ARRÊT DE LA COUR
26 janvier 1999(1)
«Libre circulation des travailleurs Imposition combinée comprenant l'impôt
sur le revenu et les cotisations d'assurances sociales Non-application aux
travailleurs qui transfèrent leur résidence d'un État membre à l'autre d'un
plafond de cotisations sociales applicable aux travailleurs n'ayant pas exercé leur
droit de libre circulation Compensation éventuelle par des avantages en
matière d'impôt sur le revenu Incompatibilité éventuelle avec le droit
communautaire Conséquences»
Dans l'affaire C-18/95,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177
du traité CE, par le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch (Pays-Bas) et tendant à
obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
F. C. Terhoeve
et
Inspecteur van de Belastingdienst Particulieren/Ondernemingen buitenland,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 7 et 48 du traité CEE
et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15
octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la
Communauté (JO L 257, p. 2),
LA COUR,
composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président des quatrième et sixième chambres,
faisant fonction de président, G. Hirsch et P. Jann, présidents de chambre, G. F.
Mancini (rapporteur), J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, L.
Sevón, M. Wathelet, R. Schintgen et K. M. Ioannou, juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
pour M. Terhoeve, par MM. F. W. van Eig et S. Feenstra, conseillers
fiscaux chez Moret Ernst & Young,
pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au
ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,
pour la Commission des Communautés européennes, par M. B. J. Drijber
et Mme I. Martínez del Peral Cagigal, membres du service juridique, en
qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de M. Terhoeve, représenté par M. S.
Feenstra, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. Fierstra, conseiller
juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la
Commission, représentée par M. P. J. Kuijper, conseiller juridique, en qualité
d'agent, à l'audience du 17 mars 1998,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 30 avril 1998,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par ordonnance du 30 décembre 1994, parvenue à la Cour le 23 janvier 1995, le
Gerechtshof te 's-Hertogenbosch a posé, en application de l'article 177 du traité
CE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 7 et 48
du traité CEE et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du
Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur
de la Communauté (JO L 257, p. 2).
- 2.
- Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Terhoeve à
l'inspecteur van de Belastingdienst Particulieren/Ondernemingen buitenland
(inspecteur du service des contributions particuliers/entreprises étranger, ci-après
l'«inspecteur») au sujet de l'imposition combinée, comprenant l'impôt sur le revenu
et les cotisations d'assurances sociales, pour l'année 1990.
Le droit national
- 3.
- Le droit néerlandais en particulier, l'algemene ouderdomswet (loi portant régime
général en matière d'assurance vieillesse), l'algemene weduwen- en wezenwet (loi
portant régime général des veuves et orphelins), l'algemene
arbeidsongeschiktheidswet (loi portant régime général en matière d'incapacité de
travail) et l'algemene wet bijzondere ziektekosten (loi portant régime général des
frais exceptionnels de maladie) prévoit des régimes d'assurance obligatoire qui
s'appliquent en principe à toutes les personnes résidant aux Pays-Bas.
- 4.
- La perception des cotisations d'assurances sociales est étroitement liée à celle de
l'impôt sur le salaire et sur le revenu. Jusqu'en 1990, deux prélèvements séparés
étaient appliqués sur le revenu imposable aux fins de l'impôt sur le revenu, l'un
pour la perception des cotisations d'assurances sociales et l'autre pour la perception
de l'impôt sur le revenu proprement dit. Pour éviter qu'une disproportion ne se
crée entre les cotisations payées et les prestations qui pouvaient être escomptées
sur la base des assurances sociales, les dispositions applicables à ces dernières
prévoyaient que les cotisations n'étaient pas perçues dans la mesure où le revenu
dépassait une limite déterminée. En outre, il était prévu que le revenu maximal aux
fins du calcul des cotisations devait être réduit au prorata lorsque l'intéressé n'avait
été redevable de cotisations que pendant une partie de l'année.
- 5.
- Lorsqu'une personne réside aux Pays-Bas pendant une partie d'une année civile et
à l'étranger pendant une autre et qu'elle jouit, pendant ces deux périodes, de
revenus imposables aux Pays-Bas, une situation particulière se présente.
- 6.
- Jusqu'en 1990, la loi ne réglait pas la question de savoir s'il fallait appliquer à un
tel contribuable une ou deux impositions sur le revenu de l'année civile. Dans la
pratique, deux impositions étaient appliquées aux fins de la perception de l'impôt
sur le revenu: l'une portait sur la période pendant laquelle le contribuable était
résident, l'autre sur la période pendant laquelle il était non-résident. En revanche,
les cotisations sociales faisaient l'objet d'une seule et même perception.
- 7.
