Language of document : ECLI:EU:T:2019:372

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 juin 2019 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Cessation des fonctions – Demande de mise à la retraite – Modification des dispositions statutaires après la demande – Retrait d’une décision antérieure – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑616/17 RENV,

Sergio Siragusa, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes T. Bontinck et A. Guillerme, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. M. Bauer et Mme M. Veiga, puis par MM. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté initialement par Mmes M. Rantala et Í. Ní Riagáin Düro, puis par M. I. Lázaro Betancor et Mme C. González Argüelles, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Conseil du 12 novembre 2014 portant retrait de la décision antérieure du Conseil validant la demande du requérant de mise à la retraite anticipée du 11 juillet 2013 et, d’autre part, à la réparation du préjudice financier et moral que le requérant aurait prétendument subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. E. Buttigieg, faisant fonction de président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 mars 2019,

rend le présent

Arrêt

1        La présente affaire a été renvoyée au Tribunal par arrêt du 12 septembre 2017, Siragusa/Conseil (T‑678/16 P, non publié, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:T:2017:601), annulant l’ordonnance du 13 juillet 2016, Siragusa/Conseil (F‑124/15, ci-après l’« ordonnance initiale », EU:F:2016:147), qui avait déclaré manifestement irrecevable le recours parvenu au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 22 septembre 2015, par lequel le requérant, M. Sergio Siragusa, demandait, d’une part, l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne du 12 novembre 2014 (ci-après la « décision attaquée ») portant retrait de la décision antérieure du Conseil validant sa demande de retraite anticipée du 11 juillet 2013 et, d’autre part, la réparation du préjudice financier et moral prétendument subi.

 Antécédents du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 10 à 20 de l’ordonnance initiale, dans les termes suivants :

« 10      Le requérant est entré au service du Conseil le 1er mai 1997 en tant que fonctionnaire.

11      Le 11 juillet 2013, le requérant a adressé, par la voie hiérarchique, une note au directeur général de la direction générale (DG) “Administration” du Conseil (ci-après la “DG ‘Administration’”), afin de bénéficier d’une mise à la retraite anticipée à compter du 1er septembre 2015, conformément aux dispositions de l’article 23 de l’annexe XIII de l’ancien statut (ci-après la “demande”).

12      Le 12 juillet 2013, suite à une demande de l’unité “Ressources” de la direction de la traduction de la DG “Administration” visant à savoir s’il fallait faire suivre cette demande de départ à la retraite ou s’il était encore trop tôt, le chef du secteur “Droits individuels – Embauche” de l’unité “Droits individuels” de la direction “Ressources humaines et administration du personnel” de la DG “Administration” a répondu ce qui suit :

“[…]

[N]ous l’enregistrons dans un tableau pour l’année 2015 […]

Toutefois, nous n’allons pas préparer de décision à ce stade, étant donné le caractère irrévocable d’une telle décision.

Cela permettra [au requérant] de choisir une autre date s’il le souhaite. Et s’il ne le souhaite pas, nous préparerons la décision en 2015.”

13      Le 12 juillet 2013, la demande a été signée pour accord par le chef d’unité du requérant.

14      Le 12 août 2013, la demande a été signée pour accord par le directeur de la direction de la traduction de la DG “Administration”.

15      Les 2 et 9 septembre 2013, la demande a été signée pour accord, respectivement, par un fonctionnaire de la direction “Ressources humaines et administration du personnel” de la DG “Administration” (ci-après la “direction des ressources humaines”) et par le directeur général adjoint de la DG “Administration”.

16      Le 10 septembre 2013, le directeur général de la DG “Administration” a signé la demande pour accord.

17      Le 11 septembre 2013, la demande a été reçue par le service des pensions de l’unité “Droits individuels” de la direction des ressources humaines.

18      Le 12 septembre 2013, le requérant a reçu un courrier électronique de la part du service des pensions de l’unité “Droits individuels” de la direction des ressources humaines libellé comme suit :

“Monsieur,

Votre demande du 11 juillet 2013 sollicitant votre mise à la retraite à la date du 31 août 2015 a été enregistrée par la [d]irection [des ressources humaines].

Nous nous mettrons en rapport avec vous environ trois mois avant votre départ afin d’établir vos droits à pension. Cependant, si vous désirez que votre dossier, p[ar] ex[emple] pour une raison de long congé, soit traité avant cette date, je vous saurais gré de nous le faire savoir.

[…]”

19      Le 12 novembre 2014, le directeur général de la DG “Administration” a envoyé une note au requérant (ci-après la “décision attaquée”), libellée comme suit :

“[…] [V]ous sollicitez votre mise à la retraite à la date du 31 août 2015 au titre de l’article 23 de l’[a]nnexe XIII d[e l’ancien s]tatut.

[…]

Au moment de votre demande, les dispositions de l’article 23 de l’[a]nnexe XIII d[e l’ancien s]tatut prévoyaient, dans votre cas, la possibilité de demander le bénéfice d’une pension d’ancienneté à partir de l’âge de 52 ans.

Suite à l’entrée en vigueur du nouveau [s]tatut au 1er janvier 2014, l’article 52 reporte l’âge auquel vous pouvez demander le bénéfice d’une pension d’ancienneté (article 9, [sous] b[)], de l’[a]nnexe VIII du [nouveau s]tatut) de 52 ans (article 23, paragraphe 1, de l’[a]nnexe XIII [de l’ancien statut]) à 58 ans (article 23, paragraphe 2, de l’[a]nnexe XIII [du nouveau statut]).

Dès lors qu’à la date à laquelle vous demandez votre mise à la retraite anticipée avec jouissance immédiate de votre pension d’ancienneté vous aurez 53 ans, j’ai le regret de devoir vous informer que l’autorité investie du pouvoir de nomination n’est pas en mesure de répondre favorablement à votre demande.

[…]”

20      Le 12 février 2015, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée. Le 12 juin 2015, le secrétaire général du Conseil a rejeté la réclamation. »

 Procédure en première instance et ordonnance initiale

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 22 septembre 2015, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro F‑124/15, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, à la réparation du préjudice financier et moral prétendument subi.

4        Dans l’ordonnance initiale, le Tribunal de la fonction publique a estimé que le requérant n’avait pas démontré l’existence d’une décision explicite de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») acceptant sa demande de mise à la retraite anticipée dans le délai de réponse impératif de quatre mois prévu à l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et qu’il y avait donc lieu de considérer, conformément à cette même disposition, que la demande du requérant avait fait l’objet d’une décision implicite de rejet, intervenue le 11 novembre 2013. Par conséquent, selon le Tribunal de la fonction publique, par la décision attaquée, l’AIPN n’a pas retiré une décision d’acceptation antérieure, mais n’a fait que confirmer l’existence de ladite décision implicite de rejet. Or, le Tribunal de la fonction publique a rappelé que le rejet explicite d’une demande, intervenu après une décision implicite de rejet de la même demande, avait le caractère d’un acte purement confirmatif qui n’était pas susceptible de permettre au fonctionnaire intéressé de poursuivre la procédure précontentieuse en lui ouvrant un nouveau délai pour l’introduction d’une réclamation. Il a dès lors conclu que, la décision implicite de rejet intervenue le 11 novembre 2013 n’ayant pas été attaquée dans les délais, le recours du requérant contre la décision attaquée était manifestement irrecevable.

