu’à l’octroi d’une somme de 1 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison du traitement discriminatoire de sa candidature. Ce recours a été enregistré sous la référence F‑1/14 et attribué à la deuxième chambre du Tribunal de la fonction publique.

19      Le 18 mars 2014, la Commission a déposé un mémoire en défense dans l’affaire F‑1/14.

20      Le 8 mai 2014, la requérante a déposé une réplique dans cette même affaire.

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 22 mai 2014, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 14 février 2014 et, pour autant que de besoin, de la décision du 3 octobre 2013 ainsi qu’à l’octroi d’une somme de 5 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison du caractère vexatoire du traitement de sa candidature. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal de la fonction publique sous la référence F‑48/14 et attribué à la deuxième chambre du Tribunal de la fonction publique.

22      Dans la requête introduite dans l’affaire F‑48/14 et par acte déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 18 juin 2014 dans l’affaire F‑1/14, la requérante a demandé la jonction de ces deux affaires.

23      Le 23 juin 2014, la Commission a déposé une duplique dans l’affaire F‑1/14.

24      Le 4 juillet 2014, la Commission a déposé ses observations sur la demande de jonction des affaires F‑1/14 et F‑48/14.

25      Le 18 août 2014, la Commission a déposé un mémoire en défense dans l’affaire F‑48/14.

26      Par ordonnance du 8 septembre 2014, le président de la deuxième chambre du Tribunal de la fonction publique a joint les affaires F‑1/14 et F‑48/14.

27      Lors de l’audience dans les affaires jointes F‑1/14 et F‑48/14, la requérante a déclaré se désister de son recours dans l’affaire F‑1/14, en demandant que la Commission fût condamnée aux dépens. La Commission n’a pas formulé d’observations sur le désistement, mais a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens.

28      Par arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5), le Tribunal de la fonction publique (deuxième chambre) a, dans l’affaire F‑1/14, radié l’affaire du registre et condamné la Commission aux dépens, pour manque de diligence de celle-ci dans le traitement de la demande de réexamen introduite par la requérante, et, dans l’affaire F‑48/14, rejeté, comme étant irrecevables, les conclusions en annulation de la décision du 3 octobre 2013, au motif que la décision du 14 février 2014 s’était substituée à cette dernière, et les conclusions indemnitaires, pour défaut de demande préalable, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), annulé la décision du 14 février 2014, pour défaut de motivation spécifique des raisons pour lesquelles le jury du concours AD/177/10 s’était écarté des appréciations du jury du concours AD/172/09 concernant les titres et les diplômes de la requérante, et condamné la Commission aux dépens, au motif que le recours avait été, pour l’essentiel, accueilli.

29      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 31 mars 2015, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5), lequel a été enregistré sous la référence T‑152/15 P.

30      Par un message du 2 mai 2016, signé par un chef d’unité de l’EPSO au nom du président du concours AD/177/10, la requérante a été informée que, comme suite à l’arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5), le jury du concours AD/177/10 avait réexaminé sa candidature et décidé, sur le fondement de la motivation détaillée exposée dans le message, qu’elle ne remplissait pas les conditions de titres ou de diplômes requises, dans l’avis de concours, pour être admise à participer aux épreuves du centre d’évaluation (ci-après la « décision communiquée le 2 mai 2016 »).

31      Le 2 août 2016, la requérante a introduit une réclamation, auprès de l’EPSO, contre la décision communiquée le 2 mai 2016, en contestant notamment que cette décision ait pu être prise par le jury du concours AD/177/10.

32      Le 1er septembre 2016, la compétence pour connaître, en première instance, des affaires de fonction publique a été transférée au Tribunal, en application de l’article 5 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137).

33      Par arrêt du 13 septembre 2016, Commission/Kakol (T‑152/15 P, non publié, EU:T:2016:466), le Tribunal (chambre des pourvois) a annulé l’arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5), au motif que le Tribunal de la fonction publique (deuxième chambre) avait commis une erreur de droit en exigeant une motivation spécifique de la décision du 14 février 2014, alors que les conditions du concours AD/177/10 étaient formulées en termes non pas identiques, mais simplement similaires, à ceux du concours AD/172/09, renvoyé, en substance, l’affaire F‑48/14 devant une chambre du Tribunal autre que celle ayant statué sur le pourvoi, conformément à l’article 4 du règlement 2016/1192, pour qu’elle statue de nouveau sur la légalité de la décision du 14 février 2014, et réservé les dépens.