- En 1990, la législation dite «Oort», visant à simplifier le système national de
perception des impôts sur le revenu et des cotisations d'assurance sociale, est
entrée en vigueur aux Pays-Bas. Depuis lors, ces différents prélèvements sont
perçus de manière combinée et font l'objet d'un seul avis d'imposition, tant pour
les contribuables résidents que pour les non-résidents.
- 8.
- L'article 62 de la wet op de inkomstenbelasting (loi néerlandaise sur l'impôt sur le
revenu, ci-après la «WIB») précise désormais que, lorsqu'un contribuable est
redevable d'impôts pendant une année civile tant à l'intérieur du pays qu'à
l'étranger, l'impôt sur le revenu étranger et l'impôt sur le revenu néerlandais sont
perçus séparément. Si le contribuable est également redevable de cotisations
d'assurances sociales, les règles concernant la perception et le recouvrement de
l'impôt sur le revenu s'appliquent mutatis mutandis.
- 9.
- La perception des cotisations d'assurances sociales aux Pays-Bas est régie par la
wet financiering volksverzekering (loi sur le financement de la sécurité sociale, ci-après la «WFV»). En vertu de l'article 8 de la WFV, le revenu pris en compte aux
fins du calcul des cotisations est égal au revenu imposable ou au revenu imposable
de résident au sens de la WIB. Toutefois, étant donné que les prestations
auxquelles le contribuable a droit au titre des assurances sociales n'ont pas de
rapport avec le montant des cotisations versées, l'article 10, paragraphe 6, de la
WFV précise que ces dernières ne sont perçues que sur un montant correspondant
à la première tranche de l'impôt sur le revenu et ne dépassent donc pas, en
principe, un niveau déterminé (ci-après le «plafond»).
- 10.
- L'article 8, précité, ne fournit pas de base juridique aux fins de la perception des
cotisations lorsqu'une personne obligatoirement assurée jouit de revenus qui ne
sont pas soumis à l'impôt sur le revenu des résidents. Toutefois, conformément à
l'article 6 de l'uitvoeringsregeling premieheffing volksverzekeringen (arrêté
d'exécution en matière de cotisations d'assurances sociales), les personnes assurées
au titre d'activités dont le produit n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu sont
considérées, aux fins de l'application de l'article 8 de la WFV, comme assujetties
à l'impôt sur le revenu pour ce produit également. Pour ces personnes, les revenus
nets provenant des activités au titre desquelles elles sont assurées sont, aux fins de
l'application de l'article 8 de la WFV, comptabilisées dans le revenu imposable de
résident pour l'impôt sur le revenu.
- 11.
- Il s'ensuit que, si une personne a été assujettie au cours de la même année à
l'impôt des résidents et à l'impôt des non-résidents, elle se voit notifier deux avis
d'imposition combinée. Toutefois, pour les contribuables qui restent soumis au
régime obligatoire des assurances sociales pendant toute l'année, chacun de ces
deux avis d'imposition reprend l'assiette maximale sur laquelle les cotisations
d'assurances sociales peuvent être perçues. Selon les circonstances de l'espèce, ce
régime peut avoir pour conséquence que les cotisations dont l'intéressé est
redevable dépassent le plafond calculé sur un montant correspondant à la première
tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Dans certains cas, ce désavantage peut
être compensé, voire plus que compensé, par d'autres avantages tenant à la
circonstance que le revenu de chaque période est soumis à l'impôt sur le revenu
séparément, ce qui peut conduire à l'application de taux d'imposition moins élevés.
Le litige au principal
- 12.
- Du 1er janvier au 6 novembre 1990, M. Terhoeve, ressortissant néerlandais, résidait
et travaillait au Royaume-Uni parce que son employeur, établi aux Pays-Bas, l'y
avait détaché. Pendant cette période, en vertu de la loi néerlandaise, il était
considéré comme un contribuable non-résident aux fins de la perception de l'impôt
sur le revenu. Par conséquent, les revenus qu'il a acquis par ses activités au
Royaume-Uni pendant ces quelques mois n'ont pas été soumis à l'impôt
néerlandais sur le revenu. En revanche, M. Terhoeve a continué à être assuré au
titre du régime obligatoire néerlandais de sécurité sociale.
- 13.
- Le 7 novembre 1990, l'intéressé a transféré sa résidence aux Pays-Bas et, jusqu'à
la fin de cette année, a eu dans cet État la qualité de contribuable résident aux fins
de la perception de l'impôt sur le revenu. Lors de l'audience devant la juridiction
nationale, M. Terhoeve a déclaré, sans être contredit, qu'il n'avait pas acquis
l'essentiel de son revenu dans un seul État membre pendant l'année 1990.
- 14.
