Language of document : ECLI:EU:C:1999:22

ARRÊT DE LA COUR

26 janvier 1999(1)

«Libre circulation des travailleurs — Imposition combinée comprenant l'impôt sur le revenu et les cotisations d'assurances sociales — Non-application aux travailleurs qui transfèrent leur résidence d'un État membre à l'autre d'un plafond de cotisations sociales applicable aux travailleurs n'ayant pas exercé leur droit de libre circulation — Compensation éventuelle par des avantages en matière d'impôt sur le revenu — Incompatibilité éventuelle avec le droit communautaire — Conséquences»

Dans l'affaire C-18/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

F. C. Terhoeve

et

Inspecteur van de Belastingdienst Particulieren/Ondernemingen buitenland,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 7 et 48 du traité CEE et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),

LA COUR,

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président des quatrième et sixième chambres, faisant fonction de président, G. Hirsch et P. Jann, présidents de chambre, G. F. Mancini (rapporteur), J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, L. Sevón, M. Wathelet, R. Schintgen et K. M. Ioannou, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,


greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

—    pour M. Terhoeve, par MM. F. W. van Eig et S. Feenstra, conseillers fiscaux chez Moret Ernst & Young,

—    pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

—    pour la Commission des Communautés européennes, par M. B. J. Drijber et Mme I. Martínez del Peral Cagigal, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Terhoeve, représenté par M. S. Feenstra, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. Fierstra, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. P. J. Kuijper, conseiller juridique, en qualité d'agent, à l'audience du 17 mars 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 30 avril 1998,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par ordonnance du 30 décembre 1994, parvenue à la Cour le 23 janvier 1995, le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch a posé, en application de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 7 et 48 du traité CEE et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).

2.
    Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Terhoeve à l'inspecteur van de Belastingdienst Particulieren/Ondernemingen buitenland (inspecteur du service des contributions particuliers/entreprises étranger, ci-après l'«inspecteur») au sujet de l'imposition combinée, comprenant l'impôt sur le revenu et les cotisations d'assurances sociales, pour l'année 1990.

Le droit national

3.
    Le droit néerlandais — en particulier, l'algemene ouderdomswet (loi portant régime général en matière d'assurance vieillesse), l'algemene weduwen- en wezenwet (loi portant régime général des veuves et orphelins), l'algemene arbeidsongeschiktheidswet (loi portant régime général en matière d'incapacité de travail) et l'algemene wet bijzondere ziektekosten (loi portant régime général des frais exceptionnels de maladie) — prévoit des régimes d'assurance obligatoire qui s'appliquent en principe à toutes les personnes résidant aux Pays-Bas.

4.
    La perception des cotisations d'assurances sociales est étroitement liée à celle de l'impôt sur le salaire et sur le revenu. Jusqu'en 1990, deux prélèvements séparés étaient appliqués sur le revenu imposable aux fins de l'impôt sur le revenu, l'un pour la perception des cotisations d'assurances sociales et l'autre pour la perception de l'impôt sur le revenu proprement dit. Pour éviter qu'une disproportion ne se crée entre les cotisations payées et les prestations qui pouvaient être escomptées sur la base des assurances sociales, les dispositions applicables à ces dernières prévoyaient que les cotisations n'étaient pas perçues dans la mesure où le revenu dépassait une limite déterminée. En outre, il était prévu que le revenu maximal aux fins du calcul des cotisations devait être réduit au prorata lorsque l'intéressé n'avait été redevable de cotisations que pendant une partie de l'année.

5.
    Lorsqu'une personne réside aux Pays-Bas pendant une partie d'une année civile et à l'étranger pendant une autre et qu'elle jouit, pendant ces deux périodes, de revenus imposables aux Pays-Bas, une situation particulière se présente.

6.
    Jusqu'en 1990, la loi ne réglait pas la question de savoir s'il fallait appliquer à un tel contribuable une ou deux impositions sur le revenu de l'année civile. Dans la pratique, deux impositions étaient appliquées aux fins de la perception de l'impôt sur le revenu: l'une portait sur la période pendant laquelle le contribuable était résident, l'autre sur la période pendant laquelle il était non-résident. En revanche, les cotisations sociales faisaient l'objet d'une seule et même perception.