5        Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions indemnitaires, en considérant qu’elles présentaient un lien étroit avec les conclusions en annulation.

 Pourvoi devant le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt sur pourvoi

6        L’ordonnance initiale a fait l’objet d’un pourvoi, enregistré sous le numéro T‑678/16 P.

7        Par l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a accueilli le moyen unique tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique avait commis une erreur en refusant de considérer que les visas « pour accord » apposés sur la demande de mise à la retraite anticipée du requérant démontraient que l’AIPN avait précédemment marqué son accord sur cette demande. Le Tribunal a également estimé que le Tribunal de la fonction publique avait conclu à tort que la décision attaquée, refusant la demande de mise à la retraite anticipée du requérant, constituait une simple décision confirmative d’une décision implicite de refus et non une décision retirant une décision préalable de l’AIPN autorisant ladite demande.

8        Par conséquent, le Tribunal a annulé l’ordonnance initiale qui avait rejeté le recours comme manifestement irrecevable, renvoyé l’affaire devant une autre chambre que celle qui avait statué sur le pourvoi, afin de statuer en première instance sur le recours initialement introduit devant le Tribunal de la fonction publique par le requérant, et réservé les dépens (arrêt sur pourvoi, points 21 à 25). Le recours a ainsi été enregistré sous le numéro T‑616/17 RENV.

 Conclusions des parties après renvoi

9        Les parties ont été avisées de la poursuite de la procédure devant le Tribunal et invitées à présenter leurs observations écrites conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant et le Conseil ont déposé leurs observations écrites dans les délais impartis, en l’occurrence le 13 novembre 2017. Par courrier du 10 novembre 2017, le Parlement européen a quant à lui indiqué qu’il maintenait dans leur intégralité ses observations écrites tendant au rejet de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant dans l’affaire F‑124/15, Siragusa/Conseil, et qu’il n’avait rien à ajouter dans le cadre de la présente procédure, étant rappelé qu’il avait initialement conclu au rejet du recours comme non fondé.

10      Dans ses observations après renvoi, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        indemniser le préjudice qu’il a subi, évalué, sous réserve d’une augmentation ou d’une diminution au cours de la procédure, à 85 353,96 euros, majoré des intérêts à compter de la réclamation du 12 février 2015, calculés sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

11      Dans ses conclusions après renvoi, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

12      Il résulte de l’arrêt sur pourvoi que, dans le cadre de la présente procédure de renvoi, il incombe au Tribunal de statuer en première instance sur le fond du recours introduit devant le Tribunal de la fonction publique par le requérant.

13      Au soutien du chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, le requérant, après avoir exposé dans ses observations après renvoi les conséquences qu’il entendait tirer de l’arrêt sur pourvoi, renvoie à l’argumentation développée dans son recours initial devant le Tribunal de la fonction publique. À cet égard, il fait valoir quatre moyens, tirés, premièrement, de la violation du droit acquis de mise à la retraite anticipée au regard des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité des lois, deuxièmement, d’une exception d’illégalité des dispositions transitoires du statut dans sa version postérieure au 1er janvier 2014, troisièmement, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime et, quatrièmement, d’une violation du principe de bonne foi et de bonne administration.

14      S’agissant du chef de conclusions indemnitaires, le requérant expose que les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union européenne sont remplies en l’espèce et il sollicite une indemnisation du préjudice allégué, tant matériel que moral.

15      Le Conseil fait valoir que les moyens soulevés par le requérant au soutien de son chef de conclusions en annulation ne sont pas fondés. S’agissant de la demande indemnitaire, dont il fait valoir qu’elle n’est pas non plus fondée, il expose à titre subsidiaire que, dans l’hypothèse où elle serait néanmoins admise, le montant du préjudice moral devrait être fixé ex æquo et bono à une somme inférieure au montant réclamé.

16      Compte tenu du lien qu’ils présentent entre eux, il y a lieu de commencer par examiner ensemble les premier et troisième moyens au soutien des conclusions en annulation de la décision attaquée.

 Sur les premier et troisième moyens au soutien des conclusions en annulation, tirés respectivement de la violation du droit acquis de mise à la retraite anticipée au regard des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité des lois et de la violation du principe de protection de la confiance légitime

17      En ce qui concerne le premier moyen, le requérant expose que l’argument de l’AIPN, selon lequel le statut dans sa version postérieure au 1er janvier 2014 qui repousse de 52 à 58 ans l’âge auquel un fonctionnaire peut bénéficier d’une pension d’ancienneté le rendrait inéligible au bénéfice d’une mise à la retraite anticipée à la date du 31 août 2015, ne lui est pas opposable.

18      La position défendue par l’AIPN se heurterait aux principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité des lois, dans la mesure où le requérant, au regard des divers courriers qu’il a échangés avec l’administration, pouvait se prévaloir d’une situation de droit définitivement fixée sous l’empire du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014 et qui ne nécessitait aucune décision supplémentaire de la part de l’AIPN, à l’occasion de laquelle cette dernière aurait disposé d’un pouvoir discrétionnaire, voire d’une marge d’appréciation. Par conséquent, la décision attaquée serait illégale, car elle heurterait un droit acquis, et devrait être retirée.

19      Le requérant fait également valoir que l’arrêt sur pourvoi, bien qu’il porte sur la recevabilité du recours, emporte certaines conséquences sur le fond de l’affaire, en particulier en ce qu’il comporte le constat que la demande de mise à la retraite anticipée, validée par l’AIPN et par les membres des différents services concernés, constituait bien une décision explicite d’autorisation de mise à la retraite anticipée et, par conséquent, un acte faisant grief.

20      Or, selon la jurisprudence, seules les mesures fixant définitivement la position de l’institution constitueraient des actes faisant grief. En l’espèce, la demande de décision de mise à la retraite anticipée, qui avait été validée le 10 septembre 2013 par le directeur général de la direction générale (DG) « Administration », avait donc fixé définitivement la situation de droit du requérant, conférant à ce dernier un droit acquis à bénéficier d’une mise à la retraite anticipée à 52 ans.

21      Le Conseil conteste le fait que le requérant puisse se prévaloir d’un droit acquis, car la position de l’institution en réponse à sa demande n’a pas été définitivement fixée à son égard par les visas sur la demande de mise à la retraite du 11 juillet 2013, ni par les courriers électroniques des 11 et 12 septembre 2013.