- Le 29 avril 1992, l'inspecteur a appliqué à l'intéressé, pour la période pendant
laquelle il était contribuable résident, une imposition combinée incluant l'impôt sur
le revenu et les cotisations d'assurances sociales. Cette imposition a été calculée sur
la base d'un revenu imposable de 15 658 HFL et comprenait un montant de 1 441
HFL au titre de cotisations d'assurances sociales, calculé sur une assiette de 6 522
HFL. L'intéressé a retiré la réclamation qu'il avait formée dans un premier temps
contre cette imposition, laquelle est ainsi devenue inattaquable.
- 15.
- Le 30 juin 1992, l'inspecteur a appliqué à l'intéressé, pour la période pendant
laquelle il était contribuable non-résident, une autre imposition combinée,
comprenant, d'une part, l'impôt sur le revenu, calculé sur un revenu de résident de
16 201 HFL provenant d'une activité salariée exercée aux Pays-Bas et d'immeubles
situés dans le même État et, d'autre part, des cotisations d'assurances sociales
calculées sur la base d'une assiette de 98 201 HFL et s'élevant à 9 309 HFL, qui
correspondaient au montant maximal visé à l'article 10, paragraphe 6, de la WFV.
- 16.
- L'inspecteur est parvenu à ce montant de cotisations parce qu'il a notamment tenu
compte des revenus non soumis à l'impôt néerlandais sur le revenu que M.Terhoeve avait acquis en 1990 par son activité salariée au Royaume-Uni.
- 17.
- Il résulte de ce qui précède que les cotisations d'assurances sociales réclamées à
M. Terhoeve dans les deux avis d'imposition s'élevaient à 10 750 HFL (soit 1 441
HFL pour la période où il avait la qualité de résident et 9 309 HFL pour la
période où il avait la qualité de non-résident). En revanche, conformément aux
dispositions néerlandaises applicables, un contribuable qui aurait eu la qualité de
résident ou de non-résident durant l'année entière n'aurait versé des cotisations
d'assurances sociales qu'à concurrence du plafond de 9 309 HFL.
- 18.
- Il est constant que le paiement d'une cotisation supérieure au plafond n'entraîne
pas de droit à des prestations supplémentaires, puisque les prestations auxquelles
le contribuable a droit au titre des assurances sociales n'ont pas de rapport avec
les montants versés au titre des cotisations. Par conséquent, M. Terhoeve a dû
payer un montant supérieur au plafond maximal pour l'année 1990, mais il n'a pas
acquis plus de droits que des personnes ayant versé des cotisations correspondant
au plafond.
- 19.
- M. Terhoeve a d'abord introduit une réclamation contre le second avis d'imposition
auprès de l'inspecteur, qui l'a rejetée.
- 20.
- Il a ensuite introduit un recours auprès du Gerechtshof te 's-Hertogenbosch, en
alléguant notamment que la législation néerlandaise, qui prévoit deux impositions
distinctes alors que le plafond prévu pour la perception des cotisations sociales
n'est pas réduit en fonction de la période couverte, est incompatible avec l'article
48 du traité. Selon M. Terhoeve, s'agissant du calcul des cotisations d'assurances
sociales pour la période allant du 1er janvier au 6 novembre 1990 inclus, on est en
présence d'une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, en ce sens que les
émigrants et les immigrants frappés d'une charge de cotisations plus lourde sont
principalement des ressortissants des autres États membres.
- 21.
- Sans fournir de données plus précises pour étayer sa thèse, l'inspecteur a objecté
devant la juridiction nationale que près de la moitié des contribuables non-résidents
réels et fictifs étaient des ressortissants néerlandais, ce que l'intéressé ne s'est pas
estimé en mesure de contredire de manière motivée.
- 22.
- Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, en vertu des règles de preuve
néerlandaises applicables en matière fiscale, la thèse de M. Terhoeve doit par
conséquent être rejetée.
- 23.
- En premier lieu, le juge national n'est pas certain que l'espèce au principal relève
de l'article 48 du traité. En deuxième lieu, il se demande si le droit néerlandais de
la preuve peut être appliqué sans restrictions ou si le droit communautaire impose
certains principes ou règles en la matière. En troisième lieu, il s'interroge sur la
portée des dispositions communautaires relatives à la libre circulation des
travailleurs. Enfin, il se demande quelles seraient les conséquences à tirer au cas
où les dispositions néerlandaises seraient incompatibles avec le droit
communautaire.
- 24.