7.
    En 1990, la législation dite «Oort», visant à simplifier le système national de perception des impôts sur le revenu et des cotisations d'assurance sociale, est entrée en vigueur aux Pays-Bas. Depuis lors, ces différents prélèvements sont perçus de manière combinée et font l'objet d'un seul avis d'imposition, tant pour les contribuables résidents que pour les non-résidents.

8.
    L'article 62 de la wet op de inkomstenbelasting (loi néerlandaise sur l'impôt sur le revenu, ci-après la «WIB») précise désormais que, lorsqu'un contribuable est redevable d'impôts pendant une année civile tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger, l'impôt sur le revenu étranger et l'impôt sur le revenu néerlandais sont perçus séparément. Si le contribuable est également redevable de cotisations d'assurances sociales, les règles concernant la perception et le recouvrement de l'impôt sur le revenu s'appliquent mutatis mutandis.

9.
    La perception des cotisations d'assurances sociales aux Pays-Bas est régie par la wet financiering volksverzekering (loi sur le financement de la sécurité sociale, ci-après la «WFV»). En vertu de l'article 8 de la WFV, le revenu pris en compte aux fins du calcul des cotisations est égal au revenu imposable ou au revenu imposable de résident au sens de la WIB. Toutefois, étant donné que les prestations auxquelles le contribuable a droit au titre des assurances sociales n'ont pas de rapport avec le montant des cotisations versées, l'article 10, paragraphe 6, de la WFV précise que ces dernières ne sont perçues que sur un montant correspondant à la première tranche de l'impôt sur le revenu et ne dépassent donc pas, en principe, un niveau déterminé (ci-après le «plafond»).

10.
    L'article 8, précité, ne fournit pas de base juridique aux fins de la perception des cotisations lorsqu'une personne obligatoirement assurée jouit de revenus qui ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu des résidents. Toutefois, conformément à l'article 6 de l'uitvoeringsregeling premieheffing volksverzekeringen (arrêté d'exécution en matière de cotisations d'assurances sociales), les personnes assurées au titre d'activités dont le produit n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu sont considérées, aux fins de l'application de l'article 8 de la WFV, comme assujetties à l'impôt sur le revenu pour ce produit également. Pour ces personnes, les revenus nets provenant des activités au titre desquelles elles sont assurées sont, aux fins de l'application de l'article 8 de la WFV, comptabilisées dans le revenu imposable de résident pour l'impôt sur le revenu.

11.
    Il s'ensuit que, si une personne a été assujettie au cours de la même année à l'impôt des résidents et à l'impôt des non-résidents, elle se voit notifier deux avis d'imposition combinée. Toutefois, pour les contribuables qui restent soumis au régime obligatoire des assurances sociales pendant toute l'année, chacun de ces deux avis d'imposition reprend l'assiette maximale sur laquelle les cotisations d'assurances sociales peuvent être perçues. Selon les circonstances de l'espèce, ce régime peut avoir pour conséquence que les cotisations dont l'intéressé est redevable dépassent le plafond calculé sur un montant correspondant à la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Dans certains cas, ce désavantage peut être compensé, voire plus que compensé, par d'autres avantages tenant à la circonstance que le revenu de chaque période est soumis à l'impôt sur le revenu séparément, ce qui peut conduire à l'application de taux d'imposition moins élevés.

Le litige au principal

12.
    Du 1er janvier au 6 novembre 1990, M. Terhoeve, ressortissant néerlandais, résidait et travaillait au Royaume-Uni parce que son employeur, établi aux Pays-Bas, l'y avait détaché. Pendant cette période, en vertu de la loi néerlandaise, il était considéré comme un contribuable non-résident aux fins de la perception de l'impôt sur le revenu. Par conséquent, les revenus qu'il a acquis par ses activités au Royaume-Uni pendant ces quelques mois n'ont pas été soumis à l'impôt néerlandais sur le revenu. En revanche, M. Terhoeve a continué à être assuré au titre du régime obligatoire néerlandais de sécurité sociale.

13.
    Le 7 novembre 1990, l'intéressé a transféré sa résidence aux Pays-Bas et, jusqu'à la fin de cette année, a eu dans cet État la qualité de contribuable résident aux fins de la perception de l'impôt sur le revenu. Lors de l'audience devant la juridiction nationale, M. Terhoeve a déclaré, sans être contredit, qu'il n'avait pas acquis l'essentiel de son revenu dans un seul État membre pendant l'année 1990.

