Language of document : ECLI:EU:C:2011:403

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 16 juin 2011 (1)

Affaire C‑155/10

Williams e.a.

contre

British Airways plc

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Royaume-Uni)]

«Conditions de travail – Aménagement du temps de travail – Article 7 de la directive 2003/88/CE – Droit au congé annuel payé – Étendue des obligations découlant de cette directive quant à la nature et au montant du congé annuel payé – Marge d’appréciation des États membres pour fixer des règles précises en matière de congé annuel payé – Directive 2000/79/CE – Congé annuel payé des pilotes de ligne»





Table des matières

I –   Introduction

II – Le cadre normatif

A –   Droit de l’Union 

B –   Droit national

III – Les faits, la procédure au principal et les questions déférées

IV – La procédure devant la Cour

V –   Les arguments essentiels des parties

VI – Analyse

A –   Les principales interrogations soulevées par l’affaire

B –   Les règles du droit de l’Union concernant la nature et le niveau du droit au congé annuel payé

1.     Le droit au congé annuel payé dans l’ordre juridique de l’Union

a)     Les règles de base du droit de l’Union

b)     La compétence des États membres en matière de transposition

2.     La relation entre la directive 2000/79 et les directives concernant le temps de travail et le caractère transposable des principes jurisprudentiels

3.     Les principes jurisprudentiels concernant le droit au congé annuel payé

a)     Sur le maintien de la rémunération pendant la période de congé annuel

b)     Conclusion: exclusion du critère fondé sur le besoin minimal

4.     La compétence des États membres quant au calcul du montant de la rémunération à verser pendant le congé annuel

5.     Conclusion intermédiaire

C –   Le traitement des structures salariales complexes

1.     Considérations générales

2.     Les règles issues du droit de l’Union et les compétences conservées par les États membres en ce qui concerne les modalités de la rémunération à verser pendant le congé annuel

3.     Composition de la rémunération versée au titre du congé annuel

a)     L’élément matériel de la notion de «rémunération normale»

i)     La notion de rémunération au sens du droit de l’Union

ii)   Le salaire de base: la composante essentielle de la rémunération

iii) La qualification des compléments du salaire en tant qu’élément de la rémunération

b)     L’élément temporel de la «rémunération normale»

c)     Interdiction de la discrimination

4.     Conclusion intermédiaire

VII – Conclusion


I –    Introduction

1.        Dans la présente procédure préjudicielle en application de l’article 267 TFUE, la Supreme Court (Royaume-Uni, ci-après la «juridiction de renvoi») a saisi la Cour d’une série de questions concernant l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (2), et de la clause 3 de l’accord européen relatif à l’aménagement du temps de travail du personnel mobile dans l’aviation civile, conclu par l’Association des compagnies européennes de navigation aérienne (AEA), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), l’Association européenne des personnels navigants techniques (ECA), l’Association européenne des compagnies d’aviation des régions d’Europe (ERA) et l’Association internationale des charters aériens (AICA) (ci-après l’«accord européen»), annexé à la directive 2000/79/CE du Conseil, du 27 novembre 2000 (3), en vue de sa mise en œuvre.

2.        La demande de décision préjudicielle a pour origine un litige entre Mme Williams ainsi que d’autres pilotes de la compagnie aérienne British Airways plc (ci-après «British Airways») et leur employeur sur la question des modalités précises de calcul de la rémunération afférente aux périodes de congé annuel payé. Compte tenu des dispositions spécifiques du secteur de l’aviation – qui tiennent compte des exigences de sécurité propres au transport aérien et doivent donc être considérées comme impératives – et de la structure complexe des salaires dans cette branche, intégrant différentes primes et autres compléments de salaire, la recherche d’une solution ne s’annonce pas des plus aisées. Les questions dont la Cour a été saisie concernent à la fois les compétences de l’Union et de ses États membres, et les règles du droit de l’Union que les partenaires sociaux devraient respecter lorsqu’ils concluent des accords collectifs, au sens de l’article 139 CE ou de l’article 155 TFUE actuellement en vigueur, ayant pour objet certains droits sociaux – en l’occurrence le droit au congé annuel payé.

II – Le cadre normatif

A –    Droit de l’Union (4)

3.        L’article 139 CE, disposition ayant précédé l’article 155 TFUE, permettait l’adoption de directives ayant pour objet la mise en œuvre d’accords conclus entre les partenaires sociaux:

«1. Le dialogue entre partenaires sociaux au niveau communautaire peut conduire, si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords.

2. La mise en œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient soit selon les procédures et les pratiques propres aux partenaires sociaux et aux États membres, soit, dans les matières relevant de l’article 137, à la demande conjointe des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la Commission.

Le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf lorsque l’accord en question contient une ou plusieurs dispositions relatives à l’un des domaines pour lesquels l’unanimité est requise en vertu de l’article 137, paragraphe 2. Dans ce cas, le Conseil statue à l’unanimité.»

4.        La directive 2003/88 a remplacé, le 2 août 2004, la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (5). Comme la directive précédente, elle a pour objet de fixer certaines règles minimales de sécurité et de protection de la santé en cas d’aménagement du temps de travail. L’article 7 de celle-ci, tel que repris de manière inchangée de la directive antérieure, est libellé comme suit:

«Congé annuel

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»

5.        L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de ladite directive.

6.        La directive 2000/79 met en œuvre l’accord européen, dont la clause 3 est en ces termes:

«1. Le personnel mobile dans l’aviation civile bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»

B –    Droit national

7.        Le Royaume-Uni a adopté en 2004 le règlement relatif à l’aménagement du temps de travail dans l’aviation civile [Civil Aviation (Working Time) Regulations 2004 (6), ci-après le «règlement»], afin de se conformer aux obligations lui incombant au titre de la directive 2000/79.

8.        L’article 4 de ce règlement dispose ce qui suit:

«1. Un membre d’équipage bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines ou au prorata de quatre semaines pour une période de travail de moins d’un an.

2. Le congé dont bénéficie un membre d’équipage en vertu du présent règlement:

a)      peut être pris par tranches;

b)      ne peut pas être remplacé par une indemnité financière, sauf lorsque la relation de travail du membre d’équipage a cessé.»

9.        L’article 9 dudit règlement impose à tout employeur de s’assurer que:

«au cours d’un mois

a)      aucune des personnes qu’il emploie comme salarié n’exercera son activité de membre d’équipage au cours de son temps de travail si, pendant la période de 12 mois expirant à la fin du mois, avant la fin dudit mois, le temps total de vol consolidé de cette personne dépasse 900 heures et

b)      aucun des membres d’équipage qu’il emploie ne pourra avoir un temps de travail total annuel de plus de 2 000 heures au cours de la période de 12 mois expirant à la fin du mois qui précède le mois en question.»

10.      Ce règlement ne contient aucune disposition quant à la nature ou au montant de la rémunération versée au titre du congé annuel avant la jouissance de ce congé.

III – Les faits, la procédure au principal et les questions déférées

11.      Les requérants au principal sont des pilotes employés par British Airways. Leurs conditions de travail sont négociées avec British Airways par le syndicat des pilotes, British Air Line Pilots Association (BALPA). Les conditions actuelles figurent dans le mémorandum d’accord (Memorandum of Agreement, ci-après le «MOA») du 1er avril 2005.

12.      Il résulte des dispositions combinées du MOA et des clauses conventionnelles relatives aux durées mensuelles de vol que la rémunération des pilotes comprend trois éléments. Le premier est une somme fixe annuelle. Le deuxième et le troisième sont des compléments dont les montants varient en fonction du temps passé en vol [la «Flying Pay Supplement» (prime de vol) ou «FPS», qui est de 10 GBP par heure de vol programmée] et du temps passé à l’extérieur de la base (la «Time Away from Base Allowance» – allocation pour le temps passé à l’extérieur de la base – ou «TAFB», qui est de 2,73 GBP par heure). La FPS est une rémunération imposable dans sa totalité. 82 % de la TAFB sont considérés comme étant payés au titre de frais, de sorte que seule la portion de 18 % est considérée comme une rémunération imposable.

13.      Le volume d’heures de vol d’un pilote dépend de son itinéraire et de son plan de vol. Il représente en règle générale, selon les indications de la juridiction de renvoi, quinze jours par mois.

14.      En vertu du MOA, le montant payé au titre du congé annuel est uniquement fonction du premier élément de la rémunération, à savoir la somme annuelle fixe. Les requérants au principal se prévalent cependant, sur la base du droit de l’Union et du droit interne, d’un droit à un paiement au taux hebdomadaire basé sur les trois éléments constitutifs de la rémunération.

15.      Tant l’Employment Tribunal que l’Employment Appeal Tribunal ont fait droit aux demandes des requérants. La Court of Appeal, en revanche, s’est ralliée à la thèse de British Airways et lui a donné raison.

16.      La Supreme Court est d’avis que, bien que la jurisprudence récente de la Cour puisse être interprétée en ce sens que la directive 2000/79 implique l’obligation de verser une rémunération «normale» ou «comparable», force est de constater selon elle que la notion de «congé annuel payé» appelle encore des éclaircissements, ne serait-ce qu’en raison des circonstances spécifiques à la procédure au principal. En outre, un certain nombre de questions demeurent quant à la marge d’appréciation laissée aux législations et/ou pratiques nationales pour déterminer les «conditions d’obtention et d’octroi d’un tel congé». Selon la Supreme Court, il est donc permis, dans une telle affaire, d’avoir des doutes sur la situation juridique.

17.      C’est la raison pour laquelle la Supreme Court a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)      En vertu (a) des articles 7 des directives 93/104/CE et 2003/88/CE du Conseil et (b) de la clause 3 de l’accord européen annexé à la directive 2000/79/CE du Conseil:

a) dans quelle mesure le droit européen définit ou prévoit, le cas échéant, des exigences relatives à la nature ou au niveau des paiements devant être effectués au titre des périodes de congé annuel payé;

b) dans quelle mesure les États membres peuvent, le cas échéant, déterminer le mode de calcul de ces paiements?

2)      En particulier, suffit-il que, en vertu du droit, de la pratique, des conventions collectives et des modalités contractuelles convenues entre employeurs et travailleurs, au niveau national, le paiement effectué permette au travailleur (et l’y incite) de prendre son congé annuel et d’en bénéficier au sens plein de ces termes, et n’implique pas un risque significatif que le travailleur ne le fasse pas?

3)      Ou bien faut-il:

a) que le paiement corresponde précisément à la rémunération ‘normale’ du travailleur ou

b) qu’il soit à peu près comparable à celle-ci?

4)       En outre, dans le cas où il serait répondu par l’affirmative à la troisième question, sous a) ou b), la rémunération pertinente ou comparable consiste-t-elle:

a) dans la rémunération que le travailleur aurait perçue au cours de cette période de congé s’il avait travaillé au lieu d’être en congé ou

b) dans la rémunération qu’il gagnait au cours d’une autre période pendant qu’il travaillait et, si oui, laquelle?

