Language of document : ECLI:EU:C:2019:417

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

15 mai 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fonction publique – Cumul d’émoluments provenant de l’exercice d’activités salariées ou non salariées au service d’une ou plusieurs entités étatiques – Réglementation nationale prévoyant un plafond pour un tel cumul – Situation purement interne – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Irrecevabilité manifeste »

Dans les affaires jointes C‑789/18 et C‑790/18,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie), par décisions du 7 novembre 2018, parvenues à la Cour le 12 décembre 2018, dans les procédures

AQ e.a. (C-789/18)

et

ZQ (C-790/18)

contre

Corte dei conti,

Presidenza del Consiglio dei Ministri,

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Inps-Gestione (C‑789/18),

en présence de :

BR e.a. (C‑789/18),


LA COUR (septième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. P. G. Xuereb et A. Kumin, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 2, 3 et 6 TUE, des articles 8, 9, 14, 15, 45, 106, 107, 126, 145, 146, 147 et 151 TFUE, des articles 15, 20, 21 et 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des articles 3, 5 à 7, 10 et 15 du socle européen des droits sociaux.

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, AQ e.a. à la Corte dei conti (cour des comptes, Italie), à la Presidenza del Consiglio dei Ministri (Présidence du Conseil des ministres, Italie), au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie) ainsi qu’à Inps-Gestione et, d’autre part, ZQ aux trois premiers de ces défendeurs au principal au sujet de décisions du Segretariato Generale della Corte dei conti (secrétariat général de la cour des comptes, Italie) prévoyant la diminution de la rémunération des requérants au principal.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 94 du règlement de procédure de la Cour dispose :

« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :

a)      un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;

b)      la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;

c)      l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »

 Le droit italien

4        L’article 23 ter, paragraphe 1, du décret-loi n° 201, du 6 décembre 2011, converti et modifié par la loi n° 214, du 22 décembre 2011 (supplément ordinaire à la GURI n° 300, du 27 décembre 2011, ci-après le « décret-loi n° 201/2011 »), dispose :

« Le président du Conseil des ministres définit par décret [...] la rémunération annuelle forfaitaire de toute personne qui reçoit à la charge des finances publiques des émoluments ou une rémunération dans le cadre d’une relation de travail salarié ou non salarié avec les administrations publiques de l’État [...] en établissant comme critère maximal de référence le traitement du premier président de la Corte [suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie)]. Aux fins de l’application de la réglementation visée au présent paragraphe, sont prises cumulativement en compte toutes les sommes versées à l’intéressé à la charge du même ou de plusieurs organismes, y compris en cas de pluralité de fonctions attribuées par un même organisme au cours de l’année. »

5        L’article 13, paragraphe 1, du décret-loi n° 66, du 24 avril 2014, converti et modifié par la loi n° 89, du 23 juin 2014 (GURI n° 143, du 23 juin 2014), énonce :

« À compter du 1er mai 2014, la limite maximale de la rémunération du premier président de la Corte [suprema di cassazione (Cour de cassation)] prévue aux articles 23 bis et 23 ter du [décret-loi n° 201/2011], tel que modifié et complété par la suite, est fixée à 240 000 euros par an, avant déduction des cotisations de sécurité sociale et des charges fiscales du salarié. [...] »

6        L’article 1er, paragraphe 489, de la loi n° 147, du 27 décembre 2013 (supplément ordinaire à la GURI n° 302, du 27 décembre 2013, ci-après la « loi n° 147/2013 »), prévoit :

« Les personnes déjà titulaires d’une pension de retraite versée par les organismes de sécurité sociale, les administrations publiques et les organismes du secteur public [...] ne peuvent bénéficier de rémunérations forfaitaires qui, ajoutées à la pension de retraite, dépassent le plafond fixé en vertu de l’article 23 ter, paragraphe 1, du [décret-loi n° 201/2011]. La pension de retraite visée au présent paragraphe comprend notamment les rentes, y compris celles afférentes à des fonctions publiques électives. Cela s’entend sans préjudice des contrats et fonctions en cours jusqu’au terme naturel qu’ils prévoient. Les instances constitutionnelles appliquent les principes visés au présent paragraphe dans le respect de leurs organisations. »

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

7        Les requérants au principal, qui ont la nationalité italienne, sont des magistrats de la Corte dei conti (cour des comptes). Ils perçoivent des émoluments au titre d’une activité antérieure, exercée au service d’une ou de plusieurs entités étatiques.