- Estimant qu'il était nécessaire d'interroger la Cour sur l'interprétation du droit
communautaire, le Gerechtshof te 's Hertogenbosch a sursis à statuer pour lui
poser les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les dispositions du droit communautaire en matière de libre circulation des
travailleurs s'appliquent-elles à une personne qui possède la nationalité d'un
État membre, transfère en cours d'année sa résidence d'un autre État
membre dans celui dont elle est ressortissante et exerce pendant cette
année une activité salariée successivement dans chacun de ces États
membres, et dont le revenu n'a par ailleurs pas été acquis pendant cette
année en grande partie dans un seul des deux États membres?
2) a) Résulte-t-il des règles du droit communautaire, et en particulier des
articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE et de l'article 7,
paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, que, lorsqu'on applique une
législation qui défavorise les émigrants et les immigrants en ce qui
concerne les cotisations d'assurances sociales, il faut présumer que ce
traitement plus défavorable affecte principalement des ressortissants
d'autres États?
b) En cas de réponse affirmative à la question sous a), s'agit-il alors
d'une présomption réfragable ou irréfragable?
c) S'il s'agit d'une présomption réfragable, les possibilités de
renversement de cette présomption sont-elles régies uniquement par
les règles de procédure nationales, et en particulier par les règles de
droit de la preuve de l'État membre concerné, ou le droit
communautaire soumet-il également un tel renversement à des
conditions?
d) Si le droit communautaire soumet le renversement de cette
présomption à des conditions, quelle est alors la portée qui revient
dans la présente affaire aux circonstances suivantes:
l'administration défenderesse a affirmé que la catégorie
beaucoup plus large des contribuables résidant à l'étranger
était composée, pour près de la moitié, de ressortissants de son
propre État, sans verser au dossier de la procédure les données
sur lesquelles cette affirmation repose;
l'intéressé, qui a invoqué une discrimination indirecte selon la
nationalité, n'a pas contredit l'exactitude de cette affirmation de
l'administration; et
l'administration défenderesse est sensiblement mieux à même
que l'intéressé de rassembler des données susceptibles de
renverser éventuellement la présomption en question?
3) Existe-t-il une règle de droit communautaire qui, indépendamment de la
question de l'existence d'une discrimination (indirecte) selon la nationalité,
s'oppose à ce qu'un État membre impose, pendant l'année du transfert de
résidence, à un travailleur qui, au cours d'une année civile, transfère sa
résidence de cet État membre dans un autre ou inversement, une charge de
cotisations d'assurances sociales plus lourde qu'à un travailleur qui, dans des
circonstances par ailleurs identiques, conserve pendant toute cette année sa
résidence dans un seul État membre?
4) Si une charge de cotisations plus lourde, au sens de la question précédente,
est en principe contraire à l'article 7 ou à l'article 48, paragraphe 2, du
traité CEE, ou à toute autre règle de droit communautaire, cette mesure
peut-elle alors être justifiée par une ou plusieurs des circonstances suivantes,
examinées séparément ou de manière combinée:
la mesure résulte d'une législation qui, dans un but de simplification
de la perception, vise à faire coïncider à un haut degré, même si ce
n'est pas de manière complète, la perception de l'impôt sur le revenu
et des cotisations d'assurances sociales;
les solutions qui, tout en conservant ce lien, s'opposent à cette charge
de cotisations plus lourde, donnent lieu à des problèmes de technique
d'exécution ou à une possibilité de compensation excessive;
dans certaines situations, même si ce n'est pas le cas en l'espèce, la
pression conjointe de l'impôt sur le revenu et des cotisations
d'assurances sociales est moins élevée pour les immigrants et les
émigrants pendant l'année du transfert de résidence que pour des
personnes qui, dans des circonstances par ailleurs identiques,
conservent toute l'année la même résidence?
5) a) Si une charge de cotisations plus lourde, au sens de la question 3, est
contraire à l'article 7 ou à l'article 48, paragraphe 2, du traité CEE,
ou à toute autre règle de droit communautaire, faut-il alors, pour
apprécier si, dans un cas concret, on est effectivement en présence
d'une charge plus lourde, tenir compte uniquement des revenus du
travail, ou également d'autres revenus de l'intéressé, tels que des
revenus immobiliers?
b) Si les revenus autres que la rémunération du travail doivent être
laissés de côté, comment faut-il alors calculer si, et dans quelle
mesure, les cotisations sur le revenu du travail entraînent un
désavantage pour le travailleur migrant concerné?
6) a) S'il y a dans le cas présent une violation d'une règle de droit
communautaire, la juridiction nationale est-elle alors tenue d'éliminer
cette violation, même si cela nécessite un choix entre différentes
options présentant chacune des avantages et des inconvénients?
b) Si la juridiction nationale élimine dans ce cas effectivement une
violation du droit communautaire, ce dernier donne-t-il alors des
indications quant au choix qu'elle doit faire à cet effet entre les
différentes solutions concevables?»