5)      Comment faudrait-il apprécier une rémunération ‘normale’ ou ‘comparable’ dans des circonstances :

a) où la rémunération d’un travailleur, lorsqu’il travaille, est complétée si et dans la mesure où il exerce dans une activité particulière,

b) où il existe une limite annuelle ou autre quant à la mesure ou à la durée pendant laquelle ce travailleur exerce une telle activité et que cette limite a été dépassée ou est presque dépassée au moment où il prend son congé annuel, de sorte que le travailleur n’aurait pas pu en fait exercer cette activité s’il avait travaillé au lieu d’être en congé?»

IV – La procédure devant la Cour

18.      La demande de décision préjudicielle datée du 24 mars 2010 est parvenue au greffe de la Cour le 2 avril 2010.

19.      Des observations écrites ont été présentées par les parties au principal, le gouvernement danois, ainsi que la Commission européenne, dans le délai imparti par l’article 23 du statut de la Cour de justice.

20.      Lors de l’audience du 14 avril 2011, les mandataires ad litem des parties au principal, le gouvernement danois et la Commission ont présenté des observations.

V –    Les arguments essentiels des parties

21.      Les requérants au principal et la Commission proposent de répondre à la demande de décision préjudicielle en ce sens que, en application des dispositions pertinentes du droit de l’Union, la rémunération normale du travailleur doit continuer à lui être versée pendant la période correspondant à son congé annuel. Les États membres sont certes habilités, dans le cadre de l’adoption des nécessaires modalités pratiques, à déterminer notamment la méthode de calcul de cette rémunération du congé annuel. Il n’en demeure pas moins qu’une telle méthode doit faire en sorte que les travailleurs continuent à percevoir leur salaire normal pour la durée du congé annuel.

22.      S’agissant du calcul de la rémunération normale, il convient, selon les requérants au principal, de se référer à une période représentative. Cette période sera normalement une période antérieure à la jouissance effective du congé annuel. Toutefois, à titre exceptionnel, une autre période pourrait être prise en compte pour assurer le maintien de la rémunération normale. Selon la Commission, la «rémunération normale» doit correspondre au salaire hebdomadaire moyen d’une période de référence représentative.

23.      Les compléments versés au travailleur au titre de l’exercice d’une activité particulière, et qui sont un élément constitutif de la rémunération normale du travailleur, doivent également continuer à être versés pendant la période de congés annuels, selon le point de vue des requérants au principal. La Commission relève à cet égard que le calcul du montant versé au titre du congé doit prendre en compte toutes les limites d’ordre général.

24.      La défenderesse au principal propose de répondre aux questions préjudicielles en ce sens que le droit de l’Union ne prévoit pas d’exigences relatives à la nature ou au montant des paiements devant être effectués au titre des périodes de congés annuels payés. À titre subsidiaire, elle fait valoir que la seule exigence du droit de l’Union est que le montant de la rémunération versée pendant le congé soit convenu collectivement ou individuellement. En tout état de cause, la rémunération versée au titre du congé doit être suffisamment élevée afin que les travailleurs ne soient pas dissuadés de prendre leur congé annuel.

25.      De l’avis de la défenderesse, il suffit que, en vertu du droit, de la pratique et des dispositions contractuelles et conventionnelles convenues entre employeurs et travailleurs, le paiement effectué permette au travailleur de prendre son congé annuel et d’en bénéficier au sens plein de ces termes, excluant ainsi tout risque significatif que le travailleur ne le fasse pas. Par conséquent, la rémunération versée pendant le congé ne doit pas nécessairement correspondre exactement à la rémunération normale du travailleur ou être à peu près comparable à celle-ci.

26.      Le gouvernement danois propose à la Cour de répondre en ce sens que le droit de l’Union garantit aux travailleurs le droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines et au versement d’une indemnité au cours de cette période correspondant à leur rémunération normale, conformément aux conditions prévues à cet égard par les législations et/ou pratiques nationales.

27.      Il s’ensuit selon lui que la directive 2003/88 ne fait pas obstacle à la négociation par les partenaires sociaux des primes à retenir dans la détermination des indemnités de congés payés, pour autant que ces dernières ne soient pas si faibles qu’elles fassent obstacle à la jouissance du congé.

VI – Analyse

A –    Les principales interrogations soulevées par l’affaire

28.      La présente affaire offre à la Cour l’occasion d’étoffer encore sa jurisprudence sur le droit au congé annuel payé dont bénéficie tout travailleur. Elle se prête en même temps à une extension de cette jurisprudence à d’autres domaines d’activités pour lesquels l’Union a adopté des règles plus spécifiques répondant aux besoins du secteur professionnel concerné, dans l’intérêt d’une application uniforme du droit de l’Union.

29.      Les questions très précises de la juridiction de renvoi peuvent en substance être regroupées en trois grandes problématiques, qui toutefois se recoupent en partie. La première question soulevée est celle de la compétence de l’Union ou de ses États membres pour définir juridiquement la notion de «congé annuel payé» et déterminer la méthode de calcul de la rémunération qui sera versée au titre de ce congé. La juridiction de renvoi demande ensuite des précisions sur la question de savoir quelle proportion du salaire normal représente cette rémunération du congé selon les règles de l’Union. Enfin, il est demandé dans quelle mesure les compléments versés au travailleur pour certaines activités conformément à une convention collective, mais également les éventuelles limites applicables au temps de travail, et résultant des conventions collectives conclues par les partenaires sociaux, doivent également être pris en compte dans la détermination du montant de la rémunération à verser pendant le congé annuel.

30.      Il convient, dans un souci de clarté, de réorganiser les questions déférées et d’y répondre dans le cadre d’une analyse approfondie de chaque problématique. J’examinerai tout d’abord la question de savoir si le droit de l’Union prévoit des règles quant à la nature et au niveau du droit au congé annuel payé et quelles compétences conservent encore les États membres à cet égard. Je m’attacherai alors à la question de savoir comment, en règle générale, la rémunération versée pendant ce congé doit être calculée par rapport à la rémunération normale. Je m’intéresserai enfin à la question de l’approche à retenir dans un cas tel que celui de l’espèce au principal, caractérisé par la complexité de la structure salariale.

B –    Les règles du droit de l’Union concernant la nature et le niveau du droit au congé annuel payé

1.      Le droit au congé annuel payé dans l’ordre juridique de l’Union

a)      Les règles de base du droit de l’Union

31.      Comme je l’ai déjà exposé dans mes conclusions dans l’affaire Schultz-Hoff e.a. (7), l’incorporation du droit de tout travailleur à un congé payé annuel dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (8) confirme de manière on ne peut plus qualifiée et définitive sa nature de droit fondamental. L’article 31, paragraphe 2, de la charte déclare que: «Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congé payé» (9). Si ladite charte n’avait initialement à cet égard qu’une valeur déclarative, en tant qu’expression de l’engagement de l’Union à respecter les droits fondamentaux, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ce texte a désormais définitivement acquis dans l’ordre juridique de l’Union – en application de l’article 6, paragraphe 1, TUE – le statut de norme de droit primaire (10). La conséquence en est que les actes des institutions de l’Union qui concernent cette matière doivent désormais être examinés à l’aune de ce texte, par le jeu de l’article 51, paragraphe 1, de la charte, qui pose le principe du caractère contraignant des droits fondamentaux. Les États membres y sont également désormais soumis, dans le cadre de la mise en œuvre du droit de l’Union (11).

32.      L’instrument choisi par le législateur de l’Union pour mettre en œuvre ce droit au congé annuel payé est la directive. Les principales dispositions qui régissent ce droit au niveau de l’Union, et dont l’interprétation est sollicitée par le juge de renvoi, ressortent de l’article 7 de la directive 2003/88 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, qui reprend tel quel le texte de l’article 7 de la directive antérieure, à savoir la directive 93/104, et auquel la Cour, dans sa jurisprudence, attribue le même contenu normatif (12). Selon ce texte, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. À l’instar de la directive 2000/79, ce texte est cependant tout aussi silencieux sur la question du montant de la rémunération à verser pendant le congé annuel.

33.      Les deux directives précitées prévoient à l’article 14 la possibilité pour le législateur de l’Union d’adopter des dispositions plus spécifiques pour certaines occupations ou activités professionnelles qui, par le jeu d’une règle de priorité législative, priment sur les dispositions des directives relatives au temps de travail. La directive 2000/79, ainsi qu’il ressort expressément de la clause 1, paragraphe 2, de l’accord européen, relève de cette catégorie en ce qu’elle prévoit des dispositions spécifiques applicables à l’organisation du temps de travail du personnel navigant de l’aviation civile. L’Union a adopté ce texte afin de mettre en œuvre l’accord européen, et ce dans l’exercice des compétences que lui confère à cet égard l’article 139, paragraphe 2, CE (article 155, paragraphe 2, TFUE). Son incorporation fait de l’accord européen une partie intégrante de la directive 2000/79 (13). Comme toute directive, celle-ci relève également de la compétence d’interprétation de la Cour (14), de sorte que la demande d’interprétation de la juridiction de renvoi se justifie également pour la clause 3 de l’accord européen.

b)      La compétence des États membres en matière de transposition

34.      La Cour n’est pas compétente en revanche pour interpréter les dispositions nationales adoptées par les États membres en vue de la transposition des directives précitées. Le mode d’intervention choisi – la directive – permet aux États membres d’adopter dans leur ordre juridique national des lois précisant les modalités du droit au congé annuel payé. Cette compétence leur est reconnue non seulement par l’article 249, troisième alinéa, CE (article 288, deuxième alinéa, TFUE), qui laisse aux instances nationales le choix de la forme et des moyens permettant de réaliser l’objectif impératif de la réglementation, mais également, de façon expresse, dans les différentes directives.

35.      À cela s’ajoute que le législateur de l’Union, tenu de respecter le principe de subsidiarité dans l’exercice de son pouvoir de légiférer, s’est contenté, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 et de la clause 3 de l’accord européen, lus conjointement avec le onzième considérant de la directive 2000/79 (15), de réglementer certains aspects essentiels, comme la durée minimale du congé annuel, tandis que, s’agissant des conditions d’obtention et d’octroi du congé, comme je l’ai déjà évoqué, il a renvoyé aux «législations et/ou pratiques nationales». Cette approche, comme l’a constaté la Cour dans son arrêt Royaume-Uni/Conseil (16), participe également de la mission que le traité confie au seul législateur de l’Union, à savoir l’adoption de prescriptions minimales en vue de contribuer, par la voie de l’harmonisation, à la réalisation de l’objectif d’élévation du niveau de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs qui incombe en premier lieu aux États membres.