 Procédure devant le Tribunal, après renvoi, concernant la décision du 14 février 2014 et procédure devant le Tribunal concernant la décision communiquée le 2 mai 2016

34      L’affaire renvoyée devant le Tribunal a été enregistrée au greffe de ce dernier sous la référence T‑641/16 RENV et attribuée, le 7 novembre 2016, à la première chambre.

35      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 14 et le 17 novembre 2016, la Commission et la requérante ont fait valoir leurs observations sur la suite de la procédure, conformément à l’article 217, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. Dans ses observations, la requérante a porté à la connaissance du Tribunal l’existence de la décision communiquée le 2 mai 2016 et de la réclamation qu’elle avait introduite, auprès de l’EPSO, contre cette même décision.

36      Conformément à l’article 217, paragraphe 3, du règlement de procédure, le président de la première chambre du Tribunal a autorisé les parties à déposer un mémoire complémentaire, en les invitant à préciser, dans celui-ci, les conséquences qu’elles tiraient de l’adoption de la décision communiquée le 2 mai 2016 pour l’affaire T‑641/16 RENV et, notamment, à examiner la question de savoir si cette décision avait pu se substituer à la décision du 14 février 2014, qui était la décision attaquée dans ladite affaire.

37      Par décision du 25 novembre 2016 (ci-après la « décision du 25 novembre 2016 »), l’EPSO a rejeté la réclamation introduite par la requérante contre la décision communiquée le 2 mai 2016, en précisant que cette dernière décision avait été adoptée par le jury du concours AD/177/10 lors d’une réunion tenue le 8 mai 2015. L’EPSO s’est excusé du long délai pour la communication de cette décision, dû à un oubli de l’administration. Concernant les documents relatifs à cette réunion qui avaient été versés au dossier personnel de la requérante, l’EPSO a accepté de lui communiquer une version non confidentielle de l’invitation adressée aux membres du jury du concours AD/177/10 à se réunir le 8 mai 2015, mais a refusé de lui communiquer la fiche manuscrite d’évaluation de sa candidature signée par le président et les trois autres membres du jury, au motif que celle-ci était couverte par le secret des travaux du jury, conformément à l’article 6 de l’annexe III du statut, tel qu’interprété en jurisprudence.

38      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 19 décembre 2016 et le 2 janvier 2017, la Commission et la requérante ont déposé des mémoires complémentaires dans l’affaire T‑641 RENV. Dans son mémoire complémentaire, la requérante a contesté le fait que la décision communiquée le 2 mai 2016 ait pu être prise par le jury du concours AD/177/10 près d’un an avant de lui être communiquée. En outre, elle a demandé la suspension de la procédure dans l’affaire T‑641/16 RENV, en attendant le recours qu’elle allait introduire contre la décision communiquée le 2 mai 2016 et la décision du 25 novembre 2016. Pour sa part, la Commission a suggéré au Tribunal, dans un mémoire complémentaire, de constater que, à l’exception de la partie qui aurait été rendue caduque par l’arrêt du 13 septembre 2016, Commission/Kakol (T‑152/15 P, non publié, EU:T:2016:466), la décision communiquée le 2 mai 2016 s’était effectivement substituée à celle du 14 février 2014 et formait l’objet du recours.

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 février 2017, la Commission a fait valoir ses observations sur la demande de suspension dans l’affaire T‑641/16 RENV.

40      Par décision du 8 février 2017, le président de la première chambre du Tribunal a rejeté la demande de suspension de la procédure dans l’affaire T‑641/16 RENV.

41      Par lettre du greffe du Tribunal du 2 mars 2017, la requérante a été invitée, comme suite à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal sur proposition du juge rapporteur, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du règlement de procédure, à faire valoir ses observations, dans l’affaire T‑641/16 RENV, sur la suggestion de la Commission de considérer que la décision du 2 mai 2016 s’était substituée à celle du 14 février 2014 et formait l’objet du recours dans cette même affaire.