Sur la première question
- 25.
- Par sa première question, la juridiction nationale cherche, en substance, à savoir
si l'article 48 du traité et l'article 7 du règlement n° 1612/68 peuvent être invoqués
par un travailleur à l'encontre de l'État membre dont il est le ressortissant lorsqu'il
a résidé et exercé une activité salariée dans un autre État membre.
- 26.
- A ce propos, il convient de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante,
les règles du traité en matière de libre circulation des personnes et les actes pris
en exécution de celles-ci ne peuvent être appliqués à des activités qui ne présentent
aucun facteur de rattachement à l'une quelconque des situations envisagées par le
droit communautaire et dont l'ensemble des éléments pertinents se cantonnent à
l'intérieur d'un seul État membre (arrêts du 28 janvier 1992, Steen, C-332/90, Rec.
p. I-341, point 9; du 16 janvier 1997, USSL n° 47 di Biella, C-134/95, Rec. p. I-195,
point 19; du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet, C-64/96 et C-65/96, Rec. p. I-3171,
point 16, et du 2 juillet 1998, Kapasakalis e.a., C-225/95 à C-227/95, non encore
publié au Recueil, point 22).
- 27.
- Cependant, ainsi que la Cour l'a notamment indiqué dans l'arrêt du 23 février 1994,
Scholz (C-419/92, Rec. p. I-505, point 9), tout ressortissant communautaire,
indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage du
droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité
professionnelle dans un autre État membre, relève du champ d'application des
dispositions susmentionnées.
- 28.
- Il en découle que, en l'espèce au principal, même si M. Terhoeve, ressortissant
néerlandais, souhaite se prévaloir des règles relatives à la libre circulation des
travailleurs vis-à-vis des autorités néerlandaises, cela n'a pas d'incidence sur
l'application desdites règles. En effet, l'intéressé se plaint précisément d'avoir été
défavorisé du fait qu'il a exercé son activité dans un autre État membre.
- 29.
- Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 48 du traité et
l'article 7 du règlement n° 1612/68 peuvent être invoqués par un travailleur à
l'encontre de l'État membre dont il est le ressortissant lorsqu'il a résidé et exercé
une activité salariée dans un autre État membre.
Sur les deuxième et troisième questions
- 30.
- Par ses deuxième et troisième questions, qu'il convient de traiter conjointement, la
juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 7 et 48 du traité ou
l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 s'opposent à ce qu'un État
membre perçoive d'un travailleur ayant transféré en cours d'année sa résidence
d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée des cotisations
d'assurances sociales plus lourdes que celles qui seraient dues, dans des
circonstances analogues, par un travailleur qui aurait conservé pendant toute
l'année sa résidence dans l'État membre en question, sans que le premier
travailleur bénéficie au demeurant de prestations sociales supplémentaires. Pourle cas où la réponse à cette question dépendrait de l'existence d'une discrimination
à l'encontre des travailleurs ressortissants d'autres États membres, ladite juridiction
souhaite encore savoir si, en pareilles circonstances, une telle discrimination doit
être présumée et, le cas échéant, si cette présomption peut être renversée et à
quelles conditions.
- 31.
- A titre liminaire, il y a lieu de relever, d'une part, que, conformément à l'article 14,
point 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971, relatif à
l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs
non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la
Communauté, dans sa rédaction résultant du règlement (CEE) n° 2001/83 du
Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), la personne qui exerce une activité
salariée sur le territoire d'un État membre au service d'une entreprise dont elle
relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d'un
autre État membre afin d'y effectuer un travail pour le compte de celle-ci demeure
soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée
prévisible de ce travail n'excède pas douze mois et qu'elle ne soit pas envoyée en
remplacement d'une autre personne parvenue au terme de sa période de
détachement.
- 32.
- Il en découle que, en ce qui concerne le régime de sécurité sociale, une personne
se trouvant dans la situation de M. Terhoeve continue en principe de relever,
pendant la période où elle exerce son activité au Royaume-Uni, de la législation
néerlandaise.
- 33.
- D'autre part, il convient d'examiner l'argument avancé à l'audience par le
gouvernement néerlandais. Après avoir rappelé que le droit communautaire ne
porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs
régimes de sécurité sociale (arrêts du 7 février 1984, Duphar e.a., 238/82, Rec. p.
523; du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637; du
26 mars 1996, García e.a., C-238/94, Rec. p. I-1673, et du 17 juin 1997, Sodemare
e.a., C-70/95, Rec. p. I-3395), ce gouvernement a fait valoir que les autorités
nationales peuvent déterminer librement les modalités de financement de ces
régimes.
- 34.