36.      Selon ce même arrêt, un rôle majeur est reconnu aux États membres dans la mise en œuvre de ce droit, car, pour exercer leur pouvoir de transposition prévu à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, ils sont tenus d’adopter les modalités d’application nationales nécessaires (17), ce qui comprend l’adoption des conditions d’exercice et de mise en œuvre du congé annuel payé, les États membres étant libres de préciser les circonstances concrètes dans lesquelles les travailleurs peuvent faire usage dudit droit dont ils bénéficient au titre de l’intégralité des périodes de travail accomplies (18).

37.      Le renvoi de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 aux législations nationales permet en particulier aux États membres de définir un cadre normatif régissant les aspects organisationnels et procéduraux de la jouissance des congés, tels que la planification des périodes de congé, l’obligation éventuelle du travailleur de notifier au préalable à l’employeur la période de congé qu’il entend prendre, l’imposition d’une période minimale de travail avant de pouvoir bénéficier du congé, les critères pour le calcul proportionnel du droit au congé annuel lorsque la durée de la relation de travail est inférieure à un an, etc. (19). Mais il s’agit toujours de mesures destinées à fixer les conditions d’obtention et d’octroi du droit au congé, et comme telles autorisées par la directive.

38.      Il convient, à cet égard, de relever que la Cour a rappelé à plusieurs reprises que, dans l’exercice de ces compétences, les États membres doivent toujours rester dans les limites que leur impose le droit de l’Union (20). Son interprétation a permis d’identifier et de préciser ces limites (21). En outre, sa jurisprudence apporte un certain nombre d’indications utiles sur les modalités de calcul du montant de la rémunération à verser au titre du congé annuel de nature à garantir que ce droit au congé payé annuel remplisse pleinement son rôle. Il est donc opportun d’analyser cette jurisprudence et de dégager les principes qui pourraient être utiles pour répondre aux questions déférées.

2.      La relation entre la directive 2000/79 et les directives concernant le temps de travail et le caractère transposable des principes jurisprudentiels

39.      Une question qui doit toutefois être éclaircie au préalable est celle de la possibilité d’appliquer les principes jurisprudentiels dégagés jusqu’ici par la Cour à travers l’interprétation de l’article 7 des directives concernant le temps de travail – et sur lesquels je reviendrai dans la suite de mes développements – également à la clause 3 de l’accord européen. C’est une question particulièrement pertinente compte tenu de la contribution majeure de la Cour, déjà évoquée, à la définition de la portée normative de ce droit. L’interprétation jurisprudentielle de cette disposition des directives permet en même temps de développer l’étendue des compétences du législateur de l’Union en ce qui concerne le calcul de la rémunération versée au titre du congé annuel. Pour anticiper sur les conclusions de mon analyse, il me semble que le libellé, le sens, la finalité comme la genèse de ces dispositions vont en ce sens.

40.      Il y a lieu de relever, tout d’abord, que, même si elles reposent sur des bases juridiques différentes issues du traité, les directives concernant le temps de travail comme la directive 2000/79 ont pour objet d’aménager le temps de travail tout en l’accompagnant de certaines limites, dans l’intérêt de la sécurité et de la santé des travailleurs. C’est ce qui ressort, par exemple, du onzième considérant de la directive 2000/79 et du onzième considérant de la directive 2003/88. À cela s’ajoute que le libellé de la clause 3 est pratiquement identique à celui de l’article 7 des directives concernant l’aménagement du temps de travail. Si les signataires de l’accord européen avaient souhaité donner un autre sens à la clause 3, ils auraient certainement opté pour une terminologie différente de celle utilisée dans ces directives.

41.      La genèse de l’accord européen (22) nous apprend en outre que la notion de «congé annuel payé» utilisée à la clause 3 était censée correspondre, quant à son contenu, à celle de la directive 93/104. Initialement, la proposition de directive concernant l’aménagement du temps de travail présentée par la Commission prévoyait que son champ d’application devait concerner tous les secteurs économiques et domaines d’activité. Le Conseil a cependant décidé d’exclure certains domaines d’activité du champ d’application de la directive, non pas tant parce qu’il aurait estimé que la santé et la sécurité dans ces domaines étaient suffisamment protégées, mais parce qu’il n’ignorait pas que les personnes travaillant dans ces secteurs d’activité devaient travailler en règle générale loin de leur domicile, ce qui imposait l’adoption de dispositions plus spécifiques. Dans son Livre blanc sur les secteurs et les activités exclus de la directive sur le temps de travail, la Commission a proposé, entre autres, une approche différenciée qui passerait par l’adoption, pour chaque secteur d’activité, de règles spécifiques en matière de temps de travail et de périodes de repos des travailleurs mobiles (23). Après avoir analysé les réactions des partenaires sociaux, la Commission a décidé de présenter cette approche qui a finalement été reprise dans la législation de l’Union (24). Selon cette approche différenciée, l’accord européen devait s’appliquer exclusivement au personnel mobile de l’aviation civile et reprendre à cet égard tel quel dans sa clause 3 le droit au congé annuel payé prévu à l’article 7 de la directive 93/104. Enfin, il ressort de la proposition de directive de la Commission (25) que l’accord européen pour le personnel mobile de l’aviation civile avait pour objet de transposer le droit des travailleurs à un congé annuel payé, tel qu’inscrit au point 8 de la charte communautaire des droits fondamentaux des travailleurs. La genèse de la directive 2000/79 montre donc que l’intention du législateur de l’Union était d’étendre les dispositions déjà en vigueur concernant ce droit aux travailleurs mobiles de l’aviation civile sans toucher à la substance même de ce droit.

42.      La genèse de la directive 2003/88 confirme également que les dispositions régissant le droit au congé annuel payé devaient également s’appliquer aux travailleurs mobiles, y compris de l’aviation civile. En effet, la directive 93/104 a été modifiée ultérieurement par la directive 2000/34, qui a supprimé les exceptions jusqu’alors applicables conformément à l’approche différenciée préconisée dans le secteur des transports (abstraction faite des dispositions applicables aux gens de mer). Les dispositions concernant les congés annuels ont par conséquent été étendues aux travailleurs mobiles des secteurs et des activités exclus, comme cela ressort très clairement du neuvième considérant de la directive 2000/34 (26). En revanche, les dispositions en matière de temps de travail et de repos doivent simplement être adaptées à ces derniers, conformément au dixième considérant (27). En outre, l’article 2 de la directive 2000/79 énonce clairement que la mise en œuvre de la directive ne constitue en aucun cas un motif suffisant pour justifier une réduction du niveau général de protection des travailleurs dans les domaines couverts par la directive. En d’autres termes, cette disposition interdit aux États membres de descendre en deçà du niveau de protection qui a déjà été atteint grâce à la directive 93/104, telle que modifiée par la directive 2000/34. Tel est précisément ce qu’affirme le dix-neuvième considérant de la directive 2000/79 (28).

43.      Il s’ensuit que rien ne s’oppose à la transposition des principes jurisprudentiels développés jusqu’ici par la Cour par le biais de l’interprétation de l’article 7 des directives concernant le temps de travail à la clause 3 de l’accord européen.

3.      Les principes jurisprudentiels concernant le droit au congé annuel payé

a)      Sur le maintien de la rémunération pendant la période de congé annuel

44.      L’importance du droit au congé annuel payé est reconnue depuis longtemps dans la jurisprudence de la Cour. Il s’agit, selon une jurisprudence constante, d’un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive 93/104 ou la directive 2003/88 qui lui a succédé (29). Cette consécration du droit au congé annuel payé sur le plan du droit dérivé exprime la volonté du législateur de l’Union de garantir au travailleur dans tous les États membres le bénéfice d’un repos effectif, «dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé» (30). La finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs (31).

45.      En ce qui concerne le droit spécifique du travailleur au paiement du congé, qui nous intéresse ici, il y a lieu de constater, comme nous l’avons déjà évoqué, que ni les directives concernant le temps de travail ni la directive 2000/79 ne règlent expressément la question du montant de la rémunération du congé annuel ou de sa méthode de calcul. Une analyse de la jurisprudence de la Cour permet cependant de réunir d’importants éléments sur les conditions à respecter à cet égard en vertu du droit de l’Union.

46.      Il convient, tout d’abord, de renvoyer sur ce point à l’arrêt Robinson-Steele e.a., dans lequel la Cour a constaté que les directives concernant l’aménagement du temps de travail traitent le droit au congé annuel et celui à l’obtention d’un paiement à ce titre comme constituant les «deux volets d’un droit unique» (32). Cette constatation permet d’ores et déjà de tirer une première conclusion majeure sur le plan juridique: ces deux droits devant être considérés comme indissociables, selon l’analyse de la Cour, il est tout autant exclu de déroger au droit au paiement du congé lors de la mise en œuvre du droit de l’Union au niveau des États membres, en l’absence de dispositions expresses en ce sens des directives concernant le temps de travail. Il convient de relever à cet égard que l’article 7 de la directive 2003/88 ne figure pas parmi les dispositions auxquelles celle-ci permet expressément de déroger. Dans la mesure où ni la loi ni le traité n’autorisent à y déroger au détriment du travailleur, il y a lieu en principe de considérer, à l’instar du gouvernement danois (33), que le droit au paiement du congé au sens du droit de l’Union est d’ordre public (34). Il convient, en outre, de ne pas oublier que ce principe de droit social de l’Union, qui revêt une importance particulière, ne saurait non plus être interprété de manière restrictive (35).

47.      Selon le point de vue de la Cour, l’objectif qui sous-tend l’exigence du paiement du congé vise à placer le travailleur, pendant cette période de congé annuel, «dans une situation qui est, s’agissant du salaire, comparable aux périodes de travail». La suite des constatations de la Cour quant au montant de la rémunération versée pendant la période de congé est selon moi suffisamment claire: la Cour a en effet expressément constaté, au point 50 de l’arrêt Robinson‑Steele e.a., que la notion de «congé annuel payé» de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/104 signifie que, «pour la durée du congé annuel au sens de la directive, la rémunération doit être maintenue». L’affirmation suivante, qui se veut une précision («[e]n d’autres termes»), à savoir que «le travailleur doit percevoir la rémunération ordinaire pour cette période de repos», devrait permettre de dissiper tout doute résiduel quant à la signification de cette phrase. Elle signifie que le montant de la rémunération versée au titre du congé annuel doit correspondre très exactement à celui de la rémunération ordinaire ou normale.