22      Le Conseil fait observer que le requérant ne peut pas se prévaloir d’un droit acquis dans la mesure où le fait générateur de celui-ci ne s’est pas définitivement réalisé sous l’empire du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014, avant sa modification. En outre, même à considérer que la validation de la demande de mise à la retraite anticipée par le directeur général de la DG « Administration » ait la valeur d’un accord de principe de l’AIPN à l’égard de cette demande, ce droit n’était en tout état de cause pas encore définitivement réalisé. Cela aurait en effet nécessité que, à la date souhaitée par le requérant, en l’occurrence le 1er septembre 2015, ce dernier ait encore été en vie, qu’il n’ait pas changé d’avis sur la date de son départ et que l’administration ait adopté une décision fixant ses droits de pension.

23      En ce qui concerne le troisième moyen, le requérant fait valoir que les conditions caractérisant la violation du principe de protection de la confiance légitime sont en l’espèce remplies. Premièrement, la demande de mise à la retraite anticipée aurait été signée pour accord par plusieurs sources autorisées et fiables, compétentes pour traiter les demandes de mise à la retraite anticipée, ce qui ne laissait aucun doute sur l’intention de l’AIPN de procéder à l’exécution de la demande au 31 août 2015. Deuxièmement, au regard de ses échanges avec l’administration, le requérant aurait reçu des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, quant à l’issue de sa demande et de nature à faire naître chez lui des attentes légitimes. Troisièmement, les assurances données au requérant auraient été conformes aux normes applicables, en l’occurrence le statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014, lors de la réalisation du fait générateur en cause.

24      Le requérant fait également valoir que la jurisprudence à laquelle se réfère l’AIPN, en l’occurrence l’arrêt du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement (T‑439/09, EU:T:2011:600), n’est pas pertinente en l’espèce, en particulier parce qu’elle vise des communications à caractère informatif, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisqu’il n’était pas en attente d’une décision à son égard, mais avait déjà l’assurance de l’acceptation de sa demande.

25      Dans ses observations après renvoi, le requérant insiste sur le fait que les motifs de l’arrêt sur pourvoi viennent conforter son analyse, en particulier en ce que le Tribunal a relevé que, les membres des différents services du Conseil ayant donné leur accord à la demande de mise à la retraite anticipée et pas seulement pris connaissance de cette demande, des sources autorisées et fiables lui avaient indubitablement fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes.

26      Le Conseil expose pour sa part qu’aucune décision n’avait été adoptée sur la demande du requérant en septembre 2013 et que, à supposer même que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes lui aient néanmoins été données, celles-ci n’auraient pas été de nature à faire naître une attente légitime dans son esprit, notamment parce que les institutions de l’Union venaient de parvenir à un accord politique sur la réforme du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014, de sorte qu’un fonctionnaire normalement diligent aurait pu prévoir que, à la date d’effet souhaitée de mise à la retraite anticipée, il ne remplirait plus les conditions d’éligibilité selon les règles du statut dans sa version postérieure au 1er janvier 2014. En outre, la décision finale, dans la mesure où elle ne pouvait qu’être fondée sur les normes en vigueur à la date de prise d’effet de la décision de mise à la retraite, aurait été contraire aux normes applicables issues des nouvelles dispositions réglementaires en vigueur.

27      Le Conseil relève également que, selon la jurisprudence, les particuliers ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour s’opposer à l’application d’une disposition réglementaire nouvelle, en particulier dans un domaine où le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation.

28      Dans ses observations après renvoi, le Conseil insiste sur le fait que, compte tenu du processus de réforme du statut, un fonctionnaire diligent aurait dû, à tout le moins, s’assurer auprès des services compétents que l’entrée en vigueur du statut dans sa version postérieure au 1er janvier 2014 n’affecterait pas sa demande de mise à la retraite anticipée avant d’entamer des démarches visant à organiser sa retraite au 1er septembre 2015.

29      Il convient de rappeler à titre liminaire que le lien juridique entre les fonctionnaires et l’administration est de nature statutaire et non contractuelle. Il en résulte que les droits et les obligations des fonctionnaires peuvent être modifiés à tout moment par le législateur (arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, point 60).

30      Il est en outre de principe que les lois modificatives d’une disposition législative, telles que les règlements de modification du statut, s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne (arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, point 61).

31      Ainsi, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux situations à naître ainsi qu’aux effets futurs des situations nées, sans être cependant entièrement constituées, sous l’empire de la règle ancienne. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (voir arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 152 et jurisprudence citée).

32      Quant au principe de sécurité juridique, il vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union. À cette fin, il est essentiel que les institutions de l’Union respectent l’intangibilité des actes qu’elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu’elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure (voir arrêt du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, EU:T:1997:155, point 113 et jurisprudence citée). Toutefois, une violation du principe de sécurité juridique ne peut utilement être invoquée si le sujet de droit, dont la situation matérielle et juridique était affectée par l’acte en cause, n’a pas respecté les conditions formulées par celui-ci (voir arrêt du 25 mars 1999, Forges de Clabecq/Commission, T‑37/97, EU:T:1999:66, point 98 et jurisprudence citée).

33      Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose quant à lui la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêt du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, EU:T:1999:135, point 70).

34      En l’espèce, une nouvelle version du statut est entrée en vigueur le 1er janvier 2014 et ses dispositions ont remplacé celles qui étaient applicables jusqu’au 31 décembre 2013.

35      L’article 52 du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014 disposait :

« Sans préjudice des dispositions de l’article 50 [du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014], le fonctionnaire est mis à la retraite :

[…]

b)      soit sur sa demande, le dernier jour du mois pour lequel la demande a été présentée lorsqu’il est âgé d’au moins 63 ans ou que, ayant atteint un âge compris entre 55 et 63 ans, il réunit les conditions requises pour l’octroi d’une pension à jouissance immédiate, conformément à l’article 9 de l’annexe VIII [du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014]. »

36      L’article 9, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014 précisait :

« Le fonctionnaire cessant ses fonctions avant l’âge de 63 ans peut demander que la jouissance de sa pension d’ancienneté soit :

a)      différée jusqu’au premier jour du mois civil suivant celui au cours duquel il atteint l’âge de 63 ans ;

b)      immédiate, sous réserve qu’il ait atteint au moins l’âge de 55 ans. Dans ce cas, la pension d’ancienneté est réduite en fonction de l’âge de l’intéressé au moment de l’entrée en jouissance de sa pension.