8        Au cours de l’année 2014, le secrétariat général de la cour des comptes a adopté des décisions à l’égard des requérants au principal, ayant eu pour objet la diminution de leur rémunération de juge à partir du 1er mai 2014, en raison du fait que cette rémunération et les émoluments perçus au titre d’activités antérieures dépassaient le plafond de 240 000 euros prévu par la réglementation nationale. Les requérants au principal ont introduit des recours contre ces décisions devant la juridiction de renvoi en demandant, notamment, l’annulation de celles-ci.

9        La juridiction de renvoi fait observer que la réglementation nationale en cause au principal prévoit un plafond, que ne doit pas dépasser le montant, à la charge des finances publiques, pouvant être accordé à une personne à titre d’émoluments ou de rémunération pour l’exercice d’une activité salariée ou non salariée au service d’une ou de plusieurs entités publiques. Ce plafond devrait être aussi respecté lors d’un cumul d’émoluments et de revenus. La réglementation nationale en cause au principal, notamment l’article 1er, paragraphe 489, de la loi n° 147/2013, aurait pour effet une diminution de la rémunération de la personne concernée, afin que celle-ci ne dépasse pas ledit plafond. Cette personne devrait accepter cette diminution ou démissionner.

10      Selon la juridiction de renvoi, il y a lieu de s’interroger sur la compatibilité de cette réglementation avec le droit de l’Union. Dans la mesure où tous les ressortissants de l’Union européenne auraient désormais la possibilité d’accéder à des postes de la fonction publique italienne lorsque ces postes n’impliquent pas l’exercice de la puissance publique, des ressortissants d’États membres autres que la République italienne pourraient être soumis à la réglementation nationale en cause au principal. Il ne saurait donc être exclu que ces ressortissants, qui se sont établis en Italie, perçoivent, à l’issue d’une longue carrière dans cet État membre, une pension octroyée par un organisme public de sécurité sociale et soient ainsi contraints soit de renoncer à l’emploi qu’ils occupent, soit d’accepter d’exercer cette activité professionnelle en bénéficiant de conditions de rémunération moins favorables que celles accordées à d’autres personnes exerçant une activité identique.

11      En outre, la juridiction de renvoi considère que la réglementation en cause au principal peut avoir pour effet secondaire de réduire la possibilité, pour les ressortissants de l’Union, d’accéder à des emplois publics, dans la mesure où les autorités italiennes pourraient être enclines à privilégier l’attribution d’emplois vacants à des personnes qui sont déjà titulaires d’une pension octroyée par un organisme public italien et dont la rémunération serait réduite en application de cette réglementation.

12      C’est dans ces conditions que le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, rédigées de manière identique dans les affaires jointes C‑789/18 et C‑790/18 :

« 1)      L’article 3, paragraphes 2 et 3, TUE, les articles 9, 45, 126, 145, 146, 147 et l’article 151, premier alinéa, TFUE, l’article 15, paragraphe 2, de la [Charte] et les articles 3 et 5 du socle européen des droits sociaux s’opposent-ils à une disposition nationale telle que l’article 1er, paragraphe 489, de la loi n° 147/2013, dans la mesure où cette norme incite les administrations publiques italiennes à privilégier, lors de l’engagement ou de l’attribution de fonctions, les seuls travailleurs déjà titulaires d’une pension octroyée par des organismes de sécurité sociale publics italiens ?

2)      L’article 106, paragraphe 1, et l’article 107 TFUE s’opposent-ils à une disposition du droit national telle que l’article 1er, paragraphe 489, de la loi n° 147/2013, qui permet aux administrations publiques italiennes engagées dans des activités économiques, soumises au respect des articles 101 et suivants TFUE, d’employer des personnes qui ont consenti à renoncer, en totalité ou en partie, à la rémunération correspondante, permettant ainsi une économie de coûts de nature à avantager cette administration dans la concurrence avec d’autres opérateurs économiques ?

3)      Les articles 2, 3 et 6 TUE, l’article 126 et l’article 151, premier alinéa, TFUE, l’article 15, paragraphe 2, de la [Charte] et l’article 3 et l’article 7, sous a), du socle européen des droits sociaux s’opposent-ils à une disposition nationale telle que l’article 1er, paragraphe 489, de la loi n° 147/2013, qui admet, dans les conditions qu’elle définit, qu’un travailleur puisse valablement renoncer, en totalité ou en partie, à sa rémunération, même si cette renonciation ne vise qu’à éviter la perte de son emploi ?