48.      La juridiction de renvoi relève certes à juste titre que l’objet du litige de l’affaire Robinson-Steele e.a. diffère de l’espèce au principal, puisque cette affaire concernait pour l’essentiel la question de la compatibilité d’une certaine pratique avec le droit de l’Union, pratique consistant à payer le congé annuel minimal sous forme de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et versés en même temps que la rémunération au titre du travail effectué, et non d’un versement au titre d’une période déterminée au cours de laquelle le travailleur prenait effectivement congé. Les considérations à l’origine de la décision de la Cour, et qui figurent au point 50 de son arrêt, n’en sont pas moins formulées de manière générale et ne se rapportent en aucun cas aux seules circonstances propres à cette affaire. Il convient, au contraire, de leur attribuer une portée générale qui implique, par conséquent, d’en tenir compte également pour répondre aux questions déférées. J’en veux pour preuve que la Cour a repris ces considérations au point 58 de son arrêt Schultz-Hoff e.a., et donc dans un contexte différent qui concernait la question des modalités de calcul de l’indemnité prévue à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 à laquelle a droit un travailleur qui n’a pas été en mesure, pour des raisons indépendantes de sa volonté, d’exercer son droit au congé annuel payé avant la fin de la relation de travail. La Cour y confirme son interprétation selon laquelle «pour la durée du congé annuel […] la rémunération doit être maintenue» et que «le travailleur doit percevoir la rémunération ordinaire».

49.      Cette analyse est en outre corroborée par l’interprétation systématique et littérale des textes pertinents. Il faut pour cela mettre en parallèle la directive 2003/88 ou la directive 2000/79 avec d’autres textes de l’Union, qui prévoient dans leurs dispositions une variante du maintien de la rémunération en cas de congé. La directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (36), prévoit, dans le but de protéger les travailleuses enceintes de tout risque pour la sécurité ou la santé ainsi que de toute répercussion sur la grossesse ou l’allaitement, outre l’aménagement des conditions de travail, un éventuel changement de poste, également une dispense de l’intéressée, l’article 11, point 1, de la directive précisant que «les droits liés au contrat de travail, y compris le maintien d’une rémunération et/ou le bénéfice d’une prestation adéquate des travailleuses au sens de l’article 2 doivent être assurés, conformément aux législations et/ou pratiques nationales». Cette disposition présente une particularité que la Cour a relevée à juste titre en dernier lieu dans ses arrêts du 1er juillet 2010, Parviainen (37) et Gassmayr (38). La Cour a attiré l’attention sur le fait que cette disposition de la directive, dans la plupart des versions linguistiques existant à la date de son adoption, se réfère au maintien d’«une» rémunération et non de «la» rémunération de la travailleuse concernée (39). Elle a conclu, de la formulation de cette disposition et d’autres éléments dans le même sens, que, à la suite de son affectation provisoire sur un poste autre que celui qu’elle occupait antérieurement à sa grossesse, conformément à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 92/85, une travailleuse enceinte n’a pas droit, en vertu de l’article 11, point 1, de cette directive, à la rémunération qu’elle percevait en moyenne antérieurement à ladite affectation (40). Cependant, s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ou de la clause 3 de l’accord européen, la situation n’est pas comparable. Le libellé de ces dispositions est sans équivoque, dans la mesure où, selon toutes les versions linguistiques, le congé annuel doit simplement être «payé» (41), ce qui tend à étayer l’idée d’une continuité, c’est-à-dire du maintien du salaire «ordinaire», conformément à la jurisprudence.

50.      Enfin, la thèse que je défends ici est également corroborée par les principes de OIT dont il convient de tenir compte, conformément au sixième considérant de la directive 2003/88 en ce qui concerne l’aménagement du temps de travail. Dans le cadre de l’OIT en tant qu’institution spécialisée des Nations unies, le droit au congé annuel payé minimal relève jusqu’à présent de deux conventions multilatérales, à savoir la convention n° 132 (42), qui porte révision de la convention n° 52 en vigueur à l’époque (43). Elles contiennent des dispositions contraignantes pour les États contractants en vue de la mise en œuvre de ces droits sociaux fondamentaux dans le cadre de leurs ordres juridiques nationaux. La convention n° 132, dont la Cour a récemment expressément confirmé la pertinence pour l’interprétation de la directive 2003/88 dans son arrêt Schultz-Hoff e.a. (44), énonce à l’article 7 paragraphe 1, que toute personne prenant le congé visé par la convention doit, pour toute la durée dudit congé, recevoir «au moins sa rémunération normale ou moyenne».

51.      Compte tenu de ces considérations, la thèse de la juridiction de renvoi, que celle-ci expose au point 29 de sa demande de décision préjudicielle, selon laquelle, dans son arrêt Schultz-Hoff e.a., en utilisant le terme «comparable» (45) – en référence à la situation dans laquelle doit se trouver le travailleur pendant son congé annuel du fait de l’obligation de payer le congé – la Cour pourrait avoir eu autre chose à l’esprit, et viser également sous certaines conditions la possibilité de ne pas verser dans ce cas certains éléments de la rémunération normale, semble procéder d’une mauvaise compréhension de la jurisprudence. En outre, les affirmations de la Cour, dans cet arrêt, sont en parfaite adéquation avec mon analyse, exposée dans l’affaire Schultz-Hoff e.a. (46), évoquant la nécessité d’une indemnité compensatrice «équivalente» au montant du salaire habituel du travailleur. Indépendamment des divergences dans le choix des mots, il s’agit bien en définitive d’une même idée: faire en sorte, par une interprétation téléologique de l’article 7, paragraphe 1, des directives concernant le temps de travail, que les objectifs de ces directives ne soient pas compromis par une transposition inadaptée. Il s’agit, en particulier, d’assurer que le travailleur n’ait à subir aucun désagrément pour avoir décidé d’exercer son droit au congé annuel. De tels désagréments pourraient consister principalement en un manque à gagner qui, le cas échéant, le dissuaderait d’exercer ce droit.

52.      Il s’ensuit que le droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour, prévoit des règles suffisamment claires permettant de déterminer le montant de la rémunération versée au titre du congé annuel: il doit en tout état de cause correspondre au montant de la rémunération du travailleur.

b)      Conclusion: exclusion du critère fondé sur le besoin minimal

53.      Enfin, le maintien de la rémunération pour la durée du congé annuel permet de protéger effectivement la finalité de repos qui lui est assignée. L’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, des directives concernant le temps de travail, dictée par leur sens et leur finalité et telle que retenue dans la jurisprudence de la Cour, interdit en tout état de cause de calculer le montant de la rémunération à verser pendant le congé en fonction d’un niveau minimal de subsistance. Il ne serait pas compatible avec cette jurisprudence de prendre uniquement comme montant de référence pour le calcul de la rémunération à verser pendant le congé, comme le propose la défenderesse au principal (47), un montant suffisamment élevé pour ne pas dissuader le travailleur d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé. En effet, d’une part, une telle mesure ne correspondrait pas au «maintien de la rémunération» pour la durée du congé annuel. L’interprétation préconisée reviendrait au contraire à modifier a posteriori, et ce au détriment des travailleurs, les conditions à respecter, selon la Cour, pour que la rémunération du congé soit conforme aux directives. D’autre part, pour les travailleurs, une telle interprétation créerait une situation qui ne répondrait ni aux exigences d’une harmonisation minimale au niveau de l’Union ni à l’impératif de sécurité juridique.

54.      L’harmonisation minimale, à laquelle aspire également l’accord européen conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/79 dans le domaine de l’aviation, ne saurait en effet s’entendre d’une intervention de l’Union limitée au plus petit dénominateur commun. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une harmonisation minimaliste. L’objectif n’est pas d’entériner au niveau de l’Union le niveau de protection le plus bas appliqué dans un État membre, mais d’élaborer, pour un domaine donné de la politique de l’Union, une protection de base indispensable (48). Toute autre interprétation serait incompatible avec l’objectif de l’article 136 CE, à savoir l’«amélioration des conditions de vie et de travail», «permettant leur égalisation dans le progrès» ainsi qu’une «protection sociale adéquate». Une disposition censée représenter une norme minimale de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs doit être objective et claire afin de garantir sa mise en œuvre effective et uniforme sur tout le territoire de l’Union. Un critère axé sur la recherche du niveau de rémunération du congé annuel «financièrement supportable», comme le propose en définitive la défenderesse au principal, ne serait pas praticable, tant son application – comme le relèvent à juste titre les requérants (49) – dépendrait de chaque cas individuel, et en particulier des charges financières de chaque travailleur. L’application d’un critère aussi vague compromettrait en définitive le droit au congé annuel.

4.      La compétence des États membres quant au calcul du montant de la rémunération à verser pendant le congé annuel

55.      En l’absence de prescription expresse dans les directives concernant le temps de travail ou dans la directive 2000/79, la détermination de la méthode permettant de calculer la rémunération qui sera versée au titre du congé relève quant à elle de la compétence des États membres qui, comme nous l’avons déjà évoqué, sont tenus de prévoir les modalités nécessaires de mise en œuvre au niveau interne. Telle est la conclusion tirée par la Cour dans son arrêt Schultz‑Hoff e.a. (50) s’agissant de la question, qui n’est pas non plus régie par le droit de l’Union, des modalités de calcul de l’indemnité compensatrice prévue, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, en cas de fin de la relation de travail, et qui remplace la ou les périodes minimales de congé annuel payé. Cette question relève des «législations et/ou pratiques nationales», auxquelles les directives renvoient. Les États membres doivent à cet égard veiller à ce que les modalités nationales de mise en œuvre respectent les limites qui découlent du droit de l’Union, y compris les principes jurisprudentiels que j’ai évoqués précédemment.

5.      Conclusion intermédiaire

56.      Mon analyse détaillée de l’étendue des compétences normatives exercées par le législateur de l’Union ou conservées par les États membres et des règles du droit de l’Union qui découlent des directives concernant le temps de travail, de la directive 2000/79 et de la jurisprudence de la Cour répond, me semble-t-il, à la première question déférée par la juridiction de renvoi qui, de par sa formulation générale, touche aux aspects essentiels du droit au paiement du congé.

57.      Il convient de répondre aux deuxième et troisième questions, dont la formulation est un peu plus précise, en ce sens que la rémunération versée au titre du congé annuel doit en principe être calculée de manière à correspondre à la rémunération «normale» du travailleur. Une indemnité versée en tant que rémunération de ce congé dont le montant permet simplement d’exclure tout risque significatif que le travailleur ne prenne pas son congé ne suffit pas en tout état de cause à satisfaire aux exigences du droit de l’Union.

C –    Le traitement des structures salariales complexes

1.      Considérations générales

58.      Le principe selon lequel le montant de la rémunération versée pendant le congé annuel doit être calculé de manière à correspondre à la rémunération «normale» doit certainement être adapté dès lors que le montant de cette rémunération n’est justement pas constant, mais peut varier d’une période à l’autre en fonction de facteurs considérés comme pertinents par les partenaires sociaux. Ces facteurs peuvent être rattachés soit au statut professionnel d’un travailleur dans l’entreprise ou bien à certaines de ses prestations. Les compléments sous forme d’indemnités spéciales et de remboursements de frais font partie de cette dernière catégorie.