[…] »

37      L’article 23, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014, relative aux « Mesures de transition […] », disposait :

« Par dérogation à l’article 52 [du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014], le fonctionnaire entré en service avant le 1er mai 2004 et cessant ses fonctions avant l’âge auquel il aurait acquis le droit à une pension d’ancienneté, selon l’article 22 de la présente annexe, peut demander le bénéfice de l’article 9, deuxième tiret, de l’annexe VIII [du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014] dans les conditions suivantes :

a)      à partir de l’âge de 50 ans s’il est âgé de 45 ans et plus ou a accompli 20 années de service ou plus le 1er mai 2004,

b)      à partir de l’âge déterminé par le tableau suivant s’il est âgé de moins de 45 ans le 1er mai 2004 :

Âge au 1er mai 2004

Âge de la pension immédiate

45 ans et plus

50 ans

44 ans

50 ans et 6 mois

43 ans

51 ans

42 ans

51 ans et 6 mois

41 ans

52 ans

40 ans

52 ans et 6 mois

39 ans

53 ans

38 ans

53 ans et 6 mois

37 ans

54 ans

36 ans

54 ans et 6 mois

35 ans et moins

55 ans

[…] »

38      L’article 23, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut dans sa version postérieure au 1er janvier 2014, relative aux « Mesures de transition […] », indique :

« Par dérogation à l’article 52 du statut, le fonctionnaire entré en service avant le 1er janvier 2014 et cessant ses fonctions avant l’âge auquel il aurait acquis le droit à une pension d’ancienneté, conformément à l’article 22 de la présente annexe, peut demander le bénéfice de l’article 9, [sous] b), de l’annexe VIII [du statut dans sa version postérieure au 1er janvier 2014] :

a)      jusqu’au 31 décembre 2015 à partir de l’âge de 55 ans ;

b)      jusqu’au 31 décembre 2016 à partir de l’âge de 57 ans. »

39      S’agissant des faits de l’espèce, il apparaît que le requérant a présenté sa demande de mise à la retraite anticipée le 11 juillet 2013, alors que le statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014 était encore en vigueur et autorisait, sous certaines conditions, une mise à la retraite anticipée à partir de l’âge de 50 ans pour les fonctionnaires entrés en service avant le 1er mai 2004. Le critère déterminant l’âge exact de mise à la retraite anticipée dans cette situation était l’âge atteint au 1er mai 2004. Au regard de ces dispositions, le requérant étant âgé de 41 ans au 1er mai 2004, il pouvait prétendre à une mise à la retraite anticipée à l’âge de 52 ans. Dans la mesure où elle était acceptée, sa demande était destinée à prendre effet à compter du 1er septembre 2015, soit après l’entrée en vigueur de la nouvelle version du statut le 1er janvier 2014. Or, ainsi qu’il ressort du point 21 de l’arrêt sur pourvoi, dès le 12 septembre 2013, le requérant avait reçu un accord explicite de l’AIPN à l’égard de sa demande.

40      Aux points 16 et 17 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a relevé en substance, s’agissant de la qualification à donner aux faits de l’espèce, que, à la date du 12 septembre 2013, le requérant disposait de sa demande de mise à la retraite anticipée, signée par l’ensemble des services compétents, y compris par M. S. qui avait agi en qualité d’AIPN, de sorte que cette demande devait être considérée comme une demande acceptée. En outre, au point 18 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a relevé que le courriel du service des pensions de l’unité « Droits individuels » de la direction des ressources humaines, daté du même jour, venait également confirmer qu’une décision acceptant la demande avait été définitivement adoptée préalablement à l’établissement des droits à pension du requérant qui devait intervenir trois mois avant son départ effectif à la retraite.

41      Ainsi, dans l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a jugé que l’ordonnance initiale comportait une erreur en ce que la demande de mise à la retraite anticipée du requérant, dès lors qu’elle avait été acceptée, n’avait pas été qualifiée de décision explicite autorisant cette mise à la retraite anticipée. Dans ces conditions, l’ordonnance initiale comportait une autre erreur en ce que la décision attaquée, refusant la demande de mise à la retraite anticipée du requérant, avait été qualifiée de simple décision confirmative d’une décision implicite de refus et non de décision de retrait d’une décision préalable de l’AIPN autorisant ladite demande (arrêt sur pourvoi, point 21).

42      Il résulte des constations opérées par l’arrêt sur pourvoi que l’acceptation de la demande de mise à la retraite anticipée du requérant par l’ensemble des services compétents, y compris l’AIPN, à la date du 12 septembre 2013, qualifiée de décision explicite d’acceptation par ledit arrêt (voir point 41 ci-dessus), conférait au requérant un droit définitif de mise à la retraite anticipée. Ce droit doit être considéré comme étant un droit acquis au sens de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, dans la mesure où la situation de droit créée par cette décision en ce qui concernait le requérant avait été définitivement réalisée sous l’empire de la législation alors en vigueur, avant sa modification. À ce titre, il importe de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014, le critère déterminant l’âge exact de mise à la retraite anticipée était l’âge atteint au 1er mai 2004 (voir point 39 ci-dessus). Il convient également de relever que, lorsque le requérant a présenté une demande de mise à la retraite anticipée en vertu des dispositions en question, dérogatoires au régime commun prévu par l’article 52 du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014, elles ne faisaient état d’aucune condition de délai afin de soumettre une telle demande, de sorte qu’un fonctionnaire estimant remplir les conditions requises n’était formellement tenu de respecter aucun délai particulier avant son départ à la retraite afin de déposer une telle demande. De même, ces dispositions ne mentionnaient pas qu’un fonctionnaire devait avoir atteint un certain âge afin de déposer sa demande de mise à la retraite anticipée, puisqu’elles se limitaient à prévoir un « âge de la pension immédiate » au regard de l’âge atteint à la date du 1er mai 2004. Il s’ensuit que, à la date du 12 septembre 2013, le requérant bénéficiait d’un droit acquis qui ne nécessitait pas l’intervention d’un acte ultérieur, tel que le calcul exact du montant de ses droits à pension, pour revêtir la qualité d’acte produisant des effets définitifs à son égard.

43      À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument du Conseil selon lequel la décision autorisant la mise à la retraite anticipée du requérant ne constituait pas un droit acquis dans la mesure où elle aurait encore été conditionnée par le calcul du montant de ses droits à pension, qui devait intervenir trois mois avant son départ effectif, voire par l’absence de survenance avant son départ d’un évènement tel que son décès ou sa renonciation au départ. De même, l’argument exposé par le Parlement à l’audience, selon lequel seul le fait d’avoir effectivement atteint l’âge légal de mise à la retraite tel que fixé par les dispositions applicables permettait de bénéficier d’un tel droit, doit également être rejeté.

44      En effet, il convient de relever, en premier lieu, que, si, dans le domaine des pensions, le Tribunal a déjà jugé qu’une proposition de bonification d’annuités en matière de transfert des droits à pension nationaux ne devait pas être considérée comme un acte faisant grief au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut, cela tenait au fait qu’un acte d’une telle nature ne produisait pas directement et immédiatement d’effets juridiques obligatoires affectant la situation juridique de son destinataire en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, puisqu’il y avait lieu d’attendre à cet effet que ce dernier donnât son assentiment à l’institution qui l’employait afin qu’elle demandât le transfert des droits à pension acquis par l’intéressé auprès de la caisse de pension externe concernée (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 50).