14.
    Le 29 avril 1992, l'inspecteur a appliqué à l'intéressé, pour la période pendant laquelle il était contribuable résident, une imposition combinée incluant l'impôt sur le revenu et les cotisations d'assurances sociales. Cette imposition a été calculée sur la base d'un revenu imposable de 15 658 HFL et comprenait un montant de 1 441 HFL au titre de cotisations d'assurances sociales, calculé sur une assiette de 6 522 HFL. L'intéressé a retiré la réclamation qu'il avait formée dans un premier temps contre cette imposition, laquelle est ainsi devenue inattaquable.

15.
    Le 30 juin 1992, l'inspecteur a appliqué à l'intéressé, pour la période pendant laquelle il était contribuable non-résident, une autre imposition combinée, comprenant, d'une part, l'impôt sur le revenu, calculé sur un revenu de résident de 16 201 HFL provenant d'une activité salariée exercée aux Pays-Bas et d'immeubles situés dans le même État et, d'autre part, des cotisations d'assurances sociales calculées sur la base d'une assiette de 98 201 HFL et s'élevant à 9 309 HFL, qui correspondaient au montant maximal visé à l'article 10, paragraphe 6, de la WFV.

16.
    L'inspecteur est parvenu à ce montant de cotisations parce qu'il a notamment tenu compte des revenus — non soumis à l'impôt néerlandais sur le revenu — que M.Terhoeve avait acquis en 1990 par son activité salariée au Royaume-Uni.

17.
    Il résulte de ce qui précède que les cotisations d'assurances sociales réclamées à M. Terhoeve dans les deux avis d'imposition s'élevaient à 10 750 HFL (soit 1 441 HFL pour la période où il avait la qualité de résident et 9 309 HFL pour la période où il avait la qualité de non-résident). En revanche, conformément aux dispositions néerlandaises applicables, un contribuable qui aurait eu la qualité de résident ou de non-résident durant l'année entière n'aurait versé des cotisations d'assurances sociales qu'à concurrence du plafond de 9 309 HFL.

18.
    Il est constant que le paiement d'une cotisation supérieure au plafond n'entraîne pas de droit à des prestations supplémentaires, puisque les prestations auxquelles

le contribuable a droit au titre des assurances sociales n'ont pas de rapport avec les montants versés au titre des cotisations. Par conséquent, M. Terhoeve a dû payer un montant supérieur au plafond maximal pour l'année 1990, mais il n'a pas acquis plus de droits que des personnes ayant versé des cotisations correspondant au plafond.

19.
    M. Terhoeve a d'abord introduit une réclamation contre le second avis d'imposition auprès de l'inspecteur, qui l'a rejetée.

20.
    Il a ensuite introduit un recours auprès du Gerechtshof te 's-Hertogenbosch, en alléguant notamment que la législation néerlandaise, qui prévoit deux impositions distinctes alors que le plafond prévu pour la perception des cotisations sociales n'est pas réduit en fonction de la période couverte, est incompatible avec l'article 48 du traité. Selon M. Terhoeve, s'agissant du calcul des cotisations d'assurances sociales pour la période allant du 1er janvier au 6 novembre 1990 inclus, on est en présence d'une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, en ce sens que les émigrants et les immigrants frappés d'une charge de cotisations plus lourde sont principalement des ressortissants des autres États membres.

21.
    Sans fournir de données plus précises pour étayer sa thèse, l'inspecteur a objecté devant la juridiction nationale que près de la moitié des contribuables non-résidents réels et fictifs étaient des ressortissants néerlandais, ce que l'intéressé ne s'est pas estimé en mesure de contredire de manière motivée.

22.
    Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, en vertu des règles de preuve néerlandaises applicables en matière fiscale, la thèse de M. Terhoeve doit par conséquent être rejetée.

23.
    En premier lieu, le juge national n'est pas certain que l'espèce au principal relève de l'article 48 du traité. En deuxième lieu, il se demande si le droit néerlandais de la preuve peut être appliqué sans restrictions ou si le droit communautaire impose certains principes ou règles en la matière. En troisième lieu, il s'interroge sur la portée des dispositions communautaires relatives à la libre circulation des travailleurs. Enfin, il se demande quelles seraient les conséquences à tirer au cas où les dispositions néerlandaises seraient incompatibles avec le droit communautaire.