59.      Les quatrième et cinquième questions interrogent en définitive la Cour sur la détermination de la «rémunération normale» à verser pendant la période de congé dans un cas de figure tel que celui de l’espèce au principal. Il y a lieu de relever que cette notion comporte un élément temporel et un élément matériel, auxquels ces deux questions font référence. Il s’agit de déterminer, avec la quatrième question, si la période à prendre en compte est la période au cours de laquelle le travailleur se trouvait effectivement en congé ou bien si une autre période peut être retenue. La juridiction de renvoi souhaite savoir, par sa cinquième question, si le travailleur aurait droit au paiement d’un complément de salaire si et dans la mesure où il aurait exercé une activité particulière. Dans l’affirmative, il est également demandé si, le cas échéant, les limites quant à l’étendue ou à la durée de telles activités doivent être prises en compte dans le calcul de la rémunération à verser au titre du congé.

2.      Les règles issues du droit de l’Union et les compétences conservées par les États membres en ce qui concerne les modalités de la rémunération à verser pendant le congé annuel

60.      Une difficulté, et non des moindres, liée à l’identification précise de ce que recouvre la notion de «rémunération normale» au sens de la jurisprudence est la concision des règles de l’Union dans ce domaine, qui constitue nécessairement un frein à l’interprétation de la Cour.

61.      Le gouvernement danois, pour étayer la thèse de l’absence de compétence normative de l’Union, ce qui exclurait par voie de conséquence toute compétence d’interprétation de la Cour, cite l’article 137, paragraphe 5, CE, dans la mesure où cet article précise expressément ne pas s’appliquer à la «rémunération». Il me semble cependant que le véritable obstacle n’est pas là, car, comme la Cour l’a répété dans sa jurisprudence (51), il ne faut pas oublier que cette disposition du traité doit faire l’objet d’une interprétation stricte de nature à ne pas affecter indûment la portée des paragraphes 1 à 4, ni remettre en cause les objectifs poursuivis par l’article 136 CE. Cette disposition du traité ne saurait, par conséquent, être étendue à toute question présentant un lien quelconque avec la rémunération. Comme la Cour l’a exposé dans son arrêt Impact en citant l’arrêt Del Cerro Alonso (52), cette exception doit par conséquent être comprise comme visant les mesures qui, telle une uniformisation de tout ou partie des éléments constitutifs des salaires et/ou de leur niveau dans les États membres ou encore l’instauration d’un salaire minimal au niveau de l’Union, comporteraient une ingérence directe du droit de l’Union dans la détermination des rémunérations au sein de l’Union (53). Par conséquent, la détermination du niveau des divers éléments constitutifs de la rémunération d’un travailleur échappe à la compétence du législateur de l’Union et demeure incontestablement du ressort des instances compétentes dans les différents États membres, instances qui n’en restent pas moins tenues, dans l’exercice de leur compétence dans les domaines ne relevant pas de celle de la Communauté, au respect du droit de l’Union (54).

62.      Toutefois, la question de l’éventuelle compétence du législateur de l’Union quant à la détermination du montant de la rémunération versée au titre du congé annuel dans le cas des structures salariales complexes reste entière. En effet, comme l’avocat général Kokott l’a expliqué à juste titre dans cette affaire, cette exception n’empêche pas l’Union d’adopter des dispositions ayant des répercussions financières, par exemple en ce qui concerne les conditions de travail [article 137, paragraphe 1, sous b), CE] ou l’amélioration du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs [article 137, paragraphe 1, sous a), CE]. Elle n’empêche pas le législateur de l’Union de prescrire aux États membres de prendre des mesures intéressant la législation nationale du travail, de nature à conférer aux travailleurs un droit à un congé annuel payé (55). Il en va de même pour les dispositions quasiment identiques de la clause 3 de l’accord européen annexé à la directive 2000/79, dans la mesure où l’exception de l’article 137, paragraphe 5, CE vaut également pour le fondement juridique de cette directive, i.e. l’article 139 CE (56). En d’autres termes, le législateur de l’Union est non seulement compétent pour légiférer sur les aspects couverts par les directives 2003/88 et 2000/79, il aurait en outre été en principe, du point de vue juridique, compétent pour adopter des dispositions précises sur la nature et le montant de la rémunération du congé.

63.      Le législateur de l’Union a cependant renoncé, dans les dispositions précitées, à définir précisément la composition de la rémunération à verser pendant le congé, préférant renvoyer aux «législations et/ou pratiques nationales». La volonté du législateur de l’Union de reconnaître à cet égard aux États membres et aux partenaires sociaux un large pouvoir d’appréciation se manifeste au dixième considérant de la directive 2000/79, qui énonce que «l’acte approprié pour la mise en œuvre de l’accord est une directive au sens de l’article 249 du traité». Pour le secteur de l’aviation, il est en outre fait référence au droit national dans la mesure où, selon le douzième considérant, les États membres peuvent «[e]n ce qui concerne les termes de l’accord qui ne sont pas spécifiquement définis par [l’accord] […] définir ces termes conformément aux législations et pratiques nationales, comme cela est le cas pour d’autres directives en matière de politique sociale utilisant des termes analogues, à condition que lesdites définitions soient compatibles avec l’accord». L’article 3 de la directive 2000/79 exige en outre des États membres qu’ils s’assurent que «les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord».

64.      Ce faisant, l’approche de l’Union s’avère au fond analogue à celle retenue pour la mise en œuvre de la convention n° 132 de l’OIT, qui, elle non plus, ne contient aucune disposition spécifique quant au mode de calcul du montant de la rémunération versée pendant le congé annuel, préférant laisser aux États signataires un large pouvoir d’appréciation à cet égard (57). Son article 1er énonce ainsi que, «[p]our autant qu’elles ne seront pas mises en application, soit par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, soit par des organismes officiels de fixation des salaires, soit de toute autre manière conforme à la pratique nationale et paraissant appropriée, compte tenu des conditions propres à chaque pays, les dispositions de la convention devront être appliquées par voie de législation nationale».

65.      Cette approche est conforme au principe de subsidiarité ainsi qu’au nécessaire respect de l’autonomie des partenaires sociaux en matière de négociations salariales. Je rappelle, à cet égard, que le droit à la négociation collective, avec ce qu’il implique d’autonomie conventionnelle, est protégé dans l’ordre juridique de l’Union au titre des droits fondamentaux (58). Le droit à la négociation collective est reconnu tant par différents instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, tels que la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961 (59), d’ailleurs expressément mentionnée à l’article 136 CE, que par des instruments élaborés par lesdits États membres au niveau communautaire ou dans le cadre de l’Union, tels que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée lors de la réunion du Conseil européen tenue à Strasbourg le 9 décembre 1989, également mentionnée à l’article 136 CE (60), et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (61).

66.      Cette approche est en outre conforme aux contraintes pratiques, tant il s’avère particulièrement difficile d’édicter des règles uniformes pour toutes les branches professionnelles (62). Les arguments exposés par les parties au principal montrent bien le besoin de flexibilité du secteur de l’aviation. Il faut des règles qui répondent aux spécificités de chaque branche et qui soient acceptées par les partenaires sociaux. Cette position de retrait du législateur de l’Union doit également être prise en compte par la Cour dans son interprétation du droit de l’Union. Il ne faut pas oublier par ailleurs que la marge d’appréciation des États membres, comme je l’ai déjà évoqué (63), n’est pas sans limite. Au contraire, les actes adoptés pour la mise en œuvre de ces règles doivent s’inscrire dans un cadre prescrit par les normes de l’Union.

67.      Il s’ensuit que, en l’absence de règles de droit de l’Union s’y opposant, les États membres sont en principe libres, conformément aux dispositions de leur législation du travail, d’accepter que la rémunération soit composée d’un salaire de base et de plusieurs compléments versés au travailleur en fonction de ses prestations.

3.      Composition de la rémunération versée au titre du congé annuel

a)      L’élément matériel de la notion de «rémunération normale»

68.      En ce qui concerne l’élément matériel de la notion de «rémunération normale» dans le cas d’une structure salariale complexe, visée par la cinquième question déférée, il me semble que l’on ne saurait tirer d’emblée du douzième considérant de la directive 2000/79 une compétence exclusive des États membres ou des partenaires sociaux quant à la définition précise des sommes qui doivent être considérées comme relevant de la rémunération du congé. Étant donné que la notion de rémunération versée au titre du congé annuel est attachée à celle de la rémunération du travailleur, elle devrait aussi logiquement en principe continuer à être versée dans son intégralité pendant la période de congé. Cette notion de rémunération est fortement marquée par le droit de l’Union.

i)      La notion de rémunération au sens du droit de l’Union

69.      Il est vrai que ni les directives concernant le temps de travail ni la directive 2000/79 ne définissent la notion de rémunération, mais le droit de l’Union prévoit une définition suffisamment claire à l’article 141, paragraphe 2, CE, que la Cour a également reprise dans son interprétation des directives adoptées – telle la directive 93/104 elle-même, dont il est ici entre autres question – sur le fondement de l’article 118 A CE (64). Cette définition correspond en outre aux normes du droit du travail international: n’oublions pas qu’elle s’inspire directement – comme en atteste sa genèse – de l’article 1er, sous a), de la convention n° 100 de l’OIT (65)(66). Il me semble, dans ces conditions, qu’il est également possible en l’occurrence, pour l’interprétation de la directive 2000/79, d’avoir recours aux notions du droit primaire.

70.      Il convient donc d’examiner la question de savoir quelles formes d’avantages devraient, au sens de cette définition, être considérées comme des éléments de la rémunération.

71.      Selon la définition légale de l’article 141 CE, il faut entendre, par rémunération, «le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimal et tous autres avantages, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier». Peu importe à cet égard que la prestation soit versée en vertu d’un contrat de travail, de dispositions législatives ou à titre volontaire (67). La tendance jurisprudentielle est de donner une interprétation extensive de cette disposition (68). La notion de rémunération visée à l’article 141, paragraphe 2, CE peut donc parfois aller bien au-delà de la notion nationale de rémunération (69). La nature de rémunération d’un avantage donné doit être déterminée au cas par cas.