- Or, s'il est vrai que, en l'absence d'une harmonisation au niveau communautaire,
il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions
du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale, les États
membres doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le
droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 28 avril 1998, Decker, C-120/95,
Rec. p. I-1831, points 22 et 23, et Kohll, C-158/96, Rec. p. I-1931, points 18 et 19).
- 35.
- Par conséquent, le fait que la réglementation nationale en cause au principal
concerne le financement de la sécurité sociale n'est pas de nature à exclure
l'application des règles du traité et, notamment, de celles relatives à la libre
circulation des travailleurs.
- 36.
- S'agissant de l'article 48 du traité, qu'il y a lieu d'examiner en premier lieu, la Cour
a constaté à maintes reprises que cette disposition met en oeuvre un principe
fondamental consacré par l'article 3, sous c), du traité CE, selon lequel, aux fins
énoncées à l'article 2, l'action de la Communauté comporte l'abolition, entre les
États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes (voir, notamment,
arrêts du 7 juillet 1976, Watson et Belmann, 118/75, Rec. p. 1185, point 16, et du
7 juillet 1992, Singh, C-370/90, Rec. p. I-4265, point 15).
- 37.
- La Cour a également considéré que l'ensemble des dispositions du traité relatives
à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants
communautaires, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur le
territoire de la Communauté et s'opposent aux mesures qui pourraient défavoriser
ces ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le
territoire d'un autre État membre (arrêts du 7 juillet 1988, Stanton, 143/87, Rec.
p. 3877, point 13; Singh, précité, point 16, et du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 94).
- 38.
- Dans ce contexte, les ressortissants des États membres disposent en particulier du
droit, qu'ils tirent directement du traité, de quitter leur État d'origine pour se
rendre sur le territoire d'un autre État membre et y séjourner afin d'y exercer une
activité économique (voir, notamment, arrêts du 5 février 1991, Roux, C-363/89,
Rec. p. I-273, point 9; Singh, précité, point 17, et Bosman, précité, point 95).
- 39.
- Des dispositions qui empêchent ou dissuadent un ressortissant d'un État membre
de quitter son État d'origine pour exercer son droit à la libre circulation
constituent, dès lors, des entraves à cette liberté même si elles s'appliquent
indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés (arrêts du 7 mars
1991, Masgio, C-10/90, Rec. p. I-1119, points 18 et 19, et Bosman, précité, point
96).
- 40.
- Or, le ressortissant d'un État membre pourrait être dissuadé de quitter l'État
membre où il réside pour exercer une activité salariée, au sens du traité, sur le
territoire d'un autre État membre s'il se voyait imposer le paiement de cotisations
sociales plus lourdes que dans le cas où il garderait sa résidence dans le même État
membre pendant toute l'année, sans pour autant bénéficier de prestations sociales
supplémentaires, de nature à compenser ladite majoration.
- 41.
- Il s'ensuit qu'une législation nationale telle que celle en cause au principal constitue
une entrave à la libre circulation des travailleurs, interdite, en principe, par l'article
48 du traité. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de s'interroger sur l'existence
d'une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, susceptible d'être interdite
par les articles 7 ou 48 du traité ou par l'article 7, paragraphe 2, du règlement n°
1612/68, ni sur le régime des présomptions éventuellement applicables à cet égard.
- 42.
- Il y a donc lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l'article 48
du traité s'oppose à ce qu'un État membre perçoive d'un travailleur ayant transféré
en cours d'année sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une
activité salariée des cotisations d'assurances sociales plus lourdes que celles qui
seraient dues, dans des circonstances analogues, par un travailleur qui aurait
conservé pendant toute l'année sa résidence dans l'État membre en question, sans
que le premier travailleur bénéficie au demeurant de prestations sociales
supplémentaires.
Sur la quatrième question
- 43.
- A la lumière de la réponse fournie aux questions qui précèdent, il y a lieu de
considérer que, par sa quatrième question, la juridiction de renvoi vise à savoir si
une charge de cotisations plus lourde frappant un travailleur qui transfère sa
résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité salariée, en
principe contraire à l'article 48 du traité, peut être justifiée, en premier lieu, par
le fait qu'elle découle d'une législation poursuivant un objectif de simplification et
de coordination de la perception de l'impôt sur le revenu et des cotisations
d'assurances sociales, en deuxième lieu, par des difficultés d'ordre technique liées
à l'adoption d'autres modalités de perception, et, en troisième lieu, par la
circonstance que, dans certaines situations, d'autres avantages tenant à l'impôt sur
le revenu peuvent compenser, voire excéder, le désavantage concernant les
cotisations sociales.
- 44.