4)      Les articles 2, 3 et 6 TUE, l’article 14, l’article 15, paragraphe 1, l’article 126 et l’article 151, premier alinéa, TFUE, l’article 31, paragraphe 1, de la [Charte] et les articles 5, 6 et 10 du socle européen des droits sociaux s’opposent-ils à une disposition nationale telle que l’article 1er, paragraphe 489, de la loi n° 147/2013, qui permet, dans les conditions qu’elle définit, à un travailleur d’exercer une activité professionnelle au service d’une administration publique italienne en renonçant en totalité ou en partie à la rémunération correspondante, même si cette renonciation ne s’accompagne d’aucune modification de l’organisation du travail, ni concernant le temps de travail ni concernant la quantité et la qualité du travail requis et les responsabilités qui en découlent, et donc même si la renonciation à une partie de la rémunération entraîne une altération significative du caractère synallagmatique de la relation de travail, tant du point de vue de la proportionnalité entre la rémunération, d’une part, et la qualité et la quantité de travail effectué, d’autre part, que parce que le travailleur en arrive ainsi à être contraint d’exercer son activité dans des conditions de travail non optimales, ce qui l’incite à moins s’investir dans son travail et est à l’origine d’une moindre efficacité de l’administration ?

5)      Les articles 2, 3 et 6 TUE, l’article 126 et l’article 151, premier alinéa, TFUE, l’article 15, paragraphe 2, de la [Charte] et l’article 6 du socle européen des droits sociaux s’opposent-ils aux dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 489, de la loi n° 147/2013 et de l’article 23 ter, paragraphe 1, du décret-loi n° 201/2011 [...], dans la mesure où ces règles permettent ou imposent à une administration publique italienne, y compris pendant la durée de la relation de travail ou de collaboration, de réduire la rémunération due au travailleur en fonction du plafond de rémunération auquel se réfère ledit article 23 ter, paragraphe 1, du décret-loi n° 201/2011 [...], donc en conséquence d’un événement non prévisible et, en tout état de cause, en application d’un mécanisme non immédiatement compréhensible et en dépit des informations fournies au travailleur au début de la relation de travail ?

6)      Les articles 2, 3 et 6 TUE, les articles 8 et 126 TFUE, les articles 20 et 21 de la [Charte] et les articles 10 et 15 du socle européen des droits sociaux s’opposent-ils à une disposition du droit national telle que l’article 1er, paragraphe 489, de la loi n° 147/2013, qui impose, dans les conditions qu’elle définit, aux administrations publiques italiennes de réduire les rémunérations dues à leurs salariés et collaborateurs qui sont titulaires d’une pension octroyée par un organisme public de sécurité sociale, pénalisant ces travailleurs parce que ceux-ci disposent d’autres ressources économiques, ce qui décourage le prolongement de la vie active, l’initiative économique privée et la création et la croissance des actifs privés, qui constituent néanmoins une richesse et un atout pour la nation ? »

 Sur la recevabilité des demandes de décision préjudicielle

13      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

14      Il y a lieu de faire application de ladite disposition dans les présentes affaires.

15      Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instaurée à l’article 267 TFUE, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En effet, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (ordonnance du 31 mai 2018, Bán, C‑24/18, non publiée, EU:C:2018:376, point 14 et jurisprudence citée).

16      En particulier, la juridiction nationale doit indiquer les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. Il est indispensable que la juridiction nationale donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation et sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (ordonnance du 4 juin 2015, Argenta Spaarbank, C‑578/14, non publiée, EU:C:2015:372, point 15 et jurisprudence citée).

17      Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure et sont rappelées dans les recommandations de la Cour à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2018, C 257, p. 1).

18      En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des décisions de renvoi, les éléments des litiges au principal semblent tous se cantonner à l’intérieur de l’État membre concerné. En effet, ces litiges concernent tous des ressortissants italiens qui sont des magistrats de la Corte dei conti (cour des comptes) bénéficiant, en plus de leur rémunération de juge, d’émoluments au titre d’une activité antérieure exercée au service d’une ou de plusieurs entités étatiques et dont la rémunération de juge est diminuée dans la mesure où, ajoutée à ces émoluments provenant d’activités antérieures, cette rémunération dépasse le plafond prévu par la réglementation nationale en cause au principal, lequel s’élève, à partir du 1er mai 2014, à un montant de 240 000 euros par an.

19      En ce qui concerne l’article 45 TFUE, visé par la demande de décision préjudicielle, il convient de constater que ladite demande ne fournit pas d’éléments permettant d’établir que cet article 45 pourrait trouver à s’appliquer aux circonstances des litiges au principal.