72.      Avant toutefois de vérifier si les différents éléments constitutifs du salaire dont il est question dans cette affaire relèvent de cette notion de rémunération, je souhaiterais brièvement insister sur la nécessité de conserver l’actuelle interprétation large de la notion de rémunération au sens du droit de l’Union. En effet, précisément dans des cas de figure tels que celui-ci, où le salaire est constitué de plusieurs éléments, une interprétation trop stricte risquerait d’inciter l’employeur à ne pas déclarer certains éléments comme faisant partie de la rémunération, voire à introduire de nouvelles subdivisions pour réduire le plus possible le montant de la rémunération à verser pendant le congé. Une telle pratique aurait toutefois pour conséquence de dissuader le travailleur de prendre effectivement son congé annuel payé, ce qui compromettrait la finalité de repos qui lui est assignée. Les requérants au principal évoquent ce risque – à juste titre selon moi (70).

ii)    Le salaire de base: la composante essentielle de la rémunération

73.      Compte tenu de son libellé très clair, cette disposition vise en tout état de cause toute forme d’«avantage» perçu par le travailleur en tant que salaire de base. La Cour l’a expressément confirmé récemment dans son arrêt Parviainen, concernant le cas d’une hôtesse de l’air qui occupait dans l’entreprise de transport aérien les fonctions de chef de cabine. La Cour a examiné dans cette affaire la question de savoir si une travailleuse enceinte affectée à titre provisoire sur un autre poste, conformément à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 92/85, pour des raisons de santé et de sécurité, conserve, lors de cette affectation, outre le salaire de base afférent à son contrat ou à sa relation de travail, le droit aux éléments de la rémunération ou aux primes qui se rattachent à sa qualité de supérieur hiérarchique, à son ancienneté et à ses qualifications professionnelles. La Cour y a répondu par l’affirmative, considérant d’emblée que le salaire de base de la requérante relevait de la notion de rémunération de l’article 141 CE (71). Le montant fixe que perçoit en tout état de cause chaque pilote sur la base des dispositions combinées du MOA et des dispositions des conventions collectives concernant les durées mensuelles de vol relève de la catégorie du salaire de base. Son montant est défini de manière précise en fonction de différents éléments comme le rang du pilote et la flotte à laquelle il est affecté. Par conséquent, cette composante fixe, intangible, de tout salaire de pilote relève en tout état de cause de la «rémunération normale», qui, selon la jurisprudence de la Cour, doit continuer à être versée au travailleur pendant la période de congé.

iii) La qualification des compléments du salaire en tant qu’élément de la rémunération

74.      En revanche, la question de savoir si les compléments de salaire en cause dans cette affaire relèvent également de la notion de rémunération au sens de l’article 141, paragraphe 2, CE est un peu plus difficile à trancher. En effet, selon les indications de la juridiction de renvoi, le salaire de base est complété de deux autres éléments constitutifs qui se distinguent par leur fonction et leur fiscalité. Leur montant est déterminé par les heures de vol (FPS) et la durée passée à l’extérieur de la base (TAFB). En vertu du droit national, la FPS est assimilée, pour l’intégralité de son montant, à une rémunération imposable en tant que telle. 82 % de la TAFB sont traités comme un remboursement de frais, de sorte que seule la portion de 18 % est considérée comme une rémunération imposable.

75.      Indépendamment de leur qualification en droit national, de tels compléments pourraient, du point de vue du droit de l’Union, relever des «autres avantages» dont il est question dans la définition légale précitée. C’est ce qu’il convient désormais d’examiner. Compte tenu de la fonction de la rémunération – contrepartie versée par l’employeur au titre du travail fourni par le travailleur – la notion d’«autres avantages» devrait s’entendre de toute prestation pécuniaire qui correspond, au sens large, à une telle contrepartie et qui n’est pas versée exclusivement pour d’autres motifs (par exemple, augmentation de la productivité, amélioration des conditions de travail et de l’ambiance de travail, promotion de la santé) (72).

76.      Cependant, il y a lieu au préalable de limiter l’objet de l’analyse en fonction de la pertinence des questions déférées pour la résolution du litige au principal. Il ressort en tout état de cause des éléments du dossier (73) que les requérants au principal estiment avoir droit au paiement de la FPS et de la partie imposable de la TAFB qui, en vertu du droit national, est considérée comme un élément constitutif de la rémunération. L’exposé des requérants au principal semble également conforter cette conclusion, car ils se sont intéressés uniquement, dans leurs observations écrites présentées dans le cadre de la procédure devant la Cour (74), à ces éléments précis. Les questions de la juridiction de renvoi doivent, par conséquent, être interprétées en ce sens que la question de la prise en compte, pour calculer le montant de la rémunération à verser pendant le congé, non seulement du salaire de base, mais également de ses compléments, ne vise que la FPS et la partie imposable de la TAFB. Par conséquent, il ne sera pas nécessaire d’intégrer dans cette analyse la partie de la TAFB considérée comme un remboursement de frais, cet aspect n’étant pas pertinent.

77.      En principe, la notion large de rémunération de l’article 141, paragraphe 2, CE recouvre non seulement la rémunération à proprement parler, versée en tant que contrepartie du travail fourni, mais également tous les éléments accessoires que sont les primes, suppléments et majorations, avantages ou gratifications octroyés par l’employeur (75). La Cour a en tout cas qualifié de rémunération au sens de cette disposition les majorations de salaire calculées en fonction d’un critère de flexibilité, c’est-à-dire récompensant le fait que le travailleur soit prêt à travailler à des heures différentes (76). En conséquence, selon la jurisprudence, une indemnité pour horaires décalés (77), la rémunération des heures supplémentaires (78) ainsi que d’heures supplémentaires au titre de la participation à des stages de formation, dont la durée dépassait le temps de travail individuel (79), ont également été considérées comme relevant de cette définition. Dans cette logique, les compléments versés au titre des heures supplémentaires, des jours fériés travaillés, du travail posté et autres prestations comparables devraient relever de cette catégorie (80).

78.      Les points communs entre ces formes d’avantages – dont l’énumération n’est pas exhaustive – et les compléments litigieux sautent aux yeux: ils sont tous versés en définitive en raison de la disponibilité du pilote, qui se met à la disposition de son employeur pour le temps nécessaire selon ce dernier à l’exécution d’un travail. Il y a toutefois une différence entre les deux formes de compléments en cause: la FPS est une contrepartie directe d’une activité typique des pilotes – à savoir le pilotage d’un avion –, tandis que la TAFB revêt plutôt le caractère d’une compensation de l’éloignement, qu’implique nécessairement tout vol, par rapport à la base habituelle du pilote. Pour autant, le fait qu’un tel avantage puisse éventuellement être considéré comme une compensation ne fait pas obstacle en tant que tel à sa qualification de rémunération au sens de l’article 141, paragraphe 2, CE, ne serait-ce que parce que la jurisprudence considère que même les indemnisations prescrites par la loi en cas de licenciement relèvent de cette notion (81). Par comparaison à de telles formes d’avantages, la nature compensatoire de la TAFB – s’agissant en tout cas de la partie imposable qui est ici pertinente – est toutefois nettement moins marquée. Il y a lieu à cet égard de relever en outre que, contrairement à la partie non imposable de la TAFB, cette partie ne vise pas à compenser des frais, mais consiste en une rémunération, ne serait-ce qu’en vertu des choix du droit national. Cette qualification me semble tout à fait juste, car il s’agit dans ce dernier cas d’un avantage indirect octroyé au titre de l’activité effectuée, de nature compensatoire et que l’on pourrait comparer à l’indemnité pour horaires décalés. Quoi qu’il en soit, ces deux compléments sont des prestations pécuniaires que l’employeur octroie sciemment en raison d’une activité précise du pilote, de sorte que leur nature de rémunération ne saurait être contestée.

79.      Ces deux compléments relèvent donc de la qualification d’«autres avantages» dont bénéficie le travailleur, selon l’article 141, paragraphe 2, CE, en raison de son emploi. Par conséquent, ces éléments constitutifs du salaire font également partie de la «rémunération normale» qui doit continuer à être versée au travailleur pendant ses congés conformément à la jurisprudence de la Cour. Le travailleur a donc en principe également droit, pour la période de congé annuel, aux compléments du salaire qui lui sont habituellement versés.

80.      L’exercice par le travailleur de son droit au congé annuel ne saurait valablement justifier une interprétation exceptionnellement stricte de la notion de rémunération au sens du droit de l’Union, qui en exclurait les compléments normalement prévus pendant cette période. Dans le cas contraire, cela signifierait que, sur le plan financier, le travailleur doit être traité différemment selon qu’il travaille ou se trouve en congé, ce qui serait toutefois, comme je l’ai déjà exposé en détail, contraire à la jurisprudence.

81.      Le principe d’un droit au versement des compléments habituels du salaire n’implique toutefois pas nécessairement que le travailleur ait droit à l’intégralité de tous les compléments possibles. J’estime que la Cour a assorti ce droit d’une limite: sa jurisprudence peut également être interprétée en ce sens que le travailleur a droit à sa «rémunération normale» ni plus ni moins. J’examinerai maintenant les conséquences d’une telle interprétation.

b)      L’élément temporel de la «rémunération normale»

82.      Comme je l’ai indiqué en introduction à cette partie, la notion de «rémunération normale» comporte également un élément temporel. Ce qui est «normal» désigne nécessairement, pour s’en tenir au sens naturel de ce terme, quelque chose qui a existé pendant un certain temps et qui peut ensuite servir d’élément de comparaison. Ces termes impliquent en substance, comme l’ont indiqué à juste titre la Commission (82) et les requérants au principal (83), de niveler à un montant moyen une rémunération soumise à des fluctuations à intervalles de temps réguliers. Il est nécessaire, pour déterminer ce qu’est la «rémunération normale» – comme l’ont à juste titre reconnu les parties au principal – de disposer d’une période de référence suffisamment représentative, ce qui, dans le cas de l’espèce au principal, peut correspondre à plusieurs périodes différentes. Soit on retient la période au cours de laquelle le travailleur était concrètement en congé, pour calculer le salaire moyen hypothétique, soit on retient une période antérieure, au cours de laquelle l’intéressé a travaillé de façon ininterrompue, pour calculer le salaire moyen. Ces deux possibilités sont évoquées dans la quatrième question. On pourrait toutefois également envisager de calculer un seul et même montant de rémunération à verser pendant le congé pour chaque catégorie de pilotes. Pour autant, aucune de ces approches envisageables ne semble l’emporter sur le plan pratique, l’une et l’autre comportant des avantages et des inconvénients. La première approche, par exemple, a pour inconvénient qu’il ne sera pas toujours possible de déterminer avec certitude quelles auraient été les tâches que le pilote en vacances aurait selon toutes probabilités accomplies, dans la mesure où l’on peut partir du principe, selon la situation en cause, que la tâche concernée aurait en principe également pu être assurée par tout autre pilote (84). La deuxième approche pourrait, quant à elle, être source de difficultés dans le cas des travailleurs nouvellement recrutés, en l’absence justement de période de référence réelle pouvant être prise en compte (85). Indépendamment de cela, sur le plan pratique, la première et la deuxième approche, comme le relèvent les requérants au principal (86), n’entraîneraient déjà aucune différence quantitative significative au niveau des montants calculés.

83.      Si l’on examine plus attentivement la problématique qui se pose, il apparaît clairement que les avantages et les inconvénients de chaque approche dont les parties au principal ont abondamment discuté concernent principalement l’aspect pratique de la mise en œuvre du droit au congé annuel payé. En d’autres termes, ils touchent à la question du choix de l’approche la plus appropriée pour transposer de manière effective le droit garanti par les dispositions de l’Union. La Cour est toutefois appelée, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, à identifier, par l’interprétation, quelles prescriptions juridiquement contraignantes du droit de l’Union doivent être respectées par la législation nationale de transposition (87), et à prendre position, dans le cadre d’une coopération judiciaire, sur les questions que la juridiction nationale lui a posées. Dans ces conditions, la Cour devrait constater, dans la présente affaire, que le droit de l’Union, comme l’observe également à juste titre la défenderesse au principal (88), ne prescrit aucune approche en particulier.