- En ce qui concerne la première justification visée, il convient d'observer que les
États membres restent en principe libres de régler les modalités de la perception
des impôts et des cotisations de sécurité sociale et qu'ils peuvent certes poursuivre
un objectif de simplification et de coordination de ces modalités. Cependant, aussi
souhaitable que soit la poursuite de cet objectif, il ne saurait justifier qu'il soit porté
atteinte aux droits que les particuliers tirent des dispositions du traité consacrant
leurs libertés fondamentales.
- 45.
- Il en va de même pour la deuxième justification ainsi visée. En effet, des
considérations d'ordre administratif ne sauraient justifier une dérogation, par un
État membre, aux règles du droit communautaire. Ce principe s'applique d'autant
plus lorsque la dérogation en cause revient à exclure ou à restreindre l'exercice
d'une des libertés fondamentales du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt
du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne, 205/84, Rec. p. 3755, point 54).
- 46.
- En ce qui concerne la troisième des justifications évoquées par la juridiction
nationale, il suffit de constater, à la lumière du dossier, qu'une personne se
trouvant dans la situation de M. Terhoeve ne bénéficie d'aucun avantage relatif au
calcul de l'impôt sur le revenu. La circonstance que d'autres travailleurs ayant
transféré leur résidence en cours d'année, placés dans d'autres situations, peuvent
se trouver avantagés quant au calcul de l'impôt sur le revenu ne saurait ni effacer
ni compenser l'entrave à la libre circulation précédemment décrite (voir, en ce sens,
arrêt du 7 juin 1988, Roviello, 20/85, Rec. p. 2805).
- 47.
- Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question qu'une charge de cotisations
plus lourde frappant un travailleur qui transfère sa résidence d'un État membre
dans un autre pour y exercer une activité salariée, en principe contraire à l'article
48 du traité, ne peut être justifiée ni par le fait qu'elle découle d'une législation
poursuivant un objectif de simplification et de coordination de la perception de
l'impôt sur le revenu et des cotisations d'assurances sociales, ni par des difficultés
d'ordre technique faisant obstacle à d'autres modalités de perception, ni par la
circonstance que, dans certaines situations, d'autres avantages tenant à l'impôt sur
le revenu peuvent compenser, voire excéder, le désavantage concernant les
cotisations sociales.
Sur la cinquième question
- 48.
- Par sa cinquième question, le juge national demande en substance si, pour
apprécier si la charge des cotisations d'assurances sociales supportée par un
travailleur ayant transféré sa résidence d'un État membre dans un autre pour y
exercer une activité salariée est plus lourde que celle supportée par un travailleur
ayant gardé sa résidence dans le même État membre, doivent être pris en
considération les seuls revenus provenant d'une activité de travail salarié ou
également d'autres revenus, tels ceux provenant d'immeubles.
- 49.
- Il convient d'observer, d'une part, que l'article 48 du traité ne s'applique qu'aux
travailleurs salariés et à ceux qui se déplacent pour chercher un emploi. Ne
relèvent donc pas comme telles de cette disposition les personnes qui tirent des
revenus d'autres sources, et notamment de biens immobiliers.
- 50.
- Cependant, un individu qui relève du champ d'application personnel de l'article 48
peut invoquer cette disposition pour s'opposer à une législation nationale qui
comporte une entrave à son droit de libre circulation, quel que soit le mécanisme
qui est à l'origine de cette entrave.
- 51.
- D'autre part, en l'absence d'une harmonisation communautaire des législations
nationales, il appartient en principe aux États membres de déterminer les revenus
à prendre en compte pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
- 52.
- Toutefois, si la législation nationale détermine le niveau des cotisations de sécurité
sociale en tenant compte non seulement des revenus du travail, mais également
d'autres revenus, elle ne saurait aboutir par ce biais à pénaliser les travailleurs qui
se déplacent, en cours d'année, pour exercer leur activité sur le territoire d'un autre
État membre par rapport à ceux qui gardent leur résidence dans le même État
membre. Par conséquent, en pareille hypothèse, la nature des revenus pris encompte pour la détermination des cotisations de sécurité sociale n'a aucune
pertinence en l'espèce au principal.
- 53.
- Il convient donc de répondre à la cinquième question que, pour apprécier si la
charge des cotisations d'assurances sociales supportée par un travailleur ayant
transféré sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité
salariée est plus lourde que celle supportée par un travailleur ayant gardé sa
résidence dans le même État membre, tous les revenus pertinents selon la
législation nationale pour déterminer le montant des cotisations, y compris le cas
échéant ceux provenant d'immeubles, doivent être pris en considération.
Sur la sixième question
- 54.
- Au vu des réponses apportées aux questions précédentes, la sixième question porte
sur les conséquences qui s'attacheraient à la constatation, par la juridiction
nationale, de l'incompatibilité de la législation nationale litigieuse avec l'article 48
du traité.