20      D’une part, l’article 45, paragraphe 4, TFUE prévoit que les dispositions de l’article 45 TFUE ne sont pas applicables aux emplois dans l’administration publique. À cet égard, la Cour a déjà jugé que cette dérogation s’applique, notamment, aux emplois qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2014, Haralambidis, C‑270/13, EU:C:2014:2185, points 44 et 45 ainsi que jurisprudence citée).

21      D’autre part, indépendamment de la question de savoir si l’exercice de la fonction de magistrat de la Corte dei conti (cour des comptes), qui est en cause dans l’affaire au principal, relève du champ d’application de l’article 45, paragraphe 4, TFUE, il résulte d’une jurisprudence constante que les dispositions du traité FUE en matière de libre circulation des personnes ne peuvent être appliquées à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union et dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (arrêt du 6 octobre 2015, Brouillard, C‑298/14, EU:C:2015:652, point 26).

22      Il apparaît donc que l’article 45 TFUE n’est pas susceptible de conférer des droits aux requérants au principal.

23      Or, dans le contexte d’une situation, telle que celle en cause au principal, dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, il appartient à la juridiction de renvoi d’indiquer à la Cour, conformément à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure, en quoi, en dépit de son caractère purement interne, le litige pendant devant elle présente avec les dispositions du droit de l’Union relatives aux libertés fondamentales un élément de rattachement qui rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige (arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, point 55).

24      En l’occurrence, la juridiction de renvoi n’indique pas en quoi les litiges pendants devant elle présentent, en dépit de leur caractère purement interne, un élément de rattachement avec les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des travailleurs, qui rendrait l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ces litiges. Cette juridiction se limite à relever qu’il ne saurait être exclu que des ressortissants étrangers puissent être soumis à la réglementation nationale en cause au principal dans le cadre d’emplois qui n’impliquent pas l’exercice de la puissance publique.

25      Or, ces éléments ne suffisent pas pour établir un lien de rattachement des litiges au principal avec l’article 45 TFUE. En effet, la Cour a déjà jugé que la seule affirmation, par la juridiction de renvoi, selon laquelle il ne peut être exclu que des ressortissants établis dans d’autres États membres aient été ou soient intéressés à faire usage des dispositions de l’Union relatives aux libertés fondamentales pour exercer des activités sur le territoire de l’État membre ayant édicté la réglementation nationale en cause et, partant, que cette réglementation, indistinctement applicable aux ressortissants nationaux et aux ressortissants d’autres États membres, soit susceptible de produire des effets qui ne sont pas cantonnés à cet État membre ne saurait suffire (arrêt du 20 septembre 2018, Fremoluc, C‑343/17, EU:C:2018:754, point 28).

26      En ce qui concerne les articles 2, 3 et 6 TUE, les articles 8, 9, 14, 15, 106, 107, 126, 145, 146, 147 et 151 TFUE ainsi que les articles 3, 5 à 7, 10 et 15 du socle européen des droits sociaux, la juridiction de renvoi ne précise ni les motifs qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation desdites dispositions ni le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale en cause dans les litiges qui lui sont soumis.

27      S’agissant, enfin, des articles 15, 20, 21 et 31 de la Charte visés par les questions préjudicielles, il convient de rappeler que les dispositions de la Charte s’adressent, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 6, paragraphe 1, TUE ainsi que l’article 51, paragraphe 2, de la Charte précisent que les dispositions de cette dernière n’étendent pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union telles que définies dans les traités.

28      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions de la Charte éventuellement invoquées ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 22 ; du 27 mars 2014, Torralbo Marcos, C‑265/13, EU:C:2014:187, point 30 ; du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 33, ainsi que ordonnance du 26 octobre 2017, Caixa Económica Montepio Geral, C‑333/17, non publiée, EU:C:2017:810, point 15).

29      En l’occurrence, dans la mesure où il ressort des points 19 et 26 de la présente ordonnance que ni l’article 45 TFUE ni aucune autre disposition visée par les questions préjudicielles ne sont applicables aux litiges au principal, il n’apparaît pas que ces litiges portent sur une réglementation nationale mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.

30      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que les demandes de décision préjudicielle introduites par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium) sont manifestement irrecevables.

 Sur les dépens

31      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

Les demandes de décision préjudicielle introduites par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie), par décisions du 7 novembre 2018, sont manifestement irrecevables.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.