84.      Faute de règles détaillées au niveau du droit de l’Union, il convient de partir du principe que la détermination de la période de référence à prendre en compte et le calcul de la rémunération moyenne correspondante sont des questions de la compétence des États membres, étant précisé que, en vertu de la clause 3 de l’accord européen ou de l’article 7 de la directive 2003/88, les législations et/ou pratiques nationales sont à cet égard déterminantes. Selon l’ordre juridique concerné, il appartiendra au législateur national d’adopter les dispositions d’exécution nécessaires ou aux partenaires sociaux d’instaurer, dans le cadre de conventions collectives, les conditions relatives au paiement de cette rémunération moyenne.

85.      Il en va de même pour le droit du travail international qui aurait permis d’identifier d’importants principes. Le libellé de l’article 7, paragraphe 1, de la convention n° 132 de l’OIT pose certes le principe de la détermination d’un salaire moyen, mais cette disposition prévoit expressément que toute personne prenant le congé visé par cette convention doit, pour toute la durée dudit congé, recevoir au moins sa rémunération normale ou moyenne. Visiblement, cette alternative a pour objet de tenir compte des rapports d’emploi qui ont ceci de particulier que le travailleur ne perçoit pas de rémunération normale. En revanche, rien n’est dit sur les modalités de calcul de cette rémunération moyenne, mais, surtout, sur la période de référence devant être prise en compte en vue de ce calcul. Cette disposition renvoie au contraire à la compétence des différents États, en précisant que cette rémunération est «calculée selon une méthode à déterminer par l’autorité compétente ou par l’organisme approprié dans chaque pays».

c)      Interdiction de la discrimination

86.      L’interprétation de la jurisprudence de la Cour que j’ai défendue ici, selon laquelle le droit du travailleur ne saurait excéder sa «rémunération normale», exige, d’une part, un processus de nivellement qui permet de calculer un salaire moyen. Elle implique en outre qu’il ne saurait y avoir de cumul automatique du salaire de base et de tous ses compléments, dès lors que ces derniers ne sont pas octroyés sur une base habituelle. À cet égard, je me rallie expressément au point de vue du gouvernement danois (89), qui estime que l’intégration de ces compléments au montant moyen ne s’impose que lorsque ces éléments de la rémunération ont un caractère systématique.

87.      Cette notion implique en outre, pour l’essentiel, que le travailleur qui prend un congé ne soit pas traité différemment, sur le plan financier, que s’il travaillait, ce qui, eu égard à la finalité du droit au congé payé annuel, concerne avant tout l’hypothèse d’un traitement financièrement désavantageux du travailleur. Pour autant, le travailleur qui prend un congé n’a pas à être avantagé sur le plan financier par rapport aux autres. L’octroi d’une «rémunération normale» signifie en effet que les restrictions habituelles devraient également s’appliquer en principe. Cela vaut également pour toute limite annuelle ou autre concernant l’étendue ou la durée d’exercice par le travailleur d’une certaine activité donnant lieu au versement d’un complément. De telles limites devraient également se refléter dans le calcul du montant de la rémunération à verser pendant le congé.

4.      Conclusion intermédiaire

88.      Il convient de répondre à la quatrième question en ce sens que le travailleur dans une situation telle que celle de la procédure au principal, concernant une rémunération de montant variable, a droit, pendant son congé, à une rémunération correspondant à son salaire moyen. Le calcul de cette rémunération moyenne doit être fondé sur une période de référence suffisamment représentative.

89.      Il convient de répondre à la cinquième question en ce sens que, pour calculer cette rémunération moyenne, il y a lieu de tenir compte non seulement des compléments dont bénéficie habituellement le travailleur en tant qu’élément de sa rémunération, mais également de toute limite annuelle ou autre concernant l’étendue ou la durée d’exercice, par le travailleur, d’une certaine activité donnant lieu au versement d’un complément.

VII – Conclusion

90.      À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles de la Supreme Court:

«1)      L’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail et la clause 3 de l’accord européen relatif à l’aménagement du temps de travail du personnel mobile dans l’aviation civile, conclu par l’Association des compagnies européennes de navigation aérienne (AEA), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), l’Association européenne des personnels navigants techniques (ECA), l’Association européenne des compagnies d’aviation des régions d’Europe (ERA) et l’Association internationale des charters aériens (AICA), annexé à la directive 2007/79/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, doivent être interprétés en ce sens que le montant de la rémunération à verser pendant le congé annuel doit être calculé en application des législations et/ou des pratiques nationales.

2)      Cette rémunération versée au titre du congé annuel doit en principe être calculée de manière à correspondre à la rémunération normale du travailleur. Une indemnité, versée en tant que rémunération de ce congé, dont le montant permet simplement d’exclure tout risque significatif que le travailleur ne prenne pas son congé ne suffit pas en tout état de cause à satisfaire aux exigences du droit de l’Union.

3)      Dans une situation telle que celle de la procédure au principal, concernant une rémunération de montant variable, le travailleur a droit, pendant son congé, à une rémunération correspondant à son salaire moyen. Le calcul de cette rémunération moyenne doit être fondé sur une période de référence suffisamment représentative.

4)      Pour calculer cette rémunération moyenne, il y a lieu de tenir compte non seulement des compléments dont bénéficie habituellement le travailleur en tant qu’élément de sa rémunération, mais également de toute limite annuelle ou autre concernant l’étendue ou la durée d’exercice, par le travailleur, d’une certaine activité donnant lieu au versement d’un complément.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 299, p. 9.


3 – Directive concernant la mise en œuvre de l’accord européen relatif à l’aménagement du temps de travail du personnel mobile dans l’aviation civile, conclu par l’Association des compagnies européennes de navigation aérienne (AEA), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), l’Association européenne des personnels navigants techniques (ECA), l’Association européenne des compagnies d’aviation des régions d’Europe (ERA) et l’Association internationale des charters aériens (AICA) (JO L 302, p. 57).


4 – À l’instar des désignations utilisées dans le TUE et le TFUE, la notion de «droit de l’Union» est ici utilisée comme désignant à la fois le droit communautaire et le droit de l’Union. Dans la suite des présentes conclusions, lorsqu’il est fait référence à des dispositions précises du droit primaire, nous citerons les dispositions applicables ratione temporis.


5 – JO L 307, p. 18.


6 – SI 2004 n° 756.


7 – Conclusions du 24 janvier 2008 (arrêt du 20 janvier 2009, C‑350/06 et C-520/06, Rec. p. I‑179, point 38).


8 – JO 2007, C 303, p. 1.


9 – Dans les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17), les fondements de cette disposition sont présentés comme étant la directive 93/104, l’article 2 de la charte sociale européenne de 1961 et le point 8 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs du 9 décembre 1989.


10 – Voir arrêt du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C‑555/07, Rec. p. I‑365, point 22).


11 – Voir Jarass, H. D., Charta der Grundrechte der Europäischen Union – Kommentar, Munich, 2010, article 31, point 3, p. 277, et article 51, point 6, p. 413.


12 – Voir arrêt du 10 septembre 2009, Vicente Pereda (C‑277/08, Rec. p. I‑8405, point 18).


13 – Voir arrêts du 15 avril 2008, Impact (C-268/06, Rec. p. I-2483, point 58); du 23 avril 2009, Angelidaki e.a. (C-378/07 à C-380/07, Rec. p. I-3071, point 195), et du 16 juillet 2009, Gómez-Limón Sánchez-Camacho (C-537/07, Rec. p. I-6525, point 34). Egger, J., «Rechtswirkungen von Rahmenvereinbarungen im Sozialbereich», Neueste Entwicklungen im Zusammenspiel von Europarecht und nationalem Recht der Mitgliedstaaten (édité par Hummer, W.), Vienne, 2010, p. 223, relève que les accords eux-mêmes n’ont pas encore de valeur normative. Seule la décision du Conseil permet directement de faire de l’accord-cadre un texte de droit dérivé, soumis à l’interprétation de la Cour.


14 – Voir Rebhahn, R., EU-Kommentar (édité par Schwarze, J.), 2e édition, Baden-Baden, 2009, article 139 CE, points 4 et 10, p. 1378 et suiv., qui observe que la mise en œuvre d’un accord des partenaires sociaux par une décision du Conseil équivaut à un acte de l’Union européenne. La Cour est selon lui compétente pour l’interprétation de la directive et de l’accord qu’elle intègre.


15 – Le onzième considérant de la directive 2000/79 confirme en ces termes le respect du principe de subsidiarité: «Vu le haut degré d’intégration du secteur de l’aviation civile et les conditions de concurrence qui y règnent, les objectifs de la présente directive visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres de sorte qu’une action au niveau communautaire est requise, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité; la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs».


16 – Arrêt du 12 novembre 1996 (C‑84/94, Rec. p. I‑5755, point 47).


17 – Ibidem (point 47) et arrêt du 16 mars 2006, Robinson-Steele e.a. (C‑131/04 et C-257/04, Rec. p. I-2531, point 57).


18 – Arrêt du 26 juin 2001, BECTU (C‑173/99, Rec. p. I‑4881, point 53).


19 – Pour reprendre les observations de la Commission dans l’affaire BECTU, telles que l’avocat général Tizzano les a citées dans ses conclusions sur cette affaire (point 34).


20 – Voir arrêts BECTU (précité note 18, point 53) et Schultz-Hoff e.a. (précité note 7, point 46), dans lesquels la Cour a admis qu’il est loisible aux États membres de définir dans leur réglementation interne les conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé, tout en précisant qu’ils ne peuvent subordonner à quelque condition que ce soit la constitution même de ce droit qui résulte directement de la directive 93/104 ou 2003/88.


21 – Voir, sur l’influence de la jurisprudence sur l’interprétation de la directive sur le temps de travail, Nowak, T., «The Working Time Directive and The European Court of Justice», Maastricht Journal of European and Comparative Law, tome 15 (2008), n° 4, p. 447.


22 – Voir Livre blanc sur les secteurs et les activités exclus de la directive sur le temps de travail [COM(97) 334 final, points 11 à 13].


23 – Ibidem, point 74.


24 – Voir Barnard, C., EC Employment Law, 2e édition, Oxford, 2002, p. 403.


25 – Voir proposition de directive du Conseil concernant l’accord européen relatif à l’aménagement du temps de travail du personnel mobile dans l’aviation civile, conclu par l’Association des compagnies européennes de navigation aérienne (AEA), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), l’Association européenne des personnels navigants techniques (ECA), l’Association européenne des compagnies d’aviation des régions d’Europe (ERA) et l’Association internationale des charters aériens (AICA) [COM(2000) 382 final].