42      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mars 2017, la requérante a introduit un recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision communiquée le 2 mai 2016 et de la décision du 25 novembre 2016 ainsi qu’à l’octroi d’une somme de 5 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison du caractère vexatoire du traitement de sa candidature. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑137/17. Dans la requête dans l’affaire T‑137/17, la requérante a demandé que cette dernière fût jointe à l’affaire T‑641/16 RENV, pour cause de connexité.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 mars 2017, la requérante a fait valoir ses observations sur la suggestion de la Commission de considérer que la décision communiquée le 2 mai 2016 s’était substituée à celle du 14 février 2014 et formait l’objet du recours dans l’affaire T‑641/16 RENV. Selon elle, la décision communiquée le 2 mai 2016 ne pouvait s’être substituée à celle du 14 février 2014, car plusieurs indices montraient qu’elle avait été adoptée directement par l’administration de l’EPSO, sans consultation du jury du concours AD/177/10 ou délégation de pouvoir consentie par ce dernier. Afin de procéder à des vérifications à cet égard, elle a sollicité l’adoption d’une mesure d’instruction, conformément aux articles 88 et 91 du règlement de procédure, visant à ce que la Commission produise la fiche manuscrite d’évaluation de sa candidature qui aurait été rédigée par le jury du concours AD/177/10 le 8 mai 2015 ou tout autre document démontrant que la décision communiquée le 2 mai 2016 avait été prise par ce jury.

44      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 avril 2017, la Commission a indiqué n’avoir aucune objection à la jonction des affaires T‑641/16 RENV et T‑137/17 aux fins de la phase écrite de la procédure.

45      Le 12 juin 2017, la Commission a déposé un mémoire en défense dans l’affaire T‑137/17.

46      Le 1er août 2017, la requérante a déposé une réplique dans l’affaire T‑137/17.

47      Le 18 septembre 2017, la Commission a déposé une duplique dans l’affaire T‑137/17.

48      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’entendre les parties sur une éventuelle dévolution des affaires T‑641/16 RENV et T‑137/17 au juge rapporteur en tant que juge unique. Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à certaines questions et la Commission à produire la fiche manuscrite d’évaluation de la candidature de la requérante qui aurait été rédigée par le jury du concours AD/177/10 le 8 mai 2015. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis. La requérante a reformulé ses conclusions dans l’affaire T‑137/17. Par ailleurs, la Commission a produit une version de la fiche manuscrite dans laquelle les informations relatives à l’identité des auteurs de cette fiche étaient occultées, au motif qu’il s’agissait de données confidentielles, tout en indiquant être prête à fournir une version confidentielle de ladite fiche, au cas où le Tribunal l’estimerait opportun.

49      Le 5 mars 2018, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 29 du règlement de procédure, le Tribunal a décidé, les parties entendues, d’attribuer les affaires T‑641/16 RENV et T‑137/17 au juge rapporteur, Mme I. Pelikánová, en tant que juge unique.

50      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure adoptées dans l’affaire T‑641/16 RENV et dans l’affaire T‑137/17, le Tribunal (juge unique) a invité la requérante à faire valoir ses observations sur la version non confidentielle de la fiche manuscrite produite par la Commission. La requérante a déféré à ces demandes dans le délai imparti. Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 18 mars 2018, elle a observé que les auteurs de cette fiche devraient être identifiables et que la Commission devrait être invitée à verser la version confidentielle de ladite fiche.

51      Le Tribunal (juge unique) a décidé de rouvrir la phase écrite de la procédure et de joindre les présentes affaires aux fins de cette même phase.

52      Par ordonnance du 16 avril 2018, adoptée conformément à l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal (juge unique) a adopté une mesure d’instruction, visée à l’article 91, sous b), du règlement de procédure, enjoignant à la Commission de produire la version confidentielle de la fiche manuscrite d’évaluation de la candidature de la requérante du 8 mai 2015, tout en précisant que ce document ne serait pas transmis, à ce stade, à la requérante.

53      Par décision du 14 mai 2018, le Tribunal (juge unique) a décidé, au terme de la mise en balance visée à l’article 103, paragraphe 2, du règlement de procédure, que le respect du principe du contradictoire exigeait, pour le traitement du premier moyen venant à l’appui de la demande en annulation dans l’affaire T‑137/17, tiré, en substance, de l’incompétence de l’auteur de la décision communiquée le 2 mai 2016, de porter la version confidentielle de la fiche manuscrite d’évaluation de la candidature de la requérante du 8 mai 2015 à la connaissance du représentant de cette dernière, sous réserve de la souscription préalable par ce dernier d’un engagement de confidentialité, y compris à l’égard de la requérante.

54      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (juge unique), le représentant de la requérante a souscrit à l’engagement de confidentialité qui lui avait été soumis.

55      Après signification de la version confidentielle de la fiche manuscrite d’évaluation de la candidature de la requérante du 8 mai 2015, le représentant de cette dernière a, dans le délai qui lui avait été imparti pour répondre à une nouvelle mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (juge unique), déposé au greffe du Tribunal, le 14 juillet 2018, ses observations sur les conséquences à tirer des informations relatives à l’identité des auteurs de cette fiche dans le cadre du premier moyen venant à l’appui de la demande en annulation dans l’affaire T‑137/17.