24.
    Estimant qu'il était nécessaire d'interroger la Cour sur l'interprétation du droit communautaire, le Gerechtshof te 's Hertogenbosch a sursis à statuer pour lui poser les questions préjudicielles suivantes:

«1)    Les dispositions du droit communautaire en matière de libre circulation des travailleurs s'appliquent-elles à une personne qui possède la nationalité d'un État membre, transfère en cours d'année sa résidence d'un autre État membre dans celui dont elle est ressortissante et exerce pendant cette année une activité salariée successivement dans chacun de ces États

membres, et dont le revenu n'a par ailleurs pas été acquis pendant cette année en grande partie dans un seul des deux États membres?

2)    a)    Résulte-t-il des règles du droit communautaire, et en particulier des articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, que, lorsqu'on applique une législation qui défavorise les émigrants et les immigrants en ce qui concerne les cotisations d'assurances sociales, il faut présumer que ce traitement plus défavorable affecte principalement des ressortissants d'autres États?

    b)    En cas de réponse affirmative à la question sous a), s'agit-il alors d'une présomption réfragable ou irréfragable?

    c)    S'il s'agit d'une présomption réfragable, les possibilités de renversement de cette présomption sont-elles régies uniquement par les règles de procédure nationales, et en particulier par les règles de droit de la preuve de l'État membre concerné, ou le droit communautaire soumet-il également un tel renversement à des conditions?

    d)    Si le droit communautaire soumet le renversement de cette présomption à des conditions, quelle est alors la portée qui revient dans la présente affaire aux circonstances suivantes:

        —    l'administration défenderesse a affirmé que la catégorie — beaucoup plus large — des contribuables résidant à l'étranger était composée, pour près de la moitié, de ressortissants de son propre État, sans verser au dossier de la procédure les données sur lesquelles cette affirmation repose;

        —    l'intéressé, qui a invoqué une discrimination indirecte selon la nationalité, n'a pas contredit l'exactitude de cette affirmation de l'administration; et

        —    l'administration défenderesse est sensiblement mieux à même que l'intéressé de rassembler des données susceptibles de renverser éventuellement la présomption en question?

3)    Existe-t-il une règle de droit communautaire qui, indépendamment de la question de l'existence d'une discrimination (indirecte) selon la nationalité, s'oppose à ce qu'un État membre impose, pendant l'année du transfert de résidence, à un travailleur qui, au cours d'une année civile, transfère sa résidence de cet État membre dans un autre ou inversement, une charge de cotisations d'assurances sociales plus lourde qu'à un travailleur qui, dans des

circonstances par ailleurs identiques, conserve pendant toute cette année sa résidence dans un seul État membre?

4)    Si une charge de cotisations plus lourde, au sens de la question précédente, est en principe contraire à l'article 7 ou à l'article 48, paragraphe 2, du traité CEE, ou à toute autre règle de droit communautaire, cette mesure peut-elle alors être justifiée par une ou plusieurs des circonstances suivantes, examinées séparément ou de manière combinée:

    —    la mesure résulte d'une législation qui, dans un but de simplification de la perception, vise à faire coïncider à un haut degré, même si ce n'est pas de manière complète, la perception de l'impôt sur le revenu et des cotisations d'assurances sociales;

    —    les solutions qui, tout en conservant ce lien, s'opposent à cette charge de cotisations plus lourde, donnent lieu à des problèmes de technique d'exécution ou à une possibilité de compensation excessive;

    —    dans certaines situations, même si ce n'est pas le cas en l'espèce, la pression conjointe de l'impôt sur le revenu et des cotisations d'assurances sociales est moins élevée pour les immigrants et les émigrants pendant l'année du transfert de résidence que pour des personnes qui, dans des circonstances par ailleurs identiques, conservent toute l'année la même résidence?

5)    a)    Si une charge de cotisations plus lourde, au sens de la question 3, est contraire à l'article 7 ou à l'article 48, paragraphe 2, du traité CEE, ou à toute autre règle de droit communautaire, faut-il alors, pour apprécier si, dans un cas concret, on est effectivement en présence d'une charge plus lourde, tenir compte uniquement des revenus du travail, ou également d'autres revenus de l'intéressé, tels que des revenus immobiliers?

    b)    Si les revenus autres que la rémunération du travail doivent être laissés de côté, comment faut-il alors calculer si, et dans quelle mesure, les cotisations sur le revenu du travail entraînent un désavantage pour le travailleur migrant concerné?