45      Dans ces conditions, il y avait lieu de considérer qu’un acte revêtant la qualification de proposition de bonification d’annuités, dès lors qu’il nécessitait pour produire des effets à l’égard de son destinataire l’intervention d’un acte ultérieur, ne revêtait pas la qualité d’acte faisant grief ayant pour effet de produire directement et immédiatement des effets juridiques obligatoires affectant sa situation juridique ni, a fortiori, la qualité d’acte créateur de droits.

46      Il convient de relever, en second lieu, que, si, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 mars 2016, Frieberger et Vallin/Commission (F‑3/15, EU:F:2016:26, point 77), au demeurant annulé, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, avant l’introduction du statut dans sa version postérieure au 1er janvier 2014, pour pouvoir se prévaloir en vertu du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014 d’un droit acquis à une pension d’ancienneté sans réduction des prestations, il fallait que le fait générateur consistant à avoir atteint l’âge légal de la retraite fixé se fût produit sous l’empire du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014, cela tenait au fait qu’accueillir une telle prétention aurait abouti à remettre en cause le principe selon lequel les règlements de modification du statut s’appliquaient, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne (voir point 30 ci-dessus), ce qui aurait été susceptible de nuire à toute modification du montant futur des prestations de retraite par une évolution du statut.

47      Or, en l’espèce, ainsi qu’il résulte, d’une part, des constatations matérielles effectuées par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance initiale telles que rappelées par le Tribunal dans l’arrêt sur pourvoi et, d’autre part, des motifs de cet arrêt en ce qui concerne la qualification juridique de ces constatations, la situation de fait du requérant apparaît totalement différente, de sorte que les actes en cause appellent une qualification juridique propre.

48      En effet, le Tribunal a rappelé que, dans la mesure où seule la formalité liée aux calculs des droits à pension du requérant devait encore être mise en œuvre, le courriel du 12 septembre 2013 confirmait qu’une décision acceptant sa demande de mise à la retraite anticipée avait effectivement été adoptée, même si l’administration était convenue de le contacter trois mois avant son départ afin d’établir le montant de ses droits à pension (arrêt sur pourvoi, point 18).

49      Toutefois, si le requérant pouvait se prévaloir d’un droit acquis, ce droit a été remis en cause par la décision attaquée qui a été qualifiée de décision de retrait dans l’arrêt sur pourvoi (arrêt sur pourvoi, point 21).

50      Il convient par conséquent d’examiner si, en l’espèce, le Conseil a pu valablement adopter une telle décision de retrait.

51      Il ressort de la jurisprudence que le retrait à titre rétroactif d’un acte administratif légal qui a conféré des droits subjectifs ou des avantages similaires est contraire aux principes généraux du droit (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 1983, Verli-Wallace/Commission, 159/82, EU:C:1983:242, point 8, et du 5 décembre 2000, Gooch/Commission, T‑197/99, EU:T:2000:282, point 52).

52      En l’espèce, dans la mesure où, comme le relève le Tribunal au point 21 de l’arrêt sur pourvoi, la demande de mise à la retraite anticipée du requérant, validée par M. S., directeur général de la DG « Administration », et par l’ensemble des membres des services concernés, doit être considérée comme une décision explicite autorisant cette mise à la retraite anticipée, il y a lieu de considérer qu’il s’agit d’un acte affectant la situation juridique personnelle du requérant (voir point 40 ci-dessus) en créant des droits à son profit (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2017, Ruiz Molina/EUIPO, T‑233/16 P, EU:T:2017:435, point 30).

53      Par ailleurs, il convient de rappeler que la décision explicite visée au point 52 ci-dessus était conforme au cadre réglementaire pertinent, à savoir aux dispositions du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014 (voir point 42 ci-dessus).

54      Il ressort des considérations qui précédent que le Conseil était tenu de respecter l’intangibilité de la décision explicite autorisant la mise à la retraite anticipée du requérant, adoptée conformément à la législation alors en vigueur (voir point 42 ci-dessus), et que, en adoptant la décision attaquée, il a effectué un retrait illégal de cette décision de sorte que, sur ce fondement, la décision attaquée encourt l’annulation.

55      Au surplus, la décision attaquée méconnaît également le principe de protection de la confiance légitime, les trois conditions caractérisant une violation de ce principe étant en l’espèce réunies.

56      Premièrement, ainsi que cela est rappelé au point 40 ci-dessus, le requérant disposait dès le 12 septembre 2013 de sa demande de mise à la retraite anticipée, signée par l’ensemble des services compétents, y compris par l’AIPN, ainsi que d’un courriel de M. S., daté du même jour, démontrant que cette demande avait été acceptée.

57      Deuxièmement, le requérant pouvait légitimement comprendre l’acceptation de sa demande comme une décision d’autorisation définitive à bénéficier d’une mise à la retraite anticipée à compter du 1er septembre 2015.

58      Troisièmement, les assurances données au requérant étaient conformes aux dispositions du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014, alors en vigueur, puisqu’elles découlaient de la mise en œuvre des dispositions de l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut dans sa version antérieure au 1er janvier 2014 dont il a été démontré que le requérant pouvait se prévaloir (voir point 42 ci-dessus). À cet égard, s’il est exact que le requérant pouvait avoir connaissance de la procédure de réforme du statut lorsqu’il a présenté sa demande de mise à la retraite anticipée, la nouvelle version du statut n’étant pas encore en vigueur à cette date, en particulier les nouvelles dispositions en matière de retraite, il n’est pas démontré, ainsi que le Conseil l’a soutenu à l’audience en se référant à l’arrêt du 12 mai 2010, Bui Van/Commission (T‑491/08 P, EU:T:2010:191, points 44 et suivants), que l’acceptation de ladite demande aurait été adoptée en méconnaissance évidente des règles de droit applicables amenant le requérant à se rendre compte d’une erreur.

59      Partant, il y a lieu d’accueillir les premier et troisième moyens au soutien du chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux autres moyens soulevés au soutien de ce même chef de conclusions, et d’annuler ladite décision.

 Sur la demande indemnitaire

60      Le requérant expose que les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union sont réunies au regard du caractère illégal de la décision attaquée. Compte tenu de la confiance totale qu’il nourrissait dans l’aboutissement de sa demande de mise à la retraite anticipée, le requérant aurait procédé à divers aménagements qui auraient été contrariés par le rejet de sa demande, ce qui lui aurait causé un important préjudice, tant matériel que moral.

61      Le requérant énonce cinq chefs de préjudice matériel au titre desquels il sollicite la condamnation de l’Union, pour un montant total de 70 353,96 euros, sous réserve d’une augmentation ou d’une diminution en cours d’instance.

62      Premièrement, le requérant expose qu’il a entrepris le transfert de ses droits à pension acquis en Italie vers le régime de pension des institutions de l’Union, mais que, compte tenu de l’intervention de la décision attaquée, il ne peut même plus envisager de prendre provisoirement une retraite sans traitement du Conseil et de bénéficier, dans l’attente de ses 58 ans, de ses droits à pension acquis en Italie. Le transfert des droits en question aurait déjà été réalisé en partie et serait également en cours pour d’autres droits relatifs à plusieurs années de cotisation en Italie. Le montant de ce chef de préjudice s’élèverait à 3 002,71 euros. Il correspondrait au transfert des droits à pension acquis en Italie et déjà transférés au secrétariat général du Conseil.