56      Aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, conformément à l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure, s’agissant de l’affaire T‑137/17, ou, conformément à l’article 218 du règlement de procédure, lu conjointement avec l’article 106, paragraphe 1, de ce même règlement, s’agissant de l’affaire T‑641/16 RENV.

 Conclusions des parties

57      Dans l’affaire T‑641/16 RENV, après clarification de ses conclusions en réponse à une question posée par le Tribunal (voir point 48 ci-dessus), la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 14 février 2014 ;

–        condamner la Commission à lui octroyer une somme de 5 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison du caractère vexatoire du traitement de sa candidature ;

–        condamner la Commission aux dépens exposés dans les affaires F‑48/14 et T‑152/15 P ainsi que dans l’affaire T‑641/16 RENV, conformément à l’article 135 du règlement de procédure.

58      Dans ses observations écrites formulées après renvoi dans l’affaire T‑641/16 RENV, telles que modifiées, sur la question des dépens, par un mémoire complémentaire, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’affaire F‑48/14 ainsi que dans l’affaire T‑641/16 RENV et ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens dans l’affaire T‑152/15 P.

59      Dans l’affaire T‑137/17, après clarification de ses conclusions en réponse à une question posée par le Tribunal (voir point 48 ci-dessus) et compte tenu des mesures de jonction et d’organisation de la procédure ou d’injonction portant sur la fiche manuscrite d’évaluation de sa candidature du 8 mai 2015 déjà adoptées, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision communiquée le 2 mai 2016 ainsi que, pour autant que de besoin, la décision du 25 novembre 2016 ;

–        condamner la Commission à lui verser une somme de 5 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’elle a subi en raison du caractère vexatoire du traitement de sa candidature ;

–        condamner la Commission aux dépens dans l’affaire T‑137/17, eu égard au fait que ce serait son attitude qui aurait conduit au litige.

60      Dans l’affaire T‑137/17, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité dans les affaires T641/16 RENV et T137/17

 Sur la recevabilité, dans l’affaire T137/17, de certains moyens invoqués à l’appui de la demande en annulation 

61      La Commission soutient, à titre principal, que, à l’exception du premier moyen, tiré, en substance, de l’incompétence de l’auteur de la décision communiquée le 2 mai 2016, les deuxième à cinquième moyens invoqués, dans la requête, à l’appui de la demande en annulation dans l’affaire T‑137/17 n’ont pas été avancés dans la réclamation du 2 août 2016 et doivent, partant, être rejetés comme étant irrecevables, pour violation de la règle de la concordance entre la requête et la réclamation.

62      La requérante soutient, en substance, qu’aucune règle ne lui interdisait d’introduire certains moyens, pour la première fois, au stade de la requête dans l’affaire T‑137/17. En outre, il conviendrait de tenir compte de ce que les moyens invoqués, pour la première fois, dans cette requête avaient déjà été invoqués dans l’affaire F‑48/14, dont l’affaire T‑641/16 RENV constitue le prolongement partiel devant le Tribunal, et étaient, partant, déjà connus de la Commission.

63      Il ressort de la jurisprudence que les décisions des jurys de concours peuvent être attaquées directement devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1986, Rihoux e.a./Commission, 52/85, EU:C:1986:199, point 9, et du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T‑49/03, EU:T:2004:314, point 25).

64      Toutefois, il est également de jurisprudence constante que, si l’intéressé, au lieu de saisir directement le juge de l’Union, comme il en a la possibilité, invoque les dispositions statutaires pour s’adresser, sous forme d’une réclamation administrative, à l’AIPN, la recevabilité du recours juridictionnel introduit ultérieurement dépendra du respect par celui-ci de l’ensemble des contraintes procédurales qui s’attachent à la voie de la réclamation préalable (voir arrêt du 23 janvier 2002, Gonçalves/Parlement, T‑386/00, EU:T:2002:12, point 35 et jurisprudence citée).

65      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 91, paragraphe 2, du statut, un recours devant le Tribunal n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation.

66      Selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt du 4 juillet 2014, Kimman/Commission, T‑644/11 P, EU:T:2014:613, point 43 et jurisprudence citée).

67      Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, qui est de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (voir arrêt du 4 juillet 2014, Kimman/Commission, T‑644/11 P, EU:T:2014:613, point 44 et jurisprudence citée).

68      Il s’ensuit que, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 4 juillet 2014, Kimman/Commission, T‑644/11 P, EU:T:2014:613, point 45 et jurisprudence citée).