6)    a)    S'il y a dans le cas présent une violation d'une règle de droit communautaire, la juridiction nationale est-elle alors tenue d'éliminer cette violation, même si cela nécessite un choix entre différentes options présentant chacune des avantages et des inconvénients?

    b)    Si la juridiction nationale élimine dans ce cas effectivement une violation du droit communautaire, ce dernier donne-t-il alors des

indications quant au choix qu'elle doit faire à cet effet entre les différentes solutions concevables?»

Sur la première question

25.
    Par sa première question, la juridiction nationale cherche, en substance, à savoir si l'article 48 du traité et l'article 7 du règlement n° 1612/68 peuvent être invoqués par un travailleur à l'encontre de l'État membre dont il est le ressortissant lorsqu'il a résidé et exercé une activité salariée dans un autre État membre.

26.
    A ce propos, il convient de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante, les règles du traité en matière de libre circulation des personnes et les actes pris en exécution de celles-ci ne peuvent être appliqués à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l'une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire et dont l'ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre (arrêts du 28 janvier 1992, Steen, C-332/90, Rec. p. I-341, point 9; du 16 janvier 1997, USSL n° 47 di Biella, C-134/95, Rec. p. I-195, point 19; du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet, C-64/96 et C-65/96, Rec. p. I-3171, point 16, et du 2 juillet 1998, Kapasakalis e.a., C-225/95 à C-227/95, non encore publié au Recueil, point 22).

27.
    Cependant, ainsi que la Cour l'a notamment indiqué dans l'arrêt du 23 février 1994, Scholz (C-419/92, Rec. p. I-505, point 9), tout ressortissant communautaire, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité professionnelle dans un autre État membre, relève du champ d'application des dispositions susmentionnées.

28.
    Il en découle que, en l'espèce au principal, même si M. Terhoeve, ressortissant néerlandais, souhaite se prévaloir des règles relatives à la libre circulation des travailleurs vis-à-vis des autorités néerlandaises, cela n'a pas d'incidence sur l'application desdites règles. En effet, l'intéressé se plaint précisément d'avoir été défavorisé du fait qu'il a exercé son activité dans un autre État membre.

29.
    Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 48 du traité et l'article 7 du règlement n° 1612/68 peuvent être invoqués par un travailleur à l'encontre de l'État membre dont il est le ressortissant lorsqu'il a résidé et exercé une activité salariée dans un autre État membre.

Sur les deuxième et troisième questions

30.
    Par ses deuxième et troisième questions, qu'il convient de traiter conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 7 et 48 du traité ou l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 s'opposent à ce qu'un État membre perçoive d'un travailleur ayant transféré en cours d'année sa résidence

d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée des cotisations d'assurances sociales plus lourdes que celles qui seraient dues, dans des circonstances analogues, par un travailleur qui aurait conservé pendant toute l'année sa résidence dans l'État membre en question, sans que le premier travailleur bénéficie au demeurant de prestations sociales supplémentaires. Pourle cas où la réponse à cette question dépendrait de l'existence d'une discrimination à l'encontre des travailleurs ressortissants d'autres États membres, ladite juridiction souhaite encore savoir si, en pareilles circonstances, une telle discrimination doit être présumée et, le cas échéant, si cette présomption peut être renversée et à quelles conditions.

31.
    A titre liminaire, il y a lieu de relever, d'une part, que, conformément à l'article 14, point 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa rédaction résultant du règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre au service d'une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d'un autre État membre afin d'y effectuer un travail pour le compte de celle-ci demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n'excède pas douze mois et qu'elle ne soit pas envoyée en remplacement d'une autre personne parvenue au terme de sa période de détachement.

32.
    Il en découle que, en ce qui concerne le régime de sécurité sociale, une personne se trouvant dans la situation de M. Terhoeve continue en principe de relever, pendant la période où elle exerce son activité au Royaume-Uni, de la législation néerlandaise.