63      Deuxièmement, le requérant expose que, en prévision de son retour en Italie où il souhaitait s’établir après son départ à la retraite, il a procédé à la vente d’un appartement situé à Gavirate (Italie) dans des conditions de marché peu propices qu’il n’aurait pas acceptées sans la certitude de son départ. Le produit de cette vente était destiné à financer la rénovation d’un appartement situé également en Italie dont il avait hérité et où il souhaitait emménager rapidement après son départ à la retraite. Le requérant explique qu’il a conclu temporairement des contrats de bail portant à la fois sur une petite maison d’habitation, moyennant un loyer mensuel de 900 euros, et sur un garage, moyennant un loyer annuel de 1 200 euros, afin notamment d’y stocker les meubles et les effets familiaux provenant tant de Gavirate que de Bruxelles (Belgique). Il n’aurait pas conclu de tels contrats sans la certitude de sa mise à la retraite anticipée. Or, il explique qu’il a dû poursuivre l’exécution de ces contrats, respectivement pour des durées d’un an et de six mois, compte tenu de la situation incertaine dans laquelle il se trouvait. Le préjudice afférent s’élèverait à 23 400 euros, soit deux années de location de la maison d’habitation et 18 mois de location du garage, sous réserve d’une augmentation en cours de procédure.

64      Troisièmement, le requérant, qui aurait résilié le bail de l’appartement qu’il occupait à Bruxelles, aurait été contraint d’emménager dans un nouvel appartement en concluant un bail d’habitation en vigueur jusqu’au 1er septembre 2020, moyennant un loyer mensuel de 730 euros, ce qui aurait également entraîné des frais non prévus de déménagement et d’établissement d’état des lieux d’entrée pour la somme de 151,25 euros. Le préjudice résultant de la location d’un nouvel appartement à Bruxelles s’élèverait à 43 800 euros, sous réserve d’une augmentation pour indexation annuelle.

65      Quatrièmement, étant certain de l’acceptation de sa demande de mise à la retraite anticipée, le requérant n’aurait pas sollicité le renouvellement de son statut « hors rôle » auprès de son précédent employeur, la Regione Siciliana (région de Sicile, Italie), qui lui avait été retiré le 20 mai 2013 et qui lui aurait permis d’occuper un emploi en Italie dans l’attente du versement de sa pension de retraite de fonctionnaire de l’Union. Il ne peut ainsi envisager un retour en Italie qu’en étant dépourvu de ressources financières.

66      Cinquièmement, au cours de sa période d’activité à temps partiel de 2004 à mai 2014, le requérant expose qu’il a cotisé au régime de pension de l’Union selon le barème d’un taux plein, et ce dans la perspective de sa mise à la retraite anticipée. Il se serait ainsi privé d’une part importante de son traitement mensuel pendant la période en cause.

67      S’agissant du préjudice moral, le requérant l’évalue à 15 000 euros sous réserve d’une augmentation ou d’une diminution en cours d’instance. Premièrement, l’incertitude créée par la décision attaquée entre novembre 2014 et juin 2015 s’agissant de la possibilité de partir à la retraite de manière anticipée aurait entraîné chez lui un état de stress et des souffrances morales importantes. Il aurait été affecté par des troubles du sommeil, une perte de concentration, une perte de motivation et d’intérêt pour son travail ainsi que par une forte dépression personnelle et relationnelle. Deuxièmement, le fait de ne pouvoir retourner en Italie au 1er septembre 2015 qu’en étant dépourvu de ressources financières entraînerait chez le requérant un sentiment de frustration et un découragement certain. Troisièmement, la décision attaquée aurait entraîné un certain nombre de répercussions familiales, notamment la remise en cause du projet de cohabitation, voire de mariage, avec la femme avec laquelle le requérant entretenait une relation depuis quelques années ainsi qu’une entrave dans le choix du lieu de poursuite des études supérieures de sa fille en Italie.

68      Le Conseil rétorque que la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union, en l’occurrence l’illégalité du comportement ou de la décision de l’administration, n’est pas remplie. Il conteste également, à titre subsidiaire, la réalité des chefs de préjudice invoqués de même que l’existence d’un lien de causalité avec l’illégalité alléguée.

69      Le Conseil expose que les dommages allégués par le requérant trouvent leur origine dans un manque flagrant de diligence de la part de ce dernier, de sorte que la condition du lien de causalité avec le comportement reproché à l’administration n’est pas remplie. En effet, dans le contexte, connu du requérant, de négociation d’un accord politique au sujet de la réforme du statut, avec l’entrée en vigueur de nouvelles règles le 1er janvier 2014, un fonctionnaire normalement diligent aurait dû à tout le moins s’assurer que ce qu’il avait compris comme étant une décision définitive en était bien une et vérifier dans quelle mesure l’entrée en vigueur d’une nouvelle version du statut le 1er janvier 2014 allait affecter sa demande de départ à la retraite avant d’entamer des démarches pour organiser ladite retraite.

70      Premièrement, s’agissant du préjudice matériel allégué, le Conseil fait valoir qu’il n’y a pas de lien entre la décision attaquée et le choix du requérant de faire procéder au transfert de ses droits à retraite nationaux, puisqu’un tel transfert peut intervenir à tout moment. En outre, les montants transférés ne constituent pas un dommage pour le fonctionnaire concerné, puisqu’ils donnent lieu à une bonification d’annuités de pension dans le régime de pension de l’Union.

71      Deuxièmement, le Conseil expose que la vente d’un appartement en Italie pour disposer de fonds afin de rénover un autre appartement de même que la prise à bail d’un appartement et d’un garage, également en Italie, relèvent de choix personnels du requérant, mais ne présentent pas de lien de causalité avec la décision attaquée.

72      Troisièmement, le déménagement du requérant à Bruxelles dans un nouvel appartement lui aurait permis de faire des économies, puisque le nouveau loyer mensuel (730 euros) est moins élevé que le précédent (1 034,67 euros), lui permettant de ne payer sur la période du 1er septembre 2015 au 1er septembre 2020 qu’une somme totale de 43 800 euros, contre 62 080,20 euros s’il était resté dans son ancien appartement. Au demeurant, les honoraires de 151,25 euros pour l’établissement d’un état des lieux d’entrée seraient largement compensés par l’économie globale réalisée.