69      En l’espèce, comme le relève à bon droit la Commission, la réclamation du 2 août 2016 repose sur un chef de contestation unique, tiré, en substance, de l’incompétence de l’auteur de la décision communiquée le 2 mai 2016. Dans cette réclamation, la requérante n’a pas avancé, fût-ce même à titre subsidiaire, de chefs de contestation s’apparentant ou se rattachant étroitement, comme le deuxième moyen avancé dans la requête dans l’affaire T‑137/17, à une violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique ou d’estoppel ou, comme le troisième moyen avancé dans la requête dans l’affaire T‑137/17, à une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ou, comme le quatrième moyen avancé dans la requête dans l’affaire T‑137/17, à une erreur manifeste entachant l’appréciation selon laquelle elle n’aurait pas eu le niveau universitaire d’enseignement ou de formation/qualification professionnelle requis par l’avis du concours AD/177/10 ou encore, comme le cinquième moyen avancé dans la requête dans l’affaire T‑137/17, à un détournement de pouvoir ou à une violation du principe de proportionnalité.

70      Le fait que de tels moyens aient déjà été invoqués dans l’affaire F‑48/14, dont l’affaire T‑641/16 RENV constitue le prolongement partiel devant le Tribunal, n’est pas une circonstance qui permettrait de considérer que l’AIPN aurait été en mesure de connaître les critiques que la requérante formulait à l’encontre de la décision communiquée le 2 mai 2016, puisque lesdits moyens étaient dirigés contre une décision, à savoir la décision du 14 février 2014, qui diffère de la décision communiquée le 2 mai 2016, laquelle procède d’un réexamen, par le jury du concours AD/177/10, de la candidature de la requérante à la suite de l’arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5) (voir, à cet égard, points 91 et 98 ci-après).

71      Au vu de la jurisprudence citée aux points 64 à 68 ci-dessus, la requérante n’est pas recevable à invoquer, pour la première fois dans la requête, les chefs de contestation qui correspondent aux deuxième à cinquième moyens venant à l’appui de la demande en annulation dans l’affaire T‑137/17.

72      Par conséquent, il y a lieu de rejeter lesdits moyens comme étant irrecevables.

 Surla recevabilité, dans l’affaire T641/16 RENV, de la demande en indemnité 

73      Dans l’affaire T‑641/16 RENV, la requérante maintient ses conclusions en indemnisation.

74      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe d’autorité de la chose jugée revêt une grande importance, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (voir arrêt du 21 juillet 2016, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO, C‑226/15 P, EU:C:2016:582, point 51 et jurisprudence citée). Selon une jurisprudence constante, les arrêts d’annulation prononcés par les juridictions de l’Union jouissent, dès qu’ils sont devenus définitifs, de l’autorité absolue de la chose jugée. Celle-ci recouvre non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais aussi les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif et en sont, de ce fait, indissociables (arrêts du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 81, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, EU:T:2009:236, points 113 et 140). L’autorité de la chose jugée d’un arrêt ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés (arrêt du 19 février 1991, Italie/Commission, C‑281/89, EU:C:1991:59, point 14).

75      En l’espèce, il ressort de l’objet du litige porté devant la chambre des pourvois du Tribunal ainsi que d’une lecture du dispositif de l’arrêt du 13 septembre 2016, Commission/Kakol (T‑152/15 P, non publié, EU:T:2016:466), à la lumière des motifs qui en constituent le soutien nécessaire, que ce litige, tel qu’il a été délimité par la Commission dans l’exercice de son pourvoi, et, par conséquent, l’annulation prononcée par la chambre des pourvois du Tribunal n’ont porté que sur les points de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique par lesquels celui-ci avait annulé la décision du 14 février 2014 et non sur ceux par lesquels ladite juridiction avait rejeté, comme étant irrecevables, les conclusions de la requérante en annulation de la décision du 3 octobre 2013 et en indemnisation.

76      Il s’ensuit que la partie de l’arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5), par laquelle ladite juridiction a rejeté, comme étant irrecevables, les conclusions de la requérante en indemnisation a acquis autorité de la chose jugée, en ce qui concerne l’ensemble des points de fait et de droit qui y ont effectivement ou nécessairement été tranchés par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2009, CAS Succhi di Frutta/Commission, C‑497/06 P, non publié, EU:C:2009:273, point 33 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 102).

77      Dès lors, la requérante n’est pas recevable à remettre en cause les constatations factuelles et juridiques effectuées par le Tribunal de la fonction publique, dans l’arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5), concernant ces mêmes conclusions.