33.
    D'autre part, il convient d'examiner l'argument avancé à l'audience par le gouvernement néerlandais. Après avoir rappelé que le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs régimes de sécurité sociale (arrêts du 7 février 1984, Duphar e.a., 238/82, Rec. p. 523; du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637; du 26 mars 1996, García e.a., C-238/94, Rec. p. I-1673, et du 17 juin 1997, Sodemare e.a., C-70/95, Rec. p. I-3395), ce gouvernement a fait valoir que les autorités nationales peuvent déterminer librement les modalités de financement de ces régimes.

34.
    Or, s'il est vrai que, en l'absence d'une harmonisation au niveau communautaire, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale, les États membres doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 28 avril 1998, Decker, C-120/95, Rec. p. I-1831, points 22 et 23, et Kohll, C-158/96, Rec. p. I-1931, points 18 et 19).

35.
    Par conséquent, le fait que la réglementation nationale en cause au principal concerne le financement de la sécurité sociale n'est pas de nature à exclure l'application des règles du traité et, notamment, de celles relatives à la libre circulation des travailleurs.

36.
    S'agissant de l'article 48 du traité, qu'il y a lieu d'examiner en premier lieu, la Cour a constaté à maintes reprises que cette disposition met en oeuvre un principe fondamental consacré par l'article 3, sous c), du traité CE, selon lequel, aux fins énoncées à l'article 2, l'action de la Communauté comporte l'abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes (voir, notamment, arrêts du 7 juillet 1976, Watson et Belmann, 118/75, Rec. p. 1185, point 16, et du 7 juillet 1992, Singh, C-370/90, Rec. p. I-4265, point 15).

37.
    La Cour a également considéré que l'ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur le territoire de la Communauté et s'opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre État membre (arrêts du 7 juillet 1988, Stanton, 143/87, Rec. p. 3877, point 13; Singh, précité, point 16, et du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 94).

38.
    Dans ce contexte, les ressortissants des États membres disposent en particulier du droit, qu'ils tirent directement du traité, de quitter leur État d'origine pour se rendre sur le territoire d'un autre État membre et y séjourner afin d'y exercer une activité économique (voir, notamment, arrêts du 5 février 1991, Roux, C-363/89, Rec. p. I-273, point 9; Singh, précité, point 17, et Bosman, précité, point 95).

39.
    Des dispositions qui empêchent ou dissuadent un ressortissant d'un État membre de quitter son État d'origine pour exercer son droit à la libre circulation constituent, dès lors, des entraves à cette liberté même si elles s'appliquent indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés (arrêts du 7 mars 1991, Masgio, C-10/90, Rec. p. I-1119, points 18 et 19, et Bosman, précité, point 96).

40.
    Or, le ressortissant d'un État membre pourrait être dissuadé de quitter l'État membre où il réside pour exercer une activité salariée, au sens du traité, sur le territoire d'un autre État membre s'il se voyait imposer le paiement de cotisations sociales plus lourdes que dans le cas où il garderait sa résidence dans le même État membre pendant toute l'année, sans pour autant bénéficier de prestations sociales supplémentaires, de nature à compenser ladite majoration.

41.
    Il s'ensuit qu'une législation nationale telle que celle en cause au principal constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs, interdite, en principe, par l'article 48 du traité. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de s'interroger sur l'existence

d'une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, susceptible d'être interdite par les articles 7 ou 48 du traité ou par l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, ni sur le régime des présomptions éventuellement applicables à cet égard.

42.
    Il y a donc lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l'article 48 du traité s'oppose à ce qu'un État membre perçoive d'un travailleur ayant transféré en cours d'année sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée des cotisations d'assurances sociales plus lourdes que celles qui seraient dues, dans des circonstances analogues, par un travailleur qui aurait conservé pendant toute l'année sa résidence dans l'État membre en question, sans que le premier travailleur bénéficie au demeurant de prestations sociales supplémentaires.

Sur la quatrième question

43.
    A la lumière de la réponse fournie aux questions qui précèdent, il y a lieu de considérer que, par sa quatrième question, la juridiction de renvoi vise à savoir si une charge de cotisations plus lourde frappant un travailleur qui transfère sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée, en principe contraire à l'article 48 du traité, peut être justifiée, en premier lieu, par le fait qu'elle découle d'une législation poursuivant un objectif de simplification et de coordination de la perception de l'impôt sur le revenu et des cotisations d'assurances sociales, en deuxième lieu, par des difficultés d'ordre technique liées à l'adoption d'autres modalités de perception, et, en troisième lieu, par la circonstance que, dans certaines situations, d'autres avantages tenant à l'impôt sur le revenu peuvent compenser, voire excéder, le désavantage concernant les cotisations sociales.