73      Quatrièmement, s’agissant du préjudice prétendument subi du fait que le requérant n’a pas sollicité le renouvellement de son statut d’agent « hors rôle » auprès de son précédent employeur, le Conseil fait valoir qu’il ne peut répondre utilement sur ce point, car la pièce justificative produite (annexe 12 de la requête) est en italien et n’a pas été traduite en langue de procédure. En tout état de cause, la décision de la région de Sicile date du 20 mai 2013 et est donc antérieure au 11 juillet 2013, date à laquelle le requérant a introduit sa demande de mise à la retraite anticipée, de sorte qu’il n’existerait aucun lien de causalité avec la décision attaquée. Enfin, le requérant n’aurait pas chiffré le préjudice prétendument subi à ce titre.

74      Cinquièmement, en ce qui concerne les versements majorés du requérant au régime de pension de l’Union, il n’existe selon le Conseil aucun préjudice ni lien de causalité avec la décision attaquée. En effet, les contributions en cause ne seraient pas perdues, mais augmenteraient les droits à pension pour l’avenir. En outre, le requérant aurait choisi dès 2004 de procéder à ces versements majorés, alors que la décision attaquée a été adoptée le 12 novembre 2014 de sorte qu’elle serait sans aucun rapport avec le choix du requérant.

75      S’agissant du préjudice moral allégué, le Conseil fait observer que, s’il ne lui appartient pas de mettre en cause la réalité des symptômes médicaux dont souffre le requérant, il n’est toutefois pas possible d’établir avec certitude, sur la base des certificats médicaux produits qui reposent nécessairement sur les propres indications du requérant, que la décision attaquée est la seule raison, ou du moins la raison principale, des troubles de santé allégués.

76      Le Conseil fait également valoir qu’il ne peut être tenu responsable de la frustration d’un fonctionnaire liée à l’échec de ses projets privés et que, au surplus, seul le dommage personnel est indemnisable et pas celui des membres de sa famille ou de ses proches.

77      Par conséquent, la demande de réparation du préjudice moral allégué, évalué à 15 000 euros, devrait être rejetée ou, subsidiairement, être fixée ex æquo et bono à une somme inférieure à celle réclamée.

78      Il convient de rappeler qu’il a été jugé que les recours visant à la réparation d’un dommage causé par une institution à un fonctionnaire ou à un agent, introduits sur le fondement de l’article 270 TFUE et des articles 90 et 91 du statut, obéissent à des règles particulières et spéciales par rapport à celles découlant des principes généraux régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union dans le cadre de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. En effet, il ressort dudit statut que, à la différence de tout autre particulier, le fonctionnaire ou l’agent de l’Union est lié à l’institution dont il dépend par une relation d’emploi comportant un équilibre de droits et d’obligations réciproques spécifiques, lequel est reflété par le devoir de sollicitude de l’institution à l’égard de l’intéressé. Il s’ensuit que, lorsqu’elle agit en tant qu’employeur, l’Union est soumise à une responsabilité accrue se manifestant par l’obligation de réparer les dommages causés à son personnel par toute illégalité commise en sa qualité d’employeur sans qu’il soit nécessaire, pour établir la responsabilité non contractuelle d’une institution dans le contentieux de la fonction publique de l’Union, de démontrer l’existence d’une « violation suffisamment caractérisée » ou d’une « méconnaissance manifeste et grave » par l’institution des limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, point 98 et jurisprudence citée).

79      Selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir arrêt du 14 juillet 2011, Petrilli/Commission, F‑98/07, EU:F:2011:119, point 28 et jurisprudence citée).

80      C’est à la lumière de ces principes que la demande indemnitaire du requérant doit être examinée.

81      S’agissant de l’illégalité ou de la faute imputable au Conseil, il convient de rappeler que la décision attaquée doit être annulée en ce que le Conseil l’a adoptée en méconnaissance des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, l’ayant amené à tort à remettre en cause un droit acquis du requérant.

82      Or, si, comme le fait valoir en substance le Conseil, la décision attaquée a été adoptée dans un contexte où régnait une certaine incertitude juridique liée tant aux négociations institutionnelles relatives à l’adoption d’une nouvelle version du statut qu’à l’entrée en vigueur de celle-ci au 1er janvier 2014, il n’en demeure pas moins que, au titre de son devoir de sollicitude, le Conseil aurait dû, en sa qualité d’employeur du requérant, porter une attention particulière au fait qu’il était susceptible d’avoir, en réponse à la demande de mise à la retraite anticipée formée par ce dernier, fourni des assurances précises et concordantes de nature à arrêter une position définitive d’accord à l’égard de la demande en cause.

83      Il y a également lieu de relever que plus d’une année s’est écoulée entre le 12 septembre 2013, date à laquelle le requérant était en droit de considérer que sa demande avait été acceptée, et le 12 novembre 2014, date à laquelle le Conseil a adopté la décision attaquée. Le requérant a pu légitimement estimer, pendant ce laps de temps important, que sa situation administrative était en règle et qu’il pouvait mettre en œuvre un certain nombre de dispositions afin d’organiser sa mise à la retraite anticipée. Il s’ensuit que le Conseil l’avait ainsi placé dans une situation de certitude et de confiance légitime et que, en adoptant la décision attaquée, le Conseil a modifié cette situation et a plongé le requérant dans un état d’inquiétude et d’incertitude.

84      Dans ces conditions, l’annulation de la décision attaquée n’apparaît pas suffisante pour réparer le préjudice moral subi par le requérant.

85      Il y a donc lieu d’examiner les chefs de préjudice, tant matériel que moral, invoqués par le requérant afin de procéder à une juste indemnisation de son dommage.

86      En ce qui concerne le préjudice allégué lié au transfert des droits à pension du requérant acquis en Italie, il y a lieu de relever, ainsi que le fait valoir le Conseil, que cela n’a pas entraîné de perte, mais, ainsi que cela résulte des pièces produites aux annexes 6 et 7 de la requête, une bonification des droits à pension dans le régime de l’Union. Certes, le requérant a perdu en conséquence la possibilité de percevoir la pension correspondante en Italie, mais il a bonifié ses droits dans un autre régime, selon des modalités de valorisation qui ont été préalablement portées à sa connaissance. Dans ces conditions, ce chef de demande ne saurait être assimilé à un préjudice et doit être écarté.

87      En ce qui concerne le chef de préjudice allégué lié à la vente dans des conditions de marché peu propices d’un appartement situé à Gavirate, il n’est pas chiffré et aucun élément de preuve ne permet de l’évaluer. Il y a donc lieu de le rejeter. S’agissant du préjudice lié à la prise à bail d’un appartement et d’un garage en Italie, le lien de causalité avec l’adoption de la décision attaquée n’apparaît pas clairement établi, de sorte qu’il ne peut être fait droit à la demande d’indemnisation à ce titre. En effet, le requérant indique sans plus de précisions qu’il s’agissait notamment de stocker des meubles et des effets familiaux provenant tant de Gavirate que de Bruxelles. Or, outre qu’il n’est pas établi dans quelle mesure lesdits meubles et effets provenaient soit de Gavirate soit de Bruxelles, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, que la décision de vendre l’appartement de Gavirate de même que celle de conclure un bail portant sur un appartement et un garage situés en Italie relevaient d’un choix personnel du requérant, en particulier dans l’organisation de son patrimoine immobilier en Italie.