- 55.
- Ainsi que la Cour l'a dit pour droit dès l'arrêt du 4 décembre 1974, Van Duyn
(41/74, Rec. p. 1337), l'article 48 du traité a un effet direct dans les ordres
juridiques des États membres et confère aux particuliers des droits que les
juridictions nationales doivent sauvegarder.
- 56.
- Il est également de jurisprudence constante que chaque juridiction nationale a
l'obligation d'appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les
droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant au besoin inappliquée toute
disposition éventuellement contraire de la loi nationale.
- 57.
- Par ailleurs, lorsque le droit national prévoit un traitement différencié entre
plusieurs groupes de personnes, en violation du droit communautaire, les membres
du groupe défavorisé doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le
même régime que les autres intéressés, régime qui, à défaut de l'application
correcte du droit communautaire, reste le seul système de référence valable (voir,
mutatis mutandis, arrêts du 4 décembre 1986, Federatie Nederlandse Vakbeweging,
71/85, Rec. p. 3855; du 24 mars 1987, McDermott et Cotter, 286/85, Rec. p. 1453;
du 13 décembre 1989, Ruzius-Wilbrink, C-102/88, Rec. p. 4311; du 27 juin 1990,
Kowalska, C-33/89, Rec. p. I-2591, et du 7 février 1991, Nimz, C-184/89, Rec. p. I-297).
- 58.
- Il s'ensuit que les cotisations de sécurité sociale dues par un travailleur qui
transfère sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité
salariée doivent être fixées au même niveau que celles qui seraient dues par un
travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État membre.
- 59.
- Il y a donc lieu de répondre à la sixième question que, au cas où la législation
nationale litigieuse serait incompatible avec l'article 48 du traité, un travailleur qui
transfère sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité
salariée a le droit de voir fixer ses cotisations d'assurances sociales au même niveau
que celles qui seraient dues par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le
même État membre.
Sur les dépens
- 60.
- Les frais exposés par le gouvernement néerlandais et par la Commission, qui ont
soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident
soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les
dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
statuant sur les questions à elle soumises par le Gerechtshof te 's Hertogenbosch,
par ordonnance du 30 décembre 1994, dit pour droit:
1) L'article 48 du traité CEE et l'article 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du
Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à
l'intérieur de la Communauté, peuvent être invoqués par un travailleur à
l'encontre de l'État membre dont il est le ressortissant lorsqu'il a résidé et
exercé une activité salariée dans un autre État membre.
2) L'article 48 du traité s'oppose à ce qu'un État membre perçoive d'un
travailleur ayant transféré en cours d'année sa résidence d'un État membre
dans un autre pour y exercer une activité salariée des cotisations
d'assurances sociales plus lourdes que celles qui seraient dues, dans des
circonstances analogues, par un travailleur qui aurait conservé pendant
toute l'année sa résidence dans l'État membre en question, sans que le
premier travailleur bénéficie au demeurant de prestations sociales
supplémentaires.
3) Une charge de cotisations plus lourde frappant un travailleur qui transfère
sa résidence d'un État membre dans un autre pour y exercer une activité
salariée, en principe contraire à l'article 48 du traité, ne peut être justifiée
ni par le fait qu'elle découle d'une législation poursuivant un objectif de
simplification et de coordination de la perception de l'impôt sur le revenu
et des cotisations d'assurances sociales, ni par des difficultés d'ordre
technique faisant obstacle à d'autres modalités de perception, ni par la
circonstance que, dans certaines situations, d'autres avantages tenant à
l'impôt sur le revenu peuvent compenser, voire excéder, le désavantage
concernant les cotisations sociales.
4) Pour apprécier si la charge des cotisations d'assurances sociales supportée
par un travailleur ayant transféré sa résidence d'un État membre dans un
autre pour y exercer une activité salariée est plus lourde que celle supportée
par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État membre,
tous les revenus pertinents selon la législation nationale pour déterminer
le montant des cotisations, y compris le cas échéant ceux provenant
d'immeubles, doivent être pris en considération.
5) Au cas où la législation nationale litigieuse serait incompatible avec l'article
48 du traité, un travailleur qui transfère sa résidence d'un État membre
dans un autre pour y exercer une activité salariée a le droit de voir fixer ses
cotisations d'assurances sociales au même niveau que celles qui seraient
dues par un travailleur ayant gardé sa résidence dans le même État
membre.
Kapteyn Hirsch Jann
Mancini Moitinho de Almeida Gulmann Murray
Sevón Wathelet Schintgen Ioannou
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 janvier 1999.
Le greffier
Le président
R. Grass
G.C. Rodríguez Iglesias