78      Il y a donc lieu de rejeter, comme étant irrecevable, la demande en indemnité présentée dans l’affaire T‑641/16 RENV.

 Sur la recevabilité, dans l’affaire T137/17, de la demande en indemnité 

79      La Commission soutient, à titre principal, que la demande en indemnité dans l’affaire T‑137/17 est irrecevable pour non-respect de la procédure précontentieuse obligatoire instituée par l’article 90 du statut. Dans la mesure où le préjudice moral invoqué par la requérante, résultant du traitement prétendument vexatoire réservé à sa candidature, découlerait de circonstances factuelles indépendantes de la décision communiquée le 2 mai 2016, celle-ci aurait dû commencer par introduire une demande d’indemnisation suivie, en cas de rejet, d’une réclamation, ce qu’elle n’aurait pas fait en l’espèce.

80      Selon une jurisprudence constante, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, l’AIPN d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande. Lorsqu’il existe un lien direct entre le recours en annulation et le recours en indemnité, ce dernier est recevable en tant qu’accessoire au recours en annulation, sans devoir être nécessairement précédé tant d’une demande invitant l’AIPN à réparer le préjudice prétendument subi que d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande. En revanche, lorsque le préjudice allégué ne résulte pas d’un acte dont l’annulation est poursuivie, mais de plusieurs fautes et omissions prétendument commises par l’administration, la procédure précontentieuse doit impérativement débuter par une demande invitant l’AIPN à réparer ce préjudice (voir arrêt du 11 mai 2005, de Stefano/Commission, T‑25/03, EU:T:2005:168, point 78 et jurisprudence citée).

81      En l’espèce, il y a lieu de constater que le préjudice moral dont la requérante se prévaut dans le cadre de la demande indemnitaire dans l’affaire T‑137/17 ne trouve pas son origine dans l’illégalité de la décision communiquée le 2 mai 2016 ou de la décision du 25 novembre 2016, qui la confirme, mais résulte de fautes ou d’omissions commises par l’administration et correspondant, selon elle, au « caractère vexatoire du traitement de sa candidature ». Dès lors qu’aucune demande n’a été adressée, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, préalablement au recours contentieux en réparation d’un tel préjudice, de telles conclusions indemnitaires sont irrecevables.

82      La demande en indemnité dans l’affaire T‑137/17 doit ainsi être rejetée comme étant irrecevable.

 Sur le fond

 Sur l’interprétation des demandes en annulation dans les affaires T641/16 RENV et T137/17

83      Conformément à une jurisprudence bien établie, lorsqu’un candidat à un concours sollicite le réexamen d’une décision prise par un jury, c’est la décision prise par ce dernier après réexamen de la situation du candidat qui constitue l’acte lui faisant grief (voir arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 30 et jurisprudence citée).

84      Lorsque, conformément au système du statut ou du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, l’intéressé présente une réclamation contre la décision qu’il conteste et introduit ensuite un recours contre la décision portant rejet de cette réclamation, le recours est recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, dans la mesure où la réclamation et le recours ont été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut. Toutefois, conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée (voir arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 33 et jurisprudence citée).

85      Il résulte de ce qui précède que, dans l’affaire T‑641/16 RENV, la décision du 14 février 2014, par laquelle le jury du concours AD/177/10 a réexaminé la candidature de la requérante à ce concours, est bien l’acte faisant grief qui doit faire l’objet de la demande en annulation.

86      Dans le cadre de l’affaire T‑137/17, il convient de relever que la décision du 25 novembre 2016, portant rejet de la réclamation introduite contre la décision communiquée le 2 mai 2016, ne revêt de portée autonome par rapport à cette dernière que dans la mesure où elle porte refus de communiquer à la requérante certains documents, au motif qu’ils seraient couverts par le secret des travaux du jury. Dans cette mesure, cette décision pouvait faire l’objet d’une demande en annulation ayant un objet distinct de celle tendant à l’annulation de la décision communiquée le 2 mai 2016.

87      Toutefois, il ressort de la requête dans l’affaire T‑137/17 que la requérante n’a pas conclu à l’annulation de la décision du 25 novembre 2016 en ce qu’elle portait refus de lui communiquer certains documents, mais seulement et pour autant que de besoin, en ce qu’elle venait confirmer la décision communiquée le 2 mai 2016.

88      Dès lors, la demande en annulation de la décision du 25 novembre 2016 n’a pas, en l’espèce, une portée autonome et se confond, au sens de la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus, avec la demande en annulation de la décision communiquée le 2 mai 2016.