44.
    En ce qui concerne la première justification visée, il convient d'observer que les États membres restent en principe libres de régler les modalités de la perception des impôts et des cotisations de sécurité sociale et qu'ils peuvent certes poursuivre un objectif de simplification et de coordination de ces modalités. Cependant, aussi souhaitable que soit la poursuite de cet objectif, il ne saurait justifier qu'il soit porté atteinte aux droits que les particuliers tirent des dispositions du traité consacrant leurs libertés fondamentales.

45.
    Il en va de même pour la deuxième justification ainsi visée. En effet, des considérations d'ordre administratif ne sauraient justifier une dérogation, par un État membre, aux règles du droit communautaire. Ce principe s'applique d'autant plus lorsque la dérogation en cause revient à exclure ou à restreindre l'exercice d'une des libertés fondamentales du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne, 205/84, Rec. p. 3755, point 54).

46.
    En ce qui concerne la troisième des justifications évoquées par la juridiction nationale, il suffit de constater, à la lumière du dossier, qu'une personne se trouvant dans la situation de M. Terhoeve ne bénéficie d'aucun avantage relatif au

calcul de l'impôt sur le revenu. La circonstance que d'autres travailleurs ayant transféré leur résidence en cours d'année, placés dans d'autres situations, peuvent se trouver avantagés quant au calcul de l'impôt sur le revenu ne saurait ni effacer ni compenser l'entrave à la libre circulation précédemment décrite (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 1988, Roviello, 20/85, Rec. p. 2805).

47.
    Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question qu'une charge de cotisations plus lourde frappant un travailleur qui transfère sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée, en principe contraire à l'article 48 du traité, ne peut être justifiée ni par le fait qu'elle découle d'une législation poursuivant un objectif de simplification et de coordination de la perception de l'impôt sur le revenu et des cotisations d'assurances sociales, ni par des difficultés d'ordre technique faisant obstacle à d'autres modalités de perception, ni par la circonstance que, dans certaines situations, d'autres avantages tenant à l'impôt sur le revenu peuvent compenser, voire excéder, le désavantage concernant les cotisations sociales.

Sur la cinquième question

48.
    Par sa cinquième question, le juge national demande en substance si, pour apprécier si la charge des cotisations d'assurances sociales supportée par un travailleur ayant transféré sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée est plus lourde que celle supportée par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État membre, doivent être pris en considération les seuls revenus provenant d'une activité de travail salarié ou également d'autres revenus, tels ceux provenant d'immeubles.

49.
    Il convient d'observer, d'une part, que l'article 48 du traité ne s'applique qu'aux travailleurs salariés et à ceux qui se déplacent pour chercher un emploi. Ne relèvent donc pas comme telles de cette disposition les personnes qui tirent des revenus d'autres sources, et notamment de biens immobiliers.

50.
    Cependant, un individu qui relève du champ d'application personnel de l'article 48 peut invoquer cette disposition pour s'opposer à une législation nationale qui comporte une entrave à son droit de libre circulation, quel que soit le mécanisme qui est à l'origine de cette entrave.

51.
    D'autre part, en l'absence d'une harmonisation communautaire des législations nationales, il appartient en principe aux États membres de déterminer les revenus à prendre en compte pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

52.
    Toutefois, si la législation nationale détermine le niveau des cotisations de sécurité sociale en tenant compte non seulement des revenus du travail, mais également d'autres revenus, elle ne saurait aboutir par ce biais à pénaliser les travailleurs qui se déplacent, en cours d'année, pour exercer leur activité sur le territoire d'un autre

État membre par rapport à ceux qui gardent leur résidence dans le même État membre. Par conséquent, en pareille hypothèse, la nature des revenus pris encompte pour la détermination des cotisations de sécurité sociale n'a aucune pertinence en l'espèce au principal.

53.
    Il convient donc de répondre à la cinquième question que, pour apprécier si la charge des cotisations d'assurances sociales supportée par un travailleur ayant transféré sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée est plus lourde que celle supportée par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État membre, tous les revenus pertinents selon la législation nationale pour déterminer le montant des cotisations, y compris le cas échéant ceux provenant d'immeubles, doivent être pris en considération.