26 – Selon le neuvième considérant de la directive 2000/34: «Les dispositions existantes concernant le congé annuel et l’évaluation de la santé applicables au travail de nuit et au travail posté doivent être étendues aux travailleurs mobiles dans les secteurs et les activités exclus». Voir, en ce sens, Rofes i Pujol, M. I., «Comentario de la jurisprudencia del Tribunal de Justicia de las Comunidades Europeas», Cuadernos Europeos de Deusto, 2009, n° 41, p. 165.


27 – Selon le dixième considérant de la directive 2000/34: «Les dispositions existantes en matière de temps de travail et de repos doivent être adaptées pour les travailleurs mobiles dans les secteurs et les activités exclus».


28 – Le seizième considérant de la directive 2000/79 est en ces termes: «La mise en œuvre de la présente directive ne devrait pas justifier de régression par rapport à la situation actuellement existante dans chaque État membre».


29 – Voir arrêts BECTU (précité note 18, point 43); du 18 mars 2004, Merino Gómez (C‑342/01, Rec. p. I‑2605, point 29), et Robinson-Steele e.a. (précité note 17, point 48); en ce qui concerne la directive 2003/88, voir arrêts Schultz-Hoff e.a. (précité note 7, point 22), Vicente Pereda (précité note 12, point 18) et du 22 avril 2010, Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols (C‑486/08, Rec. p. I‑3527, point 28).


30 – Voir arrêts BECTU (précité note 18, point 44), Merino Gómez (précité note 29, point 30), Schultz-Hoff e.a. (précité note 7, point 23) et Vicente Pereda (précité note 12, point 21).


31 – Voir arrêts Schultz-Hoff e.a. (précité note 7, point 25) et Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols (précité note 29, point 30).


32 – Arrêt Robinson-Steele e.a. (précité note 17, point 58).


33 – Voir point 16 des observations écrites du gouvernement danois.


34 – Telle est la conclusion que l’on peut tirer également de l’interprétation de l’article 12 de la convention n° 132 de l’Organisation internationale du travail (OIT). En effet, selon cette disposition, tout accord portant sur l’abandon du droit au congé annuel payé minimal prescrit à l’article 3, paragraphe 3, de ladite convention ou sur la renonciation audit congé, moyennant une indemnité ou de toute autre manière, doit, selon les conditions nationales, être nul de plein droit ou interdit. Voir, également, en ce sens Blanpain, R., «The Holidays With Pay Convention of the ILO (N° 132): a Commentary», The International Journal of Comparative Labour Law and Industrial Relations, tome 16/4, 2000, p. 364.


35 – Arrêt Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols (précité note 29, point 29).


36 – JO L 348, p. 1.


37 – C‑471/08, non encore publié au Recueil.


38 – C‑194/08, non encore publié au Recueil.


39 – Arrêts précités Parviainen (point 50) et Gassmayr (point 61).


40 – Arrêt Parviainen (précité note 37, point 62).


41 – Voir, par exemple, les versions allemande («bezahlt»), française («payé»), danoise («med løn»), espagnole («retribuidas»), portugaise («remuneradas»), slovène («plačanega»), italienne («retribuite»), suédoise («betald») et néerlandaise («betaald»).


42 – Convention sur les congés payés (révisée), 1970, adoptée par la Conférence générale de l’OIT le 24 juin 1970, entrée en vigueur le 30 juin 1973.


43 – Convention sur les congés payés, adoptée par la Conférence générale de l’OIT le 24 juin 1936, entrée en vigueur le 22 septembre 1939. Cette convention a été révisée par la convention n° 132, mais reste ouverte à la ratification.


44 – Arrêt précité note 7, point 38. Voir discussions doctrinales sur la place des conventions de l’OIT dans l’ordre juridique de l’Union. Korda, M., et Pennings, F., «The legal character of international social security standards», European Journal of Social Security, tome 10 (2008), n° 2, p. 132, qui estime que l’Union européenne n’est pas compétente pour créer des normes de sécurité sociale juridiquement contraignantes, raison pour laquelle les conventions signées dans le cadre de l’OIT et du Conseil de l’Europe ont une importance essentielle pour le développement de normes internationales de sécurité sociale. Bercusson, B., «The European Court of Justice, Labour Law and ILO Standards», 50 Jahre EU – 50 Jahre Rechtsprechung des Europäischen Gerichtshofs zum Arbeits- und Sozialrecht, Baden-Baden, 2008, p. 58 et suiv., prône un rôle plus actif de la Cour dans la constitutionnalisation du modèle social européen, qui doit, selon lui, tenir compte des normes de l’OIT dans l’interprétation du droit primaire et dérivé de l’Union. Selon Murray, J., «The Working Time Directive and Future Prospects for ILO Rules on Working Time», Transnational Labour Regulation – The ILO and EC compared, p. 175, la directive sur le temps de travail et les normes de l’OIT convergent fortement quant à leur objet et à leur finalité.


45 – Arrêt précité note 7, point 60.


46 – Voir point 38 de mes conclusions (affaire précitée note 7).


47 – Voir points 41, 43 et 76 des observations écrites de la défenderesse au principal.


48 – Voir Leible, S., et Streinz, R., EUV/EGV, Munich, 2003, article 95, point 44, p. 1248.


49 – Voir point 74 des observations écrites des requérantes au principal.


50 – Arrêt précité note 7, points 57 à 62.


51 – Voir arrêt Impact (précité note 13, point 125).


52 – Arrêt du 13 septembre 2007 (C‑307/05, Rec. p. I‑7109).


53 – Arrêt Impact (précité note 13, point 124).


54 – Ibidem (point 129).


55 – Voir point 175 des conclusions de l’avocat général Kokott du 9 janvier 2008 dans l’affaire Impact (précitée note 13).


56 – Voir en ce sens Rebhahn, R., op. cit. (note 14), article 137, point 56, p. 1363.


57 – Selon Böhnert, S., Das Recht der ILO und sein Einfluss auf das deutsche Arbeitsrecht im Zeichen der europäischen Integration, Baden-Baden, 2002, p. 100, les conventions de l’OIT ont recours à des clauses dites de «flexibilité». On entend par là différentes solutions comme l’utilisation de notions larges et la reconnaissance d’un large pouvoir d’appréciation pour la mise en œuvre des obligations issues d’une convention ou la fixation des objectifs à atteindre.


58 – Voir point 77 de mes conclusions du 14 avril 2010 dans l’affaire Commission/Allemagne (arrêt du 15 juillet 2010, C‑271/08, non encore publié au Recueil).


59 – L’article 6 de la charte sociale européenne, repris littéralement à l’article 6 de la charte sociale européenne conclue le 3 mai 1996 à Strasbourg, contraint les parties contractantes, en vue d’assurer l’exercice effectif du droit de négociation collective, notamment à favoriser la consultation paritaire entre travailleurs et employeurs, et à promouvoir, lorsque cela est nécessaire et utile, l’institution de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler les conditions d’emploi par des conventions collectives.


60 – Aux termes du point 12 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, ont le droit, dans les conditions prévues par les législations et les pratiques nationales, de négocier et de conclure des conventions collectives.


61 – En vertu de l’article 28 de la charte des droits fondamentaux, les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et aux pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève.


62 – Voir, déjà en ce sens, mon exposé du point 42 des présentes conclusions sur la méthode différenciée utilisée par le législateur de l’Union qui a, en définitive, permis l’adoption de la directive 2000/79 pour le secteur spécifique de l’aviation civile.


63 – Voir points 38, 45, 53, 54 et 55 des présentes conclusions.


64 – Arrêt du 8 septembre 2005, McKenna (C‑191/03, Rec. p. I‑7631, point 29).


65 – L’article 1er, sous a), de la convention n° 100 de l’OIT est en ces termes: «Le terme rémunération comprend le salaire ou traitement ordinaire, de base ou minimum, et tous autres avantages, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier».


66 – Voir Krebber, S., EUV/EGV – Kommentar (édité par Calliess, C., et Ruffert, M.), 3e édition, Munich, 2007, article 141, point 23, p. 1629.


67 – Arrêt McKenna (précité note 64, point 29).


68 – Voir Eichenhofer, E., EUV/EGV – Kommentar, Munich, 2003, article 141 CE, point 10, p. 1530.


69 – Voir Rebhahn, R., op. cit. (note 14), article 141 CE, point 10, p. 1386.


70 – Voir point 73 des observations des requérants au principal.


71 – Arrêt précité note 37, points 49 et 50.


72 – Voir Krebber, S., op. cit. (note 66), point 25, p. 1630.


73 – Voir arrêt de l’Employment Tribunal du 11 mai 2007, Mrs S. A. Williams and others/British Airways plc (Case Number: 3314875/2006), points 27 et 29, p. 8 (annexe 2 du mémoire de la défenderesse au principal), et résumé des questions de fait et de droit de la Supreme Court («Agreed Statement of Facts and Issues in the Supreme Court of the United Kingdom»), point 8, p. 3 (annexe 1 des observations écrites de la défenderesse au principal).


74 – Voir point 11 des observations écrites des requérants au principal.


75 – Fuchs, M., et Marhold, F., Europäisches Arbeitsrecht, 2e édition., Vienne, 2006, p. 123.


76 – Voir arrêt du 17 octobre 1989, Danfoss (109/88, Rec. p. 3199, point 3).


77 – Voir arrêt du 30 mars 2000, JämO (C‑236/98, Rec. p. I‑2189, points 39 et suiv.).


78 – Voir arrêt du 6 décembre 2007, Voß (C‑300/06, Rec. p. I‑10573, points 12 et suiv.).


79 – Voir arrêts du 4 juin 1992, Bötel (C‑360/90, Rec. p. I‑3589, point 13), et du 6 février 1996, Lewark (C‑457/93, Rec. p. I‑243, point 23).


80 – Voir Krebber, S., op. cit. (note 66), point 28, p. 1631.


81 – Voir arrêt du 9 février 1999, Seymour-Smith et Perez (C‑167/97, Rec. p. I‑623, point 28).


82 – Voir point 27 des observations écrites de la Commission.


83 – Voir points 55 et 100 des observations écrites des requérants au principal.


84 – Voir points 42 et 74 des observations écrites de la défenderesse au principal.


85 – Ibidem, point 42.


86 – Ibidem, point 102.


87 – L’interprétation d’une règle du droit de l’Union éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur (voir arrêts du 27 mars 1980, Denkavit italiana, 61/79, Rec. p. 1205, point 16; du 10 février 2000, Deutsche Telekom, C‑50/96, Rec. p. I‑743, point 43, et du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz, C‑453/00, Rec. p. I‑837, point 21).


88 – Voir point 42 des observations écrites de la défenderesse au principal.


89 – Voir point 20 des observations écrites du gouvernement danois.