89      Par conséquent, dans l’affaire T‑137/17, il y a lieu d’interpréter la demande en annulation de la requérante comme ayant pour seul objet la décision communiquée le 2 mai 2016.

 Sur l’articulation des demandes en annulationdans les affaires T641/16 RENV et T137/17

90      Selon la Commission, la décision communiquée le 2 mai 2016, attaquée dans l’affaire T‑137/17, a été adoptée par le jury du concours AD/177/10 le 8 mai 2015 dans le but de se conformer à l’arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5), dans l’attente des résultats du pourvoi qu’elle avait introduit le 31 mars 2015 contre ledit arrêt. Elle estime que, en vertu de l’article 266 TFUE, l’EPSO était tenu de prendre les mesures que comportait l’exécution de cet arrêt annulant la décision du 14 février 2014, sans attendre le prononcé de l’arrêt du 13 septembre 2016, Commission/Kakol (T‑152/15 P, non publié, EU:T:2016:466), et que l’adoption de la décision communiquée le 2 mai 2016 ne rendait pas « caduc » le pourvoi par ailleurs introduit.

91      Il ressort de la lettre adressée par l’EPSO à la requérante le 2 mai 2016, à la suite de l’arrêt du 22 janvier 2015, Kakol/Commission (F‑1/14 et F‑48/14, EU:F:2015:5), que celui-ci a demandé au jury du concours AD/177/10 de réexaminer la candidature de la requérante à ce concours et que c’est au terme de ce réexamen que la décision communiquée le 2 mai 2016 a été adoptée.

92      À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, la décision prise par le jury, après réexamen, se substitue à la décision initiale du jury et constitue l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, du statut. C’est également cette décision, prise après réexamen, qui fait courir le délai de réclamation et de recours, sans qu’il y ait lieu de vérifier si, dans une telle situation, ladite décision peut éventuellement être considérée comme un acte purement confirmatif (arrêts du 23 janvier 2002, Gonçalves/Parlement, T‑386/00, EU:T:2002:12, points 38 et 39, et du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, points 27 et 28).

93      Par conséquent, si la décision communiquée le 2 mai 2016 a bien été adoptée par l’autorité compétente, à savoir le jury du concours AD/177/10, celle-ci s’est effectivement substituée à la décision du 14 février 2014, de sorte que la demande en annulation de cette dernière décision, dans l’affaire T‑641/16 RENV, a perdu son objet en cours de procédure et qu’il n’y a plus lieu, pour le Tribunal, de statuer sur celle-ci.

94      Dans ce contexte, il y a lieu de commencer par l’examen au fond du premier moyen venant, dans l’affaire T‑137/17, à l’appui de la demande en annulation de la décision communiquée le 2 mai 2016.

 Sur le premier moyen venant, dans l’affaire T137/17, à l’appui de la demande en annulation de la décision communiquée le 2 mai 2016

95      La requérante conteste le fait que la décision communiquée le 2 mai 2016 ait été prise par le jury du concours AD/177/10 ou par délégation des pouvoirs qui lui étaient conférés. Selon elle, cette décision émanerait du signataire de la lettre, à savoir un chef d’unité de l’EPSO à l’époque des faits. Plusieurs indices démontreraient qu’il aurait été impossible que le jury du concours AD/177/10 adoptât la décision communiquée le 2 mai 2016. Dans ses observations en réponse à une mesure d’organisation déposées au greffe du Tribunal le 14 juillet 2018, le représentant de la requérante n’a pas expressément renoncé à se prévaloir du premier moyen, au vu des informations relatives à l’identité des auteurs de la fiche manuscrite d’évaluation de la candidature de la requérante du 8 mai 2015 qui lui avaient été communiquées par le Tribunal.

96      La Commission conclut au rejet du premier moyen venant à l’appui de la demande en annulation de la décision communiquée le 2 mai 2016 dans l’affaire T‑137/17, au motif que celui-ci manque en fait et qu’il est, en tout état de cause, non fondé en droit.

97      À titre liminaire, il importe de relever que, dans ses écritures, la Commission ne conteste pas le fait que l’évaluation de la candidature de la requérante relevait de la seule compétence du jury du concours AD/177/10. Elle se borne à soutenir que la décision communiquée le 2 mai 2016, signée par un chef d’unité de l’EPSO, au nom du président du concours AD/177/10, correspond à celle adoptée par le jury du concours AD/177/10 lors de la réunion du 8 mai 2015.