88      S’agissant de la prise à bail d’un nouvel appartement à Bruxelles à compter du 1er septembre 2015, il y a lieu de constater que le requérant n’a produit ni contrat de bail ni décompte, de sorte que sa demande indemnitaire à ce titre n’est pas étayée et ne peut qu’être rejetée. Par conséquent, le préjudice allégué lié à l’établissement d’un état des lieux d’entrée, en l’absence de toute précision sur l’emménagement dans un nouvel appartement à Bruxelles, ne peut pas davantage être pris en compte en tant que chef de demande indemnitaire.

89      En ce qui concerne le préjudice allégué lié au fait que le requérant n’aurait pas sollicité le renouvellement de son statut d’agent « hors rôle » auprès de son précédent employeur, il y a lieu de constater que la décision de la région de Sicile, produite en italien à l’annexe 12 de la requête, porte la date du 20 mai 2013. Ainsi que le fait observer le Conseil, elle est antérieure au 11 juillet 2013, date à laquelle la demande de mise à la retraite anticipée a été introduite, de sorte qu’il n’existe pas de lien de causalité avec la décision attaquée. Ce chef de demande indemnitaire ne peut donc qu’être rejeté.

90      S’agissant du préjudice matériel lié au fait que, de 2004 à mai 2014, le requérant aurait cotisé à taux plein au régime de pension de l’Union alors qu’il exerçait une activité à temps partiel, il y a lieu de relever qu’il s’agit d’un choix que le requérant a effectué longtemps avant l’adoption de la décision attaquée et qui ne présente donc pas de lien avec cette dernière et que, au surplus, il n’en est pas résulté une perte, mais une majoration de ses droits à pension pour l’avenir. Ce chef de demande indemnitaire ne peut donc qu’être rejeté.

91      En ce qui concerne le préjudice moral allégué, il y a lieu de constater que le requérant produit à l’annexe 13 de la requête plusieurs certificats médicaux qui ont été établis à Bruxelles, à Gavirate et à Palerme (Italie) entre les mois de février et de septembre 2015. Ces certificats comportent des constatations relatives à l’état de santé du requérant qui reposent certes sur les déclarations de ce dernier en tant que patient, mais qui n’en émanent pas moins de trois médecins différents dont l’activité respecte une déontologie professionnelle de sorte qu’il y a lieu de leur accorder un certain crédit.

92      Le certificat médical établi à Bruxelles le 10 février 2015 par le docteur S. mentionne que « [l]’état de santé [du requérant] est gravement perturbé par les troubles liés au contentieux de sa mise à la retraite prévue normalement pour le 31 août 2015 [et que c]ette situation déplorable provoque une anxiété sévère ». Il conclut en constatant que « [l]e patient présente des troubles du sommeil avec [des] difficultés de concentration le jour ainsi qu’un état dépressif entraînant une démotivation et une perte d’intérêt au travail ».

93      Les certificats médicaux établis ultérieurement à Palerme le 21 avril 2015 par le docteur F. et à Gavirate le 5 juin et le 5 août 2015 par le docteur A. viennent confirmer la persistance d’un état d’anxiété lié à la situation professionnelle du requérant.

94      Au regard de ces constatations de nature médicale, il y a lieu de considérer que le requérant a démontré l’existence d’un préjudice moral consistant en des troubles affectant sa santé, en relation avec l’adoption de la décision attaquée par l’administration.

95      En revanche, le surplus du préjudice moral allégué par le requérant, en relation en particulier avec des répercussions de nature familiale, ne saurait donner lieu à indemnisation dans la mesure où, d’une part, il n’est étayé par aucun élément probant et, d’autre part, il ne présente à l’évidence pas le caractère d’un préjudice de nature personnelle.

96      Eu égard à l’ensemble des circonstances qui précèdent, il y a lieu de constater que le requérant a subi un préjudice moral certain et directement imputable au comportement du Conseil. Par conséquent, à titre de réparation du dommage moral, il convient de fixer le montant de l’indemnisation qu’il y a lieu d’allouer au requérant du fait de l’illégalité commise par le Conseil, ex æquo et bono, à 5 000 euros.

97      Le requérant a demandé que la somme allouée en réparation de son préjudice soit assortie d’intérêts moratoires à compter du jour de la réclamation du 12 février 2015. Il y a lieu d’accueillir cette demande, non à compter du jour de la réclamation du 12 février 2015, mais à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement [voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission, T‑401/11 P RENV‑RX, EU:T:2017:874, point 215 (non publié)]. Par ailleurs, le taux de ces intérêts moratoires sera celui fixé par la BCE pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage.

 Sur les dépens

98      Selon l’article 133 du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 219 dudit règlement, applicable par analogie à la présente procédure de renvoi, il appartient au Tribunal de statuer sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées au titre de l’article 270 TFUE devant le Tribunal de la fonction publique et devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant lui, au titre des articles 9 à 12 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Enfin, conformément à l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

99      En l’espèce, le Tribunal, dans l’arrêt sur pourvoi, a annulé l’ordonnance initiale et réservé les dépens. Il convient donc de statuer, dans le présent arrêt, sur les dépens afférents à la procédure initiale devant le Tribunal de la fonction publique, à la procédure de pourvoi devant le Tribunal et à la présente procédure de renvoi.

100    Le Conseil ayant succombé tant dans le cadre de la procédure de pourvoi que dans le cadre de la procédure de renvoi, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés dans ces procédures tant par lui-même que par le requérant, conformément aux conclusions de ce dernier. Quant aux dépens exposés dans le cadre de la procédure initiale devant le Tribunal de la fonction publique, dans la mesure où le Conseil aurait dû être la partie ayant succombé dans ladite procédure, il doit également être condamné aux dépens afférents qui ont été exposés tant par lui-même que par le requérant, conformément aux conclusions de ce dernier.

101    Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. À ce titre, le Parlement supportera, outre ses propres dépens dans la présente procédure, ceux qu’il a exposés dans la procédure initiale devant le Tribunal de la fonction publique et dans la procédure de pourvoi.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Conseil de l’Union européenne du 12 novembre 2014 portant retrait de la décision antérieure du Conseil validant la demande de retraite anticipée du 11 juillet 2013 de M. Sergio Siragusa est annulée.

2)      Le Conseil est condamné à payer à M. Siragusa la somme de 5 000 euros, majorée d’intérêts moratoires, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage.

3)      La demande indemnitaire est rejetée pour le surplus.

4)      Le Conseil est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Siragusa, y compris ceux afférents à l’affaire F‑124/15 et à l’affaire T‑678/16 P.

5)      Le Parlement européen supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à l’affaire F‑124/15 et à l’affaire T‑678/16 P.

Buttigieg

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juin 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

H. Kanninen


*      Langue de procédure : le français.