Sur la sixième question

54.
    Au vu des réponses apportées aux questions précédentes, la sixième question porte sur les conséquences qui s'attacheraient à la constatation, par la juridiction nationale, de l'incompatibilité de la législation nationale litigieuse avec l'article 48 du traité.

55.
    Ainsi que la Cour l'a dit pour droit dès l'arrêt du 4 décembre 1974, Van Duyn (41/74, Rec. p. 1337), l'article 48 du traité a un effet direct dans les ordres juridiques des États membres et confère aux particuliers des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder.

56.
    Il est également de jurisprudence constante que chaque juridiction nationale a l'obligation d'appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant au besoin inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale.

57.
    Par ailleurs, lorsque le droit national prévoit un traitement différencié entre plusieurs groupes de personnes, en violation du droit communautaire, les membres du groupe défavorisé doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les autres intéressés, régime qui, à défaut de l'application correcte du droit communautaire, reste le seul système de référence valable (voir, mutatis mutandis, arrêts du 4 décembre 1986, Federatie Nederlandse Vakbeweging, 71/85, Rec. p. 3855; du 24 mars 1987, McDermott et Cotter, 286/85, Rec. p. 1453; du 13 décembre 1989, Ruzius-Wilbrink, C-102/88, Rec. p. 4311; du 27 juin 1990, Kowalska, C-33/89, Rec. p. I-2591, et du 7 février 1991, Nimz, C-184/89, Rec. p. I-297).

58.
    Il s'ensuit que les cotisations de sécurité sociale dues par un travailleur qui transfère sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée doivent être fixées au même niveau que celles qui seraient dues par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État membre.

59.
    Il y a donc lieu de répondre à la sixième question que, au cas où la législation nationale litigieuse serait incompatible avec l'article 48 du traité, un travailleur qui transfère sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée a le droit de voir fixer ses cotisations d'assurances sociales au même niveau que celles qui seraient dues par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État membre.

Sur les dépens

60.
    Les frais exposés par le gouvernement néerlandais et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

statuant sur les questions à elle soumises par le Gerechtshof te 's Hertogenbosch, par ordonnance du 30 décembre 1994, dit pour droit:

1)    L'article 48 du traité CEE et l'article 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, peuvent être invoqués par un travailleur à l'encontre de l'État membre dont il est le ressortissant lorsqu'il a résidé et exercé une activité salariée dans un autre État membre.

2)    L'article 48 du traité s'oppose à ce qu'un État membre perçoive d'un travailleur ayant transféré en cours d'année sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée des cotisations d'assurances sociales plus lourdes que celles qui seraient dues, dans des circonstances analogues, par un travailleur qui aurait conservé pendant toute l'année sa résidence dans l'État membre en question, sans que le premier travailleur bénéficie au demeurant de prestations sociales supplémentaires.

3)    Une charge de cotisations plus lourde frappant un travailleur qui transfère sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée, en principe contraire à l'article 48 du traité, ne peut être justifiée ni par le fait qu'elle découle d'une législation poursuivant un objectif de simplification et de coordination de la perception de l'impôt sur le revenu et des cotisations d'assurances sociales, ni par des difficultés d'ordre

technique faisant obstacle à d'autres modalités de perception, ni par la circonstance que, dans certaines situations, d'autres avantages tenant à l'impôt sur le revenu peuvent compenser, voire excéder, le désavantage concernant les cotisations sociales.

4)    Pour apprécier si la charge des cotisations d'assurances sociales supportée par un travailleur ayant transféré sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée est plus lourde que celle supportée par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État membre, tous les revenus pertinents selon la législation nationale pour déterminer le montant des cotisations, y compris le cas échéant ceux provenant d'immeubles, doivent être pris en considération.

5)    Au cas où la législation nationale litigieuse serait incompatible avec l'article 48 du traité, un travailleur qui transfère sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée a le droit de voir fixer ses cotisations d'assurances sociales au même niveau que celles qui seraient dues par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État membre.

Kapteyn Hirsch Jann

Mancini Moitinho de Almeida Gulmann Murray

Sevón Wathelet Schintgen Ioannou

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 janvier 1999.

Le greffier

Le président

R. Grass

G.C. Rodríguez Iglesias


1: Langue de procédure: le néerlandais.