98      Il ressort de la version confidentielle de la fiche manuscrite d’évaluation de la candidature de la requérante du 8 mai 2015 que la décision communiquée le 2 mai 2016 correspond fidèlement à une décision qui a été adoptée, le 8 mai 2015, par l’autorité compétente, à savoir le jury du concours AD/177/10, et non, comme l’allègue la requérante, par le chef d’unité de l’EPSO signataire de la lettre du 2 mai 2016.

99      Il s’ensuit que le premier moyen venant à l’appui de la demande en annulation de la décision communiquée le 2 mai 2016, dans l’affaire T‑137/17, manque en fait et doit être rejeté comme étant non fondé.

100    Par conséquent, le recours dans cette dernière affaire est intégralement rejeté.

 Sur la demande en annulation de la décision du 14 février 2014,dans l’affaire T641/16 RENV

101    Dans la mesure où, conformément à la jurisprudence citée au point 92 ci-dessus, la décision communiquée le 2 mai 2016 s’est substituée à la décision du 14 février 2014, qui est l’objet de la demande en annulation dans l’affaire T‑641/16 RENV, il n’y a plus lieu de statuer dans cette dernière affaire, sauf en ce qui concerne les dépens.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

103    En vertu de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

104    Enfin, l’article 137 du règlement de procédure prévoit que, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

105    En l’espèce, il y a lieu de statuer sur les dépens dans les affaires T‑641/16 RENV et T‑137/17, mais également dans les affaires F‑48/14 et T‑152/15 P, dans lesquelles les dépens ont été réservés par l’arrêt du 13 septembre 2016, Commission/Kakol (T‑152/15 P, non publié, EU:T:2016:466).

106    La requérante ayant succombé en ses conclusions dans l’affaire T‑641/16 RENV, celle-ci devrait être condamnée aux dépens dans cette affaire ainsi que dans l’affaire F‑48/14, conformément aux conclusions de la Commission, et, dans l’affaire T‑152/15 P, où la Commission n’a pas conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens, chaque partie devrait supporter ses propres dépens.

107    Cependant, la requérante a expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens dans les affaires T‑641/16 RENV, T‑137/17, F‑48/14 et T‑152/15 P, eu égard au fait que ce serait son attitude qui aurait conduit au litige et au « caractère vexatoire du traitement de sa candidature ».

108    L’examen des recours n’a pas permis de constater un traitement vexatoire de la candidature de la requérante par la Commission. Cependant, le fait que la décision communiquée à la requérante le 2 mai 2016 l’ait été près d’un an après son adoption par le jury du concours AD/177/10 (voir points 37 et 95 ci-dessus) témoigne d’un manque de diligence de la Commission et a été un facteur de complexité qui a pu contribuer aux erreurs procédurales commises en l’espèce par la requérante.

109    Dans ces circonstances, dans les affaires T‑137/17, F‑48/14 et T‑152/15 P, il apparaît équitable que chaque partie supporte ses propres dépens et, dans l’affaire T‑641/16 RENV, clôturée par un non-lieu, il y a également lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T641/16 RENV et T137/17 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Dans l’affaire T641/16 RENV, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en annulation et, pour le surplus, le recours est rejeté.

3)      Dans l’affaire T137/17, le recours est rejeté.

4)      Chaque partie supportera ses propres dépens afférents aux affaires T641/16 RENV et T137/17 ainsi qu’aux affaires F48/14 et T152/15 P.

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Le greffier

 

Le juge

E. Coulon

 

      I. Pelikánová


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure devant le Tribunal de la fonction publique et devant le Tribunal, avant renvoi, concernant les décisions du 3 octobre 2013 et du 14 février 2014

Procédure devant le Tribunal, après renvoi, concernant la décision du 14 février 2014 et procédure devant le Tribunal concernant la décision communiquée le 2 mai 2016

Conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité dans les affaires T 641/16 RENV et T137/17

Sur la recevabilité, dans l’affaire T 137/17, de certains moyens invoqués à l’appui de la demande en annulation

Sur la recevabilité, dans l’affaire T641/16 RENV, de la demande en indemnité

Sur la recevabilité, dans l’affaire T 137/17, de la demande en indemnité

Sur le fond

Sur l’interprétation des demandes en annulation dans les affaires T 641/16 RENV et T137/17

Sur l’articulation des demandes en annulation dans les affaires T641/16 RENV et T137/17

Sur le premier moyen venant, dans l’affaire T 137/17, à l’appui de la demande en annulation de la décision communiquée le 2 mai 2016

Sur la demande en annulation de la décision du 14 février 2014, dans l’affaire T641/16 RENV

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.